T-1529-85
Ivan William Mervin Henry (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIE: HENRY C. CANADA
Division de première instance, juge Strayer—
Prince Albert (Saskatchewan), 17 et 18 mars;
Ottawa, 2 avril 1987.
Pénitenciers — Ouverture du courrier d'un détenu — Cor-
respondance échangée avec des avocats — Action visant à
obtenir une injonction et des dommages-intérêts — L'action
est rejetée, aucun droit n'ayant été violé — Loi sur les péniten-
ciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 29 — Règlement sur le
service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251, art. 28.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Fouille, saisie ou perquisition
Ouverture du courrier d'un détenu — Examen du caractère
raisonnable à la lumière des Directives du commissaire —
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 1 / (R.-U.), art. 1, 7, 8, 9, 10b),
11d), 12, 15(1), 24(1) — Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970,
chap. P-6, art. 29 — Règlement sur le service des pénitenciers,
C.R.C., chap. 1251, art. 28.
Déclaration des droits — Ouverture par les autorités péni-
tentiaires du courrier d'un détenu — S'agit-il d'une violation
des droits de propriété? — Le droit à la possession de biens
dans l'enceinte de l'établissement est éteint pendant la période
licite d'emprisonnement — Un détenu n'a pas le droit de
recevoir son courrier sans que celui-ci ait été ouvert — Le
caractère confidentiel des documents est une question de pro
tection de la vie privée et non de droit de propriété — Aucune
atteinte au droit à l'égalité — Déclaration canadienne des
droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. la),b), 2e)f),g).
Pratique — Frais et dépens — L'action intentée par le
détenu pour ouverture illicite de son courrier est rejetée — Il
n'existe aucun motif d'accorder un traitement spécial aux
détenus quand il s'agit de la question des dépens — Le
demandeur est condamné à verser les dépens.
Le demandeur, qui est détenu au pénitencier de la Saskatche-
wan, un pénitencier à sécurité maximale, cherche à obtenir
divers redressements pour l'ouverture illégale par les autorités
pénitentiaires du courrier qui lui est adressé.
Jugement: l'action devrait être rejetée avec dépens.
Aucune des dispositions de la Déclaration canadienne des
droits ne s'applique à l'espèce. Il n'est pas possible d'invoquer le
droit à la «jouissance de ses biens», car ces droits sont très
restreints une fois qu'un contrevenant a été reconnu coupable et
condamné à une peine d'emprisonnement. En outre, la tendance
consiste à considérer le caractère confidentiel des documents
comme une question de protection de la vie privée et non de
droit de propriété. Les alinéas 2e),/) et g) ne sont également
d'aucune utilité pour le demandeur.
Les articles 7, 9 et 12 ainsi que les alinéas 10b) et 11d) de la
Charte ne s'appliquent manifestement pas en l'espèce. Et étant
donné que rien dans la preuve n'indique qu'il y a discrimination
à l'égard du demandeur par rapport aux autres détenus, le
paragraphe 15(1) de la Charte et l'alinéa lb) de la Déclaration
des droits ne s'appliquent pas non plus. Enfin, le Pacte interna
tional relatif aux droits civils et politiques n'est d'aucune
utilité, car il n'a pas force de loi au Canada et ne peut être
rendu exécutoire par les tribunaux canadiens.
Il reste à déterminer si l'ouverture du courrier des détenus
viole le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions
ou les saisies abusives, garanti par l'article 8 de la Charte.
L'article premier de la Charte ne peut être invoqué pour
justifier cette pratique, car les critères en matière de censure
(censure qui est permise par l'article 28 du Règlement sur le
service des pénitenciers) sont beaucoup trop vagues. En outre,
les diverses directives qui ont été établies au sujet du traitement
de la correspondance des détenus ne constituent pas des «règles
de droit» mais des règles administratives internes destinées à
guider le personnel des pénitenciers. Il s'agit donc de détermi-
ner si l'ouverture du courrier du demandeur était «raisonnable»
selon l'article 8 de la Charte. Selon une Directive du commis-
saire, en temps normal, la correspondance échangée entre un
détenu et son avocat ne devrait pas être ouverte lorsqu'il est
clairement indiqué sur l'enveloppe d'une lettre que celle-ci
provient d'un avocat. Il est tout à fait justifié de craindre que
des personnes non autorisées utilisent le papier à lettres d'avo-
cats pour introduire des articles et des renseignements dans un
pénitencier. Le problème en l'espèce est qu'aucune des lettres
provenant des avocats ne portaient de signe extérieur pour
indiquer qu'il s'agissait de lettres d'avocats. Le demandeur a
reçu trente-six lettres qui n'ont pas été ouvertes parce qu'elles
ont été jugées privilégiées, ce qui prouve que les fonctionnaires
de la défenderesse ont agi de bonne foi et n'ont pas ouvert le
courrier au hasard. Il n'y a donc pas eu de fouille abusive en ce
qui concerne les lettres provenant d'avocats.
Malgré la tendance consistant à ne pas accorder de dépens
contre un plaideur débouté dans une affaire civile lorsque ledit
plaideur est un criminel condamné, ce qui est contraire à la
pratique normale, le demandeur est condamné à payer les
dépens en l'espèce. Il n'existe aucune raison d'accorder aux
détenus un traitement spécial à cet égard.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. v. Institutional Head of Beaver Creek Correctional
Camp, [ 1969] 1 O.R. 373 (C.A. Ont.); Solosky c. La
Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, confirmant [1978] 2 C.F.
632 (C.A.), confirmant [1977] 1 C.F. 663 (1« inst.);
Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145;
Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion, [1976] 1 R.C.S. 376; Mitchell c. La Reine, [1976] 2
R.C.S. 570; Re Ontario Film & Video Appreciation
Society and Ontario Board of Censors (1983), 147
D.L.R. (3d) 58 (C. Div. Ont.), confirmée par (1984), 5
D.L.R. (4th) 766 (C.A. Ont.); Luscher c. Sous-ministre,
Revenu Canada, Douanes et Accise, [1985] 1 C.F. 85
(C.A.); Martineau et autre c. Comité de discipline des
détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118;
Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de
Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; Belliveau c. R., [1982] 1
C.F. 439 (1« inst.).
DÉCISION MENTIONNÉE:
Russell c. Radley, [1984] I C.F. 543 (1« inst.).
A COMPARU:
Ivan William Mervin Henry pour son propre
compte.
AVOCAT:
Martel D. Popescul pour la défenderesse.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Le demandeur pour son propre compte, Ivan
William Mervin Henry, pénitencier de la
Saskatchewan.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: La présente action a été
intentée par un détenu du pénitencier de la Saska-
tchewan qui cherche à obtenir divers redresse-
ments en alléguant que les autorités pénitentiaires
ouvrent illégalement le courrier qui lui est adressé.
Il demande une injonction
[TRADUCJ.ION] ... interdisant toute autre ouverture délibérée
ou inconsidérée de son courrier à moins qu'elle ne soit ordonnée
par le commissaire, le directeur ou l'administration régionale
ou centrale, s'il existe des doutes quant à ce qui constitue une
«question privilégiée'', et interdisant au personnel du pénitencier
d'agir injustement à son égard.
Le demandeur, qui a agi pour son propre compte
tout au long de l'action, réclame également la
somme de 150 000 $ à titre de dommages-intérêts
et toute autre réparation que la Cour estime conve-
nable conformément au paragraphe 24(1) de la
Charte canadienne des droits et libertés [qui cons-
titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)].
Il était évidemment question, dans la déclaration
déposée par le demandeur le 10 juillet 1985, du
courrier reçu et ouvert avant cette date. Dans la
liste de documents qu'il a déposée le 30 août 1985
aux fins de la communication desdits documents,
le demandeur a fait mention de ce courrier ainsi
que de celui reçu depuis l'introduction de l'action
et avant le dépôt de ladite liste. A l'instruction, il
souhaitait toutefois déposer en preuve un plus
grand nombre de lettres reçues entre le début de
1984 et le début du mois de mars 1987, soit
environ deux semaines avant la tenue du procès.
L'avocat de la défenderesse ne s'est pas opposé à
ce que les points litigieux soient ainsi élargis et j'ai
admis comme pièces tous les documents soumis à
cette fin par le demandeur. Comme je le souligne-
rai plus loin, j'ai conclu que certains de ces docu
ments n'étaient pas pertinents pour ce qui est du
principal point en litige, c'est-à-dire le droit du
demandeur de recevoir du courrier de types parti-
culiers sans qu'il soit ouvert. Le demandeur a
reconnu dès le début de l'instruction que tel était
l'objet du litige et il a ainsi produit 111 pièces.
Le demandeur allègue que les actions des autori-
tés pénitentiaires, qui sont les préposés de la défen-
deresse, ont violé certains des droits qui lui sont
garantis par la Déclaration canadienne des droits
[S.R.C. 1970, Appendice III], la Charte cana-
dienne des droits et libertés et les Directives et
l'ordre permanent du commissaire qui sont appli-
cables à cet établissement relativement à la corres-
pondance des détenus. Il a également prétendu de
vive voix qu'il y a eu violation du Pacte internatio
nal relatif aux droits civils et politiques [16 déc.
1966, [1976] R.T. Can. n° 47], pacte auquel le
Canada a adhéré en 1976.
Je vais expliquer brièvement pourquoi je ne crois
pas qu'un bon nombre des motifs invoqués par le
demandeur soient pertinents en l'espèce. Il invoque
tout d'abord les alinéas la) et b), et 2e),f) et g) de
la Déclaration canadienne des droits. Il se fonde
sur l'alinéa 1 a) probablement pour montrer que le
droit à la «jouissance de ses biens» lui a été retiré
sans qu'il y ait eu «application régulière de la loi».
Il parait évident que les droits d'un prisonnier sur
ses biens deviennent très restreints une fois qu'il a
été reconnu coupable et condamné à une peine
d'emprisonnement. Comme l'a dit la Cour d'appel
de l'Ontario dans R. v. Institutional Head of
Beaver Creek Correctional Camp, [1969] 1 O.R.
373,à la page 379, une telle condamnation:
[TRADUCTION] ... [entraîne] l'extinction, pendant la période
licite d'emprisonnement, de tous ses droits à la liberté et à la
possession de biens dans l'enceinte de l'institution où il purge sa
sentence, sauf dans la mesure où, le cas échéant, il s'agit de
droits expressément préservés par la Loi sur les pénitenciers.
Par conséquent, tout droit que le demandeur pou-
vait avoir sur son courrier a été annulé par sa peine
d'emprisonnement, et il n'a pas prouvé que la Loi
sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, chap. P-6] a
créé un nouveau droit. Comme je le démontrerai
plus loin, les Directives du commissaire ne créent
pas de droits pour un détenu, même si ce dernier
peut établir qu'elles n'ont pas été suivies. En outre,
la tendance consiste à considérer le caractère con-
fidentiel des documents comme une question de
protection de la vie privée et non de droit de
propriété. Voir les arrêts Solosky c. La Reine,
[1980] 1 R.C.S. 821, à la page 837; Hunter et
autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, à la
page 159.
Le demandeur invoque l'alinéa l b) de la Décla-
ration des droits en ce qui concerne le principe de
l'égalité devant la loi, principe qui sera examiné
plus loin en même temps que l'article .'15 de la
Charte.
Il invoque l'alinéa 2e) de la Déclaration des
droits qui ne concerne que le droit d'une personne
à une audition impartiale de sa cause pour la
définition de ses droits et obligations. Comme je
l'ai déjà indiqué, je ne crois pas qu'un détenu se
trouvant en milieu carcéral ait un «droit» quelcon-
que de recevoir son courrier sans que celui-ci soit
ouvert. Il s'agit en fait d'une décision administra
tive prise conformément à la Loi sur les péniten-
ciers, au Règlement sur le service des pénitenciers
[C.R.C., chap. 1251] et aux Directives du commis-
saire, textes qui, pour les raisons que j'expliquerai
plus loin, ne confèrent aucun droit au détenu.
L'alinéa 2e) ne s'applique pas à l'exercice d'un
pouvoir discrétionnaire à caractère administratif:
voir Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration, [1976] 1 R.C.S. 376; Mitchell c.
La Reine, [1976] 2 R.C.S. 570, aux pages 588 et
596.
Le demandeur invoque également les alinéas 2f)
et g) de la Déclaration des droits. L'alinéa 2f) n'est
pas applicable car il vise le cas d'une personne
accusée d'un acte criminel. Le demandeur n'est
certes pas accusé d'un acte criminel en ce qui
concerne ses lettres. L'alinéa 2g) mentionne le
droit à l'assistance d'un interprète au cours de
«procédures». Il n'est pas question de «procédures»
en l'espèce et le demandeur n'a pas non plus
indiqué pourquoi il aurait besoin d'un interprète.
Pour ce qui est des divers articles de la Charte
invoqués par le demandeur, l'article 7 n'est pas
pertinent parce que la simple ouverture de son
courrier ne constitue pas une menace pour «la vie,
la liberté et la sécurité de sa personne». L'article 9
ne s'applique pas, car le traitement du courrier
d'un détenu ne donne pas lieu à une détention ou
un emprisonnement arbitraires. L'alinéa 10b) qui
concerne le droit «d'avoir recours à l'assistance
d'un avocat» n'est pas non plus pertinent, car il ne
s'applique qu'en «cas d'arrestation ou de déten-
tion». Il est manifestement destiné à protéger une
personne lorsqu'elle est arrêtée ou détenue pour la
première fois et il ne s'applique pas au cas d'une
personne emprisonnée de façon continue par suite
d'une condamnation comme c'est le cas du deman-
deur en l'espèce qui prétend qu'on a inspecté à tort
la correspondance échangée avec ses avocats relati-
vement aux diverses procédures qu'il souhaite
engager pour faire réexaminer ses condamnations
(dont il a déjà interjeté appel sans succès) et
obtenir réparation en raison des conditions de son
incarcération. L'alinéa 11d), qui concerne la pré-
somption d'innocence, ne s'applique pas non plus
étant donné que le demandeur n'est plus «inculpé»
en ce qui a trait aux questions en litige et il est
difficile de voir quelle peut être la pertinence de
cette présomption sur le traitement de son cour-
rier. Pour ce qui est de l'article 12, je ne suis pas
disposé à conclure que l'ouverture du courrier
reçu, même si elle est faite à tort, constitue un
«traitement ou une peine cruels et inusités». Une
telle conclusion aurait pour effet de banaliser cette
disposition importante de la Charte.
Pour ce qui est du paragraphe 15(1) de la
Charte et de l'alinéa 1 b) de la Déclaration cana-
dienne des droits mentionné plus haut, je ne peux
conclure qu'il y a eu violation du droit à l'égalité.
En règle générale, on peut dire que la discrimina
tion ou la violation du droit à l'égalité n'existe que
lorsque des personnes qui se trouvent dans la
même situation sont traitées différemment par la
loi. La «catégorie» ou le «groupe» dont les membres
doivent être traités de la même manière en l'espèce
serait l'ensemble de la population carcérale du
pénitencier de la Saskatchewan ou peut-être la
population carcérale de tous les pénitenciers fédé-
raux. On n'a fourni aucun élément de preuve pour
montrer comment les autres détenus sont traités au
pénitencier de la Saskatchewan, ou ailleurs, en ce
qui concerne leur courrier, et il m'est par consé-
quent impossible de conclure que le demandeur a
fait l'objet d'un traitement différent. D'ailleurs, les
règles internes suivies par les fonctionnaires du
pénitencier sont neutres à cet égard.
Quant à l'argument du demandeur concernant
le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ce document international, si important
puisse-t-il être, n'a pas force de loi au Canada et
ne peut être rendu exécutoire par les tribunaux
canadiens, même si sa violation peut exposer le
Canada à des plaintes adressées directement aux
Nations Unies par des individus invoquant le Pro-
tocole facultatif. Il peut être utile à l'occasion pour
interpréter le droit interne, mais je ne vois pas
comment il pourrait l'être en l'espèce.
Il reste à examiner si, comme le prétend le
demandeur, il y a eu atteinte aux droits qui lui
sont garantis par l'article 8 de la Charte. Cet
article prévoit:
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les
perquisitions ou les saisies abusives.
Il me semble que l'ouverture du courrier peut être
considérée comme une «fouille» ou une «perquisi-
tion». En outre, la Cour suprême du Canada a
déclaré dans l'arrêt Hunter et autres c. Southam
Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, la page 159, que la
garantie donnée par cet article va au moins jusqu'à
assurer la protection d'un droit à la vie privée et
qu'il n'est pas principalement destiné à protéger les
biens d'une personne. Elle a ajouté aux pages 159
et 160 qu'en déterminant si une fouille ou une
perquisition est «raisonnable» ou «abusive»:
... il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du
public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder
le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie
privée des particuliers afin de réaliser ses fins ...
La fin visée par le gouvernement dans cette affaire
semblait être l'application de la loi. En l'espèce, il
s'agit d'assurer la sécurité dans le pénitencier. Le
témoin cité par la défenderesse en l'espèce, M.
George Zwack qui est surveillant de la Section des
visites et de la correspondance du pénitencier de la
Saskatchewan, a déclaré que l'ouverture du cour-
rier avait habituellement pour but de déceler la
présence d'objets interdits (par exemple, des stupé-
fiants, de l'argent, etc.) ou de tout autre élément
pouvant influer sur le bon ordre dans l'établisse-
ment, qu'il s'agisse de renseignements au sujet
d'un autre détenu ou de sa famille, ou de rensei-
gnements qui pourraient entraîner le désordre ou
la violation des règles de sécurité. Je traiterai donc
tout d'abord de l'article 8 de la Charte et de la
question de savoir s'il y a eu une «fouille ou une
perquisition abusive» en l'espèce.
Pour ce faire, il est utile de rappeler certains
principes fondamentaux. Comme l'a confirmé la
Cour suprême du Canada dans l'arrêt Solosky c.
La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, la page 839:
... une personne emprisonnée conserve tous ses droits civils
autres que ceux dont elle a été expressément ou implicitement
privée par la loi.
Voir également les affaires Beaver Creek, précitée,
aux pages 378 et 379; Russell c. Radley, [1984] 1
C.F. 543 (1" inst.), à la page 556. Comme l'a fait
remarquer la Cour dans l'affaire Russell, il est
peut-être plus facile, en se fondant sur l'article 1
de la Charte, de justifier les limites apportées dans
le contexte carcéral à de nombreux droits garantis
par la Charte. Je ne peux toutefois conclure que
les limites apportées au droit à la protection de la
vie privée du demandeur, s'il s'agit effectivement
de ce droit, par l'ouverture du courrier qui lui est
adressé pourraient être justifiées en vertu de l'arti-
cle 1 de la Charte qui prévoit que les droits et
libertés qui y sont énoncés ne peuvent:
1. ... être restreints que par une règle de droit, dans des
limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se
démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
A mon avis, la seule «règle de droit» applicable à
l'ouverture du courrier est l'article 29 de la Loi sur
les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, qui auto-
rise le gouverneur en conseil à établir des règle-
ments portant notamment sur la garde et la disci
pline des détenus, et l'article 28 du Règlement sur
le service des pénitenciers pris en vertu de cet
article et qui porte:
28. Dans la mesure où cela est pratique, la censure de la
correspondance doit être évitée et l'intimité des visites doit être
respectée, mais rien aux présentes ne doit être considéré comme
limitant l'autorité du commissaire de réglementer, ou du chef
d'une institution d'ordonner, la censure de la correspondance ou
la surveillance des visites selon les modalités tenues pour néces-
saires ou utiles à la rééducation et à la réadaptation des détenus
ou à la sécurité de l'institution.
Il faut souligner que cette disposition confère sim-
plement au commissaire et au chef d'une institu
tion un pouvoir général d'ordonner la censure,
notamment pour «la sécurité de l'institution». Je ne
crois pas que l'on puisse prétendre que de telles
dispositions constituent une règle de droit impo-
sant des limites à des droits, car les critères en
matière de censure sont trop vagues. Voir l'affaire
Re Ontario Film & Video Appreciation Society
and Ontario Board of Censors (1983), 147 D.L.R.
(3d) 58 (C. Div. Ont.), confirmée par (1984), 5
D.L.R. (4th) 766 (C.A. Ont.), et l'arrêt Luscher c.
Sous-ministre, Revenu Canada, Douanes et
Accise, [1985] 1 C.F. 85 (C.A.). L'article 29 de la
Loi sur les pénitenciers autorise également le com-
missaire des pénitenciers à établir des directives
relativement à la garde et à la discipline des
détenus et à l'administration du Service correc-
tionnel. Diverses directives ont été établies concer-
nant le traitement de la correspondance des déte-
nus, directives dont il sera question plus loin. Il
faut toutefois souligner qu'il semble désormais évi-
dent que ces directives ne peuvent être considérées
comme une «règle de droit», mais qu'il s'agit plutôt
de règles administratives internes destinées à
guider le personnel des pénitenciers. Même si elle
se fait au détriment des détenus, la violation de ces
règles ne leur confère aucun droit d'action, mais
elle donne plutôt lieu à des mesures disciplinaires à
l'intérieur même du Service correctionnel: voir
l'affaire Beaver Creek, précitée, aux pages 380 et
381, et l'arrêt Martineau et autre c. Comité de
discipline des détenus de l'Institution de Matsqui,
[1978] 1 R.C.S. 118, la page 129. C'est pourquoi
le véritable point en litige consiste non pas à
déterminer si les employés de la défenderesse se
sont conformés aux Directives et à l'ordre perma
nent du commissaire, mais à savoir si leur compor-
tement était légal quand on l'examine au regard
des principes généraux du droit, en l'espèce l'arti-
cle 8 de la Charte. Comme l'a dit le juge Dickson
[tel était alors son titre] dans l'arrêt Martineau c.
Comité de discipline de l'Institution de Matsqui,
[1980] 1 R.C.S. 602, la page 630, au sujet du
comportement du tribunal disciplinaire d'un péni-
tencier relativement à une audience portant sur
une infraction à la discipline:
Il ne s'agit pas de savoir s'il y a eu une violation des règles
carcérales, mais plutôt s'il y a eu une violation de l'obligation
d'agir équitablement compte tenu de toutes les circonstances.
Par conséquent, je ne peux souscrire à l'argu-
ment de l'avocat de la défenderesse qui a allégué
subsidiairement que s'il y avait eu une violation
quelconque d'un droit garanti par la Charte, elle
aurait été justifiée par l'article 1, parce que je ne
peux trouver dans la loi une disposition limitant les
droits du demandeur. Je dois donc m'en tenir à
l'article 8 afin de déterminer s'il y a eu effective-
ment atteinte à un droit quelconque protégé par
cet article par suite d'une perquisition ou d'une
fouille «abusive». Les Directives du commissaire
seront pertinentes même si elles ne constituent pas
une «règle de droit» parce que, si je comprends
bien, la défenderesse est d'avis que lesdites directi
ves ont été suivies lors du traitement du courrier
du demandeur. Les Directives décrivent donc ce
qui, selon la défenderesse, a été fait par le person
nel du pénitencier. Il me reste à déterminer si c'est
bien ce qui s'est produit et si le comportement du
personnel, qu'il ait respecté ou non les Directives,
peut être jugé «raisonnable» au sens de l'article 8
de la Charte.
À cette fin, j'ai examiné attentivement toutes les
pièces produites par le demandeur. Celui-ci pré-
tend que deux catégories d'envois postaux ont été
ouverts à tort. L'une de ces catégories est le cour-
rier reçu de ses avocats. L'autre catégorie est le
courrier reçu de personnes qui sont visées par
l'expression «correspondants privilégiés» utilisée
dans les Directives du commissaire. J'ai divisé les
pièces en me fondant sur cette distinction, laissant
de côté celles qui n'entraient dans aucune de ces
catégories ou qui avaient apparemment été produi-
tes pour étayer indirectement les revendications du
demandeur. Ces pièces seront examinées plus loin.
Correspondance échangée entre l'avocat et son
client
En ce qui concerne tout d'abord la correspon-
dance provenant des avocats, c'est la principale
Directive du commissaire numéro 600-4-04.1,
publiée le 29 février 1984, qui réglait cette ques
tion pour la plus grande partie de la période en
cause. L'article 27 était expressément destiné à
exposer les règles applicables en conformité avec
l'arrêt Solosky. La règle fondamentale est la
suivante:
27. ...
En temps normal, la correspondance entre un détenu et son
avocat ne doit être ni ouverte, ni censurée.
Le reste de l'article prévoit les cas où cette corres-
pondance peut être ouverte et lue en tout ou en
partie, mais il commence ainsi:
27... .
Le directeur de l'établissement peut cependant ordonner qu'une
enveloppe qui semble provenir d'un avocat ou lui être adressée
soit ouverte pour inspection ...
dans certaines circonstances. Le «directeur» est le
chef de l'établissement en cause, c'est-à-dire en
l'espèce le directeur du pénitencier de la Saska-
tchewan. La défenderesse n'a pas allégué que le
directeur avait donné des ordres de ce genre en ce
qui a trait au courrier du demandeur et elle n'a pas
non plus produit d'éléments de preuve à cet effet.
On peut ajouter qu'une nouvelle Directive du com-
missaire portant le numéro 085 et publiée le 1'
janvier 1987 a modifié partiellement la directive
antérieure, mais qu'elle est restée essentiellement
identique à cet égard: voir les articles 11 et 12. Il
s'agit donc de déterminer si les fonctionnaires de la
défenderesse ont eu tort d'ouvrir les lettres adres-
sées au demandeur par son avocat.
Dans sa preuve et son argumentation, le deman-
deur prétend qu'il a reçu de ses avocats plusieurs
lettres qui ont été ouvertes et il affirme donc qu'il
a établi son point. La défenderesse affirme de son
côté qu'aucune lettre provenant d'un avocat et
reconnue comme telle n'a été ouverte: le problème
était donc de déterminer l'origine du courrier. M.
Zwack, qui a été cité comme témoin par la défen-
deresse, a fait part des craintes que le personnel de
la Section des visites et de la correspondance (qui
examine et ouvre le courrier des détenus) entrete-
nait quant à la possibilité que le personnel de
bureau ou des personnes non autorisées aient accès
au papier à lettres du cabinet d'avocats et l'utili-
sent d'une manière illégale. La Section des visites
et de la correspondance exige donc qu'il soit claire-
ment indiqué sur l'enveloppe d'une lettre que cel-
le-ci provient d'un avocat connu pour qu'elle soit
considérée comme telle. Bien que le personnel de la
Saskatchewan Legal Aid Commission et beaucoup
d'autres avocats soient au courant des exigences de
l'établissement et s'y conforment, le témoin a
reconnu qu'un bon nombre d'avocats ne semblaient
pas les connaître ou encore, qu'il leur importait
peu que leur courrier soit ouvert avant d'être remis
aux détenus. Lorsqu'une enveloppe ne porte aucun
signe indiquant clairement qu'une lettre provient
d'un avocat, elle est ouverte. Il semble donc que le
point en litige entre les parties consiste à détermi-
ner si les lettres en cause indiquaient suffisamment
qu'elles provenaient d'avocats et auraient dû être
traitées comme de la «correspondance entre un
détenu et son avocat» au sens de la Directive et,
par conséquent, ne pas être ouvertes. On peut
souligner ici que la défenderesse adopte, comme le
font les Directives du commissaire, une définition
du courrier protégé qui va plus loin que le privilège
du secret professionnel entre un avocat et son
client qui a été examiné en détail dans l'arrêt
Solosky, précité, aux pages 833 838. Comme la
Cour l'a confirmé à la page 837, pour pouvoir faire
l'objet du secret professionnel de l'avocat, il faut
notamment que les communications comportent
une consultation ou un avis juridique et elles doi-
vent être considérées de nature confidentielle par
les parties échangeant des lettres, et finalement, un
juge doit lire chaque document individuellement
pour confirmer qu'un privilège s'y rattache. La
Cour a en outre conclu à la page 837 que le
privilège n'est pas un droit de propriété et qu'il
n'existe que lorsqu'il est possible qu'un document
soit utilisé en preuve s'il est divulgué. Elle a égale-
ment statué que, peu importe s'il s'agit du privilège
du secret professionnel de l'avocat ou d'un droit
plus général au caractère confidentiel des commu
nications faites par un client à ses avocats, la
protection offerte concerne non pas l'ouverture du
courrier comme telle, mais l'emploi des renseigne-
ments ainsi obtenus. Voir [1980] 1 R.C.S., aux
pages 837 et 842.
La Directive du commissaire a adopté le point
de vue plus général suggéré par la Cour dans cet
arrêt, c'est-à-dire que toute personne a un droit
fondamental, du point de vue civil et légal, de
communiquer confidentiellement avec un avocat,
droit dont l'existence est justifiée dans le cadre
carcéral par le fait que la communication puisse
être lue par un tiers et que cela «glacerait» la
divulgation franche de confidences qui devrait
caractériser les rapports entre un avocat et son
client. Ainsi, la Directive du commissaire exige
seulement qu'aucune lettre adressée à un détenu
par son avocat ne soit ouverte, sauf si le chef de
l'établissement l'ordonne. Il n'est pas nécessaire
qu'il existe une relation avocat-client entre l'expé-
diteur et le destinataire, ni qu'un avis juridique soit
donné dans la lettre, ni que les parties considèrent
celle-ci comme confidentielle. Bref, en soutenant
que la Directive a été suivie, la défenderesse recon-
naît que le courrier envoyé par un avocat à un
détenu ne devrait pas être ouvert, mais elle fait
valoir qu'il n'était pas possible de déterminer que
les lettres qui ont été ouvertes et qui étaient adres-
sées au demandeur provenaient d'un avocat.
En examinant les quatre pièces constituées de
lettres provenant d'avocats qui ont été déposées en
preuve par le demandeur, qui affirme les avoir
reçues après qu'elles eurent été ouvertes, on cons-
tate que trois de ces pièces sont des lettres avec les
enveloppes qui les accompagnaient. Les lettres en
cause ont toutes été timbrées au bureau de la
Section des visites et de la correspondance, ce qui
indique normalement qu'une lettre a été ouverte
avant d'être remise au détenu et j'estime que c'est
ce qui s'est produit en l'espèce. Dans deux cas, les
lettres proviennent d'avocats travaillant dans des
cabinets dont l'un est situé à Regina et l'autre à
Toronto, et le nom du cabinet figure sur l'enve-
loppe qui ne porte toutefois aucune mention parti-
culière, comme le mot «avocats», pour indiquer
qu'il s'agit d'un cabinet d'avocats. En outre, les
enveloppes ne portent aucun signe extérieur indi-
quant que les lettres qu'elles renferment provien-
nent d'un avocat du cabinet. Même s'il est vrai que
l'agent du bureau de la Section des visites et de la
correspondance aurait pu premièrement supposer
que le nom figurant sur l'enveloppe était vraisem-
blablement celui d'un cabinet d'avocats, qu'il
aurait pu deuxièmement consulter un annuaire du
barreau pour identifier le cabinet d'avocats et qu'il
aurait pu troisièmement s'informer auprès du cabi
net pour savoir qui avait envoyé la lettre, je ne
peux affirmer qu'il a agi de façon déraisonnable en
traitant la lettre comme de la correspondance ordi-
naire et en l'ouvrant. Suivant la preuve, ce bureau
reçoit en moyenne 200 lettres par semaine pour les
détenus qui, de leur côté, expédient à peu près le
même nombre de lettres, qui doivent également
être traitées par ce bureau. Une bonne partie du
courrier doit être traitée d'une manière ou d'une
autre et il n'est pas étonnant que les agents dispo-
sent de peu de temps pour s'interroger sur la
provenance du courrier reçu afin de déterminer s'il
a été envoyé par un cabinet d'avocats. Je suis en
outre d'accord avec les fonctionnaires du péniten-
cier pour dire que ceux-ci doivent être convaincus
que la lettre provient effectivement d'un avocat du
cabinet en cause. Je partage les préoccupations de
M. Zwack qui craignait que le papier à lettres des
avocats puisse servir à des fins non autorisées et
que, s'il suffisait que le nom d'un cabinet d'avocats
figure sur l'extérieur d'une enveloppe pour que
celle-ci soit distribuée sans examen, des personnes
non autorisées et sans scrupules puissent avoir
recours à ce moyen pour introduire dans un péni-
tencier des articles et des renseignements au détri-
ment de la sécurité et du bon ordre à l'intérieur de
celui-ci.
Une troisième pièce consiste en une lettre prove-
nant d'un professeur adjoint en droit de l'Univer-
sity of Saskatchewan avec lequel le demandeur a
correspondu pour les fins de sa cause. Dans ce cas,
la mention de la Faculté de droit de l'University of
Saskatchewan à Saskatoon constitue le seul signe
distinctif figurant sur l'enveloppe. Je ne crois pas
qu'il était déraisonnable de la part des agents de
conclure qu'il s'agissait d'un signe insuffisant pour
indiquer qu'il s'agissait de courrier échangé entre
un avocat et son client. On peut présumer que la
grande majorité du courrier provenant d'une
faculté de droit n'entre pas dans la catégorie de la
correspondance échangée avec un «conseiller juri-
dique» suivant l'expression utilisée dans les directi
ves. Il est encore une fois légitime d'entretenir des
craintes quant à la facilité d'accès au papier à
lettres d'une faculté de droit.
La quatrième pièce produite sous la cote P-60
comprend deux lettres qu'un avocat de Regina a
fait parvenir au demandeur, l'une étant datée du 7
juin 1984 et l'autre du 18 juillet 1984. Malheureu-
sement, les enveloppes originales n'y sont pas join-
tes. Je ne suis pas disposé à me fier à la mémoire
du demandeur en ce qui a trait au signe distinctif
que portaient ces enveloppes, étant donné qu'envi-
ron trois ans se sont écoulés depuis qu'il a reçu ces
lettres et qu'il en a reçu des dizaines d'autres dans
l'intervalle. J'aimerais toutefois souligner que la
lettre du 7 juin 1984 est la seule parmi toutes
celles provenant d'avocats qui pourrait vraisembla-
blement faire l'objet du secret professionnel de
l'avocat. J'estime qu'elle contient des conseils juri-
diques alors que toutes les autres lettres concer-
nent la possibilité pour l'avocat en question de
représenter le demandeur. Quoi qu'il en soit, je ne
peux, en l'absence de meilleurs éléments de preuve
quant au signe distinctif figurant sur les envelop-
pes, affirmer que les agents ont agi de manière
abusive en les ouvrant.
Comme preuve additionnelle de la bonne foi des
agents et de leurs tentatives de se conformer aux
Directives, M. Zwack a témoigné que, pendant la
période en cause, le demandeur a en fait reçu 36
lettres qui ont été traitées confidentiellement, qui
n'ont pas été ouvertes et qui lui ont été remises
intactes. Il a produit un registre tenu dans le cours
normal des activités de l'établissement et dans
lequel le demandeur a apposé ses initiales chaque
fois qu'il a reçu une lettre qui n'avait pas été
ouverte. M. Zwack a également affirmé qu'il a
discuté à de nombreuses occasions avec le deman-
deur du problème de l'ouverture du courrier et
qu'il lui a indiqué les mesures qu'il pourrait pren-
dre pour informer ses correspondants de la
manière dont ils pourraient marquer le courrier
pour éviter qu'il soit ouvert. Il a également insisté
sur le fait que le pénitencier de la Saskatchewan
est un établissement à sécurité maximale où l'on se
préoccupe donc davantage de la sécurité.
On peut également souligner que, même si la
Cour a statué dans l'arrêt Solosky que la protec
tion du caractère confidentiel de la correspondance
échangée entre un avocat et son client ne vise que
l'emploi abusif des renseignements qui en sont
tirés, aucune preuve n'indique que des renseigne-
ments qui auraient pu être obtenus de cette
manière en l'espèce ont été ainsi utilisés ou qu'il
existe un danger qu'ils le soient.
Tout bien considéré, je suis convaincu que les
mesures qui ont été prises relativement au courrier
que le demandeur a reçu de ses avocats n'équiva-
laient pas à «une fouille ou une perquisition abu
sive» au sens de l'article 8 de la Charte. Comme la
Cour suprême l'a déclaré dans l'arrêt Hunter et
autres c. Southam Inc., précité, il faut déterminer
la prépondérance entre le droit de l'individu à sa
vie privée et celui de l'État à préserver, comme
c'est le cas en l'espèce, la sécurité dans les établis-
sements carcéraux. Bien que les fonctionnaires de
l'établissement en cause interprètent de manière
très stricte ce qu'ils peuvent considérer comme des
lettres adressées par des avocats à leurs clients, je
ne peux conclure qu'il s'agit d'une attitude dérai-
sonnable dans le cadre d'un établissement à sécu-
rité maximale. Une ligne de conduite similaire
adoptée au pénitencier de Dorchester a été approu-
vée par mon collègue le juge Collier dans Belliveau
c. R., [1982] 1 C.F. 439 (1" inst.); il est vrai que
ce jugement a été rendu avant que la Charte
n'entre en vigueur mais il s'agissait d'un cas de
responsabilité délictuelle. La Cour ne devrait pas
s'empresser de substituer son jugement à ceux des
fonctionnaires des prisons dans ce domaine. Le
juge Dickson a dit dans l'arrêt Martineau, précité,
à la page 630:
La nature même d'un établissement carcéral requiert que des
décisions soient prises «sur-le-champ» par les fonctionnaires et
le contrôle judiciaire doit être exercé avec retenue.
Il a déclaré aux pages 839 et 840 de l'arrêt
Solosky:
En règle générale, je n'estime pas qu'il est loisible aux tribu-
naux de mettre en doute le jugement du chef de l'institution sur
ce qui peut être nécessaire ou non au maintien de la sécurité
dans un pénitencier.
À mon avis, de telles considérations s'appliquent
au traitement du courrier. Les fonctionnaires sont
gênés dans leur travail par le volume du courrier et
ils sont tenus de se conformer aux exigences
comme celles du présent ordre permanent qui s'ap-
plique à cet établissement et qui prévoit que le
courrier reçu ne doit pas être retenu plus de 24
heures. Il ne fait aucun doute que les détenus
veulent recevoir leur courrier aussi rapidement que
possible. Ces éléments mis ensemble exigent que
des décisions soient prises rapidement. Bien que
l'on puisse considérer que cette approche générale
limite quelque peu le droit à la protection de la vie
privée, il est impossible d'affirmer qu'elle est dérai-
sonnable compte tenu des circonstances.
«Correspondance privilégiée»
Examinons maintenant l'autre catégorie de
courrier qui a été ouvert par les autorités du
pénitencier, c'est-à-dire celui qui est appelé «cor-
respondance privilégiée» dans les Directives du
commissaire. L'article 6 de la Directive de 1984
définit cette correspondance comme suit:
6. ... des communications écrites échangées entre un détenu
et une personne occupant dans la vie publique l'un des postes
mentionnés à l'annexe «A».
Voici le texte de l'annexe «A»:
CORRESPONDANCE PRIVILÉGIÉE
Voici la liste des correspondants privilégiés autorisés:
SECTION I
CORRESPONDANTS MINISTÉRIELS PRIVILÉGIÉS
1. Le Solliciteur général*
2. Le Solliciteur général adjoint*
3. Le Commissaire aux services correctionnels*
4. (Bureau de) l'Enquêteur correctionnel
5. Le Président de la Commission nationale des libérations
conditionnelles
6. L'Inspecteur général
SECTION II
CORRESPONDANTS GÉNÉRAUX PRIVILÉGIÉS
1. Le Gouverneur général du Canada
2. Commission canadienne des droits de la personne (y compris
le commissaire en chef)
3. (Bureau du) Commissaire aux langues officielles
4. Les députés fédéraux
5. Les membres des conseils législatifs du Yukon et des Terri-
toires du Nord-Ouest
6. Les députés provinciaux
7. Les sénateurs
8. (Bureaux des) Commissaires à l'Accès à l'information et à la
Protection de la vie privée
9. Les juges et les magistrats des tribunaux canadiens (y com-
pris les greffiers)
* Lorsque ces correspondants ont délégué à un ou plusieurs
agents le pouvoir de signer la correspondance adressée aux
détenus en leur nom, ladite correspondance doit être considé-
rée comme «privilégiée».
L'article 34 de cette même Directive prévoit que
cette correspondance «doit être expédiée au desti-
nataire sans être ouverte». L'article 39 porte que
«la correspondance privilégiée ne doit être soumise
à aucune forme de censure». L'article 40 prévoit
que dans certains cas le directeur (de l'établisse-
ment) peut autoriser, par écrit, l'inspection de la
correspondance privilégiée, mais dans un tel cas,
celle-ci doit être ouverte en présence du détenu à
moins que celui-ci renonce par écrit à son droit
d'assister à l'inspection. Cette disposition n'est pas
applicable en l'espèce puisque la défenderesse n'a
ni allégué ni prouvé que le directeur a ainsi auto-
risé l'ouverture du courrier reçu par le détenu en
cause et qu'aucun élément de preuve n'indique que
ce courrier a été ouvert en sa présence.
Il est également important de souligner que l'on
trouve la phrase suivante â la fin de l'article 34 de
cette Directive après le renvoi à cette correspon-
dance privilégiée:
34.... Cependant, les lettres contenues dans des enveloppes
portant un symbole graphique ou autre écusson d'un expéditeur
qui ne figure pas expressément à l'annexe «A» ne seront pas
considérées comme étant privilégiées.
On retrouve les mêmes principes dans la Direc
tive modificative portant le numéro 085, entrée en
vigueur le 1" janvier 1987. On y ajoute des «cor-
respondants privilégiés», mais aucun de ceux-ci
n'est pertinent pour l'espèce.
Pour les motifs susmentionnés, les dispositions
des Directives du commissaire relatives aux corres-
pondants privilégiés ne peuvent comme telles
déterminer l'obligation à laquelle sont tenus les
agents de la défenderesse envers le demandeur
relativement à son courrier. Dans la mesure toute-
fois où les Directives fixent une procédure qui
équivaut à une fouille «raisonnable» du courrier,
elles prouveraient, si elles avaient été suivies, qu'il
n'y a pas eu violation de l'article 8 de la Charte.
Dans sa preuve et son argumentation, le deman-
deur a prétendu que le simple nom ou symbole
graphique d'un correspondant privilégié figurant
sur une enveloppe devrait suffire à indiquer qu'une
lettre est privilégiée et que les agents de la Section
des visites et de la correspondance n'auraient donc
pas dû ouvrir le courrier portant un tel signe. On
peut soutenir, bien que le demandeur ne l'ait pas
fait, que cette prétention est étayée par le libellé de
l'article 34 de la Directive du commissaire de
1984, précitée, indiquant que si une enveloppe ne
porte pas le symbole graphique ou l'écusson de l'un
des correspondants énumérés à l'annexe «A», elle
ne doit pas être considérée comme privilégiée. On
pourrait en déduire que lorsqu'un tel symbole gra-
phique ou écusson figure sur l'enveloppe, il fau-
drait automatiquement considérer qu'elle renferme
une correspondance privilégiée. La défenderesse
soutient, par l'intermédiaire du témoignage de M.
Zwack et dans son argumentation, que, comme
dans le cas de la correspondance provenant d'avo-
cats, l'agent chargé de l'inspection doit être con-
vaincu que la lettre provient effectivement de l'une
des personnes énumérées à l'annexe «A» ou du
bureau de ce fonctionnaire (lorsque ledit bureau a
été désigné comme correspondant privilégié à l'an-
nexe «A»). On a expliqué, et la Directive du com-
missaire de 1984 le prévoit, que certains corres-
pondants comme le commissaire aux services
correctionnels et le solliciteur général utilisent sur
leurs enveloppes une forme particulière d'identifi-
cation permettant de savoir automatiquement que
le contenu de la lettre est privilégié. En règle
générale, la politique du pénitencier de la Saska-
tchewan consiste toutefois à interpréter les règles
traitant de la correspondance privilégiée aussi
rigoureusement que celles traitant de la correspon-
dance provenant d'un avocat: un signe distinctif
quelconque doit figurer sur l'enveloppe pour indi-
quer que la lettre qu'elle renferme provient effecti-
vement de la source considérée comme privilégiée.
C'est ainsi qu'une lettre provenant de Rideau Hall,
la résidence du gouverneur général, a été ouverte
parce qu'elle ne portait aucun signe extérieur indi-
quant que le gouverneur général elle-même l'avait
écrite. C'est le «gouverneur général du Canada»
qui figure à la liste de l'annexe «A» et non son
bureau. Dans le même ordre d'idées, les lettres
émanant de députés sont ouvertes à moins que
l'enveloppe ne porte un signe suffisamment distinc-
tif. L'établissement reconnaît que le symbole de
franchise postale ainsi qu'un fac-similé des initia-
les du député figurant habituellement sur l'enve-
loppe suffiraient pour indiquer que la lettre émane
d'un député fédéral. Il faut souligner que le pre
mier ministre du Canada ne fait pas partie de la
liste des correspondants privilégiés, bien qu'on
puisse présumer qu'une lettre de sa part sera consi-
dérée comme privilégiée s'il y est indiqué de la
manière usuelle qu'elle provient du premier minis-
tre en sa qualité de député. C'est ainsi que des
lettres provenant du bureau du premier ministre
ont été ouvertes en l'espèce, lettres qui émanaient
de membres de son personnel et n'étaient pas
signées par le premier ministre lui-même. L'an-
nexe inclut parmi les correspondants privilégiés
«les juges et les magistrats des tribunaux canadiens
(y compris les greffiers)», catégorie qui est inter-
prétée littéralement de sorte, par exemple, qu'une
lettre écrite par un fonctionnaire d'un greffe n'est
pas considérée comme privilégiée. Elle ne le sera
que s'il est clairement indiqué sur l'enveloppe, que
ce soit par une signature ou des initiales, qu'elle
émane d'un juge, d'un magistrat ou d'un greffier.
M. Zwack a fourni les mêmes explications pour
justifier le traitement de ce genre de correspon-
dance que pour le traitement du courrier prove-
nant d'un avocat: en d'autres termes, il s'agit d'un
établissement à sécurité maximale et les agents de
celui-ci ne peuvent savoir quelles mesures de sécu-
rité sont adoptées dans ces bureaux à l'égard de
l'utilisation de leur papier à lettres ou quant à leur
personnel. Il est essentiel d'interpréter tout aussi
rigoureusement les règles relatives à la correspon-
dance privilégiée afin de vérifier si elle contient des
objets interdits et de maintenir la sécurité à l'inté-
rieur de l'établissement. De plus, le témoignage de
M. Zwack selon lequel le demandeur a reçu, au
cours de cette période, environ 36 lettres sans
qu'elles aient été ouvertes et dont il a accusé
réception étaye la position de la défenderesse qui
soutient que le courrier n'a pas été ouvert au
hasard.
Après examen du courrier qui, selon le deman-
deur, entrait dans la catégorie de la «correspon-
dance privilégiée», j'ai tout d'abord constaté qu'en-
viron 29 lettres ne sont pas accompagnées d'une
enveloppe et je suis, par conséquent, incapable de
déterminer si les agents de la Section des visites et
de la correspondance ont agi de façon raisonnable
en décidant de les ouvrir. Les autres lettres aux-
quelles sont jointes les enveloppes originales et
dont l'expéditeur pourrait faire partie des «corres-
pondants privilégiés» proviennent de greffes de
divers tribunaux, notamment la Cour suprême du
Canada, la Cour fédérale du Canada, la Cour du
Banc de la Reine de la Saskatchewan, la Cour
d'appel de la Saskatchewan et la Cour d'appel de
la Colombie-Britannique. La majorité de ces let-
tres, soit environ 34, provenaient de la présente
Cour. Sauf pour les lettres provenant de la Cour
suprême, seul le nom de la cour et, dans certains
cas, un sceau imprimé figuraient sur les envelop-
pes. Pour ce qui est des lettres émanant du greffe
de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatche-
wan, les enveloppes portaient le logo de la province
et les mots «Saskatchewan Justice—Court House».
Pour ce qui est des enveloppes provenant de la
Cour suprême qui ont été ouvertes et dont le
contenu n'a pas été joint, l'une d'entre elles por-
taient une étiquette dactylographiée indiquant que
l'expéditeur était la Cour suprême du Canada,
mais aucun autre signe distinctif. Il semble qu'au-
cun signe identifiant l'expéditeur ne figurait sur les
autres enveloppes déposées sous cette cote.
D'autres pièces ne sont pas visées, à mon avis,
par la définition de la correspondance privilégiée
dans la Directive ou par l'action intentée par le
demandeur. Un bon nombre de celles-ci provien-
nent du ministère de la Justice du gouvernement
fédéral. Le demandeur soutient que tout courrier
provenant du ministère de la Justice doit être
considéré comme émanant du ministre de la Jus
tice, car même si ce dernier ne figure pas à la liste
de l'annexe «A» de la Directive, il est député et, par
conséquent, tout le courrier que lui-même ou son
ministère envoie à un détenu devrait être considéré
comme privilégié. Il semble s'appuyer en partie sur
les inscriptions qui figurent dans les deux langues
officielles sur les enveloppes du ministère de la
Justice et dont voici le texte: «Department of Jus
tice Canada» et «Ministère de la justice [sic]
Canada». Le demandeur a prétendu que le mot
«Ministère» désigne le ministre alors qu'il est évi-
demment l'équivalent du mot «Department». Selon
lui, tout courrier provenant d'un ministère dont le
ministre est sénateur ou député serait privilégié
lorsqu'il est envoyé à un détenu d'un pénitencier. Il
s'agit d'une interprétation absurde. D'autres lettres
provenant d'expéditeurs qui n'ont absolument rien
à voir avec ceux de la liste de correspondants
privilégiés ont également été ouvertes, notamment
des lettres provenant du ministère du Procureur
général de la Colombie-Britannique, de la Cour
internationale de justice de La Haye, de l'Office
des Nations Unies à Genève et de Télépost CNCP
(contenant un télégramme de l'épouse du deman-
deur).
Le demandeur a également déposé comme
pièces deux lettres de la Cour fédérale du Canada
et une lettre de la Cour suprême qu'il aurait reçues
sans qu'elles soient ouvertes. D'après ce que j'ai pu
constater, les lettres provenant de la Cour fédérale
ne portent aucun signe distinctif différent de ceux
des nombreuses autres lettres qu'il a reçues de
cette Cour et qui ont été ouvertes. Selon le deman-
deur, la lettre provenant de la Cour suprême ne
portait ni plus ni moins de signes distinctifs que les
enveloppes des autres lettres qu'il a reçues de cette
Cour et qui n'ont pas été déposées en preuve. Le
demandeur a apparemment déposé tous ces docu
ments pour montrer l'incohérence ou le manque de
bonne foi dont ont fait preuve les agents de l'éta-
blissement en traitant de manière différente des
lettres portant les mêmes signes distinctifs.
Pour les motifs énoncés plus haut, je dois en
dernière analyse juger le comportement des agents
de la défenderesse non pas en fonction des critères
des Directives du commissaire, mais plutôt de ceux
de l'article 8 de la Charte. Je ne peux toutefois
affirmer que lesdits agents ont agi de manière
déraisonnable en utilisant les Directives du com-
missaire comme critères leur permettant de déter-
miner quels expéditeurs devaient être considérés
comme des correspondants privilégiés. Étant donné
que le fait de laisser la correspondance privilégiée
entrer à l'intérieur du pénitencier sans qu'elle soit
ouverte tel que cela est prescrit peut entraîner des
risques, il est tout à fait logique que la liste des
personnes qui ont le droit de communiquer avec les
détenus par ce moyen soit quelque peu restreinte.
En outre, je ne peux affirmer que l'attitude rigou-
reuse des fonctionnaires à l'égard des exigences
relatives aux signes distinctifs devant figurer sur
les enveloppes est déraisonnable, en particulier
dans le cas d'un établissement à sécurité maxi-
male. II est normal que les agents de l'établisse-
ment se préoccupent de la question de savoir qui
peut avoir accès au papier à lettres des nombreux
fonctionnaires et représentants élus énumérés à
l'annexe.
Le fait qu'il puisse exister une certaine incohé-
rence dans la manière dont le courrier est traité,
incohérence qui a joué en faveur du demandeur
puisqu'il a reçu certaines lettres similaires sans
qu'elles soient ouvertes, ne prouve pas qu'il y a
intention de nuire, négligence ou absence de logi-
que dans les procédures d'ouverture du courrier.
Selon M. Zwack, qui est surveillant de la Section
des visites et de la correspondance, quatre person-
nes travaillent dans ce bureau. Ces dernières doi-
vent tenir un registre des visites rendues aux déte-
nus, prendre les arrangements nécessaires en ce
qui concerne les appels téléphoniques des détenus,
etc. et ce, pour quelque 450 détenus. Elles doivent
également traiter en moyenne 400 envois postaux
par semaine, qu'il s'agisse du courrier reçu par les
détenus ou du courrier envoyé par ceux-ci. Compte
tenu des circonstances, il est inévitable que certai-
nes erreurs mineures soient commises et qu'il
existe un peu d'incohérence mais, à mon avis, cela
ne rend pas déraisonnable l'ensemble du processus.
Je conclus donc que les droits du demandeur
n'ont pas été violés et que son action doit être
rejetée.
J'ai également l'intention de condamner le
demandeur à payer les dépens. Ce faisant, j'adopte
la position énoncée par le juge Addy dans l'affaire
Solosky c. La Reine, [1977] 1 C.F. 663 (1" inst.),
à la page 671:
Récemment, on semble avoir adopté une pratique selon
laquelle les dépens, qui sont normalement adjugés contre un
plaideur débouté dans une affaire civile, ne le sont pas quand il
s'agit d'un criminel condamné. À mon avis, cette pratique est
déplorable et doit être abandonnée. Je ne vois aucune raison
pour qu'on accorde à une personne, telle que le demandeur, un
traitement spécial concernant les dépens, dont ne bénéficierait
pas un citoyen ordinaire. De plus, ni la capacité de payer les
dépens, ni la difficulté de les percevoir, ne doit constituer un
facteur déterminant quand il s'agit de décider si ces dépens
doivent ou ne doivent pas être adjugés à l'encontre d'un plai-
deur débouté. Au contraire, l'adjudication des dépens ou leur
dispense, doit être basée sur le bien-fondé de l'action. A moins
qu'il n'existe des circonstances qui justifient une décision con-
traire, les dépens doivent normalement suivre le résultat. Des
circonstances semblables n'existent pas en l'espèce.
Le demandeur a également été tenu aux dépens
dans cette affaire lors de l'appel interjeté en Cour
d'appel fédérale, [1978] 2 C.F. 632, et lors du
pourvoi devant la Cour suprême du Canada,
précité.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.