T-2940-83
Dixie X-Ray Associates Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIE: DIXIE X-RAY ASSOCIATES LTD. C. CANADA
Division de première instance, juge McNair—
Toronto, 17 novembre; Ottawa, 23 décembre 1987.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Contribuable constituée en société par des radiologistes dans le
but de développer, à des fins de diagnostic, des radiographies
concernant des patients adressés à ces radiologistes — Le
ministre a refusé d'accorder une déduction à l'égard de bénéfi-
ces de fabrication et de transformation — S'agit-il d'une
compagnie de transformation de marchandises ou d'une com-
pagnie de prestation de services? L'essence du contrat est la
prestation de services (les rapports des radiologistes reposent
sur l'interprétation des radiographies).
Il s'agit d'un appel formé contre une décision par laquelle le
ministre a rejeté la demande de déduction de la contribuable à
l'égard de profits de fabrication et de transformation pour son
année d'imposition 1978.
En 1977, trois radiologistes ont constitué la société demande-
resse en vue de développer les radiographies des patients qui
leur étaient adressés à des fins de diagnostic. Les radiologistes
interprètent les radiographies et rédigent des rapports qui sont
envoyés aux médecins qui leur ont adressé les patients. Les
radiographies ne sont pas remises aux patients ou aux médecins
qui les ont adressés à la demanderesse, mais elles sont remises
sur demande à la condition de lui être retournées. À la fin de la
période de conservation, les radiographies à jeter sont vendues
par la demanderesse à une autre compagnie pour la récupéra-
tion de l'argent. Dixie X-Ray exécute toutes les tâches techni
ques et laisse aux radiologistes le travail professionnel concer-
nant le diagnostic. La compagnie leur fait payer l'utilisation de
leur bureau. L'élément professionnel de toutes les factures est
payé aux radiologistes, qui l'indiquent dans leurs déclarations
d'impôt sur le revenu.
La question est de savoir si l'entreprise exploitée par la
contribuable en 1978 consistait en la «fabrication ou transfor
mation au Canada de marchandises en vue de la vente ou de la
location» au sens de l'article 125.1 de la Loi et de la Partie LII
du Règlement de sorte que la contribuable puisse profiter de la
déduction demandée sur ses bénéfices de fabrication et de
transformation.
Jugement: l'action présentée par voie d'appel devrait être
rejetée.
Le critère pour déterminer s'il s'agit d'un contrat de vente de
marchandises ou d'un contrat de prestation de services consiste
à se poser la question suivante: quelle est l'essence du contrat?
Si, comme en l'espèce, l'essence même du contrat est le savoir-
faire et la main-d'oeuvre que le fournisseur fait entrer dans
l'exécution d'un travail pour quelqu'un d'autre, il s'agit alors
d'un contrat de louage d'ouvrage et de main-d'oeuvre, bien qu'il
puisse 3' avoir, à titre accessoire, transfert de propriété de
certains matériaux. Le développement des radiographies sur le
plan technique par la demanderesse n'est qu'une partie de son
rôle général qui est de fournir un service. De plus, il n'est pas
sans importance que la définition de l'expression «activités
admissibles» figurant à l'alinéa b) de l'article 5202 du Règle-
ment renvoie précisément aux activités exercées au Canada
«directement dans le cadre des opérations de fabrication ou de
transformation au Canada ... de marchandises en vue de leur
vente ou de leur location à bail».
Si l'affaire Halliburton Services Ltd. c. La Reine est censée
signifier généralement que les mots «fabrication ou transforma
tion au Canada de marchandises en vue de la vente ou de la
location» utilisés aux alinéas 125.1(3)a) et 125.1(3)b) de la Loi
et à l'article 5202 du Règlement empêchent d'établir une
distinction dans chaque cas entre les contrats de vente de
marchandises et les contrats de louage d'ouvrage et de fourni-
ture de matériaux ou de prestation de services, on ne doit pas
alors être d'accord avec cette affaire. Le législateur a manifes-
tement voulu que les mots «marchandises en vue de la vente ou
de la location» soient utilisés dans leur sens commercial ou
juridique ordinaire afin de donner plus de précision au libellé
employé, qui, dans certains cas, peut nécessiter une distinction
entre un contrat de vente de marchandises et un contrat de
'prestation de services.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 125.1(3)a),b) (ajoutés par S.C. 1973-74, chap. 29,
art. 1; 1977-78, chap. 1, art. 60).
Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., chap. 945,
art. 5200, 5202, 5204.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Crown Tire Service Ltd. c. La Reine, [1984] 2 C.F. 219;
(1983), 83 DTC 5426 (P' inst.); confirmant (1981), 81
DTC 931 (C.R.I.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
Halliburton Services Ltd. c. La Reine (1985), 85 DTC
5336 (C.F. 1" inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
MDS Health Group Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 511;
(1979), 79 DTC 5279 (lie inst.); Canadian Wirevision
Ltd. c. R., [1979] 2 C.F. 164; 79 DTC 5101 (C.A.);
confirmant [1978] 2 C.F. 577; 78 DTC 6113 (1"» inst.);
Tenneco Canada Inc. c. Canada, [1988] 2 C.F. 3 (1"
inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Robinson v. Graves, [1935] 1 K.B. 579 (C.A.); Sterling
Engine Works v. Red Deer Lumber Co. (1920), 51
D.L.R. 519 (C.A. Man.).
DOCTRINE
Atiyah, P. S. The Sale of Goods, 7th ed. London: Pitman
Publishing Limited, 1986.
Benjamin, Judah Philip. Benjamin's Sale of Goods,
London: Sweet & Maxwell, 1974.
Fridman, G. H. L. Sale of Goods in Canada, 3rd ed.
Toronto-Calgary-Vancouver: Carswell, 1986.
AVOCATS:
Brian R. Carr et Colin Campbell pour la
demanderesse.
J. C. B. Dans et Alexandra Brown pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE McNAIR: Dans la présente action et
celle qui porte le n° de greffe T-2941-83, il s'agit
d'appels qui ont été formés par la demanderesse
contre les nouvelles cotisations concernant son
revenu pour les années d'imposition 1978 et 1979
et qui, par consentement des parties, seront enten-
dus et jugés d'après les mêmes éléments de preuve.
La question à trancher en l'espèce est de savoir
si l'entreprise de la contribuable durant son année
d'imposition 1978 consistait à développer des
radiographies médicales en vue de leur vente, ce
qui en ferait alors une entreprise de fabrication et
de transformation de marchandises destinées à la
vente ou à la location au sens de l'alinéa
125.1(3)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu
[S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-
71-72, chap. 63, art. 1; 1973-74, chap. 29, art. 1;
1977-78, chap. 1, art. 60)] et de la Partie LII du
Règlement de l'impôt sur le revenu [C.R.C., chap.
945].
Dans le calcul de son impôt sur le revenu pour
l'année d'imposition 1978, la réclamante a
demandé une déduction de 5 644 $ à l'égard de ses
bénéfices de fabrication et de transformation au
Canada, conformément aux dispositions législati-
ves applicables. Par avis de nouvelle cotisation en
date du 31 août 1981, le ministre a refusé d'accor-
der la déduction.
Ce refus se fondait simplement sur le fait que la
demanderesse ne vendait ni ne louait des marchan-
dises mais fournissait plutôt un service aux méde-
cins et à leurs patients. Le ministre a considéré que
la production d'un bien tangible, c'est-à-dire la
radiographie, était simplement accessoire à la
prestation du service fourni et que le but premier
de la prise des radiographies, et de fait le résultat
final de toute l'opération, était le diagnostic rendu
par le radiologiste et fondé sur son interprétation
de la radiographie en question. Le ministre a
présumé enfin que la radiographie demeurait la
propriété du laboratoire de radiologie et ne deve-
nait pas la propriété du patient ni celle du
radiologiste.
Le Dr James E. Mergelas et deux autres radiolo-
gistes avec lesquels il était associé ont constitué la
société Dixie X-Ray Associates Limited sous le
régime de la loi de l'Ontario le 27 juin 1977. La
société possède des locaux commerciaux à Missis-
sauga, à Etobicoke et à Downsview et, à la fin de
son année financière le 30 juin 1978, elle avait
l'équipement et le personnel nécessaires au déve-
loppement des radiographies des patients à des fins
de diagnostic. Les radiographies elles-mêmes
étaient prises et développées dans la plupart des
cas par des techniciens dûment qualifiés à l'emploi
de la société demanderesse. Le radiologiste inter-
vient seulement à l'étape de l'interprétation de la
radiographie aux fins du diagnostic. Il rédige un
rapport écrit qui est envoyé dans la plupart des cas
au médecin qui lui a adressé le patient. Les hono-
raires relatifs à ces services professionnels et tech
niques sont facturés à l'OHIP (Régime d'assu-
rance-maladie de l'Ontario) dans quatre-vingt-dix
pour cent des cas. Les dix pour cent qui restent
représentent des factures destinées à des chiropra-
ticiens, à des compagnies d'assurance, à des
citoyens américains et à d'autres personnes qui ne
bénéficient pas de l'OHIP. Les honoraires de cette
catégorie-ci sont facturés directement par la
demanderesse. Par opposition, les montants des
factures destinées à l'OHIP sont entrés sur une
carte d'ordinateur sous le nom de l'un des radiolo-
gistes. Dans les deux modes de facturation est
prévue une colonne pour une répartition des frais
entre l'élément technique et l'élément profession-
nel de la facture en question. La répartition
moyenne réelle des honoraires est évaluée par
l'OHIP à 73 % pour les services techniques et à
27 % pour les services professionnels. Sur réception
des montants facturés à l'OHIP, les radiologistes
retiennent les honoraires professionnels et versent
à la société la part correspondant à l'élément
technique. C'est exactement l'inverse qui se pro-
duit dans les cas où les montants facturés sont
versés à la société: la demanderesse garde les
honoraires techniques et verse les honoraires pro-
fessionnels au médecin qui y a droit.
Les radiographies sont placées dans une grande
enveloppe de papier manille portant le nom du
patient et d'autres renseignements relatifs à son
identité et sont conservées par la société demande-
resse. Elles ne sont pas remises au patient ni au
médecin qui l'a adressé au radiologiste concerné,
mais elles seront remises sur demande à la condi
tion d'être retournées à la demanderesse. La
période de conservation varie en fonction du genre
de radiographie. Les radiographies des voies respi-
ratoires et celles qui montrent des anomalies sont
conservées pendant cinq ans. Toutes les autres le
sont pendant un an. A la fin de la période de
conservation concernée, les radiographies à jeter
sont vendues par la demanderesse à une autre
compagnie pour la récupération de l'argent, étape
qui est suivie de leur destruction totale, et la
demanderesse reçoit une somme monétaire pour la
valeur de l'argent récupéré.
Sur les factures de la demanderesse concernant
les radiographies qui ne sont pas couvertes par
l'OHIP figure l'expression "For Services Ren
dered" (Pour services rendus). Par contre, dans le
cas de la facturation faite à l'intention de l'OHIP
sur les cartes d'ordinateur, on emploie le mot
"Fee" (Honoraires) sous le nom et le numéro du
radiologiste. Dans les états financiers de la deman-
deresse, l'état des revenus ne mentionne nullement
le revenu tiré des ventes ou les dépenses d'exploita-
tion. Au lieu de cela, le revenu est indiqué sous le
titre honoraires, qui est le poste le plus important,
suivi des honoraires de gestion, des loyers et du
divers ou de l'argent récupéré. Suivant l'entente
commerciale intervenue entre la société demande-
resse et les trois radiologistes associés, Dixie
X-Ray s'occupe de tout en ce qui concerne les
radiographies, à l'exception de leur interprétation.
Cette tâche est effectuée par les radiologistes. La
société leur fait payer l'utilisation de leur bureau.
Pour toute facture, l'élément concernant les soins
professionnels est versé au médecin associé con
cerné, qui l'indique dans sa déclaration d'impôt sur
le revenu. La société s'acquitte de toutes les tâches
techniques et laisse aux radiologistes la tâche
d'établir les diagnostics. Les honoraires sont répar-
tis dans la proportion de 73 % et de 27 %.
Le point crucial de l'affaire, ainsi que je le
comprends, est de savoir si l'entreprise exploitée
par la demanderesse durant son année d'imposition
1978 consistait en la «fabrication ou transforma
tion au Canada de marchandises en vue de la vente
ou de la location» au sens de l'article 125.1 de la
Loi de l'impôt sur le revenu et de la Partie LII du
Règlement de l'impôt sur le revenu, de sorte que la
demanderesse puisse profiter de la déduction
demandée sur ses bénéfices de fabrication et de
transformation. Il est admis de part et d'autre que
le montant de la déduction, si celle-ci est admissi
ble, est de 5 644 $. La défenderesse a reconnu que
le développement des radiographies est une «trans-
formation» et que le produit final résultant du
développement, à savoir la radiographie, est «une
marchandise». Cela étant, la véritable question du
point de vue de la défenderesse est de savoir si
l'activité commerciale de la demanderesse équi-
vaut à la transformation au Canada de marchandi-
ses en vue de leur vente. Il n'est nullement question
de location de marchandises.
L'article 125.1 de la Loi prévoit une réduction
d'impôt sur les bénéfices de fabrication et de trans
formation au Canada pour les années d'imposition
1973 et suivantes, et le régime législatif y contenu
peut prévoir un crédit d'impôt. Le calcul des béné-
fices de fabrication et de transformation au
Canada est établi suivant une formule prévue par
les articles 5200 à 5204 du Règlement (Partie
LII).
L'alinéa 125.1(3)b) de la Loi dispose que la
«fabrication ou transformation» ne comprend pas
les activités commerciales décrites et énumérées
expressément aux sous-alinéas (i) à (x) dudit
article.
Selon l'article 5202 du Règlement, l'expression
«activités admissibles» désigne un certain nombre
d'activités commerciales exercées au Canada dans
le cadre des opérations de fabrication ou de trans
formation au Canada de marchandises en vue de
leur vente ou de leur location (à l'exception des
activités énumérées aux sous-alinéas 125.1(3)b)(i)
à (ix) de la Loi) mais ne comprend pas certaines
autres activités mentionnées aux alinéas d) à i) [de
la définition de «activités admissibles» à l'article
5202] du Règlement. L'alinéa b) de l'article 5202
du Règlement est ainsi libellé:
52o2... .
«activités admissibles» ...
b) toutes les autres activités qui sont exercées au Canada
directement dans le cadre des opérations de fabrication ou de
transformation au Canada (à l'exception des activités énumé-
rées aux sous-alinéas 125.1(3)b)(i) à (ix) de la Loi) de
marchandises en vue de leur vente ou de leur location à
bail, ...
Le point principal de l'allégation de la demande-
resse est simplement le suivant: vu que la défende-
resse admet que le développement des radiogra-
phies constitue une opération de transformation et
que les radiographies elles-mêmes sont des mar-
chandises, il s'agit d'une transaction comportant
une vente de marchandises par laquelle la pro-
priété des radiographies est transférée au patient
en tant que personne qui paie pour elles. Il est
allégué que la tâche véritable de Dixie X-Ray est
de produire des radiographies et rien de plus, étant
donné que la loi l'empêche de pratiquer la méde-
cine. Le soin d'établir les radiodiagnostics est
nécessairement laissé aux médecins radiologistes.
La pratique de la demanderesse qui consiste à-
garder les radiographies pendant un certain temps
et à ne pas les remettre aux patients n'enlève rien
au fait que le droit de propriété sur ces radiogra-
phies a été transféré aux patients. En ce qui con-
cerne la cession définitive des radiographies et la
rémunération versée à la demanderesse pour le
recouvrement des résidus d'argent, celle-ci prétend
qu'il faut considérer que les patients ont renoncé à
ce moment-là à tout droit de propriété sur les
radiographies. En résumé, la demanderesse sou-
tient que, à l'époque concernée, elle exploitait acti-
vement une entreprise comportant la transforma
tion de marchandises en vue de leur vente, de sorte
qu'elle a droit à la déduction demandée conformé-
ment à l'article 125.1 de la Loi et aux dispositions
applicables du Règlement. Les avocats de la
demanderesse s'appuient fortement sur l'affaire
récente Halliburton Services Ltd. c. La Reine
(1985), 85 DTC 5336 (C.F. lie inst.).
On a déjà effleuré les principaux faits présumés
par le ministre. La défenderesse soutient essentiel-
lement qu'il n'y avait pas d'entente de base ou de
consensus ad idem entre Dixie X-Ray et le patient
pour la vente de la radiographie en tant que mar-
chandise ou bien mobilier. Elle insiste sur le fait
que rien ne prouve l'existence d'un contrat entre la
demanderesse et le patient lui-même en ce qui
concerne le transfert du titre de propriété sur la
radiographie elle-même. Elle prétend en outre que,
advenant même la preuve que le titre de propriété
sur la radiographie soit passé de la demanderesse
au patient ou à quelqu'un d'autre, il s'agirait alors
d'un contrat de fourniture de services auquel le
transfert de propriété sur la radiographie, le cas
échéant, est tout simplement accessoire. Il est allé-
gué que la preuve porte irrésistiblement à conclure
que le rapport existant entre la demanderesse et le
patient dénote l'existence d'un contrat de louage
de services dont la principale caractéristique est,
du point de vue du patient, le radiodiagnostic.
La défenderesse soutient que l'affaire Hallibur-
ton Services est un cas d'espèce et qu'il ne faut pas
la considérer comme venant appuyer la proposition
générale selon laquelle il n'y a pas lieu d'établir de
distinction entre les contrats de vente de biens et
les contrats de louage de services et de fourniture
de matériaux pour déterminer si l'article 125.1 de
la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique en ce qui
concerne les déductions relatives aux bénéfices de
fabrication et de transformation au Canada.
Un bref examen de la jurisprudence applicable
serait tout indiqué.
Dans l'affaire Crown Tire Service Ltd. c. La
Reine, [1984] 2 C.F. 219; (1983), 83 DTC 5426
(1" inst.); confirmant (1981), 81 DTC 931
(C.R.I.), la Cour a jugé que le rechapage de pneus
effectué par une société contribuable spécialisée
dans ce domaine n'avait rien à voir avec la fabrica
tion ou la transformation de marchandises en vue
de la vente ou de la location au sens de l'article
125.1. En faisant allusion à la distinction qui existe
entre le cas où le travail est effectué sur la carcasse
d'un pneu qui ne cesse pas d'appartenir au client et
les décisions où le client n'avait jamais auparavant
été propriétaire d'aucune partie du produit final, le
juge Strayer a déclaré, aux pages 225 C.F.; 5429
DTC:
... il faut supposer que le Parlement en parlant «d'articles
destinés à la vente ou à la location» a voulu, par une référence
au droit général en matière de vente ou de louage, donner à
cette expression une plus grande précision dans des cas
particuliers.
Le juge a appliqué un principe général énoncé
dans Benjamin's Sale of Goods pour arriver à sa
conclusion selon laquelle les contrats concernant
les pneus rechapés constituaient des contrats de
louage de services et de fourniture de matériaux et
non pas des contrats de vente de marchandises.
Dans l'affaire MDS Health Group Ltd. c. R.,
[1980] 1 C.F. 511; (1979), 79 DTC 5279 (ire
inst.), la Cour a décidé que la production de
rapports par les laboratoires médicaux de la con-
tribuable qui s'occupaient de l'analyse de spéci-
mens de sécrétions et de tissus humains, à la
demande de médecins, ne constituait pas de la
fabrication ou de la transformation au Canada de
marchandises en vue de la vente ou de la location
au sens de l'article 125.1 de la Loi de l'impôt sur
le revenu, de façon à permettre à ladite contribua-
ble d'obtenir une déduction à cet égard.
Voici le raisonnement du juge Gibson, qui figure
aux pages 516 et 517 C.F.; 5282 DTC:
En l'espèce, la qualité du contenu des rapports émanant des
laboratoires de la demanderesse est le seul élément de valeur. Il
n'y a aucun produit fini dérivant des spécimens après analyse
au sens où l'entendent la Loi et les Règlements, c'est-à-dire des
«articles» au sens de l'article 125.1 de la Loi de l'impôt sur le
revenu et du Règlement 5200. Rien ne ressort de l'analyse des
spécimens qui puisse être vendu. Bien que les rapports d'analyse
contiennent des renseignements valables, ils ne constituent pas
des «articles» au sens de l'expression «fabrication ou ... trans
formation au Canada d'articles destinés à la vente», qui figure à
l'article 125.1 de la Loi.
Dans l'affaire Canadian Wirevision Ltd. c. R.,
[1979] 2 C.F. 164; 79 DTC 5101 (C.A.); confir-
mant [1978] 2 C.F. 577; 78 DTC 6113 (lie inst.),
la Cour a statué que la réception et la transmission
de signaux de radio et de télévision par une compa-
gnie de câblodistribution pour ses clients ne consis-
taient pas en la fabrication ou la transformation de
marchandises en vue de la vente au sens de l'article
125.1 pour le motif que les signaux ne consti-
tuaient pas des «marchandises» au sens ordinaire
de produits, articles ou biens meubles tangibles.
Même si cette conclusion était erronée, la Cour
était encore d'avis que la contribuable ne pouvait
pas obtenir gain de cause parce qu'elle ne vendait
pas de signaux à ses abonnés. De plus, le texte du
contrat passé avec les abonnés ne faisait pas état
d'une vente de marchandises mais d'une prestation
de services.
Dans l'affaire Tenneco Canada Inc. c. Canada,
[1988] 2 C.F. 3 (1" inst.), le juge Dubé a décidé
que le remplacement ou la réparation, par Speedy
Muffler, de pièces du système d'échappement pour
ses clients ne constituait pas de la fabrication ou
de la transformation de marchandises au sens de
l'article 125.1 de la Loi mais constituait plutôt
essentiellement un contrat de louage de services
par lequel des pièces du système d'échappement
sont devenues la propriété des clients par voie
d'accession.
Dans l'affaire Halliburton Services Ltd. c. La
Reine (1985), 85 DTC 5336 (C.F. 1" inst.), la
contribuable réclamait une déduction en vertu de
l'alinéa 125.1(3)b) relativement aux bénéfices pro-
venant de la fabrication ou de la transformation de
marchandises en vue de la vente. En plus de
fournir des services reliés au forage de puits de
pétrole et de gaz, la contribuable fournissait un
produit spécialisé connexe à l'intention de ses
clients. Le tribunal a jugé que les bénéfices tirés de
la transformation du produit spécialisé pouvaient
être traités comme des bénéfices de fabrication ou
de transformation au sens de l'alinéa 125.1(3)b)
pour le motif que le produit spécialisé en question
était vendu aux clients. Le tribunal n'a pas pu
conclure à partir des faits particuliers de l'espèce
que le volet «service» des activités commerciales de
la contribuable était plus important que la produc
tion du produit spécialisé qui était requis en liaison
avec lui.
Madame le juge Reed a affirmé, à la page 5338:
... je ne suis pas d'avis que le texte [l'alinéa 125.1(3)b)] exige
clairement que l'on fasse une distinction entre les bénéfices qui
découlent de la vente de marchandises et les bénéfices qui
découlent de la vente d'une marchandise lorsque celle-ci fait
partie d'un contrat plus étendu qui comprend également les
services et la main-d'oeuvre.
Si ce passage est censé signifier généralement
que les mots "fabrication ou transformation au
Canada de marchandises en vue de la vente ou de
la location" utilisés aux alinéas 125.1(3)a) et
125.1(3)b) de la Loi et à l'article 5202 du Règle-
ment empêchent d'établir une distinction dans
chaque cas entre les contrats de vente de marchan-
dises et les contrats de louage d'ouvrage et de
fourniture de matériaux ou de prestation de servi
ces, je dois alors en toute déférence indiquer mon
désaccord. Je suis plutôt d'avis que le législateur
voulait manifestement que les mots «marchandises
en vue de la vente ou de la location» soient utilisés
dans leur sens commercial ou juridique ordinaire
afin de donner plus de précision au libellé employé,
qui, dans certains cas, peut nécessiter une distinc
tion entre un contrat de vente de marchandises et
un contrat de prestation de services. C'est essen-
tiellement la même opinion que celle exprimée par
la juge Strayer dans la décision Crown Tire Ser
vice Ltd. c. La Reine, précitée.
Le critère pour déterminer s'il s'agit d'un con-
trat de vente de marchandises ou d'un contrat de
prestation de services consiste à se poser la ques
tion suivante: quelle est l'essence du contrat? Si
c'est la production de quelque chose en vue de sa
vente ainsi que le transfert, à un acheteur, de la
propriété de cette chose, il s'agit alors d'un contrat
de vente de marchandises. Mais si l'essence même
du contrat est le savoir-faire et la main-d'oeuvre
que le fournisseur fait entrer dans l'exécution d'un
travail pour quelqu'un d'autre, il s'agit alors d'un
contrat de louage d'ouvrage et de main-d'oeuvre,
bien qu'il puisse y avoir, à titre accessoire, trans-
fert de propriété de certains matériaux. Voir
Atiyah, The Sale of Goods, 7th ed., pages 23 et
24; Robinson v. Graves, [1935] 1 K.B. 579 (C.A.),
le lord juge Greer, à la page 587; et Sterling
Engine Works v. Red Deer Lumber Co. (1920), 51
D.L.R. 519 (C.A. Man.).
Dans son ouvrage intitulé Sale of Goods in
Canada (3rd ed.), G. H. L. Fridman, qui est
d'accord que l'opinion majoritaire au Canada était
en harmonie avec ce que la Cour d'appel d'Angle-
terre a décidé dans l'arrêt Robinson v. Graves,
déclare ce qui suit, à la page 22:
[TRADUCTION] ... si le contrat a pour principal objet de
transférer la propriété de quelque chose qui à l'origine n'était
pas la propriété de l'«acheteur», il s'agira d'un contrat de vente
de marchandises, mais si les parties recherchent principalement
l'exécution d'un certain ouvrage, ou la prestation de services, et
si accessoirement la propriété des marchandises devait passer
d'une partie à l'autre, il ne s'agira pas alors d'un contrat de
vente de marchandises.
Le Dr James E. Mergelas était le témoin princi
pal de la demanderesse. Il a témoigné qu'il existait
des relations d'affaires entre les radiologistes asso-
ciés et Dixie X-Ray. La compagnie fait payer aux
médecins associés l'utilisation des bureaux et
ceux-ci, à leur tour, font payer à la compagnie
l'utilisation du matériel de radiographie. Il a par la
suite exposé les grandes lignes de la procédure
normalement suivie en ce qui concerne les patients
qui sont adressés aux radiologistes par d'autres
médecins.
À son arrivée dans les locaux de la demande-
resse, le patient en question est interrogé par la
réceptionniste, qui consigne les renseignements
pertinents concernant le patient, dont le numéro
d'OHIP. Le patient est ensuite dirigé vers une salle
de déshabillage et prié de se dévêtir dans la mesure
requise pour la prise des radiographies. Le patient
est alors conduit dans la salle de radiographie où
un technicien qualifié prend les radiographies
appropriées et fait ensuite attendre le patient pen
dant leur développement dans un appareil à cet
effet. Une fois développées, les radiographies sont
alors marquées, identifiées et placées dans une
enveloppe de papier manille, en attendant que le
radiologiste en fasse l'interprétation et fournisse
son rapport, étape qui est requise dans la grande
majorité des cas. Le témoignage du D r Mergelas
est tout à fait explicite sur le fait que la demande-
resse n'informe jamais spontanément le patient
que les radiographies lui appartiennent et qu'il
peut les emporter, mais que c'est seulement si le
patient le demande de lui-même qu'on lui fait
savoir qu'il peut les obtenir. Il ressort clairement
aussi de la preuve que c'est bien la formule «fees
for services rendered» (honoraires pour services
rendus) qui figure sur toutes les factures de la
demanderesse.
L'avocat de la demanderesse a admis franche-
ment au cours de sa plaidoirie que le patient est
adressé par son médecin traitant au D r Mergelas
ou à l'un de ses associés en vue d'obtenir un
radiodiagnostic fondé sur la confiance que le
médecin traitant a dans la compétence profession-
nelle des radiologistes plutôt que sur la capacité de
Dixie X-Ray de développer comme il faut les
radiographies. Reconnaissant l'importance du
radiodiagnostic lui-même, il laisse supposer que
cela indique que les patients sont adressés aux
médecins associés et que ce sont ces derniers qui
confient à la demanderesse la sous-traitance du
développement technique des radiographies. Je
suis entièrement d'accord et je crois en effet que
dans l'ensemble le témoignage ne mène à aucune
autre conclusion logique que celle selon laquelle
tous les patients sont en premier lieu adressés aux
médecins associés à cause de la réputation qu'ils
ont, sur le plan professionnel, de fournir des radio-
graphies de bonne qualité et à cause aussi de leur
compétence et de leur expérience en matière de
radiodiagnostic. Voilà ce qui constitue le fonde-
ment des relations d'affaires avec les patients, et ce
qui se produit par la suite quant au transfert de
tout droit de propriété sur les radiographies elles-
mêmes est, à mon avis, d'importance assez secon-
daire. En résumé, j'estime que l'essence du contrat
est la prestation de services, dans le cadre de
laquelle le transfert de propriété des radiographies
est simplement accessoire, et qu'il ne s'agit pas en
soi d'un contrat de vente de marchandises. J'estime
de plus que le développement des radiographies sur
le plan technique par la demanderesse fait seule-
ment partie de son rôle général qui est de fournir
un service aux médecins et à leurs patients, d'où il
s'ensuit qu'on ne peut pas faire de distinction
essentielle entre la grande majorité des cas où le
radiodiagnostic est le résultat final de tout le pro-
cessus et les dix pour cent des cas où les radiogra-
phies sont remises à d'autres sans qu'un radiolo-
giste ne présente de rapport écrit. De plus, il n'est
pas sans importance, à mon avis, que la définition
de l'expression «activités admissibles» figurant à
l'alinéa b) de l'article 5202 du Règlement renvoie
précisément aux activités exercées au Canada
«directement dans le cadre des opérations de fabri
cation ou de transformation au Canada ... de
marchandises en vue de leur vente ou de leur
location à bail». (C'est moi qui souligne.)
Je conclus donc que la demanderesse n'a pas
renversé les présomptions de fait servant de fonde-
ment à la cotisation du ministre pour ce qui con-
cerne son année d'imposition 1978. J'estime que la
demanderesse n'a pas prouvé selon la prépondé-
rance des probabilités que son entreprise fait le
développement de marchandises en vue de leur
vente au sens de l'article 125.1 de la Loi de l'impôt
sur le revenu et des articles 5200 et 5202 du
Règlement. Il va sans dire que le même raisonne-
ment et la même décision s'appliquent à l'autre
affaire (T-2941-83) jugée en même temps que la
présente.
Pour ces motifs, l'action de la demanderesse
présentée par voie d'appel est rejetée avec dépens.
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