T-240-87
Dianena Alvero-Rautert (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: ALVERO-RAUTERT c. CANADA (MINISTRE DE
L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Division de première instance, juge Muldoon—
Winnipeg, 21 avril et 14 décembre 1987; Ottawa,
11 janvier 1988.
Immigration — Parrainage — Catégorie de la famille —
Personnes à charge — Demande de parrainage soumise juste
avant la date à laquelle la personne à parrainer allait avoir
vingt et un ans — La date limite n'a pas été respectée puisque
le Ministère a traité la demande de façon routinière et insou-
ciante — C'est par courrier de surface et non par télex que des
documents ont été transmis aux Philippines — L'administra-
tion ministérielle a fait preuve de négligence, étant donné
l'urgence de la situation, en ne faisant pas d'efforts raisonna-
bles pour traiter la demande selon la volonté du législateur —
Dans certains cas, l'admissibilité d'une personne à charge d'un
membre de la catégorie de la famille doit être déterminée à
compter de la date de l'engagement de fournir de l'aide — La
date des événements importants est déterminée selon l'heure
du Canada, sans tenir compte de ce qui se passe de l'autre côté
de la ligne internationale de changement de date.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Immigration
— Parrainage — Catégorie de la famille — Personnes à
charge — La demande de droit d'établissement d'un frère
parrainé, qui a été soumise juste avant la date à laquelle il
allait avoir vingt et un ans, a été rejetée en raison de la
négligence et de la nonchalance dont un agent d'immigration a
fait preuve en ne traitant pas la demande avec célérité — En
vertu de l'art. 79 de la Loi, un répondant peut interjeter appel
devant la Commission d'appel de l'immigration du rejet d'une
demande présentée par une personne appartenant à la catégo-
rie de la famille et non, comme en l'espèce, du refus d'inclure
dans la demande quiconque serait à la charge de la personne
appartenant à cette catégorie — Le fait d'invoquer la Déclara-
tion des droits et la Charte a pour effet d'exclure l'allégation
de prévarication de la clause privative de l'art. 59 de la Loi.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Traitement inusité — Immigration —
Demande de parrainage soumise juste avant la date à laquelle
une personne à charge allait avoir vingt et un ans — La date
limite n'a pas été respectée — Il y a eu traitement inusité
parce que le droit de parrainer de la requérante a été enfreint
par suite de la négligence personnelle ou professionnelle de
l'agent d'immigration qui n'a pas traité la demande avec
célérité.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — Immigration — Demande de parrainage soumise
juste avant la date à laquelle une personne à charge allait
avoir vingt et un ans — La date limite n'a pas été respectée —
La requérante a fait l'objet d'une discrimination puisque
l'agent d'immigration, se fondant sur la pratique et la politi-
que, n'a pas jugé utile de transmettre la demande d'urgence.
Déclaration des droits — Immigration — Demande de
parrainage soumise juste avant la date à laquelle une personne
à charge allait avoir vingt et un ans — La date limite n'a pas
été respectée — Il y a eu traitement inusité parce que le droit
de parrainer de la requérante a été enfreint par suite de la
négligence personnelle ou professionnelle de l'agent d'immi-
gration qui n'a pas traité avec célérité la demande — Le-droit
à une audience équitable n'a pas été accordé puisque la
décision reposait sur de faux renseignements, et que la requé-
rante n'a pas eu la possibilité d'expliquer que l'omission de
respecter la date limite n'était pas de sa propre faute.
Le 31 juillet 1984, le jour même où cela devenait possible, la
requérante a demandé la citoyenneté canadienne. Voulant par-
rainer sa famille, y compris un frère qui atteindrait l'âge de
vingt et un ans le 19 avril 1985, elle a tenté d'accélérer le
processus, mais elle n'a pu prêter son serment de citoyenneté
avant le 1» avril 1985. Entre-temps, des agents d'immigration
lui ont dit qu'elle pouvait parrainer son frère pendant la période
allant jusqu'au 19 avril 1985. Elle a présenté la demande visant
à parrainer sa famille le plus tôt possible, soit le 16 avril 1985,
mais son engagement n'a pas été «homologué» avant le 19 avril.
Jamais lui a-t-on dit qu'elle aurait de la difficulté à parrainer
son frère âgé de vingt ans. L'engagement de parrainage a été
expédié à l'ambassade canadienne à Manille par courrier de
surface, et y est parvenu le 16 mai 1985. Pour que son frère soit
admissible, l'engagement de parrainage aurait dû être commu-
niqué à temps à l'ambassade aux Philippines afin que celle-ci se
mette en rapport avec son frère pour lui faire remplir une
formule de demande d'immigration avant le 19 avril 1985.
Depuis le 16 septembre 1986, les autorités d'immigration ont
pour politique de communiquer à l'étranger par télex des
renseignements sur une demande de parrainage lorsque le
requérant, étant une personne à charge de la catégorie de la
famille et accompagnant celle-ci, atteindra bientôt l'âge de
vingt et un ans.
Il s'agit d'une demande de certiorari présentée pour faire
annuler la décision par laquelle le ministre a statué que le frère
de la requérante n'est pas une personne à charge au sens de
l'article 2 du Règlement sur l'immigration de 1978, et de
mandamus ordonnant à l'intimé de traiter la demande de
résidence permanente de son frère en qualité de personne à
charge qui accompagne son père.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
L'agent d'immigration qui s'est occupé de la demande de
parrainage et le personnel du ministère de l'intimé, sinon
l'intimé lui-même à l'époque, ont été négligents, nonchalants et
tout à fait inconscients de l'état d'urgence existant alors. Leur
négligence, jointe à l'insuffisance du règlement en l'espèce, a
fait échec à la volonté du législateur.
Cette Cour a compétence pour connaître de l'espèce. La
requérante ne pouvait interjeter appel de la décision rendue en
vertu de l'article 79 de la Loi sur l'immigration de 1976. Ainsi
que l'a statué la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Bailon,
l'article 79 établit clairement qu'un répondant peut interjeter
appel devant la Commission d'appel de l'immigration du rejet
d'une demande présentée par une personne appartenant à la
catégorie de la famille mais non, comme en l'espèce, du refus
d'inclure dans la demande quiconque serait à la charge de la
personne appartenant à cette catégorie. Qui plus est, si on avait
recours à la Déclaration des droits et à la Charte, cette
allégation de prévarication pourrait exclure la clause privative
de l'article 59 de la Loi.
Le fait que l'atteinte présumée au droit de la requérante
résulterait d'une mauvaise administration n'était pas un obsta
cle à sa demande de redressement. L'obligation d'agir équita-
blement s'appliquait toujours. Et le Règlement, qui avait la
même force que la loi, est la source véritable du droit de la
requérante de parrainer sa famille, incluant son frère.
Étant donné les circonstances de l'espèce et compte tenu de
la décision Mahida, l'admissibilité du frère de la requérante en
tant que personne à charge de leur père devrait être déterminée
selon la date de l'engagement de fournir de l'aide, soit le 16
avril, et non, comme c'est habituellement le cas, celle de la
demande d'immigration. Le fait que la requérante a entamé le
processus au Canada, à l'est de la ligne internationale de
changement de date pour le poursuivre à Manille, à l'ouest de
cette ligne, ne tire pas à conséquence. L'anniversaire du frère,
aux fins de la Loi, doit être déterminé selon l'heure de
Winnipeg.
Le droit de la requérante de parrainer sa famille; y compris
son frère, a été enfreint par suite de la négligence personnelle
ou professionnelle de l'agent d'immigration qui n'a pas transmis
avec célérité la demande de parrainage de la requérante; il l'a
ainsi soumise à un traitement inusité, en violation de l'alinéa
2b) de la Déclaration des droits et à l'article 12 de la Charte.
De plus, on lui a refusé le droit à une audience équitable,
garanti par l'alinéa 2e) de la Déclaration des droits, parce que
le décideur à Manille a fondé sa décision sur la déclaration
erronée que l'engagement était daté du 19 avril 1985 au lieu du
16 avril. La requérante n'était pas là pour corriger les erreurs,
pour indiquer que le non-respect de la date limite n'était pas de
sa faute, ou pour débattre les points de droit. Elle a donc été
privée de son droit à la même protection de la loi.
L'article 15 de la Charte est entré en vigueur le 17 avril
1985, le lendemain de la présentation par la requérante de sa
demande de parrainage. Il appert maintenant que si, en tant
qu'immigrante ayant obtenu le droit d'établissement, elle avait
fait valoir le droit de parrainer ses parents, le refus aurait pu
être annulé en vertu de l'article 15. Elle a été victime de
discrimination parce que sa demande a été présentée juste
avant la date limite et que le personnel ministériel, se fondant
sur la pratique et la politique, n'a pas jugé utile de transmettre
sa demande d'urgence en avril 1985.
On ne saurait reprocher à la requérante le «retard», de juin
1985 à février 1987, dans la présentation de la présente
demande. En fait, ses avocats ont renouvelé les efforts pour
obtenir un redressement du ministre, mais en vain.
Le Règlement à l'examen en l'espèce nécessite une réforme
de la procédure, étant donné l'incidence générale des problèmes
qu'il occasionne.
Ni la Loi ni le Règlement ne devaient être interprétés ou
appliqués de telle sorte qu'ils confirment ou cristallisent ce
traitement inusité eu égard au droit de la requérante en date du
16 avril 1985.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 12, 15, 32(1)a).
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice III, art. lb), 2b),e).
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 25(9).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 59.
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172,
art. 2(1), 4(1)c), 5(1), 6(1)b) (mod. par
DORS/79-167, art. 2).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Bailon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), jugement en date du 16 juin 1986, Cour fédérale,
Division d'appel, A-783-85, non publié; Singh et autres c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1
R.C.S. 177; Mahida c. Ministre de l'Emploi et de l'Im-
migration et autre (1987), 11 F.T.R. 150 (C.F. 1'° inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Pangli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) (1988), 81 N.R. 216 (C.A.F.); Dhaliwal c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), ordonnance
en date du 26 janvier 1987, Cour fédérale, Division de
première instance, T-105-87, encore inédite; Hundal c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),
ordonnance en date du 16 février 1987, Cour fédérale,
Division de première instance, T-264-87, encore inédite.
DÉCISIONS CITÉES:
Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre & de l'Immigra-
tion, [1976] 1 R.C.S. 376; (1975), 52 D.L.R. (3d) 383;
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins,
[1984] 1 C.F. 1104 (C.A.); Affaire intéressant La Loi
sur l'Immigration de 1976 et Kahlon, [1985] 2 C.F. 124
(1" inst.) infirmé par [1986] 3 C.F. 386 (C.A.); Rajpaul
c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),
[1987] 3 C.F. 257; (1987), 10 F.T.R. 189 (l'0 inst.);
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Wong c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1986), 64
N.R. 309 (C.A.F.); Martineau c. Comité de discipline de
l'Institution de Matsqui, [1980] I R.C.S. 602.
AVOCATS:
David Matas pour la requérante.
Brian H. Hay pour l'intimé.
PROCUREURS:
David Matas, Winnipeg, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Deux audiences ont eu lieu
en l'espèce, les 21 avril et 14 décembre 1987, à
Winnipeg. La requérante a été autorisée, lors de la
dernière audience, à modifier son avis de requête
dont la version définitive mais abrégée, est la
suivante:
[TRADUCTION] SACHEZ qu'une demande sera déposée au nom
de la requérante ... en vue d'obtenir:
1) un CERTIORARI annulant la décision de l'intimé selon
laquelle Winchel Alvero n'est pas une personne à charge
au sens de l'article 2 du Règlement sur l'immigration de
1978; et
2) un MANDAMUS ordonnant à l'intimé de traiter la demande
de résidence permanente de Winchel Alvero en qualité de
personne à charge qui accompagne son père William
Alvero;
SACHEZ DE PLUS QUE la requérante demandera subsidiaire-
ment:
un CERTIORARI annulant la décision de l'intimé de ne pas
traiter la demande de droit d'établissement de Winchel
Alvero fondée sur des considérations d'ordre humanitaire
et renvoyant le dossier pour réexamen pour le motif que:
1) La présence de frères et soeurs de Winchel Alvero
aux Philippines n'est pas une considération pertinente lors-
qu'il s'agit d'un redressement basé sur des motifs de
commisération,
2) Ce qui importe, c'est de faciliter la réunion de Win-
chel Alvero avec sa famille au Canada,
ET SACHEZ que la requérante sollicitera toute autre ordonnance
qui semblera appropriée;
ET...
La question en litige est de savoir si, pour les
fins de sa demande d'immigration, Winchel, le
frère de la requérante, est admissible au parrai-
nage, alors qu'il a atteint l'âge de vingt et un ans
au cours de la procédure de parrainage, et donc
avant que celle-ci ne soit complétée. Tout d'abord,
on peut dire sans aucune réserve que, parmi toutes
les personnes visées dans cette affaire, la requé-
rante n'a elle-même jamais commis de faute ni
retardé aucune procédure durant toute la période
en cause.
Les affidavits produits en l'espèce par la requé-
rante et d'autres personnes demeurent tels quels
puisqu'aucun des déposants n'a été contre-inter-
rogé sur ces affidavits. En bref, suivant la preuve
non contredite soumise à la Cour, voici l'essentiel
de toute cette affaire:
[TRADUCTION] 1984
23 mai—Le frère de la requérante, Winchel, jure que lui-même
et sa soeur Wilna se sont présentés à l'ambassade du Canada à
Manille à cette date et ont été informés que le bureau des visas
de l'endroit ne leur fournirait pas «de formulaires de demande
d'immigration avant que la demande de parrainage de notre
soeur [la requérante en l'espèce] ait été déposée et acceptée au
Canada et que cette acceptation ait été communiquée au
bureau des visas aux Philippines».
31 juillet—La requérante a demandé la citoyenneté canadienne
dès qu'il lui a été possible de le faire, comme le démontre la
pièce «A» jointe à son troisième affidavit, donné sous serment le
18 septembre 1987;
Août à décembre—La requérante a dû attendre avant d'être
reçue en entrevue par un juge de la citoyenneté. Comme elle l'a
elle-même appris plus tard, et comme l'indique la pièce «C»
jointe à son troisième affidavit, le mandat d'une durée de trois
ans du seul juge de la citoyenneté du Manitoba à cette époque
expirait le 15 novembre et il y avait un arriéré d'environ 400
dossiers à traiter en plus d'à peu près 500 nouveaux cas à
traiter chaque mois. Au mois de décembre, la requérante
commença à craindre que les délais retardant le traitement de
sa demande de citoyenneté puissent compromettre le parrai-
nage de son frère qui allait avoir 21 ans le 19 avril 1985,
comme l'indique la pièce «D» jointe à son premier affidavit.
Décembre—La requérante a téléphoné au service des «rensei-
gnements» du bureau d'immigration de Winnipeg et elle a dit à
la personne qui lui a répondu qu'elle entendait parrainer sa
famille, y compris «un frère qui allait avoir 21 ans» et «lui a
demandé quelle était la date limite» de parrainage. La requé-
rante jure que la personne en question lui a répondu que si elle
demandait à parrainer sa famille avant que son frère atteigne
l'âge de 21 ans, celui-ci serait admissible audit parrainage.
Cette personne ne l'a pas avisée que son frère devait remplir sa
propre demande d'immigration au bureau canadien des visas à
l'étranger avant d'avoir 21 ans.
1985
11 février—La requérante a été reçue en entrevue par un juge
de la citoyenneté qui a recommandé qu'on lui accorde la
citoyenneté. Voir la pièce «D» jointe à son troisième affidavit.
—Toujours en février, la requérante, qui n'avait pas encore
prêté son serment de citoyenneté, a pris rendez-vous au bureau
de l'immigration pour le 27 mars, espérant qu'à cette date on
lui aurait permis de prêter serment.
20 mars—La requérante a annulé le rendez-vous du 27 mars
car aucune date ne lui avait été fixée pour prêter serment. La
première date disponible pour un rendez-vous au bureau de
l'immigration était le 16 avril 1985.
—L'assermentation de la requérante a finalement été fixée au 2
mai, comme le démontre la pièce «E» jointe à son deuxième
affidavit. Toutefois, elle a fait modifier ladite date pour qu'elle
soit fixée avant celle du rendez-vous du 16 avril.
11 avril—La requérante a prêté son serment de citoyenneté ce
jour-là, comme l'indique la pièce «D» ci-haut mentionnée. Mais
incapable d'obtenir son certificat le jour même, elle a demandé
et obtenu une lettre de la Cour de la citoyenneté canadienne
(pièce «F»), confirmant son nouveau statut de citoyenne «pour
fins de présentation aux fonctionnaires d'Immigration Canada».
Son certificat no 3677627 (pièce «G») prouve qu'elle est deve-
nue une citoyenne canadienne le 11 avril 1985.
On remarquera que, jusqu'ici dans la suite des
événements, la requérante n'a pas eu affaire aux
employés ou autres fonctionnaires du ministère de
l'intimé et n'a donc pas été retardée par eux. Il
semble que le gestionnaire et le gestionnaire par
intérim de la Cour de la citoyenneté à Winnipeg
méritent des félicitations (pièces «D» et «F» jointes
au troisième affidavit de la requérante) mais jus-
qu'à maintenant, les services du gouvernement du
Canada n'avaient occasionné à la requérante que
des retards malheureux. Bien sûr, n'eût été l'immi-
nence du vingt et unième anniversaire de naissance
de Winchel, cette suite de retards aurait entraîné
une situation moins ou même aucunement urgente
et inquiétante.
Le 16 avril 1985, soit trois jours avant l'anniver-
saire de naissance de Winchel, et [TRADUCTION]
«à la première date que le C.I.C. pouvait lui
accorder» une entrevue, aux termes du paragraphe
10 de son troisième affidavit, la requérante a
demandé à parrainer sa famille et elle a été reçue
en entrevue par un agent d'immigration («J.M.I.»),
lequel a également signé un affidavit déposé en
l'espèce. Il n'y a pas vraiment de contradiction
entre les deux dépositions, sauf que «J.M.I.» jure
qu'à sa connaissance, il ne se souvient pas d'avoir
fait certaines observations à la requérante (para-
graphe 4). II connaît également mieux que la
requérante la date d'entrée en vigueur d'une modi
fication apportée au Guide de l'immigration de
l'intimé, mais ce fait ne détruit pas la crédibilité
des deux déposants.
Voici quelques extraits tirés du premier affidavit
de la requérante relativement à cette période
cruciale:
[TRADUCTION] 6. J'ai demandé à parrainer ma famille au
C.I.C. à Winnipeg le 16 avril 1985 comme l'indique la pièce
«A» jointe aux présentes.
7. M. [«J.M.I.»], l'agent d'immigration du C.I.C. avec lequel
j'ai eu une entrevue le 16 avril 1985, ne m'a pas indiqué que ma
demande poserait des difficultés ni que mon frère WINCHEL
pourrait être inadmissible à cause de son âge.
9. Mon frère WINCHEL était en tout temps disponible pour se
rendre à l'ambassade du Canada à Manille et soumettre sa
demande de droit d'établissement dès qu'une telle demande lui
serait remise.
[Note: Le procureur de l'intimé s'est opposé au par. 9 pour le
motif que c'était du ouï-dire; mais l'importance de la correspon-
dance entre la requérante et son frère parmi tous les autres
documents déposés révèle que ledit paragraphe est probable-
ment exact].
10. M. [«J.M.I.»] m'a adressé une lettre en date du 18 avril
1985, m'informant que mon engagement était envoyé à l'am-
bassade du Canada à Manille. La lettre est jointe aux présentes
sous la pièce «C». Dans cette lettre, M. [«J.M.I.»] ne m'a donné
aucune raison de croire que mon frère WINCHEL serait inadmis
sible à cause de son âge.
12. [«J.M.I.»] n'a pas homologué mon engagement relatif au
parrainage avant le 19 avril 1985, comme l'indique la pièce «A»
jointe aux présentes.
13. L'intimé a pour politique de traiter toutes les demandes de
la catégorie de la famille avec autant de célérité que possible de
façon à ce que le refus d'un visa ne soit pas dû à des délais
administratifs dont il serait responsable. L'intimé communique
désormais à l'étranger par télex pour transmettre des renseigne-
ments sur un engagement relatif au parrainage lorsque le
requérant, étant une personne à charge de la catégorie de la
famille et accompagnant celle-ci, atteindra bientôt l'âge de 21
ans; et il exige que les formulaires de demande soient envoyés
d'urgence au requérant. La politique et la procédure sont
exposées à la pièce «E» jointe aux présentes.
14. Le C.I.C. à Winnipeg n'a pas communiqué par télex ma
demande de parrainage à l'ambassade du Canada à Manille
mais l'a plutôt fait parvenir par courrier ordinaire. L'ambas-
sade du Canada à Manille a reçu ma demande le 16 mai 1985,
comme l'indique la pièce «F» jointe aux présentes.
15. L'ambassade du Canada à Manille a communiqué par
télex avec le C.I.C. à Winnipeg le 10 juin 1985, demandant que
je raie le nom de mon frère WINCHEL de ma demande de
parrainage en présumant à tort que la date de naissance de mon
frère WINCHEL était le 10 avril 1986, comme l'indique la pièce
«G» jointe aux présentes.
17. J'ai refusé de rayer le nom de mon frère WINCHEL de ma
demande de parrainage.
Relativement à cette période cruciale, l'agent
d'immigration «J.M.I.» rapporte les faits suivants
dans son affidavit:
[TRADUCTION] 3. Vers le 16 avril 1985, j'ai rencontré la
requérante et je l'ai interrogée relativement à son engagement à
aider les membres de sa famille aux fins de leur demande de
droit d'établissement. Deux pages de notes manuscrites, datées
du 17 avril 1985 et rédigées à la suite de ma rencontre et de
mon entrevue avec la requérante vers le 16 avril 1985, sont
jointes aux présentes sous la cote «A».
4. À ma connaissance, je n'ai probablement pas tenu compte
du fait que la date à laquelle Winchel Alvero allait avoir 21 ans
soit le 19 avril 1985, approchait. À ma connaissance, je ne me
souviens pas d'avoir fait des observations dans un sens ou dans
l'autre à la requérante, concernant l'admissibilité de son frère
Winchel.
5. J'ai lu l'affidavit de la requérante et quant au paragraphë 13
dudit affidavit, ce n'était ni notre politique ni notre habitude
«de communiquer à l'étranger par télex pour transmettre des
renseignements sur un engagement relatif au parrainage lors-
que le requérant, étant une personne à charge de la catégorie de
la famille et accompagnant celle-ci atteindra bientôt l'âge de 21
ans». À ma connaissance, l'alinéa 4c)iii) du Guide de l'immi-
gration IS 2.21 ne figurait pas dans ledit Guide en avril 1985.
Je crois que ce sous-alinéa a été ajouté au Guide en septembre
1986. Une photocopie de la page 19 du Guide d'immigration IS
2.21 de septembre 1986, sur laquelle un signe «+» apparaît en
marge, indiquant que cet alinéa est ajouté et fait désormais
partie du guide, est jointe aux présentes sous la pièce «B».
L'affidavit de «J.M.I.» a été donné sous serment le
15 avril 1987 et celui de la requérante, le 3 février
1987.
Il semble que l'engagement de la requérante ait
été expédié à Manille par courrier de surface
puisqu'il a fallu environ un mois, c'est-à-dire jus-
qu'au 16 mai 1985, selon le timbre dateur pour se
rendre de Winnipeg jusque-là, tel qu'il appert à la
pièce «F» jointe au premier affidavit de la
requérante.
Il semble que «J.M.I.» ait fait montre de négli-
gence, comme il l'a presque admis au paragraphe 4
de son affidavit (ci-dessus). Il semble également
que le personnel du ministère de l'intimé, sinon
l'intimé lui-mêmeà cette époque, aient été négli-
gents, nonchalants et tout à fait inconscients de
l'état d'urgence existant alors. Il ne s'agissait pas
d'un cas isolé, comme le démontre la jurisprudence
de la Cour fédérale et de la Commission d'appel de
l'immigration. La requérante semble être exempte
de tout blâme, vu la façon cavalière dont elle a été
traitée par le personnel et les services du gouverne-
ment depuis le tout début. L'avocat de l'intimé
note judicieusement que l'intimé en l'espèce et le
ministère ne peuvent être tenus responsables des
délais antérieurs occasionnés par un autre minis-
tère. La requérante a été mal servie par les systè-
mes qui ont été mis en place, à cause de l'inertie
gouvernementale. Pour respecter la volonté du
législateur, l'intimé doit simplement recevoir l'en-
gagement de la requérante, le vérifier et le trans-
mettre sans délai afin que la requérante et tous
ceux qui sont dans la même situation qu'elle puis-
sent bénéficier de tout le temps accordé par le
législateur. Elle n'a pas été traitée comme ce der-
nier le désirait.
En fait, il semble que si la requérante avait
déposé sa demande dix-sept mois plus tard, soit en
septembre 1986, celle-ci aurait été transmise à
Manille à la vitesse de l'électronique, selon le
paragraphe 5 de l'affidavit de «J.M.I.». Mais alors,
pourquoi ses droits ont-ils été brimés en avril
1985? L'intimé a manifestement pris conscience de
cette situation qui se soldait par la privation des
droits des requérants et où la mauvaise administra
tion d'un ministère faisait obstacle à l'application
de la Loi.
Compétence
Le procureur de l'intimé soutient que cette Cour
n'a pas la compétence requise pour connaître de la
demande de redressement en l'espèce et pour déci-
der s'il s'agit d'une prévarication. Il laisse entendre
que la Commission d'appel de l'immigration est le
seul tribunal compétent dans ce genre d'affaire.
Une jurisprudence abondante a été citée par les
deux parties mais la décision claire, décisive et
concluante rendue à l'unanimité par la Cour d'ap-
pel fédérale et rédigée par le juge Hugessen dans
l'arrêt Bailon c. Canada (Ministre de l'Emploi et
de l'Immigration) (A-783-85), le 16 juin 1986,
règle cette question:
L'appelante a parrainé une demande de droit d'établissement
présentée par sa mère et son demi-frère, ce dernier étant âgé
d'un peu moins de 21 ans à l'époque. À cause de son âge,
celui-ci n'aurait pu être admis qu'en vertu de l'article 6 du
Règlement à titre de personne se trouvant à la charge de sa
mère, qui appartenait à la catégorie de la famille; le paragraphe
4(1) du Règlement ne lui permettait pas de se réclamer des
membres de la catégorie de la famille ou de demander son
admission à ce titre.
À notre avis, la Commission a, à juste titre, décidé qu'elle
n'avait pas la compétence requise pour entendre l'appel. La
demande de droit d'établissement faite par la mère de l'appe-
lante, la seule personne appartenant à la catégorie de la famille
à avoir présenté une demande, n'a pas été refusée; le refus visait
la demande de droit d'établissement du demi-frère de l'appe-
lante à titre de personne à la charge de sa mère. L'article 79 de
la Loi établit très clairement qu'un répondant ne peut interjeter
appel que du rejet d'une demande présentée par une personne
appartenant à la catégorie de la famille et non du refus
d'inclure dans la demande quiconque serait à la charge de la
personne appartenant à cette catégorie.
De même, si on avait recours à la Déclaration
canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III
et à la Charte canadienne des droits et libertés
[qui constitue la Partie I de la Loi constitution-
nelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982 chap. 11 (R.-U.)), cette allégation
de prévarication concernant l'application d'une loi
du Canada pourrait certainement constituer une
dérogation à certains droits qui y sont garantis, et
exclure la clause privative de l'article 59 de la Loi
sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap.
52]. Cette proposition est d'autant plus vraie que
les tribunaux ont statué que la Commission n'était
pas compétente pour connaître d'une affaire
comme en l'espèce. On peut aussi noter à ce sujet
l'opinion du juge Martland dans l'arrêt Prata c.
Ministre de la Main-d'œuvre & de l'Immigration,
[1976] 1 R.C.S. 376; (1975), 52 D.L.R. (3d) 383.
La requérante se plaint que la mauvaise admi
nistration de l'intimé a porté atteinte à son droit de
s'engager à parrainer sa famille, incluant son frère
qui était légalement à la charge de son père jus-
qu'au 19 avril 1985. Il ne peut y avoir aucun
doute, comme le procureur de l'intimé l'a admis,
que c'est le droit même de la requérante qui est en
jeu. La jurisprudence pertinente est Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins, [1984] 1
C.F. 1104 (C.A.) (aux pages 1106 et 1107, le juge
Urie pour la Cour); Affaire intéressant la Loi sur
l'Immigration de 1976 et Kahlon, [1985] 2 C.F.
124 (F e inst.) (infirmé pour d'autres motifs par
[1986] 3 C.F. 386 C.A.)); et Rajpaul c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987]
3 C.F. 257; (1987), 10 F.T.R. 189 (l fe inst.).
L'atteinte présumée au droit de la requérante
qui résulterait d'une prévarication n'est pas un
obstacle à sa demande de redressement. Telle est
la décision de Madame le juge Wilson dans l'arrêt
Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, aux pages
195 et 196. Citant l'arrêt de la Cour suprême
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board
of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311,
elle écrivait:
Dans cet arrêt, le juge en chef Laskin a expressément adopté, à
la p. 324, ce que le juge Megarry a déclaré dans la décision
Bates v. Lord Hailsham, [1972] 1 W.L.R. 1373 (R.-U.), à la p.
1378: [TRADUCTION] «dans le domaine de ce qu'on appelle le
quasi-judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et,
dans le domaine administratif ou exécutif, l'obligation générale
d'agir équitablement». En d'autres termes, le simple fait de
considérer l'obligation du Ministre prévue à l'art. 45 comme
étant de nature administrative n'exclut pas l'obligation d'agir
équitablement énoncée dans l'arrêt Nicholson: voir Procureur
général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2
R.C.S. 735, la p. 750 (le juge Estey); Martineau c. Comité de
discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602,
aux pp. 623 et 624, 628 631 (le juge Dickson, alors juge
puîné).
Il est constant que les règlements valablement
pris par le gouverneur général en conseil confor-
mément au pouvoir légal qui lui a été délégué, ont
la même force que la loi adoptée par le Parlement
lui-même. En conséquence, le Règlement sur l'im-
migration de 1978 [DORS/78-172] est la source
véritable du droit de la requérante de parrainer sa
famille, incluant Winchel. Le paragraphe 2(1) du
Règlement définit «personne à charge» comme
«[son] fils ou [sa] fille ... non marié [c'est-à-dire
qui n'a jamais été marié] et âgé de moins de 21
ans». Le paragraphe 4(1) du Règlement accorde à
la requérante le droit de parrainer une demande de
droit d'établissement présentée par les membres de
la catégorie de la famille, incluant «c) son père, sa
mère ... âgé de soixante ans ou plus». Le paragra-
phe 6(1) du Règlement [mod. par DORS/79-167,
art. 2] prévoit que «lorsqu'une personne apparte-
nant à la catégorie de la famille présente une
demande de visa d'immigrant, l'agent des visas
peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à sa
charge qui l'accompagnent, . .. b) si le répondant
(i) s'est engagé». Une photocopie de l'engagement
de la requérante est jointe à son premier affidavit
sous la cote «F». La validité et la régularité dudit
engagement ne sont pas en cause, sauf qu'il n'a pas
été reçu à l'ambassade à Manille avant le 16 mai
1985.
En fait, la Loi accorde à la requérante et à tous
ceux qui sont dans sa situation le droit de parrai-
ner une personne à charge de sa famille, tel Win-
chel, tant que cette personne a «moins de 21 ans».
La requérante a assurément fait tout ce qu'elle
pouvait pour faire valoir ce droit, mais elle a été
contrariée lorsque le personnel de l'intimé a refusé
de traiter la demande de son père, incluant le fils
Winchel Alvero en sa qualité de personne à
charge, parce que ce dernier avait [TRADUCTION]
«plus de 21 ans au moment où le formulaire IMM8
a été transmis à l'ambassade»! (Pièce «K» jointe au
premier affidavit de la requérante.) Demande tar-
dive, non pas à cause d'un acte ou d'une omission
de la requérante, mais plutôt à cause d'une insou
ciance déraisonnable de la part du personnel de
l'intimé face à un état d'urgence. C'est ce qui
ressort de la pièce «K» où le deuxième secrétaire
(immigration) écrit: « . .. Winchel était parrainé
par Mme Alvero-Rautert et son parrainage a été
autorisé le 19 avril 1985, c'est-à-dire le jour où il a
eu 21 ans». (Non souligné dans le texte original.)
Cela règle la question, selon l'intimé, pour ce qui
est des démarches fructueuses que la requérante a
entreprises en vue de prêter son serment de
citoyenneté le plus tôt possible et de se présenter
au bureau d'immigration de Winnipeg dans les
plus brefs délais afin de remplir sa demande et son
engagement relatif au parrainage. L'échec en l'es-
pèce est la conséquence de l'effort insuffisant
déployé par l'intimé et de son habitude insouciante
de transmettre les demandes urgentes par courrier
ordinaire.
Questions d'interprétation
Au moins deux questions d'interprétation se
posent en l'espèce.
La première consiste à déterminer si l'intimé a,
eu raison de calculer le délai à partir du moment
où la famille a déposé aux Philippines sa demande
de droit d'établissement déjà parrainée par la
requérante. Dans la cause Mahida c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration et autre (1987), 11
F.T.R. 150 (C.F. ire inst.), une autre affaire où il
s'agissait d'un retard du ministère, le juge Joyal
(qui a suivi l'arrêt de la Division d'appel Wong c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1986),
64 N.R. 309) a statué [à la page 155]:
C'est ainsi que, selon les circonstances de l'espèce, ce sera la
date de la demande d'immigration ou celle d'un engagement à
fournir de l'aide qui arrêtera le chronomètre.
Compte tenu des faits, je dois conclure que le processus visant
l'obtention d'un visa d'immigrant a été amorcé en bonne et due
forme lorsque l'engagement à fournir de l'aide a été produit et
approuvé à Toronto. Ce document a été confié en temps utile à
un fonctionnaire qui l'a ensuite transmis par courrier. Les
retards étaient indépendants de la volonté des services de
l'immigration et des immigrants éventuels. Aucune des parties
ne s'est comportée de manière active ou passive afin de rompre
le processus qui s'est poursuivi jusqu'au bout. C'est donc la date
à laquelle il a été amorcé qui doit servir à déterminer si le fils
Yusufbhai est admissible à titre de personne à charge.
La décision de l'agent des visas est annulée. Il est ordonné
aux intimés de renvoyer le cas de la personne à charge nommée
en l'espèce à l'agent des visas afin qu'il réexamine la demande
en tenant compte du fait que ladite personne à charge, sous
réserve de son admissibilité suivant la Loi et le Règlement, ne
fait pas par ailleurs partie des personnes non admissibles sous le
régime de l'alinéa 6(1)a) du Règlement sur l'immigration de
1978.
La deuxième question est de déterminer l'effet,
le cas échéant, du processus entamé par la requé-
rante à Winnipeg, à l'est de la ligne internationale
de changement de date et poursuivi à Manille, à
l'ouest de cette ligne. Le Parlement manifeste-t-il
une quelconque intention de légiférer extra-territo-
rialement en promulguant le paragraphe 25(9) de
la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23?
Non. L'âge est réputé atteint au commencement
du jour anniversaire. En conséquence, il serait
déraisonnable d'accorder un droit pouvant être
exercé au Canada dans un certain délai alors que
ce délai est déjà expiré de l'autre côté de la ligne
de changement de date. À cet égard tout au moins,
cette disposition signifie que Winchel était une
personne à charge que la requérante avait le droit
de parrainer dans les circonstances jusqu'au com
mencement du 19 avril 1985, heure de Winnipeg,
peu importe la situation à Manille.
Il s'agit maintenant de déterminer ce que la
législation pertinente ne prévoit pas et qui restreint
le droit de la requérante. Elle ne précise pas que
lorsque le processus de parrainage est engagé un
peu plus de 48 heures avant la période cruciale, un
agent d'immigration peut manquer à ses obliga
tions professionnelles et retarder ce processus au
mépris de la volonté du législateur. Si la Loi
signifie quelque chose, c'est qu'elle reconnaît le
droit de la requérante jusqu'au tout dernier
moment. En ne traitant pas son cas d'urgence, on
lui a causé un préjudice en supprimant, en restrei-
gnant ou en enfreignant son droit et en allant à
l'encontre de la volonté du législateur. Après tout,
la Loi ne contient aucune disposition permettant
aux fonctionnaires de ne plus essayer de respecter
la volonté du législateur simplement parce qu'il
reste peu de temps. L'intimé n'a pas allégué qu'il
avait une charge de travail écrasante. En omettant
d'aviser le bureau des visas à Manille du parrai-
nage de la requérante par le moyen le plus rapide
qui était disponible, on a supprimé et restreint son
droit. Le dossier ne contient aucune preuve sur
laquelle on pourrait se fonder pour dire que les
Alveros n'auraient pas répondu avec célérité à un
appel du bureau des visas.
Déclaration canadienne des droits
L'article 1 de la Déclaration canadienne des
droits accorde à la requérante et à toute autre
personne dans sa situation:
1....
b) le droit ... à l'égalité devant la loi et à la protection de la
loi;
L'article 2 de la Déclaration édicte notamment que
2.... nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer
comme
b) infligeant des peines ou traitements cruels et inusités ... ;
Le terme «inusité» doit être pris au sens qualitatif
et non quantitatif. Ainsi, même si tous les dossiers
où le vingt et unième anniversaire est imminent
étaient traités avec la même négligence ou insou
ciance de la part d'un fonctionnaire comme ce fut
le cas pour la requérante, la façon dont celle-ci a
été traitée serait quand même un traitement «inu-
sité» suivant le critère de l'intention manifeste du
législateur lors de l'adoption de la Loi, et celui de
son absence d'intention dont il a été, question
ci-haut.
La Cour statue donc que le droit de la requé-
rante de parrainer sa famille, y compris son frère
qui était encore une personne à charge le 16 avril
1985, a été supprimé, restreint ou enfreint par
suite de la négligence personnelle ou profession-
nelle de l'agent d'immigration qui n'a pas transmis
avec célérité la demande de parrainage de la
requérante; il l'a ainsi soumise à un traitement
inusité et lui a refusé la protection de la loi que le
législateur a voulu lui accorder, à elle et à tous
ceux qui sont dans une situation semblable.
Si l'on excepte l'erreur de lecture initiale et
inopportune concernant la date de naissance de
Winchel, il est évident que le décideur a constaté
une erreur beaucoup plus importante dans le dos
sier. «J.M.I.» a fait en sorte que l'engagement de la
requérante soit daté du 19 avril 1985 (date du 2P
anniversaire de Winchel) plutôt que du 16 avril
1985, date à laquelle la requérante a fait tout ce
qu'elle pouvait légalement faire pour présenter son
engagement. En ce sens, on peut également consi-
dérer que le droit qui lui est reconnu par l'alinéa
2e) de la Déclaration canadienne des droits a été
supprimé, restreint ou enfreint. Sa situation res-
semble quelque peu à celle du requérant dans
l'arrêt Pangli c. Canada (Ministre de l'Emploi et
de l'Immigration) (1988), 81 N.R. 216, une déci-
sion unanime de la Cour d'appel fédérale rendue le
12 novembre 1987 par M. le juge Heald, à laquelle
ont souscrit les juges Urie et Desjardins. Dans
cette dernière cause, la Cour a statué, dans ces
circonstances, que le décideur canadien à New
Delhi a omis d'accorder «une audience impartiale
suivant les principes de justice fondamentale».
En l'espèce, il est fort douteux que le décideur
qui a reçu de faux renseignements, bien après
l'expiration de la date limite—sans la faute de la
requérante (ce que le décideur ne pouvait
savoir)—ait accordé l'audience équitable de
rigueur, quelles qu'aient été ses bonnes intentions.
Après tout, la requérante n'était pas devant lui
pour corriger les erreurs de fait, ou pour débattre
les points de droit. Elle a donc aussi été même
privée de son droit à la même protection de la loi,
car le déni d'un droit dans ces circonstances équi-
vaut au déni de l'autre.
Charte canadienne des droits et libertés
Voici les dispositions pertinentes de la Charte en
l'espèce:
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements
... cruels et inusités.
(Il est fort probable que la requérante considère le
traitement qu'elle a reçu comme «cruel» mais si tel
est le cas, la «cruauté» est assurément subjective et
non objective. Mais ce traitement est tout aussi
«inusité» au regard de la Charte qu'il l'est au
regard de la Déclaration des droits.)
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique
également à tous, et tous ont droit à la même protection et au
même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina
tion ...
32. (1) La présente charte s'applique:
a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous
les domaines relevant du Parlement ...
Or l'article 15 de la Charte est entré en vigueur le
17 avril 1985, le lendemain du rendez-vous de la
requérante au bureau d'immigration. À cette
époque, le paragraphe 5(1) du Règlement pré-
voyait qu'un citoyen pouvait demander à parrainer
des parents de tout âge, mais que les immigrants
reçus ne pouvaient le faire avant que lesdits
parents n'aient atteint l'âge de 60 ans, comme le
prévoient les alinéas 4(1)c) et d) du Règlement.
Comme elle était contraire à l'article 15, cette
distinction a été subséquemment écartée avec le
consentement de l'intimé dans la cause Dhaliwal c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) (T-105-87), entendue devant cette Cour,
dont le jugement fut prononcé par le juge Strayer
le 26 janvier 1987 et dans la cause Hundal c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) (T-264-87) dont le jugement fut prononcé
par le juge en chef adjoint Jerome le 16 février
1987.
On peut toutefois difficilement s'attendre à ce
que la requérante se fonde sur la jurisprudence à
venir puisqu'elle n'est ni une avocate ni, on le
présume, une voyante. Néanmoins, il est mainte-
nant évident que si, à titre d'immigrante reçue, elle
avait fait valoir son droit de parrainer ses parents
et la personne à charge Winchel, le refus inévitable
d'une telle demande après le 17 avril 1985 aurait
pu être évité grâce à la Charte. La requérante était
et est toujours prise dans un labyrinthe de lois et
de politiques qui ont, depuis ce temps, été jugés
invalides au regard de la Charte et reconnus ainsi
par le gouvernement.
En regard de tous ceux à qui le législateur
voulait accorder le bénéfice et la protection de la
loi concernant le parrainage des familles, il est
manifeste que la requérante n'a pas été traitée sur
le même pied. Dès le 17 avril 1985, elle a été
victime de discrimination, non pas pour l'un des
motifs exposés au paragraphe 15(1) de la Charte
mais parce que sa demande a été présentée juste
avant la date limite et que «J.M.I.», se fondant sur
la pratique et la politique du Ministère, n'a pas
jugé utile de transmettre sa demande d'urgence en
avril 1985.
Responsabilité du gouvernement
Durant l'instance, soit le 3 juin 1986, l'intimé a
ajouté une nouvelle raison qui justifierait le rejet
du parrainage de Winchel, le frère de la requé-
rante. Cette raison figure à la pièce «K» jointe au
premier affidavit de la requérante. Elle est formu-
lée ainsi: même si on acceptait que les parents
viennent au Canada, il n'existerait pas de considé-
rations d'ordre humanitaire dans le cas de Winchel
puisque ce dernier a encore des membres de sa
famille aux Philippines. C'est là une affirmation
exagérée. Ce qu'il faut dire dans les circonstances,
c'est que la présence de certains frères et soeurs ou
autres membres de la famille de Winchel Alvero
aux Philippines n'est pas nécessairement pertinente
et ne peut certainement empêcher une décision
fondée sur des considérations d'ordre humanitaire.
Il faut procéder à un examen de la situation de
Winchel plus approfondi et plus subtil que celui
que reflète l'affirmation exagérée ci-dessus. À
compter du 17 avril 1985, la requérante s'est éga-
lement vu refuser la protection équitable de la loi.
Ce n'est qu'un autre exemple démontrant qu'elle a
subi un traitement inusité de la part du
gouvernement.
Une telle situation incite à nous interroger sur
les raisons de l'intimé de contester la présente
demande. Elle soulève la question de la compé-
tence de la Cour lui permettant de réparer une
injustice administrative, expression moderne de
l'equity, et qui a été établie par les arrêts Nichol-
son et Martineau [Martineau c. Comité de disci
pline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S.
602] dont il a été question ci-dessus. La requérante
se présente devant cette Cour avec «les mains
propres», ce qu'on peut difficilement contester,
sauf à un égard.
Le seul aspect de cette affaire à l'égard duquel
le procureur de l'intimé prétend que la requérante
n'a pas droit aux redressements qu'elle demande
est [TRADUCTION] «le retard inexpliqué qu'elle a
laissé écouler entre juin 1985 et février 1987 pour
déposer la présente demande». En fait, la raison de
ce retard ressort clairement du dossier. Le procu-
reur prétend en réalité que l'explication n'est pas
suffisante.
Au cours de cette période allant de la mi-juin
1985 jusqu'au dépôt de la présente demande le 4
février 1987, il y a eu une correspondance volumi-
neuse entre l'ancien procureur de la requérante et
le bureau des ministres qui ont détenu le porte-
feuille de l'intimé. La plus grande partie de cette
correspondance est reproduite et jointe au premier
affidavit de la requérante sous la pièce «H». Plu-
sieurs autres lettres sont reproduites et jointes au
deuxième affidavit de la requérante sous la pièce
«D». Cette correspondance commence en juillet
1985 mais le refus par écrit de l'intimé d'accepter
la demande de droit d'établissement des Alveros,
basé sur l'âge de Winchel, est en fait daté du 16
avril 1986; des copies de la correspondance sont
jointes au premier affidavit de la requérante sous
les pièces «I» et «J». Les motifs détaillés du rejet
figurent à la pièce «K» datée du 3 juin 1986.
Il est manifeste que l'ancien procureur de la
requérante a vaillamment tenté d'attirer l'attention
de trois ministres qui ont successivement détenu le
titre de l'intimé, mais apparemment en vain. Le
procureur s'est finalement résolu à utiliser le ser
vice exprès de la poste recommandée mais il
semble qu'au cours de cette période, et particuliè-
rement de cette courte période, ses lettres n'ont pas
été reçues ou ne sont pas arrivées à destination, ou
encore que les aides et les adjoints des différents
ministres ont été négligents ou ont simplement
refusé de s'occuper des lettres du procureur. Le
procureur de l'intimé dénigre ce procédé en le
qualifiant de «voie politique», et en disant qu'il est
à l'origine du manque de diligence de la requé-
rante, celle-ci ayant négligé d'utiliser la «voie
légale», c'est-à-dire une action en justice. En
vérité, les termes [TRADUCTION] «politiquement
délicat» n'apparaissent que dans la dernière lettre
désespérée du procureur, en date du 9 janvier
1987, la dernière rubrique de la pièce «D» jointe au
deuxième affidavit de la requérante.
Le procureur de l'intimé affirme que ce retard
présumé a causé un préjudice à son client qui a eu
[TRADUCTION] «de la difficulté à obtenir les docu
ments pertinents à Manille» et «n'a pas été avisé
qu'une action judiciaire était envisagée» parce que
l'ancien procureur [TRADUCTION] «n'a jamais
laissé entendre qu'il y aurait une telle action». Il
s'agit d'un argument ingénieux et brillant que la
Cour rejette néanmoins. Premièrement, toute cette
correspondance enflammée provenait d'un avocat
qui exerce une profession dont la tendance sinon la
raison d'être est finalement d'engager des procédu-
res judiciaires. Deuxièmement, à moins que les
bureaux des ministres et le ministère ne soient
complètement désorganisés, ce qui n'a pas été
admis par les avocats, les lettres du procureur de la
requérante auraient dû avoir l'effet diamétrale-
ment opposé à celui dont a parlé le procureur de
l'intimé. Elles auraient normalement dû servir à
inciter fortement les intéressés à rassembler les
pièces, sinon pour faire face à un litige (une idée
qui vient naturellement à l'esprit), du moins en vue
de répondre aux insistances du procureur pour que
l'intimé réexamine personnellement les faits de
cette affaire.
Il est vrai que celui qui envisage d'intenter une
action en justice et le fait ne doit pas atermoyer et
retarder sans raison valable, car les cours de jus
tice et autres tribunaux voient d'un mauvais oeil un
tel manque d'empressement qui peut même dans
certains cas se heurter à la prescription. En l'es-
pèce, l'intimé ne saurait invoquer la question du
«retard» alors qu'il est manifeste que le premier
procureur de la requérante n'a pu tirer, obtenir ou
même arracher une réponse d'aucun des trois
ministres agissant successivement à titre d'intimé.
À tout événement, le procureur de la requérante
a une vision différente de l'affaire et la Cour, dans
les circonstances particulières de l'espèce, partage
cette vision. Comme la loi elle-même tend à ne pas
précipiter indûment les poursuites, il était tout à
fait correct de demander d'abord un redressement
administratif en s'adressant au ministre. Les par
ties à un litige devraient épuiser tous les recours
pour régler leur différend avant d'engager des
procédures judiciaires. En effet, une fois qu'une
action est intentée, un ministre n'aurait pas tort
d'adopter la position, et il le fait habituellement,
que, comme l'affaire est devant les tribunaux, il
refuse d'agir. Peut-être aura-t-il fallu un peu trop
de temps au premier procureur de la requérante
pour comprendre qu'il ne recevrait pas de réponse
à ses lettres, mais ce silence est si surprenant qu'il
n'appartient pas à l'intimé de blâmer la requérante
pour le prétendu retard. Une tentative honnête de
régler le différend avant d'intenter une action n'est
pas déraisonnable. C'est la conduite de l'intimé qui
était déraisonnable.
Il ne faut pas oublier que toute cette triste
histoire est due à un retard occasionné par le
gouvernement dans l'obtention par la requérante
de sa citoyenneté en 1984.
Conclusions
En conclusion, la Cour statue, en premier lieu,
que la requérante a été, dans les faits, privée de la
protection de la loi qui lui est garantie par l'alinéa
l b) de la Déclaration canadienne des droits.
La Cour conclut que le droit de la requérante à
une audience impartiale a été, peut-être involontai-
rement, supprimé, restreint ou enfreint par le déci-
deur à Manille, en violation de l'alinéa 2e) de la
Déclaration canadienne des droits.
La Cour statue en outre que le droit de la
requérante de parrainer sa famille, y compris Win-
chel en qualité de personne à charge, a été sup-
primé, restreint ou enfreint à cause de la négli-
gence du personnel de l'intimé et (tout au moins
avant septembre 1986) à cause de la politique
officielle de l'intimé qui a transmis la demande de
parrainage de la requérante à l'encontre de la loi et
lui a ainsi fait subir un traitement inusité, le tout
en violation de l'alinéa 2b) de la Déclaration cana-
dienne des droits. La Cour redresse ce préjudice,
bien que ce soit ex post facto. En conséquence, la
Cour statue que ni la Loi sur l'immigration de
1976 ni le Règlement sur l'immigration de 1978
ne doivent être interprétés ou appliqués de telle
sorte qu'ils confirment ou cristallisent ce traite-
ment inusité eu égard au droit de la requérante en
date du 16 avril 1985. En particulier, le Règlement
ne doit pas être interprété ou appliqué de manière
à empêcher le parrainage de la demande de droit
d'établissement au Canada, présentée par la
famille de la requérante incluant Winchel Alvero
s'il désire toujours être inclus à titre de personne à
charge, et nonobstant le fait qu'il a atteint et
dépassé l'âge de 21 ans le 19 avril 1985.
De même, le droit de la requérante de ne pas
être soumise à un traitement inusité de la part du
gouvernement ou de ses employés, comme le pré-
voit l'article 12 de la Charte, a été enfreint et nié.
Un tel traitement inusité, après le 17 avril 1985,
équivaut également à la négation du droit au
même bénéfice et à la même protection de la loi,
interdite par le paragraphe 15 (1) de la Charte.
La Cour considère qu'il est juste et approprié
dans les circonstances d'accorder à la requérante
les redressements qu'elle demande, soit un certio-
rari et un mandamus. Elle annule la décision de
l'intimé, car celle-ci est le résultat de la négligence,
du manque d'empressement et de l'inertie du
ministère de l'intimé en 1985, avant que ce dernier
ne reconnaisse tardivement le problème et ne
modifie son guide en septembre 1986. Tel qu'il a
été dit ci-dessus, le problème s'est produit lorsque
l'intimé est allé à l'encontre de la volonté du
législateur en faisant preuve de nonchalance face
aux demandes présentées à la dernière minute
mais tout de même à temps, comme ce fut le cas
pour la demande de la requérante. Une telle non
chalance du ministère qui justifiait le rejet de son
argumentation constituait un traitement inusité au
regard de la Déclaration des droits et de la Charte.
Subsidiairement, la Cour statue que le rejet de
la demande parrainée de la famille Alvero incluant
Winchel Alvero en qualité de personne à charge
était fondé sur une erreur de droit. Si la décision
rendue par la Cour dans l'affaire Mahida c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (citée
plus haut) est fondée [TRADUCTION] «de chrono-
mètre s'est alors arrêté» en ce qui concerne le
statut de personne à charge de Winchel dès que la
requérante a fait tout ce qu'elle pouvait le 16 avril
1985, pour mettre en branle son engagement
accepté visant à parrainer et à aider sa famille,
incluant Winchel, qui n'avait pas alors atteint 21
ans. La décision de rejeter la demande de droit
d'établissement de la famille incluant Winchel doit
également être annulée sur cette base.
La possibilité de rétablir cette demande sur une
base solide, comme la Cour l'ordonne, ne peut
demeurer pour toujours. Grâce à l'engagement
déjà accepté de la requérante, la famille, incluant
Winchel (comme personne à charge), s'il le veut
toujours et s'il est encore non marié, peut déposer
une demande n'importe quand jusqu'à la ferme-
ture du bureau canadien des visas à Manille (ou
du bureau des visas le plus près, de l'ambassade ou
du Haut-commissariat) le lundi 18 avril 1988. A
cause de l'expiration du délai, Wilna Alvero, la
plus jeune soeur de la requérante et fille à charge
de ses parents, aurait normalement perdu son
statut de personne à charge, sans sa faute. Wilna a
eu 21 ans le 30 juin 1987. Si elle veut toujours être
incluse à titre de personne à charge et est encore
non mariée, elle le sera aux mêmes conditions que
son frère Winchel. L'inclusion de Wilna Alvero
dépend nécessairement du redressement accordé à
la requérante, redressement qui lui revient de plein
droit dans cette triste affaire.
Le Règlement en l'espèce nécessite une réforme
de la procédure, étant donné l'incidence générale
des problèmes qu'il occasionne. Ne touchant qu'à
la procédure, une telle réforme n'irait pas à l'en-
contre de la volonté du législateur. Elle ne nécessi-
terait qu'un travail rapide, facile et peu coûteux.
La décision dont on se plaint en l'espèce est
annulée suivant les conditions et directives conte-
nues aux présentes. C'est peut-être prendre ses
désirs pour des réalités mais si les parties pou-
vaient maintenant collaborer pour résoudre leur
différend, elles obtiendraient certainement la
faveur de la Cour. L'ordonnance sera libellée non
seulement pour qu'elle puisse être appliquée par la
requérante mais aussi pour permettre la flexibilité
d'un moyen subsidiaire, si c'est réaliste. L'intimé
devra payer à la requérante tous les dépens entre
parties après leur taxation, ou selon l'entente con-
clue entre les parties pour éviter une telle taxation.
Si des circonstances ultérieures empêchent les
parties de se conformer aux termes de cette ordon-
nance de la Cour, sans la faute de la requérante ou
des membres parrainés de sa famille avant la fin
des heures d'affaires le 18 avril 1988 ou, si le
bureau est fermé le 18 avril 1988, le jour suivant
où l'ambassade ou le bureau des visas sera ouvert,
la requérante aura alors péremptoirement le droit,
mais après un avis raisonnable, de demander à
cette Cour des directives additionnelles qui proro-
geront le délai pour s'y conformer.
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