T-457-88
Newfoundland Processing Limited (demande-
resse)
c.
Les propriétaires et toutes les autres personnes
ayant un droit sur le navire South Angela
(défendeurs)
RÉPERTORIÉ: NEWFOUNDLAND PROCESSING LTD. c. SOUTH
ANGELA (LE)
Division de première instance, juge McNair—
Halifax, 14 juin 1988.
Pratique — Plaidoiries Modifications — Déclaration
mentionnant dans son intitulé un tribunal inexistant, .soit «la
Cour fédérale de Terre-Neuve« — Le dépôt de la déclaration
ainsi que la signification faite au navire des défendeurs sont-
ils entachés de nullité? — Le vice entachant la déclaration
constitue une irrégularité à laquelle on peut remédier par voie
de modification La modification rectifie l'irrégularité avec
effet rétroactif à compter de la date figurant sur la déclaration
originale La signification in rem d'un acte de procédure
modifié n'est pas obligatoire lorsque les défendeurs participent
aux procédures.
Les défendeurs ont sollicité la permission de déposer une
comparution conditionnelle en vue de soulever une objection
contre une irrégularité dans l'intitulé de la cause figurant dans
la déclaration. Ils ont également demandé au tribunal de
déclarer que le dépôt de ladite déclaration ainsi que la significa
tion au navire des défendeurs étaient entachés de nullité. La
déclaration indiquait que l'action était portée devant un tribu
nal inexistant, soit «la Cour fédérale de Terre-Neuve,,. La
première question litigieuse soulevée par le tribunal est de
savoir si la déclaration originale est entachée de nullité ou
contient une irrégularité à laquelle on peut remédier en y
apportant la modification appropriée. La deuxième objection
soulevée porte sur la nécessité de signifier un acte de procédure
modifié. Les défendeurs font valoir que la déclaration modifiée
ne peut être signifiée conformément aux règles qui exigent une
signification in rem contre l'objet de cette action, soit le navire
(South Angela) puisque ce dernier a quitté le ressort judiciaire
compétent.
Jugement: la requête doit être rejetée.
L'intitulé erroné figurant sur la page frontispice de la décla-
ration constitue une irrégularité à laquelle on peut remédier par
voie de modification sans permission: Island and Worldwide
Shipping Agency Inc. c. Astron (Le), [ 1982] I C.F. 295 (1
inst.) La signification in rem de l'acte de procédure modifié
n'est pas obligatoire lorsque le défendeur (comme en l'espèce)
participe à l'instance. L'acte de procédure modifié a son effet à
compter de la date figurant sur le document original.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
304(3), 401, 421(1), 1002(5).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Island and Worldwide Shipping Agency Inc. c. Astron
(Le), [1982] 1 C.F. 295 (1'e inst.); Voth Bros. Const.
(1974) Ltée c. Senate House Dev. Inc. (1983), 45
B.C.L.R. 353 (C. cté); La Reine c. Fredericton Housing
Ltd., [1973] C.F. 196 (1fe inst.).
DECISION CITÉE:
Wirth Limited c. Atlantic Skou (Le), [1974] I C.F. 39
(1' inst.).
AVOCATS:
G. E. J. Brown pour la demanderesse.
John R. Sinnott pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Stirling, Ryan, St. John's (Terre-Neuve),
pour la demanderesse.
Lewis, Sinnott & Heneghan, St. John's
(Terre-Neuve), pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus oralement par
LE JUGE MCNAIR: Je suis d'avis malgré l'habile
plaidoyer prononcé par Me Sinnott de ne pas
accorder le redressement demandé dans la requête.
Les défendeurs sollicitent la permission de déposer
une comparution conditionnelle conformément à la
Règle 401 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663] en vue de soulever une objection, à la
fois, contre une irrégularité commise au début de
la procédure, et contre la signification de la décla-
ration au navire défendeur South Angela parce
que ladite déclaration mentionne dans son intitulé
un tribunal inexistant, soit la Cour fédérale de
Terre-Neuve, et qu'il s'ensuit que la présentation
de ladite déclaration de même que la signification
faite au navire sont nulles. La déclaration originale
a été déposée le 9 mars 1988. Elle a été signifiée
au navire selon le mode prévu à la Règle 1002(5),
c'est-à-dire qu'une copie certifiée de la déclaration
a été fixée au mât du navire South Angela. La
copie en question a été certifiée sous le sceau de la
Cour et de la signature du sous-administrateur de
district de la Cour fédérale du Canada, soit M.
Henry J. Thorne. Le paragraphe visé à la fin de la
déclaration mentionnait la Cour fédérale du
Canada sise dans la ville d'Ottawa ou son bureau
régional comme étant l'endroit où les défendeurs
devaient déposer leur défense en réponse à la
déclaration. La seule erreur ou irrégularité com-
mise a consisté à faire mention de la Cour fédérale
de Terre-Neuve dans l'intitulé de la cause ou
d'attribuer la compétence à cette dernière. Les
parties conviennent de l'inexistence d'une telle
Cour. Je pourrais ajouter qu'un navire est une
cible mouvante et que les parties qui tentent d'en
obtenir la saisie dans une action in rem intentée
contre le navire et ses propriétaires doivent la
plupart du temps agir avec célérité. Je conviens
que les propriétaires du navire défendeur n'ont
peut-être pas connu l'existence de l'erreur enta-
chant l'intitulé de la cause avant ou vers le 12 mai
1988. Les demandeurs ont dû en être informés à
peu près à la même date du fait qu'une déclaration
modifiée a été déposée le ou vers le 19 mai 1988. À
mon avis, la première question qui se pose est de
savoir si la déclaration originale est entachée de
nullité ou si elle contient une irrégularité à laquelle
on peut remédier en y apportant la modification
appropriée. On a jugé dans l'arrêt Wirth Limited
c. Atlantic Skou (Le), [1974] C.F., 39 (1" inst.),
que l'on pouvait, sans une autorisation préalable de
la Cour, modifier la déclaration conformément à la
Règle 421(1), lorsqu'il n'y a pas de délai de pres
cription et que la modification n'a pas pour effet
de substituer les parties ou d'entraîner une possibi-
lité de confusion. On a décidé dans l'arrêt Island
and Worldwide Shipping Agency Inc. c. Astron
(Le), [1982] 1 C.F. 295 (1" inst.), qu'une modifi
cation à l'intitulé de cause peut être apportée de la
façon prévue par les Règles, quel que soit l'amen-
dement envisagé, y compris ceux qui peuvent être
faits sans autorisation préalable en vertu de la
Règle 421(1). Je cite dans l'arrêt susmentionné, les
propos tenus par le juge Mahoney à la page 298:
Selon la pratique en vigueur, un demandeur peut modifier sa
déclaration avant que la partie adverse ne réponde aux points
les plus importants; il peut ajouter ou soustraire des causes
d'action et des recours invoqués sans l'autorisation de la Cour,
mais il ne peut rien corriger dans l'intitulé de la cause, ne
serait-ce qu'une erreur matérielle, sans un ordre de la Cour.
Le greffe a eu tort de tirer de l'observation du
juge en chef une conclusion dont la logique est
poussée jusqu'à l'absurde. Le juge Mahoney pour-
suit en ces termes:
Proprement appliquée, cette observation signifie qu'aucune
modification ne peut être apportée à l'intitulé d'une cause sans
amendement formel, et que le greffe doit continuer à instruire
et à refuser d'accepter le dépôt des plaidoiries et autres docu
ments ne portant pas l'intitulé de cause en cours, que ce soit le
titre initial ou, en cas d'amendement formel, l'intitulé de cause
modifié. Il est cependant possible de modifier l'intitulé d'une
cause de la façon prévue par les Règles de la Cour, quel que
soit l'amendement envisagé. En l'espèce, la demanderesse peut
effectuer sans permission l'amendement souhaité.
Dans l'arrêt Voth Bros. Const. (1974) Ltée c.
Senate House Dey. Inc. (1983), 45 B.C.L.R. 353
(C. cté), la défenderesse cherchait à obtenir un
jugement déclaratoire portant que le bref était
entaché de nullité puisque l'intitulé de la cause
comportait une irrégularité qui consistait à men-
tionner au vu du bref, une Cour de comté inexis-
tante. Le bref était revêtu du sceau approprié et il
avait été délivré par le greffe de la Cour compé-
tente. L'action de la défenderesse a été rejetée. Le
juge de la Cour de comté a établi une distinction
entre deux décisions de la même instance qui
statuaient en sens contraire, en se fondant sur le
fait que le sceau de la Cour n'avait pas été apposé,
comme dans la présente affaire, et en outre, parce
que le bref avait été délivré par l'entremise du
greffe compétent. Je conclus, en l'espèce, que la
désignation erronée de la Cour fédérale de Terre-
Neuve, de même que l'appellation figurant sur la
page frontispice de la déclaration n'est pas une
faute suffisamment grave pour entraîner la nullité
de l'action. Elle ne constitue tout au plus qu'une
irrégularité à laquelle on peu remédier par voie de
modification selon la Règle 421 des Règles de la
Cour fédérale. En outre, l'arrêt La Reine c. Fred-
ericton Housing Ltd., [1973] C.F. 196 (i re inst.),
appuie la thèse selon laquelle une modification
corrective faite en bonne et due forme a son effet à
compter de la date apparaissant sur le document
original qu'elle modifie, et non à compter de la
date de la modification. Il me reste à examiner la
deuxième objection soulevée par les demandeurs et
portant sur la signification. La Règle 421 ne dit
rien en ce qui concerne la nécessité de signifier une
pièce de plaidoirie modifiée. À ce sujet, voici l'ar-
gument que fait valoir Me Sinnott:
[TRADUCTION] Selon la Règle 1002(5), dans une action in
rem, la signification au navire qui fait l'objet de l'action,
s'effectue par fixation d'une copie certifiée de la déclaration au
mât du navire.
La déclaration modifiée ne peut être signifiée
conformément à la Règle 1002(5), pour aviser
toutes les parties intéressées de l'action in rem
intentée contre l'objet de cette action, puisque ce
dernier a quitté le ressort judiciaire compétent. Me
Sinnott rappelle la Règle 430 et il prétend qu'elle
exige la signification in rem, comme le prévoit la
Règle 1002(5). Cela est impossible compte tenu
des circonstances de l'espèce, et il s'ensuit que
l'action échoue. Me Brown se fonde par contre sur
la Règle 304(3) qui se lit comme suit:
Règle 304. .. .
(3) Lorsque le défendeur, l'intimé ou autre partie intéressée
volontairement assume la défense ou fait le nécessaire pour
participer aux procédures, la signification prévue par l'alinéa
(1) n'est pas nécessaire. [L'alinéa 1 de la Règle 304.]
L'alinéa 1 de la Règle 304 fait allusion à l'exi-
gence de la signification à personne, notamment,
d'un acte introductif d'instance tel une déclaration.
On mentionne également cela au paragraphe 9 de
l'affidavit de Kenneth A. Templeton de l'étude
d'avocats des demandeurs et qui prévoit:
[TRADUCTION] Les défendeurs déclarent que l'erreur a des
répercussions sur la validité de la signification originale.
Toutefois, en se référant à la Règle 304 et en
particulier à l'alinéa (3), il appert que la significa
tion n'est pas obligatoire lorsque le défendeur «fait
le nécessaire pour participer aux procédures.»
Selon les déclarations faites dans l'affidavit de M.
Templeton, il est dit en outre au paragraphe 9:
[TRADUCTION] Les défendeurs ont par l'entremise de leur
avocat participé activement aux procédures à la suite de la
saisie du navire défendeur, en faisant en sorte que le procureur
Me Sinnott reste à bord dudit navire pour être consulté en cas
de besoin, et pour qu'il participe activement aux négociations
portant sur les conditions de la mainlevée du navire qui ont
mené, en fin de compte, au dépôt des documents officiels de la
mainlevée. Au cours de toutes ces procédures, les défendeurs
n'ont porté devant cette Cour aucune plainte ni aucune
demande alléguant que le dépôt et la signification de la déclara-
tion étaient entachées de nullité.
Ensuite, le paragraphe 10 fait mention de la
Pièce A qui est jointe à l'affidavit accompagné
d'une copie de l'engagement portant sur les condi
tions de la mainlevée. Le paragraphe 11 fait men
tion des pièces B, C et D, qui sont les lettres de Me
Sinnott, dans lesquelles le déposant fait valoir et
confirme sa participation aux procédures qni ont
mené à la mainlevée de la saisie du navire. A mon
avis, les défendeurs ont participé aux procédures
dans la mesure où ils ont obtenu la mainlevée de la
saisie du navire en fournissant un cautionnement.
Me Sinnott a représenté les défendeurs dans cette
entreprise. La signification a été régulièrement
effectuée au navire en vertu de la Règle 1002(5), à
l'exception de l'appellation inexacte du tribunal
dans l'intitulé de l'action. À mon avis, la modifica
tion faite conformément à la Règle 421 rectifie
cette irrégularité avec effet rétroactif à compter de
la date figurant sur la déclaration originale. En
somme, je considère qu'il serait injuste d'exiger
que la signification in rem soit effectuée au navire,
qui n'est plus du ressort judiciaire compétent étant
donné la mainlevée de sa saisie, en raison du fait
que les propriétaires ont participé aux procédures
dans ce dessein. Je suis d'avis qu'en l'espèce la
demanderesse n'a pas besoin de procéder à une
nouvelle signification de la déclaration amendée
conformément à la Règle 1002(5). Il lui suffit de
la signifier aux procureurs représentant les pro-
priétaires du navire. Étant donné que je considère
la requête en question comme étant fondée, puis-
qu'elle a soulevé en l'espèce des faits plutôt spé-
ciaux ou exceptionnels, je serais d'avis d'adjuger
les dépens de cette requête suivant l'issue de la
cause.
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