T-2691-87
Le Secrétaire d'État (requérant)
c.
Ioannis Delezos (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA (SECRÉTAIRE D'ÉTAT) C. DELEZOS
Division de première instance, juge Muldoon—
Toronto, ler septembre; Ottawa, 7 septembre 1988.
Citoyenneté — Requête en vue d'établir si la citoyenneté a
été obtenue de façon frauduleuse — L'intimé a plaidé coupa-
ble puis a été reconnu coupable d'avoir employé un document
contrefait dans sa demande de citoyenneté, contrairement à
l'art. 326(1)b) du Code criminel — Cette procédure engagée en
vertu de la Loi sur la citoyenneté est-elle inconstitutionnelle
au motif qu'elle représente une deuxième punition pour une
même infraction? — La Loi sur l'immigration n'est pas un
code qui interdit d'intenter des poursuites en vertu d'autres
lois — Les poursuites intentées en vertu des art. 9 et 17 de la
Loi sur la citoyenneté sont l'expression légitime de l'intention
du législateur.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Les procédures engagées en vertu de
la Loi sur la citoyenneté, à la suite d'une déclaration de
culpabilité sous le régime du Code criminel, sont-elles incons-
titutionnelles parce que contraires à l'art. 11h) de la Charte?
— L'intimé n'est pas un «inculpé» au sens de l'art. 11 —
Procédures de caractère purement civil — Les conclusions de
la Cour n'ont pas de conséquences pénales — L'admission en
preuve du plaidoyer et de la déclaration de culpabilité de
l'intimé, en vertu du Code criminel, ne contrevient pas aux
droits garantis par la Charte parce que la poursuite ne consti-
tue pas un procès intenté à l'égard de l'infraction dont il a été
déclaré coupable.
Par ce renvoi, adressé en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi
sur la citoyenneté, le ministre demande à la Cour d'établir si
l'intimé a obtenu ou non la citoyenneté canadienne de façon
frauduleuse, comme le prévoit l'article 9 de la Loi. En 1984,
l'intimé a été reconnu coupable, après un plaidoyer de culpabi-
lité, d'avoir employé un document contrefait dans sa demande
de citoyenneté. L'avocat de l'intimé prétend que la Couronne ne
peut chercher à obtenir d'autres redressements après avoir
choisi de poursuivre l'intimé en vertu du Code criminel plutôt
que sous le régime de la Loi sur la citoyenneté. Il a également
allégué que cette poursuite est inconstitutionnelle parce que
contraire à l'alinéa 11h) de la Charte. Il a de plus prétendu que
l'intimé avait déjà supporté tout le poids de la loi et que toute
procédure subséquente est susceptible de donner lieu à un
plaidoyer d'autrefois convict.
Jugement: l'intimé a obtenu la citoyenneté par fausse décla-
ration, contrairement au paragraphe 17(1) de la Loi sur la
citoyenneté.
La prétention de l'avocat portant que la Loi sur l'immigra-
tion constitue un «code», ce qui empêcherait la Couronne
d'intenter des poursuites en vertu d'une autre loi, a dû être
rejetée. Les poursuites intentées par la Couronne sont l'expres-
sion légitime de l'intention du législateur qui visait directement
les activités illégales de l'intimé.
L'intimé n'était pas un «inculpé» au sens de l'article 11 de la
Charte. Il s'agit de procédures de caractère purement civil et la
conclusion sur laquelle les parties s'entendent, à savoir que
l'intimé a plaidé coupable au regard d'une infraction au Code
criminel devant la Cour de district, n'est pas susceptible d'en-
traîner des conséquences pénales pour l'intimé. L'admission en
preuve du plaidoyer et de la déclaration de culpabilité de
l'intimé en 1984 ne contrevient pas à l'alinéa 11h) de la Charte
puisque cette poursuite ne constituait pas un procès intenté à
l'égard de l'infraction dont il a été déclaré coupable.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R. -U.),
art. 11h).
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 326(1)b).
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice III, art. 2e).
Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, chap. 108, art. 9,
17(1)b), (2).
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970,
chap. R-9.
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1985, chap. C-5,
art. 12(2).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
English v. Richmond and Pulver, [1956] R.C.S. 383.
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541; 37 C.C.C. (3d)
385.
DOCTRINE
Sopinka, John et Lederman, Sidney N. The Law of
Evidence in Civil Cases, Toronto: Butterworths, 1974.
AVOCATS:
Roslyn J. Levine pour le requérant.
Richard R. Boraks pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Richard R. Boraks, Toronto, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Il s'agit d'un renvoi
adressé par le ministre requérant à la Cour, en
vertu du paragraphe 17(2) de la Loi sur la
citoyenneté, S.C. 1974-75-76, chap. 108, afin que
la Cour tranche la question de savoir si l'intimé a
obtenu ou non la citoyenneté canadienne par
fausse déclaration, fraude ou dissimulation délibé-
rée de faits essentiels, comme le prévoit l'article 9
de la Loi. La Cour a été saisie du renvoi à Toronto,
le t el. septembre 1988.
La présente procédure est fondée sur les disposi
tions suivantes de la Loi qui sont d'application
exclusive et constituent un véritable code en la
matière:
9. (1) Sous réserve des dispositions de l'article 17 mais
nonobstant tout autre article de la présente loi, lorsque le
gouverneur en conseil, sur rapport du Ministre, est convaincu
qu'une personne a obtenu, conservé, ou répudié la citoyenneté
ou y a été réintégrée en vertu de la présente loi par fausse
déclaration, fraude ou dissimulation délibérée de faits
essentiels,
a) la personne cesse d'être citoyen, ou
b) la répudiation par la personne de sa citoyenneté est censée
ne pas avoir eu d'effet,
à compter de la date que le gouverneur en conseil peut fixer à
cet égard par décret.
(2) Est censée avoir obtenu la citoyenneté par fausse déclara-
tion, fraude ou dissimulation délibérée de faits essentiels la
personne
a) qui a été légalement admise au Canada à titre de résident
permanent par suite d'une fausse déclaration, fraude ou
dissimulation délibérée de faits essentiels; et
b) qui a obtenu la citoyenneté par suite de son admission au
Canada à titre de résident permanent. [Non souligné dans le
texte de loi.]
17. (1) Le Ministre ne doit faire un rapport en vertu de
l'article 9 que s'il a avisé la personne qui doit en être l'objet de
son intention de faire un tel rapport et
a) si, cette personne n'a pas, dans les trente jours de la date
d'expédition de l'avis, demandé que le Ministre renvoie l'af-
faire devant la Cour; ou
b) si, suivant une telle demande la Cour décide que cette
personne a obtenu, conservé ou répudié la citoyenneté ou y a
été réintégrée par fausse déclaration, fraude ou dissimulation
délibérée de faits essentiels.
(2) L'avis mentionné au paragraphe (1) doit indiquer que la
personne qui doit être l'objet du rapport peut, dans les trente
jours de la date d'expédition de l'avis, demander que le Minis-
tre renvoie l'affaire devant la Cour. Cet avis suffit s'il est donné
par lettre recommandée envoyée à la dernière adresse connue
de cette personne.
(3) Une décision de la Cour rendue en vertu du paragraphe
(1) est définitive et péremptoire et, nonobstant toute autre loi
du Parlement, il ne peut en être interjeté appel. [C'est moi qui
souligne.]
En l'espèce, le ministre a avisé l'intimé, au
moyen d'un avis de révocation de citoyenneté daté
du 21 juillet 1987 (pièce «1» de l'avis de renvoi),
que le Secrétaire d'État avait l'intention de sou-
mettre au gouverneur en conseil le rapport visé au
paragraphe 9(1) de la Loi. Une copie de la
demande de l'intimé, présentée par son procureur
et voulant que le ministre renvoie l'affaire devant
la Cour, constitue la pièce «2» de l'avis de renvoi.
Le ministre a déposé un résumé des faits et de la
preuve ainsi qu'une liste de témoins et de docu
ments, conformément à la Règle 920 de la Cour.
Entre-temps, les avocats respectifs des parties se
sont rencontrés et ont déposé à l'audience, comme
pièce 1, un exposé conjoint des faits. L'avocat de
l'intimé a accepté que le requérant dépose son
registre de documents catalogués comme pièces
2(1) 2(16). Le consentement donné et la récep-
tion des pièces 1 et 2 ont permis à la Cour d'enten-
dre immédiatement les plaidoiries orales.
Voici le texte de fond sur lequel se sont enten-
dues les parties et qui a été déposé comme pièce 1:
[TRADUCTION] 1. L'intimé est entré au Canada à titre de
visiteur, le 25 juillet 1973. Il a reçu l'autorisation de demeurer
au Canada jusqu'au 24 juillet 1974.
2. L'intimé a fait apposer dans son passeport grec un faux
tampon de l'immigration tendant à démontrer qu'il avait
obtenu le droit d'établissement comme immigrant reçu le 24
septembre 1977.
3. L'intimé a fait une demande de citoyenneté le 18 février
1982, au moyen d'une lettre contrefaite en date du 18 novem-
bre 1981, apparemment signée par G.C. Alldridge, directeur
intérimaire, Centre d'immigration Canada, 150, rue Kent, 9e
étage, Ottawa (Ontario), dans laquelle l'auteur affirmait que
l'intimé était devenu «immigrant reçu» le 24 septembre 1977.
4. La lettre et le tampon d'immigration contrefaits venaient
d'un agent de voyage et consultant en immigration qui faisait
affaire dans la collectivité grecque de Toronto à l'époque.
L'agent a affirmé à l'intimé, ainsi qu'à d'autres personnes, qu'à
titre de consultant, il avait des liens avec les fonctionnaires de
l'immigration et d'autres membres de la fonction publique.
L'agent a ensuite été reconnu coupable d'avoir fourni de faux
documents d'immigration à l'intimé et à d'autres ressortissants
grecs.
5. Dans sa demande de citoyenneté, l'intimé a faussement
prétendu qu'il était arrivé à Montréal le 24 septembre 1977 et
qu'il était devenu immigrant reçu ce jour-là.
6. La demande de citoyenneté de l'intimé a été acceptée en
fonction des faux documents présentés et elle a été approuvée
par un juge de la citoyenneté le 12 mai 1982. L'intimé a obtenu
la citoyenneté canadienne après avoir prêté serment ou fait une
déclaration solennelle de citoyenneté devant un juge de la
citoyenneté, le 29 juin 1982. L'intimé a reçu le certificat de
citoyenneté canadienne n° 3216532.
7. Le 20 mars 1984, l'intimé a avoué sa culpabilité et a été
reconnu coupable, par un juge de la Cour de district de
l'Ontario, d'avoir employé des documents contrefaits dans sa
demande de citoyenneté canadienne, à savoir une lettre d'Em-
ploi et Immigration Canada et un passeport grec n° X305524
portant que le titulaire était un immigrant reçu canadien, en
déterminant ou en tentant de déterminer une personne à s'en
servir, à les traiter ou à y donner suite comme si les documents
étaient authentiques, contrairement à l'alinéa 326(1)b) du
Code criminel du Canada.
8. L'intimé a donc obtenu la citoyenneté canadienne au
moyen de fausses déclarations faites dans sa demande de
citoyenneté canadienne et de documents frauduleux.
Les documents repris à la pièce 2 confirment et
illustrent amplement les faits exposés conjointe-
ment à la pièce 1. Ces deux pièces semblent justi-
fier la décision de la Cour portant «que la personne
[l'intimé] a obtenu ... la citoyenneté en vertu de
cette loi par fausse déclaration, fraude ou dissimu
lation délibérée de faits essentiels ...», selon les
termes exacts du paragraphe 9(1) et de l'alinéa
17(1)b) de la Loi sur la citoyenneté. Cependant,
l'avocat de l'intimé prétend que, malgré les argu
ments susmentionnés sur lesquels pourrait être
fondée la décision, la présente procédure est
inconstitutionnelle.
L'argument de l'avocat de l'intimé est fondé
essentiellement sur l'alinéa 11h) de la Charte
canadienne des droits et libertés [qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.)]. En voici le texte:
11. Tout inculpé a le droit
h) d'une part de ne pas être jugé de nouveau pour une
infraction dont il a été définitivement acquitté, d'autre part
de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction
dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;
L'avocat de l'intimé a raison d'affirmer que cette
règle constitutionnelle impérative a pour but d'em-
pêcher l'État d'exercer ses pouvoirs de façon
tyrannique, en confirmant le caractère définitif de
chaque poursuite intentée contre l'auteur présumé
d'une infraction.
Selon les prétentions de son avocat, l'intimé a
finalement été reconnu coupable, après un plai-
doyer de culpabilité, d'avoir employé un document
contrefait dans sa demande de citoyenneté, con-
trairement à l'alinéa 326(1)b) du Code criminel
[S.R.C. 1970, chap. C-34], comme les parties en
ont convenu au paragraphe 7 de la pièce 1. La
Couronne a choisi de faire peser sur l'intimé tout
le poids du droit pénal en le poursuivant en vertu
du Code criminel, plutôt que sous le régime de la
Loi sur la citoyenneté. L'avocat prétend que la
Couronne essaie maintenant d'obtenir la révoca-
tion de la citoyenneté accordée à l'intimé en juin
1982 et de faire encore une fois peser sur lui tout
le poids de la loi en le poursuivant pour la même
infraction et en cherchant à le faire punir au
moyen de la révocation de citoyenneté. L'avocat
soutient que cette révocation est une sanction tout
aussi grave que l'incarcération, sinon plus.
Au cours des débats, l'avocat de l'intimé a laissé
entendre que la Couronne n'était pas fondée à
passer du Code criminel à la Loi sur l'immigration
de 1976, [S.C. 1976-77, chap. 52] pour attaquer la
conduite de l'intimé. Il a soutenu qu'il en était
ainsi parce que toute la législation en matière
d'immigration, et non seulement les articles 9 et
17, constituait un «code» dont l'intégrité ne devrait
pas être fragmentée comme l'a fait la Couronne
dans ses poursuites contre l'intimé. Si, comme le
prétend l'avocat de l'intimé, la Loi sur l'immigra-
tion est un véritable code, il n'est pas parfaitement
cohérent. L'avocat de l'intimé a de toute évidence
oublié l'extrait souligné qui figure au début de
l'article 9 et dont voici le texte: «Sous réserve de
l'article 17 mais nonobstant tout autre article de la
loi ...». Il est clair que les poursuites intentées par
la Couronne sont l'expression légitime de l'inten-
tion du législateur. De fait, les activités illégales de
l'intimé semblent être l'exemple parfait de la situa
tion visée par le Parlement, si l'on ne tient pas
compte des prétentions de l'avocat de l'intimé à
l'égard des conséquences de la Charte.
À l'appui de sa thèse, l'avocat de l'intimé invo-
que la décision rendue par le juge Wilson, au nom
de la majorité de la Cour suprême du Canada,
dans l'arrêt R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S.
541; 37 C.C.C. (3d) 385. Comme l'avocate du
requérant l'a souligné, les faits pertinents dans
l'affaire Wigglesworth sont tout à fait différents de
ceux de l'espèce. Il suffit simplement de répondre à
la question fondamentale posée par le juge Wilson
[à la page 551, R.C.S.] pour saisir cette différence:
Comme je l'ai mentionné précédemment, la première ques
tion qui doit être examinée est de savoir si l'appelant était un
«inculpé» au sens de la disposition liminaire de l'art. 11.
Dans l'arrêt Wigglesworth, il s'agissait d'une
infraction majeure ressortissant au service dont
l'appelant avait été reconnu coupable par le tribu
nal du service, en vertu de la Loi sur la Gendar-
merie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9,
avant d'être accusé de voies de fait, sous le régime
du Code criminel. En l'espèce, il est certain que
l'intimé était «inculpé» au sens de l'article 11 de la
Charte lorsqu'il a été déclaré coupable d'avoir
employé un document contrefait par un juge de la
Cour de district de l'Ontario, le 20 mars 1984. Il
est tout aussi certain que l'intimé n'est pas inculpé
de cette infraction ni d'aucune infraction dans la
présente poursuite.
L'intimé ne subit pas un nouveau procès à
l'égard de cette infraction devant la Cour. C'est à
la demande de l'intimé lui-même, conformément à
l'alinéa 17(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, que le
requérant a engagé cette procédure pour demander
à la Cour de conclure notamment que l'intimé
avait plaidé «coupable» à l'égard de cette infrac
tion, comme en ont convenu les parties. Ce plai-
doyer de culpabilité signifie qu'il a donc déjà
admis tous les éléments de cette infraction en mars
1984. La Cour n'a pas l'intention de lui faire subir
un nouveau procès. La conclusion sur laquelle les
parties s'entendent n'est pas susceptible d'entraî-
ner des conséquences pénales pour l'intimé. La
Cour ne lui imposera aucune punition. Le plai-
doyer et la déclaration de culpabilité constituent
des éléments essentiels à la décision de savoir si
l'intimé a obtenu la citoyenneté au moyen d'une
fausse déclaration, par fraude ou dissimulation
délibérée de faits essentiels. Il s'agit d'une enquête
de caractère purement civil et non d'une poursuite
en droit pénal.
Par souci de concision, voici deux extraits tirés
du sommaire précis de la décision rendue par la
majorité dans l'arrêt English v. Richmond and
Pulver, [1956] R.C.S. 383, la page 384:
Le juge en chef Kerwin et le juge Taschereau: [TRADUCTION]
... la preuve du plaidoyer de culpabilité était admissible. Il
est inacceptable de prétendre que le plaidoyer n'est pas
admissible en preuve parce qu'il a été inscrit par le procureur
et non par l'appelant, qu'il ne visait que la poursuite pénale et
qu'il n'appartenait pas au procureur de décider que ce fait
serait traité comme un aveu en l'espèce.
Le juge Locke:
[TRADUCTION] La preuve de l'accusation et du plaidoyer de
culpabilité était pertinente et admissible.
Dans The Law of Evidence in Civil Cases,
Toronto, Butterworths, 1974, John Sopinka et
Sidney N. Lederman reprennent la décision sus-
mentionnée, à la page 143, sous la rubrique «What
Constitutes an Admission». Voici les extraits
pertinents:
[TRADUCTION] L'aveu peut se faire sous plusieurs formes.
Le plaidoyer de culpabilité inscrit au cours d'une procédure
pénale, ou d'une procédure intentée à la suite d'une infraction
provinciale, est considéré comme un aveu admissible en preuve
à ce titre lors d'un procès civil subséquent .... Il convient de
souligner qu'avant d'admettre un plaidoyer de culpabilité en
preuve lors d'un procès civil subséquent, il faut établir que ce
dernier fait suite aux mêmes circonstances que celles qui ont
donné lieu à l'accusation criminelle ou à des circonstances
semblables.
En plus des aveux exprès faits par la partie visée, les aveux
judiciaires faits par son représentant dans les documents de la
Cour, comme des plaidoiries ou des aveux formels devant la
Cour, peuvent être utilisés à l'encontre des intérêts de cette
partie.
Il conviendrait également de souligner que
l'aveu qu'a fait l'intimé et qui a entraîné la décla-
ration de culpabilité, et dont la véracité est admise
conjointement par les parties en l'espèce, pourrait,
en l'absence d'entente de ce genre, être établi en
preuve conformément au paragraphe 12(2) de la
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1985, chap.
C-5.
Par conséquent, l'admission en preuve du plai-
doyer et de la déclaration de culpabilité de l'intimé
en 1984, en vertu du Code criminel ne contrevient
pas aux droits qui lui sont garantis par l'alinéa
11h) de la Charte puisque, en toute objectivité, il
n'est pas jugé ni puni de nouveau pour cette infrac
tion antérieure. La présente poursuite ne constitue
aucunement un procès intenté à l'égard de l'infrac-
tion dont il a été déclaré coupable en 1984.
De fait, il semble bel et bien que la procédure
judiciaire engagée en l'espèce, à l'instigation de
l'intimé lui-même, constitue une «audition impar-
tiale de sa cause, selon les principes de justice
fondamentale, pour la définition de ses droits et
obligations» au sens de l'alinéa 2e) de la Déclara-
tion canadienne des droits [Déclaration cana-
dienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III].
L'instance n'est pas inconstitutionnelle. Cela dit, la
Cour conclut qu'en vertu du paragraphe 17(1) de
la Loi sur la citoyenneté, d'après la preuve sou-
mise, l'intimé a obtenu la citoyenneté par fausse
déclaration, fraude et dissimulation délibérée de
faits essentiels.
Les avocats respectifs des parties n'ayant pré-
senté aucune observation à ce sujet, aucuns dépens
ne sont adjugés.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.