T-1370-87
La Reine (demanderesse)
c.
Kenneth W. Joyner (défendeur)
RÉPERTORIÉ: JOYNER C. M.R.N.
Division de première instance, juge Reed —Van-
couver, 6 et 14 septembre 1988.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Gain en capital
— Vente d'une résidence principale — Fonds de terre néces-
saire à l'usage et à la jouissance de la résidence principale au
sens de l'art. 54g) de la Loi — Moment pertinent pour la
détermination de la superficie du fonds de terre qui doit être
réputée faire partie intégrante de la résidence principale, aux
fins de l'art. 40(2)b) — La détermination ne doit pas tenir
compte du règlement de zonage en vigueur entre l'acquisition
et la vente.
Le contribuable et son épouse vivaient dans une maison sise
sur un terrain de 14 acres qu'ils avaient acquis au cours des
années 1965 à 1968. En 1980, ils ont vendu leur résidence et
7,9 acres de terrain. Le ministre a imposé un impôt sur les gains
en capital à l'égard de 6,9 acres. La partie du produit attribua-
ble à la maison elle-même et au fonds de terre d'un acre
sous-jacent et contigu a été exemptée en vertu de l'alinéa 54g)
de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le contribuable soutient que puisqu'au cours des années
1972 à 1975, le règlement interdisait la vente de la maison sans
vendre également tout le terrain de 14 acres, la propriété en
entier était, au cours de ces années, nécessaire à l'usage et à la
jouissance de leur résidence au sens de ►'alinéa 54g), et qu'elle
faisait donc partie de leur résidence principale. Il est donc
allégué dans le présent appel de la décision de la Cour cana-
dienne de l'impôt que la cotisation de l'impôt sur les gains en
capital payable sur les 6,9 acres devrait être réduite proportion-
nellement pour tenir compte des années où les restrictions de
zonage empêchaient le lotissement de la propriété.
En l'espèce, le litige porte sur le moment où, pour l'applica-
tion de l'alinéa 40(2)b) de la Loi de l'mpôt sur le revenu, la
superficie du fonds de terre qui sera réputée faire partie de la
résidence principale du contribuable (un maximum d'un acre
ou une superficie plus grande) doit être déterminée.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
C'est la date de la disposition de la propriété qui est détermi-
nante lorsqu'il s'agit de décider si la partie de terrain qui
excède un acre doit ou non être considérée comme faisant
partie de la résidence principale du contribuable. On n'exigeait
pas de superficie minimale de «plus d'un acre» au moment de la
disposition, ni au moment de l'acquisition, ni au jour de l'éva-
luation. L'alinéa 40(2)b) ne devrait pas être interprété comme
signifiant que la résidence principale d'un contribuable variera
de superficie selon les années, suivant les règlements de zonage
applicables, et que l'impôt sur le gain en capital payable lors de
la disposition devra être calculé en fonction de cette superficie
variable.
LOIS ET RÈGLEMENTS
B.C. Reg. 4/73.
B.C. Reg. 19/73.
Environment and Land Use Act, R.S.B.C. 1979, chap.
110, art. 6.
Land Commission Act, S.B.C. 1973, chap. 46.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 3, 38, 39, 40 (mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art.
17(1)), 45, 54g).
JURISPRUDENCE
DÉCISION NON SUIVIE:
Succession de S. I. Raper c. Ministre du Revenu Natio
nal (1986), 86 DTC 1513 (C.C.I.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
La Reine c. W. et M. Yates (1986), 86 DTC 6296
(C.A.F.); confirmant [1983] 2 C.F. 730; 83 DTC 5158
(1'° inst.); La Reine c. G. Mitosinka (1978), 78 DTC
6432 (C.F. 1'° inst.); S. K. et T. Watson c. Ministre du
Revenu national (1985), 85 DTC 270 (C.C.I.); E. Rode
et autre c. Ministre du Revenu National (1985), 85 DTC
272 (C.C.I.).
DECISION EXAMINÉE:
F. F. Saccomanno c. M.R.N., [1986] 2 C.T.C. 2264
(C.C.I.).
AVOCATS:
M. J. Weder pour la demanderesse.
W. Lay et R. E. Levine pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada par
interim pour la demanderesse.
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe &
Davidson, Vancouver, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE REED: La question litigieuse que sou-
lève le présent appel (nouveau procès) concerne la
mesure dans laquelle certaines sommes découlant
de la vente d'une propriété sont exonérées de l'im-
pôt sur les gains en capital en tant que sommes
imputables à la vente de la résidence principale du
contribuable. Les présents motifs s'appliquent au
dossier T-1369-87 et au dossier T-1370-87.
Les faits de la présente espèce ne sont pas
contestés. Au cours des années 1965à 1968, le
contribuable et son épouse (ci-après appelés les
«défendeurs») ont acquis, à titre de copropriétaires
avec gain de survie, un terrain de 14 acres. Sur ce
terrain se trouvait une maison que les défendeurs
ont occupée jusqu'à ce qu'elle soit vendue en 1980.
Le 31 décembre 1971, et de fait à l'époque où les
défendeurs l'ont acquis pour la première fois, le
terrain de 14 acres était une propriété à zonage
résidentiel et il aurait pu être morcelé en lots de 'h
acre. La propriété était attenante à un secteur
résidentiel aménagé. L'intention des défendeurs
était, à toutes les époques en cause, de vendre la
propriété à des fins de lotissement.
En 1972 et au début de 1973, des décrets ont été
pris en vertu de l'article 6 de la Environment and
Land Use Act de la Colombie-Britannique,
R.S.B.C. 1979, chap. 110. Ces décrets (4483/72
[B.C. Reg. 4 / 7 3] et 157/73 [B.C. Reg. 19/73])
s'appliquaient à la propriété des défendeurs. Par
conséquent, après le 21 décembre 1972, il n'était
plus possible de lotir la propriété de 14 acres et,
après le 18 janvier 1973, il n'était plus possible de
l'utiliser à d'autres fins que l'agriculture, à moins
d'obtenir, dans un cas comme dans l'autre, une
autorisation. Cette autorisation pouvait être
donnée en vertu d'un décret ou en vertu d'une
disposition d'une autre loi (c.-à-d., d'une autre loi
que l'Environment and Land Use Act, précitée):
voir le décret 157/73.
En 1973, la Land Commission Act, S.B.C. 1973,
chap. 46 a été édictée. Elle prévoyait l'établisse-
ment de plans de réserves de terres. La propriété
des défendeurs a été désignée comme faisant partie
d'une zone de réserve de terres agricoles. Cette
restriction avait, comme les décrets antérieurs,
pour effet d'interdire le lotissement de la propriété
des défendeurs et son utilisation à des fins autres
que l'agriculture. Le 8 mars 1975, les défendeurs
ont demandé à la commission foncière provinciale
qui avait été créée sous le régime de la Land
Commission Act (précitée), d'exclure leur pro-
priété de 14 acres de la réserve de terres agricoles.
Le 6 octobre 1975, l'exclusion de 7,9 acres a été
accordée; le reste (c.-à-d. 6,1 acres) est demeuré
assujetti aux restrictions relatives à la réservé de
terres agricoles. Un appel de la décision de ne pas
exclure la totalité des 14 acres de la réserve a été
interjeté. Cet appel a été rejeté.
Ainsi donc, en octobre de 1975, sur les 14 acres
que comptait la propriété des défendeurs, 7,9 acres
pouvaient à nouveau être lotis en lots résidentiels.
La résidence des défendeurs se trouvait sur cette
parcelle de 7,9 acres. En 1980, les défendeurs ont
vendu leur résidence et les 7,9 acres. Ils ont cons-
truit une nouvelle résidence sur la parcelle adja-
cente de 6,1 acres qui était toujours assujettie aux
restrictions de la réserve de terres agricoles.
En ce qui concerne la vente des 7,9 acres, le
ministre a, dans sa cotisation, exempté les défen-
deurs de l'impôt sur les gains en capital sur le
produit de cette vente dans la mesure où ce produit
était imputable à la maison elle-même et au fonds
de terre d'un acre sous-jacent et contigu. (Cette
partie du produit de la vente était, aux termes de
la Loi de l'impôt sur le revenu, manifestement
exonérée de l'impôt sur les gains en capital en tant
que produit découlant de la disposition de la rési-
dence principale des défendeurs: voir l'alinéa 54g)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952,
chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 1)). Un impôt sur les gains en capital a
toutefois été imposé à l'égard des autres 6,9 acres.
C'est cette cotisation qui est en litige.
Les défendeurs soutiennent que puisque pendant
les années 1972 à 1975 ils ne pouvaient vendre leur
maison sans vendre également tout le terrain de 14
acres, la propriété en entier était, au cours des
années en question, nécessaire à l'usage et à la
jouissance de leur résidence et qu'elle faisait donc
partie de leur résidence principale. Par conséquent,
ils soutiennent que le montant d'impôt sur les
gains en capital à payer sur les 6,9 acres devrait
être réduit de 5/9e pour tenir compte de la période
de 1972 à 1975 au cours de laquelle la restriction
de zonage interdisait le lotissement de la propriété.
Cela, prétendent-ils, découle de l'application des
dispositions des alinéas 40(2)b) [mod. par S.C.
1977-78, chap. 1, art. 17(1)] et 54b) ci-après cités
de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Je paraphrase comme suit les dispositions perti-
nentes de la Loi de l'impôt sur le revenu: (1) tous
les gains découlant de la disposition de biens sont
imposables; (2) les gains découlant de la vente
d'une résidence principale sont exonérés d'impôt;
(3) une résidence principale peut comprendre jus-
qu'à un acre du fonds de terre sous-jacent et
contigu au logement lui-même, mais tout excédent
de terrain n'est pas réputé faire partie de la rési-
dence principale du contribuable, sauf si le contri-
buable prouve que cet excédent est nécessaire à
l'usage et à la jouissance du logement comme
résidence'.
En l'espèce, le litige porte sur le moment où,
pour l'application de l'alinéa 40(2)b) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, la superficie du fonds de
terre qui sera réputée faire partie de la résidence
principale du contribuable (au maximum un acre
ou une superficie plus grande) doit être détermi-
née. S'agit-il de la superficie au moment de la
disposition, de la superficie au moment de l'acqui-
sition ou de diverses superficies au cours de la
période pendant laquelle les défendeurs étaient
propriétaires de l'immeuble?
Les défendeurs fondent leur argument que la
superficie est d'un caractère variable et que l'im-
pôt à payer sur les gains en capital devrait être
réduit dans la proportion indiquée sur l'arrêt La
Reine c. W. et M. Yates de la Cour d'appel
fédérale, (1986), 86 DTC 6296, qui a confirmé le
jugement publié à [1983] 2 C.F. 730; 83 DTC
5158 (lie inst.), et sur la décision de la Cour de
l'impôt Succession de S. I. Raper c. Ministre du
Revenu national (1986), 86 DTC 1513.
Je ne crois pas que le raisonnement suivi dans
l'arrêt Yates aide les défendeurs. Dans l'affaire
Yates, les contribuables avaient acheté un terrain
de dix acres sur lequel ils avaient construit leur
résidence principale. En 1978, craignant d'être
expropriés, ils ont vendu 9,3 acres à la municipa-
lité locale. Au moment de l'acquisition et jusqu'à
la date de l'expropriation appréhendée, le règle-
ment de zonage applicable exigeait que les proprié-
tés résidentielles soient situées sur des terrains
ayant une superficie minimale de dix acres. (A
vrai dire, à la date de la vente, la superficie
minimale exigée était de 25 acres et la propriété
des contribuables faisait l'objet d'une utilisation
dérogatoire.) Le juge Mahoney a statué que puis-
que les contribuables ne pouvaient occuper leur
logement à titre de résidence sur une superficie
inférieure à dix acres, l'excédent était nécessaire à
l'usage et à la jouissance de cette résidence et
devait être considéré comme faisant partie de la
résidence principale. Il a écrit, aux pages 732 C.F.;
5159 DTC:
' Voir, de façon générale, la Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1952, chap. 148, modifiée, art. 3, 38, 39, 40, 45, 54g).
À mon avis, il faut prendre en considération la période qui a
précédé la disposition.
Les défendeurs ne pouvaient légalement occuper leur loge-
ment à titre de résidence sur une superficie inférieure à dix
acres. Il s'ensuit non seulement que l'on «peut raisonnablement»
considérer que l'ensemble des dix acres, sous-jacents et conti-
gus, facilite au contribuable l'usage et la jouissance du loge-
ment à titre de résidence, mais aussi qu'il faut conclure en ce
sens. Il s'ensuit également que l'excédent était nécessaire à cet
usage et à cette jouissance. [C'est moi qui souligne.]
Le juge Mahoney a clairement affirmé que la
date décisive pour déterminer si la partie du ter
rain qui excédait un acre était nécessaire à l'usage
et à la jouissance de la résidence était la date de la
disposition. Ce raisonnement a été adopté par le
juge en chef adjoint de la Cour de l'impôt Christie
dans l'affaire E. Rode et autre c. Ministre du
Revenu national (1985), 85 DTC 272, la page
274. C'est au moment de la disposition que le
contribuable réalise le gain en capital et c'est au
cours de cette année d'imposition que le gain est
imposé. Par conséquent, comme je l'ai précisé
ci-dessus, je ne crois pas que la décision Yates aide
les défendeurs.
De plus, dans l'affaire Yates, l'exigence légale
voulant que la résidence du contribuable soit située
sur un terrain ayant une superficie d'au moins dix
acres existait tant à la date de l'acquisition de la
propriété par les contribuables qu'à la date de sa
disposition. Dans le cas qui nous occupe, on n'exi-
geait pas de superficie minimale de «plus d'un
acre» au moment où les contribuables ont acheté la
propriété ou au moment où ils l'ont vendue; une
pareille restriction n'existait pas non plus au jour
de l'évaluation, le 31 décembre 1971. En l'espèce,
la valeur marchande de la propriété de 14 acres au
moment de son acquisition, l'évaluation de la pro-
priété au jour de l'évaluation et le prix de vente de
la propriété au moment de sa disposition auraient
tous été établis en fonction d'une propriété non
assujettie à un règlement de zonage exigeant une
superficie minimale de «plus d'un acre».
Dans l'affaire Raper, la résidence de la contri-
buable était située sur une parcelle de 2,46 hecta
res (un peu plus de 6 acres). Cette parcelle avait
antérieurement fait partie d'une parcelle de terre
agricole de 50 acres; le reste avait été vendu par la
contribuable et son mari en 1961. La contribuable
menait un style de vie rural sur la propriété de
2,46 hectares (elle cultivait ses propres légumes et
gardait quelques animaux) jusqu'à son hospitalisa
tion en 1977, la suite d'une attaque d'apoplexie.
Elle n'a jamais envisagé la possibilité de vendre ou
de lotir la propriété. La contribuable est décédée
en 1982 et une disposition présumée a eu lieu à son
décès. L'impôt payable sur le gain en capital
découlant de la disposition présumée de la partie
du terrain qui excédait un acre et qui était sous-
jacente et contiguë à la résidence était en litige.
La Cour de l'impôt a conclu que 1/10e du gain
en capital imputable à la partie du terrain qui
excédait un acre était imposable. Bien qu'en 1982,
au moment du décès de la contribuable, la pro-
priété pouvait être lotie, il n'en avait pas toujours
été ainsi. Avant 1980, des restrictions de zonage
exigeaient que la maison de la contribuable soit
située sur une parcelle de terrain d'au moins 2,1
hectares (5,2 acres). La Cour de l'impôt a statué
qu'avant 1980, la contribuable n'avait pu séparer
la résidence du terrain sur lequel elle était érigée et
que la possession de la propriété entière avait été
jusqu'à cette date nécessaire à l'usage et à la
jouissance de la résidence. Par conséquent, la cour
a statué que puisque pendant neuf des dix années
en question, la propriété entière avait été néces-
saire à l'usage de la résidence, les 9 / 1 0e du gain en
capital réalisé lors de la disposition du terrain
devaient être exonérés d'impôt. Pour en venir à
cette conclusion, la cour a rapproché l'alinéa
40(2)b) de l'alinéa 54g) de la Loi de l'impôt sur le
revenu. Aux pages 1519 et 1520 de la décision
Raper, la Cour a déclaré:
Il est vrai que la date de disposition est importante pour
établir la nécessité de l'usage et la jouissance du logement.
Dans ce cas, il s'agissait de décembre 1982. Cependant, s'agit-il
de la seule date?
Étant donné que le statut de résidence princpale a été désigné
pour chaque année de possession, il semble équitable que la
date pertinente pour établir la nécessité devrait également être
fixée sur une base annuelle.
Les alinéas 40(2)b) et 54g) sont les dispositions relatives à
l'exemption. L'interprétation stricte d'une disposition d'exemp-
tion exige que les termes de cette disposition énoncent claire-
ment l'exemption. En est-il ainsi des alinéas 40(2)b) et 54g)?
La définition de résidence principale qui se trouve à l'alinéa
54g) comprend l'élément de nécessité de l'usage et de la
jouissance du logement. L'expression «résidence principale» est
utilisée à l'alinéa 40(2)b). Sa définition à l'alinéa 54g) s'appli-
que à l'alinéa 40(2)b). En effet, l'alinéa 54g) commence par la
phrase «dans la présente sous-section ... résidence principale
... signifie ...». Il s'agit de la sous-section c) de la Section B de
la Partie I et couvre les articles 28à 55.
Par conséquent, le fait de prendre la «résidence principale» à
l'alinéa 40(2)b) dans son sens intégral, y compris la nécessité de
l'usage et de la jouissance du logement pour le calcul de
l'exemption, est non seulement équitable mais, à mon avis, elle
est nettement prévue dans les termes de ladite disposition. La
date importante pour démontrer la nécessité devrait également
être établie sur une base annuelle. [C'est moi qui souligne.]
J'ai de la difficulté à appliquer le raisonnement
de la décision Raper aux faits de la présente
espèce. Il ne fait aucun doute que la question de
l'interprétation législative ne sera tranchée que par
un arrêt de la Cour d'appel fédérale. En l'absence
toutefois d'un arrêt de la Cour d'appel fédérale
indiquant que le raisonnement de la décision
Raper s'applique aux faits de la présente espèce,
j'hésite à appliquer ce raisonnement. J'ai de la
difficulté, pour ce qui est de l'interprétation légis-
lative, à rapprocher l'alinéa 40(2)b) de l'alinéa
54g) de façon à parvenir au résultat souhaité par
les défendeurs. Voici les extraits applicables de
l'article 40:
40. (1) ...
a) le gain d'un contribuable tiré, pour une année d'imposi-
tion, de la disposition de tout bien est la fraction, si fraction il
y a,
(i) en cas de disposition du bien dans l'année, de la
fraction ... du produit de la disposition qui est en sus du
total du prix de base rajusté du bien pour le contribuable,
calculé immédiatement avant la disposition et de tous
débours et toutes dépenses dans la mesure où il les a faits
ou engagés aux fins de la disposition ...
(2) Nonobstant le paragraphe (1),
b) lorsque le contribuable est un particulier, le gain qu'il a
tiré, pour une année d'imposition, de la disposition d'un bien
qui, à une date quelconque, était sa résidence principale,
après la date ... à laquelle il a acquis le bien pour la dernière
fois ou l'a acquis de nouveau ... est le gain qu'il en a tiré,
calculé par ailleurs, pour l'année, moins la fraction de ce gain
que
(i) le nombre un plus le nombre d'années d'imposition se
terminant après la date d'acquisition et pendant lesquelles
ce bien a été sa résidence principale et au cours desquelles
il résidait au Canada,
représente par rapport au
(ii) nombre d'années d'imposition se terminant après la
date d'acquisition et pendant lesquelles il a été propriétaire
de ce bien, soit conjointement avec une autre personne, soit
autrement;
La partie applicable de l'alinéa 54g) dispose:
54....
g) [...1 la «résidence principale» d'un contribuable pour une
année d'imposition est réputée comprendre ... le fonds de
terre sur lequel repose le logement et toute partie d'un fonds
de terre contigu qui peut raisonnablement être considéré
comme facilitant au contribuable l'usage et la jouissance du
logement à titre de résidence, sauf que, si la superficie totale
du fonds de terre sous-jacent et de cette partie dépasse un
acre, l'excédent est réputé ne pas avoir facilité au particulier
l'usage et la jouissance du logement considéré comme rési-
dence, à moins que le contribuable ne prouve que cet excé-
dent était nécessaire à cet usage et à cette jouissance;
Suivant mon interprétation de l'alinéa 40(2)b),
il me semble que celui-ci vise à s'appliquer à la
situation du contribuable qui achète une maison
(un logement) et, à une époque postérieure à la
date de l'achat, mais non à la même époque, fait
de ce logement sa résidence principale. Il s'appli-
que également de toute évidence à la situation du
contribuable qui change son lieu de résidence prin-
cipale (maison, logement) sans vendre cette
propriété.
Il est clair que l'alinéa 40(2)b) a pour but de
permettre au contribuable de changer de résidence
principale d'année en année en choisissant parmi
plusieurs propriétés une résidence principale. Il est
clair que ce paragraphe s'applique à un change-
ment de profession ou à un changement de dési-
gnation du contribuable. Mais j'ai de la difficulté à
interpréter ce paragraphe comme signifiant que la
résidence principale du contribuable variera de
superficie selon les années, suivant les règlements
de zonage applicables, et que l'impôt sur le gain en
capital payable lors de la disposition devra être
calculé en fonction de cette superficie variable.
Suivant l'interprétation que l'avocate des défen-
deurs fait des alinéas 40(2)b) et 54g), l'entité à
laquelle les mots «résidence principale» réfèrent à
l'alinéa 40(2)b) possède une existence élastique. Je
ne crois pas que l'alinéa 40(2)b) ait été conçu de
manière à envisager une méthode de calcul qui
dépende d'une pareille existence élastique. Si les
contribuables à l'instance avaient vendu leur pro-
priété en 1973, alors qu'il leur aurait fallu vendre
en entier la propriété de 14 acres, auraient-ils été
tenus de payer l'impôt sur les gains en capital sur
une proportion du gain calculé en fonction de la
période antérieure au cours de laquelle aucune
restriction de zonage ne s'appliquait?
L'avocat de la demanderesse fait valoir un autre
argument. Le contribuable, Kenneth W. Joyner, a
exploité une entreprise agricole sur la propriété en
question de façon continue à partir d'une date
antérieure au 31 décembre 1971 jusqu'à la disposi
tion de la parcelle de 7,9 acres en 1980. Les profits
et les pertes résultant de cette entreprise agricole
(élevage de chevaux pur-sang et de quelques têtes
de bétail) ont été déclarés pour les fins de l'impôt
sur le revenu. L'avocat fait valoir que la partie du
terrain qui excède un acre et qui est contiguë à la
maison du contribuable (sa résidence principale)
ne peut être considérée comme étant nécessaire à
l'usage et à la jouissance du logement alors que ce
terrain est utilisé à des fins commerciales. Il a cité
les décisions La Reine c. G. Mitosinka (1978), 78
DTC 6432 (C.F. lie inst.); S. K. et T. Watson c.
Ministre du Revenu national (1985), 85 DTC 270
(C.C.I.) et E. Rode et autre c. Ministre du Revenu
national (1985), 85 DTC 272 (C.C.I.) et l'alinéa
40(2)c) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art.
17(2)] de la Loi de l'impôt sur le revenue.
Je ne trouve pas très utile la jurisprudence citée
par l'avocat de la demanderesse. Le jugement
Mitosinka porte sur une affaire dans laquelle on a
jugé qu'il y avait eu deux logements. L'affaire
Watson a été jugée avant l'affaire Yates ou du
moins n'en fait pas mention. L'affaire Rode portait
sur des contribuables qui prétendaient qu'une
superficie de plus d'un acre était nécessaire à
l'usage et à la jouissance de leur résidence princi-
pale en raison de leur mode de vie autonome. Cette
z 40. (2) ..
c) lorsqu'un contribuable est un particulier, son gain pour
une année d'imposition, tiré de la disposition d'un fonds de
terre utilisé dans une entreprise agricole qu'il exploite et qui
comprend une propriété qui était à une date quelconque sa
résidence principale, est
(i) son gain pour l'année, déterminé par ailleurs et tiré de
la disposition de la partie du fonds de terre qui ne com-
prend pas la propriété qui était sa résidence principale,
plus son gain pour l'année, si gain il y a, déterminé en
vertu de l'alinéa b) et tiré de la disposition de la propriété
qui était sa résidence principale, ou
(ii) si le contribuable opte ainsi de la manière prescrite à
l'égard du fonds de terre, son gain pour l'année, tiré de la
disposition du fonds de terre qui comprend la propriété qui
était sa résidence principale, déterminé sans tenir compte
de l'alinéa b) ou du sous-alinéa (i) du présent alinéa, moins
le total formé de
(A) $1,000 et de
(B) $1,000 pour chaque année d'imposition qui se ter-
mine après la date d'acquisition durant laquelle le bien
constituait sa résidence principale et durant laquelle il
résidait au Canada;
affaire ne portait pas sur l'effet de restrictions de
zonage ou de restrictions de caractère similaire.
L'avocate des défendeurs a invoqué la décision
F. F. Saccomanno c. M.R.N., [1986] 2 C.T.C.
2269 (C.C.I.), comme ayant établi le principe qu'il
est possible de tirer un revenu d'une partie d'une
résidence principale sans que cet immeuble perde
de quelque façon que ce soit sa qualité de rési-
dence principale. Elle soutient en outre qu'une fois
qu'on a jugé qu'une certaine superficie de terrain
est réputée faire partie de la résidence principale
du contribuable parce qu'elle est nécessaire à son
usage et à sa jouissance, l'usage qu'on fait effecti-
vement du fonds de terre ne peut porter atteinte à
sa classification comme partie de la résidence prin-
cipale. Elle fait valoir que l'alinéa 40(2)c) de la
Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique qu'au
fonds de terre qui ne fait pas partie de la résidence
principale du contribuable, c'est-à-dire que cet
alinéa ne s'applique qu'au fonds de terre qui reste
après que la superficie qui est considérée comme
constituant la résidence principale est détachée du
tout. Puisqu'en l'espèce, la totalité du terrain de 14
acres n'était pas, au cours des années en question,
susceptible de lotissement, l'avocate des défen-
deurs soutient qu'elle doit, pour ces années, être
considérée comme faisant partie de la résidence
principale du contribuable et qu'elle ne tombe pas
sous le coup de l'alinéa 40(2)c).
L'avocat de la demanderesse est, comme on
pouvait s'y attendre, mal à l'aise avec cette inter-
prétation. La propriété des défendeurs à l'instance
ne compte que 14 acres, mais les restrictions qui
existent en Colombie-Britannique en matière d'uti-
lisation du sol et que nous avons déjà mentionnées
interdisent également le lotissement de superficies
beaucoup plus grandes.
L'avocat de la demanderesse craint que l'on
soutienne à l'avenir dans d'autres affaires que des
superficies très grandes doivent être considérées
comme faisant partie de la résidence principale du
contribuable en raison de la législation provinciale
en matière d'utilisation du sol. En tout état de
cause, puisque j'en suis venue à la conclusion que
c'était la date de la disposition de la propriété qui
avait de l'importance lorsqu'il s'agit de déterminer
si la partie de terrain qui excède un acre doit ou
non être considérée comme faisant partie de la
résidence principale du contribuable, il n'est pas
nécessaire que j'examine le second moyen de l'avo-
cat de la demanderesse. Pour les motifs exposés
ci-dessus, je suis d'avis que l'appel de la demande-
resse doit être accueilli.
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