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T-486-85
La bande indienne de Saugeen, représentée par son chef Vernon Roote et par ses conseillers Arnold Solomon, Roy Wesley, Oliver Kahgee père, Chester Ritchie, Mildred Ritchie, Harriet Kewa- quom, Marie Mason et Franklin Shawbedees (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: BANDE INDIENNE DE SAUGEEN C. CANADA (l" INST.)
Division de première instance, juge Reed— Ottawa, 24, 25 octobre et 17 novembre 1988.
Peuples autochtones Impôt L'art. 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise impose une taxe sur le prix de vente de toutes marchandises fabriquées au Canada La bande indienne en cause cherche à se faire rembourser le montant des taxes versées sur les marchandises qu'elle a achetées en vue de les utiliser dans la réserve Les Indiens et les bandes indiennes sont, aux termes de l'art. 87 de la Loi sur les Indiens, exemptés de l'impôt direct et indirect mais non de l'incidence de l'impôt indirect La taxe est prélevée sur le bien alors que le fabricant en est le propriétaire Les biens meubles des Indiens ou des bandes indiennes ne sont pas frappés de taxe Les biens situés sur la réserve ne sont pas non plus frappés de taxe La taxe de vente est trop distante pour être assimilée à un impôt indirect
Douanes et accise Loi sur la taxe d'accise La bande indienne en cause cherche à se faire rembourser la taxe de vente payée en vertu de l'art. 27 par des tiers relativement à des marchandises achetées en vue d'être utilisées dans la réserve Elle n'a droit à aucun remboursement même si elle est exemptée de l'incidence de l'impôt indirect L'art. 46.1 de la Loi sur la taxe d'accise interdit toute action en rembourse- ment des sommes payées, sauf disposition contraire expresse de la loi La Loi sur les Indiens et la Loi sur la taxe d'accise ne contiennent aucune disposition de ce genre.
Il s'agit en l'espèce d'une action en remboursement de la taxe de vente fédérale relativement à certaines marchandises. Les biens avaient été achetés pour être utilisés dans une réserve indienne. La taxe a été acquittée en application du paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise qui impose une taxe sur le prix de vente de toutes marchandises fabriquées ou importées au Canada ou vendues ou retenues par un marchand en gros muni d'une licence. La taxe est payée par le fabricant, l'impor- tateur ou le marchand en gros. Elle est calculée en fonction du prix de vente fixé par le fabricant ou de la valeur acquittée des marchandises importées, et elle est exigible au moment le bien est livré au premier acheteur non muni de licence ou même dès que cet acheteur en acquiert la propriété. Il s'agit d'un impôt indirect, puisqu'il est prévu que le contribuable recou- vrira le montant de la taxe payé dans le prix qu'il fait payer à l'acheteur subséquent. Toutefois, nul n'est tenu de payer la taxe, si ce n'est le fabricant,, l'importateur ou le marchand en gros muni de licence. C'est par convention contractuelle qu'il est décidé si la taxe est repassée.
L'exposé conjoint des faits contenait neuf opérations. Dans certains cas, la propriété des marchandises a été transmise à la bande en dehors de la réserve et dans d'autres cas, à l'intérieur de la réserve. De même, dans certains cas, la taxe était exigible avant la livraison, dans certains autres cas, elle était exigible à la livraison, et dans d'autres, à une phase bien antérieure de la chaîne de distribution. Il s'agissait d'achats effectués auprès du fabricant ou chez un marchand en gros muni d'une licence, ou encore, auprès de vendeurs situés au bas de la chaîne de distribution. Dans tous ces cas, la demanderesse connaissait le montant de la taxe de vente fédérale payée. En ce qui concerne la plupart des milliers d'opérations figurant dans la déclaration, le montant de la taxe de vente fédérale était ni connu ni facilement vérifiable.
L'article 87 de la Loi sur les Indiens exonère de l'impôt les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve et prévoit que nul Indien ou bande n'est assujetti à un impôt concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien situé sur une réserve. Il échet d'examiner: (I ) si l'article 87 exonérait les Indiens ou les bandes indiennes du fardeau ou de l'incidence des impôts indirects ainsi que de l'obligation fiscale directe à titre de contribuables; (2) si un droit au remboursement existait; (3) quel délai de prescription s'y appliquait; et (4) comment calculer le montant du remboursement.
Jugement: l'action doit être rejetée.
(1) La taxe ne visait pas les biens meubles d'un Indien ou d'une bande indienne. La marchandise est taxée au moment le fabricant en est le propriétaire. Les termes «taxe de consom- mation ou de vente» figurant au paragraphe 27(1) visent à définir la taxe et ils peuvent signifier tout simplement que ce paragraphe embrasse la taxe déclenchée par une vente ou celle payée à l'utilisation finale ou à l'importation. On ne saurait voir dans cette taxe une taxe sur la consommation ou l'achat d'un bien par l'utilisateur final. On ne saurait y voir non plus une taxe frappant des biens situés dans une réserve. Le transfert de propriété du vendeur à l'acheteur ainsi que la livraison sont des facteurs permettant de déterminer quand la taxe devient exigi- ble. Le fait que, après transfert de propriété, l'article devienne la propriété d'une bande indienne et qu'il soit situé dans une réserve, ne fait pas de cette taxe une taxe frappant des biens meubles appartenant à une bande indienne dans une réserve.
Un certain nombre d'incidences de la taxe sont trop distantes pour tomber dans le champ d'application de l'article 87. Le critère de l'impôt indirect qui a été conçu pour délimiter le domaine de compétence fiscale des provinces, (ces taxes qui «s'attachent comme un fardeau à l'unité de marchandise») n'est pas satisfaisant au point de vue de la science économique. Aucun impératif ne justifiait qu'il devait servir à l'interpréta- tion de l'article 87. Dans l'arrêt Nowegijick, les propos de la Cour suprême selon lesquels les mots «quant à» avaient la portée la plus large possible, ne se rapportent pas à l'article 87 pris dans son ensemble. Rien n'indique que l'article 87 exonère les Indiens et les bandes indiennes de l'incidence de la taxe à titre de contribuables. La disposition de l'article 87 qui prévoit que nulle bande indienne «n'est assujetti[e] à une taxation concernant» signifie que les bandes indiennes ne doivent pas être imposées à titre de contribuables. Elle ne signifie pas que les bandes indiennes devaient être exonérées de toute incidence ou fardeau des impôts indirects.
(2) Aucun fondement juridique ne justifiait un rembourse- ment. Les demandeurs ont fait valoir que l'article 87 de la Loi sur les Indiens devait être interprété à la lumière de la Loi sur la taxe d'accise pour qu'ils puissent réclamer un rembourse- ment. Une telle interprétation ne se justifie pas_ puisque au moment la Loi sur les Indiens a été adoptée, la taxe de vente fédérale n'existait pas, et lorsque la Loi sur la taxe d'accise est entrée en vigueur pour la première fois, elle ne contenait pas de disposition prévoyant expressément le remboursement aux Indiens et aux bandes indiennes. L'absence dans la Loi sur la taxe d'accise d'une exemption expresse pour les Indiens et les bandes indiennes ne veut pas dire que le législateur ne jugeait pas nécessaire de prévoir l'exemption et le remboursement car ceux-ci existaient déjà dans la Loi sur les Indiens. En outre, l'article 46.1 de la Loi sur la taxe d'accise est applicable. Elle interdit toute action en remboursement de sommes payées à titre de taxes, sauf disposition contraire expresse. Ainsi, même si l'article 87 de la Loi sur les Indiens créait l'exemption réclamée, l'article 46.1 nie le droit au remboursement puisque ni la Loi sur les Indiens ni la Loi sur la taxe d'accise ne prévoient un droit d'action pour recouvrer les sommes payées.
(3) Puisque l'article 87 ne prévoit aucune exemption, il n'était pas nécessaire d'examiner les questions liées au délai de prescription applicable et au mode de calcul du remboursement. Néanmoins, il convenait de souligner en ce qui concerne le délai de prescription que la revendication n'était pas une «créance tenant à un contrat par acte scellé» comme l'exige l'alinéa 45(1)b) de la Limitations Act de l'Ontario. Les montants en cause n'étaient pas déterminés. L'action fondée sur le contrat par acte scellé est une action portant sur un montant déterminé. Depuis le 23 mai 1985, le paragraphe 44(6) de la Loi sur la taxe d'accise prévoit un délai de prescription de deux ans. Antérieurement à cette date, le délai était de quatre ans.
(4) En ce qui concerne le calcul du remboursement, le Règlement sur les formules utilisées pour les remboursements s'applique uniquement aux remboursements expressément prévus par la Loi sur la taxe d'accise.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Limitations Act, R.S.O. 1980, chap. 240, art. 45(1)(b).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1)1.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 39.
Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 27(1),(I.2) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 10), (1.3) (mod. par S.C. 1985, chap. 3, art. 16), (1.4) (mod., idem), 28(1)d), 29 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 104, art. 9), 44, 44.2 (mod. par S.C. 1986, chap. 9, art. 34), 46.1 (mod., idem), annexe III.
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. 1-6, art. 87 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 25).
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1952.
Loi sur les Indiens de 1876, S.C. 1876, chap. 18, art. 64, 65.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
474.
Règlement sur les formules utilisées pour les rembourse-
ments, C.R.C., chap. 591, art. 3.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Cairns Construction Ltd. v. Government of Saskatche- wan, [1960] R.C.S. 619; Bank of Toronto v. Lambe (1887), 12 App. Cas. 575 (P.C.); Francis, Louis v. The Queen, [1954] R.C.É. 590; confirmé par [1956] R.C.S. 618; Nowegijick c. La Reine, [ 1983] 1 R.C.S. 29.
DÉCISIONS CITÉES:
Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan et autre, [1979] 1 R.C.S. 37; Atlantic Smoke Shops v. Conlon, [1943] A.C. 550 (C.P.); Minis- tre des Finances du Nouveau-Brunswick et autre c. Simpsons-Sears Ltée, [1982] I R.C.S. 144; C.P.R. v. A.G. for Saskatchewan, [1952] 2 R.C.S. 231; B.A.C.M. Const. Co. Ltd. v. R. in Right of B.C. (1978), 8 B.C.L.R. 391 (S.C.); La Reine c. Stevenson Construction Co. Ltd. (1978), 79 DTC 5044 (C.A.F.); Brown v. R. in Right of B.C., [1980] 3 W.W.R. 360 (C.A.C.-B.); Danes v. R. in Right of B.C.; Watts v. R. in Right of B.C. (1985), 61 B.C.L.R. 257 (C.A.); Re Hill and Minister of Revenue et al. (1985), 50 O.R. (2d) 765 (H.C.); Re Bernard and The Queen in right of New Brusnwick (1986), 31 D.L.R. (4th) 303 (B.R.N.-B.); Smith (A.M.) & Co. c. R. (1981), 20 C.P.C. 126 (C.A.F.); Cork & Brandon Ry. v. Goode (1853), 13 C.B. 826 (C.P.); Auckland Harbour Board v. The King, [1924] A.C. 318 (P.C.).
DOCTR IN E
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 2' éd.
Toronto : The Carswell Company Limited, 1985.
AVOCATS:
Maureen M. Gregory pour la demanderesse. Dogan D. Akman pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Tweedy, Ross, Charlottetown, pour la deman- deresse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE REED: Le principal point litigieux sou- levé par la demanderesse porte sur la question de savoir si l'article 87 de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, c. I-6, a pour effet de la rendre
admissible, à l'occasion de l'achat de certaines marchandises, au remboursement de la taxe de vente fédérale y relative.
Taxe de vente fédérale—Impôt indirect—Exposé conjoint des faits
La taxe a été acquittée en application du para- graphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, dont voici les passages applicables:
27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom- mation ou de vente ... sur le prix de vente de toutes marchandises,
a) produites ou fabriquées au Canada...
b) importées au Canada ...
e) vendues par un marchand en gros muni de licence ...
d) retenues par un marchand en gros muni de licence pour son
propre usage ou pour être par lui louées à d'autres ...
La taxe est payée par le fabricant ou le produc- teur du bien, à moins que ce bien ne soit vendu à un marchand en gros muni de licence, auquel cas elle est payée par ce dernier. En cas d'importation, la taxe est payée par l'importateur ou par le cessionnaire qui sort les marchandises de l'entre- pôt. Dans les présents motifs, «fabricant» s'entend à la fois du fabricant et du producteur; «importa- teur» s'entend également du cessionnaire et «importation», de la sortie des marchandises de l'entrepôt. Par ailleurs, le terme «contribuable» s'applique à la personne tenue à l'obligation légale de payer la taxe, qu'il s'agisse du fabricant, du marchand en gros muni de licence ou de l'importateur.
La taxe exigible est calculée en fonction du prix auquel le fabricant vend le bien. Qu'elle soit payée par le fabricant ou par un marchand en gros muni de licence (lequel peut être séparé du fabricant par un ou plusieurs intermédiaires dans la chaîne de distribution), le montant de la taxe est le même, c'est-à-dire qu'il est fonction du prix de vente pratiqué par le frabricant. En cas d'importation, la valeur à l'acquitté du bien est réputée être son prix de vente (peu importe que le bien soit acheté ou non à l'importation). En cas de bien produit, non pas pour la vente, mais pour l'usage du fabricant, sa valeur fiscale peut être fixée par le ministre (alinéa 28(1)d) de la Loi sur la taxe d'accise). Cette taxe est souvent ; appelée taxe de vente du fabricant. La quotité de taxe applicable au prix de vente peut varier selon de;
nature du produit (voir
par exemple les paragr phes (1.1) [mod. par S.C.
1985, chap. 3, art. 16], (1.3) [mod., idem] et (1.4) [mod., idem] de l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise).
La taxe est exigible le moment le bien est livré au premier acheteur non muni de licence, ou même dès que cet acheteur en acquiert la pro- priété. Si le bien est affecté par le fabricant à son propre usage, ou par un marchand en gros muni de licence à son propre usage ou aux fins de location, la taxe est exigible au moment de l'affectation. Des règles spéciales régissent les ventes à tempéra- ment. En ce qui concerne les marchandises impor- tées, la taxe est exigible à l'importation.
La personne qui achète le produit d'un fabricant est souvent un marchand en gros (muni ou non de licence). Dans certains cas, cette personne peut être l'«utilisateur final» du produit, selon la termi- nologie employée dans les débats en l'espèce (par exemple lorsque le fabricant s'occupe lui-même de la vente en gros et de la distribution). L'avocat de la défenderesse a contesté cette notion d'«utilisa- teur final». Il fait valoir qu'un bien dont la taxe a été acquittée peut être incorporé dans des articles nouveaux et différents; que le soi-disant acheteur «utilisateur final» peut utiliser ce bien à titre d'élé- ment d'un article nouveau; et que cet acheteur «utilisateur final» peut recouvrer, par le prix de vente de l'article nouveau, la taxe de vente fédérale payée pour cet élément'. Il a cité à cet égard l'arrêt Cairns Construction Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1960] R.C.S. 619. Je pré- sume qu'en citant l'arrêt Cairns, l'avocat a voulu invoquer les faits de la cause et non pas les consé- quences de droit qui en découlaient. Dans cette cause, la cour a jugé que les matériaux achetés par un constructeur pour être incorporés dans des mai- sons en construction pour la revente, devaient être considérés comme étant consommés par un utilisa- teur final et, de ce fait, assujettis à la taxe de vente provinciale. Il va de soi que dans les faits, le constructeur devait recouvrer le coût des maté- riaux dans le prix de vente des maisons. C'est ce point de fait qu'à mon avis, l'avocat a voulu invo- quer. Je conçois que l'«utilisateur final» puisse
' La Loi sur la taxe d'accise prévoit bien entendu des excep tions en la matière, mais l'argumentation de l'avocat est d'ordre général.
repasser à autrui le fardeau de la taxe de cette façon, mais cette notion est néanmoins utile. À mon avis, elle définit la dernière personne à l'extré- mité de la chaîne de distribution.
Comme noté plus haut, c'est le fabricant, l'im- portateur ou le marchand en gros muni de licence qui est tenu à l'obligation légale de payer la taxe. Dans le même temps, il est prévu que la taxe sera «repassée» à autrui. Il est prévu que, normalement, le contribuable recouvrera le montant de la taxe payée dans le prix de l'article qu'il fait payer à l'acheteur suivant. Il est prévu que si l'article est revendu, cet acheteur recouvrera le montant payé dans le prix qu'il fera payer à tout acheteur subsé- quent. Cette taxe est donc un exemple classique d'impôt indirect.
Je ne pense pas que quiconque puisse contester l'argument de l'avocate de la demanderesse, selon lequel la taxe dont s'agit s'accorde avec la défini- tion de John Stuart Mill, telle qu'elle a été citée dans Bank of Toronto v. Lambe (1887), 12 App. Cas. 575 (P.C.), à la page 582 2 :
L'impôt direct est celui qu'on exige des personnes mêmes qui doivent l'assumer. Les impôts indirects sont ceux qu'on exige d'une personne dans l'intention que celle-ci se fasse indemniser par une autre: c'est le cas des taxes d'accise et des droits de douane.
«Le producteur ou l'importateur d'une denrée doit payer un impôt sur celle-ci non pas parce qu'on veut lui imposer une contribution particulière, mais afin d'imposer par son entremise les consommateurs de ladite denrée, en supposant qu'il va leur faire supporter le fardeau de l'impôt en augmentant ses prix.»
Bien que la définition de Mill ait été adoptée dans la jurisprudence constitutionnelle, il faut se rappe- ler qu'elle n'est guère satisfaisante sur le plan de la science économique (voir infra page 14).
L'avocate de la demanderesse a également invo- qué, pour preuve du caractère indirect de la taxe,
2 L'avocate de la demanderesse a également cité, à l'appui de son argument selon lequel la taxe de vente fédérale est un impôt indirect, divers arrêts constitutionnels qui font la distinction entre les impôts directs et indirects: Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan et autre, [1979] I R.C.S. 37; Atlantic Smoke Shops v. Conlon, [ 1943] A.C. 550 (C.P.); Ministre des Finances du Nouveau-Brunswick et autre c. Simpsons-Sears Ltée, [1982] 1 R.C.S. 144; C.P.R. v. ,4.G. for Saskatchewan, [1952] 2 R.C.S. 231; Cairns Construction Ltd. v. Government of Saskatchewan, [ 1960] R.C.S. 619. Voir également B.A.C.M. Const. Co. Ltd. v. R. in Right of B.C. (1978), 8 B.C.L.R. 391 (S.C.) et La Reine c. Stevenson Con struction Co. Ltd. (1978), 79 DTC 5044 (C.A.F.).
les dispositions portant exemption et rembourse- ment de la Loi sur la taxe d'accise. Elle a cité les exemptions prévues à l'article 29 [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 104, art. 9] et à l'annexe III de cette Loi:
29. (1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III excepté les marchandises mentionnées à la partie XIII de l'annexe Ill qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 31(2).
Certains articles figurant à l'annexe III jouissent de l'exemption absolue (par exemple les aliments); d'autres sont exemptés en raison du statut de l'acheteur (par exemple hôpitaux, municipalités) ou de leur destination (par exemple lutte contre la pollution, service de transports en commun)'. En cas d'exonération conditionnelle, la personne qui satisfait à la condition prévue (de par son statut propre ou la destination du bien acheté) peut demander le remboursement de la taxe payée à l'égard du bien en question lors même qu'elle n'est pas le contribuable en l'occurrence (voir l'article 44 de la Loi sur la taxe d'accise). La Loi prévoit par surcroît qu'à compter du 16 février 1984, le contribuable qui passe par pertes et profits le prix de vente non recouvrable d'une marchandise, peut se faire rembourser la taxe payée à l'égard de la même marchandise (article 44.2 ajouté par S.C. 1986, chap. 9, art. 34).
Il y a lieu de noter cependant que, si dans l'esprit du législateur, la taxe indirecte devait être normalement supportée par quelqu'un d'autre que le contribuable, ce quelqu'un n'est nullement tenu à l'obligation légale de la payer. Cette obligation incombe au premier chef au fabricant, à l'importa- teur ou au marchand en gros muni de licence. C'est par convention contractuelle que le contri- buable et l'acheteur décident entre eux si la taxe est repassée à ce dernier. Le vendeur pourrait vendre le bien au-dessous du prix de revient et, de ce fait, ne pas recouvrer la taxe. Si la taxe payée s'applique aux biens retenus par le fabricant ou le marchand en gros muni de licence pour son propre usage, elle n'est pas repassée à autrui à moins que cet usage ne soit de nature commerciale ou profes-
3 Articles achetés par une municipalité à l'usage du réseau de transports en commun (annexe Ill, Partie XII); articles achetés par un hôpital à des fins hospitalières (annexe III, Partie VIII); aliments (annexe III, Partie V).
sionnelle, auquel cas elle est recouvrée de la même façon que les autres frais, au moyen du prix de vente des biens ou services fournis par l'entreprise.
En l'espèce, la demanderesse et la défenderesse ont versé au dossier un exposé conjoint des faits. Elles sont convenues d'y inclure neuf opérations afin que la principale question de droit qui se pose puisse être réglée selon la procédure prévue à l'article 474 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. Ces opérations sont représen- tatives des situations qui peuvent se produire. Les biens qui en faisaient l'objet avaient été achetés pour être utilisés dans la réserve (boulons et écrous, chlorure de calcium à l'état solide et liquide, panneaux de signalisation routière, balises d'avertissement, canalisations de plomberie, tubes fluorescents, huile diesel, rondelles de butée, bou- gies d'allumage). Ces articles étaient destinés aux usages tels que l'entretien des routes et la cons truction de maisons dans la réserve.
Dans certaines de ces opérations, le vendeur a transmis la propriété de l'article à la bande en dehors de la réserve (par exemple à l'établissement du vendeur ou livré à un transporteur FOB ex-usine). Dans d'autres, la propriété a été transfé- rée à l'intérieur de la réserve. Les opérations 1, 3, 5 et 7 représentaient des ventes la propriété du bien était transférée à la bande indienne à l'inté- rieur de la réserve. De ce nombre, les opérations 5 et 7 représentaient les cas la taxe de vente fédérale était exigible avant la livraison du bien à la réserve. Il s'agissait de ventes faites à la réserve par des vendeurs qui n'étaient ni fabricants ni marchands en gros munis de licence, et n'étaient donc pas contribuables—la taxe relative aux biens achetés au cours de ces opérations avait été exigi- ble à une phase antérieure de la chaîne de distribu tion. Les opérations 1 et 3 représentaient des ventes la taxe de vente était exigible à la livraison à la bande dans la réserve. L'opération 1 consistait en un achat chez un marchand en gros muni de licence; la marchandise (boulons et écrous) était livrée à la bande par messagerie FOB réserve. L'opération 3 consistait en un achat auprès du fabricant; la marchandise (chlorure de calcium liquide) était livrée à la bande FOB réserve.
Certaines de ces neuf opérations consistaient en achats effectués directement auprès du fabricant
(opérations 2, 3, 4, 8 et 9), certaines autres en achats chez un marchand en gros muni de licence (opération 1), et d'autres encore, auprès de ven- deurs situés au bas de la chaîne de distribution et qui n'avaient jamais eu pour responsabilité directe de payer la taxe de vente fédérale à la Couronne (opérations 5, 6 et 7).
Dans toutes les neuf opérations figurant à l'ex- posé conjoint des faits, la demanderesse connaît le montant de la taxe de vente fédérale payée à l'égard des marchandises en cause. Dans les opéra- tions 2 et 3, ce montant figure sur la facture reçue par la demanderesse. Dans les autres cas, elle a été à même de le vérifier dans les livres comptables du fabricant ou du marchand en gros muni de licence, qui a payé la taxe. La demande introduite par la demanderesse embrasse cependant des milliers d'opérations. Dans la plupart de ces dernières, le montant de la taxe de vente fédérale payée n'est ni connu ni facilement vérifiable. C'est le cas en particulier des biens achetés auprès de vendeurs qui n'étaient pas directement tenus au paiement de la taxe à la Couronne (voir infra l'argumentation relative au calcul du remboursement).
Exemption prévue à l'article 87 de la Loi sur les Indiens [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 25]
L'article 87 de la Loi sur les Indiens porte:
87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou toute loi de la législature d'une province, ... les biens suivants sont exemptés de taxation, à savoir:
b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve;
et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas ... b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens ...
Il échet d'examiner si la taxe de vente fédérale frappant des marchandises achetées par une bande indienne, doit être considérée comme constituant (1) la taxation des biens meubles [appelés «biens personnels» dans la Loi] d'une bande indienne situés sur une réserve, ou (2) la taxation de la bande concernant la propriété, l'occupation, la pos session, l'usage ou autre des biens meubles de la bande, situés sur la réserve. Plus spécifiquement, il échet d'examiner si l'article 87 exonère les Indiens
et les bandes indiennes du fardeau ou de l'inci- dence des impôts indirects, ainsi que de l'obliga- tion fiscale directe du contribuable.
J'examinerai en premier lieu l'argument de la défenderesse, qui veut que la taxe fédérale de vente ou de consommation soit une taxe sur les opéra- tions commerciales. L'article 87 de la Loi sur les Indiens vise la taxation de biens et aussi la taxa tion de personnes à propos de biens. Il appert que selon cet argument de la défenderese, la taxe fédérale de vente ou de consommation n'est ni un impôt sur les biens ni un impôt personnel. Elle fait valoir au contraire qu'il s'agit d'une taxe sur les opérations commerciales (frappant la vente, l'im- portation ou l'utilisation finale). La loi prévoit que cette taxe est pré-levée sur le «prix de vente» et, en cas d'importation, sur la «valeur à l'acquitté». La défenderesse soutient donc qu'à titre de taxe sur les opérations commerciales, celle-ci échappe entièrement à l'application de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.
Je ne saurais accueillir cet argument. En pre mier lieu, je ne vois pas en la taxe de vente fédérale une taxe sur les opérations commerciales. Elle est certes fonction du prix de vente du fabri- cant, mais le prix ne fait que servir au calcul du montant de la taxe exigible et ce fait ne signifie pas que la vente elle-même est assujettie à cette dernière. Si l'on considère qu'elle frappe également l'importation (par référence à la valeur à l'acquitté de l'article) et l'utilisation finale (par le fabricant ou le marchand en gros muni de licence), il est d'autant plus difficile de l'assimiler à une taxe sur les opérations commerciales. On peut présumer qu'en matière de taxe sur les opérations commer- ciales, la définition de ces dernières est caractéri- sée par une certaine constance. En outre, la quotité de taxe exigible varie selon la nature de la mar- chandise. Il s'ensuit que la taxe dont s'agit est plus proche d'une taxe sur les marchandises qu'une taxe sur les opérations commerciales. En tous les cas, il n'est pas nécessaire de trancher cette ques tion puisque, quelle que soit la caractérisation correcte de la taxe en cause, c'est la clause addi- tionnelle «autrement» de l'article 87 qui est déter- minante en l'espèce. Dans un sens, toutes les taxes sont des impôts personnels, puisque c'est la per- sonne qui les paie. Dans ce sens, la taxe de vente fédérale est un impôt personnel sur les biens. À ce
titre, elle ne peut se soustraire aux restrictions prévues par l'article 87 en s'affublant du caractère de taxe sur les opérations commerciales et non de taxe sur les biens ou sur les personnes.
Je considérerai en second lieu la notion de taxe de vente fédérale exigible à l'importation (bien qu'il ne soit pas question d'importation dans l'ex- posé conjoint des faits); une certaine jurisprudence existe en la matière. Il en ressort que la taxe de vente fédérale exigible à l'importation échappe à la protection prévue par l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Dans Francis, Louis v. The Queen, [1954] R.C.É. 590, un Indien, le demandeur, importait lui-même des biens au Canada. L'intéressé vivait dans la réserve de St. Regis, qui était contiguë à une autre réserve r appartenant à la même bande mais située aux Etats-Unis. Le demandeur avait apporté deux articles chez lui, dans la réserve, en passant par la frontière internationale; un troi- sième article fut livré par le vendeur. Ces articles ne passaient pas par un poste frontalier. Le demandeur faisait valoir qu'en vertu du Traité Jay [19 novembre 1794, Royaume-Uni-États-Unis, 8 Stat. 116; T.S. 105], il était exonéré et des droits de douane et de la taxe de vente fédérale sur les marchandises importées. À titre subsidiaire, il sou- tenait que cette exonération tenait à l'application de l'article 86, en vigueur à l'époque (et devenu par la suite l'article 87), de la Loi sur les Indiens [S.R.C. 1952, chap. 149]. Le juge Cameron s'est prononcé en ces termes, aux pages 608 610 de la décision de la Cour de l'Échiquier:
[TRADUCTION] Cette disposition [l'article 86] apparaissait pour la première fois sous cette forme dans la Loi sur les Indiens, Statuts du Canada 1951, chap. 29, art. 86; auparavant, un droit semblable était prévu sous une forme différente dans la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1927, chap. 98, art. 102. Je conclus que le paragraphe (11)b) [sic] n'est d'aucun secours au deman- deur en l'espèce. L'exonération qui y est prévue s'applique aux biens meubles de tout Indien ou bande indienne, situés dans une réserve et non ailleurs. L'importance de cette restriction se dégage d'ailleurs d'un examen des articles 88 et 89.
Quelle que soit la portée de l'exemption fiscale accordée aux Indiens pour ce qui est de leurs biens meubles dans les réserves, cette exemption ne s'étend pas aux droits de douane ou à la taxe d'accise ...
... cet article ne s'applique donc nullement au paiement des droits de douane ou de la taxe d'accise.
Cette décision a été confirmée par la Cour suprême (voir [1956] R.C.S. 618). Bien que l'arrêt de la Cour suprême porte principalement sur les
droits de douane, il est clair qu'il s'attache aussi à la taxe de vente fédérale exigible à l'importation. À la page 620, le juge en chef a résumé en ces termes la question soumise au jugement de la Cour:
[TRADUCTION] ... il échet d'examiner si trois articles, savoir une machine à laver, un réfrigérateur et un radiateur au mazout, importés par [l'appelant] des États-Unis au Canada, sont assujettis aux droits de douane et à la taxe de vente prévus par les lois canadiennes applicables. [C'est moi qui souligne.]
La Cour suprême a jugé que ces articles ne jouis- saient pas de l'exemption fiscale.
Il n'est bien entendu question en l'espèce d'au- cune taxe de vente fédérale payée à l'importation, mais de la taxe applicable aux biens fabriqués ou produits au Canada.
La demanderesse fait valoir que la taxe dont il s'agit intéresse les biens meubles d'une bande indienne, situés dans une réserve. Cet argument n'est pas convaincant à mes yeux. Bien qu'elle puisse s'assimiler à une taxe sur les marchandises, cette taxe ne vise pas les biens situés dans une réserve et appartenant à un Indien ou à une bande indienne. Dans la mesure la taxe de vente fédérale est une taxe sur les marchandises (c'est-à- dire sur les biens meubles), elle frappe ces mar- chandises au moment le fabricant en est le propriétaire. En règle générale, elle est calculée en fonction du prix de vente que le fabricant fait payer au premier acheteur dans la chaîne de distri bution. Elle est payée en premier lieu par le fabri- cant (sauf naturellement vente à un marchand en gros muni de licence). En cas de paiement de la taxe par le marchand en gros muni d'une licence, le montant en est celui qu'aurait payé le fabricant si celui-ci y avait été tenu.
L'avocate de la demanderesse soutient que la taxe de vente fédérale est une taxe de consomma- tion; elle frappe des biens qui ont été achetés aux fins de consommation dans la réserve, lesquels biens sont exemptés en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. À cet égard, elle fait valoir qu'il importe peu que la bande ait acquis la pro- priété des divers articles à l'intérieur ou à l'exté- rieur de la réserve, puisque ces articles étaient destinés à la consommation dans la réserve et y étaient effectivement utilisés. Pareil argument con- fond la taxe de vente fédérale avec la taxe de vente
provinciale. La taxe de vente provinciale frappe la consommation de l'utilisateur final; le vendeur est le percepteur 4 agissant pour le compte de la Cou- ronne. La taxe de vente fédérale est perçue auprès du vendeur et non auprès de l'acheteur, elle est focalisée sur la vente des produits finis au niveau du fabricant. Le mot «consommation» vise à définir la taxe; le paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise précise qu'il s'agit d'une «taxe de consom- mation ou de vente». Cette qualification signifie peut-être tout simplement que ce paragraphe embrasse à la fois la taxe déclenchée par une vente et celle qui doit être payée à l'utilisation finale (par le fabricant ou le marchand en gros muni de licence) ou à l'importation. Quelle que soit la signification de pareille qualification, on ne saurait voir dans la taxe prévue au paragraphe 27(1) une taxe sur la consommation ou l'achat du bien par l'utilisateur final.
Non seulement il est difficile de voir dans cette taxe une taxe frappant les biens meubles d'une bande indienne, il est aussi difficile de l'assimiler à une taxe frappant des biens situés dans une réserve. Le transfert de propriété du vendeur à l'acheteur et la livraison du bien par le vendeur à l'acheteur sont les facteurs déterminants du moment la taxe devient exigible. Le fait que, après transfert de propriété, l'article devienne la propriété d'une bande indienne et qu'il soit situé dans une réserve, ne fait pas de cette taxe une taxe frappant des biens meubles appartenant à une bande indienne et situés dans une réserve. Il serait absurde d'affirmer que la taxe perçue à l'occasion de l'opération 3 (transfert de propriété à la bande à l'intérieur de la réserve et achat effectué directement auprès du fabricant) était une taxe frappant des biens meubles appartenant à la bande et situés dans la réserve, alors que la taxe perçue à l'occasion de l'opération 5 (transfert de pro- priété à la bande à l'intérieur de la réserve mais achat effectué auprès d'un vendeur non muni de licence, qui n'avait payé lui-même aucune taxe de vente fédérale à la Couronne) ne l'était pas.
4 Voir Brown v. R. in Right of B.C., [1980] 3 W.W.R. 360 (C.A.C.-B.); Danes v. R. in Right of B.C.; Watts v. R. in Right of B.C. (1985), 61 B.C.L.R. 257 (C.A.); Re Hill and Minister of Revenue et al. (1985), 50 O.R. (2d) 765 (H.C.); Re Bernard and The Queen in right of New Brunswick (1986), 31 D.L.R. (4th) 303 (B.R.N.-B.).
Selon la demanderesse, la perception de la taxe de vente fédérale fait que la bande était «autre- ment» soumise à une taxation relative aux «biens personnels ... situés sur la réserve» puisque, si elle n'y était pas directement tenue à titre de contri- buable, la bande en supportait indirectement la charge. Cette charge supportée indirectement constitue, à son avis, la taxation dont l'article 87 de la Loi sur les Indiens exonère la bande.
L'avocate de la demanderesse soutient que cet argument, savoir que l'article 87 exonère cette dernière de toute incidence de la taxe de vente fédérale, a son fondement dans la Loi constitu- tionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1)]. Ce texte distingue impôts directs et impôts indi- rects; les provinces ne sont habilitées qu'à prélever des impôts indirects. Puisque la distinction entre impôts directs et impôts indirects était connue au moment de la rédaction de la Loi constitutionnelle de 1867 (grâce aux écrits de John Stuart Mill), elle fait valoir que cette distinction était présente à l'esprit des rédacteurs de la Loi sur les Indiens de 1876 (S.C. 1876, chap. 18, articles 64, 65) et que le prédécesseur de l'article 87 n'était pas limité, à l'époque, aux impôts directs.
Je ne saurais accueillir cet argument. En pre mier lieu, la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur les Indiens ne portent pas sur la même matière. Elles n'étaient d'ailleurs pas adoptées par la même assemblée législative. En second lieu, ce serait un argument trop tiré par les cheveux si l'on devait conclure que, puisque les rédacteurs de la Loi constitutionnelle de 1867 limitaient les pou- voirs fiscaux des provinces aux impôts directs, ceux de la Loi sur les Indiens, qu'il s'agisse de celle de 1876 5 (où figurait la disposition qui préfigurait l'article 87) ou de celle de 1951 (date à laquelle fut rédigé le texte sous sa forme actuelle), ont sciem- ment pris en considération la distinction entre impôts directs et impôts indirects. Je conviens néanmoins que l'article 87 embrasse à la fois impôts directs et impôts indirects. Mais ce fait en soi ne vient pas soutenir l'argumentation de la
5 La loi de 1876 était elle-même précédée d'une loi qui datait d'avant la Confédération; cf. S.C. 1850, chap. 74, art. 4.
demanderesse. Cette argumentation veut que l'ar- ticle 87 soit interprété comme exonérant les Indiens et les bandes indiennes des impôts indirects non seulement à titre de contribuables, mais encore à l'égard de tout fardeau ou incidence de ces impôts. La référence à la Loi constitutionnelle de 1867 ne vient pas étayer pareil argument.
Si en fait l'article 87 prévoit l'exonération de l'incidence de la taxe comme de l'obligation fiscale directe, il faut alors faire la distinction entre les incidences qui sont trop distantes ou trop indirec- tes pour tomber dans le champ d'application de l'article 87, et celles qui ne le sont pas. De nom- breux impôts sont en fait indirects du point de vue économique: impôt sur le revenu payé par les sociétés commerciales, impôt foncier payé par les entreprises. Ces impôts sont indirects parce qu'ils sont repassés au consommateur des biens et servi ces vendus par les entreprises respectives.
L'avocate de la demanderesse soutient que le critère de l'impôt indirect, conçu aux fins du droit constitutionnel, devrait servir à distinguer entre les incidences qui sont trop distantes pour tomber dans le champ d'application de l'article 87 et celles qui ne le sont pas. A la lumière de ce critère, si la tendance générale d'un impôt est telle que sa charge est supportée par quelqu'un d'autre que le contribuable, cet impôt est indirect. Sous cette optique, sont indirectes les taxes qui «s'attachent comme un fardeau à l'unité de marchandise». Si la taxe est susceptible d'être recouvrée du seul fait qu'au même titre des autres dépenses, elle est un élément du coût de l'entreprise, elle n'est pas un impôt indirect au regard du droit constitutionnel (voir Hogg, Constitutional Law of Canada, éd. 1985, pages 604-609). L'avocate de la demande- resse fait valoir, dans le même ordre d'idées, que les taxes indirectes qui s'attachent aux marchandi- ses devraient être considérées comme tombant dans le champ d'application de l'article 87, à l'opposé de celles qui sont recouvrées seulement à titre de coût de l'entreprise.
Comme indiqué plus haut, le critère invoqué par l'avocate de la demanderesse a été conçu pour délimiter le domaine de compétence fiscale des provinces. Hogg note à la page 606:
[TRADUCTION] ... il n'est manifestement ni possible ni souhai- table de soustraire à la compétence fiscale des provinces toutes les taxes que le contribuable initial recouvre en fait. Le critère
du caractère direct constitue un moyen justifiable d'exclure au moins de la compétence provinciale les taxes qui sont le plus probablement repassées, et de la limiter en conséquence à celles dont la charge demeurera le plus probablement dans la province.
Il est largement reconnu que la définition, adoptée en droit constitutionnel, de l'impôt direct-n'est pas satisfaisante du point de vue de 1 - à.science écono- mique. De fait, Hogg note à la page 605: [TRA- DUCTION] «les économistes n'acceptent plus la dis tinction faite par Mill». Bien que ce critère joue un rôle majeur dans le partage des pouvoirs législatifs entre l'État fédéral et les provinces, on voit mal pourquoi il devrait servir à l'interprétation de l'ar- ticle 87 de la Loi sur les Indiens. Aucun impératif juridique ne dicte qu'il soit adopté pour servir aux fins que fait valoir l'avocate de la demanderesse; il se peut qu'il y ait des raisons d'ordre administratif ou des raisons tenant au fait que cette définition est bien connue.
L'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, a été cité à l'appui de l'argument selon lequel le libellé de l'article 87 a «la portée la plus large possible». La conclusion de la Cour suprême ne se rapporte cependant pas à l'article 87 pris dans son ensemble. A la page 39, le juge Dickson [tel était alors son titre] note que les mots «quant à» ont la portée la plus large. Dans cette cause, le ministère du Revenu national soutenait que l'impôt sur le revenu n'était pas un impôt sur les salaires ou sur les biens meubles situés dans une réserve. Cette thèse découlait du fait que le «revenu» était un concept abstrait résultant de plusieurs opérations. Il était admis que le lieu prenaient source les salaires du demandeur se trouvait à l'intérieur de la réserve, et il était manifeste que le contribuable était un Indien. Le seul point litigieux portait sur la question de savoir si l'impôt sur le revenu échap- pait à l'application de l'article 87 du fait qu'il était un impôt frappant le revenu qui était un concept global ou net. Le juge en chef a trouvé trop subtile cette distinction entre impôt sur les salaires et impôt sur le revenu. Il s'est prononcé en ces termes aux pages 38 et 39: «Si un salaire est un bien personnel, il me paraît difficile de dire qu'une personne imposée «quant à» son salaire n'est pas imposée quant à un bien personnel.»
Je ne pense pas que l'arrêt Nowegijick soit utile à la demanderesse. Il n'y a rien dans cette décision qui indique que de l'avis de la Cour suprême,
l'article 87 exonère les Indiens et les bandes indiennes de l'incidence de la taxe ou du paiement de la taxe à titre de contribuables. En l'espèce, les biens assujettis à la taxe ne sont pas des biens appartenant à une bande indienne et situés dans la réserve, et le contribuable n'est ni un Indien ni une bande indienne. Je ne pense pas que la demande- resse puisse s'appuyer sur la conclusion tirée par la Cour suprême, dans son arrêt Nowegijick, à propos des mots «quant à».
Toujours dans l'arrêt Nowegijick, la Cour suprême a tiré, à la page 36, certaines conclusions au sujet des principes d'interprétation applicables aux lois visant les Indiens:
Selon un principe bien établi, pour être valide, toute exemp tion d'impôts doit être clairement exprimée. Il me semble toutefois que les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui, suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une exemption d'impôts, il faut, selon moi, préférer cette interpréta- tion à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée pour refuser l'exemption. Dans l'affaire Jones v. Meehan, 175 U.S. 1 (1899), on a conclu que les traités avec les Indiens [TRADUCTION] «doivent ... être interprétés non pas selon le sens strict de [leur] langage ... mais selon ce qui serait, pour les Indiens, le sens naturel de ce langage».
À mon sens cependant, l'article 87 n'est ni vague ni ambigu. Il vise les Indiens et les bandes indien- nes, considérés à titre de contribuables.
J'en conclus que la disposition de l'article 87 qui prévoit que nulle bande indienne «n'est assujetti[e] à une taxation concernant ...» doit être interprétée comme signifiant que les bandes indiennes ne doi- vent pas être imposées à titre de contribuables. Le législateur eût-il l'intention d'exonérer les Indiens et les bandes indiennes de toute incidence ou far- deau des impôts indirects, l'article 87 l'aurait prévu plus expressément.
Droit au remboursement—Délai de prescription— Calcul du remboursement
À proprement parler, puisque j'ai conclu que l'article 87 n'accordait pas l'exemption revendi- quée, il n'est pas nécessaire d'examiner si et de quelle façon il y a lieu à remboursement, quel délai de prescription s'applique et comment il faut cal- culer ce remboursement. Néanmoins, pour répon- dre à toutes les questions posées, je passerai en revue les arguments qui ont été formulés.
L'avocate de la demanderesse fait valoir que l'article 87 de la Loi sur les Indiens doit être interprété comme prévoyant une exception au paragraphe 27 (1) de la Loi sur la taxe d'accise, comparable aux exceptions expressément prévues par le paragraphe 29(1) de la même Loi, ainsi qu'un droit concomitant au remboursement. Comme indiqué plus haut, le paragraphe 29(1), vu à la lumière de l'annexe III, prévoit un certain nombre d'exemptions. En cas d'exemption condi- tionnelle, la personne qui satisfait à la condition prévue peut demander le remboursement de la taxe payée à l'égard de la marchandise, bien que cette personne ne soit pas le contribuable. L'avo- cate soutient que l'article 87 de la Loi sur les Indiens doit être interprété à la lumière de la Loi sur la taxe d'accise afin de permettre à la deman- deresse de revendiquer, de la même manière, le remboursement de la taxe payée à l'égard des marchandises achetées par la bande. À son avis, le remboursement doit être fait sur présentation de la preuve que les articles dont s'agit ont été achetés par une bande indienne et ont été utilisés à l'inté- rieur de la réserve.
Je ne saurais convenir qu'il faut interpréter la Loi sur les Indiens et la Loi sur la taxe d'accise à la lumière l'une de l'autre, de cette façon. Une telle interprétation ne se justifie pas. Il n'y avait pas de taxe de vente fédérale à l'époque fut adopté l'article qui préfigurait l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Et la première Loi sur les Indiens ne renfermait aucune disposition prévoyant expres- sément le remboursement aux Indiens et aux bandes indiennes. À titre de politique sociale, cer- taines dispositions d'exemption et de rembourse- ment étaient prévues (par exemple, pour rendre la taxe moins régressive en exemptant les aliments). Je ne saurais cependant interpréter l'absence, dans la Loi sur la taxe d'accise, d'une exemption expresse pour les Indiens et les bandes indiennes comme signifiant que le législateur prévoyait l'exemption et le remboursement par application de la Loi sur les Indiens. Il est difficile d'accueillir l'argument selon lequel le législateur ne jugeait pas nécessaire de prévoir expressément l'exemption conditionnelle dans la Loi sur la taxe d'accise parce que cette exemption existait déjà par le jeu de la Loi sur les Indiens.
Pour ce qui est du délai de prescription, la demanderesse soutient que sa cause d'action découle de la Loi sur les Indiens et que, celle-ci ne prévoyant pas la prescription, sa demande n'est assujettie à aucun délai de prescription. À titre subsidiaire, elle fait valoir que sa demande est régie par l'alinéa 45(1)b) de la Limitations Act, L.R.O. 1980, chap. 240 (applicable en l'espèce par le jeu de l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7]) 6 . Cet alinéa 45(1)b) prévoit que l'action portant [TRADUCTION] «sur une obligation ou autre contrat par acte scellé» se prescrit par vingt ans. La demanderesse soutient qu'une prétention fondée sur la loi est une créance découlant d'un contrat par acte scellé, et invoque à cet effet Smith (A.M.) & Co. c. R. (1981), 20 C.P.C. 126 (C.A.F.), à la page 135 citant Cork & Brandon Ry. v. Goode (1853), 13 C.B. 826 (C.P.).
De son côté, la défenderesse fait valoir que s'il y a lieu à remboursement, c'est le paragraphe 44(6) de la Loi sur la taxe d'accise qui s'applique. Selon cette disposition, le délai de prescription est de deux ans à compter du 23 mai 1985 (S.C. 1986, chap. 9, art. 44 à 49). Auparavant, ce même paragraphe 44(6) prévoyait un délai de prescrip tion de quatre ans:
44....
(6) Sous réserve des paragraphes (7) et (7.1), nulle remise ou déduction de quelqu'une des taxes imposées par la présente loi ne doit être accordée, et nul paiement d'un montant égal à la taxe payée ne sera effectué en vertu du présent article à moins que la personne y ayant droit ne produise une demande par écrit au Ministre dans les quatre ans de la date à laquelle la remise, la déduction ou le montant sont devenus exigibles en vertu du présent article ou des règlements.
À titre subsidiaire, l'avocat de la défenderesse conclut que si la Limitations Act de l'Ontario doit s'appliquer, c'est son alinéa 45(1)h) qui est appli cable. Cette disposition, qui prévoit un délai de
6 39. (1) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans cette province.
(2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province.
(3) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription visées aux paragraphes (1) et (2) s'appliquent à toutes les procédures engagées par ou contre la Couronne.
prescription de deux ans, s'applique aux actions [TRADUCTION] «en amende, dommages-intérêts ou paiement de deniers prévu par quelque loi que ce soit au profit de la Couronne ou de la partie lésée».
L'avocate de la demanderesse fait valoir que le délai de prescription prévu au paragraphe 44(6) de la Loi sur la taxe d'accise ne s'applique qu'à l'égard des exemptions et remboursements expres- sément prévus par cette même Loi. Elle soutient que, l'exemption revendiquée par la demanderesse en l'espèce étant fondée sur la Loi sur les Indiens, le paragraphe 44(6) de la Loi sur la taxe d'accise ne peut s'appliquer ni à cette exemption ni au remboursement qui en découle. Elle cite à l'appui de sa conclusion, l'article 46.1 de la Loi sur la taxe d'accise':
46.1 Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi du Parlement, nul n'a le droit d'intenter une action contre Sa Majesté pour le recouvrement de sommes payées à Sa Majesté, dont elle a tenu compte à titre de taxes, d'amendes, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la pré- sente loi.
À son avis, du fait que l'article 46.1 fait état du recouvrement des sommes payées à titre de taxes, prévu par les «dispositions de la présente loi ou de toute autre loi du Parlement», il est clair que dans l'esprit du législateur, le remboursement peut être également obtenu sous le régime d'autres lois que la Loi sur la taxe d'accise. En l'espèce, elle sou- tient que c'est la Loi sur les Indiens qui le prévoit.
La demanderesse écarte la Loi sur la taxe d'ac- cise lorsqu'il s'agit de considérer le délai de pres cription, mais invoque la même Loi et les règle- ments pris pour son application lorsqu'il s'agit de déterminer, dans certains cas, le montant du rem- boursement auquel elle conclut. Dans les cas le montant de la taxe payée n'est pas facilement vérifiable, elle demande que soit appliqué le Règlement sur les formules utilisées pour les remboursements, C.R.C., chap. 591, pris pour l'application de la Loi sur la taxe d'accise. L'arti- cle 3 de ce Règlement porte:
3.(1) Lorsqu'en vertu de la Loi une personne a le droit
a) de faire une déduction sur la taxe qu'elle doit acquitter,
b) d'obtenir un remboursement de taxe payée, ou
c) de recevoir le paiement du Ministre d'un montant égal à la taxe payée,
et que les circonstances rendent difficile la détermination exacte de cette déduction, de ce remboursement ou de ce
S.C. 1986, chap. 9, art. 34.
paiement par le Ministre, le montant de la déduction, du remboursement ou du paiement par le Ministre doit être, avec le consentement de ladite personne, établi de la façon énoncée dans le paragraphe (2).
(2) Le montant exact de la déduction, du remboursment ou du paiement par le Ministre, établi aux fins du paragraphe (1), doit être égal à la taxe qui aurait été versée au moment de l'imposition de la taxe sur les marchandises, sur la base du prix ou de la valeur déterminés en réduisant
a) le prix de vente des marchandises visées par les transac tions à propos desquelles il est demandé une réduction, un remboursement ou un paiement par le Ministre, ou
b) le prix contractuel dans les cas les marchandises ont servi à exécuter une entreprise et aucun prix de vente des marchandises visées par les transactions à l'égard desquelles il est demandé une déduction, un remboursement ou un paiement par le Ministre ne peut être établi,
d'un pourcentage fixé par le Ministre, compte tenu de la catégorie des marchandises, de la nature de la transaction et des parties en cause dans cette transaction qui a donné lieu à la demande d'une déduction, d'un remboursement ou d'un paie- ment par le Ministre. [C'est moi qui souligne.]
L'avocat de la défenderesse soutient que le Règlement sur les formules utilisées pour les remboursements ne peut s'appliquer en l'espèce, car son paragraphe (1) prévoit expressément qu'il s'applique aux déductions et remboursements visés par «la Loi», en l'occurrence la Loi sur la taxe d'accise. Puisque cette Loi ne renferme aucune disposition de remboursement applicable aux Indiens, le règlement susmentionné ne s'applique pas non plus.
Comme je l'ai indiqué, à supposer même que j'ai mal interprété l'article 87 de la Loi sur les Indiens et que cet article exonère en fait la demanderesse de l'incidence de la taxe de vente fédérale, la difficulté demeure de trouver un fondement juridi- que qui justifierait le remboursement auquel pré- tend la demanderesse. En ce qui concerne l'argu- ment de l'avocate de la demanderesse sur le délai de prescription, il est difficile de qualifier les pré- tentions de cette dernière de «créance tenant à un contrat par acte scellé» afin de faire jouer l'alinéa 45(1)b) de la Limitations Act de l'Ontario. Les montants en cause ne sont pas déterminés. La jurisprudence citée par l'avocate porte certes sur les créances fondées sur la loi, mais elle fait ressor- tir que l'action fondée sur le contrat par acte scellé est une action portant sur un montant déterminé. Par ailleurs, j'estime que l'article 46.1 de la Loi sur la taxe d'accise n'est pas sans rapport avec cette cause, mais qu'il ne conduit pas au résultat auquel conclut la demanderesse (c'est-à-dire qu'il
ne peut être invoqué pour déroger au délai de prescription de deux (quatre) ans prévu au para- graphe 44(6)). L'article 46.1 prévoit que «nul n'a le droit d'intenter une action contre Sa Majesté pour le recouvrement de sommes payées ... à titre de taxes ... en vertu de la présente loi» sous réserve des autres dispositions «de la présente loi ou de toute autre loi». [C'est moi qui souligne.] Quand bien même l'article 87 de la Loi sur les Indiens prévoirait l'exonération de l'incidence des impôts indirects, il n'autorise pas à «intenter une action contre Sa Majesté pour le recouvrement de sommes payées» ... à titre de taxes sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise. Pareille autorisation ne se trouve pas non plus dans la Loi sur la taxe d'accise elle-même. D'après mon interprétation, l'article 46.1 interdit toute action en rembourse- ment de sommes payées à titre de taxes, sauf disposition contraire expresse de la loi. Cette inter- prétation s'accorde avec la jurisprudence citée par l'avocat de la défenderesse, laquelle jurisprudence illustre le principe de common law selon lequel des deniers ne peuvent être prélevés sur le Fonds du revenu consolidé sans autorisation du Parlement. Voir à ce sujet Auckland Harbour Board v. The King, [1924] A.C. 318 (P.C.). En conséquence, à supposer même que la demanderesse puisse établir que l'article 87 de la Loi sur les Indiens prévoit bien l'exemption revendiquée, je ne vois pas com ment elle pourrait établir son droit à un remboursement.
En ce qui concerne le calcul du remboursement, l'avocat de la défenderesse fait valoir à juste titre que le Règlement sur les formules utilisées pour les remboursements s'applique uniquement aux remboursements expressément prévus par la Loi sur la taxe d'accise.
Conclusion
La réponse à la première question posée dans l'ordonnance du juge en chef adjoint, déposée le 15 septembre 1988, est la suivante:
La demanderesse n'a droit à l'exonération d'aucune des neuf opérations figurant à l'exposé conjoint des faits, ni au rembour- sement, par la défenderesse, de la taxe d'accise remise, en application de l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise, à cet égard.
La demanderesse est en conséquence déboutée de son action. La défenderesse aura droit à ses dépens en l'espèce.
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