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T-2383-88
Marco Carrion (requérant) c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, procu- reur général du Canada, gouverneur général en conseil (intimés)
RÉPERTORIÉ: CARRION C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Division de première instance, juge Muldoon— Winnipeg, 19 décembre; Ottawa, 23 décembre 1988.
Immigration Statut de réfugié Demande du requérant que son statut soit déterminé en vertu de la Loi sur l'immigra- tion de 1976 et non en vertu de la nouvelle Loi Revendica- tion du statut de réfugié au sens de la Convention avant que la nouvelle Loi entre en vigueur Le droit, quant au fond, à la tenue d'une audience est conservé par les dispositions transi- toires de la nouvelle Loi.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Le requérant demande que son statut de réfugié au sens de la Convention soit déterminé avant l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur l'immigration de 1976 Il est présumé que l'affaire est traitée normalement en conformité avec les dispositions législatives bien qu'il n'y ait aucun délai à l'intérieur duquel les fonctions prévues par la Loi doivent être exécutées pour décider du statut du requérant Requêtes pour brefs de mandamus, de certiorari et de prohibition rejetées Il est possible de prendre connaissance d'office des retards dans le processus décisionnel, mais puisqu'on ne peut les attribuer aux intimés, il n'y a aucun fondement à la demande d'un bref de mandamus Le pouvoir législatif de fixer la date d'entrée en vigueur des lois est délégué à l'exécutif Les décisions prises par le gouverneur en conseil sur des questions de politique générale sont sans appel en l'absence d'un cas flagrant d'in- compétence ou de tout autre motif péremptoire Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Interprétation des lois Dispositions transitoires de la Loi modifiant la Loi sur l'immigration de 1976 Le requérant demande que son statut de réfugié au sens de la Convention soit déterminé selon l'ancienne Loi Le droit, quant au fond, à la tenue d'une audience est conservé par les dispositions transitoires Puisque les droits ne sont pas acquis lorsqu'il s'agit de mécanismes procéduraux, mais seulement lorsqu'il s'agit de protections de fond, le droit n'a pas à être formulé dans les mêmes termes Parce que le requérant conserve son droit en vertu de la nouvelle Loi, bien que la forme soit différente, il conserve le droit de bénéficier de l'art. 35c) (maintenant 43c)) de la Loi d'interprétation.
LOiS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie i de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.).
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice III.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. 1-21, art. 43c). Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. 1-23, art. 35c). Loi modifiant la Loi sur l'immigration de 1976 et d'au-
tres lois en conséquence, S.C. 1988, chap. 35, art. 37,
41, 42.
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. I976-77, chap. 52, art. 27, 45.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Thorne's Hard ware Ltd. et autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106; 143 D.L.R. (3d) 577.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Alvero-Rautert c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] 3 C.F. 163; (1988), 18 F.T.R. 50; 4 Imm. L.R. (2d) 139 (l'° inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion, [1985] 1 R.C.S. 177.
DÉCISION CITÉE:
Gill c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [ 1984] 2 C.F. 1025; (1984), 60 N.R. 241 (C.A.).
AVOCATS:
David Matas pour le requérant. Craig J. Henderson pour les intimés.
PROCUREURS:
David Matas, Winnipeg, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Cette affaire a été enten- due à Winnipeg (Manitoba) le 19 décembre 1988. Les requérant et intimés étaient représentés par avocats.
Le requérant cherche à obtenir les redresse- ments suivants:
a) un bref de mandamus ordonnant au ministre intimé
i. de décider si le requérant est un réfugié au sens de la Convention avant que S.C. 1988, chap. 35, entre en vigueur à son sujet;
ii. d'aviser le requérant de la décision quant à la revendication avant que S.C. 1988, chap. 35, entre en vigueur à son sujet.
b) un bref de certiorari annulant quant au requé- rant le décret du 31 octobre 1988 proclamant l'entrée en vigueur de S.C. 1988, chap. 35, le 1" janvier 1989.
c) un bref de prohibition pour empêcher le gouver- neur en conseil de proclamer en vigueur S.C. 1988, chap. 35, quant au requérant jusqu'à ce que le ministre ait
i. décidé si le requérant est un réfugié au sens de la Convention;
ii. avisé le requérant de la décision quant à la revendication.
d) Toute autre ordonnance que la Cour estime appropriée [avec dépens].
Les moyens invoqués au soutien de la requête sont les suivants:
1. L'obligation d'agir équitablement comprend l'obligation de ne pas trop retarder à agir.
2. Le retard déraisonnable viole le droit à la protection contre un traitement inusité.
3. Le retard déraisonnable viole le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi.
4. La personne au sujet de laquelle le ministre de l'Emploi et de l'Immigration a décidé en vertu de l'actuelle Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] qu'elle n'était pas un réfugié au sens de la Convention a le droit de demander que sa revendication fasse l'objet d'une nouvelle déci- sion soit en vertu de la Loi actuelle soit en vertu de la Loi modifiée par S.C. 1988, chap. 35. La per- sonne dont la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention n'a pas fait l'objet d'une décision par le ministre de l'Emploi et de l'Immi- gration en vertu de l'actuelle Loi sur l'immigration de 1976 n'a pas le droit de demander que sa revendication fasse l'objet d'une nouvelle décision en vertu de la Loi modifiée par S.C. 1988, chap. 35, dans le cas d'une décision négative.
5. Le droit à une nouvelle décision est un droit qui porte sur le fond et non sur la procédure.
6. Lorsqu'une personne revendique le statut de réfugié au sens de la Convention à une enquête, son droit à une nouvelle décision est acquis.
7. Le fait de priver le revendicateur du statut de réfugié du droit à une nouvelle décision viole le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamen- tale. L'affidavit du requérant est déposé au soutien des redressements déjà mentionnés.
Essentiellement, le requérant cherche à obtenir que sa revendication du statut de réfugié fasse l'objet d'une décision sous le régime actuel de la Loi sur l'immigration de 1976 plutôt que sous le nouveau régime de la Loi modifiant la Loi sur l'immigration de 1976 et d'autres lois en consé- quence, S.C. 1988, chap. 35, qui a reçu la sanction royale le 21 juillet 1988. Selon TR/88-231 en date du 7 décembre 1988 et publié dans la Gazette du Canada Partie II, Vol. 122, 25, la loi modifiée sera «proclamée en vigueur le ler janvier 1989».
Le requérant affirme qu'il est originaire du Chili et qu'il est arrivé au Canada le 6 août 1988 avec un visa de visiteur valide jusqu'au 31 août 1988. Parce qu'il est resté au-delà de cette date, un agent d'immigration a, le 2 septembre 1988, fait un rapport mentionnant que le requérant a contrevenu à la Loi sur l'immigration de 1976.
Le rapport effectué en vertu de l'article 27 de la Loi et dont une copie est produite comme pièce A au soutien de l'affidavit du requérant allègue:
que MARCO ANTONIO CARRION:
est entré au Canada le 6 août 1988 à l'aéro- port international de Winnipeg à titre de visiteur non muni de documents avec statut valide jusqu'au 31 août 1988;
est demeuré au Canada au-delà de la période autorisée et a donc cessé d'être un visiteur au sens de l'alinéa 26(1 )c) de la Loi sur l'immigration;
a reconnu lui-même avoir eu l'intention de demeurer au Canada de façon permanente et avoir avisé l'agent des visas qu'il n'était au Canada qu'à titre de visiteur. S'il avait
révélé sa véritable intention à l'agent des visas, on ne lui aurait pas délivré un visa pour venir au Canada. [Cela semble être prévu à l'alinéa 27(2)g) de la Loi.]
La tenue d'une enquête a été ordonnée en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi.
Cette enquête a été tenue le 20 octobre 1988 et l'arbitre a conclu que le requérant avait violé la Loi. Le requérant a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Le 16 novembre 1988, avec le consentement des intimés, le juge Teitel- baum a ordonné que le requérant soit interrogé sous serment le 22 novembre 1988 en conformité avec le paragraphe 45(1) de la Loi. Ce jour-là, un agent d'immigration supérieur a interrogé le requérant quant à sa revendication de réfugié au sens de la Convention. Ni le requérant ni son avocat ne prétendent qu'il y a eu omission de se conformer aux paragraphes 45(2) et (3). Omnia prcesumuntur legitime Jacta donec probetur in contrarium.
Par conséquent, on présume que «la revendica- tion [du requérant], accompagnée d'une copie de l'interrogatoire» aura été «transmise au Ministre pour décision» et qu'à son tour, celui-ci les aura transmises au «comité consultatif sur le statut de réfugié [CCSR] institué par l'article 48», comme l'exigent les paragraphes 45(2) et (4). Il est donc permis de supposer que l'affaire est traitée norma- lement en conformité avec les dispositions de la Loi. Il convient cependant de souligner que la Loi et les règlements ne prescrivent aucun délai à l'intérieur duquel le CCSR ou le ministre doivent exécuter leurs fonctions respectives établies par la loi pour décider du statut du requérant, ce que les avocats des parties reconnaissent. En effet, le requérant a déjà été avisé dans une lettre du Centre d'immigration Canada de Winnipeg en date du 9 décembre 1988 que la transcription de son témoignage et les pièces étaient transmises le même jour au CSSR.
Le requérant a tout à fait raison d'affirmer qu'un retard déraisonnable viole le droit à un traitement équitable, à la protection contre un traitement inusité et à l'égalité de bénéfice et de protection de la loi. Les sources à l'appui de cette proposition à plusieurs volets sont: Gill c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 2 C.F.
1025; (1984), 60 N.R. 241 (C.A.); et Alvero- Rautert c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [ 1988] 3 C. F. 163; (1988), 18 F.T.R. 50; 4 Imm. L.R. (2d) 139 (1" inst.), désis- tement d'appel le 25 mai 1988. En l'espèce cepen- dant, il n'y a pas de preuve d'un délai déraisonna- ble. Nul doute qu'il y a des retards qui sont inhérents au processus. Il est permis de prendre connaissance d'office du taux de soi-disant réfugiés et autres immigrants pour lesquels les avocats demandent sans cesse à cette Cour des redresse- ments de nature extraordinaire qui, directement et plus probablement indirectement, en noyant les efforts du ministre, du ministère et de la Commis sion, créent des retards dans le processus actuel de reconnaissance du statut de réfugié. En l'espèce, ces retards dans le processus ne peuvent être attri- bués aux intimés (contrairement aux faits de l'af- faire Alvero-Rautert).
La Cour ne peut conclure comme le lui demande l'avocat du requérant que le ministre reporte ou refuse l'exécution d'une obligation prévue par la loi. Il est évident en droit que cette conclusion est un prérequis à la délivrance d'un bref de manda- mus. La demande en vue d'obtenir un bref de mandamus sera rejetée. Il n'y a certainement aucun fondement à la délivrance de cette ordon- nance pour simplement empêcher l'application de la nouvelle Loi à la situation du requérant.
Les droits actuels et futurs du requérant d'invo- quer l'avant-dernière décision du ministre relative à son statut de réfugié, et un droit d'appel éventuel ainsi que la tenue d'une audience devant la Com mission d'appel de l'immigration (CAI) pour qu'une dernière décision soit rendue quant à son statut, deviendraient acquis, comme il le prétend, si la nouvelle Loi privait le requérant du droit à une véritable audience comme il ressort du juge- ment de la Cour suprême du Canada Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion, [ 1985] 1 R.C.S. 177. Compte tenu des cir- constances en l'espèce, il ne risque pas de se voir priver de quelque droit que ce soit quant au fond en raison des dispositions transitoires insérées dans la loi par modification. Les dispositions ont été publiées dans la Gazette du Canada, Partie III, Vol. 11, 7 [S.C. 1988, chap. 35], en date du 3 novembre 1988, ainsi:
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
37. (I) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent
article et aux articles 38 50.
* * *
«ancien comité» Le comité consultatif sur le statut de réfugié constitué par l'article 48 de l'ancienne loi.
«ancienne Commission» La Commission d'appel de l'immigra- tion, instituée par l'article 59 de l'ancienne loi.
«ancienne loi» La Loi sur l'immigration de /976, dans sa version antérieure à la date de référence [c.-à-d. le 1°' janvier 1989].
(2) Aux articles 38 50, «nouvelle loi» désigne la Loi sur
l'immigration de 1976, dans sa version modifiée par la présente loi, et les termes s'entendent au sens de cette loi.
* * *
41. Malgré toute disposition de la nouvelle loi, la revendica- tion du statut du réfugié au sens de la Convention est recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes:
a) l'enquête dont, à la date de référence, il fait l'objet a été ajournée conformément au paragraphe 45(1) de l'ancienne loi et le ministre n'a pas encore, aux termes du paragraphe 45(4) de cette loi, rendu sa décision;
b) l'enquête dont, à la date de référence, il fait l'objet a été ajournée conformément au paragraphe 45(1) de l'ancienne loi et, le ministre lui ayant refusé le statut, rien de ce qui suit ne s'applique à son cas:
(i) omission de présenter, aux termes du paragraphe 70(I) de l'ancienne loi, une demande de réexamen à l'ancienne Commission dans le délai fixé et expiration du délai avant la date de référence,
(ii) rejet de la demande de réexamen avant la date de référence au motif que celle-ci était incomplète,
(iii) application de l'article 48 la demande de réexamen,
(iv) refus du statut après l'audition tenue par l'ancienne Commission, avant la date de référence, sur la demande de réexamen;
e) l'enquête dont il fait l'objet à la date de référence ou dont il faisait l'objet avant cette date a été reprise conformément au paragraphe 46(l) de l'ancienne loi et il n'est pas visé par les sous-alinéas b)(i), (ii) ou (iv).
42. (1) Dans le cas la revendication est recevable aux termes des alinéas 41a) ou b), l'agent d'immigration supérieur fait tenir une audience devant un arbitre et un membre de la section du statut.
(2) Dans le cas la revendication est recevable aux termes de l'alinéa 41c), l'enquête, si elle n'était pas terminée à la date de référence, est ajournée et l'agent d'immigration supérieur fait tenir une audience devant un arbitre et un membre de la section du statut.
(3) Dans le cas la revendication est recevable aux termes de l'alinéa 41c) et où, l'enquête étant terminée à la date de référence, il est visé par une ordonnance de renvoi ou un avis d'interdiction de séjour, l'intéressé peut, dans les trois mois suivant cette date, faire étudier sa revendication en avisant en ce sens un agent d'immigration supérieur; celui-ci fait alors tenir une audience devant un arbitre et un membre de la section du statut.
11 est clair que le droit, quant au fond, à la tenue d'une audience est et sera conservé par les disposi tions reproduites et les autres dispositions de la nouvelle Loi. Les droits ne sont pas acquis lorsqu'il s'agit de simples mécanismes procéduraux mais seulement lorsqu'il s'agit d'obligations et de pro tections de fond prévues par la loi. Par conséquent, le droit n'a pas à être formulé dans les mêmes termes que précédemment pourvu que le sens quant au fond soit conservé. S'il n'en était pas ainsi, le pouvoir législatif ferait face à des problè- mes énormes au cours du processus de modifica tion de la loi. Parce que le requérant conserve son droit ou son privilège en vertu de la nouvelle Loi, bien que la forme soit différente quant à la procé- dure, il conserve le droit de bénéficier de l'alinéa 35c) de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. l-23, qui se retrouve à l'alinéa 43c) de la Loi du même nom dans les L.R.C. (1985), chap. 1-21.
Selon le vrai sens de la suprématie du Parle- ment, nul doute que celui-ci peut, en s'exprimant de façon appropriée, supprimer des droits qu'il avait créés ou conférés. Aujourd'hui, la suprématie du Parlement est restreinte non seulement par les exigences du partage des pouvoirs dans cet État fédéral, mais aussi par les autres restrictions cons- titutionnelles imposées en 1982. Ainsi, il arrive qu'en adhérant à la Convention sur le statut des réfugiés et qu'en adoptant forcément des disposi tions législatives visant à déterminer le statut de réfugié, le Parlement a créé un droit qui s'appa- rente à une disposition constitutionnelle conformé- ment à la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III] et à la Charte cana- dienne des droits et libertés [qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Comme la Cour suprême du Canada l'a décidé dans l'arrêt Singh, quiconque revendique le statut de réfugié a droit à une audience. Il s'agit du droit quant au fond. C'est ce que le Parle- ment s'est appliqué à conserver. Le requérant n'a établi aucune plainte valide à cet égard.
Il relève de la nature même de la fonction législative que la législature fixe la date d'entrée en vigueur des lois qu'elle adopte. Lorsque la législature délègue ce pouvoir à l'exécutif, elle lui délègue donc une fonction législative essentielle. Compte tenu de la grande autorité des arrêts de la Cour suprême Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735 et Thorne's Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106; 143 D.L.R. (3d) 577, la Cour n'interviendra pas dans les décisions de nature législative du cabinet. Dans le dernier arrêt, le juge Dickson, l'actuel juge en chef du Canada, écrivait au nom de la Cour, à l'unanimité [aux pages 111 R.C.S.; 581 D.L.R.]:
La simple attribution par la loi d'un pouvoir au gouverneur en conseil ne signifie pas que son exercice échappe au contrôle judiciaire: Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, à la p. 748. Je n'ai pas le moindre doute sur le droit des cours d'intervenir dans les cas il y a non-respect des conditions prescrites par la loi et, par conséquent, défaut de compétence fatal. Le droit et la compé- tence sont susceptibles d'examen judiciaire et les cours ont le pouvoir de veiller à ce que les procédures prévues par la loi soient suivies à la lettre: R. v. National Fish Co., [1931] R.C. de l'É. 75; Minister of Health v. The King (on the Prosecution of Yaffe), [1931] A.C. 494, à la p. 533. Les décisions prises par le gouverneur en conseil sur des questions de commodité publi- que et de politique générale sont sans appel et ne peuvent être examinées par voie de procédures judiciaires. Comme je l'ai déjà indiqué, bien qu'un décret du Conseil puisse être annulé pour incompétence ou pour tout autre motif péremptoire, seul un cas flagrant pourrait justifier une pareille mesure. Tel n'est pas le cas ici.
En l'espèce, le pouvoir législatif du Parlement, conféré au gouverneur général en conseil, relève évidemment de la «politique générale» du Parle- ment concernant la mise en vigueur de diverses lois y compris les modifications sous examen. La déci- sion du gouverneur en conseil est donc «sans appel et ne peu[t] être examinée[...] par voie de procé- dures judiciaires».
Le requérant n'a pas établi l'existence «[d'uun cas flagrant» à l'égard de ses moyens y compris la discrimination, le traitement inusité ou l'injus- tice pour annuler la proclamation de la mise en vigueur de la Loi modifiée ou pour interdire au gouverneur en conseil d'en proclamer la mise en vigueur.
Pour les motifs qui précèdent, les requêtes du requérant en vue d'obtenir des brefs de certiorari, de mandamus et de prohibition sont rejetées avec dépens en faveur des intimés.
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