A-1063-87
Alphonse Caron et autres (requérants)
c.
Commission de l'Emploi et de l'Immigration du
Canada (intimée)
et
Sous-procureur général du Canada (mis-en-
cause)
RÉPERTORIÉ: CARON c. CANADA (COMMISSION DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA)
Cour d'appel, juges Marceau, Hugessen et Desjar-
dins—Montréal, 6 juin et 12 juillet 1988.
Assurance-chômage — Conflits collectifs — Sens de l'ex-
pression afin de l'arrêt de travail. à l'art. 44(1)a) de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage — Il s'agit de savoir si les
décisions récentes de la Cour suprême du Canada, condamnant
l'interprétation que la Cour fédérale a donnée à l'art. 44(1)b)
et (2)a) exige de la Cour qu'elle remette en question son
interprétation de l'art. 44(I)a) — Il s'agit de savoir si l'inter-
prétation de l'expression afin de l'arrêt de travail. comme
signifiant lorsque le travail a repris en grande partie contredit
le texte de la Loi — Étude des principes voulant (1) que soit
préservée la neutralité de l'État dans les conflits collectifs et
(2) qu'un employeur ne soit pas obligé de financer une grève.
Il s'agissait d'une demande d'annulation d'une décision du
juge-arbitre au sujet de la date à laquelle a pris fin un arrêt de
travail. L'alinéa 44(1)a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage rend inadmissible au bénéfice des prestations d'assu-
rance-chômage le prestataire qui a perdu son emploi à la suite
d'un arrêt de travail jusqu'à la fin de cet arrêt de travail. Les
requérants ont perdu leur emploi le 3 mars 1986 lorsque leur
employeur a décrété un lockout. Une nouvelle convention a été
signée le 29 mars, et un grand nombre d'employés ont été
rappelés au travail. Toutefois, c'est la date du 26 avril qui a été
choisie par le conseil arbitral comme date de la fin de l'arrêt de
travail et qui a été confirmée à cet effet par le juge-arbitre.
Celui-ci a jugé que le fonctionnement d'une importante alumi-
nerie ne pouvait reprendre que graduellement, et il a statué
qu'il n'était pas obligatoire que la fin d'un arrêt de travail
coïncide avec le règlement du conflit collectif qui en a été la
cause. C'est ainsi que le paragraphe 44(1) a été interprété
jusqu'ici. Les requérants ont demandé à la Cour de reconsidérer
cette façon de voir à la lumière des arrêts rendus récemment
par la Cour suprême du Canada dans les affaires Abrahams et
Hills.
Arrêt (le juge Marceau dissident): la demande devrait être
accueillie.
Les juges Hugessen et Desjardins: L'ancienne interprétation
du paragraphe 44(1), bien que logique, n'était pas conforme à
la Loi. L'aarrêt de travail. visé à l'alinéa 44(1)a) n'est pas la
même chose que la perte d'emploi qu'il cause chez le presta-
taire. Le paragraphe 44(1) parle d'une chaîne de causalité: le
conflit collectif, qui entraîne premièrement un arrêt de travail
et deuxièmement une perte d'emploi. Le conflit et l'arrêt de
travail concernent un groupe, mais la perte d'emploi se rapporte
à l'individu. Les employés ne retournent pas nécessairement
tous au travail lorsque prend fin l'arrêt de travail. Tandis qu'un
arrêt de travail provient toujours du fait que l'une des parties
au contrat de louage de services ne veut pas l'exécuter, la perte
d'emploi est un phénomène indépendant de la volonté. Par
conséquent, un arrêt de travail dû à un conflit collectif ne peut
pas subsister après le moment où les parties ont manifesté le
désir de recommencer l'exécution de leurs contrats de louage de
services et ont, de fait, recommencé cette exécution. Si la
reprise des travaux s'effectue graduellement, les derniers rappe-
lés au travail continuent de subir une perte de leur emploi du
fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif. Toutefois, leur
inadmissibilité aux prestations d'assurance-chômage cesse
parce que l'arrêt de travail résultant d'un conflit collectif a pris
fin. Cela est conforme au but de la Loi: fournir des prestations
aux personnes qui se trouvent involontairement sans emploi.
Une fois qu'un conflit collectif a pris fin, les deux principes
invoqués généralement pour interpréter l'article 44—préserver
la neutralité de l'État dans un conflit collectif et éviter de
demander à un employeur de financer une grève—ne s'appli-
quent plus. La Loi reprend son rôle, qui est de fournir des
prestations à une personne qui se trouve involontairement sans
emploi.
Le juge Marceau (dissident): Les arrêts rendus par la Cour
suprême du Canada dans les affaires Hills et Abrahams n'exi-
gent pas de la Cour fédérale qu'elle remette en question
l'interprétation qu'elle a donnée de l'expression «fin de l'arrêt
de travail». L'interprétation actuelle de l'alinéa 44(1)a) était
bien fondée.
Quand on parle de mauvaise utilisation des fonds d'assu-
rance-chômage, on cherche à éviter un détournement possible
de fonds destinés à assister des travailleurs incapables de
remplacer immédiatement l'emploi qu'ils ont perdu et non à
indemniser des employés qui sont sans salaire parce qu'ils ont
choisi directement (grève) ou indirectement (lockout) de l'être.
L'exigence de la neutralité de l'État vise à permettre que le jeu
des forces économiques préside à la solution des conflits collec-
tifs. Si les parties elles-mêmes n'étaient pas tenues de supporter
les coûts du recours aux grèves et aux lockouts, cela saperait le
principe de l'égalité et de l'autonomie des parties. Les parties
ont dû se rendre compte que l'impossibilité d'un retour immé-
diat au travail serait une conséquence de l'arrêt de travail
initial et faisait partie intégrante des effets de la grève ou du
lockout, et elles l'ont nécessairement accepté.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code européen de sécurité sociale, 16 avril 1968, (1968),
648 U.N.T.S. 235, Art. 68i).
Convention de 1952 sur la norme minimum de la sécurité
sociale, 28 juin 1952, (1955), 210 U.N.T.S. 131, Art.
69i).
Convention sur l'assurance-chômage, 23 juin 1934,
(1949), 40 U.N.T.S. 45, Art. 10(2)a).
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
chap. 48, art. 44, 58f).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), chap.
10, art. 28.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1
R.C.S. 2; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] I
R.C.S. 513; (1988), 84 N.R. 86; Canada (Procureur
général) c. Valois, [ 1986] 2 R.C.S. 439.
DÉCISIONS CITÉES:
Létourneau c. Commission de l'emploi et de l'immigra-
tion du Canada, [1986] 2 C.F. 82; 17 C.L.L.C. 12,056
(C.A.); Hurren c. Canada (Procureur général) (1986), 69
N.R. 117 (C.A.F.).
DOCTRINE
Bureau international du travail Les systèmes d'assu-
rance-chômage, Genève, B.I.T. 1955.
Hickling, M. A. «Labour Disputes and Disentitlements to
Benefits» Unemployment Insurance, 1983.
Shadur, Milton I. «Unemployment Benefits and the
"Labour Dispute" Disqualification» (1950), 17 U. Chi-
cago L. Rev. 294.
AVOCATS:
Guy Martin pour les requérants.
Guy LeBlanc pour l'intimée et le mis-en-
cause.
PROCUREURS:
Sauvé, Ménard et Associés, Montréal, pour
les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée et le mis-en-cause.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU (dissident): Je regrette,
mais il ne m'est pas possible de disposer de cette
demande en m'associant à la démarche de mes
collègues et en concourant à leur point de vue. Il
me semble, je le dis avec déférence, que le sens
qu'ils cherchent à attribuer à l'alinéa a) du para-
graphe 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage [S.C. 1970-71-72, chap. 48], cette dispo
sition de portée pratique si considérable, est non
seulement contraire à la jurisprudence fermement
établie de cette Cour, mais ne saurait trouver
justification dans l'analyse du texte législatif
lui-même.
Il me faut bien dire au départ que j'ai peine à
voir comment ces deux arrêts récents de la Cour
suprême dans Abrahams c. Procureur général du
Canada, [1983] 1 R.C.S. 2 et Hills c. Canada
(Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513; (1988),
84 N.R. 86, aussi connus et célèbres qu'ils soient
devenus chez les plaideurs, pourraient être vus
comme requérant une remise en question des solu
tions que cette Cour a apportées aux divers problè-
mes de compréhension et d'application que les
prescriptions de cet article 44 ont pu soulever. Je
crois en effet que les juges de cette Cour ont été
portés dès le début à résoudre les difficultés d'in-
terprétation des règles de mise-en-oeuvre de notre
système d'assurance-chômage dans l'esprit que
préconise l'arrêt Abrahams, soit en favorisant
autant que possible les assurés, et qu'ils ont par
ailleurs toujours été pleinement conscients des
motifs spéciaux de politique sociale qui avaient
conduit à l'adoption de règles particulières en cas
de conflits ouvriers, motifs que rappelle l'arrêt
Hills. Sans doute la Cour suprême a-t-elle, dans
les deux arrêts, désapprouvé les conclusions de
cette Cour quant au contenu de l'exigence de la
bonne foi dont parle l'alinéa 44(1)b)' (arrêt Abra-
hams), et quant au sens à donner au verbe «finan-
cer» à l'alinéa 44(2)a) 2 (arrêt Hills), mais elle l'a
fait à chaque fois après s'être convaincue que ces
conclusions, qu'elle devait réviser, n'étaient pas
clairement imposées par les termes de la Loi. Je ne
crois pas que cette Cour soit de la même manière
appelée à réviser ses propres conclusions et surtout
je ne pense pas que les positions acquises quant à
l'interprétation de l'expression «fin de l'arrêt de
travail» de l'alinéa 44(1)a), ce dont il est question
ici, puissent en elles-mêmes être pareillement
mises de côté.
Il faut avoir bien présent à l'esprit le texte du
paragraphe 44(1) et de l'alinéa 44(1)a):
44. (1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un
arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou
44.(I)...
b) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs
dans le cadre de l'occupation qui est habituellement la
sienne, ...
44. ...
(2) Le paragraphe (I) n'est pas applicable si le prestataire
prouve
a) qu'il ne participe pas au conflit collectif qui a causé
l'arrêt du travail, qu'il ne le finance pas et qu'il n'y est pas
directement intéressé; et ...
en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible
au bénéfice des prestations tant que ne s'est pas réalisée l'une
des éventualités suivantes, à savoir:
a) la fin de l'arrêt du travail, ...
Cette Cour a jusqu'à maintenant toujours
affirmé que la détermination du moment où un
arrêt de travail dû à un conflit collectif prend fin
au sens de l'alinéa a) du paragraphe 44(1) soulève
une question de fait particulière à chaque espèce,
l'inadmissibilité de principe décrétée par la disposi
tion pouvant se poursuivre au delà du règlement
même du conflit collectif responsable de la
«mise-en-chômage» d'un assuré. Elle s'en est d'ail-
leurs toujours expliquée de la même façon: on ne
saurait nier que, dans les faits, la fin de l'arrêt de
travail ne coïncide pas nécessairement avec le
règlement du conflit, la reprise des activités des
employés ne pouvant toujours se faire subitement;
si le législateur avait voulu qu'au contraire, en
droit, il en soit autrement et que la date de la fin
de l'arrêt de travail soit toujours celle de la solu
tion du conflit, il aurait utilisé les mots pour le
dire. «Arrêt de travail» et «conflit collectif» ne sont
pas des expressions interchangeables. Ce que la
Loi exige, a dit la Cour, c'est que soit déterminé le
moment de passage entre les deux étapes de la
période de temps où l'employé est sans travail: la
première où son état de chômage est dû et rattaché
au conflit alors qu'il n'a pas droit aux bénéfices, la
seconde où la continuation de son état de chômage
vient de décisions de l'employeur non imposées par
l'arrêt de travail initial lui-même, alors qu'il y a
droit.
L'on fait valoir maintenant que cette jurispru
dence de la Cour, si elle peut se réclamer d'une
prémisse valable au niveau de la réalité concrète,
n'en contredit pas moins le texte de loi tel qu'a-
dopté. Et l'on appuie l'affirmation sur une analyse
de la disposition qui se présente, je pense, en
substance comme suit.
L'«arrêt de travail» auquel se réfère l'alinéa a)
est manifestement celui dont il est question à la
règle de base, fait-on remarquer, soit un «arrêt de
travail» non pas individuel, mais concerté, collectif,
qui est à la fois effet et cause, effet du conflit et
cause de la perte d'emploi, qui elle seule rejoint et
touche les employés individuellement. L'«arrêt de
travail» vu ainsi, dit-on, ce ne peut être que la
grève elle-même ou le lock-out, qui évidemment ne
saurait subsister par délà la solution du conflit.
Comment d'ailleurs, ajoute-t-on, pourrait-on con-
sidérer que cet «arrêt de travail> collectif dure
encore à un moment où le patron a rouvert ses
portes et plusieurs employés sont, comme ici, ren-
trés au travail. Ce qui peut se poursuivre par delà
la solution du conflit, ce n'est pas «l'arrêt de
travail» que ce conflit a causé, ce sont les pertes
d'emploi des assurés que l'arrêt de travail a lui-
même à son tour causées.
Je me permets, avec déférence, de contester
qu'on puisse s'en remettre à une telle analyse.
D'abord,—et, étant sur le plan exégétique, la
lacune à mon sens est sérieuse—c'est une analyse
qui ne se préoccupe nullement d'expliquer pour-
quoi le législateur a utilisé les mots «fin de l'arrêt
de travail» plutôt que de dire clairement, si c'était
ce qu'il voulait dire, «fin du conflit collectif» ou «fin
de la grève ou du lock-out». Ensuite, c'est une
analyse qui attribue à l'expression «arrêt" de tra
vail> le sens strict et restreint lié à l'action même
d'arrêter, un sens qui s'applique certes à la grève
mais fort peu au lock-out et décidément mal à une
situation comme ici où l'entreprise trouve le moyen
de produire encore, autrement mais à plein rende-
ment. Bien sûr, l'arrêt de travail dont il s'agit ne se
limite pas à un employé puisqu'il se rattache à un
conflit collectif, mais ce n'est pas l'action même
d'arrêter que l'on vise, c'est la situation de fait qui
en résulte et qui s'analyse en une interruption, une
disparition de la tâche, de l'ouvrage, du travail
d'un certain nombre d'employés, par suite du refus
de l'employeur de laisser ces derniers «entrer à
l'ouvrage» ou du refus de ces derniers de continuer
à fournir leurs services, d'où les pertes d'emploi
d'abord des employés impliqués puis de tous ceux
empêchés par ricochet de poursuivre leur tâche.
Bien sûr aussi, cet «arrêt de travail» est-il le résul-
tat d'un acte de volonté émanant des employés ou
de l'employeur, mais s'il suffit d'un acte de volonté
pour qu'il survienne, il se peut fort bien—et c'est
justement là le point—qu'un changement de
volonté ne soit pas suffisant pour y mettre fin, la
reprise des activités pouvant être temporairement
impossible. Enfin et surtout, c'est une analyse qui
prend pour acquis que «l'arrêt de travail> visé par
la disposition ne peut être que global, entier, ne
peut que toucher l'ensemble ou une grande partie
de l'entreprise de l'employeur, oubliant qu'en fait
le texte parle d'un arrêt de travail «à l'usine, à
l'atelier ou en tout autre local où (l'assuré) exer-
çait un emploi».
L'on fait valoir aussi, parallèlement à la critique
de texte, que cette jurisprudence qui a été celle de
la Cour jusqu'à maintenant ne pourrait d'aucune
façon se réclamer des motifs qui ont incité à
décréter l'inadmissibilité de l'article 44, voire
même irait à leur encontre. Essentiellement ce que
l'on dit, je pense, est ceci. Les objectifs que cher-
che à réaliser l'inadmissibilité de l'article 44 sont,
comme l'ont souligné le juge Chouinard dans
Canada (Procureur général) c. Valois, [ 1986] 2
R.C.S. 439, et de nouveau madame le juge
L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Hills, d'assurer la
neutralité de l'État face à un conflit de travail et
d'éviter que le fonds d'assurance-chômage auquel
contribue l'employeur ne serve à son détriment.
Or, ces objectifs n'ont de valeur que pendant le
conflit; dès que le conflit collectif a pris fin, l'inté-
rêt de l'employeur est sauvegardé, la neutralité de
l'État n'a plus sa raison d'être et le système qui
vise à assister les gens involontairement en chô-
mage reprend sa place. Maintenir l'inadmissibilité
à l'égard d'employés qui, le conflit étant résolu,
sont prêts à retourner au travail serait tout simple-
ment illogique et sans fondement.
On me permettra, ici encore, de contester. Les
objectifs que poursuit l'inadmissibilité de l'article
44, un article qui n'a rien de particulier à nous
puisqu'on en retrouve le pendant apparemment
dans toutes les législations d'assurance-chômage',
sont bien connus et ont été bien des fois répétés,
mais peut-être que leur portée n'est pas saisie par
tous de la même manière. En tout cas je ne les
comprends pas pour ma part comme le suggère le
raisonnement que je viens de formuler.
Quand on parle de mauvaise utilisation des
fonds d'assurance-chômage, il est vrai qu'on s'em-
ploie souvent à évoquer le fait qu'il serait choquant
que les cotisations de l'employeur servent contre
Dans la Convention sur l'assurance-chômage, 23 juin 1934,
(1949), 40 U.N.T.S. 45, c'est l'Art. 10(2)a); dans la Conven
tion de 1952 sur la norme minimum de la sécurité sociale, 28
juin 1952, (1955), 210 U.N.T.S. 131, c'est l'Art. 69i); dans le
Code européen de sécurité sociale, 16 avril 1968, (1968), 648
U.N.T.S. 235, c'est l'Art. 68i); voir aussi à ce sujet la Publica
tion du Bureau international du travail, Les systèmes
d'assurance- chômage, Genève, B.I.T. 1955 aux p. 131à 136.
lui, mais je pense que ce n'est là qu'une donnée
fort superficielle et d'ailleurs en elle-même plus ou
moins convaincante, car ce ne serait pas la seule
hypothèse où un contribuable est appelé à fournir
à un fonds susceptible éventuellement de servir à
son détriment. Ce qu'on cherche à éviter, je pense,
et à mon avis avec raison, c'est un détournement
possible de fonds destinés strictement à assister des
travailleurs incapables de remplacer immédiate-
ment l'emploi qu'ils ont perdu et non à indemniser
des employés qui sont inactifs et sans salaire parce
qu'ils ont directement (grève) ou indirectement
(lock-out) choisi de l'être. Quand on parle, d'autre
part, d'exigence de neutralité de l'État, on utilise
encore là, pour mieux frapper sans doute, une
expression qui peut prêter à faux. Ce qui est en
cause ce n'est pas la crainte d'une intervention
directe ou indirecte de l'État dans le cours d'un
différend ouvrier susceptible de susciter une solu
tion du conflit au détriment de l'une ou de l'autre
des parties en présence. Ce qu'on ne veut pas, je
pense—et là encore il me semble avec raison—
c'est que le jeu des forces économiques devant
présider à la solution des conflits ouvriers soit
faussé. Il y a un coût pour l'employeur et un coût
pour les employés dans l'utilisation de ces moyens
ultimes de solution des conflits de travail que sont
la grève et le lock-out, et le système implique et
exige que ces coûts soient supportés par les oppo-
sants eux-mêmes, sinon intégralement du moins
dans une même proportion, sans quoi le principe
sur lequel tout repose, celui d'égalité et d'autono-
mie des parties en présence, serait trahi.
Si l'inadmissibilité de l'article 44 s'explique vrai-
ment comme je viens de dire, les préoccupations
qui sont en cause exigent-elles que cette inadmissi-
bilité prenne nécessairement fin dès la solution du
conflit même avant que le retour au travail ne soit
devenu possible? Bien sûr que non. C'est l'inverse
manifestement qui s'impose. L'impossibilité de
retour immédiat étant une pure conséquence de
l'arrêt de travail initial, elle fait nécessairement
partie intégrante des effets de la grève ou du
lock-out. Les parties ne pouvaient pas ne pas se
rendre compte qu'il en serait ainsi au moment où
elles ont décidé d'avoir recours à leur arme réci-
proque ultime et elles l'ont nécessairement accepté.
Verser des prestations d'assurance-chômage aux
employés qui attendent le retour au travail, c'est
d'une part utiliser le fonds d'assurance-chômage
pour indemniser des employés qui ne sont pas sans
travail sans l'avoir voulu et accepté d'avance, et
d'autre part—et bien plus grave encore—c'est libé-
rer les employés d'une partie du «coût» de la grève
ou du lock-out sans en faire autant pour l'em-
ployeur quant à son «manque à gagner» ou aux
inconvénients qu'il doit subir.
Voilà donc les raisons qui me font penser que la
jurisprudence de cette Cour quant à l'interpréta-
tion de l'alinéa 44(1)a) est pleinement fondée et
qu'il ne convient pas de la remettre en question.
Comme la décision attaquée est en tous points
dans la ligne de cette jurisprudence, je la confirme-
rais et rejetterais la demande.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LES JUGES HUGESSEN ET DESJARDINS: Il s'agit
d'une demande d'examen et d'annulation faite en
vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale°
à l'égard d'une décision du juge-arbitre qui a
décidé que la fin de l'arrêt du travail relatif au
conflit entre la Société Reynolds à Baie Comeau et
le syndicat qui représente ses employés a eu lieu le
26 avril 1986. Cette détermination, par l'applica-
tion de l'alinéa 44(1)a) de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage 5 , avait comme conséquence
que les requérants n'étaient pas admissibles aux
bénéfices des prestations d'assurance-chômage
avant cette dernière date.
Les requérants avaient perdu leurs emplois le 3
mars 1986, alors que l'employeur a décrété un
lockout. Le 29 mars une nouvelle convention fut
signée de même qu'un protocole de retour au
travail. Le même jour, 970 employés (sur un total
de 1 430) furent rappelés et acceptèrent de rentrer
au travail.
La date du 26 avril 1986 avait été choisie par le
conseil arbitral parce qu'elle marquait le moment
où «il y a eu une production appréciable (71%) et
un rappel des employés de 90%» (Dossier d'appel,
page 158). Pour sa part le juge-arbitre, dont la
décision est attaquée, a confirmé cette façon de
voir. Il s'est exprimé ainsi:
° S.R.C. 1970 (2` Supp.), chap. 10.
5 S.C. 1970-7I-72, chap. 48.
Il n'est pas toujours facile de déterminer avec précision la fin
exacte d'un arrêt de travail. La jurisprudence avait consacré la
formule de 85% du volume de production et du nombre d'em-
ployés retournés au travail comme étant une mesure utile à
cette détermination, mais il n'y a pas de pourcentage magique.
11 n'y a aucune règle de droit à l'effet qu'un arrêt de travail ne
prenne fin qu'au moment précis ou un certain pourcentage a été
atteint. Il n'existe pas non plus de règle de droit à l'effet que la
fin de l'arrêt de travail doive coïncider avec le règlement du
conflit collectif qui l'a causé. Le conseil doit tenir compte de
tous les éléments pertinents qui lui ont été présentée, des
informations relatives au retour progressif des employés, des
prétentions de la partie syndicale et de la partie patronale et de
tous les éléments essentiels qui s'y rapportent. En l'espèce, les
documents au dossier ainsi que la transcription des témoignages
démontrent clairement (ce que l'on peut facilement deviner)
qu'une importante aluminerie ne peut repartir tout de go. Le
conseil ne pouvait rejeter l'affirmation de l'employeur à l'effet
que la reprise des activités devait s'effectuer progressivement,
attendu qu'on ne peut mettre en opération les cinq cuves de
l'aluminerie en même temps. D'ailleurs il n'a pas été démontré
que la compagnie aurait indûment ralenti la reprise des
travaux.
En conclusion, pour les raisons que j'ai exposées plus haut, je
ne peux accepter la prétention du procureur du prestataire à
l'effet que la date de la fin de l'arrêt de travail doive automati-
quement être la date de la fin du conflit collectif. Le conseil a
analysé la preuve et a fixé la date à moins d'un mois après la fin
du conflit, ce qui ne m'apparaît pas déraisonnable dans les
circonstances. En conséquence je ne peux trouver que le conseil
arbitral a rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou
a tiré une conclusion de fait erronée. (Dossier d'appel, pages
192 et 193.)
Il ne fait aucun doute que la décision du juge-
arbitre était conforme à la jurisprudence établie
par d'autres juges-arbitres et confirmée dans cer-
tains cas par cette Cour. Les requérants nous
demandent toutefois de reconsidérer cette jurispru
dence à la lumière des arrêts de la Cour suprême
du Canada dans Abrahams c. Procureur général
du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2; et Hills c. Canada
(Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513; (1988),
84 N.R. 86. Non sans hésitation, et pour les
raisons qui suivent, nous avons décidé que nous
nous devons d'accéder à cette demande.
Le paragraphe 44(1) de la Loi décrète l'inad-
missibilité du prestataire qui perd son emploi du
fait d'un arrêt de travail à son lieu de travail;
l'alinéa 44(1)a), pour sa part, stipule que cette
inadmissibilité cesse au moment de la fin de l'arrêt
de travail. En voici le texte:
44. (1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un
arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou
en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible
au bénéfice des prestations tant que ne s'est pas réalisée l'une
des éventualités suivantes, à savoir:
a) la fin de l'arrêt du travail, ...
[Le texte français parle bien, dans un premier
temps, d'un «arrêt de travail» et, dans un second
temps, de «la fin de l'arrêt du travail». Le texte
anglais aux deux endroits parle de «stoppage of
work». Nous ne croyons pas que cette différence
ait un impact sur le sens à donner au texte et, pour
fins de concordance, nous emploierons dorénavant
l'expression «arrêt de travail» exclusivement.]
Le terme «conflit collectif»» est défini au paragra-
phe 44(4) de la Loi. D'autre part, la Commission,
bien qu'habilitée à le faire par l'alinéa 58f), n'a
jamais établi de règlement pour définir le début et
la fin d'un arrêt de travail.
L'interprétation jusqu'à maintenant donnée au
paragraphe 44(1) a insisté surtout sur la proposi
tion qu'un effet (l'arrêt de travail) peut subsister
même après que sa cause a fini d'exister. De là,
a-t-on argumenté, la fin du conflit collectif n'est
pas l'élément déterminant et il faut plutôt voir
quand, dans les faits de chaque espèce, les travaux
ont substantiellement repris. La logique de la pré-
misse est inattaquable. A notre avis, toutefois, et
avec égards pour l'opinion contraire, la conclusion
fait violence au texte législatif. Comment peut-on
dire qu'il y a encore arrêt de travail (le mot
anglais, «stoppage», nous paraît même plus fort)
alors que, d'une part, l'employeur accepte de rap-
peler ses employés au travail et, d'autre part, ces
derniers ont accepté d'entrer et en fait sont entrés,
au moins en partie, au travail? Les faits de la
présente affaire sont éloquents à cet égard; s'il y
avait encore arrêt de travail chez la Société Rey-
nolds le 29 mars 1986, que faisaient alors les 970
personnes qui sont entrées ce jour-là?
Il est certain, à notre sens, que l'arrêt de travail
dont parle l'alinéa 44(1)a) est le même que celui
que mentionne la partie introductive, c'est-à-dire
l'arrêt de travail dû à un conflit collectif. Il n'est
pas, pourtant, la même chose que la perte d'emploi
qu'il cause chez le prestataire. En d'autres termes,
le paragraphe 44(1) ne parle pas seulement d'une
cause, le conflit collectif, et d'un effet, l'arrêt de
travail, mais plutôt d'une chaîne de causalité; la
première cause, le conflit collectif, est suivi d'un
premier effet, l'arrêt de travail, qui lui devient à
son tour la cause d'un second effet, la perte de
l'emploi du prestataire. La première cause est, par
définition, collective. Le premier effet, l'arrêt de
travail, est collectif aussi; il touche plusieurs
employés, généralement aujourd'hui tous membres
d'une même unité de négociation. Par comparaison
la perte d'emploi est toujours individuelle, propre à
chaque prestataire qui n'a plus «son» emploi du fait
de l'arrêt de travail. Même si l'arrêt général a pris
fin, il arrive fréquemment que certains employés,
voire plusieurs, continuent d'en souffrir les consé-
quences; ils n'ont donc pas encore repris leurs
emplois.
Mais ce qui caractérise essentiellement l'arrêt de
travail de l'article 44 et le distingue de la perte de
l'emploi du prestataire est l'aspect «volonté»: un
arrêt de travail dû à un conflit collectif provient
toujours du fait que l'une ou l'autre des parties au
contrat de louage de services ne veut pas l'exécu-
ter. S'il s'agit de la partie patronale, on appelle
l'arrêt un lockout; dans le cas où ce sont les
employés qui refusent de fournir leurs services, on
parle d'une grève. Dans l'un et l'autre cas c'est le
manque de volonté qui constitue l'essence de l'ar-
rêt de travail. La perte d'emploi, par contre, est un
phénomène complètement indépendant de la
volonté, qui est susceptible de toucher tant ceux
qui sont directement impliqués dans l'arrêt de
travail, les grévistes ou les employés qui font l'ob-
jet du lockout, que ceux qui n'y sont aucunement
intéressés mais qui ont quand même perdu leurs
emplois en conséquence.
Or, à la lumière de cette analyse, il nous semble
impossible de soutenir qu'un arrêt de travail dû à
un conflit collectif puisse subsister après le
moment où les parties au conflit ont manifesté le
désir de recommencer l'exécution de leurs contrats
de louage de services et ont, en fait, recommencé
cette exécution. Si, comme dans le cas présent, la
reprise des travaux s'effectue graduellement et par
étapes, les derniers rappelés au travail continuent
de subir une perte de leur emploi du fait d'un arrêt
de travail dû à un conflit collectif jusqu'au
moment de leur rappel; toutefois l'alinéa 44(1)a)
décrète que leur inadmissibilité aux prestations
d'assurance-chômage cesse dès que l'arrêt de tra
vail qui est la cause de leur état de chômage aura
pris fin et même si ses effets continuent d'exister.
Cette approche nous paraît également conforme
à la jurisprudence récente de la Cour suprême du
Canada. Dans Hills, précité, madame le juge
L'Heureux-Dubé, au nom de la Cour, expose en
ces termes la raison d'être initiale invoquée par les
législateurs britanniques et canadiens pour justifier
l'existence de dispositions prévoyant l'inadmissibi-
lité au bénéfice des prestations d'employés impli-
qués dans un conflit collectif (aux pages 537
R.C.S.; 113 N.R.):
Les deux principes généralement invoqués en interprétant
l'art. 44 reposent sur la thèse portant que le gouvernement doit
rester neutre face à un conflit de travail et qu'il serait inéquita-
ble qu'une grève dirigée contre un employeur soit financée au
moyen des cotisations qu'il a versées à la caisse d'assurance-
chômage. Hickling [M. A. Hickling, Labour Disputes and
Unemployment Insurance Benefits in Canada and England
(1975)] fait observer, à la p. 1:
[TRADUCTION] La neutralité de l'État doit être maintenue et
le fonds auquel les employeurs sont tenus de contribuer ne
doit pas être utilisé contre eux.
Un peu auparavant, le regretté juge Chouinard,
au nom de la Cour suprême du Canada, s'était
référé à ces deux mêmes principes 6 dans l'affaire
Canada (Procureur général) c. Valois, [ 1986] 2
R.C.S. 439, la page 444, en citant cette fois M.
A. Hickling, «Labour Disputes and Disentitle-
ments to Benefits» dans Unemployment Insurance,
publié en mars 1983 par la Continuing Legal
Education Society of British Columbia, à la page
3.1.1:
[TRADUCTION] Le but du régime d'assurance-chômage dans sa
conception initiale était la protection de salariés qui se trou-
vaient sans emploi par suite de la situation économique. li
n'était pas censé fournir une indemnisation aux personnes qui
perdaient leur emploi pour faute au travail; qui quittaient leur
emploi volontairement ou sans justification; ou qui n'étaient pas
en mesure d'accepter un emploi. D'où les exclusions prévues
aux art. 40 et 41 de la Loi sur l'assurance-chômage.
Le Parlement n'a pas voulu non plus que le fonds d'assurance-
chômage auquel contribue non seulement l'employé, mais aussi
l'employeur et l'État, serve à aider les salariés ou leurs syndi-
cats dans des conflits de travail. Un fonds auquel les
employeurs avaient contribué ne devait pas être utilisé contre
eux. Il fallait préserver la neutralité de l'État. Voilà la raison
d'être des dispositions de l'art. 44 de la Loi sur
l'assurance- chômage ...
Puis le juge Chouinard ajoutait:
Aux pages 3.1.1 et 3.1.2, l'auteur décrit ainsi l'effet de l'art.
44:
6 Notre propre Cour y avait également fait référence dans
Létourneau c. Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada, [1986] 2 C.F. 82, aux p. 88 et 89; 17 C.L.L.C. 12,056
(C.A.), à la p. 12,059; Hurren c. Canada (Procureur général)
(1986), 69 N.R. 117 (C.A.F.), à la p. 119.
[TRADUCTION] Le prestataire n'est inadmissible que si la
Commission d'assurance-chômage établit
(1) qu'il y avait un conflit collectif à l'usine en question;
(2) que le conflit collectif y a causé un arrêt de travail; et
(3) que le prestataire a perdu son emploi en raison de l'arrêt
de travail.
Du moment que ces points sont prouvés, le prestataire est
inadmissible au bénéfice des prestations tant que l'une des
éventualités suivantes ne s'est pas produite:
(4) la fin de l'arrêt de travail dû au conflit collectif; ou
(5) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs
dans le cadre de l'occupation qui est habituellement la
sienne; ou
(6) le fait qu'il s'est mis à exercer quelque autre occupation
d'une façon régulière.
Il est vrai que dans l'affaire Hills, madame le
juge L'Heureux-Dubé (aux pages 537 à 541
R.S.C.; 113 118 N.R.) explique en détail com
ment ces deux principes ont été critiqués par la
doctrine. Il n'en demeure pas moins que puisque le
législateur a choisi de ne pas modifier ou même de
ne pas abroger cette disposition, les principes men-
tionnés continuent à en légitimer l'existence.
Voyons maintenant l'impact qu'ont ces principes
sur les faits de la présente affaire.
Le 29 mars 1986, le «conflit collectif» tel que
défini au paragraphe 44(4) de la Loi était réglé.
Dans la nuit du 29 mars 1986, vers trois heures, la
convention collective et le protocole de retour au
travail étaient signés. Le même jour, à huit heures,
970 des 1 430 employés reprenaient le travail. Le
rappel des autres se fit par tranches successives
(dossier d'appel, pages 63-70). Le juge-arbitre
explique, preuve à l'appui, «qu'une importante alu-
minerie ne peut repartir tout de go» (dossier d'ap-
pel, page 193).
Peut-on dire, pour ceux qui ne furent pas rappe-
lés ce 29 mars 1986, qu'ils demeuraient inadmis-
sibles au bénéfice des prestations d'assurance-chô-
mage, parce que, quant à eux, «la fin de l'arrêt de
travail dû au conflit collectif» n'avait pas eu lieu?
Nous ne le croyons pas.
Dans l'affaire Hills, précitée, madame le juge
L'Heureux-Dubé affirmait, aux pages 559 R.C.S.;
140 N.R., que l'objet de la Loi dans son ensemble
est de:
... fournir des prestations aux personnes qui se trouvent invo-
lontairement sans emploi ... [Soulignés ajoutés].
Analysé sur le plan des objectifs visés par l'arti-
cle 44, il nous paraît évident que dès que le conflit
collectif a pris fin, l'État peut difficilement se
réclamer de l'argument relatif à son devoir de
«neutralité». La Loi reprend au contraire son rôle
d'assistance auprès de l'employé qui se trouve
involontairement sans travail. Priver ce dernier de
cet appui nous semble au contraire un geste qui
dépouillerait l'État de sa neutralité. L'argument
du «non-financement par l'employeur» d'un conflit
collectif ne saurait, lui non plus, être un motif
valable de disqualification puisque, à toutes fins
pratiques, le conflit entre employeurs et employés
est réglé. Milton I. Shadur 7 , à la page 320, dans
son article intitulé «Unemployment Benefits and
the "Labour Dispute" Disqualification» (1950), 17
U. Chicago L. Rev. 294, déclare ce qui suit:
[TRADUCTION] Le principe de la «neutralité» interdit le verse-
ment de prestations pendant un conflit. Après le règlement
pacifique d'un conflit, ce devoir de «neutralité» prend fin, et le
maintien du refus de verser des prestations ne serait décidément
pas un acte neutre. De la même façon, l'argument fondé sur le
«financement de la grève» n'est nullement pertinent pour déter-
miner l'indemnité pour une période ultérieure à la fin de la
grève. Enfin, le fait pour les travailleurs d'être sans emploi
entre la fin de la grève et la fin de l'arrêt de travail n'est
certainement pas «volontaire» dans la même mesure que le fait
d'être sans emploi durant la grève. Étant donné qu'il faut tenir
compte de chaque semaine séparément pour déterminer l'ad-
missibilité aux prestations, aucune de ces théories n'exige l'ex-
clusion du bénéfice des prestations après l'arrêt du conflit.
L'inadmissibilité décrétée par l'article 44 ne
peut jouer que dans l'éventualité d'un conflit col-
lectif. Une fois ce conflit réglé, l'on ne saurait
recourir à cette disposition.
Pour ces motifs, nous ferions droit à la demande,
nous annulerions la décision attaquée et nous
retournerions l'affaire au juge-arbitre pour qu'il la
décide à nouveau en tenant pour acquis que la fin
de l'arrêt de travail a eu lieu le 29 mars 1986.
' Auteur cité par madame le juge L'Heureux-Dubé dans
l'affaire Hills, précitée, à la p. 538 R.C.S.; 114 N.R.
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