A-620-86
Fonds international pour la défense des animaux,
Inc., Stephen Best et Brian D. Davies (appelants)
c.
La Reine, le ministre des Pêches et Océans, le
ministre de la Justice et le procureur général du
Canada (intimés)
RÉPERTORIÉ: FONDS INTERNATIONAL POUR IA DÉFENSE DES
ANIMAUX, INC. C. CANADA
Cour d'appel, juges Mahoney, Hugessen et
MacGuigan—Toronto, 22 et 23 mars; Ottawa, 19
avril 1988.
Droit constitutionnel Charte des droits — Libertés fon-
damentales — Liberté d'expression Appelant militant en
faveur de l'abolition de la chasse au phoque Le transport
par hélicoptère de représentants de la presse sur les lieux de la
chasse est une violation du Règlement sur la protection des
phoques qui interdit de survoler les phoques à basse altitude
— Demande d'accès à la chasse au phoque rejetée Le juge
de première instance conclut que le Règlement porte atteinte à
la liberté d'expression, mais demeure valide par l'application
de l'art. 1 de la Charte — L'art. 11(6) du Règlement qui
interdit d'approcher à moins d'un demi-mille marin de toute
chasse aux phoques à moins d'être titulaire d'un permis, est
nul et de nul effet parce qu'il porte atteinte à la liberté
d'expression — Bien que le caractère suffisamment important
de l'objectif ait été, de prime abord, établi, le paragraphe 11(6)
du Règlement ne satisfait pas aux deuxième et troisième
critères des moyens qu'établit l'arrêt La Reine c. Oakes:
atteinte minimale à la liberté et proportionnalité entre les
effets et l'objectif — L'art. 11(5) du Règlement, qui interdit
d'atterrir en aéronef à moins d'un demi-mille marin de tout
phoque qui se trouve sur la glace dans la région du Golfe, ne
constitue pas une entrave déraisonnable à l'exercice de la
liberté d'expression.
Droit constitutiOnnel Charte des droits — Clause limita-
tive — Le Règlement vise à assurer la conservation du phoque
et la gestion de la chasse au phoque — Atteinte à la liberté
d'expression Peut-on tenir compte du double objectif de
protéger les troupeaux de phoques et le droit des chasseurs de
gagner leur vie, dans l'application de l'art. 1? La Cour
suprême du Canada offre dans La Reine c. Oakes une formu
lation plus large des restrictions de liberté que le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques — L'objectif
gouvernemental doit être suffisamment important et se rap-
porter à des préoccupations réelles — Le droit de gagner sa vie
et l'équilibre environnemental entre le poisson et les phoques
sont suffisamment importants pour mériter la protection de
l'art. 1 L'art. 11(6) du Règlement, qui interdit à quiconque
n'est pas titulaire d'un permis d'approcher à moins d'un
demi-mille marin d'une chasse aux phoques, restreint complè-
tement la liberté d'expression des appelants — La procédure
d'attribution de permis ne saurait racheter un empiétement par
ailleurs total, à moins de justification en vertu de l'art. 1 —
Les critères établis par l'arrêt Oakes ne sont pas satisfaits
puisque la restriction n'est pas limitée autant que possible et
que les effets du Règlement dépassent ce qui est nécessaire —
L'art. 11(5), qui protège les phoques et la vie humaine en
interdisant d'atterrir en aéronef à moins d'un demi-mille
marin, ne constitue pas une entrave déraisonnable pour la
liberté d'expression.
Pêcheries — Le Règlement sur la protection des phoques
interdit d'atterrir en aéronef à proximité des phoques ou de les
survoler à une altitude inférieure à 2 000 pieds sans un permis
du ministre ou de s'en approcher à moins d'un demi-mille
marin sans permis — Appelant militant en faveur de l'aboli-
tion de la chasse au phoque — La question se posait de savoir
si le Règlement est conforme à l'art. 34 de la Loi sur les
pêcheries — Les activités interdites s'inscrivent dans le cadre
de l'objet et des dispositions de la Loi qui vise à conserver et à
protéger le poisson — «Pêcherie» comprend les chasseurs de
phoques, en qualité de personnes s'adonnant à la chasse du
phoque — L'art. 10 interdit de troubler ou de gêner une
pêcherie de phoques — Droit d'exploiter légitimement les
ressources — Constitutionnalité du règlement visant à la
gestion et au contrôle adéquats des pêches côtières, ainsi qu'à
la conservation et à la protection des phoques — Règlement
interdisant de s'approcher à moins d'un demi-mille marin jugé
incompatible avec le droit à la liberté d'expression, que garan-
tit la Charte.
Le paragraphe 11(6) du Règlement sur la protection de
phoques interdit aux personnes non titulaires d'un permis de
s'approcher à moins d'un demi-mille marin de tout lieu où une
chasse aux phoques est en cours. Le paragraphe 11(5) interdit
d'atterrir en hélicoptère ou autre aéronef à moins d'un demi-
mille marin d'un phoque qui se trouve sur la glace dans la
région du Golfe ou dans la région du Front, ou de le survoler,
sans permis du ministre, à une altitude inférieure à 2 000 pieds
sauf s'il s'agit d'un vol commercial régulier.
L'appelant est l'administrateur-fondateur du Fonds interna
tional pour la défense des animaux, Inc. (FIDA). Dans le cadre
de sa campagne d'abolition de la chasse au phoque, le FIDA a
essayé d'éveiller l'intérêt public en faisant assister les représen-
tants de la presse à la chasse pour en rendre compte ensuite. De
nombreuses demandes faites par le FIDA en vue d'avoir accès
au terrain de chasse ont été rejetées. Les appelants concluent à
un jugement déclarant que le Règlement est nul et de nul effet.
Le juge de première instance a conclu que le Règlement avait
pour effet de restreindre le droit de l'appelant à la liberté
d'expression, que garantit l'article 2 de la Charte, mais qu'il
était valide par l'application de l'article I de la Charte. Il a
également rejeté l'argument subsidiaire selon lequel le Règle-
ment n'était pas conforme à l'article 34 de la Loi sur les
pêcheries.
Arrêt: il est déclaré que le paragraphe 11(6) est incompatible
avec la Charte et est nul et de nul effet; l'appel intéressant le
paragraphe 11(5) du Règlement est rejeté.
Le juge de première instance a eu raison de conclure que le
Règlement est conforme à la Loi sur les pêcheries. La régle-
mentation des activités contestées s'inscrit dans l'objectif de la
Loi qui est la conservation et la protection du poisson, ainsi que
la gestion, la répartition et le contrôle adéquats des pêcheries.
Le rapport entre la quantité de poissons et le nombre de
phoques est un phénomène naturel fondamental. Pêcherie,,
comprend les chasseurs de phoques, en qualité de personnes
s'adonnant à la chasse aux phoques. En outre, l'article 10
interdit de troubler ou de gêner les pêcheries de phoques.
Le juge de première instance a eu aussi raison en concluant
que la liberté d'expression doit inclure la liberté d'accès à toute
information pertinente aux idées ou aux croyances que l'on
cherche à exprimer. L'interprétation libérale est justifiée par
l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques et par la jurisprudence. Le paragraphe 11(6) res-
treint complètement la liberté d'expression des appelants.
L'existence d'une procédure d'attribution de permis ne saurait
racheter un empiétement par ailleurs total sur une liberté
fondamentale prévue à l'article 2, à moins d'être justifiée par
l'article 1.
Pour bénéficier de la protection de l'article 1, l'objectif
gouvernemental doit être suffisamment important et se rappor-
ter à des préoccupations urgentes et réelles. Les objectifs ne
sont pas limités à ceux qu'énumère le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, ils ne sont pas restrictifs
(voir La Reine c. Oakes) et doivent comprendre les droits
économiques que prévoit le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit de
gagner sa vie. L'objectif du paragraphe 11(6) qui est d'interdire
de troubler les activités légitimes de chasse au phoque et
l'objectif d'un équilibre environnemental entre le poisson et les
phoques constituent des objectifs législatifs suffisamment
importants pour mériter la protection de l'article I.
Dès lors qu'un objectif est reconnu comme au moins de prime
abord suffisamment important, la partie qui invoque l'article I
doit établir que les moyens choisis sont raisonnables et que leur
justification peut se démontrer. Les trois éléments de propor-
tionnalité énoncés dans l'arrêt Oakes sont: (1) lien rationnel
avec l'objectif; (2) atteinte minimale à la liberté en cause; et (3)
proportionnalité entre les effets et l'objectif. La procédure
d'attribution de permis prévue au Règlement ne comporte
aucune norme. La restriction de la liberté d'expression ne peut
pas être laissée au bon vouloir des fonctionnaires, elle doit être
énoncée aussi précisément que le permet la question en cause.
Le paragraphe 11(6) ne satisfait donc pas aux deuxième et
troisième critères.
Le paragraphe 11(5) constitue cependant un empiétement
partiel, et peut-être même minime, sur la liberté d'expression.
Pour qu'il y ait empiétement sur une liberté de l'article 2,
l'entrave imposée doit être réelle ou déraisonnable. Le rapport
indirect entre le droit contesté et la liberté protégée est aussi
pertinent. La liberté de mouvement ne mérite en l'espèce la
protection de la Charte que dans la mesure où elle est néces-
saire à l'exercice de la liberté d'expression. Les difficultés
découlant de l'accès par bateau ont été causées par la nature de
la région en cause plutôt que par la clause restrictive du
Règlement. L'inconvénient tenant à l'interdiction d'atterrir en
aéronef ne constitue pas un empiétement déraisonnable ou plus
que négligeable sur la liberté d'expression de l'appelant.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de /982 sur le Canada, 1982, chap. 1 I (R.-U.),
part. 1, 2b), 24(1).
Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948,
A.G. Rés. 217A (III), Doc. A/810 N.U., art. 19.
Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, chap. F-14, art. 2
(mod. par S.C. 1985, chap. 31, art. 1), 2.1 (édicté,
idem, art. 2), 10 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 35, art.
3), 34.
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
avec Protocole facultatif, [1976] R.T. Can., n° 47, art.
1, 19.
Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, [1976] R.T. Can., n° 46, art. 11.
Règlement sur la protection des phoques, C.R.C., chap.
833, art. I l(5),(6) (mod. par DORS/78-167, art. 3).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S.
295; 18 D.L.R. (4th) 321; 18 C.C.C. (3d) 385; 13 C.R.R.
64; La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; 26 D.L.R.
(4th) 200; 65 N.R. 87; 24 C.C.C. (3d) 321; 19 C.R.R.
308; R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd., [1988] 1
R.C.S. 401; Re Ontario Film and Video Appreciation
Society and Ontario Board of Censors (1983), 147
D.L.R. (3d) 58 (C. div. Ont.); confirmé (1984), 5 D.L.R.
(4th) 766 (C.A. Ont.); 41 (O.R.) (2d) 583; confirmé 45
O.R. (2d) 80; R. c. Edwards Books and Art Ltd.,
[1986] 2 R.C.S. 713; 35 D.L.R. (4th) 1; 55 C.R. (3d)
193; 30 C.C.C. (3d) 385; 28 C.R.R. 1.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Comité pour la République du Canada c. Canada,
[1987] 2 C.F. 68; 36 D.L.R. (4th) 501.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213; 113 D.L.R.
(3d) 513; Thorne's Hardware Ltd. et autres c. La Reine
et autre, [1983] 1 R.C.S. 106; 143 D.L.R. (3d) 577;
Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations
Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; 38 D.L.R. (4th) 161;
SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573;
33 D.L.R. (4th) 174; Shuttlesworth v. Birmingham, 394
U.S. 147 (1969).
DOCTRINE
Etherington, Brian (1987), 66 R. du B. Can., p. 818.
Gibson, Dale, The Law of the Charter: General Princi
ples, Toronto: Carswell, 1986.
Partsch, Karl Josef, «Freedom of Conscience and Expres
sion, and Political Freedoms», The International Bill of
Rights, New York: Columbia University Press, 1981,
p. 218.
AVOCATS:
Peter F. M. Jones et Daniel V. MacDonald
pour les appelants.
John E. Thompson et Charleen Brenzall pour
les intimées.
PROCUREURS:
McMillan, Binch, Toronto, pour les appe-
lants.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: Ce litige soulève des
questions fondamentales concernant la liberté
d'expression; il s'agit d'un appel du jugement du
juge McNair, daté du 18 `septembre 1986 et publié
sous la référence [1987] 1 C.F. 244, en vertu
duquel il a rejeté l'action des appelants avec
dépens. Les appelants cherchent à obtenir un juge-
ment déclaratoire portant que certaines disposi
tions du Règlement sur la protection des phoques
[C.R.C., chap. 833] (le «Règlement») adopté en
application de la Loi sur les pêcheries [S.R.C.
1970, chap. F-14] (la «Loi») violent la Charte
canadienne des droits et libertés [qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.)]. Subsidiairement, ils demandent un
jugement déclarant que le gouverneur en conseil a,
dans ces dispositions, outrepassé le pouvoir d'édic-
ter des règlements, que lui accorde l'article 34 de
la Loi. En première instance il a également été
question d'un présumé abus du pouvoir discrétion-
naire ministériel, mais cette question n'est pas en
litige dans le présent appel. Les appelants contes-
tent toutefois devant cette Cour l'exclusion par le
juge de première instance d'une preuve d'expert
déposée par un journaliste. Cependant, étant
donné qu'ils ont convenu au cours de leur argu
ment qu'ils ne désiraient pas un nouveau procès,
cette Cour n'a pas à se prononcer sur cette
question.
Le juge de première instance a conclu que le
Règlement avait pour effet d'empiéter sur le droit
des appelants à la liberté d'expression prévu à
l'article 2 de la Charte, mais il a jugé que le
Règlement restait valide par l'application de l'arti-
cle 1 de la Charte. Il a également rejeté l'argu-
ment subsidiaire des appelants.
L'appelant, le Fonds international pour la
défense des animaux, Inc. («FIDA»), constitué en
société en 1969, s'est donné pour mandat l'aboli-
tion de la chasse aux phoques et, de façon géné-
rale, la protection des animaux contre la cruauté et
l'exploitation. L'appelant, Brian Davies («B.
Davies»), agit en qualité d'administrateur du
FIDA depuis sa création. L'appelant, Stephen Best
(«S. Best»), a agi à titre de coordonnateur national
du FIDA de 1980 1984.
Dans le cadre de sa campagne pour obtenir
l'abolition de la chasse du phoque, le FIDA a
essayé d'éveiller l'intérêt public en faisant assister
les représentants de la presse parlée et écrite à la
chasse pour qu'ils en fassent par la suite rapport
au public. En 1976 et 1977, l'organisme a amené
environ 20 et 55 représentants respectivement sur
les lieux de la chasse. Dans son témoignage, B.
Davies parle de l'importance de cette activité dans
les termes suivants (Transcription de la preuve,
vol. 1, aux pages 66 et 67) :
[TRADUCTION] Nous croyons que la chasse du phoque est
immorale et qu'elle doit être abolie. Nous étions d'avis qu'il
nous fallait diffuser ce message le plus possible au Canada et
ailleurs, et que le seul moyen de le faire était par l'intermé-
diaire des médias: télévision, presse, radio. Pour exercer ce
droit, il nous fallait, selon nous, amener des représentants de la
presse écrite et parlée à la chasse du phoque afin que ceux-ci,
au moyen de leurs photographies et de leurs reportages, tou-
chent un large auditoire dans l'espoir qu'un changement serait
effectué.
Effectivement, au moment du procès, la chasse
du phoque avait pratiquement cessé par manque
de marchés; elle ne se pratiquait plus que sur une
petite échelle (Transcription de la preuve, vol. 6,
aux pages 624, 651 et 652). 11 est maintenant bien
connu que le gouvernement a depuis annoncé l'in-
terdiction de la chasse à des fins commerciales des
phoques du Groënland et des phoques à capuchon
bleu-noir.
Les dispositions pertinentes de la Charte sont les
suivantes:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être res-
treints que par une règle de droit, dans des limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique.
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y
compris la liberté de la presse et des autres moyens de
communication;
c) liberté de réunion pacifique;
d) liberté d'association.
L'article pertinent du Règlement, dans la forme
dans laquelle l'a traité le juge de première instance
et assorti de ses modifications [DORS/78-I67, art.
3] jusqu'au 28 mars 1985', se lit comme suit :
I1. (I) Il est interdit d'utiliser un hélicoptère ou un autre
aéronef pour la chasse du phoque, sauf pour aller à la recherche
des phoques.
(2) II est interdit d'utiliser un hélicoptère ou un autre aéro-
nef pour aller à la recherche des phoques à moins d'avoir un
permis de chasse du phoque à partir d'un aéronef, délivré par le
Ministre.
(3) Un permis de chasse du phoque à partir d'un aéronef ne
peut être délivré qu'à l'égard d'un aéronef immatriculé au
Canada aux termes de la partie 11 du Règlement de l'Air établi
en vertu de la Loi sur l'aéronautique.
(4) Un permis de chasse du phoque à partir d'un aéronef est
assujetti aux modalités et conditions que le Ministre peut
prescrire.
(5) Sauf avec la permission du Ministre, il est interdit
a) d'atterrir en hélicoptère ou autre aéronef à moins de 'L
mille marin d'un phoque qui se trouve sur la glace dans la
région du Golfe ou dans la région du Front; ou
b) de survoler en hélicoptère ou dans un autre aéronef, à une
altitude de moins de 2 000 pieds, un phoque qui se trouve sur
la glace, sauf s'il s'agit d'un vol commercial suivant un plan
de vol établi.
(6) À moins d'être titulaire d'un permis, il est interdit
d'approcher à moins d'un demi-mille marin de toute région où
une chasse aux phoques est en cours.
(7) Le paragraphe (6) ne s'applique pas
a) aux vols commerciaux suivant un plan de vol établi;
b) au personnel d'exécution employé par le ministère de
l'Environnement ou lui venant en aide;
c) aux scientifiques, techniciens et observateurs employés
par le ministère de l'Environnement ou présents, à sa
demande, à une chasse aux phoques; et
d) aux bateaux commerciaux sillonnant les eaux où se prati-
que une chasse au phoque.
(8) Les demandes d'autorisation requises en vertu du para-
graphe (6) doivent parvenir au bureau du Ministre au plus tard
le 20 février de chaque année pour laquelle un permis est
demandé.
(9) La demande de permis requise selon le paragraphe (6)
doit contenir
a) les noms, adresses, associations professionnelles et occu
pations de toutes les personnes touchées par le permis;
b) un énoncé détaillé des raisons pour lesquelles le permis est
nécessaire;
' Le Règlement DORS/85-294, art. 4 du 28 mars 1985 a
changé le début du paragraphe 11(5) comme suit: «À moins d'y
être autorisé par permis, il est interdit ...» Le Règlement
DORS/85-697, art. I du 24 juillet 1985 a substitué aux distan
ces figurant aux alinéas a) et b) du paragraphe 11(5) la
distance de 600 mètres.
e) le moyen de transport qui sera utilisé pour se rendre au
lieu de chasse et en revenir;
d) le nom, le numéro ou la description du véhicule qui sera
utilisé pour se rendre au lieu de chasse et en revenir;
e) la région et les dates pour lesquelles est demandée le
permis; et
f) toute autre information pouvant être exigée pour vérifier
ou expliquer les renseignements requis aux alinéas a) à e).
Les appelants s'opposent au paragraphe 11(5), que
je vais appeler la clause limitative relative à
l'usage d'un aéronef, et au paragraphe 11(6), que
je vais appeler la clause limitative relative au lieu.
À mon avis, dans l'intérêt du bon ordre, il serait
plus approprié de commencer par l'argument sub-
sidiaire des appelants, pour ensuite examiner la
clause limitative relative au lieu et la clause limita-
tive relative à l'usage d'un aéronef.
Avant 1970, l'accès à la chasse du phoque était
pratique ment illimité. Il est bien connu que,
durant les années 1960, l'usage des aéronefs a
entraîné de graves abus qui ont conduit à l'adop-
tion du Règlement de 1970 [DORS/70-108, art.
12(5)] interdisant d'atterrir en hélicoptère ou
autre aéronef à moins d'un demi-mille marin d'un
troupeau de phoques qui se trouve sur la glace (le
règlement a été modifié en 1974 [DORS/74-216,
art. 2] pour se lire «d'un phoque qui se trouve sur
la glace»). En 1976, une autre modification était
adoptée [DORS/76-172, art. 3] interdisant de sur-
voler en hélicoptère ou dans un autre aéronef à une
altitude de moins de 2 000 pieds un phoque qui se
trouve sur la glace. En 1978, une autre modifica
tion était adoptée [DORS/78-167, art. 3] interdi-
sant à toute personne de s'approcher à moins d'un
demi-mille marin de toute région où une chasse
aux phoques est en cours. La même année, on
instaurait un système de permis d'exemption rela-
tif à cette dernière interdiction.
Les dispositions de la Loi en vertu desquelles le
Règlement est adopté sont les suivantes [art. 2.1
édicté par S.C. 1985, chap. 31, art. 2]:
2.1 La présente loi a pour objet d'assurer
a) la conservation et la protection du poisson et des eaux où
il vit;
b) une gestion, une répartition et un contrôle adéquats des
pêches côtières du Canada;
e) la permanence des stocks de poisson, et sous réserve de
l'alinéa a), en tenant compte des intérêts des groupes exploi-
tants et après consultation, le maintien et le développement
des avantages économiques et sociaux qui proviennent de
l'exploitation de ces stocks au profit des pêcheurs et de ceux
qui oeuvrent dans l'industrie des pêches côtières canadiennes,
au profit des autres personnes dont la subsistance dépend en
tout ou en partie de ces pêches de même qu'au profit de
l'ensemble du peuple canadien;
34. Le gouverneur en conseil peut édicter des règlements
concernant la réalisation des objets de la présente loi et l'appli-
cation de ses dispositions et, en particulier, peut, sans restrein-
dre la généralité de ce qui précède, édicter des règlements
a) concernant la gestion et la surveillance judicieuses des
pêches côtières et des pêches de l'intérieur;
b) concernant la conservation et la protection du poisson;
i) concernant la conservation et la protection des frayères;
Dans l'article des définitions (article 2), le poisson
est défini comme comprenant «les animaux
marins» tels les phoques.
Dans son ensemble, le Règlement établit un
système complet de contrôle de tous les aspects de
la chasse aux phoques. Les articles 3 à 7 réglemen-
tent l'abattage des phoques dans les régions les
plus au nord du pays. L'article 8 vise la chasse à
partir des bateaux et les permis relatifs à ces
bateaux. L'article 10 régit les périodes et les
régions où des phoques peuvent être tués et le
nombre de phoques qui peuvent être abattus. Les
articles 12 14 contiennent d'autres restrictions
visant les périodes et les régions où la chasse aux
phoques est permise et les personnes qui peuvent
s'y adonner. Les articles 15 et 16 traitent des
méthodes d'abattage des phoques. Les articles 16.1
[DORS/80-115, art. 5] et 18 régissent les activités
relatives à l'enlèvement des peaux de phoques de la
glace. Les articles 17, 19 et 23 prévoient des
restrictions additionnelles visant la chasse aux
phoques.
J'ai déjà mentionné que la clause limitative
relative à l'usage d'un aéronef avait été adoptée
suite aux abus commis à l'aide de tels appareils au
cours des années 1960 pour chasser les phoques.
La clause limitative relative au lieu a été adoptée
suite à la recommandation du Comité d'étude des
phoques et de leur chasse («CEPC»), comité con-
sultatif du ministère des Pêches qui a été constitué
en 1971, suite aux représentations des sociétés
protectrices des animaux, dans le but d'examiner
tous les aspects de la chasse du phoque dans
l'Atlantique nord-ouest et l'Arctique. La recom-
mandation de 1977 du CEPC et la réponse du
ministre à cette recommandation se lisent comme
suit (Dossier d'appel, vol. 4, page 646):
[TRADUCTION] OBSERVATION LIMITÉE DE LA CHASSE
Recommandation du CEPC—APPROUVÉE
Le comité préconise une loi qui protégerait les titulaires de
permis de chasse aux phoques contre l'ingérence ou le harcèle-
ment. Il ne croit pas qu'une telle loi a encore été formulée.
Réponse du ministre
En février 1978, nous avons mis en place un système de permis
à l'intention des personnes qui désirent visiter les zones de
chasse. L'objet des modifications habilitantes apportées au
Règlement sur la protection des phoques est de permettre aux
journalistes accrédités, aux représentants de la presse, aux
scientifiques et aux observateurs des sociétés protectrices des
animaux d'effectuer des examens responsables, mais d'empê-
cher le genre d'intervention dans les activités légales des chas-
seurs de phoques qui a marqué la chasse de 1977 dans la région
du Front.
Bien que l'autorité statutaire du gouvernement
fédéral de faire des règlements soit interprétée de
façon stricte lorsque sa compétence constitution-
nelle est en cause (Fowler c. La Reine, [1980] 2
R.C.S. 213; 113 D.L.R. (3d) 513), un tribunal n'a
pas le mandat de s'interroger sur les motifs du
gouvernement de faire un règlement ou d'interpré-
ter son pouvoir statutaire de façon restrictive dans
d'autres contextes (Thorne's Hardware Ltd. et
autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106;
143 D.L.R. (3d) 577). En l'espèce, de façon géné-
rale la Loi a pour but d'assurer la conservation et
la protection du poisson et une gestion, une répar-
tition et un contrôle adéquat des pêches côtières. A
l'article 2 [mod. par S.C. 1985, chap. 31, art. 1], le
mot «pêcherie» est défini en partie comme suit:
«dans les eaux des pêcheries canadiennes, des
endroits où ainsi que des périodes durant lesquelles
ont lieu la pêche et des activités connexes» et «des
personnes s'adonnant» à des activités de pêche. En
outre, l'article 10 [mod. par S.C. 1976-77, chap.
35, art. 3] de la Loi prévoit expressément ce qui
suit à l'égard de la chasse au phoque:
10. Nul ne doit, au moyen d'un bateau ou navire ou de toute
autre manière, durant le temps de la pêche au phoque, troubler,
gêner ou déranger une pêcherie de phoque, ni empêcher les
troupeaux de phoques d'y entrer, ni les arrêter dans leur
marche, ni sciemment ou délibérément les effrayer.
Sur ce point, la conclusion du juge de première
instance se lit comme suit (à la page 267) :
L'affaire Fowler comporte un autre élément qui la distingue
de l'espèce, en ce sens que dans ce conflit constitutionnel
s'opposaient la compétence législative fédérale et la compétence
législative provinciale. Ce point n'est pas soulevé en l'espèce,
car la véritable question de l'inconstitutionnalité est de savoir si
le Règlement a été édicté par le gouverneur en conseil pour
appliquer l'objet et les dispositions de la Loi sur les pêcheries
pour ce qui est de la gestion et du contrôle adéquats des pêches
côtières et intérieures et la conservation et la protection des
phoques. Contrairement à l'arrêt Fowler, il y a suffisamment de
preuve pour démontrer que la gamme entière des activités
contestées s'inscrit en fait dans le cadre de l'objet et des
dispositions de la loi habilitante. La définition de «pêcherie»
dans la Loi sur les pêcheries comprend les chasseurs de pho-
ques, en qualité de personnes s'adonnant à la chasse du phoque.
La loi reconnaît les pêches comme une ressource naturelle et
publique qui comprend non seulement les animaux marins
eux-mêmes, mais également la chasse du phoque dans la
mesure où il s'agit du droit d'exploiter légitimement les ressour-
ces à l'endroit où on les trouve et où le droit est exercé
légalement. À mon avis, le Règlement sur la protection des
phoques est de la compétence du Parlement, c'est-à-dire qu'il
est conforme à l'objet et aux dispositions de la Loi sur les
pêcheries du fait qu'il s'agit d'un Règlement édicté pour la
gestion et le contrôle adéquats des pêches côtières et pour la
conservation et la protection des phoques. En conséquence,
l'argument des demandeurs en ce qui concerne l'inconstitution-
nalité doit être rejeté.
Je suis en accord avec l'exposé de la question du
juge de première instance ainsi qu'avec sa
conclusion.
II
Le juge de première instance a suivi le même
cheminement analytique pour les deux dispositions
contestées du Règlement. L'exposé ci-dessous s'ap-
plique donc aux deux questions (pages 256 à 264):
Il est maintenant établi hors de tout doute que la Charte est
un document constitutionnel «vivant» dont l'interprétation doit
être vaste et libérale et doit répondre à un objet précis en ce qui
concerne les droits qui y sont garantis.
En ce qui concerne la question de la constitutionnalité, les
demandeurs prétendent que les dispositions contestées du
Règlement sur la protection des phoques empiètent sur leur
liberté d'accès à l'information, ce qui contrevient à l'alinéa 2b)
de la Charte. En outre, ils affirment que les interdictions par le
Règlement d'atterrir ou de survoler en hélicoptère ou autre
aéronef à proximité d'un phoque qui se trouve sur la glace ont
pour effet d'enlever tout sens au permis ou à la permission
d'approcher dans un rayon d'un demi-mille marin d'un endroit
où a lieu une chasse du phoque. Les demandeurs prétendent
également que le FIDA est membre des médias. Je ne puis
accepter cette dernière prétention. Les défendeurs, par contre,
affirment que la liberté d'expression est limitée à la diffusion
des idées et des croyances et n'englobe pas l'aspect plus vaste de
l'accès à l'information comme source d'expression de ces idées
et croyances. Il est allégué, subsidiairement, que si une telle
liberté d'accès à l'information existe, alors les restrictions impo-
sées par le Règlement sont justifiables au sens de l'article
premier de la Charte.
Un examen détaillé et précis de l'alinéa 2b) [de la Charte)
mène, à mon avis, inévitablement à la conclusion que la liberté
d'expression doit inclure la liberté d'accès à toute information
pertinente aux idées ou aux croyances que l'on cherche à
exprimer, sous réserve des restrictions raisonnables et nécessai-
res pour la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou les
moeurs publics ou les droits et libertés fondamentaux d'autrui.
La question ainsi posée est la suivante: le Règlement vise-t-il
la conservation et la protection des phoques ainsi que la gestion
et le contrôle adéquats de la chasse du phoque, compte tenu des
origines ancestrales et traditionnelles de cette chasse et des
droits des personnes dont la subsistance dépend de cette acti-
vité, ou l'objet principal de ce Règlement est-il de supprimer la
liberté d'expression? A mon avis, l'objet du Règlement est
parfaitement valable. Néanmoins, son véritable effet a été
d'empiéter sur la liberté d'expression des demandeurs, garantie
par la Charte, dans le sens large de liberté d'accès à l'informa-
tion. A prime abord, leur droit a été violé et il devient néces-
saire maintenant d'examiner l'article premier de la Charte afin
de déterminer si les limites imposées sont «raisonnables» et si
leur «justification [peut] se démontrer dans le cadre d'une
société libre et démocratique».
Le fardeau de prouver la justification incombe aux défen-
deurs en leur qualité de partisans de la législation contestée.
Quelle sorte de preuve s'impose? La réponse est loin d'être
claire. L'opinion prédominante est qu'il faudrait une preuve
suffisamment forte pour convaincre la cour du caractère raison-
nable des limites, c'est-à-dire de l'équilibre entre les intérêts
légitimes de la société et les droits de l'individu, sauf dans les
cas où cela est évident (voir la décision du juge en chef Dickson
dans l'arrêt R. c. Oakes, précité, à la page 138) et alors, des
arguments convaincants suffiraient probablement à l'emporter.
Dans d'autres affaires, la preuve de la justification pourrait
prendre la forme de rapports ou d'études en sciences sociales.
La forme de la preuve variera sans doute selon les circonstances
de chaque cas.
Dans une déclaration sur la condamnation de Brian Davies
en 1977, le Premier Ministre a précisé que les interdictions du
Règlement, relativement à l'atterrissage ou au survol en aéronef
près d'un phoque qui se trouve sur la glace, visaient à mettre fin
à la pratique, non réglementée et extrêmement dangereuse,
consistant à chasser les phoques par aéronef. Désormais, les
chasseurs ne pourront s'approcher de l'endroit de la chasse que
par navire. Il existe d'autres preuves qui abondent dans le
même sens. Aucune preuve ne nous oblige à conclure que le
Règlement vise à refuser l'accès à la presse. En fait, tout
indique le contraire. En 1982, quarante-neuf demandes de
permission d'observer la chasse ont été présentées, huit ont été
refusées dont celles des trois représentants du FIDA. Les qua-
rante et une demandes acceptées émanaient pour la plupart des
représentants des médias. De même, en 1983, dix-neuf deman-
des de permission ont été présentées dont quinze ont été
acceptées et quatre refusées. Parmi celles qui ont été acceptées,
neuf émanaient de représentants des médias.
Quelles autres raisons justifiaient l'interdiction stricte d'at-
terrir ou de survoler en aéronef près d'un phoque qui se trouve
sur la glace? Selon la preuve, je conclus que le survol d'un
aéronef à basse altitude disperserait les troupeaux de phoques.
Le D' David Lavigne, expert (en phoques) principal des deman-
deurs, a confirmé ce point au cours de son témoignage. B.
Davies lui-même le reconnaît honnêtement. Le fait a été aussi
corroboré clairement par les témoignages de MM. Renaud et
Small, capitaines experts en chasse du phoque ayant à leur actif
une expérience de nombreuses années. La preuve a également
établi que le bruit d'un aéronef perturberait la maman phoque
allaitant son bébé, mais on n'a pu évaluer l'étendue des domma-
ges réels causés par ce genre de perturbation autrement que par
la déduction et en se réduisant aux conjectures. Il est conceva-
ble qu'il doit y avoir certains dommages.
Les restrictions imposées par le gouvernement aux protesta-
taires militants étaient-elles raisonnables dans les circons-
tances? Il y a une distinction très subtile entre le fait de
chercher de l'information afin de mener une campagne efficace
de protestation contre une activité commerciale légale et le fait
de protester contre cette activité sur les lieux mêmes où elle se
déroule. Les chasseurs de phoques devenaient sensibles à toute
cette publicité et refusaient de se laisser photographier. Le
gouvernement les considérait comme un important groupe
social, économique et politique et il désirait reconnaître leur
droit de gagner leur vie, loin de l'intervention des protestataires.
La banquise n'était guère un endroit indiqué pour faire des
protestations. M. Stanley Dudka en était d'ailleurs fermement
convaincu, lui qui était agent supérieur de protection des pêches
et qui avait acquis une grande expérience en la matière en
assistant à de nombreuses chasses. Il a mentionné cinq occa
sions où il a dû aller à la rescousse de B. Davies et de ses
congénères, notamment en raison des mauvaises conditions
atmosphériques.
Le D' Lavigne a raconté l'étrange aventure qu'il a vécue
personnellement en traversant la banquise un matin pour s'en
aller à la chasse et en revenant par le même chemin l'après-
midi pour découvrir que la trace de ses pas avait disparu parce
que la glace s'était complètement retournée dans les eaux du
chenal. La sécurité justifierait à elle seule l'imposition de
certaines restrictions à la liberté d'accès.
Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je suis d'avis que
_ l'intérêt collectif du gouvernement de protéger les phoques,
ainsi que le droit fondamental des chasseurs de phoques d'exer-
cer leur métier ancestral, l'emportent nettement sur la liberté
d'accès à l'information des demandeurs, garantie par la Charte.
En conséquence, les restrictions prévues par le Règlement sur
la protection des phoques sont raisonnables dans les circons-
tances et leur justification peut se démontrer dans le cadre
normal d'une société libre et démocratique.
Selon moi, il ne fait aucun doute que le juge de
première instance a eu raison dans son «examen
détaillé et précis» de la liberté d'expression garan-
tie par la Charte. Je crois qu'il a eu aussi raison en
concluant que «la liberté d'expression doit inclure
la liberté d'accès à toute information pertinente
aux idées ou aux croyances que l'on cherche à
exprimer». Pour en arriver à cette conclusion, il a
cité l'article 19 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques avec Protocole facultatif
[[19761 R.T. Can., n° 47], auquel le Canada a
adhéré, qui se lit comme suit :
ARTICLE 19
1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit
comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre
des informations et des idées de toute espèce, sans considéra-
tion de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou
artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent
article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités
spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines
restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par
la loi et qui sont nécessaires:
a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;
b) À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre
public, de la santé ou de la moralité publiques.
La liberté de rechercher des informations dont il
est question au paragraphe 19(2) a été délibéré-
ment incluse, à l'encontre des vues de ceux qui
préconisaient une protection restreinte au rassem-
blement passif d'informations: le professeur Karl
Josef Partsch, «Freedom of Conscience and
Expression, and Political Freedoms», The Interna
tional Bill of Rights, New York: Columbia Uni
versity Press, 1981, page 218.
Il ne fait aucun doute que, pour emprunter les
mots du juge en chef Dickson dans le Renvoi
relatif à la Public Service Employee Relations
Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, aux pages 349 et
350; 38 D.L.R. (4th) 161, la page 185, «ces
normes constituent une source pertinente et per
suasive d'interprétation des dispositions de cette
dernière [la Charte].» La formulation large du
paragraphe 19(2) du Pacte international est en fait
presque identique à l'article 19 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme [A.G. Rés.
217A (III), Doc. A/810 N.U. (1948)], proclamée
plus tôt et dont le Canada est également signa-
taire. Ledit article se lit comme suit:
19. Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expres-
sion, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses
opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans
considérations de frontières, les informations et les idées par
quelque moyen d'expression que ce soit.
La seule décision de la Cour suprême du
Canada sur la liberté d'expression semblerait sou-
tenir cette conclusion: SDGMR c. Dolphin Deli-
very Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573; 33 D.L.R. (4th)
174. L'arrêt Dolphin Delivery traite de l'autre pôle
de la question de la liberté d'expression, c'est-à-
dire la liberté de répandre plutôt que de rechercher
des informations. Parlant au nom de la majorité, le
juge McIntyre (pages 786 R.C.S.; 791 D.L.R.)
semble être d'avis que toute forme de piquetage
paisible s'inscrit dans la liberté d'expression proté-
gée par l'alinéa 2b) de la Charte. Sur cette ques
tion, voir les notes du professeur Brian Etherington
sur la cause dans (1987), 66 R. du B. Can., p. 818.
Cet élargissement de la liberté d'expression tradi-
tionnellement reconnue au droit de répandre des
informations favoriserait, par analogie, un élargis-
sement de l'interprétation en ce qui concerne la
source.
Compte tenu de cette interprétation élargie, je
serais aussi d'accord avec le juge de première
instance que la clause limitative relative au lieu
énoncée au paragraphe 11(6) du Règlement, en
vertu de laquelle une personne non titulaire d'un
permis ne peut approcher à moins d'un demi-mille
marin du lieu où une chasse au phoque est en
cours, empiète sur la liberté d'expression. Cet
empiétement diffère de celui qui a été invoqué
devant cette Cour dans l'affaire Comité pour la
République du Canada c. Canada, [1987] 2 C.F.
68; 36 D.L.R. (4th) 501, en ce que, comme l'a
constaté le juge de première instance, il découle
apparemment, non pas du but de la loi, mais de
son effet.
Néanmoins, cette clause limitative restreint
complètement la liberté d'expression des appelants
en leur interdisant d'assister à la chasse dans
toutes les circonstances. Son seul bon côté est la
possibilité d'obtenir un permis mais, selon moi,
cette procédure ne saurait racheter un empiéte-
ment par ailleurs total sur une liberté fondamen-
tale prévue à l'article 2. Une restriction au moyen
d'un système de permis ne peut être justifiée qu'en
vertu de l'article 1 2 . Je suis donc d'accord avec le
' Aucune décision canadienne à cet effet n'a été citée à cette
Cour, mais la jurisprudence américaine appuie ma conclusion.
Par exemple, dans l'affaire Shuttlesworth v. Birmingham, 394
U.S. 147 (1969), aux p. 150 et 151, le juge Stewart, parlant au
nom de la majorité de la Cour suprême, affirme que: [TRAuuc-
TION] «une loi qui assujettit l'exercice des libertés du premier
Amendement à un système ... de permis, sans normes étroites,
objectives et précises pour guider les responsables de l'attribu-
tion des permis, est inconstitutionnelle». [C'est moi qui souli-
gne.] La question de la suffisance des normes est une considéra-
tion qui s'inscrit dans le cadre de l'article 1 de la Charte
canadienne (en rapport avec les moyens).
juge de première instance que la clause limitative
relative au lieu du paragraphe 11(6) empiète sur la
liberté d'expression qui est protégée par le para-
graphe 2b) de la Charte. Il est donc nécessaire de
faire une analyse à la lumière de l'article 1.
Le cheminement à suivre pour une telle analyse
se retrouve dans les motifs des deux décisions
maîtresses du juge en chef Dickson, à savoir : R. c.
Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S.
295; 18 D.L.R. (4th) 321; 18 C.C.C. (3d) 385; 13
C.R.R. 64; et La Reine c. Oakes, [ 1986] 1 R.C.S.
103; 26 D.L.R. (4th) 200; 65 N.R. 87; 24 C.C.C.
(3d) 321; 19 C.R.R. 308. Dans ce dernier juge-
ment, il énonce les critères applicables qui suivent
aux pages 138 et 139 R.C.S.; 227 D.L.R.; 128 et
129 N.R.; 348 C.C.C.; 336 et 337 C.R.R.:
Pour établir qu'une restriction est raisonnable et que sa
justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre
et démocratique, il faut satisfaire à deux critères fondamen-
taux. En premier lieu, l'objectif que visent à servir les mesures
qui apportent une restriction à un droit ou à une liberté
garantis par la Charte, doit être «suffisamment important pour
justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par
la Constitution»: R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p.
352. La norme doit être sévère afin que les objectifs peu
importants ou contraires aux principes qui constituent l'essence
même d'une société libre et démocratique ne bénéficient pas de
la protection de l'article premier. Il faut à tout le moins qu'un
objectif se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles
dans une société libre et démocratique, pour qu'on puisse le
qualifier de suffisamment important.
En deuxième lieu, dès qu'il est reconnu qu'un objectif est
suffisamment important, la partie qui invoque l'article premier
doit alors démontrer que les moyens choisis sont raisonnables et
que leur justification peut se démontrer. Cela nécessite l'appli-
cation d'aune sorte de critère de proportionnalité»: R. c. Big M
Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. Même si la nature du
critère de proportionnalité pourra varier selon les circonstances,
les tribunaux devront, dans chaque cas, soupeser les intérêts de
la société et ceux de particuliers et de groupes. A mon avis, un
critère de proportionnalité comporte trois éléments importants.
Premièrement, les mesures adoptées doivent être soigneusement
conçues pour atteindre l'objectif en question. Elles ne doivent
être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considéra-
tions irrationnelles. Bref, elles doivent avoir un lien rationnel
avec l'objectif en question. Deuxièmement, même à supposer
qu'il y ait un tel lien rationnel, le moyen choisi doit être de
nature à porter «le moins possible» atteinte au droit ou à la
liberté en question: R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la
page 352. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre
les effets des mesures restreignant un droit ou une liberté
garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme «suffisam-
ment important».
Les appelants ont soutenu que le juge de pre-
mière instance n'avait tenu compte que du
deuxième critère. Selon moi, il semble avoir
conclu, du moins implicitement, que le critère
relatif à l'objectif du Règlement était satisfait.
Mais, qu'il ait ou non fait cette constatation, la
question a été plaidée en profondeur devant cette
Cour et elle doit maintenant être tranchée.
Les intimés ont maintenu que le double objectif
législatif était de protéger les troupeaux de pho-
ques et le droit des chasseurs de gagner leur vie.
Les appelants ont soutenu que, selon le Pacte
internationnal relatif aux droits civils et politi-
ques avec Protocole facultatif, on ne pouvait tenir
compte de ni l'un ni l'autre de ces objectifs dans
l'application de l'article 1. Ils s'appuient sur le
paragraphe 19(3) de ce Pacte qui, comme il est
énoncé ci-dessus, ne limite l'exercice de la liberté
d'expression que lorsqu'il est nécessaire de le faire
pour le «respect des droits ou de la réputation
d'autrui ... la sauvegarde de la sécurité nationale,
de l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publiques».
J'hésiterais à adopter cette interprétation à l'en-
contre de la formulation claire et ouverte de l'arti-
cle 1 de la Charte, qui parle de «limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se
démontrer dans le cadre d'une société libre et
démocratique». Si le législateur avait voulu res-
treindre les valeurs protégées par la Charte de la
façon proposée, il aurait facilement pu le faire;
mais il a adopté une autre formule. J'estime que
l'utilisation d'une liste semblable («la sécurité, l'or-
dre, la santé ou les moeurs publics ou les libertés et
droits fondamentaux d'autrui») par le juge en chef
Dickson dans un contexte général dans la décision
Big M Drug Mart Ltd., précité, aux pages 337
R.C.S.; 354 D.L.R.; 418 C.C.C.; 97 et 98 C.R.R.,
vise plutôt à illustrer qu'à circonscrire. En fait,
dans l'arrêt Oakes (aux pages 136 R.C.S.; 225
D.L.R.; 125 et 126 N.R.; 346 C.C.C.; 334 et 335
C.R.R.) le juge en chef offre une formulation plus
large qu'il laisse aussi explicitement libre:
Un second élément contextuel d'interprétation de l'article
premier est fourni par l'expression < span> libre et démocrati-
que». L'inclusion de ces mots à titre de norme finale de
justification de la restriction des droits et libertés rappelle aux
tribunaux l'objet même de l'enchâssement de la Charte dans la
Constitution: la société canadienne doit être libre et démocrati-
que. Les tribunaux doivent être guidés par des valeurs et des
principes essentiels à une société libre et démocratique, lesquels
comprennent, selon moi, le respect de la dignité inhérente de
l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales,
l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de
chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institu
tions sociales et politiques qui favorisent la participation des
particuliers et des groupes dans la société.
En outre, le paragraphe 19(3) doit s'interpréter
compte tenu du contexte d'ensemble du Pacte
international. À cet égard, le préambule est parti-
culièrement pertinent:
Reconnaissant que, conformément à la Déclaration univer-
selle des droits de l'homme, l'idéal de l'être humain libre,
jouissant des libertés civiles et politiques et libéré de la crainte
et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions
permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques,
aussi bien que de ses droits économiques, sociaux et culturels,
sont créées. [C'est moi qui souligne.]
Il faut également tenir compte de l'article 1:
ARTICLE PREMIER
I. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En
vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique
et assurent librement leur développement économique, social et .
culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer
librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles,
sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération
économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt
mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne
pourra être privé de ses propres moyens de subsistance. [C'est
moi qui souligne.]
Ces renvois indiquent que cette convention inter-
nationale doit être interprétée de concert avec le
Pacte international relatif aux droits économi-
ques, sociaux et culturels [[1976] R.T. Can., n°
46] auquel le Canada' est partie, et évidemment en
comtemplation des droits protégés par ce pacte, en
particulier «l'idéal de l'être humain libre, libéré de
la crainte et de la misère» (préambule) et «le droit
de toute personne à un niveau de vie suffisant pour
elle-même et sa famille» (paragraphe 11(1)).
Les constatations du juge de première instance
quant aux intérêts publics que le Règlement pro-
tège et dont il faut conséquemment tenir compte
en vertu de l'article 1 sont claires. Dans un passage
(page 264), il y fait référence comme étant le
devoir «de protéger les phoques, ainsi que le droit
fondamental des chasseurs de phoques d'exercer
leur métier ancestral». Dans un autre passage
(page 267), il parle des pêcheries «comme une
ressource naturelle et publique qui comprend non
seulement les animaux marins eux-mêmes, mais
également la chasse du phoque dans la mesure où
il s'agit du droit d'exploiter légitimement les res-
sources à l'endroit où on les trouve et où le droit
est exercé légalement». Je vais appeler les deux
intérêts gouvernementaux qu'il a cernés, l'intérêt
environnemental et l'intérêt des chasseurs.
Les appelants ont incité la Cour à conclure que
le seul intérêt public en jeu avait trait au droit des
chasseurs de gagner leur vie, mais ils n'ont pas
réussi, selon moi, à démontrer le fondement d'une
telle interprétation des faits. En outre, le rapport
entre la quantité de poissons et le nombre de
phoques, qui se nourrissent de poissons, constitue
un phénomène naturel si fondamental qu'il est
difficile de voir comment on pourrait ignorer le
facteur environnemental.
Dans les décisions Big M et Oakes, la Cour
suprême a indiqué que, pour bénéficier de la pro
tection de l'article 1, l'objectif gouvernemental doit
être suffisamment important pour justifier la sup
pression d'une liberté garantie par la Constitution;
il doit être important et compatible avec les princi-
pes qui constituent l'essence même d'une société
libre et démocratique; et il doit se rapporter à des
préoccupations urgentes et réelles. Je ne crois pas
que le mot urgentes doive s'entendre d'une urgence
temporelle, mais plutôt s'entendre d'une préoccu-
pation réelle et suffisamment importante.
À mon avis, en l'espèce les objectifs du gouver-
nement satisfont à cette norme sévère. Le droit de
gagner sa vie est l'un des droits économiques les
plus fondamentaux, sinon le plus fondamental, et il
peut être considéré comme nécessaire à l'épanouis-
sement de l'être humain. En ce sens il peut même
être perçu comme un droit social plutôt qu'un
simple intérêt économique. De plus, il constitue
certainement un aspect du droit à un «niveau de
vie suffisant» reconnu au paragraphe 11(1) du
Pacte international relatif aux droits économi-
ques, sociaux et culturels.
En ce qui concerne l'objectif environnemental, je
crois que la récente décision de la Cour suprême
du Canada, R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd.,
[[1988] 1 R.C.S. 401, est très pertinente. La com-
pétence législative fédérale relative à la protection
de l'environnement marin contre la pollution était
le point en litige. La Cour a majoritairement
décidé (quatre juges sur sept) que la pollution
marine représentait une préoccupation de dimen
sion nationale suffisamment importante pour rele-
ver de la clause relative à «la paix, l'ordre et le bon
gouvernement». Il me semble raisonnable de con-
clure que la question connexe visant l'équilibre
environnemental entre le poisson et les phoques
constitue un objectif législatif réel et suffisamment
important pour mériter la protection de l'article
premier.
Dès lors qu'un objectif est reconnu comme au
moins de prime abord a suffisamment important, la
partie qui invoque l'article premier doit alors éta-
blir que les moyens choisis sont raisonnables et que
leur justification peut se démontrer. Les trois élé-
ments du critère de proportionnalité énoncés dans
l'arrêt Oakes se résument comme suit: lien ration-
nel avec l'objectif en question, atteinte minimale à
la liberté en cause et proportionnalité entre les
effets et l'objectif. A la lumière de ces éléments, il
devient évident que la restriction relative au lieu
contient un vice rédhibitoire, et que l'on pourrait
également examiner cette limite en fonction de
l'exigence voulant que toute restriction d'une
liberté protégée le soit par «une règle de droit»,
comme ce concept a été élaboré par le professeur
Dale Gibson dans The Law of the Charter: Gene
ral Principles, Toronto: Carswell, 1986, aux pages
152à 155.
Les intimés ont tenté d'établir qu'en vertu du
système de permis prévu au paragraphe 11(9)
toutes les demandes d'accès seraient accordées.
Cependant, une telle interprétation simpliste est
contredite par le fait que l'on a refusé des deman-
des du FIDA, ou des demandes faites pour le
compte du FIDA, probablement durant plusieurs
années, mais particulièrement en 1982. En 1981 on
a aussi refusé les demandes de B. Davies et S. Best
et l'on n'a accordé qu'une seule permission d'une
journée à un membre du FIDA pour assister à la
chasse en présence d'un fonctionnaire préposé à
l'application de la Loi sur les pêcheries (Trans-
cription de la preuve, vol. 1, pages 95 et 102;
vol. 2, pages 255 et 317; vol. 3, pages 321 et 383).
En fait, l'avocat des intimés n'a pas pu soutenir
cette prétention dans son argument.
3 À mon avis, l'interprétation du juge en chef Dickson de son
troisième élément portant sur le moyen semble faire supposer
qu'à la limite de l'analyse du critère de proportionnalité
qu'exige l'article 1 on puisse reconsidérer la suffisance de
l'objectif. Si tel est le cas, on ne l'a jamais établi que de prime
abord.
En fait, la procédure d'attribution de permis qui
est prévue par le Règlement représente un pouvoir
discrétionnaire officiel au sens large. On n'y
retrouve aucune norme, même formulée verbale-
ment. La restriction de la liberté d'expression ne
peut pas être laissée au bon vouloir d'un fonction-
naire; elle doit être énoncée aussi précisément que
le permet la question en cause: Re Ontario Film
and Video Appreciation Society and Ontario
Board of Censors (1983), 147 D.L.R (3d) 58 (C.
div. Ont.); confirmé (1984), 5 D.L.R. (4th) 766
(C.A. Ont.); 41 O.R. (2d) 583; confirmé 45 O.R.
(2d) 80; permission d'appel à la C.S.C. accordée;
désistement le 17 décembre 1985.
La clause limitative relative au lieu ne satisfait
pas au moins au deuxième et troisième critères des
moyens. Ceux-ci, loin de porter atteinte le moins
possible à la liberté d'expression, ne tendent même
pas à restreindre l'empiétement autant que possi
ble. De plus, les effets du Règlement sont nette-
ment disproportionnés à l'objectif législatif en ce
qu'ils dépassent de beaucoup ce qui est nécessaire
à cette fin.
111
Comme je l'ai mentionné, le juge de première
instance a suivi le même cheminement analytique
pour la clause limitative relative au lieu et la
clause limitative relative à l'usage d'un aéronef qui
sont prévues au Règlement, et il les a tout au long
traitées ensemble. Je crois qu'il a ainsi commis une
erreur de droit, étant donné que les effets des deux
clauses limitatives ne sont pas les mêmes: la pre-
mière constitue un empiétement illimité sur la
liberté d'expression et la deuxième, un empiéte-
ment partiel et peut-être même minime.
La preuve que j'ai examinée plus tôt démontre
que la clause limitative relative à l'usage d'un
aéronef est amplement justifiée pour protéger les
phoques et, en fait, la vie humaine. Même s'il est
reconnu qu'elle a un certain effet sur la liberté
d'expression des appelants, ceux-ci doivent néan-
moins démontrer que l'effet était suffisant pour
constituer une violation de l'article 2. Selon moi,
ceci est particulièrement important lorsque la vio
lation putative n'a lieu qu'à travers ses effets et
qu'elle n'était pas le but visé par le règlement.
Dans la décision Big M, précitée, dans laquelle
la Cour examinait un ordre direct, sous peine de
sanction, d'observer le dimanche, le juge en chef
Dickson a insisté sur la coercition comme élément
constitutif de l'empiétement sur la liberté de reli
gion (pages 336 et 337 R.C.S.; 354 D.L.R.; 417 et
418 C.C.C.; 97 et 98 C.R.R.):
La liberté peut se caractériser essentiellement par l'absence
de coercition ou de contrainte. Si une personne est astreinte par
l'État ou par la volonté d'autrui à une conduite que, sans cela,
elle n'aurait pas choisi d'adopter, cette personne n'agit pas de
son propre gré et on ne peut pas dire qu'elle est vraiment libre.
L'un des objectifs importants de la Charte est de protéger, dans
des limites raisonnables, contre la coercition et la contrainte. La
coercition comprend non seulement la contrainte flagrante
exercée, par exemple, sous forme d'ordres directs d'agir ou de
s'abstenir d'agir sous peine de sanction, mais également les
formes indirectes de contrôle qui permettent de déterminer ou
de restreindre les possibilités d'action d'autrui. La liberté au
sens large comporte l'absence de coercition et de contrainte et
le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté
signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires
pour préserver la sécurité, l'ordre, la santé ou les moeurs publics
ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui, nul ne peut être
forcé d'agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience.
[C'est moi qui souligne.]
Il reprend le même thème dans la décision R. c.
Edwards Books and Art Ltd., [ 1986] 2 R.C.S.
713, la page 759; 35 D.L.R. (4th) 1, aux pages
34 et 35; 55 C.R. (3d) 193, aux pages 226 et 227;
30 C.C.0 (3d) 385, aux pages 418 et 419; 28
C.R.R. 1, aux pages 33 et 34:
Cela ne veut pas dire cependant que toute entrave à certaines
pratiques religieuses porte atteinte à la liberté de religion
garantie par la Constitution. Cela signifie uniquement qu'une
entrave indirecte ou involontaire ne sera pas, de ce seul fait,
considérée comme non assujettie à la protection de la Charte.
L'alinéa 2a) n'exige pas que les législatures éliminent tout coût,
si infime soit il, imposé par l'Etat relativement à la pratique
d'une religion. Autrement, la Charte offrirait une protection
contre une mesure législative laïque aussi inoffensive qu'une loi
fiscale qui imposerait une taxe de vente modeste sur tous les
produits, y compris ceux dont on se sert pour le culte religieux.
A mon avis, il n'est pas nécessaire d'invoquer l'article premier
pour justifier une telle mesure législative. L'alinéa 2a) a pour
objet d'assurer que la société ne s'ingérera pas dans les croyan-
ces intimes profondes qui régissent la perception qu'on a de soi,
de l'humanité, de la nature et, dans certains cas, d'un être
supérieur ou différent. Ces croyances, à leur tour, régissent
notre comportement et nos pratiques. La Constitution ne pro-
tège les particuliers et les groupes que dans la mesure où des
croyances ou un comportement d'ordre religieux pourraient être
raisonnablement ou véritablement menacés. Pour qu'un fardeau
ou un coût imposé par l'État soit interdit par l'al. 2a), il doit
être susceptible de porter atteinte à une croyance ou pratique
religieuse. Bref, l'action législative ou administrative qui accroit
le coût de la pratique ou de quelque autre manifestation des
croyances religieuses n'est pas interdite si le fardeau ainsi
imposé est négligeable ou insignifiant ... [C'est moi qui
souligne.]
Dans le passage précité, le juge Dickson décrit
les coûts admissibles par les adjectifs «minimes»,
«négligeables» et «insignifiants», le dernier ayant
peut-être un sens plus large que les deux premiers.
A mesure que le juge en chef poursuit son analyse,
l'accent semble se faire plus insistant (aux pages
762 767 R.C.S.; 36 40 D.L.R.; 229 233 C.R.;
420 424 C.C.C.; 36 40 C.R.R.:
La Loi a des répercussions différentes sur les personnes qui
ont des croyances religieuses différentes. Quatre catégories de
personnes pourraient être touchées d'une manière différente:
celles qui n'observent aucun jour de repos religieux, celles qui
observent le dimanche, celles qui observent le samedi et celles
qui observent un autre jour de la semaine.
(i) Les personnes qui n'observent aucun jour de repos
religieux
Considérons d'abord les personnes qui, sur le plan de leur foi,
ne souscrivent à aucune obligation de s'abstenir de travailler ou
de faire des courses un jour précis de la semaine.
Toutefois, pour les raisons que j'ai exposées plus haut, les
effets de la Loi sur les détaillants non pratiquants sont en
général de nature laïque et ne portent pas atteinte à leur liberté
de conscience ou de religion, tout au moins en l'absence d'élé-
ments de preuve concluants que la volonté de demeurer ouvert
est animée par des objectifs de dissidence religieuse plutôt que
par des considérations purement commerciales.
(ii) Les personnes qui observent le dimanche
La Loi a des répercussions favorables sur les personnes qui
observent le dimanche. En obligeant certains autres détaillants
à s'abstenir de faire des affaires un jour qui revêt une impor
tance religieuse particulière pour ceux qui observent le diman-
che, ces derniers évitent la perte d'une partie du marché aux
mains des détaillants qui auraient ouvert leurs portes le diman-
che en l'absence de la Loi. L'adoption de la Loi a permis de
réduire le coût que l'observance religieuse représente pour ceux
qui observent le dimanche.
(iii) Les personnes qui observent le samedi
D'après certaines preuves versées au dossier, c'est un pré-
cepte religieux de la foi juive et de celle des adventistes du
septième jour que de s'abstenir de travailler ou de faire des
affaires le samedi. Il se peut qu'il y ait d'autres confessions qui
observent aussi le samedi comme jour de repos religieux, mais
pour les fins des présents pourvois, ce sont les effets sur les juifs
et les adventistes du septième jour qui seront examinés.
Le procureur général de l'Ontario soutient que tout désavan-
tage que peuvent subir les détaillants qui observent le samedi
est une conséquence de leurs croyances religieuses et non de la
Loi. Même en l'absence de la Loi, les adventistes du septième
jour et les juifs dévots fermeraient le samedi. La Loi a pour
effet de les obliger, comme tout le monde, sous réserve des
exemptions mais indépendamment de leurs convictions religieu-
ses, à fermer le dimanche.
Vu les caractéristiques du secteur du commerce de détail
décrit dans le Report on Sunday Observance Legislation, je me
vois dans l'impossibilité de faire une distinction aussi nette
entre les avantages dont bénéficient les détaillants qui obser-
vent le dimanche et les fardeaux imposés à ceux qui observent
le samedi. Le Rapport parle à maintes reprises de la nature
extrêmement concurrentielle du commerce de détail, qui fait
qu'une augmentation des ventes que connaît un détaillant en
raison de ses pratiques de mise en marché a tendance à
entraîner une diminution importante des ventes d'autres détail-
lants. Il s'ensuit que si la Loi confère un avantage aux détail-
lants qui observent le samedi, la Loi impose alors un fardeau à
ces derniers.
Une comparaison attentive des effets des lois de fermeture le
dimanche sur différents groupes religieux démontre clairement
comment ce fardeau découle de ces lois. En l'absence d'inter-
vention législative, la personne qui observe le samedi et celle qui
observe le dimanche serait à peu près sur un pied d'égalité
lorsqu'il s'agirait pour elles de se disputer une partie du pouvoir
d'achat des consommateurs. Toutes deux pourraient ouvrir
leurs commerces pendant tout au plus six jours par semaine.
Toutes deux seraient désavantagées par rapport aux détaillants
non pratiquants qui auraient la possibilité d'ouvrir leurs portes
sept jours sur sept. À cet égard cependant, elles n'auraient pas
de recours en droit puisque leur désavantage découlerait exclu-
sivement de leurs principes religieux: je suis d'accord avec le
professeur Petter pour dire que l'État n'a normalement aucune
obligation en vertu de l'al. 2a) de prendre des mesures positives
pour éliminer les coûts normaux des pratiques religieuses. Mais,
toute exemption mise à part, la Loi sur les jours fériés dans le
commerce de détail a pour effet de placer celui qui observe le
samedi dans la même situation de désavantage normal par
rapport au non-pratiquant, et d'ajouter le nouveau désavantage,
purement légal, d'avoir à fermer un jour de plus par rapport à
celui qui observe le dimanche. Tout comme elle rend moins
coûteuse la pratique des croyances religieuses pour ceux qui
observent le dimanche, la Loi a en même temps pour effet de
rendre cette pratique plus onéreuse pour certains détaillants
juifs et adventistes du septième jour.
Il ressort de l'analyse qui précède que le désavantage d'ordre
concurrentiel que subissent en raison de la Loi les détaillants
qui observent le samedi sans pouvoir bénéficier d'une exemp
tion, profite aux détaillants qui observent le dimanche. Le
Report on Sunday Observance Legislation décrit, à la p. 269,
ceux qui vont à l'église le dimanche comme étant [TRADUC-
TION] aune minorité importante de la population». D'après les
seuls éléments de preuve dont la Cour est saisie, je ne pense
donc pas que la pression de la concurrence exercée sur les
détaillants non exemptés pour qu'ils cessent d'observer le
samedi comme jour de sabbat puisse être qualifiée de peu
importante ou de négligeable. Il s'ensuit que leur liberté de
religion est diminuée par la Loi.
Il importe de reconnaître cependant que ce ne sont pas tous
les détaillants qui observent le samedi qui subissent un préju-
dice. La Loi n'est pas seulement neutre quant à ses répercus-
sions sur les détaillants juifs et adventistes du septième jour qui
peuvent, en pratique, respecter les limites quant au nombre
d'employés et à la surface fixées par le par. 3(4). Elle leur
profite aussi en les plaçant à peu près sur un pied d'égalité avec
les détaillants non pratiquants, leurs concurrents, qui, en l'ab-
sence d'intervention législative, seraient libres de faire des
affaires sept jours par semaine. Loin de créer un fardeau
systématiquement discriminatoire pour tous les détaillants
d'une foi particulière, la Loi a pour effet de profiter à certains
tout en désavantageant d'autres.
Enfin, je remarque que la Loi impose aussi un fardeau aux
consommateurs qui observent le samedi. Pour les familles
monoparentales ou les familles dont les deux conjoints travail-
lent du lundi au vendredi, la fin de semaine fournit l'occasion
de faire ce qu'on n'a pas le temps de faire pendant la semaine.
La Loi ne réduit pas la possibilité de ceux qui observent le
dimanche de faire leurs courses ou d'obtenir certains services
professionnels le samedi, mais elle la circonscrit pour ceux qui
observent le samedi en imposant la fermeture des commerces le
dimanche. Quoique la Cour ne soit saisie d'aucun élément de
preuve au sujet de la mesure dans laquelle les possibilités de
magasinage sont réduites le dimanche, je suis disposé à présu-
mer, pour les fins des présents pourvois, que le fardeau imposé
aux consommateurs qui observent le samedi est important et
constitue une restriction à leur liberté religieuse. Je souligne
que ce fardeau peut être particulièrement onéreux pour les
consommateurs juifs qui dépendent de détaillants comme Nor -
town Foods Ltd. pour ce qui est d'obtenir de la nourriture
conforme aux règles diététiques de leur religion quoique, ici
encore, je doive faire observer qu'aucun élément de preuve n'a
été offert au sujet de la mesure dans laquelle il est possible
d'acheter des aliments cascher chez les petits détaillants le
dimanche.
(iv) Les personnes qui observent un autre jour de la semaine
En l'absence d'une preuve forte quant à la nature de l'obser-
vance du mercredi par les hindous ou de celle du vendredi par
les musulmans, je ne veux pas, et d'ailleurs je ne suis pas en
mesure de le faire, évaluer les effets de la Loi sur les membres
de ces groupes religieux ...
La preuve soumise concernant la foi islamique est encore
moins suffisante.
Ce qui frappe, c'est le point jusqu'où le juge en
chef pousse son analyse en ce qui concerne l'am-
pleur du fardeau imposé (ou de l'avantage conféré,
dans une situation concurrentielle). Il semble évi-
dent que, pour qu'il y ait empiétement sur une
liberté de l'article 2, l'entrave imposée à la liberté
en cause doit être l'opposé de «insignifiant[e]». Si
dans le langage positif «important[e]» constitue
une norme trop sévère, peut-être pourrait-on dire
au moins «réel[le]» ou «déraisonnable».
À mon avis, le rapport indirect entre le droit
contesté et la liberté protégée doit sûrement être
pertinent pour établir l'ampleur de l'entrave impo
sée à l'exercice de cette liberté. En l'espèce, ce
n'est pas la liberté d'expression protégée qui est
directement en litige mais plutôt le droit non pro-
tégé de se déplacer librement. En l'absence de
considérations visant la liberté de réunion et d'as-
sociation de l'article 2, une telle liberté de mouve-
ment ne mérite la protection de la Charte que dans
la mesure où elle est nécessaire à l'exercice de la
liberté d'expression. Par conséquent, l'usage d'un
mode de transport particulier pour se rendre au
lieu où les informations peuvent être recueillies ne
sera protégé que dans la mesure incidente néces-
saire à l'exercice de la liberté d'expression. C'est
aux appelants à démontrer cette nécessité, et plus
celle-ci est indirecte, plus le fardeau devient oné-
reux. L'ampleur du fardeau que l'on croit être
imposé reste toujours une question de proportion-
nalité.
En l'espèce, on accédait habituellement au lieu
de la chasse du phoque par bateau; les chasseurs
eux-mêmes s'y rendaient souvent à pied en mar-
chant sur la glace à partir du rivage ou d'un
bateau (Transcription de la preuve, vol. 1, page 46;
vol. 3, page 269). Le juge de première instance fait
observer (à la page 253) qu'en 1981 «l'embâcle
transporte les phoques jusqu'aux rivages même de
l'Île-du-Prince -Edouard et pousse un grand
nombre de profanes et d'amateurs de frissons à se
joindre à la chasse».
Comme je l'ai mentionné, il incombe aux appe-
lants de démontrer la mesure dans laquelle la
clause limitative relative à l'usage de l'aéronef et le
fait qu'ils aient à voyager par bateau ou à atterrir
par aéronef à au moins un demi-mille marin de la
région d'une chasse (ou même de ce qui semble un
phoque sur la glace) entravent l'exercice de leur
liberté d'expression. On peut présumer que cette
restriction incommode les appelants jusqu'à un
certain point, mais ceux-ci doivent démontrer qu'il
s'agit d'un inconvénient déraisonnable ou plus que
négligeable. Nous ne saurons jamais quelle impor
tance le juge de première instance aurait attribuée
aux facteurs en cause, car il ne s'est pas penché sur
cette question. Les intimés se sont gardés de pré-
tendre devant cette Cour qu'ils n'avaient pas admis
une certaine mesure d'empiétement sur la liberté
d'expression, mais les appelants n'ont pas plaidé ce
point. Il nous faut donc trouver la réponse dans le
dossier, qui semble indiquer que le fardeau qui leur
a été imposé était, en fait, minime.
Leur allégation (Transcription de la preuve, vol.
4, page 384) voulant que la photographie aérienne
ait été rendue inefficace me semble négligeable,
compte tenu de la possibilité de prendre des photo-
graphies au sol, abstraction faite de la clause
limitative relative au lieu. Le fait que deux réseaux
de télévision américains n'aient pas couvert leurs
activités (Transcription de la preuve, vol. 1, page
19) n'a pas vraiment de rapport avec la clause
limitative relative à l'usage d'un aéronef. En fait,
selon moi, ils ont exagéré en interprétant cette
clause restrictive comme une interdiction d'atterrir
en toute circonstance là [TRADUCTION] «OÙ se
trouvait un phoque sous une saillie de glace, là ou
un phoque montait sur la glace, là où un phoque
était couvert de neige» (Transcription de la preuve,
vol. 1, page 102). Il ne s'agit pas d'une Loi qui
impose une responsabilité stricte; la preuve qu'ont
été prises les mesures que prendrait toute per-
sonmne raisonnable serait suffisante.
Il ne fait pas de doute que les appelants, tout
comme les chasseurs et les fonctionnaires, ont eu
de sérieuses difficultés d'accès, mais celles-ci ont
plutôt été causées par la nature de la région en
cause que par la clause restrictive du Règlement.
Une masse de glace qui se déplace sur une mer
dangereuse constitue un site bien différent du
milieu terrestre stable où les informations sont
habituellement recueillies. Les appelants en étaient
bien conscients; ils ont même envisagé la construc
tion d'un bateau qui serait placé au milieu des
phoques et servirait de base aux touristes (Trans-
cription de la preuve, vol. 1, page 19).
À l'examen du dossier, je dois conclure que les
appelants n'ont pas réussi à démontrer que la
clause limitative relative à l'usage d'un aéronef
leur a imposé une entrave déraisonnable ou même
plus que négligeable dans l'exercice de leur liberté
d'expression.
IV
Par conséquent, en ce qui concerne le paragraphe
11(6) du Règlement, j'accueillerais l'appel, annu-
lerais le jugement du juge de première instance et
rendrais un jugement déclaratoire portant que ce
paragraphe est incompatible avec les dispositions
de la Charte et, par conséquent, est nul et sans
effet.
En ce qui concerne le paragraphe 11(5) du
Règlement, je rejetterais l'appel.
Étant donné que les appelants ont gagné une
bonne partie de leur appel, je leur accorderais leurs
dépens ici et au palier inférieur.
LE JUGE MAHONEY: J'y souscris.
LE JUGE HUGESSEN: J'y souscris.
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