T-2048-88
Francis Creighton Muldoon et Max Mortimer
Teitelbaum (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine et procureur général du
Canada (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: MULDOON C. CANADA
Division de première instance, juge suppléant
Walsh—Ottawa, ler et 3 novembre 1988.
Élections — L'art. 14(4)d) de la Loi électorale du Canada
(qui rend les juges nommés par le gouverneur en conseil
inhabiles à voter) est déclarée inopérante conformément à l'art.
24 de la Charte et l'art. 52(1) de la Loi constitutionnelle de
1982 — Procédures non-contestées — Les parties reconnais-
sent que l'art. 14(4)d) ne constitue pas une limite raisonnable
imposée par une règle de droit dont il est question à l'art. I de
la Charte — Le jugement déclaratoire est accordé puisqu'il est
justifié par les faits et qu'il ne constitue pas un déni de justice.
Juges et tribunaux — Juges de la Cour fédérale du Canada
— L'inhabilité légale des juges nommés par le gouverneur en
conseil de voter aux élections fédérales est déclarée inopérante
puisqu'elle viole les droits démocratiques garantis par la
Charte — L'inhabilité en question ne constitue pas une limite
raisonnable imposée par une règle de droit — 1l est trop
simpliste de dire que le scrutin secret protège les juges contre
la partialité politique perçue par le public — On n'a soumis
aucune preuve quant à savoir si des sociétés démocratiques
interdisent aux juges de voter.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits démo-
cratiques — L'art. 14(4)d) de la Loi électorale du Canada qui
rend les juges inhabiles à voter, ne constitue pas une limite
raisonnable au sens de l'art. I de la Charte.
Pratique — Jugements et ordonnances — Consentement à
jugement — La défense n'équivaut pas à une confession de
jugement même si elle reconnaît tous les faits allégués et que
les demandeurs ont droit à la réparation demandée — Le litige
de l'espèce soulève une question de droit constitutionnel — Le
tribunal devrait accepter l'entente conclue entre les parties,
sauf si les faits ne la justifient pas ou si elle ne sert pas les fins
de la justice.
Les demandeurs sollicitent aux termes de l'article 24 de la
Charte et du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de
1982, un jugement déclaratoire portant que l'alinéa 14(4)d) de
la Loi électorale du Canada est inopérant. Les défendeurs
admettent tous les faits allégués dans la déclaration et que
l'alinéa 14(4)d) ne constitue pas une »limite raisonnable impo
sée par une règle de droit» dont il est question à l'article 1 de la
Charte.
Jugement: la réparation demandée doit être accordée.
Les procédures non-contestées de l'espèce ne permettent pas
d'examiner les deux questions juridiques qui auraient pu être
soulevées. Premièrement, notre système politique est ainsi
conçu qu'il était trop simpliste de s'en remettre au scrutin
secret pour empêcher le public de penser que les juges pour-
raient avoir des sympathies politiques partisanes. Deuxième-
ment, même si les demandeurs ont soumis une liste des sociétés
démocratiques permettant aux juges des cours supérieures de
voter, il se peut qu'il y ait d'autres sociétés qui interdisent aux
juges de voter. Même si l'octroi d'un jugement déclaratoire est
discrétionnaire, il ne peut être refusé de façon arbitraire, sauf
s'il n'est pas justifiée par les faits ou s'il est susceptible de
constituer un déni de justice. La présente cause soulève des
arguments convaincants pour conclure que l'alinéa 14(4)d) est
inopérant aux termes de l'article 24 de la Charte et du paragra-
phe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 3, 24.
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur
le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1).
Loi électorale, L.Q. 1979, chap. 56.
Loi électorale du Canada, S.R.C. 1970, chap. 14 (let
Supp.), art. 14(4)d) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap.
108, art. 42), e), f).
Loi sur les élections fédérales contestées, S.R.C. 1970,
chap. C-28.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
405.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Lévesque c. Canada (procureur général), [1986] 2 C.F.
287 (1" inst.); Gould c. Procureur général du Canada,
[1984] 1 C.F. 1119 (l te inst.); [1984] 1 C.F. 1133 (C.A.);
Conseil canadien des droits des personnes handicapées c.
Canada, [1988] 3 C.F. 622 (1` e inst.).
AVOCATS:
Reisa Teitelbaum pour les demandeurs.
Graham R. Garton, c.r. pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Pollack, Machlovitch, Kravitz & Teitelbaum,
Montréal, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT WALSH: Les demandeurs,
tous deux juges de la Cour fédérale du Canada
nommés par le gouverneur en conseil, demandent
un jugement déclaratoire portant que l'alinéa
14(4)d) de la Loi électorale du Canada, S.R.C.
1970, chap. 14 (l er Supp.) [mod. par S.C. 1974-
75-76, chap. 108, art. 42], qui les rend inhabiles à
voter, en leur qualité de juges nommés par le
gouverneur en conseil, à l'élection des députés à la
Chambre des communes, est déclaré inopérant
conformément à l'article 24 de la Charte et au
paragraphe 52(1) (Partie VII) de la Loi constitu-
tionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Voici le libellé de l'article 3 de la Charte
[Charte canadienne des droits et libertés, qui cons-
titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)]:
3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux
élections législatives fédérales ou provinciales.
Les demandeurs ne nient pas que le droit de vote
doit nécessairement comporter certaines limites (si
tel n'était pas le cas, les enfants, par exemple,
pourraient voter) et l'article 14 de la Loi électorale
du Canada entend établir ces limites. L'alinéa
14(4)d) rend inhabile à voter «tout juge nommé
par le gouverneur en conseil».
Les demandeurs soutiennent que la justification
d'aucune limite raisonnable imposée par une règle
de droit ne saurait être démontrée à l'appui du
retrait de leur droit de vote, droit dont jouit
chaque citoyen canadien. Ils admettent être inha-
biles à siéger à la Chambre des communes et à
toute autre assemblée législative, tout comme ils
reconnaissent ne pouvoir être membres d'un con-
seil municipal ni occuper aucune fonction élective.
Ils concèdent en outre être inhabiles à participer à
une telle élection ou à toute autre en qualité de
partisans politiques publics, et ils se fient au carac-
tère secret du scrutin pour préserver le caractère
objectif et politiquement neutre de leurs fonctions
judiciaires.
Ils soulignent en outre que des sociétés libres et
démocratiques, à savoir la Province de l'Ontario, le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande
du Nord, la République d'Irlande (Eire), la Nou-
velle-Zélande, l'Australie et les États-Unis d'Amé-
rique, n'ont aucune disposition légale interdisant
aux juges des cours supérieures et de district de
voter.
En réponse à cette déclaration, les défendeurs
ont déposé une défense, qui n'est toutefois pas une
défense à caractère contradictoire puisqu'elle
reconnaît tous les faits allégués dans la déclara-
tion, et que l'alinéa 14(4)d) ne constitue pas la
limite raisonnable imposée par une règle de droit
dont il est question à l'article 1 de la Charte, et
puisqu'elle reconnaît aussi que les demandeurs ont
droit à un jugement déclaratoire en vertu du para-
graphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982
(la Charte), portant que l'alinéa 14(4)d) est
inopérant.
Bien que cet acte de procédure ne constitue pas
la confession de jugement prévue à la Règle 405
des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap.
663], son effet est le même. Il a aussi rendu inutile
toute preuve des allégations contenues dans la
déclaration des demandeurs.
La délivrance d'un jugement déclaratoire est
toujours une question discrétionnaire. De plus, il a
été décidé dans d'autres situations, comme par
exemple dans des appels en matière d'impôt sur le
revenu mettant en cause le ministère des finances
fédéral, qu'un juge n'est pas tenu d'accepter de
rendre jugement sur un règlement convenu, sur le
désistement d'une contestation ou le retrait d'un
appel, s'il estime que les faits ne le justifient pas ou
que cela ne servirait pas les fins de la justice.
Cependant, il n'arriverait que dans des circons-
tances comparativement rares et exceptionnelles
qu'une entente entre des parties (et c'est à cela
qu'équivaut en réalité la défense en l'espèce) ne
soit pas acceptée par la Cour, après examen, et ne
soit pas confirmée par un jugement.
L'avocat des défendeurs a expliqué que le Parle-
ment avait été saisi d'un projet de loi visant à
accorder le droit de vote aux juges nommés par le
gouvernement fédéral, mais que ce projet n'avait
pas été débattu lors de la dissolution du Parlement
en vue des prochaines élections. L'un des problè-
mes qui a causé quelques inquiétudes découlait de
la disposition de la Loi sur les élections fédérales
contestées, S.R.C. 1970, chap. C-28, qui prévoit
que les pétitions présentées en application de la Loi
sont soumises à des juges d'instruction. Bien que
ces pétitions soient habituellement soumises à des
juges d'un autre district que celui où le différend a
pris naissance, on s'est inquiété à l'idée que ces
juges auraient pu exprimer une opinion partisane
(quoiqu'au moyen d'un scrutin secret) en votant
eux-mêmes à l'élection concernée. Néanmoins, la
mesure législative modificatrice a été présentée
sans être cependant adoptée avant la dissolution du
Parlement.
Dans les circonstances, il est compréhensible que
ces procédures n'aient pas donné lieu à une contes-
tation contradictoire comme telle. Il est malheu-
reux et généralement peu souhaitable que les tri-
bunaux, en interprétant des lois existantes, soient
appelés à régler des questions qui seraient tran-
chées de façon plus appropriée par une loi du
Parlement. Le jugement déclaratoire que recher-
chent les demandeurs en l'espèce aura pour effet
d'éliminer la nécessité de légiférer pour accorder le
droit de vote aux juges nommés par le gouverne-
ment fédéral; cela comporte des avantages et des
désavantages dont on aurait pu discuter et s'occu-
per en étudiant la mesure législative proposée.
Il y a deux questions juridiques qui auraient pu
être soulevées et traitées dans les présentes procé-
dures si elles avaient été contestées et si l'on avait
soumis des éléments de preuve à l'encontre des
allégations de la déclaration des demandeurs. Tout
d'abord, il est trop simpliste de s'en remettre entiè-
rement au scrutin secret pour protéger les juges
contre tout soupçon de sympathies politiques parti-
sanes. En effet, avant de se présenter devant la
boîte du scrutin, il faut être recensé et inscrit sur la
liste des électeurs. Cela entraîne nécessairement la
visite d'agents électoraux des divers partis politi-
ques. À moins que le juge refuse de les recevoir, les
discussions qui s'ensuivent sur les politiques des
partis représentés par ces agents peuvent fort bien
inciter ces derniers à croire que le juge est d'accord
ou non avec les politiques en question, et comme
les agents ne sont pas tenus au silence, ils peuvent
faire part de cette impression à d'autres personnes.
Les voisins d'un juge peuvent être témoins de la
longue visite chez lui d'un agent électoral dont
l'allégeance politique est connue, et en tirer peut-
être la conclusion regrettable que le juge n'est pas
politiquement neutre. Je n'insinue certainement
pas que les juges n'ont pas la discrétion nécessaire
pour ne pas laisser percevoir leurs opinions politi-
ques. Plusieurs juges ont eu des attaches politiques
avant leur nomination, mais on n'a jamais laissé
entendre que, une fois nommés, ils aient permis à
leurs convictions politiques d'avoir une incidence
sur leurs jugements. Non seulement doivent-ils
être politiquement neutres, comme le concèdent les
demandeurs, mais encore faut-il que le public les
considère comme tels. Pour ce motif, je suis d'avis
que même s'ils pouvaient voter, plusieurs juges ne
voudraient pas le faire et refuseraient d'être recen-
sés et de figurer sur la liste des électeurs, et de
s'exposer ainsi aux sollicitations des agents électo-
raux. La disparition de la restriction imposée par
l'alinéa 14(4)d) de la Loi électorale aura pour
effet de laisser cette décision à la conscience indivi-
duelle de chaque juge. Bien qu'il n'y ait rien de
mal à cela et qu'ils aient certes le droit d'avoir des
convictions personnelles sur des questions politi-
ques comme tous les autres citoyens, on aurait tout
au moins pu avancer que la restriction du droit de
vote des juges sert un objectif valide, et qu'il
pourrait s'agir là de limites raisonnables imposées
par une règle de droit, dans le but d'écarter toute
critique possible relativement à leur entière neu-
tralité politique.
L'autre question qui aurait pu être soulevée s'il
y avait eu effectivement contestation est la liste
des sociétés libres et démocratiques soumise par les
demandeurs, sociétés qui n'interdisent pas aux
juges des cours supérieures de voter de façon à
empêcher l'application de l'article 1 de la Charte si
la question dépendait d'une telle application.
Même s'il a été décidé qu'un tribunal ne devrait
pas trancher une telle question sans disposer d'élé-
ments de preuve à l'appui de sa décision, une
contestation aurait bien sûr permis de déposer en
preuve une liste d'autres sociétés libres et démo-
cratiques qui interdisent aux juges de voter, ou de
souligner des différences entre les sociétés men-
tionnées, comme le fait que les juges américains
sont dans la plupart des cas élus et par conséquent
partisans.
Les juges canadiens nommés par le gouverne-
ment fédéral en vertu d'un décret savent au
moment d'accepter leur nomination que l'une des
conditions de cette nomination leur interdit de
voter lors d'élections fédérales. Les juges de la
Cour suprême et de la Cour fédérale sont assujettis
à d'autres restrictions de nature résidentielle et ils
les acceptent au moment d'être nommés. Cela ne
veut évidemment pas dire que l'interdiction du
droit de voter ne pourrait pas être supprimée ulté-
rieurement par une loi du Parlement ou par un
jugement interprétant la Charte des droits qui
annulerait l'interdiction comme cela est demandé
en l'espèce.
Il y a eu certains arrêts de jurisprudence portant
sur d'autres alinéas de l'article 14 de la Loi électo-
rale du Canada, mais même si on les avait invo-
qués dans les plaidoiries, ils n'auraient pas été d'un
grand secours dans le présent litige puisqu'il existe
une nette distinction. Dans l'affaire de Lévesque c.
Canada (procureur général), [1986] 2 C.F., 287
(1re inst.), le juge Rouleau devait trancher le cas
d'un détenu dans un pénitencier fédéral au Québec
qui désirait voter lors d'une élection générale dans
cette province. La Loi électorale [L.Q. 1979, chap.
56] du Québec permet aux détenus de voter. Les
autorités fédérales ont refusé de prévoir des arran
gements qui auraient permis au demandeur de
voter dans le pénitencier. L'alinéa 14(4)e) de la
Loi électorale du Canada qui ne vise bien sûr que
les élections fédérales interdit à «toute personne
détenue dans un établissement pénitentiaire et y
purgeant une peine pour avoir commis quelque
infraction» de voter. Sans faire expressément men
tion dudit article, le juge a conclu que le refus de
lui permettre de voter, permission qui est accordée
dans la Loi électorale du Québec, parce qu'il était
détenu dans un pénitencier fédéral violait l'article
3 de la Charte, ce que l'article 1 ne justifiait pas
car les défendeurs n'ont pas réussi à établir que
l'incarcération dans un pénitencier fédéral consti-
tue à l'égard du droit de vote une limite raisonna-
ble qui peut se justifier dans le cadre d'une société
libre et démocratique. La décision citait le juge-
ment du juge Reed dans l'affaire Gould c. Procu-
reur général du Canada, [1984] 1 C.F. 1119 (Ife
inst.); [1984] 1 C.F. 1133 (C.A.), qui avait conclu
que des motifs de sécurité ne peuvent servir de
justification pour empêcher les détenus d'exercer
leur droit de vote et que même si certains droits
des détenus, tels que la liberté d'association, d'ex-
pression et le droit d'être candidat à une élection,
doivent nécessairement être restreints, cela ne jus-
tifie pas qu'on leur interdise tous les droits, comme
le droit de vote. Un mandamus a donc été accordé
car il constituait une réparation convenable au
sens de l'article 24 de la Charte.
Dans une affaire plus récente, Conseil canadien
des droits des personnes handicapées c. Canada,
[1988] 3 C.F. 622 (P e inst.) Madame le juge
Reed, en examinant l'alinéa 14(4)f) de la Loi
électorale du Canada qui interdit à «toute per-
sonne restreinte dans sa liberté de mouvement ou
privée de la gestion de ses biens pour cause de
maladie mentale» de voter, a conclu que cet alinéa
est trop général pour résister à une contestation
fondée sur l'article 3 de la Charte. Au sujet de
l'application de l'article 1, elle déclare:
L'article 1 de la Charte permet des restrictions qui sont
raisonnables et dont la justification peut se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique. Je suis convaincue
qu'une de ces restrictions pourrait viser ce que j'appellerai la
capacité mentale ou la capacité de jugement. Mais, dans son
libellé actuel, l'alinéa 14(4)j) ne vise pas uniquement la compé-
tence ou la capacité mentale dans la mesure où cet attribut est
requis à l'exercice du droit de vote.
Elle fait en outre remarquer que l'expression
«maladie mentale» englobe les personnes dont le
jugement peut être diminué dans un certain aspect
de leur vie seulement et que l'article n'enlève pas le
droit de vote à ceux qui sont atteints de maladie
mentale, dont la liberté de mouvement n'est pas
restreinte ou dont les biens sont sous le contrôle
d'un comité. Elle conclut que l'alinéa 14(4)f) est à
la fois trop étroit et trop large, retenant dans son
champ d'application des personnes qui ne
devraient pas s'y trouver tout en laissant de côté,
pourrait-on soutenir, des personnes qui devraient
peut-être y être. Elle ne peut pas dire comment
l'article pourrait être coupé et conclut que l'alinéa
14(4)f) est nul parce qu'il est incompatible avec
l'article 3 de la Charte canadienne des droits et
libertés.
L'alinéa 14(4)d) présentement en cause ne pose
pas ce problème de définition car l'expression «tout
juge nommé par le gouverneur en conseil» est
claire et sans ambiguïté.
Si j'ai fait mention des arguments qui auraient
pu être soulevés en cas de contestation, ce n'est pas
que je veuille me prononcer clairement sur leur
validité, ce que je ne devrais pas faire en l'absence
d'une quelconque preuve autre que l'admission par
les défendeurs de toutes les allégations contenues
dans la déclaration.
S'il existe ce que je pourrais appeler une justifi
cation défendable de l'application de l'alinéa
14(4)d) de la Loi électorale du Canada, il y a
également des arguments convaincants qui permet-
tent de conclure que cet alinéa est inopérant en
raison de l'article 24 de la Charte et du paragra-
phe 52(1) de la Loi constitutionnelle, ce que les
défendeurs admettent.
Comme je l'ai dit au début des présents motifs,
l'octroi d'un jugement déclaratoire est discrétion-
naire. On ne devrait cependant pas refuser de
l'accorder sans motifs sérieux lorsque les parties
s'entendent pour qu'il soit ainsi accordé, à moins
que le tribunal ne conclut que cela n'est pas justifié
par les faits ou constitue un déni de justice. Je ne
peux arriver à une telle conclusion à la lumière des
faits qui m'ont été présentés en l'espèce. La déci-
sion aurait fort bien pu favoriser l'une ou l'autre
partie s'il y avait eu une véritable contestation.
Le jugement sollicité par les demandeurs sera
par conséquent accordé mais sans dépens, puisqu'il
n'y a eu aucune demande à cet effet sauf en cas de
contestation par les défendeurs et je ne crois pas
que la défense constitue une contestation mais
qu'il s'agit plutôt d'une admission.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.