T-2746-86
BMB Compuscience Canada Ltd. (requérante)
c.
Bramalea Limited (intimée)
RÉPERTORIE: BMB COMPUSCIENCE CANADA LTD. e. BRAMA -
LEA LTD.
Section de première instance, juge Teitelbaum—
Ottawa, 9 septembre et 7 octobre 1988.
Marques de commerce — Radiation — Marque de com
merce pour logiciel employé dans un système de courrier
électronique — La requérante allègue l'emploi antérieur de la
marque de commerce — Y a-t-il eu un usage suffisant de la
marque de commerce si celle-ci ne constituait qu'une fonction
du système de réseau informatique? — La marque de com
merce était-elle liée à une marchandise ou à un service?
La requérante et l'intimée sont toutes deux dans le commerce
des logiciels. Toutes deux revendiquent des droits sur la marque
de commerce «NETMAIL» employée en liaison avec un logiciel
conçu pour faire fonctionner un système de courrier électroni-
que. L'intimée a obtenu l'enregistrement de la marque de
commerce en avril 1986 après avoir présenté une demande
d'enregistrement en avril 1985.
La requérante tente de faire radier la marque de commerce
en alléguant l'emploi antérieur de celle-ci. Elle allègue avoir
d'abord vendu son logiciel «NETMAIL» en juillet 1984 en tant
que partie intégrante de son système de réseau informatique
«IMAGINET». Le programme «NETMAIL» de la requérante
ne peut fonctionner correctement qu'en liaison avec le système
«IMAGINET». Jusqu'en mai 1985, le logiciel «NETMAIL» ne
se vendait pas dans un coffret distinct auquel était accolée la
marque de commerce «NETMAIL». Le produit «NETMAIL»
était stocké sur une disquette et, au moment de la vente, il était
implanté dans le système informatique en insérant la disquette
dans un serveur, après quoi il n'était plus nécessaire de garder
la disquette. Pendant les démonstrations et l'utilisation du
logiciel par les acheteurs après la vente du système complet
«IMAGINET», la liaison de la marque de commerce avec le
logiciel se ferait par l'emploi du code d'accès «NETMAIL» et
par l'apparition de la marque de commerce «NETMAIL» sur
l'écran de l'ordinateur de l'utilisateur.
L'intimée soutient que, vu qu'avant avril 1985, «NETMAIL»
ne constituait qu'une fonction et faisait partie du système
«IMAGINET» et ne pouvait pas être utilisé sans lui, il n'y avait
donc pas d'emploi ni de marchandise ou de service auquel était
lié «NETMAIL».
Jugement: la demande doit être accueillie.
La requérante a fait usage de la marque de commerce en
1984 lorsqu'elle a fait une démonstration de son système «1 MA-
GINET» à un acheteur. La marque de commerce «NETMAIL»
se trouvait sur le logiciel qui a été transféré dans le dispositif
«IMAGINET» lors de l'installation du système en juillet 1984
dans les locaux de l'acheteur. Avant et après la vente et le
transfert du système «IMAGINET», on a montré la marque et
le programme «NETMAIL» aux représentants de l'acheteur et
ceux-ci les ont vus. Cela constitue un emploi suffisant d'une
marque de commerce. Si ce n'était pas le cas, cela signifierait
qu'il ne serait pas possible aux compagnies de protéger leurs
marques de commerce de logiciels si elles installaient le logiciel
à la place d'affaires du vendeur ou à la place d'affaires de
l'acheteur parce qu'il n'y aurait pas d'emploi suffisant des
marques de commerce.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 2, 4(1), 57(1) (mod. par S.R.C. 1970 (2'
Supp.), chap. 10, art. 64).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Mumm (G. H.) & Cie, Société Vinicole de Champagne
Successeur c. Andres Wines Ltd. et autre (1984), 3
C.P.R. (3d) 199 (C.F. l" inst.); Rainsoft Water Condi
tioning Co. c. Rainsoft (Regina) Ltd. (1987), 14 C.P.R.
(3d) 267 (C.F. 1" inst.); Edwin Co. c. S.D.B. Design
Group Inc. (1986), 3 F.T.R. 209 (C.F. l' inst.); Infocard
Inv. c. Frognal Investments Ltd. (1986),11 C.P.R. (3d)
321 (Comm. opp.).
DOCTRINE
Fox, Harold G. Canadian Law of Trade Marks and
Unfair Competition, 3rd ed., Toronto: The Carswell
Company Limited, 1972.
AVOCATS:
W. C. Kent pour la requérante.
T. R. Lederer et W. L. Webster pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Burke-Robertson, Chadwick & Ritchie,
Ottawa, pour la requérante.
Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE TEITELBAUM: La requérante, BMB
Compuscience Canada Ltd., a déposé au greffe de
la Cour fédérale du Canada, le 16 décembre 1986,
un avis de motion introductive d'instance et une
déclaration demandant de rendre une ordonnance
conformément au paragraphe 57(1) de la Loi sur
lés marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10 [mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10,
art. 64] (Loi), pour radier la marque de commerce
«NETMAIL» enregistrée au Canada le 21 mars
1986 sous le n° 312535 au nom de l'intimée,
Bramalea Limited, en vue de son usage en liaison
avec un logiciel. La demande repose sur le motif
suivant:
[TRADUCTION] que cette inscription de ladite marque de com
merce telle qu'elle figure dans le registre n'exprime pas ou ne
définit pas exactement les droits existants de l'intimée en raison
du fait que ledit enregistrement n'est pas valide pour le motif
que:
(1) L'intimée Bramalea Limited n'était pas la personne qui
avait le droit d'obtenir l'enregistrement de ladite marque
de commerce parce que la requérante a employé la
marque de commerce en question au Canada avant
l'intimée; et
(2) Ladite marque de commerce ne caractérise pas l'intimée
du fait qu'elle ne distingue pas vraiment les marchandi-
ses en liaison avec lesquelles elle a été enregistrée par
l'intimée, des marchandises de la requérante et n'est pas
adaptée de façon à les distinguer.
À l'appui de sa motion introductive d'instance,
la requérante a déposé le 15 janvier 1987 l'affida-
vit, en date du 14 janvier 1987, de Marcel
Brunschwiler, vice-président aux finances et secré-
taire de la requérante, en même temps que cinq
pièces justificatives portant les cotes A, B, C, D et
E, l'affidavit, en date du 14 janvier 1987, de John
H. Cole, employé de la requérante et, ainsi qu'il le
déclare, [TRADUCTION] «l'un des auteurs du pro
gramme informatique "NETMAIL" qui a été éla-
boré en 1984 par ma compagnie» en même temps
qu'une pièce justificative sous la cote «A», et l'affi-
davit, en date du 14 janvier 1987, de G. Geoffrey
Flood, vérificateur adjoint des systèmes informati-
ques et de planification de la société George
Weston Limited.
En plus des affidavits susmentionnés, la requé-
rante en a déposé un certain nombre d'autres, dont
ceux de William M. MacLean, président de la
compagnie requérante.
L'intimée a déposé l'affidavit de Steve Dudgeon,
son vice-président aux services informatiques,
lequel déclare qu'il a participé personnellement à
l'élaboration et à la commercialisation du logiciel
«NETMAIL» de l'intimée. En annexe à cet affida
vit figure une pièce justificative portant la cote «A»
et intitulée «A Report On Public Information on
BMB and NETMAIL», qui a été rédigée en date
du 30 avril 1986 par une compagnie désignée
communément sous le nom de Managerial Design
Inc.
Marcel Brunschwiler et William M. MacLean
ont tous deux été contre-interrogés par l'intimée
relativement à leurs affidavits.
La requérante et l'intimée sont toutes deux dans
l'élaboration, la fabrication et la commercialisa
tion de logiciels. Elles sont toutes deux installées
en Ontario, dans la région de Toronto. Toutes
deux revendiquent des droits sur la marque de
commerce «NETMAIL» employée en liaison avec
un logiciel conçu pour faire fonctionner un système
de courrier électronique. L'intimée a obtenu l'enre-
gistrement de la marque de commerce «NET-
MAIL» le 17 avril 1986 sous le n° 312535 après
avoir présenté une demande d'enregistrement le 3
avril 1985.
Les faits qui ont entraîné la présente action sont
exposés dans les documents et les pièces déposés,
dont l'affidavit de Brunschwiler, le contre-interro-
gatoire de Brunschwiler, l'affidavit de MacLean,
le contre-interrogatoire de MacLean, l'affidavit de
Flood et l'affidavit de Cole.
Les faits pertinents peuvent le mieux se résumer
ainsi.
La requérante, BMB Compuscience Canada
Ltd., allègue qu'elle a élaboré en 1984 un pro
gramme informatique qui porte le nom de «NET-
MAIL». 11 a été conçu pour être employé en liaison
avec le système de réseau informatique «I MAG I-
NET» de la requérante. Au 26 juillet 1984, il
existait une certaine documentation décrivant les
fonctions du logiciel «NETMAIL».
Dans son affidavit en date du 14 janvier 1987,
John Cole déclare qu'il est au service de la requé-
rante depuis septembre 1983. Ses fonctions com-
prennent notamment la conception et la rédaction
de programmes informatiques. À ce titre, men-
tionne-t-il, il fut l'un des auteurs d'un programme
informatique appelé «NETMAIL» et élaboré en
1984, lequel programme [TRADUCTION] «devait
être un système de courrier informatique qui serait
employé en liaison avec le système "IMAGINET"
de ma compagnie (la requérante)» (paragraphes 2
et 3 de l'affidavit de Cole). Au paragraphe 4 de
son affidavit, M. Cole indique que le logiciel
«NETMAIL» a été élaboré afin de permettre aux
utilisateurs du système «IMAGINET» [TRADUC-
TION] «de communiquer entre eux en envoyant des
messages par ordinateur à une destination précise».
La pièce «A» annexée à l'affidavit de Cole repré-
sente la documentation élaborée par la requérante,
qui décrivait son programme «NETMAIL» et
[TRADUCTION] «existait au 26 juillet 1984» (para-
graphe 5 de l'affidavit de Cole).
Le programme «NETMAIL» est décrit en 1984
comme [TRADUCTION] «faisant partie du progiciel
"IMAGINET"» mais également comme consti-
tuant un «produit» en soi. Ainsi que le déclare M.
MacLean aux pages 5 et 6 de son contre-interroga-
toire, c'est un logiciel qu'on peut acheter pour
l'employer avec le système «IMAGINET» (ques-
tion 27 et réponse). Il soutient que le mot «N ET-
MAIL» sert à la fois de code d'accès pour les
utilisateurs du logiciel et de [TRADUCTION] . «nom
pour désigner un produit et que, pour appeler le
programme, vous pouvez taper le mot "N ET-
MAIL" sur le terminal de l'ordinateur» (ligne 33
de la page 6 du contre-interrogatoire). Le logiciel
«NETMAIL» avait toujours besoin du matériel
«IMAGINET» pour fonctionner correctement
(questions 37 42 du contre-interrogatoire) avant
le 3 avril 1985.
La requérante a commencé à commercialiser
«NETMAIL» durant l'été 1984 et allègue l'avoir
promu sous ce nom chaque fois qu'elle essayait de
vendre le système «IMAGINET». À deux reprises
au moins au cours de l'été 1984, lorsque «NET-
MAIL» a d'abord été élaboré, dans le cadre des
démonstrations du système «IMAGINET» desti
nées aux sociétés George Weston Limited et Com
puter Career Institute, la requérante a présenté
«NETMAIL» comme un logiciel distinct destiné à
être vendu et employé avec le système «I MAG I-
NET» (paragraphes 5 et 6 de l'affidavit dé
MacLean et pages 9 à 1 1 de son contre-interroga-
toire). Jusqu'en avril 1985, le logiciel «NET-
MAIL» ne se vendait pas dans un coffret distinct
auquel était accolée la marque de commerce
«NETMAIL». Il semblerait que, pendant les
démonstrations et l'utilisation du logiciel par les
acheteurs après la vente du système complet
«IMAGINET», la liaison des marques de com
merce avec le logiciel se fasse par l'emploi du code
d'accès «NETMAIL» et par l'apparition de la
marque de commerce «NETMAIL» sur l'écran du
terminal d'ordinateur de l'utilisateur.
L'affidavit de G. Geoffrey Flood confirme
l'achat de «N ET MAIL» de la requérante en juillet
1984. Au paragraphe 3 de son affidavit, M. Flood
dit:
[TRADUCTION] Ma compagnie a acheté à BMB Compuscience
Ltd. en 1984 un logiciel comprenant notamment un programme
commercialisé par cette compagnie sous la marque de com
merce «NETMAIL.. Le logiciel «NETMAIL» a été installé
initialement dans nos bureaux en juillet 1984.
Après avril 1985, la requérante a séparé le
logiciel «NETMAIL» du système «IMAGINET» et
a commencé à commercialiser le logiciel «NET-
MAIL» à l'intention des utilisateurs du système
«IMAGINET».
L'intimée a déposé en réponse deux documents,
à savoir : la réponse et déclaration ainsi que l'affi-
davit de Steve Dudgeon, vice-président aux servi
ces informatiques de l'intimée. Dans son affidavit,
Steve Dudgeon indique que l'intimée avait élaboré
avant décembre 1984 un progiciel de courrier élec-
tronique. Qu'en février 1985, les recherches au
sujet des marques de commerce dans le domaine
informatique que la requérante a effectuées au
Canada et aux États-Unis pour déterminer si la
marque de commerce «NETMAIL» était disponi-
ble n'ont révélé aucun enregistrement antérieur ni
aucune demande en suspens.
L'intimée décrit son propre logiciel de courrier
électronique comme étant un [TRADUCTION] «logi-
ciel indépendant» par opposition à celui de la
requérante qui n'était pas vendu ou promu séparé-
ment ni identifié par une marque de commerce
distincte selon l'allégation de l'intimée.
Le 3 avril 1985, l'intimée a demandé l'enregis-
trement de la marque de commerce «NETMAIL»
en vue de son emploi en liaison avec son logiciel de
courrier électronique, lequel enregistrement a été
accordé le 29 janvier 1986. Entre-temps, l'intimée
a fait la promotion et la commercialisation de son
produit «NETMAIL».
L'intimée a pris connaissance de l'emploi, par la
requérante, de la même marque de commerce pour
essentiellement le même produit grâce à la publi-
cité faite dans les médias au sujet des produits de
la requérante en octobre 1985, la suite de quoi
l'intimée a demandé que la requérante cesse d'em-
ployer la marque de commerce. La requérante a
ensuite déposé la présente demande de radiation en
alléguant l'emploi antérieur de la marque de
commerce.
Question
Il s'agit de déterminer ce qui constitue l'emploi
d'une marque de commerce sur un produit infor-
matique. S'il est prouvé que la requérante avait
fait usage de la marque de commerce «NET-
MAIL» avant le 3 avril 1985, il faudra rendre une
ordonnance pour radier la marque de commerce
«NETMAIL» enregistrée par l'intimée. S'il n'y a
pas eu emploi antérieur, la marque de commerce
«NETMAIL» enregistrée par l'intimée restera en
vigueur, et la requérante ne pourra pas légalement
employer la même marque.
Le paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de
commerce indique ce qui constitue, aux fins de la
présente action, l'emploi d'une marque de com
merce :
4. (I) Une marque de commerce est censée employée en
liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la pro-
priété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique
normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises
mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont
distribuées ou si elle est, de quelque autre manière, liée aux
marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la
personne à qui la propriété ou possession est transférée.
La requérante s'appuie sur le passage suivant du
paragraphe 4(1) «ou si elle est, de quelque autre
manière, liée aux marchandises au point qu'avis de
liaison est alors donné à la personne à qui la
propriété ou possession est transférée».
Plaidoirie de la requérante
La requérante soutient qu'elle a d'abord vendu
son logiciel «NETMAIL» en juillet 1984 la com-
pagnie George Weston Limited, étant donné que
ledit logiciel faisait partie de son système «IMA-
GINET»; et que, bien que le logiciel «NETMAIL»
se vendît en tant que partie intégrante du système
«IMAGINET», il constituait en soi un produit
identifiable. La requérante admet que, jusqu'en
octobre 1985, le logiciel «NETMAIL» se vendait
seulement en tant que partie intégrante du système
«IMAGINET». Après 'octobre 1985, il se vendait
de façon séparée. Elle ajoute que, avant avril 1985,
le produit «NETMAIL» était stocké sur une dis-
quette et que, au moment de la vente, [TRADUC-
TION] «il est "implanté" dans le système informa-
tique en insérant la disquette dans un "serveur" et
qu'il n'est donc plus nécessaire de garder la dis-
quette». En juillet 1984, dans le cas de la vente
faite à la compagnie George Weston Limited, c'est
la requérante qui aurait «chargé le serveur», ce qui
signifie que le programme de transmission «NET-
MAIL» était chargé dans le système «IMAGI-
NET» et que, lorsqu'on appelait ledit programme,
la marque de commerce «NETMAIL» apparaissait
sur l'écran. Selon M. Flood, le logiciel «NET-
MAIL» a été installé dans les bureaux de la com-
pagnie George Weston Limited en juillet 1984. Je
suppose que l'installation a eu lieu après la vente
du système «IMAGINET» à la compagnie George
Weston Limited.
L'avocat de la requérante allègue que le produit
«NETMAIL» était identifié au moment du trans-
fert de la disquette au «serveur», qu'il était identi-
fié électroniquement. C'était un produit vendu
avec le système «IMAGINET», et tout acheteur du
système «IMAGINET» aurait été pleinement au
courant de l'existence du logiciel.
La requérante avance que le système «IMAGI-
NET» accompagné du logiciel «NETMAIL» avait
également fait l'objet d'une démonstration à une
exposition commerciale tenue à Toronto en novem-
bre 1984 (contre-interrogatoire de Brunschwiler,
question 128).
Plaidoirie de l'intimée
Son avocat soutient qu'il y a cinq points fonda-
mentaux à prendre en considération:
1. Le fait que, avant le 3 avril 1985, le nom «NETMAIL»,
dans la mesure où il était employé par la requérante,
s'appliquait à une marchandise qui n'était pas unique ou
distincte, et que son usage n'a pas pu correspondre à un
emploi en conformité avec l'article 4 de la Loi sur les
marques de commerce.
2. Si cela est erroné, il faut alors tenir compte de la preuve
de l'emploi antérieur présentée par la requérante.
3. La question des ventes réelles avant la date du 3 avril
1985.
4. La question des ventes réelles après la date du 3 avril
1985.
5. La question du moment du transfert de la propriété.
L'intimée allègue que, dans la définition d'une
marque de commerce à l'article 2 de la, Loi sur les
marques de commerce, on parle de marchandises
ou de services. La définition de l'expression
«marque de commerce» qui figure à l'article 2 est
libellée ainsi:
2....
«marque de commerce» ...
a) une marque qui est employée par une personne aux fins ou
en vue de distinguer des marchandises fabriquées, vendues,
données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés,
par elle, de marchandises fabriquées, vendues, données à
bail ou louées ou de services loués ou exécutés, par
d'autres,
L'intimée soutient donc que l'emploi de la
marque de commerce, ainsi qu'il est dit à l'article
4 de la Loi, doit se faire en rapport avec une
marchandise ou un service.
L'intimée reconnaît que la requérante a, avant le
3 avril 1985, élaboré une fonction de courrier, qui
ne se vendait toutefois pas séparément avant le 3
avril 1985. Elle prétend que tout cela se faisait
concurremment avec le système «IMAGINET»,
car la fonction «NETMAIL» ne pouvait marcher
qu'avec le système «IMAGINET». L'intimée sou-
tient également qu'avant le 3 avril 1985, la fonc-
tion «NETMAIL» faisait partie du système «IMA-
GINET» et ne pouvait pas marcher sans lui; il n'y
avait donc pas d'emploi ni de marchandise ou de
service auquel était lié «NETMAIL». Durant l'an-
née 1984 et jusqu'au 3 avril 1985, c'était simple-
ment une description d'une fonction du système
«IMAGIN ET».
Au paragraphe 14 de l'affidavit de Steve Dud
geon, il apparaît que l'intimée, en se fondant sur
un rapport de la société Managerial Design Inc.
(pièce «A» annexée à l'affidavit de Dudgeon) pré-
tend que, pour la requérante, «NETMAIL» n'était
qu'une fonction et ne représentait pas un produit
distinct ou une marchandise unique.
Je suis persuadé que la preuve m'amène à con-
clure que la requérante a effectivement fait asso-
cier le nom «NETMAIL» à une marchandise.
L'affidavit de M. Flood mentionne très claire-
ment que la compagnie George Weston Limited
[TRADUCTION] «a acheté à BMB Compuscience
Canada Ltd. en 1984 un logiciel comprenant un
programme commercialisé par cette compagnie
sous la marque de commerce "NETMAIL". Le
logiciel "NETMAIL" a d'abord été installé dans
nos bureaux en juillet 1984» (paragraphe 3 de
l'affidavit de M. Flood—c'est moi qui souligne). Je
suis donc convaincu qu'il existait une marchandise
unique ou particulière en juillet 1984 et que cette
«marchandise» était un logiciel auquel était attaché
le nom «NETMAIL».
Il semble faire peu de doute que la disquette sur
laquelle se trouvait le programme «NETMAIL»
n'ait pas été montrée à M. Flood ou à quelqu'un
d'autre jusqu'au 3 avril 1985 mais ait été transfé-
rée au système «I MAG IN ET» par la requérante au
moment de l'installation du système «I MAG I-
NET» dans les locaux de la compagnie George
Weston Limited. Lorsqu'on appelait le système de
courrier, le nom «NETMAIL» apparaissait et, je
crois, apparaissait à la fois en tant que marque de
commerce et en tant que code d'accès pour lancer
le programme. Il était utilisé à la fois en tant que
marque de commerce et en tant que code d'accès.
Il a été établi par la jurisprudence que, s'il est
prouvé qu'il y avait un utilisateur de la marque de
commerce antérieur au déposant et que celle-ci est
utilisée pour les mêmes marchandises ou services
ou pour des marchandises ou services similaires,
c'est un motif suffisant de radiation (Rainsoft
Water Conditioning Co. c. Rainsoft (Regina) Ltd.
(1987), 14 C.P.R. (3d) 267 (C.F. 1" inst.); Edwin
Co. c. S.D.B. Design Croup Inc. (1986), 3 F.T.R.
209 (C.F. 1« inst.); Infocard Inv. v. Frognal
Investments Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 321
(Comm. opp.)).
L'intimée soutient que, jusqu'au 3 avril 1985,
l'«implantation» du programme ou fonction «NET-
MAIL» de la requérante ne survenait qu'après
l'installation du système informatique «1MAG1-
N ET». Rien n'était montré à l'acheteur, ni éti-
quette ni aucune autre marque jusqu'après, s'il
avait lieu, le transfert de la possession.
L'intimée allègue que, pour qu'il en fût fait un
bon usage comme il est indiqué dans la Loi sur les
marques de commerce, la marque de commerce
«NETMAIL» devait être employée lors du trans-
fert de la possession. L'intimée allègue également
que le fait d'employer la marque de commerce,
comme en l'espèce, avant la vente, durant une
démonstration, dans la publicité ou après le trans-
fert de la possession n'en constitue pas un «bon
usage». Il en serait fait un «bon usage» selon
l'intimée, si le programme était montré et men-
tionné lors du transfert réel de la possession.. L'in-
timée prétend qu'il n'existe aucune preuve de cela
et qu'il n'a donc pas été fait usage de la marque de
commerce «NETMAIL».
Conclusion
Ainsi que je l'ai indiqué, je crois qu'il est établi
en droit qu'un utilisateur antérieur d'une marque
de commerce peut demander à la Cour de radier
l'enregistrement d'une marque de commerce enre-
gistrée par une autre partie si la partie requérante
peut vraiment prouver qu'il y a eu usage antérieur
de la marque de commerce et que cela engendrera
de la confusion.
On a fourni beaucoup d'éléments de preuve
quant à l'usage de la marque de commerce. Je suis
tout à fait convaincu que la requérante a fait usage
de la marque de commerce «NETMAIL» durant
l'été 1984 lorsqu'elle a fait à la compagnie George
Weston Limited une démonstration de son système
«I MAG I N ET». Je suis satisfait de la preuve pré-
sentée selon laquelle la marque de commerce
«NETMAIL» se trouvait sur le logiciel que la
requérante a transféré dans le dispositif «IMAGI-
NET» lors de l'installation du système en juillet
1984 dans les locaux de la compagnie George
Weston Limited.
Ce qui nous intéresse ici, c'est un logiciel faisant
partie d'un système informatique. Ce n'est pas le
genre d'objet, tel qu'une paire de bas, auquel on
peut simplement attacher une étiquette, laquelle
est clairement visible. Bien que cela eût pu être
possible, il ne faut pas dire qu'on ne pourrait pas
«attacher» l'étiquette sur le programme, laquelle ne
paraîtrait que lorsque l'utilisateur de l'ordinateur
appelle le programme.
Dans l'affaire Muntm (G. H.) & Cie, Société
Vinicole de Champagne Successeur c. Andres
Wines Ltd. et autre (1984), 3 C.P.R. (3d) 199
(C.F. I« inst.), le juge Rouleau a indiqué qu'«il
suffit que la marque de commerce apparaisse ail-
leurs que sur le produit lui-même aussi longtemps
qu'avis de liaison est donné à ceux à qui il est
destiné» (à la page 201). Ainsi, vu que Mumm's
avait vendu au moins quelques caisses de champa
gne sur lesquelles était imprimée la marque de
commerce qu'on cherchait à faire enregistrer, cette
société avait le droit de la faire enregistrer. Sur un
autre point, qu'il convient toutefois de noter, le
juge Rouleau a indiqué que, sur la question de la
durée de l'usage qui était requise pour se confor-
mer à la Loi, ce «peut être aussi peu qu'à une seule
occasion» (à la page 200).
Dans les observations qu'il fait au sujet du
paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de
commerce dans son livre intitulé Canadian Law of
Trade Marks and Unfair Competition (3` éd.),
Fox dit notamment, aux pages 59 et 60:
[TRADUCTION] ... il n'est pas essentiel que la marque de
commerce soit vraiment apposée sur les marchandises elles-
mêmes ou qu'elle se trouve sur les emballages dans lesquels
elles sont distribuées. Cela, naturellement, constitue un bon
usage de la marque de commerce, mais cela suffit également si
la marque de commerce est de quelque autre manière liée aux
marchandises au point qu'avis de liaison est donné à la per-
sonne à qui la propriété ou la possession des marchandises est
transférée. N'importe quel de ces faits doit, par définition, avoir
lieu lors du transfert de la propriété ou de la possession des
marchandises ou bien il n'est pas fait un bon usage de la
marque de commerce.
Il n'y a pas de raison de supposer que l'emploi d'une marque de
commerce dans la publicité, les prospectus, les brochures, etc.
ne constituera pas un usage de la marque de commerce au sens
de l'article si, lors du transfert de la propriété ou de la
possession des marchandises, dans la pratique normale du
commerce, la marque de commerce est, de quelque autre
manière, liée aux marchandises au/point qu'avis de livraison est
alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est
transférée.
... tant que l'emploi de la marque est lié aux marchandises au
point de donner l'avis mentionné dans l'article, certains esti-
ment qu'il est peu important que la marque de commerce
apparaisse sur les marchandises elles-mêmes, sur leurs emballa-
ges ou contenants, ou soit liée à eux sur des cartes de démons-
tration, des unités d'affichage ou des camions de livraison ou
dans des listes de prix, des prospectus ou la publicité.
Les mots pertinents, en ce qui concerne le bon
usage d'une marque de commerce, sont: «N'im-
porte lequel de ces faits doit, par définition, avoir
lieu lors du transfert de la propriété ou de la
possession des marchandises ou bien il n'est pas
fait un bon usage de la marque de commerce».
Je suis persuadé que, avant et après la vente et
le transfert du système «IMAGINET», on a
montré la marque et le programme «NETMAIL»
aux représentants de la compagnie George Weston
Limited et que ceux-ci les ont vus. La requérante
avait montré ses marchandises en liaison avec la
marque de commerce tant avant qu'après la vente
faite à George Weston Limited. Cela constitue un
bon usage d'une marque de commerce. Si ce
n'était pas le cas, aucune compagnie ne pourrait
vendre son logiciel et protéger sa marque de com
merce à moins de livrer à l'acheteur du logiciel le
logiciel lui-même et portant la marque de com
merce lors du transfert de la possession. En fait, il
ne serait plus possible aux compagnies qui veulent
protéger leur logiciel visé par la marque de com
merce de l'installer à la place d'affaires du vendeur
ou à la place d'affaires de l'acheteur parce qu'il ne
serait pas fait un bon usage de la marque de
commerce et que le vendeur du logiciel perdrait la
protection que la marque de commerce garantit à
son produit. Cela ne semble pas être en accord
avec les principes valables en affaires.
Il y a eu emploi dans le cas du logiciel «NET-
MAIL» lorsqu'on en a fait la démonstration à la
compagnie George Weston Limited en juillet 1984
et lorsqu'il a été installé dans le système «IMAGI-
NET» pour l'usage de la compagnie acheteuse
George Weston Limited au cours de l'été 1984
dans les locaux de celle-ci.
Il y a donc eu emploi antérieur de la marque de
commerce «NETMAIL» par la requérante.
L'intimée, la société Bramalea Limited, n'était
pas la personne qui avait le droit d'obtenir l'enre-
gistrement de la marque de commerce «NET-
MAIL» parce que la requérante a employé la
marque de commerce «NETMAIL» au Canada
avant l'intimée et que ladite marque de commerce
n'est pas distinctive de l'intimée en ce qu'elle ne
distingue pas vraiment les marchandises en liaison
avec lesquelles elle a été enregistrée par l'intimée,
des marchandises de la requérante et n'est pas
adaptée à les distinguer ainsi.
L'ordonnance de radiation doit être accordée.
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