T-3074-82
Gurbachan Seva K. Chahill (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CHAHILL C. CANADA
Division de première instance, juge McNair —
Toronto, 20 novembre 1987; Ottawa, 9 février
1988.
Douanes et accise — Loi sur les douanes — Saisie de bijoux
importés illégalement — Fardeau de la preuve en matière de
saisie — La violation de l'art. 18 de la Loi sur les douanes
constitue une infraction contre le bien-être public — Défense
de diligence raisonnable possible — La Couronne a fait valoir
les dispositions de la Loi qui inversent le fardeau de preuve et
n'a présenté aucun élément de preuve pour établir la perpétra-
tion d'une infraction en contravention de la Loi — La preuve
établit que l'importation par la mère n'était pas intentionnelle
et que la possession des effets par la demanderesse était de
bonne foi — La saisie et la confiscation visées à l'art. 180(1) ne
s'appliquent qu'à l'égard de la personne qui a commis une
infraction — Elles ne s'appliquent pas à l'égard de la personne
qui se retrouve ultérieurement en possession des effets à moins
de prouver que celle-ci a commis une infraction en contraven
tion de la Loi.
La demanderesse, d'origine malaisienne, a immigré au
Canada en 1980. En arrivant au Canada, elle a complété la
déclaration d'entrée prescrite en vue d'identifier les effets dont
elle avait alors la charge ou la possession.
En juillet 1981, la GRC s'est rendue au domicile de la
demanderesse et a saisi des bijoux lui appartenant, notamment
un bracelet et un collier en or.
Il s'agit d'une action en reprise de possession de ces effets
fondée sur l'allégation qu'aucun droit n'était payable parce que
les effets étaient des bijoux de famille que la mère de la
demanderesse avait remis à celle-ci au cours d'une visite au
Canada en juin et juillet 1981.
La Couronne s'appuie sur l'article 248 de la Loi sur les
douanes qui inverse le fardeau de la preuve. Elle soutient que
les bijoux se trouvaient au Canada sans justification légale et
qu'il appartenait à la demanderesse d'établir qu'elle s'était
dûment conformée aux exigences de la Loi et que la saisie était
donc injustifiable au sens des dispositions de la Loi.
Jugement: l'action devrait être accueillie.
Dans l'arrêt The King v. Bureau, la Cour suprême du
Canada a conclu que la Couronne n'est pas techniquement
restreinte aux violations de la Loi sur les douanes précisées
dans l'avis de saisie donné par le ministre lorsqu'il y a suffisam-
ment d'éléments de preuve pour établir d'autres violations de la
Loi soulevées dans les actes de procédure.
Cependant, le fardeau de base ne devrait pas être moins
exigeant lorsque la Couronne ne fait que saisir les effets en
raison de violations présumées de la Loi que lorsque des
accusations sont portées après la saisie. Dans l'arrêt R. c.
Shelley, le juge en chef Laskin a dit qu'il serait impossible pour
l'accusé de s'acquitter du fardeau de la preuve prévu à l'article
248 s'il suffisait simplement d'affirmer dans l'acte d'accusation
qu'il y a possession et provenance étrangère, comme en l'espèce.
L'article 18 qui exige la production d'une déclaration crée une
infraction contre le bien-être public qui donne ouverture à la
défense de diligence raisonnable.
En l'espèce, la preuve que la mère de la demanderesse portait
le collier et le bracelet en or au moment de son arrivée au
Canada en juin 1981 est irréfutable. Il appartenait donc à la
mère d'effectuer le rapport. Une fois sa mère passée aux
douanes, la demanderesse pouvait bénéficier d'une certaine
présomption que toutes les formalités avaient été observées
selon les règles. La demanderesse a donc cru qu'elle pouvait
accepter les dons.
L'allégation que la mère a omis de faire un rapport n'est pas
suffisante pour justifier la saisie en vertu du paragraphe 180(1)
de la Loi. Le défaut de se conformer à cette obligation permet
de saisir et de confisquer les effets entre les mains de la
personne qui a commis l'acte interdit et de nulle autre. Préten-
dre le contraire nierait toute présomption d'innocence selon le
principe dégagé de l'arrêt R. c. Shelley.
La Couronne avait le fardeau d'établir hors de tout doute
raisonnable que la mère de la demanderesse avait commis une
infraction en omettant de faire un rapport au sujet des effets
selon l'article 18 de la Loi. La Couronne n'a présenté aucune
preuve à cet effet et a choisi plutôt de faire valoir les disposi
tions de l'article 248 qui inversent le fardeau de preuve pour
faire peser une présomption de culpabilité sur la demanderesse
parce qu'elle était incapable de prouver que sa mère avait fait
un rapport ou une déclaration. Ceci impose à la demanderesse
un fardeau de preuve insurmontable et constitue une présomp-
tion de culpabilité par inférence.
Puisqu'on n'a pas prouvé qu'il y a eu importation illégale et
que les effets ne correspondaient pas à la facture, la saisie ne
peut être justifiée en vertu des articles 185 et 187 de la Loi.
La preuve suffit à établir que l'importation n'était pas inten-
tionnelle et que la possession ultérieure des effets par la deman-
deresse était de bonne foi au sens de la défense des précautions
raisonnables ou de diligence raisonnable exposée par la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt La Reine c. Sault Ste-Marie.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 2(1),
18, 19, 20a), 163, 166, 180(1), 185, 187, 192, 205(1),
248.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
500.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Marun, Tvrtko Hardy v. The Queen et Minogue, Regi-
nald James v. The Queen, [1965] 1 R.C.E. 280; R. c.
Shelley, [1981] 2 R.C.S. 196; 123 D.L.R. (3d) 748;
Ardekany v. Dom. of Can. Gen. Ins. Co. (1985), 67
B.C.L.R. 162 (C.S.); R. sur la dénonciation de Mark
Caswell c. Corporation de la ville de Sault Ste-Marie,
[1978] 2 R.C.S. 1299.
DISTINCTION FAITE AVEC:
The King v. Bureau, [1949] R.C.S. 367; Kenzik, Benja-
min et al v. The Queen, [1954] R.C.E. 153; Kong et autre
c. La Reine (1984), 10 D.L.R. (4th) 226 (C.F. l'e inst.);
Glisic c. La Reine, [1984] 1 C.F. 797; (1983), 3 D.L.R.
(4th) 90 (1' inst.), infirmé [1988] 1 C.F. 731 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Shaikh (Mme Kansar) et la Reine (1982), 4 C.E.R. 123
(C.F. lie inst.).
AVOCATS:
J. David Philp pour la demanderesse.
Michael W. Duffy pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Philp, Fonseca, Rumack & Gold, Toronto,
pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MCNAIR: La demanderesse intente
une action pour reprendre possession d'un bracelet
et d'un collier en or saisis par un membre de la
Gendarmerie royale du Canada agissant en vertu
des pouvoirs conférés par la Loi sur les douanes,
S.R.C. 1970, chap. C-40. La demanderesse, Mme
Chahill, affirme être la propriétaire légitime des
bijoux et ne devoir aucun droit de douane.
La demanderesse s'est mariée en Malaisie en
1980 et a immigré au Canada avec son époux le 20
octobre de la même année. En arrivant au Canada,
la demanderesse a complété une déclaration d'en-
trée dans la forme prescrite (Pièce P-1) identifiant
les effets dont elle avait alors la charge ou la
garde. Le 6 juin 1981, la mère de la demanderesse
est arrivée de Malaisie pour visiter sa fille: elle est
restée au Canada jusqu'au 14 juillet 1981. La
mère, atteinte d'un cancer, était en phase termi-
nale et est décédée plusieurs années plus tard en
Malaisie. Le 29 juillet 1981, des agents de la GRC
se sont présentés au domicile de la demanderesse
et ont saisi des bijoux lui appartenant et, notam-
ment, le bracelet et le collier en or qu'elle portait à
ce moment. Ce sont ces deux derniers effets qui
sont à l'origine du litige. Les autres lui ont été
remis par la suite.
Le 17 août 1981, Revenu Canada avisait la
demanderesse que les deux effets avaient été
importés illégalement au Canada et qu'un droit de
2 808,40 $ était dû. Le 25 août 1981, la demande-
resse écrivait à Revenu Canada que les bracelet et
collier étaient des bijoux de famille que sa mère lui
avait donnés au cours de sa visite. Le 19 avril
1982, la demanderesse était avisée que selon la
décision du ministre rendue en application de l'ar-
ticle 163 de la Loi sur les douanes, les effets lui
seraient remis sur paiement de 1 168,40 $ dans les
30 jours de la date de l'avis, à défaut de quoi, les
effets seraient confisqués.
La demanderesse a intenté une action en dépo-
sant une déclaration le 3 mai 1982. Elle allègue
principalement qu'elle est la véritable propriétaire
des bracelet et collier saisis et qu'aucun droit ou
taxe d'accise n'est dû. Elle allègue de plus que le
ministre a refusé de lui remettre les effets même si
la preuve produite auprès des fonctionnaires com-
pétents était suffisante pour établir qu'aucun droit
n'était dû à l'égard des effets saisis.
La défense produite au nom de Sa Majesté la
Reine a été déposée le 28 octobre 1983. La défen-
deresse allègue principalement que la demande-
resse ou, subsidiairement sa mère ont importé des
effets en omettant de se conformer à l'alinéa 18b)
de la Loi sur les douanes qui prévoit qu'une
déclaration écrite doit être remise au receveur ou
au préposé des douanes compétent lors de l'arrivée
au Canada. La défenderesse allègue également que
la demanderesse et sa mère ont omis de remettre
des factures des effets. En raison de ces omissions,
les effets ont été importés illégalement et pou-
vaient être saisis et confisqués en application du
paragraphe 180(1) de la Loi.
La défenderesse allègue de plus que l'importa-
tion d'effets [article 19] ou que la déclaration
d'effets à l'entrée [alinéa 20a)] par la demande-
resse ou sa mère permettait de saisir et de confis-
quer les effets en application des articles 185 et
187 de la Loi sur les douanes. Elle allègue égale-
ment que la demanderesse ou sa mère ont passé en
contrebande ou introduit clandestinement au
Canada les effets en contravention de l'article 192
de la Loi. L'avocat de la défenderesse s'est désisté
de cette allégation à l'audience; il n'en est donc
plus question. Pour compléter le tableau, la défen-
deresse fait valoir subsidiairement que la deman-
deresse avait en sa possession des effets importés
illégalement au Canada au cours du mois de juin
1981 et que ceux-ci étaient donc susceptibles de
saisie et de confiscation en application du paragra-
phe 205(1) de la Loi sur les douanes.
L'article 18 de la Loi sur les douanes se lit ainsi:
18. Toute personne ayant la charge d'un véhicule, autre
qu'une voiture de chemin de fer, arrivant au Canada, comme
toute personne arrivant au Canada à pied ou autrement, doit
a) se rendre au bureau de douane le plus rapproché de
l'endroit où elle est arrivée au Canada, ou au poste du
préposé le plus rapproché de cet endroit si ce poste en est plus
rapproché qu'un bureau de douane;
b) avant d'en effectuer le déchargement ou d'en disposer de
quelque façon, faire connaître par écrit au receveur ou
préposé compétent, à ce bureau de douane ou à ce poste, tous
les effets dont elle a la charge ou garde ou dans le véhicule,
et les garnitures, équipements et accessoires du véhicule, et
tous animaux qui le traînent ainsi que leurs harnais et
attelages, de même que les quantités et les valeurs des effets,
équipements, accessoires, harnais et attelages en question; et
c) sur-le-champ répondre véridiquement à telles questions,
relatives aux articles mentionnés dans l'alinéa b), que lui
pose le receveur ou préposé compétent et faire à ce sujet une
déclaration en bonne forme ainsi que l'exige la loi.
Le paragraphe 180(1) porte sur les conséquen-
ces de l'omission de se conformer aux conditions de
l'article 18 et se lit ainsi:
180. (1) Lorsque la personne ayant la charge ou garde de
quelque article mentionné à l'alinéa 18b) a omis de se confor-
mer à l'une des exigences de l'article 18, tous les articles
mentionnés à l'alinéa b) susdit et dont ladite personne a la
charge ou garde, sont acquis légalement et peuvent être saisis et
traités en conséquence.
L'avocat de la défenderesse s'appuie sur l'article
248 de la Loi sur les douanes qui renverse le
fardeau de la preuve et qui se lit ainsi:
248. (1) Dans toutes procédures intentées pour recouvrer une
amende, appliquer une punition, opérer une confiscation ou
recouvrer un droit sous l'autorité de la présente loi ou de toute
autre loi concernant les douanes, ou le commerce et la naviga
tion, s'il se présente une contestation sur ou concernant l'iden-
tité, la provenance, l'importation, le chargement ou l'exporta-
tion de marchandises ou le paiement des droits à acquitter sur
les marchandises ou l'observation des prescriptions de la pré-
sente loi concernant l'inscription des marchandises ou l'exécu-
tion ou l'omission de quelque chose par laquelle cette amende,
cette punition, cette confiscation ou cette responsabilité des
droits serait encourue ou évitée, le fardeau de la preuve
incombe au propriétaire ou au réclamant des effets ou à celui
dont le devoir était de se conformer à la présente loi ou en la
possession de qui les effets ont été trouvés, et non à Sa Majesté
ou à la personne représentant Sa Majesté.
(2) De la même manière, si des procédures sont intentées
contre Sa Majesté ou contre un préposé pour recouvrer des
marchandises saisies ou de l'argent déposé sous l'autorité de la
présente loi ou de quelque autre semblable loi, si une telle
contestation se présente, le fardeau de la preuve incombe à
celui qui réclame ces marchandises saisies ou cet argent déposé,
et non à Sa Majesté ou au représentant de Sa Majesté. [C'est
moi qui souligne.]
L'avocat de la défenderesse soutient que cette
disposition et la jurisprudence applicable obligent
la demanderesse à prouver qu'elle s'est conformée
aux exigences de la Loi sur les douanes en ce qui
concerne l'entrée des effets et qu'aucune disposi
tion de la Loi n'a pu justifier la saisie. L'avocat
s'appuie sur la décision Shaikh (M1te Kansar) et La
Reine (1982), 4 C.E.R. 123 (C.F. 1re inst.) dans
laquelle le juge Marceau, en faisant allusion à
l'interaction de l'article 18 et du paragraphe
180(1), a dit à la page 125:
Un réclamant défavorablement touché par une décision du
Ministre a certainement le droit de demander lui-même l'inter-
vention de la Cour si le Ministre tarde à le faire ou néglige de le
faire. Cette initiative ne constitue cependant qu'un moyen
d'avoir recours à la procédure prévue par la Loi et le rôle de la
Cour demeurera le même que si le Ministre avait déféré
lui-même la question de la façon habituelle. [C'est moi qui
souligne.]
La Cour suprême du Canada dans l'arrêt The
King v. Bureau, [ 1949] R.C.S. 367, a clairement
circonscrit le rôle du tribunal lorsqu'une question a
été déférée par le ministre en application de l'an-
cien article 177 [devenu maintenant l'article 166].
Dans cette affaire, les préposés des douanes
avaient saisi la voiture de l'intimé et 159 600
cigarettes américaines parce que celui-ci avait
omis de déclarer l'existence des cigarettes lors de
son retour au Canada. L'intimé a été acquitté de
l'accusation de contrebande dans un procès par
jury. Le ministre du Revenu national a décidé
néanmoins que la voiture et les cigarettes devraient
être confisquées parce que celles-ci avaient été
importées illégalement et il a déféré la question à
la Cour de l'Echiquier pour qu'un procès de novo
soit tenu en vertu de l'article 177 [maintenant
devenu l'article 166]. La Cour de l'Echiquier a
décidé que l'accusation de contrebande n'avait pas
été prouvée et que la confiscation ne pouvait être
maintenue pour d'autres violations de la Loi sur
les douanes parce que le ministre, dans l'avis remis
à l'intimé, n'avait précisé aucune autre violation à
l'exception de la contrebande.
La Cour suprême a décidé, puisque la preuve
avait démontré que l'intimé avait contrevenu à
plusieurs dispositions de la Loi sur les douanes, à
savoir le refus de répondre véridiquement aux
questions, de faire une déclaration dans la forme
appropriée et par écrit, chacun de ces actes étant
suffisant pour justifier la saisie et la confiscation,
que ni son acquittement_par un jury de l'accusa-
tion d'importation illégale ni le fait que la preuve
en l'espèce n'avait pu établir l'infraction d'avoir
fait de la contrebande ne pouvaient invalider la
saisie ni porter atteinte au droit à la confiscation.
La Cour suprême, à la majorité, a exprimé l'avis
que le renvoi de la question à la Cour de l'Échi-
quier en vertu de l'article 177 était à proprement
parler un procès de novo visant à déterminer, à
partir de la preuve présentée et des questions
soulevées dans les actes de procédure, si la saisie et
la confiscation étaient justifiées et que, en se pro-
nonçant sur le bien-fondé de l'affaire, la Cour
n'était pas restreinte à l'examen des motifs précisés
dans l'avis du ministre mais pouvait, au contraire,
examiner toute preuve établissant la perpétration
d'autres infractions à la Loi sur les douanes.
Le juge en chef Rinfret, en faisant allusion à la
portée de l'article 177 [maintenant devenu l'article
166], a dit aux pages 378 et 379:
[TRADUCTION] À mon avis, cet article autorise la Cour de
l'Échiquier à étudier l'ensemble de la question et les circons-
tances qu'on lui a exposées. En l'espèce, c'est précisément ce
que la preuve soumise à cette Cour présentait et l'intimé ne s'y
est pas opposé. Dans les circonstances, la Cour de l'Échiquier
avait la compétence voulue pour déclarer la saisie et la confis
cation valables au vu de toutes les contraventions à la Loi qui
ont été prouvées en l'espèce. [C'est moi qui souligne.]
Le savant juge en chef avait précédemment
affirmé aux pages 376 et 377:
[TRADUCTION] Je suis d'avis, sans aucune hésitation, que
non seulement l'intimé n'a pas réussi à établir qu'il avait une
excuse légitime d'avoir les effets en sa possession ... et qu'il
avait le droit de reprendre possession des effets et de l'automo-
bile saisis, mais la preuve présentée au nom de la Couronne a
établi de façon concluante que l'intimé avait contrevenu à la
Loi sur les douanes et que les cigarettes et l'automobile avaient
été saisies et confisquées régulièrement et légalement.
On peut véritablement affirmer que l'intimé a contrevenu à
presque tous les articles de la Loi applicables dans les circons-
tances établies en preuve.
Les juges Kellock et Estey étaient d'avis que le
renvoi par procès de novo n'était pas restreint aux
motifs de l'avis de saisie original donné par le
ministre mais portait sur toute la preuve présentée
pour établir d'autres contraventions à la Loi sur
les douanes et ainsi justifier la saisie et la confisca
tion. En l'espèce, la preuve consistait en des affida
vits et d'autres documents que le ministre avait
remis au tribunal ainsi qu'en une transcription de
la preuve du procès par jury sur l'accusation de
contrebande. A ce sujet, le juge Estey a dit à la
page 391:
[TRADUCTION] Avec respect, ce sont les questions que les
parties ont soulevées dans leur mémoire et non le contenu de
l'avis visé par l'art. 172 qui déterminent les questions que la
Cour de l'Échiquier doit trancher.
L'avocat de la défenderesse soutient que le prin-
cipe de l'arrêt Bureau, joint avec l'article 248 qui
inverse le fardeau de la preuve, oblige la demande-
resse à prouver qu'aucune disposition de la Loi sur
les douanes ne permet à la Couronne de conserver
les effets saisis. Par conséquent, la Couronne n'a
pas à appeler de témoins, la défenderesse s'ap-
puyant sur la décision Kenzik, Benjamin et al v.
The Queen, [1954] R.C.É. 153. Dans cette affaire,
le tribunal a appliqué l'arrêt Bureau en décidant
que le ministre n'était pas lié par les raisons don-
nées dans l'avis de saisie original. Dans les deux
décisions Kenzik et Bureau, il y avait suffisam-
ment de preuves pour conclure à la violation d'au-
tres dispositions de la Loi, lesquelles étaient facile-
ment identifiables dans les actes de procédure et
différentes de celles mentionnées dans l'avis de
saisie original.
À mon avis, le fondement de l'arrêt The King v.
Bureau, précité, est que, en principe, la Couronne
n'est pas restreinte aux violations mentionnées
dans l'avis de saisie original s'il y a suffisamment
de preuves établissant la violation d'autres disposi
tions de la Loi soulevée dans les actes de procédure
des parties. Selon moi, la Couronne est, en l'es-
pèce, restreinte aux violations de la Loi sur les
douanes soulevées dans sa défense pour justifier la
saisie et la confiscation des effets visés. Il n'est pas
surprenant que la Couronne ait choisi de n'appeler
personne à témoigner à l'appui de la saisie et de la
confiscation.
Le juge Cattanach a précisé comme suit le
devoir imposé par la Loi sur les douanes aux
personnes qui arrivent au Canada avec des effets
dans la décision Marun, Tvrtko Hardy v. The
Queen et Minogue, Reginald James v. The Queen,
[1965] 1 R.C.É. 280, la page 292:
[TRADUCTION] Toute personne qui entre au Canada avec des
effets est soumise à une triple obligation (1) aviser le bureau de
douane de l'existence des effets (2) compléter une déclaration
d'entrée à leur sujet et (3) acquitter les droits de douane.
Il est bien reconnu que [TRADUCTION] «[la]
confiscation s'impose dès que l'infraction a été
commise et résulte du fait même de l'infraction à
l'égard de laquelle la peine de la confiscation est
imposée»: voir l'arrêt The King v. Bureau, précité,
à la page 377. L'avocat de la Couronne a égale-
ment cité les décisions Kong et autre c. La Reine
(1984), 10 D.L.R. (4th) 226 (C.F. 1" inst.) et
Glisic c. La Reine, [1984] 1 C.F. 797; (1983), 3
D.L.R. (4th) 90 (i fe inst.) [infirmée en appel pour
d'autres motifs, [1988] 1 C.F. 731 (C.A.)], comme
autorité à l'appui de la proposition que chaque
personne qui entre au Canada avec des effets est
obligatoirement tenue de faire, de sa propre initia
tive, un rapport ou une déclaration par écrit au
bureau de douane au sujet des effets à défaut de
quoi ceux-ci sont automatiquement confisqués au
profit de la Couronne et peuvent être saisis en tout
lieu et en tout temps comme biens de la Couronne,
sous réserve des restrictions de la loi. Cette préten-
tion signifie littéralement que tout bien non
déclaré qu'une personne apporte au Canada
devient automatiquement confisqué au profit de la
Couronne et peut être ultérieurement saisi sans
égard à la possession de bonne foi et à la bonne foi
des opérations ultérieures à son sujet. Les consé-
quences draconiennes de cette obligation peu
connue pour les voyageurs canadiens ont fait l'ob-
jet d'un examen complet dans d'autres décisions:
voir surtout les décisions précitées Kong et autre c.
La Reine et Glisic c. La Reine. A mon avis, ces
décisions peuvent être distinguées d'avec l'espèce
puisque la personne accusée d'avoir violé l'article
18 était celle qui avait apporté les effets au
Canada.
Il devient nécessaire d'examiner la nature des
«infractions» visées par la Loi sur les douanes et, le
cas échéant, le fardeau de la preuve de la Cou-
ronne pour distinguer les situations où la Couronne
ne fait que saisir les effets en raison des violations
présumées de la Loi, comme en l'espèce, et celles
où les effets sont saisis après quoi des accusations
sont portées. À mon avis, le fardeau de base ne
devrait pas être moins exigeant dans le premier cas
que dans le dernier. Dans les deux cas, la Cou-
ronne prétend qu'il y a eu perpétration d'une
infraction ou violation de la Loi pour justifier la
saisie. Je trouve un certain appui à cette conclu
sion dans la définition des expressions «saisi et
confisqué» et «passible de confiscation» contenue
au paragraphe 2(1) de la Loi et plus particulière-
ment dans le dernier membre de la phrase qui se lit
ainsi:
2. (1) ...
mais la confiscation résulte du fait même de l'infraction à
l'égard de laquelle la peine de confiscation est imposée, à
compter du moment où l'infraction est commise; [C'est moi qui
souligne.]
Dans l'affaire R. c. Shelley, [1981] 2 R.C.S.
196; 123 D.L.R. (3d) 748, le prévenu a été accusé
en vertu de l'article 205 de la Loi sur les douanes
d'avoir eu en sa possession, sans excuse légitime,
des effets illégalement importés au Canada ayant
une valeur imposable de 200 $ ou plus. La pour-
suite a établi que le prévenu avait les effets en sa
possession et elle a établi la valeur imposable de
200 $ ou plus. Pour établir que les effets avaient
été importés illégalement, la poursuite s'est
appuyée sur le paragraphe 248(1) de la Loi qui
prévoit notamment que s'il se présente une contes-
tation quant à l'identité, la provenance ou l'impor-
tation de marchandises, le fardeau de la preuve
incombe à la personne qui les possède. La preuve a
établi que les marchandises provenaient de l'exté-
rieur du Canada mais le prévenu soutenait les
avoir acquises au Canada à un prix inférieur à leur
valeur. Comme leur provenance étrangère et leur
achat à un prix inférieur à leur valeur ne permet-
taient pas de conclure qu'elles avaient été impor-
tées illégalement, la poursuite a invoqué le para-
graphe 248(1). La Cour d'appel de la
Saskatchewan a accueilli l'appel de l'intimé à l'en-
contre de la déclaration de culpabilité prononcée
au procès. La Cour suprême, à la majorité, a rejeté
l'appel de la poursuite pour le motif que celle-ci
doit, comme condition de preuve minimum, établir
les faits à partir desquels l'accusé peut être raison-
nablement tenu de s'acquitter du fardeau d'établir,
selon la prépondérance des probabilités, la légalité
de l'importation et, puisqu'elle ne l'a pas fait, le
paragraphe 248 (1) portant sur l'inversion du far-
deau de la preuve n'a pu s'appliquer.
Le juge en chef Laskin, au nom de la majorité, a
dit à cet égard aux pages 203 R.C.S.; 753 D.L.R.:
La simple affirmation dans l'acte d'accusation qu'il y a eu
possession de marchandises de provenance étrangère ne suffit
pas pour conclure que la poursuite s'est acquittée du fardeau de
sorte que l'accusé soit tenu de faire une preuve selon la
prépondérance des probabilités. Comme je l'ai dit, il serait
impossible de s'acquitter du fardeau de la preuve prévu à l'art.
248 s'il suffisait simplement d'affirmer dans l'acte d'accusation
qu'il y a possession et provenance étrangère.
Ce passage du juge en chef Laskin était précédé
de la déclaration suivante aux pages 202 et 203
R.C.S.; 752 et 753 D.L.R.:
Il me paraît évident en l'espèce qu'il n'y a au dossier aucun
lien rationnel ou nécessaire entre le fait prouvé, c.-à-d. la
possession de marchandises d'origine étrangère, et la conclusion
d'importation illégale que l'accusé doit réfuter en vertu du par.
248(1) pour ne pas être déclaré coupable. On ne sait pas à
quelle époque ces marchandises précises ont été importées. Pour
que la poursuite puisse tirer profit du déplacement du fardeau
de la preuve au par. 248(1), elle doit au moins, en plus d'établir
la provenance étrangère et la possession des marchandises,
établir que l'accusé a la connaissance ou des moyens de connaî-
tre les circonstances de l'importation qui lui permettraient de
prouver, si c'est le cas, qu'elles ont été importées légalement.
Une exigence moindre laisserait à l'accusé un fardeau de
preuve insurmontable et équivaudrait à une présomption irréfu-
table de culpabilité contre lui, ce qui le priverait du droit à la
présomption d'innocence en vertu de l'al. 2J) de la Déclaration
canadienne des droits.
Je vais maintenant examiner la nature de l'in-
fraction sur laquelle la Couronne s'appuie princi-
palement, c'est-à-dire la violation de l'article 18 de
la Loi sur les douanes. Comme je l'ai déjà indiqué,
on allègue principalement que la demanderesse
était en possession de deux articles de bijouterie de
provenance étrangère qui ne figurent pas sur la
déclaration d'entrée qu'eIle a signée le 20 octobre
1980 et pour lesquels aucun autre rapport ou
déclaration par écrit n'a été produit comme l'exige
l'article 18 de la Loi. En l'absence de ce rapport ou
de cette déclaration, les effets sont réputés avoir
été automatiquement confisqués au profit de la
Couronne en application du paragraphe 180(1) et,
par conséquent, susceptibles de saisie.
À mon avis, l'article 18 de la Loi sur les doua-
nes crée une infraction contre le bien-être public
qui donne ouverture à la défense de diligence
raisonnable: voir la décision Ardekany v. Dom. of
Can. Gen. Ins. Co. (1985), 67 B.C.L.R. 162
(C.S.).
Il convient de souligner l'arrêt R. sur la dénon-
ciation de Mark Caswell c. Corporation de la ville
de Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, qui
classe les infractions créées par la loi dans trois
catégories, celles dans lesquelles la mens rea doit
être établie, les infractions contre le bien-être
public ou de responsabilité stricte et les infractions
de responsabilité absolue. Un élément essentiel
dans les trois cas est que la poursuite a le fardeau
d'établir la perpétration d'un acte prohibé ou inter-
dit. Le tribunal a qualifié l'infraction de pollution
d'infraction contre le bien-être public ou de res-
ponsabilité stricte qui donne ouverture à la défense
des précautions nécessaires ou de diligence raison-
nable. Finalement, le tribunal a rejeté le pourvoi et
le pourvoi incident et a ordonné la tenue d'un
nouveau procès puisque la preuve portant sur la
défense de diligence raisonnable était insuffisante.
Le juge Dickson [alors juge puîné] a défini cette
défense à la page 1326:
Ceci comporte l'examen de ce qu'une personne raisonnable
aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si
l'accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits
inexistant qui, s'il avait existé, aurait rendu l'acte ou l'omission
innocent, ou si l'accusé a pris toutes les précautions raisonna-
bles pour éviter l'événement en question. [C'est moi qui
souligne.]
Il poursuit en disant à la page 1328:
La preuve de l'acte prohibé entraîne une présomption d'in-
fraction, mais l'accusé peut écarter sa responsabilité en faisant
la preuve de sa diligence raisonnable.
Enfin, le savant juge a commencé à définir les
critères de preuve respectifs à la page 1325:
Alors que la poursuite doit prouver au-delà de tout doute
raisonnable que le défendeur a commis l'acte prohibé, le défen-
deur doit seulement établir, selon la prépondérance des proba-
bilités, la défense de diligence raisonnable.
Il me semble que le fondement de la cause de la
défenderesse consiste à affirmer que le fardeau de
preuve repose entièrement sur la demanderesse qui
doit prouver qu'elle-même ou sa mère a importé
les bijoux au Canada légalement, et qu'il suffit que
la poursuite allègue dans ses actes de procédure la
violation de dispositions de la loi pour se décharger
de son fardeau de prouver l'importation illégale.
La question que l'article 18 de la Loi sur les
douanes soulève est simplement celle-ci: Qui avait
l'obligation d'effectuer un rapport écrit ou une
déclaration d'entrée aux termes de cet article au
regard des articles de bijouterie saisis et confis-
qués?
La preuve que la mère de la demanderesse
portait le collier et le bracelet en or au moment de
son arrivée au Canada le 6 juin ;1981 est irréfuta-
ble. Il s'ensuit qu'il lui appartenait d'effectuer un
rapport écrit ou une déclaration d'entrée au sujet
des bijoux. J'accepte le témoignage de la demande-
resse que sa mère a été conduite dans la zone
d'arrivée de l'aéroport dans un fauteuil roulant
après avoir été questionnée séparément par un
préposé des douanes et après être passée aux doua-
nes. J'accepte aussi le témoignage de la demande-
resse que sa mère comprenait peu l'anglais oral et
était tout à fait incapable de s'exprimer dans cette
langue. La demanderesse a eu le net sentiment que
sa mère était passée aux douanes régulièrement et
peut donc bénéficier d'une certaine présomption
que toutes les formalités avaient été observées
selon les règles.
La preuve établit également que la demande-
resse a dûment complété la formule de déclaration
d'importation occasionnelle pour identifier ses
effets et bijoux personnels lors de son arrivée au
Canada le 20 octobre 1980. La demanderesse a
alors déclaré que les renseignements étaient exacts
et complets au meilleur de sa connaissance. La
demanderesse a déclaré en contre-interrogatoire
qu'elle n'avait pas mentionné les deux articles de
bijouterie sur la formule puisqu'elle ne les avait
pas à cette époque. J'estime qu'il s'agit là d'une
explication raisonnable et que la formule de décla-
ration d'importation occasionnelle que la deman-
deresse a complétée et remise aux préposés des
douanes constituait un rapport écrit suffisant aux
termes de l'alinéa 18b) de la Loi. J'estime aussi
que la demanderesse a dit la vérité, à cette époque
et aujourd'hui, en réponse aux questions relatives
aux articles mentionnés sur la formule comme elle
devait le faire et qu'elle a dûment complété la
déclaration conformément à l'alinéa 18c). Par con-
séquent, je suis convaincu d'après la preuve que la
demanderesse elle-même s'est conformée aux exi-
gences de l'article 18 de la Loi sur les douanes.
Qu'en est-il de l'allégation contenue dans la
défense selon laquelle la mère a commis une
infraction en omettant de faire un rapport écrit ou
une déclaration d'entrée au sujet des effets, ren-
dant ainsi le paragraphe 180(1) de la Loi applica
ble. Le paragraphe 180(1) emploie les mots «la» et
«ladite» pour désigner la personne qui a la charge
ou la garde de «quelque article mentionné à l'ali-
néa 18b)» comme étant celle qui doit faire un
rapport écrit ou une déclaration d'entrée au sujet
de ces articles. Le défaut de se conformer à cette
obligation permet de saisir et de confisquer l'arti-
cle entre les mains de la personne qui a commis
l'acte interdit et de nulle autre. La fille doit-elle
être punie en vertu du paragraphe 180(1) de la Loi
des péchés par omission commis par sa mère, le cas
échéant? Je ne le crois pas. Affirmer que la portée
de cet article vise une personne, comme la deman-
deresse, qui se retrouve finalement en possession
des effets, sans preuve qu'elle a commis une infrac
tion à la Loi, c'est faire fi du sens ordinaire et
littéral des termes de la Loi dans son contexte. De
plus, l'interprétation recherchée par la poursuite
nierait toute présomption d'innocence selon le
principe dégagé de l'arrêt R. c. Shelley, précité.
À mon avis, la défenderesse avait le fardeau
d'établir hors de tout doute raisonnable que la
mère de la demanderesse avait commis une infrac
tion en omettant de faire un rapport écrit ou une
déclaration d'entrée au sujet des effets saisis au
sens de l'article 18 de la Loi sur les douanes. La
défenderesse n'a pas réussi à établir la preuve que
la mère avait commis une infraction, sans égard au
critère de preuve applicable. La défenderesse a
plutôt choisi de faire valoir les dispositions de
l'article 248 qui inversent le fardeau de preuve
pour faire peser une présomption de culpabilité sur
la demanderesse qui était incapable de prouver que
sa mère avait fait un rapport écrit ou une déclara-
tion d'entrée au sujet des biens. À mon avis, ceci
impose à la demanderesse un fardeau de preuve
insurmontable et constitue une présomption de
culpabilité par inférence, contrairement au prin-
cipe dégagé de l'arrêt R. c. Shelley. De plus, pour
paraphraser les mots du juge Dickson dans l'arrêt
Sault Ste-Marie, cela violerait clairement «le prin-
cipe qu'on répugne généralement à punir celui qui
est innocent».
Je dois maintenant examiner les deux dernières
allégations de la défenderesse.
Selon la première, l'importation ou la déclara-
tion d'entrée illégale des effets par la demande-
resse ou sa mère rend les effets saisissables en
vertu des articles 185 et 187 de la Loi sur les
douanes. Les articles 185 et 187 se lisent ainsi:
185. Si des effets sont illégalement importés sur la personne
ou comme bagage, ou parmi le bagage de quelqu'un qui arrive
au Canada, à pied ou autrement, ces effets sont saisis et
confisqués.
187. S'il est découvert des effets déclarés ou que l'on tente de
faire passer par la douane qui ne correspondent pas aux effets
décrits dans la facture ou dans la déclaration, ces effets peuvent
être saisis et confisqués.
J'accorde foi au témoignage non contredit de la
demanderesse qu'elle n'a pas importé les effets
visés ni tenté de les faire passer par la douane. Sa
preuve des raisons pour lesquelles les effets saisis
ne correspondaient pas à la formule de déclaration
d'importation occasionnelle me convainc égale-
ment. En ce qui concerne la mère, aucune preuve
n'indique qu'elle s'est livrée à de l'importation
illégale. A mon avis, la matière de l'infraction n'a
pas été prouvée et les articles 185 et 187 ne
peuvent donc être invoqués à l'appui de la saisie et
de la confiscation.
Enfin, la défenderesse invoque l'article 205 de la
Loi. Il me semble que cet article tombe automati-
quement dès que la poursuite se désiste de l'alléga-
tion de contrebande. Même si ça n'est pas le cas,
j'estime que l'article 205 crée une infraction qui
exige la preuve de la mens rea et le dépôt d'une
accusation contre la personne accusée d'y avoir
contrevenu; l'article ne s'applique donc pas aux
circonstances en l'espèce.
Finalement, j'estime que l'incapacité de la
défenderesse d'établir la perpétration d'une infrac
tion en contravention des dispositions invoquées de
la Loi sur les douanes annule la saisie et la
confiscation des effets visés. Quoi qu'il en soit,
j'estime que la preuve suffit amplement à établir
que l'importation n'était pas intentionnelle et que
la possession ultérieure des effets par la demande-
resse était de bonne foi au sens de la défense des
précautions raisonnables ou de diligence raisonna-
ble exposée par la Cour suprême du Canada dans
l'arrêt La Reine c. Sault Ste-Marie, précité. L'ac-
tion de la demanderesse est donc accueillie et la
défenderesse échoue.
L'avocat de la demanderesse a demandé à la fin
de l'audience que la déclaration soit modifiée pour
que la demanderesse ait le droit de reprendre
possession des effets saisis sur paiement de la
somme de 1 168,40 $ évaluée par le ministre.
L'avocat de la défenderesse s'y est évidemment
opposé. Après avoir entendu les nombreux argu
ments des avocats à cet égard, j'ai permis qu'une
modification soit apportée au redressement
demandé dans la déclaration par l'adjonction, à la
suite du paragraphe a), d'un paragraphe b) qui se
lit ainsi:
b) Subsidiairement, des dommages-intérêts en tenant lieu.
Les avocats ont convenu que toute évaluation
des dommages-intérêts découlant de l'incapacité
de la défenderesse de remettre à la demanderesse
les articles de bijouterie saisis à la suite d'une
décision en ce sens ferait l'objet d'une référence en
application de la Règle 500 [Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663].
Pour les motifs qui précèdent, un jugement sera
rendu en faveur de la demanderesse ordonnant à la
défenderesse de lui remettre les effets décrits dans
la déclaration et ordonnant que des dommages-
intérêts soient versés si la défenderesse est incapa
ble ou refuse de remettre les effets. La défende-
resse sera tenue de payer à la demanderesse dans
la présente action ses frais taxés.
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