A-603-86
Mr. Submarine Limited (appelante) (demande-
resse)
c.
Amandista Investments Limited faisant affaires
sous la raison sociale de Mr. Subs'N Pizza et Mr.
29 Minite Subs'N Pizza (intimée) (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: MR. SUBMARINE LTD. C. AMANDISTA INVEST
MENTS LTD.
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Urie et
Desjardins—Halifax, 25 novembre; Ottawa, 16
décembre 1987.
Marques de commerce — Contrefaçon — L'appelante est la
titulaire enregistrée de la marque de commerce «Mr. Subma
rine» — Refus de lui accorder une injonction pour empêcher
l'intimée d'utiliser les marques de commerce «Mr. Subs'N
Pizza» et «Mr. 29 Minite Subs'N Pizza» — L'action en
contrefaçon repose sur les art. 19 et 20 de la Loi sur les
marques de commerce — Un droit d'action en contrefaçon
reposant sur la reproduction d'une partie de la marque enre-
gistrée n'est pas justifiable en vertu de l'art. 19 seul — Il doit
prendre naissance, s'il en est, dans l'art. 20 ou l'art. 22 —
L'intimée n'a ni reproduit ni utilisé la marque de l'appelante
— Il est clair que, à certains égards, les marques se ressem-
blent — Probabilité de confusion — Appel accueilli.
L'appelante, titulaire enregistrée de la marque de commerce
«Mr. Submarine», se spécialise dans la vente de sandwiches
sous-marins. Elle a sollicité mais n'a pas obtenu une injonction
interdisant à la défenderesse d'utiliser les marques de com
merce «Mr. Subs'N Pizza» et «Mr. 29 Minite Subs'N Pizza» en
liaison avec la vente de sandwiches sous-marins et de pizza. Il
ressort des faits que la marque de l'appelante a été utilisée et
annoncée dans une grande mesure, que son entreprise vise
principalement les clients qui se présentent en personne alors
que celle de l'intimée s'occupe principalement de commandes
téléphoniques, et que les deux entreprises sont exploitées depuis
1976 dans la région Halifax-Dartmouth. L'appelante fait valoir
que, en utilisant l'expression «Mr. Subs» comme élément consti-
tutif de sa marque de commerce, l'intimée a reproduit un
élément essentiel de la marque de commerce de l'appelante
violant ainsi l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce
qui donne au titulaire d'une marque de commerce enregistrée le
droit exclusif à l'emploi de cette marque. L'appelante soutient
également que le juge de première instance a eu tort de
conclure que les marques de l'intimée ne créaient pas de
confusion avec celles de l'appelante.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
L'argument de l'appelante selon lequel son droit exclusif a
été violé par l'intimée sur la base de l'article 19 seul est rejeté.
C'est, semble-t-il, seulement la reproduction d'une marque de
commerce enregistrée qui puisse justifier une action fondée
uniquement sur l'article 19, sans tenir compte de la probabilité
de confusion (article 20) ou d'une diminution de la clientèle
(article 22). Un droit d'action reposant sur la reproduction
d'une partie de la marque enregistrée ou sur l'emploi d'une
marque de commerce semblable doit prendre naissance, s'il en
est, dans l'article 20 ou dans l'article 22. Cette idée se trouve
étayée par le raisonnement adopté par le juge Noel (tel était
alors son titre) dans l'affaire Schaeren, (Mido G.) and Co. S.A.
v. Turcotte et al., [1965] 2 R.C.É. 451. La question n'a pas été
définitivement tranchée puisqu'il ressort des faits de l'espèce
que l'intimée n'avait ni reproduit ni utilisé la marque de
commerce «Mr. Submarine».
Le juge de première instance a commis une erreur en mettant
l'accent sur les différences entre les marques de commerce, au
lieu d'examiner leur ressemblance du point de vue d'un consom-
mateur ayant un souvenir imparfait de la marque ou de l'entre-
prise de l'appelante. Le juge de première instance a également
commis une erreur en tenant compte de la différence dans les
modes d'exploitation commerciale des parties (commandes télé-
phoniques et livraison par opposition aux commandes que font
les clients qui se présentent en personne) et du fait que l'entre-
prise de l'intimée consiste d'abord et avant tout à vendre de la
pizza. De plus, il n'aurait pas dû prendre en considération le
style des caractères, la coloration des enseignes et la présenta-
tion des marques qu'on retrouve sur les affiches, les boîtes etc.
Ces facteurs sont pertinents dans une action en passing off Ils
ne sont pas pertinents dans une action en contrefaçon d'une
marque de commerce enregistrée. On ne devrait pas en tenir
compte pour trancher la question de confusion.
Le paragraphe 6(5) de la Loi a été cité pour trancher la
question de probabilité de confusion. Même si aucun cas de
confusion réelle ne s'était révélé, il a été néanmoins constaté
que l'emploi des marques dans la même région géographique
était susceptible de faire conclure que les marques étaient d'une
certaine façon liée l'une à l'autre. Certes, le degré de ressem-
blance entre les marques est faible lorsqu'on les examine dans
leur ensemble; mais, à certains égards, elles se ressemblent
manifestement, en particulier dans la combinaison de «Mr.»
avec «Submarine» et de «Mr.» avec «Subs,,. Elles se ressemblent
partiellement dans la présentation, qu'elles soient écrites ou
imprimées, dans le son ou dans les idées qu'elles suggèrent.
Toutes les marques font penser à un commerce qui consiste
dans la vente de sandwiches sous-marins. Tant la marque «Mr.
Submarine» que les marques de l'intimée tirent, en tout ou en
partie, leur caractère distinctif de la combinaison d'un mot qui
désigne un sandwich sous-marin avec le titre de courtoisie
«Mr.». Il est interdit à l'intimée de faire usage du mot «Mr.» en
liaison avec le mot «submarine» ou «subs» ou avec tout autre
mot qui fait penser à des sandwiches sous-marins.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 6(1),(2),(4),(5), 19, 20.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Schaeren, (Mido G.) and Co. S.A. v. Turcotte et al.,
[1965] 2 R.C.É. 451.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Saville Perfumery Ld. v. June Perfect Ld. and Wool-
worth (F.W.) & Co. Ld. (1941), 58 R.P.C. 147 (H.L.).
DOCTRINE
Fox, H. G. The Canadian Law of Trade Marks and
Unfair Competition, 3rd ed. Toronto: The Carswell
Company Limited, 1972.
AVOCATS:
Gregory A. Piasetzki et Robert Wilkes pour
l'appelante (demanderesse).
William M. Leahey et Craig R. Berryman
pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Rogers, Beres kin & Parr, Toronto, pour
l'appelante (demanderesse).
Burton, Lynch, Armsworthy, Ward & O'Neill,
Halifax, pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Appel est inter-
jeté du jugement par lequel la Division de pre-
mière instance [(1986), 9 C.I.P.R. 164; 11 C.P.R.
(3d) 425; (1987) 6 F.T.R. 189] a rejeté l'action en
contrefaçon de trois marques de commerce enre-
gistrées intentée par l'appelante.
L'appel porte sur la question de savoir si le juge
de première instance a commis une erreur en ne
concluant pas à une contrefaçon sous forme soit
d'appropriation et d'emploi d'une partie essentielle
des marques enregistrées de l'appelante, soit sous
forme d'emploi d'une marque de commerce ou
d'un nom commercial qui crée de la confusion avec
les marques de l'appelante. Pour ce qui est du
premier point, l'appelante s'est appuyée' sur l'arti-
cle 19 de la Loi sur les marques de commerce
[S.R.C. 1970, chap. T-10] et au sujet du
deuxième, sur l'article 20. La validité des enregis-
trements de l'appelante n'est pas contestée.
Voici le libellé des articles mentionnés:
19. Sous réserve des articles 21, 31 et 67, l'enregistrement
d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou
services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au proprié-
' À l'ouverture de l'instruction, l'avocat a déclaré que l'appe-
lante ne s'appuyait pas sur l'article 7 ni sur l'article 22 de la Loi
sur les marques de commerce.
taire le droit exclusif à l'emploi, dans tout le Canada, de cette
marque de commerce en ce qui regarde ces marchandises ou
services.
20. Le droit du propriétaire d'une marque de commerce
déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est censé violé par
une personne non admise à l'employer selon la présente loi et
qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en
liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial
créant de la confusion; mais aucun enregistrement d'une
marque de commerce ne doit empêcher une personne
a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom
commercial, ni
b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque
de commerce,
(i) le nom géographique de son siège d'affaires, ou
(ii) toute description exacte du genre ou de la qualité de
ses marchandises ou services,
d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la
valeur de la clientèle attachée à la marque de commerce.
Comme il n'y a pas eu contestation des faits
constatés par le juge de première instance, il con-
vient de reproduire le résumé qu'elle a fait de
ceux-ci [aux pages 165-167 C.I.P.R.; 426-428
C.P.R.; 190-192 F.T.R.]:
La demanderesse sollicite une injonction pour empêcher la
défenderesse d'utiliser les marques de commerce «MR.
SUBS'N PIZZA» et «MR. 29 MIN. SUBS'N PIZZA». La
demanderesse est la titulaire enregistrée de la marque de
commerce «MR. SUBMARINE», qui a été enregistrée le 29
décembre 1972, pour être employée en liaison des sandwiches
(numéro d'enregistrement 187 539) et le 26 septembre 1975,
pour être employée en liaison avec les services liés à l'exploita-
tion de restaurants et à la fourniture de conseils et d'aide à
d'autres exploitants de restaurants (numéro d'enregistrement
209 714). Le premier enregistrement était fondé sur un emploi
au Canada remontant au moins au 15 mars 1968 et le second,
sur un emploi remontant au le' octobre 1971. La demanderesse
est également, depuis le l» septembre 1978, titulaire de l'enre-
gistrement d'un dessin. Le dessin montre la marque de com
merce «MR. SUBMARINE» en caractères «Cooper Block»
disposés à l'horizontale d'une façon qui s'apparente à la disposi
tion ci-dessus. Il est enregistré en liaison avec des sandwiches,
des viandes cuites et préparées, comme le salami, ainsi qu'en
liaison avec l'exploitation de restaurants et la fourniture de
conseils et d'aide à d'autres exploitants de restaurants.
La demanderesse se spécialise dans la vente de sous-marins.
Un sous-marin est un grand pain allongé qu'on garnit de
diverses combinaisons de viandes, de légumes et de sauces. Le
terme «sous-marin» et, en anglais, son abréviation «subs», sont
les termes génériques qu'on emploie pour désigner ce type
particulier de sandwich.
La demanderesse a commencé ses activités avec un établisse-
ment à Toronto en 1968. En 1975, elle avait 78 établissements:
48 dans la région de Toronto, 24 en Ontario, mais à l'extérieur
de la région de Toronto, cinq dans l'Ouest canadien, un au
Québec et aucun dans les provinces de l'Atlantique. La deman-
deresse était elle-même propriétaire de certains magasins et les
exploitait; toutefois, la plupart étaient des concessions
commerciales.
En 1975, un certain M. Murphy a ouvert un commerce de
sous-marins et de pizzas à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse,
dans un établissement situé sur le chemin Windmill. Cet éta-
blissement devait devenir par la suite ce qui est maintenant
l'entreprise de la défenderesse. L'entreprise était exploitée sous
la raison sociale «subs and pizza». Ses activités étaient centrées
sur la livraison de ces produits aux clients qui les comman-
daient par téléphone. Après 1975, mais avant 1977, la raison
sociale a été changée pour «MR. SUBS'N PIZZA», étant
donné que la Division des compagnies de la Nouvelle-Écosse
refusait d'enregistrer seuls les mots «subs and pizza» comme
raison sociale; ces deux mots sont des termes génériques. À peu
près à la même époque que celle à laquelle la défenderesse a
commencé à désigner son entreprise sous la raison sociale «MR.
SUBS'N PIZZA», la demanderesse a ouvert une concession
«Mr. Submarine» sur la rue Main à Dartmouth. Les deux
magasins étaient et sont toujours à environ trois milles l'un de
l'autre.
On ne sait pas avec exactitude à quel moment la raison
sociale «MR. 29 MINITE» (parfois MIN. ou MINIT)
SUBS'N PIZZA a été adoptée, mais il est certain qu'au moins
dès 1981 ce nom était, avec l'ancien nom, «MR. SUBS'N
PIZZA» employé en liaison avec l'entreprise qu'exploitait la
défenderesse sur le chemin Windmill. En 1983, la défenderesse
a ouvert un second établissement, chemin Quinpool, à Halifax;
un troisième et un quatrième ont été ouverts en 1985. L'un
d'entre eux est situé dans le centre commercial Woodlawn, à
Dartmouth, à trois quarts de mille de l'établissement que
possède la demanderesse sur la rue Main.
Pour le moment, la demanderesse n'a toujours qu'une seule
concession dans la région de Halifax-Dartmouth, celle de la rue
Main, bien qu'il semblerait qu'entre 1980 et 1983, plusieurs
autres établissements (Herring Cove et Quinpool Road) aient
été exploités. À l'échelle du pays, la demanderesse possède
maintenant 234 établissements: 73 dans la région de Toronto;
98 en Ontario mais à l'extérieur de la région de Toronto; 51
dans l'Ouest canadien; six au Québec et six dans les provinces
de l'Atlantique (dont quatre à St. Johns (Terre-Neuve), un à
Saint John (Nouveau-Brunswick) et un sur la rue Main à
Dartmouth). En règle générale, les restaurants de la demande-
resse ne font pas la livraison des produits alimentaires qu'ils
vendent à leurs clients. Il est en tout cas certain que l'établisse-
ment de Dartmouth ne le fait pas. Le commerce de la deman-
deresse consiste à vendre des sous-marins, des breuvages, etc.
aux clients qui se présentent en personne à ses établissements.
Comme nous l'avons déjà souligné, les activités de la défen-
deresse sont centrées principalement sur les commandes télé-
phoniques et non sur les commandes que font les clients qui se
présentent en personne. Son entreprise se spécialise dans la
livraison rapide des produits qui sont commandés. Voilà la
raison d'être de l'expression «29 min.» dans la marque de
commerce de la défenderesse. La défenderesse promet de livrer
toute commande dans les 29 minutes qui suivent le moment où
la commande téléphonique est reçue. La vente de pizzas consti-
tue un élément beaucoup plus important de l'entreprise de la
défenderesse que la vente de sous-marins. Environ soixante-dix
à soixante- quinze pour cent des recettes de la défenderesse
proviennent de la vente de pizzas.
Il est constant que l'enregistrement de la demanderesse
confère à celle-ci le droit exclusif d'utiliser partout au Canada
sa marque en liaison avec les marchandises et services qui sont
décrits dans l'enregistrement (art. 19 de la Loi sur les marques
de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10). Il y a atteinte à ce
droit lorsqu'une personne emploie un nom commercial ou une
marque de commerce qui crée de la confusion avec la marque
enregistrée.
Il ressort d'autres faits, qui découlent de la
preuve et sur lesquels l'appelante a mis l'accent,
que la marque de commerce «Mr. Submarine» a
été employée et annoncée dans une grande mesure,
qu'elle est devenue très bien connue particulière-
ment à Toronto, dans le reste de l'Ontario et dans
l'Ouest du Canada, que les ventes de sandwiches et
de boissons effectuées par l'appelante et ses con-
cessionnaires s'élevaient en 1985 à quelque
58 000 000 $ et que M. Murphy, qui a ouvert un
commerce de sous-marins et de pizzas à Dart-
mouth en 1975, était au courant de la marque
«Mr. Submarine» lorsque, dans la même année, il a
adopté le nom commercial et la marque de com
merce «Mr. Subs'N Pizza».
L'appelante a tout d'abord fait valoir que, en
employant l'expression «Mr. Subs» comme élément
constitutif de sa marque de commerce ou de son
nom commercial, l'intimée avait [TRADUCTION]
«réellement ou essentiellement reproduit la marque
de commerce de l'appelante» ou un «élément essen-
tiel» de cette marque, qu'elle a donc violé les droits
exclusifs conférés par l'article 19 et que, dans ce
cas, il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve
d'une probabilité de confusion. En termes simples,
l'appelante soutient que l'intimée encourt une res-
ponsabilité pour avoir fait sans permission ce que
l'appelante avait le droit exclusif de faire.
À l'appui de cet argument, l'avocat a cité l'ex-
trait suivant de la troisième édition de l'ouvrage
The Canadian Law of Trade Marks and Unfair
Competition 2 , mais il a reconnu qu'il n'existe
aucune jurisprudence canadienne à cet égard.
[TRADUCTION] La méthode la plus facile permettant d'éta-
blir la contrefaçon réside dans la preuve d'une reproduction
réelle ou essentielle de la marque du demandeur. Dans ce cas,
le demandeur établit sa cause en produisant son certificat
d'enregistrement sous le régime de l'art. 53 de la Loi. L'article
19 lui donne l'emploi exclusif de cette marque et l'art. 20
interdit la violation de celle-ci. Il n'est pas nécessaire de
prouver que les clients ont fait l'objet d'une tromperie réelle ni
que l'emploi vise à tromper. Lorsque l'action repose sur l'appro-
priation de la marque enregistrée du demandeur, l'action de ce
2 Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair
Competition, (3e éd., 1972), aux p. 374-375.
dernier a pour fondement la violation de son droit de propriété
et les dispositions de l'art. 19 de la Loi, qui donne au proprié-
taire d'une marque de commerce enregistrée «le droit exclusif à
l'emploi, dans tout le Canada, de cette marque de commerce».
Il n'est nullement nécessaire de rapporter la preuve d'une
probabilité de tromperie, mais seulement la preuve que la
marque de commerce ou une marque de commerce semblable a
été employée sans autorisation. Lorsque les marques de com
merce et les marchandises des parties sont identiques, il n'y a
pas à se référer à la liste de facteurs de l'art. 6 de la Loi pour
trancher la question de «confusion». On peut noter en passant
que, sur ce point, la Loi a adopté le critère de la common law.
Dans chaque cas de contrefaçon, sauf celui d'un simple plagiat,
il doit y avoir une tromperie dans les faits ou la probabilité
raisonnable d'une tromperie. Même l'imitation des parties
d'une marque n'équivaut pas à une contrefaçon à moins que la
ressemblance soit de nature à faire de l'imitation une marque
qui crée de la confusion, bien qu'il s'agisse là d'un point à
prendre en considération pour arriver à une décision. [Les
italiques sont de moi.]
La jurisprudence citée par le savant auteur pour
appuyer le passage que j'ai mis en italique est
l'affaire Saville Perfumery Ld. v. June Perfect Ld.
and Woolworth (F. W.) & Co. Ld. 3 , qui portait sur
l'effet des modifications apportées à la loi anglaise
en 1938, dont le texte, du moins sur le point à
l'examen, diffère essentiellement de celui de la loi
canadienne, bien que leurs conséquences, en fin de
compte, puissent ne pas être si différentes. Il est
fait état de la contrefaçon par l'emploi d'une
marque identique ou d'une marque presque res-
semblante qui risque de donner lieu à une trompe-
rie ou de créer de la confusion. Je n'ai pas réussi à
trouver dans le raisonnement de Sir Wilfrid
Greene dans cette affaire-là quelque chose qui
appuie la partie soulignée de la phrase du savant
auteur, ni dans la loi anglaise ni dans la loi
canadienne.
Il convient de noter que l'auteur a tout d'abord
fait mention de l'appropriation de la marque «enre-
gistrée» qui donne lieu à un droit d'action fondé
sur la violation du droit de propriété exclusif con-
féré par l'article 19 mais que, dans la phrase
suivante, ce qui est mentionné s'étend pour inclure
la reproduction de la «marque de commerce ou
d'une marque de commerce semblable».
J'estime que cette extension ne s'accorde pas
avec ce qui avait été dit antérieurement en se
reportant à la reproduction de la marque de com
merce «enregistrée» ni avec la partie suivante du
paragraphe, et qu'elle ne repose nullement sur
3 (1941), 58 R.P.C. 147 (H.L.), à la p. 161.
l'article 19. La marque enregistrée détermine la
portée du droit exclusif conféré par l'article 19.
L'étendue de la protection de ce droit se trouve
accrue par l'article 20 lorsque l'acte d'une autre
personne est susceptible de créer de la confusion,
et par l'article 22 lorsque ce qui est fait est suscep
tible d'entraîner la diminution de la valeur de la
clientèle attachée à la marque de commerce. Si, en
fait, un droit d'action en contrefaçon découle de
l'article 19 à l'occasion de la reproduction de la
marque enregistrée, sans tenir compte de la proba-
bilité de confusion ou d'une telle diminution, c'est,
à mon avis, seulement la reproduction de la
marque enregistrée qui puisse justifier une telle
action, et tout droit d'action en contrefaçon que le
titulaire enregistré peut avoir pour ce qui est de la
reproduction d'une partie de la marque enregistrée
ou de l'emploi d'une marque de commerce sembla-
ble doit prendre naissance, s'il en est, dans l'article
20 ou probablement dans l'article 22. Cette idée se
trouve étayée par le raisonnement adopté par le
juge Noël (tel était alors son titre) dans l'affaire
Schaeren, (Mido G.) and Co. S.A. v. Turcotte et
al.' od, dans une action en contrefaçon de la
marque de commerce «Mido», enregistrée pour des
horloges, montres et des parties de celles-ci, par
l'emploi de la marque de commerce «Vido», le juge
Niel a tenu les propros suivants [aux pages 455 et
456]:
Il appert clairement qu'il n'y a pas eu violation de la marque
de commerce de la demanderesse dans le sens que les défen-
deurs auraient fait quelque chose que la demanderesse avait
seule le droit de faire. En effet l'art. 19 ne donne pas à la
demanderesse le droit exclusif d'employer «VIDO» comme
marque de commerce en liaison avec des montres.
En effet, à l'enquête, le débat entre les parties et la seule
question en litige relativement à l'infraction des droits de la
demanderesse, ainsi que la preuve amorcée, se confinèrent à
une seule question, soit celle de savoir si, par le truchement de
l'art. 20 de la Loi sur les marques de commerce, la marque de
commerce «VIDO» est censée être une infraction de la marque
de commerce «MIDO» de la demanderesse.
Il appert donc que la seule question à être décidée est celle de
savoir si la marque enregistrée de la demanderesse doit être
tenue pour avoir été enfreinte en vertu de l'art. 20 lorsque les
défendeurs ont vendu leurs montres en liaison avec la marque
de commerce «VIDO». La réponse à cette question dépendra de
la réponse que je devrai donner à une autre question, soit celle
de savoir si la marque de commerce «VIDO» est, relativement à
la marque de commerce «MIDO», une marque de commerce
«créant de la confusion» dans le sens de l'expression utilisée à
l'art. 20.
4 [1965] 2 R.C.E. 451.
En fin de compte, il a été jugé que l'emploi de
«Vido» créait de la confusion avec «Mido» et violait
ainsi les droits exclusifs de la demanderesse.
À supposer, sans trancher la question, qu'une
action en contrefaçon puisse reposer uniquement
sur l'article 19, il ressort des faits de l'espèce que
l'intimée n'a pas reproduit ni employé la marque
«Mr. Submarine». En conséquence, je rejetterais
l'argument de l'appelante selon lequel l'intimée a
violé leurs droits exclusifs uniquement sur la base
de l'article 19.
Cela m'amène à la deuxième question de savoir
si, compte tenu des faits, le premier juge a commis
une erreur en ne concluant pas à une contrefaçon
de la part de l'intimée par l'emploi d'une marque
de commerce ou d'un nom commercial qui crée de
la confusion.
À cet égard, l'appelante a fait valoir que le juge
de première instance avait commis une erreur en
mettant l'accent sur les différences entre les mar-
ques de commerce, au lieu d'examiner leur ressem-
blance du point de vue d'un consommateur ayant
un souvenir imparfait, en insistant sur le défaut de
preuve d'une confusion réellement survenue et sur
les différences dans la livraison des marchandises
et la prestation des services en liaison avec les
marques de commerce, au lieu d'examiner la pro-
babilité de confusion si les deux entreprises étaient
exploitées dans la même région et de la même
manière.
Sauf en ce qui concerne l'absence d'une preuve
de confusion réelle, j'estime que la critique par
l'appelante des motifs du juge de première instance
est justifiée.
Dans ses motifs, le juge s'est prononcé en ces
termes [aux pages 169 C.I.P.R.; 429-430 C.P.R.;
193 F.T.R.]:
J'accepte l'argument de l'avocat qu'en l'espèce, le caractère
distinctif de la marque de la demanderesse réside dans l'emploi
du titre de courtoisie «MR.» concurremment avec le terme
descriptif «SUBMARINE» ... Cependant, je ne peux conclure
que, dans le contexte de la présente affaire, la défenderesse s'est
simplement approprié en totalité la marque de la demanderesse
et y a ajouté des mots comme suffixes. L'emploi de l'abrévia-
tion «subs» au lieu du mot «submarine» appuie cette conclusion.
En outre, l'emploi de l'abréviation «subs» ne crée pas de confu-
Oon avec le mot «submarine» lorsqu'elle est prononcée à haute
voix. C'est le genre de confusion qui était créé dans l'affaire
Conde Nast précitée. Il me semble que la marque de la
défenderesse (l'une ou l'autre version de cette marque) se
distingue sans peine de celle de la demanderesse.
En l'espèce, le juge conclut que les marques de
l'intimée se distinguent sans peine de celles de
l'appelante. C'est indubitablement vrai. Mais il ne
s'agit pas là d'un critère permettant de savoir si les
marques de commerce ou les noms commerciaux
de l'intimée sont semblables. Rien n'est dit de leur
ressemblance ni de la question de savoir si elles
peuvent être distinguées par une personne ordi-
naire qui se souvient vaguement de la marque ou
de l'entreprise de l'appelante.
Plus loin le juge s'est livré à cette analyse [aux
pages 169-170 C.I.P.R.; 430 C.P.R.; 193 F.T.R.]:
Pour déterminer si la marque de commerce de la défende-
resse crée de la confusion avec celle de la demanderesse, il n'est
pas suffisant de se concentrer simplement sur le titre de cour-
toisie «MR.» et sur le mot initial «SUBS». Il faut considérer la
marque dans son ensemble. À cet égard, la marque de la
défenderesse ne contient aucun indice qui pourrait faire croire
que les produits que la défenderesse vend sont ceux de la
demanderesse. La marque de la défenderesse semble désigner
des produits entièrement différents de ceux de la demanderesse.
Cette conclusion est renforcée par le fait que bien que les
deux entreprises se chevauchent quelque peu, puisqu'elles ven-
dent toutes les deux des sous-marins, la défenderesse s'occupe
principalement de commandes téléphoniques, alors que la
demanderesse vise principalement les clients qui se présentent
en personne chez elle. En outre, l'entreprise de la défenderesse
consiste d'abord et avant tout à vendre de la pizza. La vente de
sous-marins n'est pas son activité principale.
Dans ce passage, le juge constate tout d'abord
que la marque de l'intimée ne contient aucun
indice qui pourrait faire croire que ses produits
sont ceux de l'appelante, et elle conclut après que
la marque de l'intimée donne l'impression de dési-
gner une entreprise entièrement différente de celle
de l'appelante. Dans le paragraphe suivant, elle
reconnaît toutefois que les entreprises se chevau-
chent quelque peu (elles ne sont donc pas entière-
ment différentes) et elle cite à l'appui le fait que
l'intimée s'occupe principalement de commandes
téléphoniques alors que l'appelante vise principale-
ment les clients qui se présentent en personne chez
elle, et que l'entreprise de l'intimée consiste aussi à
vendre de la pizza. J'estime que ni la différence
dans les méthodes employées, ni le fait que l'inti-
mée s'occupe principalement de la vente de pizza
ne sont des facteurs pertinents dans ce contexte, et
on n'aurait pas dû en tenir compte.
Dans un autre passage, le juge s'est exprimé en
ces termes [aux pages 171 C.I.P.R.; 432 C.P.R.;
194 F.T.R.]:
En ce qui concerne le degré de ressemblance entre les
marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans
les idées qu'elles suggèrent, on ne m'a soumis aucun argument
tendant à démontrer qu'il y aurait ressemblance dans la présen-
tation visuelle. On ne pouvait d'ailleurs pas le prétendre de
façon convaincante. Il n'existe aucune ressemblance dans le
style de caractères utilisé; la demanderesse utilise des caractè-
res «Copper [sic*] Block», tandis que les enseignes de la
défenderesse sont dessinées dans un style qui rappelle la forme
d'un «hot-dog». Plus récemment, la défenderesse a adopté un
logo stylisé formé de lettres cursives pour plusieurs usages et
notamment pour ses boites et ses menus. Les enseignes de la
demanderesse sont composées de caractères rouges et oranges
sur fond blanc; celles de la défenderesse sont composées de
caractères jaunes et blancs sur fond orange. D'ailleurs, à mes
yeux, l'élément le plus frappant des enseignes de la défende-
resse est le mot «PIZZA» et non les autres éléments. La
présentation des deux marques qu'on retrouve sur les affiches,
les boîtes, etc. est très différente.
À ce stade, le juge a considéré et semble avoir
pris en considération le fait qu'il n'existait aucune
ressemblance dans le style des caractères utilisés et
la coloration des enseignes des parties, et que la
présentation des deux marques qu'on retrouve sur
les affiches, les boîtes, etc. est très différente. À
mon avis, il s'agirait de facteurs très pertinents si
l'action était une action en passing off en common
law. Ces facteurs ne sont pas pertinents dans une
action en contrefaçon d'une marque de commerce
enregistrée, et on n'aurait pas dû en tenir compte
en déterminant si les marques de commerce et les
noms commerciaux litigieux créent de la confusion
avec la marque enregistrée de l'appelante.
Puisque les faits permettant de statuer sur l'ap-
pel ne dépendent pas de la crédibilité de témoins et
ne sont pas contestés, cette Cour, tout comme le
juge de première instance, est bien placée pour
tirer de ces faits ce qu'elle considère comme étant
les conclusions appropriées, et pour prendre une
décision quant à la probabilité de confusion des
marques de commerce et, étant donné les erreurs
que j'ai mentionnées, c'est, à mon avis, ce que la
Cour devrait faire.
Les parties applicables de la Loi sont ainsi
rédigées:
6. (1) Aux fins de la présente loi, une marque de commerce
ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre
marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi
de la marque de commerce ou du nom commercial en premier
lieu mentionné cause de la confusion avec la marque de com
merce ou le nom commercial en dernier lieu mentionné, de la
manière et dans les circonstances décrites au présent article.
* Note de l'arrêtiste: Lire «Cooper» au lieu de «Copper».
(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confu
sion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des
deux marques de commerce dans la même région serait suscep
tible de faire conclure que les marchandises en liaison avec ces
marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail
ou louées, ou que les services en liaison avec lesdites marques
sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces mar-
chandises ou ces services soient ou non de la même catégorie
générale.
(4) L'emploi d'un nom commercial crée de la confusion avec
une marque de commerce lorsque l'emploi des deux dans la
même région serait susceptible de faire conclure que les mar-
chandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom commer
cial et les marchandises liées à une telle marque sont fabri-
quées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services en
liaison avec l'entreprise poursuivie sous ce nom et les services en
liaison avec une semblable marque sont loués ou exécutés, par
la même personne, que ces marchandises ou services soient ou
nom de la même catégorie générale.
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms
commerciaux créent de la confusion, la cour ou le registraire,
selon le cas, doit tenir compte de toutes les circonstances de
l'espèce, y compris
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce
ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont
devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou
noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre des marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce; et
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce
ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou
dans les idées qu'ils suggèrent.
Avant de se pencher sur ces considérations, il
convient de noter que le droit de l'appelante à
l'emploi exclusif de «Mr. Submarine» ne se limite
pas aux parties du Canada où l'appelante et ses
concessionnaires ont exploité une entreprise, mais
s'étend dans tout le Canada. L'appelante a donc
droit à son emploi exclusif dans n'importe quel
point de vente additionnel pour ses sandwiches
qu'elle juge bon d'établir. Le droit exclusif de
l'appelante n'est pas non plus limité à la vente de
sandwiches par les méthodes qu'elle emploie main-
tenant ou qu'elle a employées dans le passé. Rien
n'empêche l'appelante de changer la couleur de ses
enseignes ou le style de lettres de «Mr. Subma
rine», ou d'adopter un système téléphonique et de
livraison tel que celui suivi par l'intimée ou tout
autre système convenable pour la vente de ses
sandwiches. Si elle devait effectuer un de ces
changements, son droit exclusif à l'emploi de «Mr.
Submarine» s'appliquerait tout comme il s'appli-
que à son emploi dans l'entreprise qu'elle exploite
actuellement. La question de savoir si les marques
de commerce ou les noms commerciaux de l'inti-
mée créent de la confusion avec la marque enregis-
trée de l'appelante doit donc être examinée en
tenant compte non seulement de l'entreprise
actuelle que l'appelante exploite dans la région des
opérations de l'intimée, mais aussi de la possibilité
de confusion si l'appelante devait exercer ses acti-
vités dans cette région de toute manière qui lui est
permise en utilisant sa marque de commerce en
liaison avec les sandwiches vendus ou les services
exécutés dans l'exercice de son entreprise.
J'aborde maintenant les facteurs dont on doit
tenir compte, comme ils sont énumérés au para-
graphe 6(5) de la Loi.
a) La marque de l'appelante se compose de
deux mots, dont l'un est descriptif et fait l'objet
d'un désistement en dehors de la marque de com
merce, et l'autre est ce qu'on mentionne comme
étant le titre de courtoisie «Mr.». Il ressort de la
preuve que le même titre de courtoisie est couram-
ment utilisé comme le premier mot d'un grand
nombre d'autres marques de commerces ou noms
commerciaux. La preuve a donné des exemples
tirés des annuaires téléphoniques: Mr. Filter, Mr.
Ice , Mr. Ice Cube, Mister Muffler, Mister Muf
fler Limited, Mr. Plumber, Mister Transmission,
Mr. Groom Products Distributor, Mister Donut,
Mr. Doner, Mr. Fish, Mister Mac's Pharmacy
Ltd., Mr. Seamless, Mr. Vinyl, Mr. European
Boutique for Men, Mister Carpet Ltd., Mr. Handy
Man Services, Mister Sweeper, Mr. Cobbler Shoe
Repair, Mr. I Got It, Mr. M's Warehouse Limi
ted, Mr. Renovator. D'après la formulation, au
moins deux de ces marques, Mr. Fish et Mister
Donut, se rapportent à des produits alimentaires et
la dernière à des aliments préparés. À mon avis, ni
l'un ni l'autre mot de la marque de commerce de
l'appelante ne devrait être considéré comme consti-
tuant son trait dominant ou distinctif. L'essence de
la marque de commerce, celle qui seule lui confère
son caractère distinctif, est la combinaison des
deux mots courants et qui sont de par leur nature
bien peu distinctifs.
Cette marque de commerce a fait l'objet d'une
publicité de grande envergure et d'un emploi consi-
dérable, et une grande quantité de sandwiches a
été vendue en liaison avec elle. À mon avis, on doit
en conclure que la marque de commerce est deve-
nue bien connue à Toronto, dans le reste de l'Onta-
rio et dans l'Ouest du Canada, et elle est moins
connue dans l'Est du Canada et en particulier dans
la région Halifax- Dartmouth où l'intimée exploite
actuellement son entreprise.
Comme la marque «Mr. Subs'N Pizza» se com
pose également de mots courants, c'est-à-dire un
titre de courtoisie courant combiné avec des mots
descriptifs des marchandises de l'intimée, j'estime
également que son caractère distinctif inhérent
découle uniquement de la combinaison de plusieurs
éléments. À mon avis, à cause de ses éléments et
de sa longueur, elle n'est pas aussi distinctive que
la marque «Mr. Submarine». La marque «Mr. 29
Minite Subs'N Pizza» se compose également de
mots courants peu distinctifs et, comme dans les
autres cas, elle tire à mon avis son caractère
distinctif de la combinaison des mots mais, dans ce
cas, également de l'idée de service rapide qu'elle
comporte. Bien que les deux marques de commerce
soient probablement aussi ou mieux connues dans
la région Halifax-Dartmouth que la marque «Mr.
Submarine», il est peu probable qu'elles soient
considérablement ou pratiquement connues ail-
leurs.
b) La marque de commerce de l'appelante a été
employée au Canada depuis 1968 et dans la région
de Dartmouth depuis 1976 environ. L'emploi de la
marque de commerce ou du nom commercial de
l'intimée «Mr. Subs'N Pizza» dans la région de
Dartmouth date de 1976 environ, et celui de la
marque «Mr. 29 Minit Subs'N Pizza», de 1981.
c) La nature des produits est la même pour ce
qui est des sandwiches. La différence réside seule-
ment dans le fait que l'intimée vend également des
pizzas. La différence dans les services fournis con-
siste dans ce que l'appelante ne s'occupe pas de
commandes téléphoniques ni de livraison, ce que
l'intimée fait. La nature de l'entreprise, celle de la
vente des aliments préparés, est la même.
d) La nature du commerce est, à mon sens, la
vente au niveau du point de vente ou du consom-
mateur d'aliments préparés pour la consommation,
dans le cas de l'appelante, dans un restaurant, dans
le cas de l'intimée, à l'adresse à laquelle l'acheteur
demande que les aliments soient livrés. Dans les
deux cas, la région dans laquelle il est possible
d'amener les clients vers un point de vente est
relativement petite, bien qu'elle soit probablement
plus grande pour l'entreprise de l'intimée en raison
de son système de livraison sur appels téléphoni-
ques.
e) Le degré de ressemblance est, à mon avis, de
peu d'importance lorsqu'on examine l'ensemble
des marques. Mais il existe quand même une
ressemblance et j'estime qu'on doit en tenir
compte.
Ni la marque de l'appelante ni l'une ou l'autre
de celles de l'intimée ne consistent dans le même
groupe de mots, mais un des mots est commun à
toutes les trois marques de commerce. Les mar-
ques ne se ressemblent pas lorsqu'elles sont écrites
ou imprimées, mais elles ont en commun le mot
«Mr.». Lorsqu'on les prononce, le son n'est pas le
même, sauf le son de «Mr.». Les idées qu'elles
suggèrent ne sont pas les mêmes entièrement, mais
ce que les deux marques de l'intimée suggèrent
comprend le pain allongé auquel la marque de
l'appelante fait penser.
Compte tenu des circonstances révélées, j'arrive
à la conclusion, et ce malgré le fait important,
mentionné par le juge de première instance, que,
dans les dix années d'exploitation des deux entre-
prises dans la région de Dartmouth, antérieure-
ment à l'instruction de l'action, aucun cas de con
fusion réelle ne s'était révélé, que l'emploi par
l'intimée de ses marques de commerce ou noms
commerciaux «Mr. Subs'N Pizza» et «Mr. 29 Min.
Subs'N Pizza» et l'emploi de la marque «Mr.
Submarine» par l'appelante dans la même région
sont susceptibles de faire conclure que les mar-
chandises et services de l'intimée sont vendus ou
exécutés par la même personne que ceux vendus
par l'appelante. Certes, les marques sont manifes-
tement différentes à bien des égards, mais elles se
ressemblent à plusieurs autres aspects, en particu-
lier dans la combinaison de «Mr.» avec «Subma-
rine» et de «Mr.» avec «Subs». J'estime que les
marques se ressemblent partiellement, du moins
dans la présentation, qu'elles soient écrites ou
imprimées, dans le son et dans les idées qu'elles
suggèrent. Toutes les trois font penser à un com
merce qui consiste dans la vente de sous-marins.
Tant la marque «Mr. Submarine» que les marques
de l'intimée tirent, en tout ou en partie, leur
caractère distinctif de la combinaison d'un mot qui
désigne un sandwich sous-marin avec le titre de
courtoisie «Mr.». À mon avis, il est probable que
quelqu'un qui connaît vaguement ou même préci-
sément la marque «Mr. Submarine», et qui la
recherche dans un annuaire téléphonique où elle ne
figure pas (on peut trouver des exemples aux pages
81, 83 et 89 de l'affaire) et qui trouve la marque
«Mr. Subs'N Pizza» pourrait par erreur conclure
que ce nom, même s'il ne s'agit pas en fait de celui
de l'appelante, est en quelque sorte en liaison avec
«Mr. Submarine» en tant que concessionnaire ou
autrement. Il en est de même lorsqu'elles figurent
ensemble, tout près l'une de l'autre, dans un
annuaire téléphonique. Il est également probable
qu'une personne tirerait une conclusion similaire si
elle voyait la marque «Mr. Subs'N Pizza» sur une
enseigne sous sa forme originale ou sous sa forme
dite «29-minute» et que, dans les deux cas, elle
conclurait également que le commerce était celui
de «Mr. Submarine» ou de l'un de ses concession-
naires avec des changements indiquant qu'au point
de vente particulier se vendaient de la pizza et des
sandwiches sous-marins. À mon avis, il s'ensuit
que l'intimée, en employant ses marques de com
merce et noms commerciaux, a contrefait la
marque de commerce de l'appelante.
En conséquence, je suis d'avis d'accueillir l'appel
et d'interdire à l'intimée de faire usage du mot
«Mr.» en liaison avec le mot «submarine» ou «subs»
ou avec tout autre mot qui fait penser à des
sandwiches sous-marins. L'appelante a également
droit à une ordonnance portant destruction ou
remise, sous serment, des enseignes, emballages et
serviettes de l'intimée et de ses autres articles sur
lesquels figurent les mots «Mr. Subs». Compte tenu
de la situation particulière, du fait qu'aucun cas de
confusion réelle n'avait été établi, j'estime que la
Cour, qui a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner
une reddition de comptes, doit en l'espèce la refu-
ser. L'appelante a droit à une référence pour l'éva-
luation des dommages-intérêts mais elle peut, au
lieu d'une référence, opter pour un jugement lui
accordant 300 $ à titre de dommages-intérêts. Si
l'appelante exige la tenue d'une référence et recou-
vre 300 $ ou moins, elle devrait payer les frais sur
la base procureur et client engagés par l'intimée à
l'occasion de la référence.
L'appelante devrait avoir ses dépens tant devant
cette Cour que devant la Division de première
instance.
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE DESJARDINS: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
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