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T-2297-87
S. R. Krochenski en sa qualité de prévôt adjoint de la Cour fédérale du Canada (demandeur)
c.
Le navire Galaxias, ses propriétaires et autres parties intéressées (défendeurs)
et
McMaster, Bray, Cameron & Jasich, une société en nom collectif, le prévôt Bray et Timothy P. Cameron, ces défendeurs étant identifiés dans l'annexe «A» de la déclaration de cette action sous les numéros 24-87 (mis en cause)
et
Naftikon Apomahicon Tameion (mis en cause)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PRÉVÔT ADJOINT DE IA COUR FÉDÉ- RALE DU CANADA) C. GALAXIAS (LE)
Division de première instance, juge Rouleau— Vancouver, 4, 5, 6, 7 et 8 janvier; Ottawa, 8 avril 1988.
Droit maritime Privilèges et hypothèques Navire grec saisi à la suite d'une revendication de privilège, d'une action hypothécaire et de revendications de salaires La Cour a ordonné la vente du navire Le ministre de la Marine marchande de la Grèce a refusé de délivrer un certificat de radiation en attendant le règlement des réclamations présen- tées par le fonds de retraite des marins grecs Le droit canadien s'applique lorsqu'un navire est vendu par voie judi- ciaire conformément à une ordonnance d'un tribunal canadien L'acheteur acquiert le navire libre de toute charge Il n'y avait aucune garantie que le titre de propriété pourrait être enregistré en Grèce Le jugement déclaratoire portait que l'acte de vente transférait un titre de propriété exempt de charges.
Conflit de lois Droit maritime Vente judiciaire d'un navire grec Refus du gouvernement grec de délivrer un certificat de radiation tant que les réclamations de salaires présentées par des marins grecs n'auraient pas été réglées Lorsqu'un navire est vendu au Canada par voie judiciaire conformément à une ordonnance d'un tribunal, il n'y a pas de conflit de lois en ce qui concerne la vente elle-même Il existe des liens importants avec le Canada de sorte que le droit canadien s'appliquerait même si on recourait aux règles de conflit de lois.
Il s'agit d'une demande en vue d'un jugement déclaratoire portant que l'acte de vente du bateau de croisière grec Galaxias a transféré un titre de propriété «libre de toute charge» et que le prévôt adjoint a fait son devoir conformément à l'ordonnance de vente. On a ordonné la vente du navire après sa saisie à la suite d'une revendication de privilège, d'une action hypothé-
taire et de revendications de salaires. Un acte de vente, transfé- rant un titre de propriété libre de toute charge, a été rédigé en conformité avec les directives reçues de la Cour. La conclusion de la vente a été reportée en raison des réserves de l'acheteur quant à la validité du titre de propriété parce que le ministre de la Marine marchande de la Grèce refusait de délivrer le certificat de radiation nécessaire à l'enregistrement du navire en Grèce, en attendant le règlement des réclamations présen- tées par le fonds de retraite des marins grecs. L'acheteur a présenté une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour défaut du prévôt adjoint d'avoir transmis un titre de propriété exempt de charges, du fait que le navire ne pouvait pas être immatriculé au bureau d'enregistrement grec.
Jugement: le jugement déclaratoire est accordé, mais la demande reconventionnelle et les procédures visant les mis en cause sont rejetées.
Lorsqu'un navire est vendu au Canada par voie judiciaire conformément à une ordonnance d'un tribunal, il n'y a pas de conflit de lois en ce qui concerne la vente elle-même. Même si le droit canadien ne s'appliquait pas automatiquement à la vente du présent navire, les liens avec le Canada étaient suffi- sants pour que, même en ayant recours aux règles de conflit de lois, le droit canadien s'applique. Un tribunal a statué qu'une vente survenant dans une action in rem transfère la propriété du navire libre de toute charge. L'utilisation d'une expression telle que «libre de toute charge" n'ajoute ni n'enlève rien aux droits dont jouira l'acheteur. La vente par autorité de justice au Canada ne fournit toutefois pas de garantie que la vente sera reconnue dans sa totalité par tous les gouvernements étrangers, et rien dans le libellé de l'acte de vente ou de l'ordonnance ne devrait laisser supposer que c'est le cas. Il n'y a rien dans l'acte de vente, dans l'ordonnance ou dans l'annonce qui constituerait une garantie expresse ou implicite que le titre de propriété pourrait être enregistré en Grèce. Bien que les tribunaux cana- diens s'attendent à ce que les tribunaux et les gouvernements des autres pays respectent leurs ordonnances et leurs juge- ments, tout particulièrement en matière de droit maritime, la Cour fédérale ne peut pas exercer de contrôle à cet égard. La Cour pourrait éviter que la question soit soulevée et retourner à l'ancienne pratique en vertu de laquelle des expressions comme «libre de toute charge» étaient radiées; cependant, ceux qui s'intéressent au domaine maritime estiment que cela entraîne- rait une chute considérable des prix obtenus pour les navires faisant l'objet d'une vente judiciaire.
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Orient Leasing Co. Ltd. c. Le «Kosei Marti., [1979] 1 Ç.F. 670 (1« inst.); Boudreau c. Registrateur de navires, [1984] 1 C.F. 990 (1'° inst.); International Marine Ban king Co. Limited c. Le «Dora», T-2934-76, juge en chef adjoint Thurlow, jugement en date du 7-9-76, non publié.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Succession Stephens c. Ministre du Revenu national, Wilkie, Morrison, Smith, Statham (shérif adjoint, Comté d'Oxford) constable Ross et Davidson (1982), 40 N.R. 620 (C.A.F.); Vrac Mar Inc. c. Demetries Kara- manlis, [1972] C.F. 430 (l' inst.); Athens Cape Naviera
S.A. v. Deutsche Dampfschiffarhtsgesellschaft «Hansa» Aktiengesellschaft and Another (The «Barenbels» ), [1984] 2 Lloyd's Rep. 388 (Q.B.).
DÉCISIONS CITÉES:
In re The .Tremont”, [1841] 1 W. Rob. 163; 166 E.R. 534 (Eng. Adm. Ct.); The .Acrux”, [1962] 1 Lloyd's Rep. 405, (Eng. Adm. Ct.); Lietz c. La Reine, [1985] 1 C.F. 845 (1« inst.).
AVOCATS:
J. E. Gouge et K. A. G. Bridge pour le
demandeur.
M. Bray pour les mis en cause.
C. J. O'Connor pour Global Cruises.
PROCUREURS:
Lawson, Lundell, Lawson & McIntosh, Van- couver, pour le demandeur.
McMaster, Bray, Cameron & Jasich, Van- couver, pour les mis en cause.
Ladner Downs, Vancouver, pour Global Cruises.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Ces motifs ont trait au jugement que j'ai entendu à l'audience dans l'ac- tion susmentionnée à Vancouver (Colombie-Bri- tannique), le 6 janvier 1988.
Bien que le présent litige ne porte pas essentiel- lement sur les faits, pour faciliter les choses, je vais faire un bref résumé des événements qui ont amené les parties devant la Cour.
Le bateau de croisière grec Galaxias a quitté le port du Pirée en Grèce, au printemps de 1986. Il a passé par le canal de Panama et a remonté la côte ouest de l'Amérique du Nord, après s'être arrêté à Acapulco pour embaucher un groupe de musiciens. En juin 1986, le Galaxias est arrivé au port de Vancouver avec tout son équipage. Il y est resté amarré durant l'été de 1986 et, au moyen de certains points de jonction avec le quai, il est devenu un «hôtel flottant» au service des visiteurs de l'exposition mondiale de Vancouver («Expo 86») présentée par cette ville.
À l'automne de 1986, des difficultés financières en rapport avec l'exploitation du Galaxias ont
commencé à se faire sentir et, le ler septembre 1986, le navire a fait l'objet d'un mandat de saisie délivré par cette Cour à la demande de Baseline Industries Ltd., exploitante du quai. Depuis cette date, de nombreuses réclamations ont fait surface, y compris plusieurs revendications de salaires (Metaxas c. Galaxias (Le), T-2406-86, Villa- nueva-Velasquez et autres, T-2325-86, et Katere- los et autres, T-318-87), une revendication de pri- vilège sur le navire (Baseline), une action hypothécaire (Banque Nationale de Grèce) et, l'action la plus importante, la revendication, quel- que peu inusitée, d'un privilège sur le navire, sup - posément légiférée par le gouvernement grec en faveur du syndicat des marins grecs, Naftikon Apomahicon Tameion (ci-après appelé le N.A.T.).
S. R. Krochenski, demandeur en l'espèce et shérif de la Colombie-Britannique, a été nommé en qualité de prévôt adjoint de la Cour fédérale du Canada pour exécuter la commission de vente du Galaxias. Après un faux départ, avec une annonce de mise en vente qui n'a apporté aucune offre adéquate, on a placé une autre annonce dans plu- sieurs journaux internationaux, conformément à l'ordonnance de madame le juge Reed, datée du 27 avril 1987 (modifiée par la suite et ci-après appe- lée l'ordonnance de vente,). En réponse à cette annonce, Global Cruises S.A., défenderesse, a offert 1,1 million de dollars. Cette offre, la plus élevée, a été acceptée. Un acte de vente a été préparé selon les directives de la Cour, avec l'as- sentiment de quelques créanciers du navire. L'acte de vente prévoyait notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] 5. Le M.V. Galaxias est vendu, il se trouve et dans l'état il se trouve, avec tous ses défauts existants, sans égard à une insuffisance de quelque nature que ce soit quant à la longueur, la pesanteur, la quantité ou la qualité ou autre, renseignements non garantis, libre de toute charge.
6. Le prévôt adjoint de la Cour fédérale du Canada a l'autorité pour signer l'acte de vente et céder le navire à l'adjudicataire, libre de toute charge.
Des problèmes ont surgi peu de temps après. On a reporté plusieurs fois la date de conclusion de la vente, l'acheteur ayant de la difficulté à faire financer le reste du prix de vente, apparemment à cause de questions soulevées par des investisseurs potentiels concernant le statut du Galaxias au bureau d'enregistrement grec. L'acheteur est
devenu inquiet face à l'attitude du ministre de la Marine marchande de la Grèce concernant la ces sion du titre de propriété du Galaxias, libre de toute charge, dans le registre grec du Pirée. Le ministre refusait de délivrer le certificat de radia tion nécessaire; il voulait assujettir celui-ci au règlement des réclamations contre le Galaxias en vertu de l'action du N.A.T. (T-2406-86), le fonds de retraite des marins grecs.
Par suite du refus du ministre grec de délivrer le certificat de radiation nécessaire et aux réserves de l'acheteur quant à la validité du titre qui lui avait été cédé en vertu de l'acte de vente, le prévôt adjoint Krochenski a engagé la présente action contre l'adjudicataire Global, ainsi que contre les revendicateurs du produit de la vente du Galaxias. Le prévôt adjoint demande à la Cour de rendre un jugement déclaratoire attestant qu'il a fait son devoir en ce qui concerne l'ordonnance de vente ou la commission de vente, ou tout autre contrat qui peut exister entre les parties, et que l'acte de vente, formulée conformément à l'ordonnance de vente de la Cour, cède le titre de propriété du Galaxias à l'acheteur, «libre de toute charge».
Global a déposé une défense à la déclaration, et elle a fait une demande reconventionnelle relative aux coûts et dommages qui, selon elle, lui ont été causés par le défaut du prévôt adjoint de lui avoir cédé le bateau «libre de toute charge» et, par conséquent, au point en sont présentement les choses, non immatriculable au bureau d'enregistre- ment grec. Le N.A.T. a été mis en cause dans cette action, ainsi que l'étude McMaster, Bray, Came- ron & Jasich et plusieurs revendicateurs du pro- duit de la vente.
LA POSITION DU PRÉVÔT ADJOINT
Je suis persuadé que le prévôt adjoint a toujours agi à titre d'officier de justice et qu'il était de son devoir d'exécuter avec diligence les ordres qu'il recevait. (Succession Stephens c. Ministre du Revenu national, Wilkie, Morrison, Smith, Sta- tham (shérif adjoint, Comté d'Oxford) constable Ross et Davidson (1982), 40 N.R. 620 (C.A.F.).
Il n'appartient pas au prévôt adjoint de mettre en doute une ordonnance judiciaire; il doit simple- ment veiller à ce que ses conditions soient respec- tées, et je suis convaincu que c'est ce qu'il a fait.
L'avocat m'a cité certains précédents en rapport avec le droit qui s'applique à l'acte de vente du Galaxias, mais je n'hésite aucunement à affirmer que c'est le droit canadien qui s'applique. Lors- qu'un navire est vendu par voie judiciaire en vertu d'une ordonnance d'une cour canadienne, je ne vois pas qu'il puisse y avoir un conflit de droit en rapport avec la vente elle-même (il en va autre- ment de la distribution du produit de la vente). Le Galaxias a été vendu suite à la reconnaissance de droits substantifs des parties par ce tribunal. La vente en justice étant un recours rattaché à ces droits, elle est régie par les lois canadiennes; c'est la règle lex fori (Orient Leasing Co. Ltd. c. Le «Kosei Maru», [1979] 1 C.F. 670 O re inst.)).
Même si je me trompe en affirmant que la loi du Canada s'appliquerait automatiquement à la vente du Galaxias, l'avocat a souligné que, de toute façon, l'existence de liens importants avec le Canada justifie une constatation voulant que la loi canadienne s'applique, même en admettant qu'il y aurait des conflits de règles de droit. Il me reste donc à établir la nature du titre cédé à Global en vertu de l'ordonnance de vente.
TITRE CÉDÉ EN VERTU D'UNE VENTE EN JUSTICE
Il est depuis longtemps reconnu, en droit mari time canadien comme britannique qu'une vente en justice dans une action in rem comme en l'espèce a pour effet de céder le navire à l'acheteur, libre de toute charge. In re The «Tremont», [1841] 1 W. Rob. 163; 166 E.R. 534 (Eng. Adm. Ct.); The «Acrux», [1962] 1 Lloyd's Rep. 405, (Eng. Adm. Ct.); Lietz c. La Reine, [1985] 1 C.F. 845 (lfe inst.).
Le juge en chef adjoint Noël (tel était alors son titre) a discuté de ce principe dans la décision Vrac Mar Inc. c. Demetries Karamanlis, [1972] C.F. 430 (i re inst.), à la page 434:
La République de Panama, d'autre part, après avoir déposé un caveat pour $ 2,585.15 refuse de se conformer à la procé- dure de vente du navire et à respecter l'ordonnance de cette Cour donnant à l'acheteur un titre clair et net. Je ne veux qualifier, pour le moment, ce geste de la part de ce pays. Qu'il me soit permis tout de même de dire que le refus de respecter le jugement de la Cour après avoir déposé sa réclamation, en plus d'être un affront au tribunal canadien, constitue un refus par ce pays de respecter les décisions du tribunal d'un autre pays et une exception à une règle qui est honorée par tous les pays du monde. Si, en effet, d'autres pays, ou d'autres créanciers, s'avisaient de suivre ce mauvais exemple, ce serait le désordre
dans un domaine qui ne peut être réglementé efficacement sans la bonne foi de tous les pays maritimes. Il me paraît donc urgent et nécessaire, si l'on veut maintenir le prestige des décisions de nos tribunaux et dissuader d'autres pays ou créan- ciers de suivre l'exemple de la République de Panama, que les autorités compétentes s'emploient à faire les amendements qui s'imposent à la Loi sur la marine marchande du Canada pour que l'immatriculation d'un navire étranger ne puisse être utili sée pour empêcher l'enregistrement d'un navire au Canada vendu en vertu d'une ordonnance de cette Cour.
À mon avis, il est évident qu'en ordonnant la vente en justice d'un navire la Cour agit dans le cadre de sa compétence conformément aux lois du Canada, et que ce sont ces lois qui s'appliquent à la transaction. Je souscris à l'opinion du juge en chef adjoint Noël dans la cause ci-dessus et, bien qu'il ait exprimé sa déception face à l'attitude prise par le gouvernement de Panama, je ne vois rien qui indique, selon lui, que la vente effectuée «libre de toute charge» dans cette cause aurait été inefficace pour céder un titre clair à l'acheteur. Si, en fait, il y a d'autres juridictions qui ignorent l'effet d'une vente en justice au Canada, ceci cons- titue un problème politique à l'égard duquel la Cour fédérale du Canada est impuissante.
Selon moi, la présence de l'expression «libre de toute charge» ou d'une formulation semblable dans un acte de vente en vertu d'une ordonnance judi- ciaire n'ajoute ni n'enlève quoi que ce soit aux droits de l'acheteur. C'est la nature même d'une vente en justice canadienne qui fait foi de son intégrité; le fait qu'il s'agit d'une telle vente consti- tue toute la représentation de la Cour au public lorsque celle-ci ordonne la vente d'un navire. Les acheteurs potentiels peuvent inspecter le navire pour déterminer son état et sa valeur. Le titre de propriété du navire est le seul élément de la vente que l'acheteur n'a pas à vérifier; il reçoit un titre clair en vertu de la loi canadienne, que ceci soit ou non énoncé dans l'ordonnance judiciaire ou dans l'acte de vente. L'acheteur prend donc le navire libre de toute charge conformément à la loi cana- dienne et, bien qu'il soit évident que les tribunaux canadiens désirent que les tribunaux et les gouver- nements des autres nations respectent leurs ordon- nances et leurs jugements, et s'attendent à ce que ces tribunaux et gouvernements les respectent, par- ticulièrement dans le domaine maritime, la Cour fédérale n'exerce aucun contrôle à cet égard et il ne serait pas indiqué qu'elle tente de le faire.
Il est évident que, lorsqu'il s'agit d'une vente privée, l'inclusion ou l'exclusion d'une garantie ou d'une représentation quant à l'existence de charges est un point très important, car il est susceptible de déterminer les droits respectifs des parties en vertu du contrat. Par exemple, dans l'arrêt Athens Cape Naviera S.A. v. Deutsche Dampfschiffarhtsge- sellschaft «Hansa» Aktiengesellschaft and Ano ther (The «Barenbels»), [1984] 2 LLoyd's Rep. 388 (Q.B.), le juge Scrutton examine en profon- deur l'importance de l'expression [TRADUCTION] «libre de toute charge ou de toute dette de quelque nature que ce soit» dans un contrat de vente privée. Il est à noter que l'examen a suscité les commen- taires suivants à la page 390:
[TRADUCTION] Un privilège maritime est rattaché à un navire et peut être exécuté contre celui-ci malgré un change- ment de propriétaire et même si le bref est délivré après ce changement. Un privilège maritime constitue une charge sur un navire qu'un changement de propriétaire ne peut radier à l'intérieur d'un délai raisonnable, à moins que ce changement ne survienne suite à une vente par une cour exerçant sa juridiction en matière d'amirauté. [C'est moi qui souligne.]
Les avocats ont attiré mon attention sur quel- ques décisions de la Cour fédérale dans lesquelles la question de l'interprétation d'un terme comme celui qui nous intéresse en l'espèce a été examinée ne serait-ce qu'en obiter. À mon avis, aucune de ces décisions ne contredit la règle générale que j'ai exposée, à savoir que la vente en justice a pour effet de céder la chose à l'acheteur libre de toute charge, que ceci soit ou non indiqué dans l'acte de vente ou l'ordonnance de vente.
Dans l'arrêt Boudreau c. Registrateur de navi- res, [1984] 1 C.F. 990 (1" inst.), le registrateur refusait d'enregistrer le titre d'un navire sans les hypothèques existantes qui avaient été radiées par la vente en justice au motif que l'ordonnance pertinente ne mentionnait pas que le titre avait été cédé libre de toute charge. Le juge en chef adjoint Jerome a indiqué aux pages 993 et 994 en parlant du refus du registrateur d'enregistrer un titre clair:
Bien qu'elles ne soient pas expressément autorisées par les lois ou la jurisprudence, ces procédures font partie de directives établies de longue date à l'intention des registrateurs de navires britanniques.
La décision précitée portait essentiellement sur un problème procédural fondé sur la formulation d'une ordonnance judiciaire et l'acte de vente. La Cour indique très clairement que l'omission des
mots «libre de toute charge» dans l'ordonnance de vente n'influe en rien sur le titre d'un acheteur d'un navire.
En outre, les avocats m'ont fait remarquer une décision non publiée du juge en chef adjoint Thur - low [tel était alors son titre], International Marine Banking Co. Limited c. Le «Dora», T-2934-76, le 7 septembre 1976. À la page 8 de ses motifs, le juge en chef adjoint s'exprime comme suit:
Un autre point subsiste. Dans l'avis de requête la demanderesse demande que soit annoncée la vente du navire «libre de toute charge, servitude, hypothèque et réclamation. À mon avis, il s'agit de l'effet, selon la loi dans ce pays, d'une vente par la Cour dans une action in rem.
En obiter, le juge en chef adjoint continue à discuter de l'effet d'une telle expression dans l'or- donnance judiciaire et les annonces relatives à la vente, et il en vient à la conclusion que, selon lui, on ne devrait pas utiliser cette expression. Dans la mesure le terme «réclamation» dans la phrase ci-dessus pourrait inclure une réclamation falla- cieuse, ou une réclamation non reconnue en vertu du droit maritime canadien, je suis d'accord avec le juge en chef adjoint. Comme je l'ai déjà men- tionné, la vente en justice au Canada, ne porte pas la garantie qu'elle sera reconnue par tous les gou- vernements étrangers, et ni l'acte ni l'ordonnance de vente ne devraient contenir d'énoncés suscepti- bles de faire croire aux acheteurs que tel est le cas.
Cependant, en l'espèce, l'ordonnance et l'acte de vente contiennent l'expression «libre de toute charge» et, pour les raisons mentionnées, je crois qu'il était approprié et indiqué de l'inclure. Je conclus donc que l'acheteur, Global, a obtenu un titre de propriété libre de toute charge sur le Galaxias.
En outre, je ne vois rien dans l'ordonnance, l'acte de vente ou l'annonce qui pourrait porter à croire, explicitement ou implicitement, que le titre de propriété du Galaxias serait immatriculable en Grèce. Il serait impossible pour une cour cana- dienne de stipuler une telle condition dans un contrat de vente en justice. Je suis donc d'avis que le prévôt adjoint a droit au redressement recher- ché, à savoir:
a) un jugement déclaratoire attestant que le prévôt adjoint a rempli tous ses devoirs envers Global Cruises S.A. en vertu de l'ordonnance de
vente et des commissions de vente en délivrant l'acte de vente en question, et
b) un jugement déclaratoire attestant que la déli- vrance dudit acte de vente a conféré un titre de propriété libre de toute charge sur le Galaxias et a libéré à cet égard le demandeur de toutes ses obligations envers Global.
Le prévôt adjoint a droit à ses frais.
Bien que je sympathise avec Global relativement aux difficultés éprouvées en Grèce, je rejette la demande reconventionnelle. Le navire a dûment été immatriculé à Antigua et, comme je l'ai déjà mentionné, je suis convaincu que le prévôt adjoint s'est acquitté de tous ses devoirs envers la Cour et, par conséquent, envers l'acheteur. J'espère que l'ordonnance concernant le paiement de la récla- mation du N.A.T. dans l'action principale (T-2297-87) contribuera à diminuer les craintes que Global a manifestées en déposant sa demande reconventionnelle.
Les procédures visant les parties mises en cause tombent.
J'aimerais ajouter en obiter que, dans l'intérêt de la libre circulation maritime, les pays ont de façon générale convenu de se soumettre à un ensemble de règles et de lois maritimes uniformes. Ceci n'empêche toutefois pas un pays d'ignorer complètement et légalement, ou d'annuler, toute pratique normalement acceptée ou toute loi univer- sellement reconnue en matière d'amirauté ou même une règle de droit que ce pays a antérieure- ment acceptée en vertu d'un traité. C'est précisé- ment ce qui s'entend par compétence territoriale et, jusqu'à ce qu'il existe une autorité mondiale investie d'un pouvoir exécutoire supérieur, il nous faut nous accommoder d'un tel état de choses.
Il est indéniable que les membres de cette Cour pourraient facilement éviter que la question soit soulevée en retournant à l'ancienne pratique en vertu de laquelle des expressions comme celle à l'étude étaient radiées de toute ordonnance de vente de navire. Toutefois, les praticiens du droit maritime et tous les profanes du domaine maritime qui s'intéressent à l'achat et à la vente de navires seraient tous d'avis qu'une telle pratique aurait pour effet de faire baisser considérablement les prix des navires assujettis à des ventes en justice et
de rendre certains navires totalement invendables. Les réclamations légitimes de bon nombre de canadiens et étrangers seraient ainsi frustrées par les paiements ridicules qui seraient versés à la Cour suite à ces ventes.
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