T-2297-87
S. R. Krochenski en sa qualité de prévôt adjoint
de la Cour fédérale du Canada (demandeur)
c.
Le navire Galaxias, ses propriétaires et autres
parties intéressées (défendeurs)
et
McMaster, Bray, Cameron & Jasich, une société
en nom collectif, le prévôt Bray et Timothy P.
Cameron, ces défendeurs étant identifiés dans
l'annexe «A» de la déclaration de cette action sous
les numéros 24-87 (mis en cause)
et
Naftikon Apomahicon Tameion (mis en cause)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PRÉVÔT ADJOINT DE IA COUR FÉDÉ-
RALE DU CANADA) C. GALAXIAS (LE)
Division de première instance, juge Rouleau—
Vancouver, 4, 5, 6, 7 et 8 janvier; Ottawa, 8 avril
1988.
Droit maritime — Privilèges et hypothèques — Navire grec
saisi à la suite d'une revendication de privilège, d'une action
hypothécaire et de revendications de salaires — La Cour a
ordonné la vente du navire — Le ministre de la Marine
marchande de la Grèce a refusé de délivrer un certificat de
radiation en attendant le règlement des réclamations présen-
tées par le fonds de retraite des marins grecs — Le droit
canadien s'applique lorsqu'un navire est vendu par voie judi-
ciaire conformément à une ordonnance d'un tribunal canadien
— L'acheteur acquiert le navire libre de toute charge — Il n'y
avait aucune garantie que le titre de propriété pourrait être
enregistré en Grèce — Le jugement déclaratoire portait que
l'acte de vente transférait un titre de propriété exempt de
charges.
Conflit de lois — Droit maritime — Vente judiciaire d'un
navire grec — Refus du gouvernement grec de délivrer un
certificat de radiation tant que les réclamations de salaires
présentées par des marins grecs n'auraient pas été réglées —
Lorsqu'un navire est vendu au Canada par voie judiciaire
conformément à une ordonnance d'un tribunal, il n'y a pas de
conflit de lois en ce qui concerne la vente elle-même — Il
existe des liens importants avec le Canada de sorte que le droit
canadien s'appliquerait même si on recourait aux règles de
conflit de lois.
Il s'agit d'une demande en vue d'un jugement déclaratoire
portant que l'acte de vente du bateau de croisière grec Galaxias
a transféré un titre de propriété «libre de toute charge» et que le
prévôt adjoint a fait son devoir conformément à l'ordonnance
de vente. On a ordonné la vente du navire après sa saisie à la
suite d'une revendication de privilège, d'une action hypothé-
taire et de revendications de salaires. Un acte de vente, transfé-
rant un titre de propriété libre de toute charge, a été rédigé en
conformité avec les directives reçues de la Cour. La conclusion
de la vente a été reportée en raison des réserves de l'acheteur
quant à la validité du titre de propriété parce que le ministre de
la Marine marchande de la Grèce refusait de délivrer le
certificat de radiation nécessaire à l'enregistrement du navire
en Grèce, en attendant le règlement des réclamations présen-
tées par le fonds de retraite des marins grecs. L'acheteur a
présenté une demande reconventionnelle en dommages-intérêts
pour défaut du prévôt adjoint d'avoir transmis un titre de
propriété exempt de charges, du fait que le navire ne pouvait
pas être immatriculé au bureau d'enregistrement grec.
Jugement: le jugement déclaratoire est accordé, mais la
demande reconventionnelle et les procédures visant les mis en
cause sont rejetées.
Lorsqu'un navire est vendu au Canada par voie judiciaire
conformément à une ordonnance d'un tribunal, il n'y a pas de
conflit de lois en ce qui concerne la vente elle-même. Même si
le droit canadien ne s'appliquait pas automatiquement à la
vente du présent navire, les liens avec le Canada étaient suffi-
sants pour que, même en ayant recours aux règles de conflit de
lois, le droit canadien s'applique. Un tribunal a statué qu'une
vente survenant dans une action in rem transfère la propriété
du navire libre de toute charge. L'utilisation d'une expression
telle que «libre de toute charge" n'ajoute ni n'enlève rien aux
droits dont jouira l'acheteur. La vente par autorité de justice au
Canada ne fournit toutefois pas de garantie que la vente sera
reconnue dans sa totalité par tous les gouvernements étrangers,
et rien dans le libellé de l'acte de vente ou de l'ordonnance ne
devrait laisser supposer que c'est le cas. Il n'y a rien dans l'acte
de vente, dans l'ordonnance ou dans l'annonce qui constituerait
une garantie expresse ou implicite que le titre de propriété
pourrait être enregistré en Grèce. Bien que les tribunaux cana-
diens s'attendent à ce que les tribunaux et les gouvernements
des autres pays respectent leurs ordonnances et leurs juge-
ments, tout particulièrement en matière de droit maritime, la
Cour fédérale ne peut pas exercer de contrôle à cet égard. La
Cour pourrait éviter que la question soit soulevée et retourner à
l'ancienne pratique en vertu de laquelle des expressions comme
«libre de toute charge» étaient radiées; cependant, ceux qui
s'intéressent au domaine maritime estiment que cela entraîne-
rait une chute considérable des prix obtenus pour les navires
faisant l'objet d'une vente judiciaire.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Orient Leasing Co. Ltd. c. Le «Kosei Marti., [1979] 1
Ç.F. 670 (1« inst.); Boudreau c. Registrateur de navires,
[1984] 1 C.F. 990 (1'° inst.); International Marine Ban
king Co. Limited c. Le «Dora», T-2934-76, juge en chef
adjoint Thurlow, jugement en date du 7-9-76, non publié.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Succession Stephens c. Ministre du Revenu national,
Wilkie, Morrison, Smith, Statham (shérif adjoint,
Comté d'Oxford) constable Ross et Davidson (1982), 40
N.R. 620 (C.A.F.); Vrac Mar Inc. c. Demetries Kara-
manlis, [1972] C.F. 430 (l' inst.); Athens Cape Naviera
S.A. v. Deutsche Dampfschiffarhtsgesellschaft «Hansa»
Aktiengesellschaft and Another (The «Barenbels» ),
[1984] 2 Lloyd's Rep. 388 (Q.B.).
DÉCISIONS CITÉES:
In re The .Tremont”, [1841] 1 W. Rob. 163; 166 E.R.
534 (Eng. Adm. Ct.); The .Acrux”, [1962] 1 Lloyd's
Rep. 405, (Eng. Adm. Ct.); Lietz c. La Reine, [1985] 1
C.F. 845 (1« inst.).
AVOCATS:
J. E. Gouge et K. A. G. Bridge pour le
demandeur.
M. Bray pour les mis en cause.
C. J. O'Connor pour Global Cruises.
PROCUREURS:
Lawson, Lundell, Lawson & McIntosh, Van-
couver, pour le demandeur.
McMaster, Bray, Cameron & Jasich, Van-
couver, pour les mis en cause.
Ladner Downs, Vancouver, pour Global
Cruises.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Ces motifs ont trait au
jugement que j'ai entendu à l'audience dans l'ac-
tion susmentionnée à Vancouver (Colombie-Bri-
tannique), le 6 janvier 1988.
Bien que le présent litige ne porte pas essentiel-
lement sur les faits, pour faciliter les choses, je vais
faire un bref résumé des événements qui ont
amené les parties devant la Cour.
Le bateau de croisière grec Galaxias a quitté le
port du Pirée en Grèce, au printemps de 1986. Il a
passé par le canal de Panama et a remonté la côte
ouest de l'Amérique du Nord, après s'être arrêté à
Acapulco pour embaucher un groupe de musiciens.
En juin 1986, le Galaxias est arrivé au port de
Vancouver avec tout son équipage. Il y est resté
amarré durant l'été de 1986 et, au moyen de
certains points de jonction avec le quai, il est
devenu un «hôtel flottant» au service des visiteurs
de l'exposition mondiale de Vancouver («Expo 86»)
présentée par cette ville.
À l'automne de 1986, des difficultés financières
en rapport avec l'exploitation du Galaxias ont
commencé à se faire sentir et, le ler septembre
1986, le navire a fait l'objet d'un mandat de saisie
délivré par cette Cour à la demande de Baseline
Industries Ltd., exploitante du quai. Depuis cette
date, de nombreuses réclamations ont fait surface,
y compris plusieurs revendications de salaires
(Metaxas c. Galaxias (Le), T-2406-86, Villa-
nueva-Velasquez et autres, T-2325-86, et Katere-
los et autres, T-318-87), une revendication de pri-
vilège sur le navire (Baseline), une action
hypothécaire (Banque Nationale de Grèce) et,
l'action la plus importante, la revendication, quel-
que peu inusitée, d'un privilège sur le navire, sup -
posément légiférée par le gouvernement grec en
faveur du syndicat des marins grecs, Naftikon
Apomahicon Tameion (ci-après appelé le N.A.T.).
S. R. Krochenski, demandeur en l'espèce et
shérif de la Colombie-Britannique, a été nommé en
qualité de prévôt adjoint de la Cour fédérale du
Canada pour exécuter la commission de vente du
Galaxias. Après un faux départ, avec une annonce
de mise en vente qui n'a apporté aucune offre
adéquate, on a placé une autre annonce dans plu-
sieurs journaux internationaux, conformément à
l'ordonnance de madame le juge Reed, datée du 27
avril 1987 (modifiée par la suite et ci-après appe-
lée l'ordonnance de vente,). En réponse à cette
annonce, Global Cruises S.A., défenderesse, a
offert 1,1 million de dollars. Cette offre, la plus
élevée, a été acceptée. Un acte de vente a été
préparé selon les directives de la Cour, avec l'as-
sentiment de quelques créanciers du navire. L'acte
de vente prévoyait notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] 5. Le M.V. Galaxias est vendu, là où il se
trouve et dans l'état où il se trouve, avec tous ses défauts
existants, sans égard à une insuffisance de quelque nature que
ce soit quant à la longueur, la pesanteur, la quantité ou la
qualité ou autre, renseignements non garantis, libre de toute
charge.
6. Le prévôt adjoint de la Cour fédérale du Canada a l'autorité
pour signer l'acte de vente et céder le navire à l'adjudicataire,
libre de toute charge.
Des problèmes ont surgi peu de temps après. On
a reporté plusieurs fois la date de conclusion de la
vente, l'acheteur ayant de la difficulté à faire
financer le reste du prix de vente, apparemment à
cause de questions soulevées par des investisseurs
potentiels concernant le statut du Galaxias au
bureau d'enregistrement grec. L'acheteur est
devenu inquiet face à l'attitude du ministre de la
Marine marchande de la Grèce concernant la ces
sion du titre de propriété du Galaxias, libre de
toute charge, dans le registre grec du Pirée. Le
ministre refusait de délivrer le certificat de radia
tion nécessaire; il voulait assujettir celui-ci au
règlement des réclamations contre le Galaxias en
vertu de l'action du N.A.T. (T-2406-86), le fonds
de retraite des marins grecs.
Par suite du refus du ministre grec de délivrer le
certificat de radiation nécessaire et aux réserves de
l'acheteur quant à la validité du titre qui lui avait
été cédé en vertu de l'acte de vente, le prévôt
adjoint Krochenski a engagé la présente action
contre l'adjudicataire Global, ainsi que contre les
revendicateurs du produit de la vente du Galaxias.
Le prévôt adjoint demande à la Cour de rendre un
jugement déclaratoire attestant qu'il a fait son
devoir en ce qui concerne l'ordonnance de vente ou
la commission de vente, ou tout autre contrat qui
peut exister entre les parties, et que l'acte de vente,
formulée conformément à l'ordonnance de vente
de la Cour, cède le titre de propriété du Galaxias à
l'acheteur, «libre de toute charge».
Global a déposé une défense à la déclaration, et
elle a fait une demande reconventionnelle relative
aux coûts et dommages qui, selon elle, lui ont été
causés par le défaut du prévôt adjoint de lui avoir
cédé le bateau «libre de toute charge» et, par
conséquent, au point où en sont présentement les
choses, non immatriculable au bureau d'enregistre-
ment grec. Le N.A.T. a été mis en cause dans cette
action, ainsi que l'étude McMaster, Bray, Came-
ron & Jasich et plusieurs revendicateurs du pro-
duit de la vente.
LA POSITION DU PRÉVÔT ADJOINT
Je suis persuadé que le prévôt adjoint a toujours
agi à titre d'officier de justice et qu'il était de son
devoir d'exécuter avec diligence les ordres qu'il
recevait. (Succession Stephens c. Ministre du
Revenu national, Wilkie, Morrison, Smith, Sta-
tham (shérif adjoint, Comté d'Oxford) constable
Ross et Davidson (1982), 40 N.R. 620 (C.A.F.).
Il n'appartient pas au prévôt adjoint de mettre
en doute une ordonnance judiciaire; il doit simple-
ment veiller à ce que ses conditions soient respec-
tées, et je suis convaincu que c'est ce qu'il a fait.
L'avocat m'a cité certains précédents en rapport
avec le droit qui s'applique à l'acte de vente du
Galaxias, mais je n'hésite aucunement à affirmer
que c'est le droit canadien qui s'applique. Lors-
qu'un navire est vendu par voie judiciaire en vertu
d'une ordonnance d'une cour canadienne, je ne
vois pas qu'il puisse y avoir un conflit de droit en
rapport avec la vente elle-même (il en va autre-
ment de la distribution du produit de la vente). Le
Galaxias a été vendu suite à la reconnaissance de
droits substantifs des parties par ce tribunal. La
vente en justice étant un recours rattaché à ces
droits, elle est régie par les lois canadiennes; c'est
la règle lex fori (Orient Leasing Co. Ltd. c. Le
«Kosei Maru», [1979] 1 C.F. 670 O re inst.)).
Même si je me trompe en affirmant que la loi du
Canada s'appliquerait automatiquement à la vente
du Galaxias, l'avocat a souligné que, de toute
façon, l'existence de liens importants avec le
Canada justifie une constatation voulant que la loi
canadienne s'applique, même en admettant qu'il y
aurait des conflits de règles de droit. Il me reste
donc à établir la nature du titre cédé à Global en
vertu de l'ordonnance de vente.
TITRE CÉDÉ EN VERTU D'UNE VENTE EN JUSTICE
Il est depuis longtemps reconnu, en droit mari
time canadien comme britannique qu'une vente en
justice dans une action in rem comme en l'espèce a
pour effet de céder le navire à l'acheteur, libre de
toute charge. In re The «Tremont», [1841] 1 W.
Rob. 163; 166 E.R. 534 (Eng. Adm. Ct.); The
«Acrux», [1962] 1 Lloyd's Rep. 405, (Eng. Adm.
Ct.); Lietz c. La Reine, [1985] 1 C.F. 845 (lfe
inst.).
Le juge en chef adjoint Noël (tel était alors son
titre) a discuté de ce principe dans la décision Vrac
Mar Inc. c. Demetries Karamanlis, [1972] C.F.
430 (i re inst.), à la page 434:
La République de Panama, d'autre part, après avoir déposé
un caveat pour $ 2,585.15 refuse de se conformer à la procé-
dure de vente du navire et à respecter l'ordonnance de cette
Cour donnant à l'acheteur un titre clair et net. Je ne veux
qualifier, pour le moment, ce geste de la part de ce pays. Qu'il
me soit permis tout de même de dire que le refus de respecter le
jugement de la Cour après avoir déposé sa réclamation, en plus
d'être un affront au tribunal canadien, constitue un refus par ce
pays de respecter les décisions du tribunal d'un autre pays et
une exception à une règle qui est honorée par tous les pays du
monde. Si, en effet, d'autres pays, ou d'autres créanciers,
s'avisaient de suivre ce mauvais exemple, ce serait le désordre
dans un domaine qui ne peut être réglementé efficacement sans
la bonne foi de tous les pays maritimes. Il me paraît donc
urgent et nécessaire, si l'on veut maintenir le prestige des
décisions de nos tribunaux et dissuader d'autres pays ou créan-
ciers de suivre l'exemple de la République de Panama, que les
autorités compétentes s'emploient à faire les amendements qui
s'imposent à la Loi sur la marine marchande du Canada pour
que l'immatriculation d'un navire étranger ne puisse être utili
sée pour empêcher l'enregistrement d'un navire au Canada
vendu en vertu d'une ordonnance de cette Cour.
À mon avis, il est évident qu'en ordonnant la
vente en justice d'un navire la Cour agit dans le
cadre de sa compétence conformément aux lois du
Canada, et que ce sont ces lois qui s'appliquent à
la transaction. Je souscris à l'opinion du juge en
chef adjoint Noël dans la cause ci-dessus et, bien
qu'il ait exprimé sa déception face à l'attitude
prise par le gouvernement de Panama, je ne vois
rien qui indique, selon lui, que la vente effectuée
«libre de toute charge» dans cette cause aurait été
inefficace pour céder un titre clair à l'acheteur. Si,
en fait, il y a d'autres juridictions qui ignorent
l'effet d'une vente en justice au Canada, ceci cons-
titue un problème politique à l'égard duquel la
Cour fédérale du Canada est impuissante.
Selon moi, la présence de l'expression «libre de
toute charge» ou d'une formulation semblable dans
un acte de vente en vertu d'une ordonnance judi-
ciaire n'ajoute ni n'enlève quoi que ce soit aux
droits de l'acheteur. C'est la nature même d'une
vente en justice canadienne qui fait foi de son
intégrité; le fait qu'il s'agit d'une telle vente consti-
tue toute la représentation de la Cour au public
lorsque celle-ci ordonne la vente d'un navire. Les
acheteurs potentiels peuvent inspecter le navire
pour déterminer son état et sa valeur. Le titre de
propriété du navire est le seul élément de la vente
que l'acheteur n'a pas à vérifier; il reçoit un titre
clair en vertu de la loi canadienne, que ceci soit ou
non énoncé dans l'ordonnance judiciaire ou dans
l'acte de vente. L'acheteur prend donc le navire
libre de toute charge conformément à la loi cana-
dienne et, bien qu'il soit évident que les tribunaux
canadiens désirent que les tribunaux et les gouver-
nements des autres nations respectent leurs ordon-
nances et leurs jugements, et s'attendent à ce que
ces tribunaux et gouvernements les respectent, par-
ticulièrement dans le domaine maritime, la Cour
fédérale n'exerce aucun contrôle à cet égard et il
ne serait pas indiqué qu'elle tente de le faire.
Il est évident que, lorsqu'il s'agit d'une vente
privée, l'inclusion ou l'exclusion d'une garantie ou
d'une représentation quant à l'existence de charges
est un point très important, car il est susceptible de
déterminer les droits respectifs des parties en vertu
du contrat. Par exemple, dans l'arrêt Athens Cape
Naviera S.A. v. Deutsche Dampfschiffarhtsge-
sellschaft «Hansa» Aktiengesellschaft and Ano
ther (The «Barenbels»), [1984] 2 LLoyd's Rep.
388 (Q.B.), le juge Scrutton examine en profon-
deur l'importance de l'expression [TRADUCTION]
«libre de toute charge ou de toute dette de quelque
nature que ce soit» dans un contrat de vente privée.
Il est à noter que l'examen a suscité les commen-
taires suivants à la page 390:
[TRADUCTION] Un privilège maritime est rattaché à un
navire et peut être exécuté contre celui-ci malgré un change-
ment de propriétaire et même si le bref est délivré après ce
changement. Un privilège maritime constitue une charge sur un
navire qu'un changement de propriétaire ne peut radier à
l'intérieur d'un délai raisonnable, à moins que ce changement
ne survienne suite à une vente par une cour exerçant sa
juridiction en matière d'amirauté. [C'est moi qui souligne.]
Les avocats ont attiré mon attention sur quel-
ques décisions de la Cour fédérale dans lesquelles
la question de l'interprétation d'un terme comme
celui qui nous intéresse en l'espèce a été examinée
ne serait-ce qu'en obiter. À mon avis, aucune de
ces décisions ne contredit la règle générale que j'ai
exposée, à savoir que la vente en justice a pour
effet de céder la chose à l'acheteur libre de toute
charge, que ceci soit ou non indiqué dans l'acte de
vente ou l'ordonnance de vente.
Dans l'arrêt Boudreau c. Registrateur de navi-
res, [1984] 1 C.F. 990 (1" inst.), le registrateur
refusait d'enregistrer le titre d'un navire sans les
hypothèques existantes qui avaient été radiées par
la vente en justice au motif que l'ordonnance
pertinente ne mentionnait pas que le titre avait été
cédé libre de toute charge. Le juge en chef adjoint
Jerome a indiqué aux pages 993 et 994 en parlant
du refus du registrateur d'enregistrer un titre clair:
Bien qu'elles ne soient pas expressément autorisées par les lois
ou la jurisprudence, ces procédures font partie de directives
établies de longue date à l'intention des registrateurs de navires
britanniques.
La décision précitée portait essentiellement sur
un problème procédural fondé sur la formulation
d'une ordonnance judiciaire et l'acte de vente. La
Cour indique très clairement que l'omission des
mots «libre de toute charge» dans l'ordonnance de
vente n'influe en rien sur le titre d'un acheteur
d'un navire.
En outre, les avocats m'ont fait remarquer une
décision non publiée du juge en chef adjoint Thur -
low [tel était alors son titre], International Marine
Banking Co. Limited c. Le «Dora», T-2934-76, le
7 septembre 1976. À la page 8 de ses motifs, le
juge en chef adjoint s'exprime comme suit:
Un autre point subsiste. Dans l'avis de requête la demanderesse
demande que soit annoncée la vente du navire «libre de toute
charge, servitude, hypothèque et réclamation. À mon avis, il
s'agit de l'effet, selon la loi dans ce pays, d'une vente par la
Cour dans une action in rem.
En obiter, le juge en chef adjoint continue à
discuter de l'effet d'une telle expression dans l'or-
donnance judiciaire et les annonces relatives à la
vente, et il en vient à la conclusion que, selon lui,
on ne devrait pas utiliser cette expression. Dans la
mesure où le terme «réclamation» dans la phrase
ci-dessus pourrait inclure une réclamation falla-
cieuse, ou une réclamation non reconnue en vertu
du droit maritime canadien, je suis d'accord avec
le juge en chef adjoint. Comme je l'ai déjà men-
tionné, la vente en justice au Canada, ne porte pas
la garantie qu'elle sera reconnue par tous les gou-
vernements étrangers, et ni l'acte ni l'ordonnance
de vente ne devraient contenir d'énoncés suscepti-
bles de faire croire aux acheteurs que tel est le cas.
Cependant, en l'espèce, l'ordonnance et l'acte de
vente contiennent l'expression «libre de toute
charge» et, pour les raisons mentionnées, je crois
qu'il était approprié et indiqué de l'inclure. Je
conclus donc que l'acheteur, Global, a obtenu un
titre de propriété libre de toute charge sur le
Galaxias.
En outre, je ne vois rien dans l'ordonnance,
l'acte de vente ou l'annonce qui pourrait porter à
croire, explicitement ou implicitement, que le titre
de propriété du Galaxias serait immatriculable en
Grèce. Il serait impossible pour une cour cana-
dienne de stipuler une telle condition dans un
contrat de vente en justice. Je suis donc d'avis que
le prévôt adjoint a droit au redressement recher-
ché, à savoir:
a) un jugement déclaratoire attestant que le
prévôt adjoint a rempli tous ses devoirs envers
Global Cruises S.A. en vertu de l'ordonnance de
vente et des commissions de vente en délivrant
l'acte de vente en question, et
b) un jugement déclaratoire attestant que la déli-
vrance dudit acte de vente a conféré un titre de
propriété libre de toute charge sur le Galaxias et a
libéré à cet égard le demandeur de toutes ses
obligations envers Global.
Le prévôt adjoint a droit à ses frais.
Bien que je sympathise avec Global relativement
aux difficultés éprouvées en Grèce, je rejette la
demande reconventionnelle. Le navire a dûment
été immatriculé à Antigua et, comme je l'ai déjà
mentionné, je suis convaincu que le prévôt adjoint
s'est acquitté de tous ses devoirs envers la Cour et,
par conséquent, envers l'acheteur. J'espère que
l'ordonnance concernant le paiement de la récla-
mation du N.A.T. dans l'action principale
(T-2297-87) contribuera à diminuer les craintes
que Global a manifestées en déposant sa demande
reconventionnelle.
Les procédures visant les parties mises en cause
tombent.
J'aimerais ajouter en obiter que, dans l'intérêt
de la libre circulation maritime, les pays ont de
façon générale convenu de se soumettre à un
ensemble de règles et de lois maritimes uniformes.
Ceci n'empêche toutefois pas un pays d'ignorer
complètement et légalement, ou d'annuler, toute
pratique normalement acceptée ou toute loi univer-
sellement reconnue en matière d'amirauté ou
même une règle de droit que ce pays a antérieure-
ment acceptée en vertu d'un traité. C'est précisé-
ment ce qui s'entend par compétence territoriale
et, jusqu'à ce qu'il existe une autorité mondiale
investie d'un pouvoir exécutoire supérieur, il nous
faut nous accommoder d'un tel état de choses.
Il est indéniable que les membres de cette Cour
pourraient facilement éviter que la question soit
soulevée en retournant à l'ancienne pratique en
vertu de laquelle des expressions comme celle à
l'étude étaient radiées de toute ordonnance de
vente de navire. Toutefois, les praticiens du droit
maritime et tous les profanes du domaine maritime
qui s'intéressent à l'achat et à la vente de navires
seraient tous d'avis qu'une telle pratique aurait
pour effet de faire baisser considérablement les
prix des navires assujettis à des ventes en justice et
de rendre certains navires totalement invendables.
Les réclamations légitimes de bon nombre de
canadiens et étrangers seraient ainsi frustrées par
les paiements ridicules qui seraient versés à la
Cour suite à ces ventes.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.