T-1598-86
Glenn Williams (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: WILLIAMS c. CANADA
Division de première instance, juge Cullen—
Vancouver, 6 octobre; Ottawa, 15 décembre 1988.
Peuples autochtones — Taxation — Les prestations et les
prestations majorées d'assurance-chômage versées à un Indien
résidant sur une réserve et y ayant travaillé sont exemptes de
taxation en vertu des art. 87 et 90(1)b) de la Loi sur les Indiens
— Détermination du situs des prestations.
Impôt sur le revenu — Exemptions — Les prestations et les
prestations majorées d'assurance-chômage versées â un Indien
résidant sur une réserve et y ayant travaillé sont exemptes de
taxation en vertu des art. 87 et 90(1)b) de la Loi sur les
Indiens, puisque les prestations constituent un bien personnel
appartenant à un Indien et situé sur une réserve — Les
prestations majorées ont été versées en vertu d'une «entente»
conclue entre la bande et la Couronne, au sens de l'art. 90(1)b)
— L'«entente» doit être interprétée de façon libérale et en
faveur de l'Indien — Détermination du situs des prestations au
sens de l'art. 87 de la Loi et selon les facteurs pertinents.
Assurance-chômage — Les prestations et les prestations
majorées versées à un Indien résidant sur une réserve et y
ayant travaillé sont exemptes de taxation en vertu des art. 87
et 90(1)b) de la Loi sur les Indiens.
Le demandeur est un Indien habitant la réserve indienne n° 1
de Penticton (Colombie-Britannique). Après avoir travaillé sur
la réserve, tout d'abord pour une société y située, puis pour la
bande indienne de Penticton dans le cadre d'un projet
«RELAIS», le demandeur était admissible à recevoir des presta-
tions régulières d'assurance-chômage et il a reçu, à cet égard,
une somme de 3 241 $. Il a alors travaillé pendant vingt-cinq
semaines, de nouveau sur la réserve, dans le cadre d'un projet
créateur d'emploi établi en vertu d'une entente entre la Bande
et la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada.
En guise de salaire, le demandeur a reçu des prestations
d'assurance-chômage majorées qui s'élèvent à 7 875 $. La coti-
sation d'impôt sur le revenu du demandeur pour l'année 1984
englobait toutes les prestations dans son revenu, conformément
au sous-alinéa 56(1)a)(iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le ministre a rejeté l'opposition faite par le demandeur et il a
confirmé la cotisation. Le présent appel est formé contre cette
cotisation.
Le demandeur invoque l'article 87 de la Loi sur les Indiens
en vertu duquel les biens personnels d'un Indien qui se trouvent
sur la réserve sont exempts de taxation, et, pour ce qui est des
prestations majorées, l'alinéa 90(1)b) de la même Loi, en vertu
duquel les biens personnels donnés aux Indiens en vertu d'un
accord entre une bande et Sa Majesté sont tenus pour situés sur
une réserve.
La question principale est de savoir si les prestations que le
demandeur a reçues étaient «situées» sur une réserve. L'autre
question se pose de savoir si le projet créateur d'emploi consti-
tuait un accord au sens de l'alinéa 90(1)b).
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Les arrêts Nowegijick (C.S.C.) et National Indian Brothe
rhood (C.F. 1" inst.) étayent l'idée que la résidence du débiteur
ne devrait pas être le seul facteur examiné dans la détermina-
tion du situs des prestations. Autrement dit, le critère de la
résidence du débiteur ne devrait déterminer le situs que lors-
qu'il n'y a aucune preuve indiquant que le situs devrait se
trouver ailleurs. En l'espèce, il y a preuve que le situs des
prestations devrait être la réserve. Il faut tenir compte de
l'endroit où les prestations ont été versées au demandeur, ainsi
que du lieu de l'emploi, où se trouvait l'employeur, l'endroit de
la résidence et l'endroit du paiement du salaire. L'interpréta-
tion par le demandeur du critère du situs va dans le même sens
que ceux qui favorisent une interprétation libérale et progres-
siste de la part des tribunaux lorsqu'il s'agit des droits des
autochtones. Cette interprétation permettrait d'éviter une con-
séquence absurde, dans la mesure où le revenu d'un contribua-
ble indien tiré de son emploi sur la réserve serait exonoré
d'impôts, alors que les prestations d'assurance-chômage décou-
lant de cet emploi seraient imposables. En outre, cette interpré-
tation est compatible avec le but de la Loi sur les Indiens, soit
de ne pas exiger d'impôts des Indiens à l'égard du revenu gagné
sur une réserve.
Les prestations majorées sont exonorées d'impôts non seule-
ment en vertu de l'alinéa 87b) de la Loi sur les Indiens, mais
aussi en vertu de son alinéa 90(1)b), puisqu'elles ont été versées
conformément à une entente entre la Bande et la Couronne. Il
faut interpréter de façon libérale le mot «accord» figurant à
l'alinéa 90(1)b) et, en cas de doute, le litige devrait être résolu
en faveur de l'Indien.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Décret de remise visant les Indiens, TR/85-144.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 56(1)a)(iv) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap.
140, art. 26), n), 81 (mod., idem, art. 46).
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
chap. 48, art. 38 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
41; 1978-79, chap. 7, art. 6; 1980-81-82-83, chap. 47,
art. 53).
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. 1-6, art. 2(1), 87
(mod. par S.C. 1980-8l-82-83, chap. 47, art. 25),
90(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; 83 DTC
5041; R. c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F.
103; (1978), 78 DTC 6488 (1r 0 inst.); Greyeyes c. R.,
[1978] 2 C.F. 385; 78 DTC 6043 (1"° inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Launière c. M.R.N., [1987] 1 C.N.L.R. 55 (C.C.I.);
Mitchell v. Sandy Bay Indian Band, [1983] 5 W.W.R.
117 (B.R. Man.).
DÉCISION CITÉE:
Metlakatla Ferry Service Ltd. v. B.C. (Govt.) (1987), 12
B.C.L.R. (2d) 308 (C.A.).
DOCTRINE
Purich, Don. Indians and Income Tax: A case Comment
on Nowegijick v. The Queen, (1983-84), 48 Sask. Law
Rev. 122.
AVOCATS:
Gary S. Snarch pour le demandeur.
Ian S. MacGregor et Sandra E. Phillips pour
la défenderesse.
PROCUREURS:
Snarch & Allen, Vancouver, pour le deman-
deur.
Le sous-procureur général du Canada, pour
la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CULLEN: Les parties ont admis les
faits suivants:
1. Le demandeur est un Indien au sens de la Loi
sur les Indiens [S.R.C. 1970, chap. I-6] et, en tout
temps pertinent, il était membre de la bande
indienne de Penticton (ci-après appelée la
«bande»). Il demeure route rurale n° 2, Site 80,
Comp. 10, à Penticton (Colombie-Britannique),
sur la réserve indienne n° 1 de Penticton (ci-après
appelée la «réserve»), qui est une réserve au sens de
la Loi sur les Indiens.
2. Au cours de l'année d'imposition 1984, le
demandeur a reçu des prestations régulières d'as-
surance-chômage de la Commission de l'emploi et
de l'immigration du Canada (ci-après appelée la
«Commission>) selon un montant de 225 $ par
semaine à compter du ler janvier et pour les 13
semaines qui ont suivi cette date. Au cours de cette
période-là, le demandeur a reçu une somme totale
de 2 925 $.
3. Le demandeur était admissible à recevoir les
prestations régulières d'assurance-chômage men-
tionnées au paragraphe 2 des présentes, parce
qu'en 1982 et 1983, il a exercé un emploi assurable
auprès de Greenwood Forest Products Ltd., société
située sur la réserve.
4. Du 23 mars 1984 au ler juin de la même année,
le demandeur a travaillé pour la bande sur la
réserve dans le cadre d'un projet «RELAIS». Au
cours de cette même période, il a reçu de la bande
un salaire totalisant 2 995 $.
5. Le 7 juin 1984, le demandeur a demandé des
prestations d'assurance-chômage et, le 17 juin de
la même année, il a commencé à recevoir des
prestations régulières d'assurance-chômage selon
un montant de 158 $ par semaine pendant deux
semaines, pour un total 316 $.
6. La bande a conclu avec la Commission une
entente en date du 28 mars 1984 en vertu de
laquelle un projet créateur d'emplois (no
7320BX8) au sens de l'article 38 de la Loi de 1971
sur l'assurance-chômage [S.C. 1970-71-72, chap.
48 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 41)]
serait mis à exécution sur la réserve.
7. Le projet en question était un projet d'améliora-
tion des forêts; il a commencé vers le 30 mars 1984
pour se terminer vers le 21 décembre 1984.
8. L'entente mentionnée au paragraphe 6 des pré-
sentes prévoyait que la Commission verserait,
directement à la bande une partie du coût du
projet, soit une somme de 95 000 $. Par la suite,
une somme de 94 500 $ a été versée à la bande
comme suit:
5 avril 1984 paiement anticipé 29 250 $
8 août 1984 paiement périodique 24 750
10 septembre 1984 paiement périodique 5 500
22 novembre 1984 paiement périodique 26 000
28 février 1985 paiement final 9 000
TOTAL 94 500 $
9. Comme il recevait des prestations d'assurance-
chômage, le demandeur était admissible à travail-
ler dans le cadre du projet créateur d'emplois
mentionné aux paragraphes 6, 7 et 8 des présentes.
10. Le demandeur a travaillé dans le cadre dudit
projet pendant 25 semaines entre le 2 juillet 1984
et le 21 décembre 1984; en conséquence, la Com
mission a augmenté les prestations d'assurance-
chômage de 158 $ à 315 $ conformément à l'arti-
cle 38 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage.
Le demandeur a reçu une somme totale de 7 875 $.
11. Le demandeur et tous les autres participants
au projet ont été tenus de signer un engagement
type du participant prestataire qui comporte
notamment la clause suivante:
[TRADUCTION] 2. Au cours de ma participation à ce projet,
j'accepte en guise de salaire les prestations qui me sont dues
en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et du
Règlement sur l'assurance-chômage.
Le demandeur a signé l'engagement type le 4
juillet 1984.
12. Toutes les prestations d'assurance-chômage
mentionnées aux paragraphes 2, 5 et 10 des pré-
sentes ont été versées au moyen de chèques du
gouvernement fédéral faits à l'ordre du demandeur
et postés depuis le centre régional d'informatique
de la Commission situé à Vancouver (Colombie-
Britannique) au demandeur, a/s Bande indienne de
Penticton, R.R. n° 2, Site 50, Comp. 8, Penticton
(C.-B.), V2A 6J7.
13. En plus des prestations d'assurance-chômage
qui lui ont été versées pour le travail qu'il a fait
dans le cadre du projet créateur d'emplois, le
demandeur a reçu de la bande un supplément de
rémunération de 60 $ par semaine, pour un total
de 1 560 $, y compris une indemnité de vacances
de 4 %.
14. La bande a versé ledit supplément de rémuné-
ration directement au demandeur à même le mon-
tant de 94 500 $ que la Commission a injecté dans
le projet.
15. Le demandeur a reçu de la Commission un
feuillet T4-U, État des prestations d'assurance-
chômage versées, selon un montant de 11 116 $,
calculé comme suit:
2 925 $ — voir le paragraphe 2
316 — voir le paragraphe 5
7 875 — voir le paragraphe 10
11 116 $ — TOTAL
16. En vertu d'un avis de cotisation en date du 31
mai 1985, le ministre du Revenu national a inclus
dans le revenu du demandeur pouir l'année d'im-
position de 1984 la somme de 11 116 $, conformé-
ment au sous-alinéa 56(1)a)(iv) [mod. par S.C.
1980-81-82-83, chap. 140, art. 26] de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148,
modifiée par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1
(ci-après appelée la «Loi»).
17. En vertu d'un avis d'opposition en date du 29
août 1985, le demandeur s'est opposé à ladite
cotisation relativement à son année d'imposition de
1984.
18. En vertu d'un avis de confirmation en date du
16 avril 1986, le ministre du Revenu national a
confirmé la cotisation mentionnée au paragraphe
16 des présentes.
Il s'agit, en l'espèce, d'un appel interjeté à l'en-
contre de la cotisation mentionnée au paragraphe
16 qui précède.
Le sous-alinéa 56(1)a)(iv) de la Loi prévoit
expressément l'inclusion des prestations d'assu-
rance-chômage dans le calcul de revenu du contri-
buable pour une année d'imposition:
56. (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3,
sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition,
a) toute somme reçue par le contribuable dans l'année au
titre, ou en paiement intégral ou partiel,
(iv) d'une prestatin versée en vertu de la Loi de 1971 sur
l'assurance- chômage,
Cependant, l'article 81 [mod. par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 140, art. 46] de la Loi énonce en
toutes lettres ce qui suit:
81. (1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un
contribuable pour une année d'imposition:
a) une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute
autre loi du Parlement du Canada, autre qu'un montant reçu
ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une
disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu
avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;
L'exemption mentionnée ci-dessus doit être une
exemption statutaire.
L'exemption à laquelle un Indien, au sens du
paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, a droit
découle de l'article 87 [mod. par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 47, art. 25] de celle-ci. Cet article
prévoit essentiellement que les biens personnels
d'un Indien se trouvant sur une réserve sont
«exemptés de taxation» et qu'aucun Indien n'est
tenu de payer de l'impôt «"quant à ... un"» de ces
biens: Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29,
à la page 33; 83 DTC 5041, la page 5043. Voici
le texe de l'article 87 et du paragraphe 90(1) de la
Loi:
87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou
toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve de
l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation, à
savoir:
a) l'intérêt d'un Indien ou d'une bande dans une réserve ou
des terres cédées; et
b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur
une réserve;
et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant
la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien
mentionné aux alinéas a) ou b) ni autrement soumis à une
taxation quant à l'un de ces biens. Aucun droit de mutation par
décès, taxe d'héritage ou droit de succession n'est exigible à la
mort d'un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou
la succession audit bien, si ce dernier est transmis à un Indien,
et il ne sera tenu compte d'aucun bien de cette nature en
déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les
droits successoraux, chapitre 89 des Statuts révisés du Canada
de 1952, ou l'impôt payable en vertu de la Loi de l'impôt sur
les biens transmis par décès, sur d'autres biens transmis à un
Indien ou à l'égard de ces autres biens.
90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89, les biens
personnels qui ont été
a) achetés par Sa Majesté avec des deniers des Indiens ou
des fonds votés par le Parlement à l'usage et au profit
d'Indiens ou de bandes, ou
b) donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou
accord entre une bande et Sa Majesté,
sont toujours tenus pour situés sur une réserve.
Aux fins du présent appel, la partie du paragraphe
90(1) qui nous intéresse est l'alinéa b).
L'autre texte législatif relié à la présente affaire
est l'article 38 de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage, qui se lit comme suit:
38. (1) Aux fins du présent article, un projet créateur d'em-
plois désigne un, projet approuvé par la Commission dans le
cadre d'un programme destiné principalement à créer des
emplois et mis en oeuvre par le gouvernement du Canada en
vertu d'une loi du Parlement.
(2) Le prestataire embauché dans un projet créateur d'em-
plois peut, à la discrétion de la Commission et de la manière
prescrite, sous réserve du paragraphe (10), recevoir les presta-
tions autrement prévues à la présente Partie.
(3) Aux fins de la présente Partie, toute semaine au cours de
laquelle un prestataire occupe un poste dans un projet créateur
d'emplois et reçoit des prestations en vertu du paragraphe (2),
est considérée comme une semaine de chômage et, aux fins de
la présente Partie, de la Partie IV, de la Loi de l'impôt sur le
revenu et du Régime de pensions du Canada les prestations
reçues par un prestataire ne sont pas considérées comme rému-
nération provenant d'un emploi.
(4) Par dérogation à l'article 24, le taux des prestations
hebdomadaires payables à un prestataire qui occupe un poste
dans un projet créateur d'emplois ne peut pas dépasser le plus
élevé des deux taux suivants: celui visé à l'article 24 et celui du
salaire applicable à ce poste, tel que fixé par la Commission.
(10) En vertu du présent article, les montants payés dans
une année, à titre de prestations ne peuvent pas dépasser ceux
qu'autorise, par décret, le gouverneur en conseil pour cette
année.
(1 1 ) Les décisions de la Commission approuvant ou désap-
prouvant un projet créateur d'emplois aux fins du présent
article ne sont pas susceptibles d'appel en vertu des articles 94
ou 95. [C'est moi qui souligne.]
La question en litige consiste à savoir si les
prestations d'assurance-chômage (les prestations)
que le demandeur a reçues au cours des première,
deuxième et troisième périodes sont exemptes de
taxation conformément à l'article 87 de la Loi sur
les Indiens. Comme je l'ai souligné plus haut, pour
être admissibles à l'exemption prévue à l'article 87
de la Loi sur les Indiens, les prestations doivent
constituer un bien personnel, appartenir à l'Indien
ou à la bande et être situées sur une réserve. En
l'espèce, on ne conteste pas que les prestations
constituent un bien personnel et qu'elles appartien-
nent à un Indien au sens de la Loi sur les Indiens.
La seule question à trancher est celle de savoir si
les prestations que le demandeur a reçues au cours
des trois périodes étaient «situées» sur une réserve.
L'avocat du demandeur soutient qu'en tout
temps pertinent, ce dernier travaillait sur la
réserve pour un employeur situé sur la réserve
(Greenwood Forest Products Ltd. et la bande) et a
été payé sur la réserve. En outre, le demandeur a
reçu des prestations sur la réserve au cours des
première, deuxième et troisième périodes à la suite
de l'emploi susmentionné. Au cours de la troisième
période, en plus de recevoir des prestations réguliè-
res d'assurance-chômage, le demandeur a vu ses
prestations augmenter, puisqu'il a continué à tra-
vailler sur la réserve au cours de la période où il a
reçu ces montants. D'après les ententes conclues
entre la Commission, la bande et le demandeur, la
bande était l'employeur de ce dernier.
Le demandeur allègue que, pour appliquer de
façon appropriée le test du situs établi dans l'af-
faire Nowegijick c. La Reine (précitée), il ne suffit
pas de déterminer la résidence du débiteur. Il faut
plutôt tenir compte de tous les facteurs pertinents.
Si j'ai bien compris le demandeur, le test à appli-
quer pour attribuer un situs à un salaire, d'après
l'arrêt Nowegijick (précité) et l'affaire R. c.
National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103;
(1978), 78 DTC 6488 (i re inst.) exige davantage
que la détermination de la résidence du débiteur
(employeur) et de l'endroit où le salaire doit être
payé. Le critère de la résidence du débiteur ne
détermine le situs que lorsqu'il n'y a aucune
preuve indiquant que le situs devrait se trouver
ailleurs. En l'espèce, il existe plusieurs facteurs
pouvant être appliqués pour déterminer le situs;
examinés ensemble, ces facteurs indiquent que le
situs des prestations est la réserve.
À cet égard, le demandeur fait valoir que les
prestations constituent une rémunération différée
et découlent directement de l'emploi qu'il a exercé
sur la réserve. En tout temps pertinent, le deman-
deur a résidé sur la réserve et c'est là qu'il a reçu
son salaire et ses prestations. En ce qui a trait aux
prestations reçues au cours de la troisième période,
le demandeur soutient que ces prestations sont
présumées être situées sur une réserve en vertu de
l'alinéa 90(1)b) de la Loi sur les Indiens, puisqu'il
a reçu ces sommes d'argent par l'entremise de la
bande conformément à une entente conclue avec la
Commission: Greyeyes c. R., [1978] 2 C.F. 385; 78
DTC 6043 (Ire inst.).
Quant à elle, la défenderesse est d'avis que
l'application conjointe de l'alinéa 81(1)a) de la Loi
de l'impôt sur le revenu ainsi que les alinéas 87b)
et 90(1)b) de la Loi sur les Indiens n'a pas pour
effet d'exonérer le demandeur du paiement d'im-
pôts à l'égard des prestations d'assurance-chômage
régulières et majorées. Selon la défenderesse, l'ali-
néa 87b) de la Loi sur les Indiens prévoit une
exemption d'impôts uniquement pour les biens per-
sonnels d'un Indien qui sont situés sur une réserve;
d'après le test du situs appliqué dans Nowegijick
et National Indian Brotherhood, le situs des pres-
tations se trouve à la résidence du payeur, soit
Ottawa. En conséquence, l'exemption prévue à
l'article 87 ne s'applique pas aux prestations.
La défenderesse fait également valoir que l'en-
droit où les prestations sont reçues n'est pas perti
nent à la détermination de leur situs et que, pour
savoir où un bien personnel se trouve, il n'est pas
nécessaire de se demander où les services ont été
rendus. D'après la jurisprudence, le fait que les
services ont été rendus sur une réserve ne suffit pas
à déterminer le situs.
La défenderesse ajoute qu'en vertu de l'alinéa
90(1)b) de la Loi sur les Indiens, les prestations
majorées que le demandeur a reçues pour le travail
qu'il a fait dans le cadre du projet créateur d'em-
plois ne sont pas présumées être «situées sur une
réserve», puisque ces prestations lui ont été versées
conformément aux dispositions de la Loi de 1971
sur l'assurance-chômage et non pas «en vertu
d'une entente conclue entre une bande et Sa
Majesté».
L'arrêt-clé concernant l'interprétation de l'arti-
cle 87 de la Loi sur les Indiens est l'affaire Nowe-
gijick (précitée). S'exprimant au nom de la Cour,
le juge Dickson, alors juge puîné de la Cour
suprême du Canada, en est venu à la conclusion
que l'article 87 prévoyait une exemption d'impôts
tant pour des particuliers que pour des biens. En
conséquence, il n'était pas important que l'impôt
sur le revenu d'emploi soit considéré comme un
impôt touchant un particulier plutôt qu'un impôt
touchant un bien. Dans l'affaire Nowegijick, le
contribuable était un Indien inscrit qui demeurait
sur une réserve. Il travaillait en dehors de la
réserve comme bûcheron pour une société dont le
siège social et les bureaux administratifs se trou-
vaient sur la réserve. Le salaire du contribuable lui
était versé au siège social situé sur la réserve. En
conséquence, le seul facteur indiquant la présence
du contribuable en dehors de la réserve était l'en-
droit où il avait effectivement travaillé.
Comme l'a souligné l'avocat du demandeur, le
litige dans l'affaire Nowegijick ne portait pas
directement sur la question du situs, puisque les
parties ont convenu que le revenu était situé sur la
réserve. Néanmoins, la Cour suprême du Canada a
formulé des commentaires sur la question du situs
et approuvé le critère appliqué par le juge en chef
adjoint Thurlow à cet égard dans l'affaire Nation
al Indian Brotherhood, aux pages 109 C.F.; 6491
DTC:
Un droit incorporel, comme le droit à un traitement, n'a
véritablement pas de situs. Mais lorsque, pour une fin détermi-
née, la loi a jugé nécessaire de lui en attribuer un, et en
l'absence de toute disposition contraire dans le contrat ou dans
tout autre document, les tribunaux ont établi que le situs d'une
simple dette contractuelle est la résidence du débiteur ou le lieu
où il se trouve. Voir Cheshire, Private International Law, 7'
édition, pages 420 et suivantes.
D'après le demandeur, ce critère a une application
restreinte et ce que le juge en chef adjoint Thurlow
a vraiment dit, c'est que, puisqu'un droit relatif à
un salaire n'a pas de situs, la loi attribuera le situs
à la résidence de l'employeur (débiteur) unique-
ment en dernier ressort, lorsqu'aucune preuve n'in-
dique que le situs devrait être attribué ailleurs. En
toute déférence, je ne suis pas d'accord avec cette
interprétation. L'utilisation de la résidence du
débiteur comme critère servant à déterminer le
situs de la dette était fondée, comme l'a dit le juge
en chef adjoint Thurlow, sur le fait que c'était là
l'endroit où la dette pouvait être perçue.
Le demandeur a également allégué que le test à
appliquer pour déterminer le situs du salaire,
d'après les arrêts Nowegijick et National Indian
Brotherhood, exige davantage que la détermina-
tion de la résidence du débiteur (employeur) et de
l'endroit où le salaire doit être versé. Selon le
demandeur, le critère de la résidence du débiteur
n'est déterminant que lorsqu'il n'y a aucune preuve
indiquant que le situs devrait se trouver ailleurs.
(Je dois admettre que j'ai tendance à accepter
davantage cette interprétation modifiée.) À l'appui
de cet argument, le demandeur a cité les remar-
ques que le juge en chef adjoint Thurlow a formu-
lées aux pages 109 C.F.; 6491 DTC: «en l'absence
de toute disposition contraire dans le contrat ou
dans tout autre document». En l'espèce, il existe
plusieurs facteurs pertinents qui, examinés ensem
ble, indiquent que le situs des prestations se trouve
à la réserve. D'après le demandeur, les éléments
suivants sont des facteurs pertinents: 1) les presta-
tions constituent une rémunération différée et
résultent directement de l'emploi que le deman-
deur a exercé sur la réserve pour un employeur
situé sur la réserve; 2) en tout temps pertinent, le
demandeur résidait sur la réserve et c'est là que
son salaire et ses prestations lui ont été versés. (Je
reviendrai plus loin sur ces facteurs.)
En outre, les faits dans les arrêts Nowegijick et
National Indian Brotherhood appuient la façon
dont le demandeur interprète le test du situs. Dans
National Indian Brotherhood, tous les facteurs
pertinents semblaient indiquer que le situs du
revenu se trouvait en dehors de la réserve. Dans
cette cause-là, les employés demeuraient en dehors
de la réserve, ils travaillaient en dehors de la
réserve et étaient payés en dehors de la réserve.
Toutefois, dans Nowegijick, la majorité des fac-
teurs pertinents semblaient indiquer que la réserve
était le situs du revenu. Dans cette affaire-là,
l'employé demeurait sur la réserve et était payé sur
la réserve, mais il travaillait en dehors de la
réserve. Son employeur se trouvait également sur
la réserve.
Il est également possible de soutenir que la
résidence de l'employeur n'est pas le seul facteur
dont il faut tenir compte pour déterminer le situs
du revenu. Dans l'affaire Nowegijick [aux
pages 34 R.C.S.; 5043 DTC], la Cour suprême du
Canada en est venue à la conclusion que le revenu
du contribuable se trouvait sur la réserve, parce
que «c'est là où la débitrice, Gull Bay Development
Corporation, avait sa résidence ou son lieu d'affai-
res et parce que c'est là que le salaire devait être
payé.» En conséquence, le lieu du paiement du
salaire est également un facteur dont on peut tenir
compte pour déterminer le situs. D'autre part, il y
a aussi l'approbation par la Cour du jugement
rendu par le juge en chef adjoint Thurlow dans
l'arrêt National Indian Brotherhood, où on a tenu
compte uniquement de la résidence de l'employeur
pour déterminer le situs. Cependant, comme je l'ai
déjà souligné, tous les facteurs semblaient indiquer
que le situs du revenu se trouvait en dehors de la
réserve; en conséquence, il fallait en venir à la
conclusion que le situs du revenu se trouvait en
dehors de la réserve.
J'ai tendance à partager l'avis du demandeur au
sujet du test du situs. Selon moi, son interprétation
va dans le même sens que ceux qui favorisent une
interprétation libérale et progressiste de la part des
tribunaux dans les litiges concernant les droits des
autochtones. À ce sujet, voici ce que le juge Dick-
son a dit dans l'affaire Nowegijick, aux pages 36
R.C.S.; 5044 DTC:
Selon un principe bien établi, pour être valide, toute exemp
tion d'impôts doit être clairement exprimée. Il me semble
toutefois que les traités et les lois visant les Indiens doivent
recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit
profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui,
suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une
exemption d'impôts, il faut, selon moi, préférer cette interpréta-
tion à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée
pour refuser l'exemption. Dans l'affaire Jones v. Meehan, 175
U.S. 1 (1899), on a conclu que les traités avec les Indiens
[TRADUCTION] «doivent ... être interprétés non pas selon le
sens strict de [leur] langage ... mais selon ce qui serait, pour
les Indiens, le sens naturel de ce langage».
(Voir également Metlakatla Ferry Service Ltd. v.
B.C. (Govt.) (1987), 12 B.C.L.R. (2d) 308 (C.A.),
à la page 312.)
La défenderesse a fait valoir énergiquement que
les prestations ne sont pas situées sur la réserve en
se fondant sur le test énoncé dans l'affaire Nation
al Indian Brotherhood et approuvé par la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Nowegijick. Le
test appliqué pour déterminer le situs d'un salaire
consiste à déterminer la résidence ou le lieu du
débiteur et l'endroit où le salaire doit être versé.
Dans la cause qui nous occupe, bien qu'il n'y ait
pas de dette contractuelle, il y a ce qu'on peut
appeler une dette «statutaire», le débiteur étant la
Commission, puisque cette dernière a la responsa-
bilité d'administrer la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage. En conséquence, la résidence du
débiteur se trouve soit à Ottawa, le siège social de
la Commission, ou à Vancouver, le bureau régional
où les chèques sont émis, mais non à la réserve.
À cet égard, l'avocat de la défenderese a cité la
décision de la Cour canadienne de l'impôt dans
Launière c. M.R.N., [1987] 1 C.N.L.R. 55. Dans
cette cause-là, la Cour devait également détermi-
ner si les prestations d'assurance-chômage que M.
Launière avait reçues étaient imposables. M. Lau-
nière est un Indien au sens de la Loi sur les
Indiens et travaillait sur la réserve. La Cour cana-
dienne de l'impôt a statué comme suit [à la page
55]:
Aucune ambiguïté entoure le fait que les prestations d'assu-
rance-chômage provenaient de la Commission dont le siège
social est à Ottawa et qui est sans équivoque le payeur des
prestations reçues par l'appelant. La cour ne peut, dans les
circonstances, avoir recours à une interprétation plus libérale et
doit appliquer les dispositions claires et précises de l'art. 87b)
de la Loi sur les Indiens.
En toute déférence, je ne crois pas que l'on puisse
appliquer intégralement la conclusion de la Cour
canadienne de l'impôt dans la présente cause. En
effet, la Cour n'était pas saisie des mêmes argu
ments. Essentiellement, ce que l'on a allégué
devant elle, c'est le fait que la nature des program
mes d'assurance-chômage est reliée à l'emploi et
au revenu de l'appelant, aux prestations d'assu-
rance-chômage qu'il a reçues et aux cotisations
d'assurance-chômage qu'il a versées. Il ressort de
cela que les prestations ainsi reliées à un contrat
d'emploi doivent, tout comme le salaire, être consi-
dérées comme un bien personnel exempt de taxa-
tion en vertu de l'alinéa 87b) de la Loi sur les
Indiens. Ce n'est pas le genre d'argument qui a été
invoqué devant moi. Le demandeur a simplement
dit que la classification des prestations (reliées à
un emploi) était l'un des facteurs dont il fallait
tenir compte, mais il ne s'agissait pas là d'un
facteur déterminant ni du seul argument à l'appui
de sa thèse. En outre, dans l'affaire Launière, il ne
s'agissait pas d'un cas où les prestations ont été
versées en vertu d'une entente ou d'un traité entre
la bande et Sa Majesté. Le demandeur a égale-
ment soutenu que la Cour canadienne, dans l'arrêt
Launière, a eu tort de ne pas tenir compte du fait
que le contribuable résidait en tout temps perti
nent sur la réserve et qu'il a reçu son salaire et ses
prestations sur la réserve.
L'avocat de la défenderesse a également cité la
cause de Mitchell v. Sandy Bay Indian Band,
[1983] 5 W.W.R. 117 (B.R. Man.). Dans cette
cause-là, la principale question que la Cour devait
examiner était l'effet de l'article 90 de la Loi sur
les Indiens; en conséquence, les commentaires
qu'elle a faits sur le test du situs étaient, tout au
plus, des remarques incidentes. Je ne suis donc pas
tenu de les appliquer.
La seule réserve que j'ai au sujet de la thèse du
demandeur est la façon dont il classifie les presta-
tions d'assurance-chômage. Le demandeur a souli-
gné que, en tout temps pertinent, il demeurait sur
la réserve, qu'il travaillait sur la réserve pour un
employeur situé sur la réserve (Greenwood Forest
Products Ltd. et la bande) et qu'il a été payé sur la
réserve. En outre, des prestations ont été versées
au demandeur sur la réserve au cours des pre-
mière, deuxième et troisième périodes en vertu de
l'emploi susmentionné. Je suis d'accord avec le
demandeur lorsqu'il dit que, pour être admissible à
recevoir des prestations, une personne doit avoir
accumulé un certain nombre de semaines d'emploi
assurables. Cependant, un contrat d'assurance-
chômage est différent d'un autre contrat d'assu-
rance. Le demandeur, en tant qu'employé, a versé
des cotisations au fonds d'assurance-chômage, tout
comme son employeur l'a fait, mais il ne s'ensuit
pour autant que les prestations d'assurance-chô-
mage constituent une rémunération différée décou-
lant de l'emploi antérieur du demandeur. Le
régime d'assurance-chômage est un programme
visant à assurer l'employé en cas de chômage
involontaire. Le régime est financé à même trois
sources: l'employé, l'employeur et les recettes
générales du gouvernement fédéral. Toutefois,
d'après les remarques que le juge Dickson a for-
mulées dans l'arrêt Nowegijick aux pages 34
R.S.C.; 5043 DTC et l'article de Don Purich
intitulé «Indians and Income Tax: A Case Com
ment on Nowegijick v. The Queen» (1983-84), 48
Sask. Law Rev. 122, j'estime qu'il faut tenir
compte de l'endroit où les prestations sont versées
au demandeur lorsqu'il s'agit de déterminer le
situs de celles-ci. En l'espèce, le demandeur a reçu
ses prestations à la réserve. Les prestations
devaient être payées au contribuable et ont été
versées directement à ce dernier. Cela ne signifie
pas nécessairement que tout genre de paiement fait
à la réserve serait exonéré d'impôts. Il s'agit là de
l'un des facteurs dont il faut tenir compte et il
n'est pas nécessairement déterminant.
Comme je l'ai déjà souligné, j'ai tendance à
adopter l'interprétation du test du situs que le
demandeur a proposée. Dans l'affaire Nowegijick,
le débat sur lequel la Cour suprême du Canada
devait statuer portait sur la classification d'un bien
comme bien personnel. Le situs du revenu n'était
pas en litige, puisque les parties s'étaient entendues
sur le situs, et la Cour a simplement formulé des
commentaires à ce sujet. En outre, cette interpré-
tation permettrait d'éviter une conséquence
absurde, dans la mesure où le revenu d'un contri-
buable (qui est un Indien inscrit) tiré de son
emploi sur la réserve serait exonéré d'impôts, alors
que les prestations d'assurance-chômage découlant
de cet emploi seraient imposables.
En outre, l'interprétation proposée par le
demandeur est compatible avec le but de la Loi sur
les Indiens, soit de ne pas exiger d'impôts des
Indiens à l'égard du revenu gagné sur une réserve.
Bien que cette déclaration d'intention soit fondée
sur un énoncé que l'on trouve dans le Bulletin
d'interprétation 62 en date du 18 août 1972 et
qu'il ne soit pas nécessaire de s'y conformer, il faut
en tenir compte et le considérer comme un facteur
en cas de doute sur le sens de la loi. (Remarques
du juge Dickson dans l'arrêt Nowegijick, aux
pages 37 R.C.S.; 5044 DTC, lorsqu'il a cité les
commentaires du juge de Grandpré.) De plus,
l'interprétation ne signifie pas nécessairement
qu'aucun Indien ne paiera d'impôts de quelque
nature que ce soit (le juge Dickson, aux pages 41
R.C.S.; 5046 DTC).
Les prestations majorées sont exonérées d'im-
pôts en vertu des alinéas 87b) et 90(1)b) de la Loi
sur les Indiens. Tout comme le demandeur, je suis
d'avis que l'alinéa 90(1)b) s'applique en l'espèce,
parce que les prestations majorées qu'il a reçues
lui ont été versées non seulement conformément
aux dispositions de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage, mais aussi conformément à une entente
conclue entre la bande et Sa Majesté.
L'article 38 de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage prévoit que les prestations peuvent être
versées à un prestataire embauché dans un projet
créateur d'emplois approuvé par la Commission.
Cet article n'établit pas en soi le projet créateur
d'emplois: la Loi présuppose en effet l'existence de
ces projets conformément à une entente. En consé-
quence, le projet qui a permis au demandeur d'être
admissible à recevoir des prestations découle d'une
entente. Comme il s'agit d'une entente conclue
entre une bande et Sa Majesté, j'en viens à la
conclusion que cette entente est visée par l'alinéa
90(1)b) de la Loi sur les Indiens et que, par
conséquent, les prestations sont exonérées d'im-
pôts.
Dans l'affaire Greyeyes c. R. (précitée), le juge
Mahoney a accepté un argument semblable. Dans
cette cause-là, il s'agissait de déterminer si le
montant d'une bourse, qui est habituellement
imposable en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, était exonéré d'impôts en
vertu de la Loi sur les Indiens. La Cour a décidé
que les sommes reçues par un Indien conformé-
ment à un programme du ministère des Affaires
indiennes et du Nord visant à aider le contribuable
en question à poursuivre ses études post-secondai-
res n'étaient pas imposables en vertu des articles
87 et 90(1)b) de la Loi sur les Indiens. Aux pages
388 C.F.; 6045 DTC, le juge Mahoney a souligné
que, de toute évidence, l'article 87 comportait trois
dispositions concernant les biens personnels d'un
Indien situés sur une réserve:
D'abord, «les biens suivants sont exemptés de taxation, savoir»:
la bourse. Deuxièmement, «nul Indien ... n'est assujetti à une
taxation concernant la propriété, l'occasion, la possession ou
l'usage» de la bourse. Troisièmement, «nul Indien ... [n'est]
autrement soumis à une taxation quant à» la bourse.
Il a conclu que la troisième disposition, soit celle
voulant qu'aucun Indien ne soit autrement assu-
jetti à la taxation à l'égard de la bourse, s'appli-
quait. Aux pages 389 et 390 C.F.; 6046 DTC, le
juge Mahoney a poursuivi son analyse en ces
termes:
La dernière disposition de l'article 87 est que la demande-
resse n'est pas «autrement soumise à une taxation quant à» la
bourse. L'inclusion du montant de la bourse (moins $500 à son
revenu imposable la soumet-elle à la taxation à l'égard de la
bourse? Je le crois.
L'impôt payable par la demanderesse aux termes de la Loi de
l'impôt sur le revenu est déterminé par l'application d'un taux
prévu à son revenu imposable. Plus son revenu est grand, plus
son impôt sur le revenu est élevé. Le montant par lequel la
bourse de la demanderesse excédait $500 a été ajouté à son
revenu imposable. Ainsi, son revenu imposable dépassait d'un
montant de $1,839.50 ce qu'il aurait autrement été d'ou, l'im-
pôt qu'on lui a établi était plus élevé qu'il ne l'aurait été sans
cette inclusion. Compte tenu de la coutume anglaise, il me
semble impossible de ne pas conclure qu'elle a par le fait même
été assujettie à la taxation relativement à la bourse.
Il a conclu en disant que «L'article 87 de la Loi sur
les Indiens, par son propre langage, l'emporte sur
toute intention contraire exprimée dans la Loi de
l'impôt sur le revenu.» J'adopte le raisonnement du
juge Mahoney à l'appui de la conclusion voulant
que les prestations supplémentaires soient exoné-
rées d'impôts en vertu des articles 87 et 90(1)b) de
la Loi sur les Indiens. En outre, il est évident qu'il
faut interpréter de façon libérale le mot accord
mentionné à l'alinéa 90(1)b) de la Loi sur les
Indiens et qu'en cas de doute, le litige devrait être
résolu en faveur de l'Indien (commentaires du juge
Morse dans l'arrêt Mitchell v. Sandy Bay Indian
Band, précité, à la page 127).
Compte tenu du raisonnement exposé ci-dessus,
j'accueillerais l'appel avec dépens en faveur du
demandeur.
Comme j'ai rendu jugement en faveur du
demandeur, je ne crois pas nécessaire de me pro-
noncer sur un argument subsidiaire concernant un
Décret de remise visant les Indiens, TR/85-144, en
date du 21 août 1985.
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