A-416-87
McDonald's Corporation et McDonald's Restau
rants of Canada Limited (appelantes)
c.
Registraire des marques de commerce et Gamble
Foods Ltd. (intimés)
RÉPERTORIÉ: MCDONALD'S CORP. C. CANADA (REGISTRAIRE
DES MARQUES DE COMMERCE) (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Stone,
J.C.A.—Toronto, 24 avril; Ottawa, 1e` mai 1989.
Marques de commerce — Pratique — Appel contre le rejet
de la requête en prohibition à l'égard de la modification d'une
demande de marque de commerce — Au cours de la procédure
d'opposition à l'enregistrement de la marque «Ronald's» des-
tiné à être employé en liaison avec des produits alimentaires, le
registraire a suivi le jugement Hardee's Food Systems, Inc. c.
Registraire des marques de commerce, [1983J I C.F. 591 (1 1 P
inst.), pour autoriser la demande de modification de la date de
premier emploi — Étant donné que la nouvelle date de premier
emploi était postérieure â la date de la demande d'enregistre-
ment, la modification n'avait pas pour effet de changer la date
du premier emploi d'une demande fondée sur l'emploi mais
modifiait la demande pour la faire reposer non plus sur un
emploi réel mais sur un emploi projeté — Le juge de première
instance a également suivi le jugement Hardee — Le jugement
Hardee est mal fondé — L'expression «changer une date de
premier emploi» â l'art. 37 du Règlement sur les marques de
commerce englobe l'abandon d'emploi antérieur â la demande,
ce qui a pour effet de changer la demande en une demande
d'enregistrement d'une marque de commerce projetée et de
modifier la date — Le Règlement ne doit pas être interprété
contrairement à son but d'interdire les modifications faites
après l'annonce afin d'aviser les citoyens dont les droits ris-
quent d'être lésés.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
52b)(î).
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap.
T-13, art. 16(1),(2),(3), 30, 37(1), 38(1), 39(1).
Règlement sur les marques de commerce, C.R.C., chap.
1559, art. 35, 36, 37.
JURISPRUDENCE
DÉCISION INFIRMÉE:
McDonald's Corp. et autre c. Registraire des marques de
commerce, 15 C.P.R. (3d) 462 (C.F. 1te inst.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
Hardee's Food Systems, Inc. c. Registraire des marques
de commerce, [1983] 1 C.F. 591; 70 C.P.R. (2d) 108 (1fe
inst.).
AVOCATS:
H. Roger Hart pour les appelantes.
Michael W. Duffy pour l'intimé, Registraire
des marques de commerce.
PROCUREURS:
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour les
appelantes.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé, Registraire des marques de com
merce
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: La Cour statue sur
l'appel interjeté d'une décision par laquelle la Sec
tion de première instance a rejeté (15 C.P.R. (3d)
462) la requête en certiorari et en prohibition
présentée par les appelantes à l'égard de la
demande de marque de commerce présentée par
l'intimée Gamble. Gamble n'a pas pris part à
l'instance qui s'est déroulée devant la Section de
première instance ni à celle qui s'est déroulée
devant nous.
Le 19 septembre 1977, Gamble a déposé une
demande d'enregistrement de la marque de com
merce «Ronald's» destinée à être employée en liai
son avec certains produits. La demande était
fondée sur l'emploi au Canada de cette marque
depuis le 24 février 1977. Après que la demande
eut été annoncée dans le Journal des marques de
commerce, les appelantes ont produit une déclara-
tion d'opposition au bureau du registraire et
Gamble a présenté une contre-déclaration. Au
cours de la procédure d'opposition, Gamble a
demandé la permission de modifier sa demande
pour invoquer l'emploi de la marque au Canada
depuis le 16 juin 1978. Le registraire a rejeté la
demande de modification en raison de l'alinéa 37b)
du Règlement sur les marques de commerce,
C.R.C., chap. 1559. La procédure d'opposition
s'est poursuivie jusqu'à ce que le registraire
informe Gamble, le 18 juillet 1986, qu'il avait
«peut-être fait erreur» en lui refusant la permission
de modifier sa demande, parce que la nouvelle date
de premier emploi était postérieure à la date de la
demande d'enregistrement et que la modification
demandée n'aurait donc pas eu pour effet de chan-
ger la date de premier emploi d'une demande
fondée sur l'emploi, mais plutôt de modifier le
fondement de la demande pour la faire reposer non
plus sur un emploi réel mais sur un emploi projeté.
Le registraire s'est estimé lié par le jugement
Hardee's Food Systems, Inc. c. Registraire des
marques de commerce, [1983] 1 C.F. 591; 70
C.P.R. (2d) 108, de la Section de première ins
tance. Il a autorisé la modification et a offert aux
appelantes la possibilité de poursuivre la procédure
d'opposition sur la demande modifiée. Les appe-
lantes ont sollicité un redressement devant la Sec
tion de première instance. Le juge de première
instance a suivi le jugement Hardee et a refusé
d'accorder ce redressement.
La véritable question en litige dans le présent
appel est de savoir si le jugement Hardee est bien
fondé. Les expressions «marque de commerce» et
«marque de commerce projetée» sont des expres
sions distinctes qui sont définies à l'article 2 de la
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985),
chap. T-13. La seule différence entre elles est que,
lorsque la demande d'enregistrement est présentée,
la marque de commerce est une marque qui est
déjè employée, tandis que la marque de commerce
projetée est une marque qu'on projette d'employer.
La procédure d'enregistrement est autorisée par le
paragraphe 16(1) dans le cas d'une marque de
commerce employée au Canada, par le paragraphe
16(2) dans le cas d'une marque de commerce
employée dans un autre pays, et par le paragraphe
16(3) dans le cas d'une marque de commerce
projetée. L'article 30 prévoit les conditions qui
s'appliquent aux demandes d'enregistrement. Le
paragraphe 37(1) prévoit que le registraire fait
annoncer la demande sauf si, pour une raison
particulière, il doit rejeter la demande d'enregis-
trement. Aux termes du paragraphe 39(1) du
Règlement, l'annonce doit être publiée dans le
Journal des marques de commerce. La Loi
dispose:
38. (1) Toute personne peut, dans le délai d'un mois à
compter de l'annonce de la demande, et sur paiement du droit
prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration
d'opposition.
39. (1) Lorsqu'une demande n'a pas été l'objet d'une opposi
tion et que le délai prévu pour la production d'une déclaration
d'opposition est expiré, ou lorsqu'une demande a fait l'objet
d'une opposition et que celle-ci a été définitivement décidée en
faveur du requérant, le registraire l'admet aussitôt.
Quant à la modification d'une demande d'enregis-
trement, le Règlement prévoit:
35. Sauf dans les cas prévus aux articles 36 et 37, une
demande peut être modifiée soit avant, soit après l'annonce.
36. La modification d'une demande d'enregistrement d'une
marque de commerce n'est jamais permise si elle a pour objet
a) de changer l'identité du requérant, sauf après reconnais
sance d'un transfert par le registraire;
b) de modifier la marque de commerce, sauf par certains
côtés qui n'en changent pas le caractère distinctif ni n'in-
fluent sur son identité;
c) de changer en quelque date antérieure la date de premier
emploi ou révélation, au Canada, de la marque de commerce,
sauf s'il est prouvé, à la satisfaction du registraire, que les
faits justifient le changement;
d) de changer une demande n'alléguant pas qu'on s'est servi
de la marque de commerce ou qu'on la révélée au Canada
avant la production de la demande, en une demande qui
contient l'une ou l'autre de ces allégations; ou
e) d'étendre l'état déclaratif des marchandises ou services.
37. La modification d'une demande d'enregistrement d'une
marque de commerce n'est pas permise après l'annonce, si elle
a pour objet
a) de changer la marque de commerce; ou
b) de changer une date de premier emploi ou révélation, au
Canada, de la marque de commerce.
Le juge de première instance a, dans le jugement
Hardee, interprété ce règlement, et a conclu qu'a-
près l'annonce, le registraire n'a pas le pouvoir
discrétionnaire de refuser une modification ayant
pour effet de convertir une demande d'enregistre-
ment d'une marque de commerce en une demande
d'enregistrement d'une marque de commerce
projetée.
Le jugement Hardee est à mon avis mal fondé.
Les articles 36 et 37 visent des situations différen-
tes. Le premier traite de modifications qui ne sont
jamais permises, et le second de modifications qui
sont permises avant l'annonce mais non après. Il
s'ensuit que lorsqu'on interprète l'article 37, la
répétition inutile que l'on croit lire aux alinéas
36c) et 36d) si l'on donne une certaine interpréta-
tion aux mots «changer ... la date de premier
emploi» ne devrait pas prescrire une interprétation
qui fasse échec à l'intention manifeste de l'alinéa
37b). Je n'estime pas nécessaire, suivant ma façon
d'aborder la chose, de faire des commentaires sur
la justesse de la perception qui a amené à conclure
qu'il existait une telle répétition. J'estime toutefois
que l'expression «changer . la date de premier
emploi» englobe effectivement, dans son sens ordi-
naire, l'abandon de tout emploi présumé antérieur
à la demande, ce qui a pour effet de changer la
demande en une demande d'enregistrement d'une
marque de commerce projetée, et de changer la
date de la demande d'enregistrement de la marque
de commerce.
L'interdiction formulée à l'article 37 en ce qui
concerne les modifications faites après l'annonce
doit être interprétée en tenant compte de l'objet de
l'annonce. Celle-ci a pour but d'aviser les simples
citoyens dont les droits risquent d'être lésés par
l'enregistrement. Ce ne sont pas ceux qui ont
entamé une procédure d'opposition, comme les
appelantes à l'instance, dont les droits risquent
d'être lésés par l'acceptation des modifications
qu'exige le jugement Hardee. Ces personnes sont
en cause et auront, comme en l'espèce, l'occasion
de contester la demande modifiée. Ce sont plutôt
ceux qui ont examiné la demande telle qu'elle a été
annoncée et qui ont conclu qu'ils n'avaient aucun
fondement leur permettant de la contester. Ils
auraient pu prendre une décision différente s'ils
avaient su sur quelle base véritable la demande a
été finalement tranchée. La législation n'autorise
qu'une seule annonce par demande.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel et, en vertu du
sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale
[L.R.C. (1985), chap. F-7], de rendre une ordon-
nance pour interdire au registraire de statuer sur
la demande sur le fondement d'une date de pre
mier emploi autre que celle qui a annoncée, et
pour l'obliger à juger la demande sur ce fonde-
ment. On n'a pas demandé de dépens en appel.
L'adjudication des dépens de la Section de pre-
mière instance devrait être annulée.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
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