A-753-88
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Edward Pearce (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) c. PEARCE
(CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, Mahoney et Desjar-
dins, J.C.A.—Ottawa, 16 mars et 3 avril 1989.
Fonction publique — Procédure de sélection — Principe du
mérite — L'employée désignée pour occuper temporairement
un poste a été titularisée à la suite d'un concours pour
pourvoir à la vacance — Le Comité d'appel de la Fonction
publique a accueilli l'appel interjeté contre la nomination
envisagée — Le Comité a conclu à bon droit que l'affectation
provisoire en cause, combinée au processus de sélection confé-
rant un avantage injuste, compromettait le principe de la
sélection au mérite — Bien que le Comité ait commis une
erreur de droit en statuant que l'affectation provisoire en cause
devait respecter le principe de la sélection au mérite, cela ne
justifiait pas l'annulation de la décision.
La demande vise l'annulation de la décision par laquelle le
Comité d'appel de la Fonction publique accueillait un appel
interjeté contre une nomination projetée. Une employée affec-
tée provisoirement à un poste avait été titularisée à la suite d'un
concours visant à pourvoir au poste de façon permanente. Il a
été interjeté appel contre la nomination projetée au motif qu'il
y avait eu présélection. Le Comité d'appel a conclu que le
principe de la sélection au mérite avait été compromis, parce
qu'il n'était pas clair qu'il avait été appliqué lors de l'affecta-
tion provisoire.
Arrêt (le juge Pratte, J.C.A., dissident): la demande devrait
être rejetée.
Le juge Mahoney (J.C.A.) (le juge Desjardins, J.C.A., y
souscrivant): Le Comité a conclu à bon droit qu'une affectation
provisoire, jointe à un processus de sélection qui a donné un
avantage injuste au bénéficiaire de l'affectation, pouvait nuire à
l'application du principe de la sélection au mérite. La conclu
sion que dans les circonstances de l'espèce il avait été porté
atteinte au principe de la sélection au mérite était une conclu
sion de fait qui s'offrait au Comité. Bien que le Comité ait
commis une erreur de droit en concluant que l'affectation en
cause devait respecter le principe de la sélection au mérite,
puisque l'affectation n'était pas une nomination au sens donné à
ce terme par l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, sa décision n'est pas susceptible d'annulation à la
suite d'une demande fondée sur l'article 28 si l'on se reporte au
second motif.
Le juge Pratte, J.C.A. (dissident): Le Comité a commis une
erreur en prenant en considération le fondement de l'affectation
provisoire dans le cadre d'un appel contre une nomination
permanente envisagée. Si l'affectation provisoire se trouvait
être une nomination, elle devait se faire au mérite, et comme il
n'y avait pas eu de concours, elle pouvait être contestée au
moyen d'un appel en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique. Un tel appel serait différent de tout
appel interjeté contre une affectation provisoire. Le Comité
établi pour statuer sur un appel interjeté contre une nomination
permanente n'est pas habilité à déterminer la validité de l'affec-
tation temporaire qui a précédé la nomination. Tout avantage
conféré par l'affectation provisoire n'était pas pertinent à la
détermination du Comité, qui devait décider si le concours en
cause avait violé le principe de la sélection au mérite. Si
l'affectation temporaire n'était pas une nomination, elle n'avait
pas à respecter le principe de la sélection au mérite, et il
importait peu que l'affectation ait ou non fait partie du proces-
sus de sélection.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap.
10, art. 28.
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32, art. 10, 21.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503.
AVOCATS:
Yvonne E. Milosevic et M. Turgeon pour le
requérant.
Andrew J. Raven pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A. (dissident): Cette
demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10] est
dirigée contre la décision par laquelle un comité
établi par la Commission de la Fonction publique
accueillait l'appel interjeté par l'intimé en vertu de
l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique [S.R.C. 1970, chap. P-32].
En 1987, le poste d'agent d'enquêtes et de conci
liation (PE-04) à la Direction générale des enquê-
tes à la Commission de la Fonction publique à
Vancouver (C.-B.) est devenu vacant. Peu après,
des mesures ont été prises pour pourvoir à ce poste
temporairement en attendant la tenue d'un con-
cours. À la fin juin, une certaine Mme Scholefield
s'est vue confier cette affectation temporaire.
Apparemment, la Commission n'a pas considéré
cette mesure comme étant une «nomination» au
sens de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique puisqu'aucune des exigences de la Loi
relatives aux nominations n'a été respectée. Par
exemple, aucun avis public n'a été donné et les
critères en vertu desquels Mme Scholefield a été
jugée compétente à recevoir l'affectation en cause
ne sont pas connus. Le Comité a déclaré dans sa
décision que Mme Scholefield avait «été choisie
pour remplir ces fonctions à titre d'employée en
"détachement" » et, selon le Comité, cela signifiait
que «Mme Scholefield devait remplir les fonctions
qu'elle était capable de remplir et recevoir de la
formation pour remplir les autres fonctions au fur
et à mesure qu'elle se familiarisait avec ce qui était
exigé d'elle'.»
Peu après l'affectation temporaire de Mme
Scholefield, avis a été donné qu'un concours aurait
lieu dans le but de pourvoir au poste en cause de
façon permanente. Les demandes devaient être
soumises au plus tard le 5 octobre 1987, et ceux
qui ont pris part au concours ont été jugés par un
jury de sélection principalement en fonction de
leurs réponses à une série de questions préétablies
qui leur étaient posées au cours d'entrevues parti-
culières. Parmi les 14 participants se trouvaient
l'intimé et Mme Scholefield, qui a en fin de
compte été choisie comme étant la candidate la
mieux qualifiée. L'intimé a interjeté appel contre
la nomination proposée de Mme Scholefield en
vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique. L'un de ses moyens d'appel est
exposé en ces termes dans son avis d'appel:
[TRADUCTION] Un élément de présélection s'est trouvé présent
car la candidate choisie, Mme Scholefield, avait été affectée à
ce poste plusieurs mois avant que ne soit institué le jury de
sélection ...
Le Comité d'appel a accueilli l'appel à l'égard
de ce moyen pour des motifs exprimés dans les
passages suivants de sa décision:
À mes yeux, le principe de la sélection au mérite de candidats
en vue de nominations, qui est la pierre angulaire du système de
' Pour bien comprendre certains passages de la décision du
Comité, il faut savoir qu'à peu près à la même époque, une
employée du ministère de la Santé et du Bien-être social avait
aussi été détachée auprès de la Direction des enquêtes pour lui
permettre d'acquérir la formation d'agent d'enquêtes et de
conciliation. Ce fait n'est pas ailleurs pertinent aux questions
qui doivent être tranchées en l'espèce.
promotion dans la fonction publique, est un principe fonctionnel
et non un principe qui s'applique en vase clos, indépendamment
du milieu de travail. Ce que je veux dire, c'est que ce principe
n'est pas quelque chose que l'on fait apparaître soudainement
lorsqu'un avis de concours est affiché et que l'on fait disparaître
bien loin lorsqu'une liste d'admissibilité est dressée. C'est un
principe qu'il faudrait reconnaître lorsque des mesures de dota-
tion sont prises pour faire face aux problèmes opérationnels.
Ces problèmes ne se règlent pas toujours à coups de nomina
tions pour des périodes indéterminées. Parfois, on les règle au
moyen de nominations intérimaires ou de nominations à des
postes de formation qui permettent à des personnes d'acquérir
des compétences qui ne sont pas vraiment exigées pour accom-
plir les tâches de leurs postes d'attache, mais qui sont exigées
pour un poste auquel elles peuvent aspirer. En pareils cas, on ne
peut tout simplement omettre de tenir compte du principe du
mérite. Ce principe a sa place dans la vaste sphère du perfec-
tionnement personnel à des fins d'avancement. Je ne dis pas que
ce principe équivaut à assurer à tous les employés exactement
les mêmes chances de perfectionnement et d'avancement. La
fortune et le hasard sont des réalités de la vie. Le principe du
mérite n'est donc pas toujours compromis par les avantages
qu'il y a à se trouver au bon endroit au bon moment. La
question de savoir si le principe du mérite a été appliqué dans
un cas donné doit manifestement être tranchée en fonction des
faits du cas lui-même.
Dans le cas présent, je suis d'avis que les occasions offertes
aux stagiaires, et à Mme Scholefield en particulier, vont au-
delà de la fortune et du hasard. Par conséquent, j'estime qu'on
peut conclure au fait que le principe de la sélection établie au
mérite a été compromis ...
Dans les circonstances, j'ai de la difficulté à déterminer
sérieusement quand le processus de sélection a véritablement
commencé et véritablement fini. L'avis de concours n'en a
certainement pas marqué le début. La recherche de candidats a
commencé lorsqu'on a constaté qu'il fallait répondre à certains
besoins opérationnels et lorsque s'est présentée l'occasion de
créer des postes de formation. La recherche s'est limitée à un
petit groupe d'employés connus. On n'a pas prouvé que les
sélections elles-mêmes avaient été faites en fonction du principe
du mérite. Les employées sélectionnées ont été invitées à rem-
plir les fonctions qu'elles étaient aptes à remplir et on leur a
donné la formation nécessaire pour remplir les autres fonctions.
Puis, on a préparé et distribué un avis de concours et invité
d'autres personnes à présenter leur candidature. Les candidats
ont dû répondre à une série de questions préétablies. Peut-être
n'était-il pas nécessaire de remplir les fonctions du poste pour
être capable de bien répondre à ces questions. Cependant, un
examen des questions m'amène à croire qu'une personne qui
aurait eu l'occasion de les remplir aurait été en mesure de
donner des réponses plus complètes qu'une autre ...
... Dans les circonstances, il est difficile de savoir dans quelle
mesure l'occasion qui a été offerte aux deux stagiaires a influé
sur la sélection de l'une d'elles en vue de la nomination. Si l'on
avait respecté le principe du mérite dans la sélection des
personnes à affecter aux postes de formation, je pourrais accep-
ter l'argument selon lequel la sélection en vue de la nomination
pourrait être considérée comme ayant été fondée sur le mérite
dans la mesure où la stagiaire la mieux qualifiée avait déve-
loppé ses compétences à son avantage. Cependant, comme il
n'est pas évident que le principe du mérite a été respecté au
départ lorsqu'on a cherché des personnes pour occuper les
postes, je ne peux déterminer si la personne choisie en vue de la
nomination parmi celles qui avaient répondu à l'avis de con-
cours était effectivement la mieux qualifiée ou si la formation
qu'elle avait reçue lui avait simplement permis de mieux répon-
dre à une série de questions se rapportant aux fonctions qu'on
lui avait donné l'occasion de remplir, sous la direction de
supérieurs. En d'autres termes, la validité des réponses fournies
à une série de questions préétablies comme moyen d'évaluer
véritablement les qualités des candidats est un point litigieux
dans la présente cause.
En résumé, j'estime que le principe qui consiste à sélection-
ner un candidat en vue d'une nomination en fonction du mérite
serait mal appliqué si l'on permettait que la nomination proje-
tée se fasse. Le respect du principe du mérite dans ce cas est
plus une illusion qu'une réalité, et je fais donc droit à l'appel
interjeté de la nomination projetée.
Selon mon interprétation de la décision, celle-ci
ne repose pas sur la conclusion que le concours
dont a résulté la nomination proposée de Mme
Scholefield était conçu non pas de façon à détermi-
ner la compétence des divers candidats à occuper
le poste à combler, mais plutôt de façon à établir
lequel des candidats avait le plus d'expérience
pratique à l'égard de ce poste. En effet, cela
ressort clairement des motifs du Comité puisqu'ils
laissent entendre que la décision aurait été diffé-
rente si Mme Scholefield avait acquis son expé-
rience pratique dans des circonstances qui n'au-
raient pas amené le Comité à croire qu'elle devait
cette expérience au favoritisme de l'employeur.
Si je comprends bien, la décision du Comité se
fonde sur trois propositions:
a) L'affectation temporairre de Mme Schole-
field devait respecter le principe de la sélection
au mérite parce que «ce principe a sa place dans
la vaste sphère du perfectionnement personnel à
des fins d'avancement»;
b) l'appel de l'intimé auprès du Comité était
dirigé contre le processus de sélection qui com-
prenait l'affectation temporaire de Mme Schole-
field, de sorte que le Comité était tenu de déter-
miner si cette affectation avait respecté le
principe de la sélection au mérite; et
c) le fait que l'affectation temporairre de Mme
Scholefield n'avait pas été faite selon le principe
de la sélection au mérite viciait le concours dont
a résulté sa nomination permanente envisagée,
puisque son affectation temporaire lui avait
accordé un avantage sur les autres candidats
ayant participé au concours.
À mon sens, ces propositions sont inexactes. Ce
que l'on appelle le «principe de la sélection au
mérite» est une allusion sommaire à la règle énon-
cée à l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique. On constate à la simple lecture
de cet article qu'il vise uniquement «les nomina
tions à des postes de la Fonction publique». Il ne
s'applique pas aux affectations temporairres qui ne
sont pas des nominations au sens de la Loi 2 . Si par
conséquent l'affectation temporaire de Mme Scho-
lefield n'était pas une «nomination», elle n'avait
pas à se fonder sur la sélection au mérite et, par
conséquent, il était sans importance que cette
affectation fasse ou non partie du processus de
sélection qu'avait à examiner le Comité d'appel.
Cependant, si l'affectation temporaire se trou-
vait être une nomination, il s'ensuit qu'elle devait
se faire selon le mérite et, comme il n'y avait pas
eu de concours, elle pouvait être contestée au
moyen d'un appel en vertu de l'article 21 de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique pourvu que
l'appelant soit une «personne dont les chances
d'avancement, de l'avis de la Commission, [ont
été] ainsi amoindries». Naturellement, un tel appel
contre une affectation temporaire serait différent
de tout appel interjeté contre une nomination per-
manente. Il n'y aurait de fait aucun rapport entre
les deux appels, sauf qu'une nomination perma-
nente valide enlèverait tout intérêt pratique à l'ap-
pel contre l'affectation temporaire. Par consé-
quent, le comité établi par la Commission pour
statuer sur un appel interjeté contre une nomina
tion permanente n'est pas habilité à déterminer la
validité de l'affectation temporaire qui a précédé la
nomination.
Finalement, le fait que l'affectation temporaire
de Mme Scholefield puisse lui avoir donné un
avantage sur les autres candidats n'était pas perti
nent à la détermination que devait faire le Comité.
Celui-ci devait décider si le concours ayant donné
lieu à la nomination envisagée de Mme Scholefield
2 Les affectations temporaires ne sont pas toutes des nomina
tions: voir l'arrêt Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503, à la
p. 511.
avait violé le principe de la sélection au mérite; il
ne lui était pas loisible de s'enquérir des circons-
tances dans lesquelles les divers candidats avaient
acquis leurs compétences respectives.
J'accueillerais la demande, j'annulerais la déci-
sion du Comité et je lui renverrais l'affaire pour
qu'il la décide en tenant pour acquis qu'il ne faut
pas tenir compte du fait que Mme Scholefield a
rempli temporairement, aux termes d'une affecta
tion ou d'un détachement, les fonctions d'agent
d'enquêtes et de conciliation (PE-04) auprès de la
Direction des enquêtes de la Commission de la
Fonction publique à Vancouver, quand il s'agit de
déterminer si la titularisation subséquente qu'on
envisageait de lui accorder violait le principe de la
sélection au mérite.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Cette demande
fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale vise l'annulation de la décision par
laquelle un Comité d'appel accueillait, en vertu de
l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, l'appel de l'intimé contre la décision de
nommer Wendy Scholefield agente d'enquêtes et
de conciliation à la Direction générale des enquê-
tes de la Commission de la Fonction publique au
bureau de Vancouver. Le titulaire du poste a
donné sa démission au début de 1987 et, le 5 mai,
le bureau a demandé un remplaçant. À la fin juin,
le bureau a constaté qu'il était nécessaire, sur le
plan opérationnel, que se fasse le travail afférent
au poste. Donc, à la fin juin ou au début du mois
de juillet, ce travail a été assigné à Mme Schole-
field, qui remplissait d'autres fonctions au bureau.
L'une des difficultés qui se sont présentées au
cours de la plaidoirie dans le cadre de cette
demande tient au fait que le Comité d'appel a
employé indifféremment les expressions «affecta-
tions», «détachement» et «nomination intérimaire».
Les avocats et la Cour ont été d'accord pour dire
que Mme Scholefield a rempli les fonctions du
poste en cause en vertu d'une affectation. Un avis
de concours a été publié, les demandes devant être
reçues au plus tard le 5 octobre. Mme Scholefield
a posé sa candidature et, le 26 octobre, elle était au
nombre des huit personnes dont le jury de sélection
avait retenu la candidature. Le jury de sélection
n'avait pas, à l'époque, apprécié les candidats
quant à leur discrétion et leur initiative, s'en
remettant à cet égard à la vérification postérieure
des références fournies. Il était cependant con-
vaincu que les quatre candidats les mieux classés
ne pouvaient être supplantés par les quatre candi-
dats les moins bien classés. Par conséquent, il a
ordonné seulement la vérification des références
des quatre candidats les mieux classés. Une fois
terminé ce contrôle, Mme Scholefield s'est trouvée
au sommet de la liste, et à la suite d'une «vérifica-
tion approfondie de la fiabilité», sa nomination a
été proposée. L'intimé a interjeté appel.
Cette demande vise entièrement à savoir si, dans
ces circonstances, le principe de la sélection au
mérite, imposée par l'article 10 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, a été dûment
observé au cours du processus ayant mené à la
sélection de Mme Scholefield en vue de sa nomina
tion au poste qu'on lui a confié.
10. Les nominations à des postes de la Fonction publique,
faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des
personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon une
sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commis
sion. La Commission les fait à la demande du sous-chef en
cause, à la suite d'un concours, ou selon telle autre méthode de
sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des
candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux
intérêts de la Fonction publique.
Le juge Pratte cite longuement la décision du
Comité d'appel, aussi est-il inutile que je répète ces
extraits. Je conçois quelque peu différemment le
fondement de la décision du Comité. À mon sens,
la conclusion du Comité d'appel se fonde sur deux
motifs distincts, à savoir: premièrement, le prin-
cipe de la sélection au mérite s'appliquait à l'affec-
tation de Mme Scholefield au poste en cause parce
que «ce principe a sa place dans la vaste sphère du
perfectionnement personnel à des fins d'avance-
ment», et, deuxièmement, l'avantage accordé à
Mme Scholefield dans le cadre du concours grâce
à son affectation et à la nature des questions que
lui a posées le jury de sélection a compromis le
principe de la sélection au mérite.
Je suis d'accord avec le juge Pratte pour dire
que le Comité d'appel a commis une erreur de
droit en statuant que l'affectation de Mme Schole-
field devait respecter le principe de la sélection au
mérite. L'affectation n'était pas une nomination au
sens donné à ce terme par l'article 10. Cependant,
je suis aussi d'avis que la décision, si l'on se reporte
au second motif, n'est pas susceptible d'annulation
à la suite d'une demande fondée sur l'article 28.
Dans l'arrêt Doré c. Canada, [ 1987] 2 R.C.S.
503, la page 511, le juge Le Dain, qui s'expri-
mait pour le compte de la Cour, a dit ce qui suit:
La dernière question soulevée dans le présent pourvoi est de
savoir si l'affectation temporaire de la mise en cause au poste
de surveillant à l'accueil et aux renseignements, en attendant la
classification du poste, était une nomination à ce poste au sens
de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. À
l'égard de cette question, je suis d'avis que, bien que l'adminis-
tration doive être en mesure d'affecter temporairement un
fonctionnaire à de nouvelles fonctions sans donner lieu à l'appli-
cation du principe du mérite et au droit d'appel, cet accommo-
dement ne devrait plus pouvoir être utilisé lorsque, comme en
l'espèce, on permet que la durée de l'affectation soit considéra-
ble et indéterminée au point que le titulaire du poste est
présumé détenir un net avantage dans tout processus de sélec-
tion subséquent. À mon avis, l'affectation de la mise en cause
au poste de surveillant à l'accueil et aux renseignements à plein
temps pendant environ neuf mois avait acquis ce caractère au
moment où l'appel de l'appelante a été entendu par le comité
d'appel en novembre 1984. Par conséquent, je suis d'avis qu'il y
a eu une nomination de la mise en cause à un poste au sens de
l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et
comme, de l'aveu même du Ministère, la nomination n'était pas
fondée sur la sélection établie au mérite, comme l'exige l'art. 10
de la Loi, le comité d'appel a eu raison de révoquer la
nomination.
À mon humble avis, cela n'appuie pas la proposi
tion, comme l'a affirmé le requérant, selon laquelle
la seule caractéristique d'une affectation qui puisse
être contraire à la sélection au mérite est son
prolongement de façon à se transformer en une
nomination. Il me semble que d'autres circons-
tances, jointes à une affectation, peuvent égale-
ment violer le principe de la sélection au mérite.
Ce principe exige que le candidat le plus apte à
occuper un emploi obtienne celui-ci, et cette per-
sonne n'est pas nécessairement celle qui est la
mieux renseignée sur l'emploi en question.
Le Comité d'appel n'a pas commis d'erreur de
droit quand il a conclu qu'une affectation, jointe à
un processus de sélection qui a donné un avantage
injuste au bénéficiaire de l'affectation, pouvait
nuire à l'application du principe de la sélection au
mérite. La conclusion que l'affectation en cause,
combinée avec les questions préétablies posées par
le jury de sélection, a eu cette conséquence en
l'espèce est une conclusion de fait qui ne peut être
considérée erronée au sens accordé à ce mot par
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Je rejetterais cette demande fondée sur
l'article 28.
DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.