T-173-89
Pater International Automotive Franchising
Incorporated (demanderesse)
c.
Mister Mechanic Inc. et René LeTendre (défen-
deurs)
RÉPERTORIÉ: PATER INTERNATIONAL AUTOMOTIVE FRANCHI
SING INC. c. MISTER MECHANIC INC. (I" INST.)
Section de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Toronto, 13 mars; Ottawa, 7 novembre
1989.
Marques de commerce — Pratique — Action en radiation
d'une marque de commerce et en vue de faire déclarer person-
nellement responsable un administrateur de la compagnie con-
trevenante — Requête en radiation de la déclaration — Même
si les critères utilisés pour établir la responsabilité personnelle
de l'administrateur sont vraiment stricts, l'absence d'alléga-
tions précises dans la déclaration ne justifiait pas la radiation
de l'action contre l'administrateur — Les conséquences décou-
lant du fait que la marque de la demanderesse n'a pas été
déposée constituent une question de droit qui serait mieux
traitée, au moment du procès — Il ne convient pas de décider
ici si la protection prévue par les dispositions relatives à la
certification s'étend à l'entrepreneur général par opposition à
l'association indépendante.
Dans l'action principale, la demanderesse sollicitait premiè-
rement la radiation de la marque de commerce «Mister Mecha
nic» et du dessin des défendeurs pour le motif qu'ils créaient de
la confusion avec sa marque de certification «Master Mecha
nic» et son dessin, et deuxièmement la reconnaissance de la
responsabilité personnelle du défendeur LeTendre. Il s'agissait
d'une requête fondée sur la Règle 419 en vue de la radiation de
certains passages de la déclaration ainsi que de la radiation de
toute l'action contre le défendeur LeTendre, l'un des adminis-
trateurs de la compagnie défenderesse.
Jugement: la requête est rejetée.
La norme à appliquer dans les requêtes de ce genre a été
exposée dans l'arrêt Operation Dismantle: est-il évident que
l'action n'a aucune chance de succès? Dans ces conditions,
l'action ne devrait pas être radiée contre LeTendre. Bien que,
pour conclure à la responsabilité personnelle de l'administra-
teur d'une compagnie, il faille prouver la poursuite délibérée
d'un comportement constituant de la contrefaçon et que la
déclaration ne contienne aucune allégation de ce genre, il est
loin d'être évident que le libellé de la déclaration ne permette
pas de conclure à la responsabilité de LeTendre. La Cour ne
radierait pas non plus de simples déclarations faites en trop
dans une contestation en vertu de la Règle 419(1)b) où l'on
aurait prouvé l'existence d'aucun préjudice.
Les défendeurs ont soutenu également que, vu que la marque
de la demanderesse n'était pas déposée, celle-ci ne pouvait pas
empêcher que ladite marque soit utilisée par des personnes non
autorisées conformément au paragraphe 23(3) et qu'une action
n'était pas possible non plus en vertu de l'alinéa 7b). II ne
convenait pas de trancher à l'occasion de la présente requête la
question de savoir si la protection prévue par les dispositions
relatives à la certification s'étendait à l'entrepreneur général
par opposition à l'association indépendante. Étant donné que les
allégations présentées ici relativement à l'alinéa 7b) et au
paragraphe 23(3) n'avaient pas été examinées dans l'affaire
invoquée par les défendeurs, il ne faudrait pas refuser à la
demanderesse qu'il soit répondu à ses questions.
La question de savoir si Master Mechanic pouvait être
valablement autorisée à utiliser une marque de certification non
déposée en conformité avec le paragraphe 23(2) ou si de telles
marques sont assujetties aux dispositions relatives à l'utilisation
autorisée de marques de commerce déposées était tout d'abord
une question de droit qui devait être tranchée au procès.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap.
T-13, art. 7b), 16(3)a), 18(1), 23(2),(3).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
408, 419(I )a),b),c),d).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres,
[1985] I R.C.S. 441; Mentmore Manufacturing Co., Ltd.
et autre c. National Merchandising Manufacturing Co.
Inc. et autre (1978), 89 D.L.R. (3d) 195; 40 C.P.R. (2d)
164 (C.A.F.); C. Evans & Sons Ltd. v. Spritebrand Ltd.,
[1985] F.S.R. 267 (C.A. Angl.); Belanger Inc. c. Keglo-
nada Investments Ltd. (1986), 1 F.T.R. 238; 8 C.P.R.
(3d) 557; 8 C.I.P.R. 123 (C.F. Ire inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Association des Assureurs-vie du Canada c. Association
provinciale des Assureurs-vie du Québec, [1989] I C.F.
570; (1988), 20 F.T.R. 274; 22 C.P.R. (3d) I; 33
C.C.L.I. 62 (Irc inst.); Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/
Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544; (1987), 38
D.L.R. (4th) 544; 80 N.R. 9; 14 C.P.R. (3d) 314; 13
C.I.P.R. 263 (C.A.); Wool (The) Bureau of Canada, Ltd.
c. Queenswear (Canada) Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 11
(C.F. Ire inst.).
DOCTRINE
Fox, Harold G. Canadian Law of Trade Marks and
Unfair Competition. 3° éd. Toronto: The Carswell
Company Limited, 1972.
AVOCATS:
Daniel Hitchcock pour la demanderesse.
Gunars Gaikis pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Riches, McKenzie & Herbert, Toronto, pour
la demanderesse.
Smart & Biggar, Toronto, pour les défen-
deurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: L'audition
de la présente requête en radiation de certains
passages de la déclaration et en radiation de toute
l'action contre le défendeur LeTendre a eu lieu à
Toronto (Ontario), le 13 mars 1989. La demande-
resse intente la présente action en vue de la radia
tion de la marque de commerce «Mister Mechanic»
et du dessin des défendeurs conformément aux
alinéas 7b) et 16(3)a) et du paragraphe 18(1) de
la Loi sur les marques de commerce, L.R.C.
(1985), chap. T-13. Au cours des plaidoiries, l'avo-
cat a retiré la contestation initiale du paragraphe
24 de la déclaration.
Les passages pertinents de la déclaration sont les
paragraphes 3, 5, 17, 18, 20 23 et 25 34:
[TRADUCTION] 3. Le défendeur René LeTendre («LeTendre»)
est un particulier qui réside en Ontario. Il possède, exploite et
dirige la défenderesse Mister Mechanic.
5. La défenderesse Mister Mechanic s'est opposée à l'enregis-
trement de la marque de certification MASTER MECHANIC et
du dessin de la demanderesse en déposant le 22 janvier 1988
une opposition fondée sur plusieurs motifs. D'après l'un d'entre
eux, la défenderesse allègue que la marque de certification de la
demanderesse n'est pas enregistrable conformément à l'alinéa
12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce qu'elle
crée de la confusion avec la marque de commerce MISTER
MECHANIC et le dessin de la défenderesse qui ont été inscrits
sous le numéro 334,518 sur le registre canadien des marques de
commerce le 20 novembre 1987. Une copie imprimée de l'enre-
gistrement 334,518 illustrant la marque de commerce MISTER
MECHANIC et le dessin de la défenderesse est annexée à la
présente déclaration sous la cote «A».
17. Depuis 1986, l'entreprise The Master Mechanic arbore
aussi souvent que possible la marque MASTER MECHANIC et le
dessin aux couleurs orange et bleu/pourpre.
18. Le numéro de téléphone de The Master Mechanic est le
629-1222 depuis 1985.
20. En raison des faits invoqués ci-dessus, la demanderesse
avait acquis avant 1987 au Canada, et tout particulièrement en
Ontario, et avait et a légalement le droit de tirer avantage de la
réputation et de l'achalandage attachés à la marque MASTER
MECHANIC et au dessin.
21. En raison des faits invoqués ci-dessus, la demanderesse a le
droit exclusif d'utiliser et de permettre à d'autres d'utiliser,
partout au Canada, la marque MASTER MECHANIC et le dessin.
22. À une certaine époque aux environs de janvier 1987, tout
en sachant que The Master Mechanic effectuait et offrait en
réclame la réparation et l'entretien des véhicules motorisés ou
non motorisés en liaison avec la marque MASTER MECHANIC et
le dessin, la défenderesse Mister Mechanic a commencé, au
3443 Wolfedale Road, à Mississauga (Ontario), à effectuer et à
offrir en réclame au grand public la réparation et l'entretien des
automobiles en liaison avec la marque de commerce MISTER
MECHANIC et a continué de le faire.
23. À une certaine époque à la fin de l'année 1988, tout en
sachant que The Master Mechanic effectuait et offrait en
réclame la réparation et l'entretien des véhicules motorisés ou
non motorisés en liaison avec la marque MASTER MECHANIC et
le dessin, la défenderesse Mister Mechanic a commencé, au
3443 Wolfedale Road, à Mississauga (Ontario), à effectuer et à
offrir en réclame au grand public la réparation et l'entretien des
automobiles en liaison avec la marque de commerce MISTER
MECHANIC et le dessin et a continué de le faire.
25. Le défendeur LeTendre, tout en sachant que The Master
Mechanic effectuait et offrait en réclame la réparation et
l'entretien des véhicules motorisés ou non motorisés en liaison
avec la marque MASTER MECHANIC et le dessin, a autorisé et
incité la défenderesse Mister Mechanic à effectuer et à offrir en
réclame au grand public ses services en liaison avec la marque
de commerce MISTER MECHANIC et avec la marque de com
merce MISTER MECHANIC et le dessin.
26. À une certaine époque aux environs de 1987, tout en
sachant que le numéro de téléphone de The Master Mechanic
était le 629-1222, la défenderesse Mister Mechanic a demandé
et obtenu précisément le numéro de téléphone 897-1222 et a
continué d'utiliser ce numéro de téléphone.
27. À une certaine époque en 1987, tout en sachant que The
Master Mechanic arborait la marque MASTER MECHANIC et le
dessin aux couleurs orange et bleu/pourpre, la défenderesse
Mister Mechanic a commencé à utiliser les couleurs orange et
bleu/pourpre en liaison avec sa marque de commerce MISTER
MECHANIC et son dessin et en liaison avec son entreprise et a
continué de le faire.
28. Tout en sachant que le numéro de téléphone de The Master
Mechanic était le 629-1222 et que celle-ci utilisait les couleurs
orange et bleu/pourpre en liaison avec son entreprise et en
liaison avec la marque MASTER MECHANIC et le dessin, le
défendeur LeTendre a autorisé et incité la défenderesse Mister
Mechanic à demander et à utiliser le numéro de téléphone
897-1222 et à adopter et à utiliser les couleurs orange et
bleu/pourpre en liaison avec son entreprise et la marque de
commerce MISTER MECHANIC et le dessin.
29. En raison des faits invoqués ci-dessus, la défenderesse
Mister Mechanic a appelé l'attention du public sur ses services
et son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement
causer de la confusion au Canada, lorsqu'elle a commencé à y
appeler l'attention et de manière continue depuis lors, entre ses
services et son entreprise et les services et l'entreprise de la
demanderesse et de la titulaire de permis The Master Mecha
nic, et la défenderesse Mister Mechanic savait à l'époque où
elle a posé ce geste que celui-ci causerait ou risquerait de causer
de la confusion.
30. En raison des faits invoqués ci-dessus, le défendeur LeTen-
dre a autorisé et incité la défenderesse Mister Mechanic à
appeler l'attention du public ainsi qu'il est mentionné ci-dessus.
31. En raison des faits invoqués ci-dessus, la défenderesse
Mister Mechanic a illicitement appelé l'attention du public sur
ses services et son entreprise en contravention de l'alinéa 7b) de
la Loi sur les marques de commerce.
32. En raison des faits invoqués ci-dessus, le défendeur LeTen-
dre a illicitement incité et autorisé la défenderesse Mister
Mechanic à appeler illicitement l'attention du public sur ses
services et son entreprise en contravention de l'alinéa 7b) de la
Loi sur les marques de commerce.
33. En raison des faits illicites commis par les défendeurs et
allégués ci-dessus, la demanderesse a subi et continuera de
subir des pertes et des dommages, notamment à sa réputation et
à son achalandage; et chacun des défendeurs a fait et conti-
nuera de faire des profits.
34. Chacun des défendeurs menace de continuer de poser les
actes illicites invoqués ci-dessus à moins que la Cour ne les en
empêche.
Les Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap.
663] invoquées par les défendeurs sont les Règles
408 et 419(1)a),b),c) et d):
Règle 408. (1) Chaque plaidoirie doit obligatoirement
contenir un exposé précis des faits essentiels sur les-
quels se fonde la partie qui plaide.
(2) Sans restreindre la portée générale de l'alinéa (I), l'effet
de tout document et l'incidence de tout entretien mentionnés
dans la plaidoirie doivent obligatoirement, dans la mesure où ils
sont essentiels, être brièvement énoncés, et les termes mêmes du
document ou de la conversation ne devraient pas être énoncés
sauf dans la mesure où ces termes sont eux-mêmes essentiels.
(3) Une partie n'a pas besoin de plaider un fait si ce dernier
est légalement présumé être vrai ou s'il incombe à l'autre partie
de prouver le contraire (par exemple la cause ou considération
pour une lettre de change), à moins que l'autre partie n'ait
expressément nié le fait dans sa plaidoirie.
(4) La déclaration qu'une chose a été faite ou qu'un événe-
ment s'est produit, lorsque ce fait constitue une condition
préalable sur laquelle doivent nécessairement se fonder les
conclusions d'une partie, doit être considérée comme implicite-
ment énoncée dans sa plaidoirie.
(5) Lorsqu'il est essentiel d'alléguer qu'une personne a été
avisée d'un fait ou d'autre chose, il suffit d'alléguer cet avis
comme un fait à moins que la forme ou le libellé de cet avis ne
soient essentiels.
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action
ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie
avec ou permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de
défense, selon le cas,
b) qu'elle n'est pas essentielle ou qu'elle est redondante,
c) qu'elle est scandaleuse, futile ou vexatoire,
d) qu'elle peut causer préjudice, gêner ou retarder l'instruc-
tion équitable de l'action,
Dans la décision rendue par la Cour suprême du
Canada dans l'affaire Operation Dismantle Inc. et
autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441,
Madame le juge Wilson a clairement indiqué, aux
pages 486 et 487, quelle était la norme dans les
requêtes de ce genre:
Le droit donc paraît clair. Les faits articulés doivent être
considérés comme démontrés. Alors, la question est de savoir
s'ils révèlent une cause raisonnable d'action, c.-à-d. une cause
d'action «qui a quelques chances de succès» (Drummond -Jack-
son v. British Medical Association, [1970] 1 All E.R. 1094) ou,
comme dit le juge Le Dain dans l'arrêt Dowson c. Gouverne-
ment du Canada (1981), 37 N.R. 127 (C.A.F.), à la p. 138,
est-il «évident et manifeste que l'action ne saurait aboutir»?
Il convient de juger d'abord l'action en ce qui
concerne le défendeur LeTendre. La contestation
porte sur la norme à appliquer pour conclure à la
responsabilité personnelle d'un administrateur ou
d'un dirigeant de compagnie en cas de contrefa-
çon. Comme l'avocat des défendeurs l'a si habile-
ment soutenu, l'arrêt Mentmore Manufacturing
Co., Ltd. et autre c. National Merchandising
Manufacturing Co. Inc. et autre (1978), 89
D.L.R. (3d) 195; 40 C.P.R. (2d) 164 (C.A.F.),
énonce la règle selon laquelle l'établissement de la
responsabilité personnelle d'un administrateur
exige qu'on prouve plus que le simple fait qu'il a
dirigé la compagnie ayant fait de la contrefaçon. Il
doit y avoir une question de poursuite délibérée
d'un comportement constituant de la contrefaçon.
Vu que la déclaration ne comporte pas d'allégation
de ce genre, elle devrait être radiée. Cependant, la
Cour d'appel a ajouté dans l'arrêt Mentmore, pré-
cité, à la page 205 D.L.R.:
De toute évidence, il est difficile de formuler précisément le
critère approprié. Il convient de pouvoir dans chaque cas appré-
cier toutes les circonstances pour déterminer si celles-ci entraî-
nent la responsabilité personnelle.
Cette souplesse a été approuvée par la Cour d'ap-
pel d'Angleterre dans l'arrêt C. Evans & Sons Ltd.
v. Spritebrand Ltd., [1985] F.S.R. 267, la page
280, où le lord juge Slade fait la remarque
suivante:
[TRADUCTION] Dans l'arrêt Mentmore, la Cour d'appel fédé-
rale du Canada s'est abstenue absolument de donner une
définition précise de la nature et de la portée de la participation
à un acte délictuel qui rendra l'administrateur qui l'a ordonné
ou autorisé personnellement responsable en tant qu'auteur con
joint du délit. Ainsi qu'on l'a fait remarqué avec justesse, c'est
une «question évasive», une «question de fait à trancher selon les
circonstances de chaque affaire».
Il est loin d'être évident que le libellé de la
déclaration ne permet pas de conclure à la respon-
sabilité personnelle de M. LeTendre. Je ne suis pas
convaincu que l'action intentée contre lui en sa
qualité personnelle devrait être radiée.
Quant à la contestation de la déclaration, les
défendeurs avancent quatre allégations, dont deux
peuvent être tranchées rapidement. Ils exposent
essentiellement que la chronologie de la procédure
d'opposition n'est pas pertinente, comme ne l'est
pas non plus l'insistance, tout au long de la plaidoi-
rie, sur l'utilisation des numéros de téléphone ou
des couleurs. Bien que la déclaration n'insiste pas
sur l'utilisation délibérée de numéros de téléphone
et de couleurs ressemblant le plus possible à ceux
de la demanderesse, elle n'allègue pas de façon
tout à fait adéquate un quelconque droit de pro-
priété de la demanderesse à leur égard. Compte
tenu du fait que le redressement demandé en
l'espèce relève de l'equity ou est de nature discré-
tionnaire, il faut permettre une grande latitude en
ce qui concerne les faits qui peuvent établir la
mauvaise foi d'un défendeur.
Dans l'affaire Belanger Inc. c. Keglonada
Investments Ltd. (1986), 1 F.T.R. 238; 8 C.P.R.
(3d) 557; 8 C.I.P.R. 123 (C.F. 1 r inst.), la Cour
fédérale a refusé de radier de simples déclarations
faites en trop dans une contestation de la Règle
419(1)b) où l'on n'avait prouvé l'existence d'aucun
préjudice, et j'estime que c'est la décision appro-
priée en l'espèce.
L'allégation en ce qui concerne les paragraphes
20 23, 29, 31 à 34 et 40b) à g) est la suivante: vu
que la marque de la demanderesse n'est pas enre-
gistrée, celle-ci ne peut pas empêcher que ladite
marque soit utilisée par des personnes non autori-
sées conformément au paragraphe 23(3), et une
action n'est pas possible non plus en vertu de
l'alinéa 7b). Cet alinéa et ce paragraphe sont
libellés ainsi:
7. Nul ne peut
b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses
services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisem-
blablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a
commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandi-
ses, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;
23....
(3) Le propriétaire d'une marque de certification déposée
peut empêcher qu'elle soit employée par des personnes non
autorisées ou en liaison avec des marchandises ou services à
l'égard desquels cette marque est déposée, mais auxquels l'auto-
risation ne s'étend pas.
À l'appui de ces allégations, les défendeurs invo-
quent une décision rendue par mon collègue le juge
Dubé: Association des Assureurs-vie du Canada
c. Association provinciale des Assureurs-vie du
Québec, [1989] 1 C.F. 570; (1988), 20 F.T.R. 274;
22 C.P.R. (3d) 1; 33 C.C.L.I. 62 (1" inst.). Dans
cette affaire, le raisonnement adopté est le suivant:
vu que la marque de certification ne vient pas de la
common law, elle ne peut pas bénéficier de la
protection inhérente à la common law qui existe
dans le cas des autres marques de commerce mais
est limitée à la protection offerte dans la Loi qui,
dans le cas du paragraphe 23(3), exige l'enregis-
trement. En ce qui concerne la contestation de
l'alinéa 7b), le juge Dubé conclut à la page 585
C.F.:
... à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire MacDonald et autre c. Vapor Canada Ltd. ([1977] 2
R.C.S. 134), il est maintenant établi que cette Cour n'a pas la
compétence de traiter de passing off ou de confusion en vertu
de ce seul alinéa, sans l'appui d'une législation appropriée. Or
la législation fédérale en la matière, à savoir la Loi sur les
marques de commerce, ne prévoit aucuns recours à une marque
de certification non enregistrée. Donc, une telle marque ne peut
bénéficier de la protection offerte par l'alinéa 7b) de la Loi.
Les défendeurs signalent également que, si la
Cour conclut que la demanderesse n'a pas de cause
d'action en vertu de l'alinéa 7b) et du paragraphe
23(3), ladite demanderesse devra intenter une pro-
cédure au moyen d'un avis de requête étant donné
qu'on ne peut pas, au moyen d'une déclaration,
demander uniquement un redressement pour
contrefaçon.
La demanderesse soutient que la décision Asso
ciation des Assureurs-vie a été rendue à tort et
elle fait remarquer qu'il a été interjeté appel de
cette décision (C.A.F. n° A-744-88). L'avocat cite
l'arrêt Asbjorn Horgard AIS c. Gibbs/Nortac
Industries Ltd., [ 1987] 3 C.F. 544; (1987), 38
D.L.R. (4th) 544; 80 N.R. 9; 14 C.P.R. (3d) 314;
13 C.I.P.R. 263 (C.A.) en ce qui concerne la règle
selon laquelle tant les marques déposées que les
marques non déposées sont protégées en vertu de
l'alinéa 7b). Il prétend que, vu que l'article 2 de la
Loi sur les marques de commerce définit l'expres-
sion «marque de commerce» de manière à com-
prendre la marque de certification, en conformité
avec le raisonnement suivi dans l'arrêt Asbjorn, les
marques de certification non déposées sont proté-
gées par l'alinéa 7b). Il défend son interprétation
en déclarant que l'alinéa 7b) prévoit une protection
de base pour tous les propriétaires de marques de
commerce déposées ou non, dont les marques de
certification, tandis que le paragraphe 23(3) offre
une protection plus étendue réservée seulement
aux propriétaires de marques de certification dépo-
sées. Selon la demanderesse, cette disposition légis-
lative ne s'appliquera pas seulement aux marchan-
dises et aux services qui portent la marque et sont
vraiment utilisés par les titulaires d'un permis,
mais également aux marchandises et aux services
qui ne sont pas utilisés actuellement par les titulai-
res de permis, mais qui sont visés par l'enregistre-
ment et sont utilisés par des tiers. La demande-
resse trouve un appui en faveur de son
interprétation dans les derniers mots du paragra-
phe 23(3): «marchandises ou services à l'égard
desquels cette marque est déposée, mais auxquels
l'autorisation ne s'étend pas».
Dans l'affaire Wool (The) Bureau of Canada,
Ltd. c. Queenswear (Canada) Ltd. (1980), 47
C.P.R. (2d) 11 (C.F. 1 r° inst.), le juge Cattanach
expose, à la page 15, de quelle manière les mar-
ques de certification ont toujours été utilisées:
Elle est définie à l'article 2 de la Loi. Il s'agit essentiellement
d'une marque employée par des personnes ou associations qui
examinent des biens et services et attestent qu'ils sont d'une
norme définie quant à la qualité, qu'ils sont produits dans des
conditions de travail définies, par une catégorie de personnes
définie ou dans une région déterminée. Ce qui équivaut à
l'apposition d'un sceau d'approbation, favorisant naturellement
la vente d'un produit ainsi identifié, suivant la réputation de la
marque de certification.
La marque de certification a pour objet de distinguer les
marchandises qui la portent de celles qui ne sont pas d'une
norme définie en ce qui concerne les éléments mentionnés dans
la définition de l'article 2.
En vertu de l'article 23, une marque de certification ne peut
être adoptée et déposée que par une personne ou association qui
ne se livre pas au commerce de marchandises auxquelles la
marque est associée. Par conséquent, le propriétaire inscrit
d'une marque de certification ne peut en être l'usager au sens
que l'on donne ordinairement à ce terme. Le propriétaire inscrit
peut autoriser d'autres personnes à employer la marque à
condition d'être convaincu que la personne autorisée fasse le
commerce de marchandises qui se conforment aux normes
définies.
La victoire de la demanderesse en l'espèce
dépend d'une interprétation plus large que celle
qui est formulée ci-dessus. Mais certes, il ne con-
viendrait pas que j'essaie de trancher à l'occasion
de la présente requête la question de savoir si la
protection prévue par les dispositions relatives à la
certification s'étend à l'entrepreneur général par
opposition à une association indépendante. De
toute façon, compte tenu du fait qu'il a été inter-
jeté appel de la décision Association des Assu-
reurs-vie et que les allégations présentées ici par
l'avocat de la demanderesse relativement à l'alinéa
7b) et au paragraphe 23(3) ne l'avaient pas été
devant le juge Dubé, il me répugne de refuser à la
demanderesse qu'il soit répondu à ses questions.
Enfin, quant aux paragraphes 17, 18, 26 et 27
de la déclaration, les défendeurs soutiennent que le
paragraphe 23(2) de la Loi sur les marques de
commerce ne peut pas conférer à la demanderesse
le pouvoir d'autoriser valablement d'autres person-
nes à utiliser la marque en l'absence d'enregistre-
ment. Mais de la même façon, la question de
savoir si Master Mechanic pouvait être valable-
ment autorisée à utiliser une marque de certifica
tion non déposée en conformité avec le paragraphe
23(2) ou si de telles marques sont assujetties aux
dispositions relatives à l'utilisation autorisée de
marques de commerce déposées est tout d'abord
une question de droit qui devrait être tranchée en
se fondant sur des faits appropriés au cours de'
l'audition plus générale d'une instance. La remar-
que suivante qui figure aux pages 277 et 278 de
l'ouvrage de Harold G. Fox intitulé Canadian Law
of Trade Marks and Unfair Competition indique
bien que l'autorisation d'utiliser une marque de
certification est traitée différemment de l'autorisa-
tion d'utiliser une marque de commerce:
[TRADUCTION] Les articles 19 et 20 de la Loi sur les marques
de commerce soulignent le fait qu'une marque de commerce
vise à indiquer que les marchandises ou les services proviennent
d'une source, et d'une source seulement, et la Loi contient des
dispositions pour les cas exceptionnels, tels que ceux qui se
posent en vertu d'une utilisation autorisée et ceux du même
genre, ou dans les cas de certification, lorsqu'une marque est de
fait utilisée par un certain nombre de vendeurs.
En outre, dans la décision Wool (The) Bureau of
Canada Ltd. c. Queenswear (Canada) Ltd, préci-
tée, le juge Cattanach interprète le paragraphe
23(2) comme ne se limitant pas à la situation
décrite par la défenderesse. À la page 15, il déclare
que «en vertu du paragraphe 23(2), l'emploi de la
marque de certification par une personne autorisée
est réputé un emploi par le propriétaire» et n'en-
traîne aucune restriction quant à la portée ou au
but de cet emploi.
Pour ces motifs, la requête en radiation de la
totalité ou de certains passages de la déclaration
doit être rejetée. Les dépens suivront l'issue de la
cause.
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