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T-4853-77
W.H. Brady Co. (demanderesse)
c.
Letraset Canada Limited (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: W.H. BRADY CO. c. LETRASET CANADA LTD. a" INST.)
Section de première instance, protonotaire Pres- ton—Toronto, 6 et 7 juin et 1°r août 1989.
Pratique Frais et dépens Taxation Jugement relatif à une action en contrefaçon de brevet adjugeant les dépens à la défenderesse Les dépens du litige ont, en fait, été payés par Letraset R.-U. La demanderese soulève une exception préliminaire relative à la taxation en faisant valoir que la défenderesse n'a engagé aucun frais Elle soutient que les procureurs de la défenderesse ont reçu des instructions de Letraset R.-U. et qu'en aucun temps ils n'ont touché une provision de Letraset Canada Cette dernière a remboursé Letraset R.-U. pour permettre à la société canadienne de percevoir les dépens Objection rejetée Certificat établi au montant de 64 051,94 $ avec intérêts En l'absence d'une preuve contraire, lorsqu'un procureur représente une société qui en a connaissance, celle-ci est responsable des dépens envers le procureur en question.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 344(7), tarif A, art. 3(2).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Simpson v. Local Board of Health of Belleville (1917-18), 41 O.L.R. 320 (H.C.).
DOCTRINE
Orkin Markin M. The Law of Costs éd. Aurora, Ontario: Canada Law Book Inc., 1987.
AVOCATS:
A. David Morrow pour la demanderesse. Neil R. Belmore pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour la demande- resse.
Gowling & Henderson, Toronto, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de la taxation rendus par
LE PROTONOTAIRE PRESTON: La taxation des dépens entre parties de la défenderesse a eu lieu devant moi à Toronto les 6 et 7 juin 1989. L'avocat de la demanderesse a soulevé une objection préli- minaire relative à la procédure de taxation. L'ar- gument portait principalement sur le fait que dans le jugement rendu, Letraset Canada Limited avait droit à ses dépens, mais en réalité celle-ci n'avait subi aucun frais puisque Letraset R.-U. avait payé tous les frais afférents au litige. Après avoir entendu l'argument portant sur le point prélimi- naire, j'ai ordonné que la taxation suive son cours et que si un appel formé à l'encontre de ma décision était prononcé, je motiverais alors ma décision.
On a donc procédé à la taxation du mémoire de frais de la défenderesse.
Lorsque le mémoire de frais joint à l'affidavit de M. R. Scott Jolliffe a été présenté à l'origine, il a été procédé à un contre-interrogatoire. A la suite de celui-ci, M. Jolliffe a déposé un autre affidavit contenant un mémoire de frais révisé qui compre- nait les honoraires et les débours totalisant la somme de 122 624.81 $. C'est ce mémoire qui constitue le fondement de la taxation. Au cours des discussions portant sur la taxation qui ont duré une journée et demie, plusieurs éléments du tarif ont fait l'objet, soit d'un consentement de la part de l'avocat de la demanderesse, soit d'un retrait de la part de l'avocat de la défenderesse. Les autres éléments qui restaient, je les ai soit accordés, soit rejetés ou réduits du montant figurant sur le ' mémoire de frais.
J'ai remis le prononcé de ma décision et une téléconférence a été prévue pour le 20 juin 1989. À ce moment, j'ai informé les avocats qu'un certificat de taxation au montant de 64 051.94 $, augmenté d'un intérêt annuel de 5 pour cent à compter de la date du jugement dans la présente cause [(1985), 7 C.P.R. (3d) 82; 7 C.I.P.R. 1 (C.F. i re inst.)], soit le 20 novembre 1985, jusqu'à la date du paiement des frais taxés, serait délivré si aucun appel n'était interjeté.
L'avocat de la demanderesse m'a informé qu'il avait reçu instructions d'interjeter appel de ma décision sur l'objection préliminaire, toutefois, il
ne contestait pas le montant taxé en définitive. L'avocat de la défenderesse a indiqué également qu'il n'interjetterait pas appel du montant taxé et, à son avis, mes motifs pouvaient porter unique- ment sur les arguments juridiques invoqués lors de l'objection préliminaire.
L'avocat de la demanderesse, M. Morrow, a dit que, pour autant qu'il le sache, au cours du litige aucun honoraire ou débours n'a été versé par la défenderesse, Letraset Canada Limited, mais qu'en revanche, tous les comptes ont été envoyés à Letraset R.-U. et payés par celle-ci. Ce fait, d'après lui, empêche Letraset Canada Limited de recouvrer maintenant les frais. Il a ajouté que suivant l'arrêt Simpson v. Local Board of Health of Belleville (1917-18), 41 O.L.R. 320 (H.C.), les dépens ne peuvent être recouvrés que si la partie était tenue de les payer à son procureur. Une partie ne saurait par un versement volontaire créer une obligation qui, par ailleurs, n'existait pas.
Dans l'affaire Simpson, le juge Middleton a déclaré ce qui suit à la page 321:
[TRADUCTION] Il existe un principe fondamental qui a été reconnu dans de nombreuses causes devant nos tribunaux, principe selon lequel les frais constituent une indemnité et seulement une indemnité et ils ne sauraient devenir une source de profit pour la partie en cause; en outre, une partie ne peut non plus au moyen d'un paiement volontaire qu'elle peut faire, alourdir le fardeau qui incombe à son adversaire qui a reçu l'ordre de payer les dépens.
Voici les propos du juge en chef Draper dans l'affaire Jarvis v. Great Western R.W. Co. (1859), 8 U.C.C.P. 280, page 285: «Si le client n'est pas tenu de payer les dépens à son avocat, il ne peut obtenir un jugement lui permettant de les recouvrer contre la partie adverse.,
Dans cette cause, l'action a été rejetée avec dépens. La défense était essentiellement celle de la société, les défendeurs étant en fait des fonction- naires représentant les contribuables de la ville.
L'avocat de la demanderesse a également déclaré que les procureurs de la défenderesse, soit Gowling & Henderson, avaient reçu des instruc tions de la part de M. Gallafent et Letraset R.-U., et qu'en aucun temps ils avaient touché une provi sion de Letraset Canada Limited. La preuve démontre aussi que Letraset Canada Limited a remboursé Letraset R.-U. pour permettre à la société canadienne de percevoir les dépens et, l'avocat de la demanderesse prétend que cela va à l'encontre de principe fondamental énoncé par le
juge Middleton dans l'affaire précitée, Simpson v. Local Board of Health.
L'avocat de la défenderesse, M. Belmore, a fait valoir que l'affidavit de M. McClenahan, a été déposé en vue d'être utilisé à titre d'état de verse- ment pour se conformer aux exigences du paragra- phe 3(2) du tarif A [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663]. Il a déclaré également que Letraset Canada Limited était tenue de payer, à la fois, les honoraires d'avocats et autres débours même si elle ne l'avait pas fait. Avant le déroule- ment du procès, la demanderesse a interrogé au préalable le président de Letraset Canada Limited, et il s'ensuit qu'on ne saurait dire que la société canadienne en question n'a eu aucune participation au présent litige.
M. Belmore a également cité l'ouvrage d'Orkin portant sur les dépens [The Law of Costs], dont l'article 209.14 de la deuxième édition dit ce qui suit:
[TRADUCTION] L'obligation de prouver qu'une partie n'est pas responsable des frais envers son propre procureur incombe à celui qui soulève cette prétention. En l'absence de preuve établissant l'existence d'une entente explicite selon laquelle une partie ne sera pas tenue des frais de son procureur, celle-ci en sera responsable, sauf s'il est établi au moyen d'une preuve affirmative qu'elle n'a pas, de fait, retenu les services d'un avocat, soit personnellement, soit par l'entremise d'un manda- taire ou de toute autre façon.
À mon avis, lorsqu'il est établi que des procu- reurs représentent une société qui en a connais- sance, celle-ci est responsable des dépens envers les procureurs en question. La demanderesse en l'es- pèce a poursuivi Letraset Canada Limited à titre de défenderesse unique au litige. Il a été démontré que les comptes des avocats de la défenderesse et des témoins qu'elle a cités ont tous été acquittés. Le jugement de première instance accordait les dépens à la défenderesse.
Je tiens à souligner que dans la requête au sujet des dépens, présentée par la demanderesse en vertu de la Règle 344(7) et qui devait être présentée au juge de première instance le 6 décembre 1985, oz n'a nullement mentionné la question litigieuse sou- levée lors de l'objection préliminaire en cause.
À mon avis, la présente affaire, qui met en cause des sociétés privées, peut se distinguer de l'affaire Simpson v. Local Board of Health of Belleville citée par l'avocat de la demanderesse.
Dans cette cause, un comité local de la santé a été désigné comme défendeur. Le conseil de ville a assumé la défense qui a été confiée à l'avocat de la société. Dans l'affaire dont je suis saisi, il se peut que Letraset R.-U. soit la société mère de Letraset Canada Limited, mais cela n'a pas été mentionné. Le jugement prononcé lors du procès a adjugé les dépens à la défenderesse.
Je dois également taxer les frais de la défende- resse conformément à l'ordonnance du juge du procès rendue le 11 décembre 1985. C'est ce que j'ai fait.
Par suite de l'argumentation sur la question préalable, ma décision en date du 6 juin 1989 de rejeter l'objection préliminaire et de procéder à la taxation se trouve maintenant étayée par les pré- sents motifs.
Les dépens de la défenderesse sont par consé- quent taxés ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, au montant de 64 051,94 $ avec intérêt annuel de 5 pour cent. Un certificat établi conformément à cette somme sera délivré.
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