T-80-89
Fédération canadienne de la faune Inc., Gordon
Geske et Joseph Dolecki (requérants)
c.
Ministre de l'Environnement et Saskatchewan
Water Corporation (intimés) *
Section de première instance, juge Cullen—
Regina, 30 mars; Ottawa, 10 avril 1989.
RÉPERTORIÉ: FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA FAUNE INC. C.
CANADA (MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT) (l's INST.)
Environnement — Le ministre de l'Environnement a, en
vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des
cours d'eau internationaux, accordé un permis à une société
d'État provinciale pour construire des barrages sur la rivière
Souris — Obligation du ministre de se conformer au Décret
sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et
d'examen en matière d'environnement avant d'accorder le
permis — Le projet constitue une «proposition qui peut avoir
des répercussions environnementales sur des questions de com-
pétence fédérale» au sens de l'art. 6 du Décret sur les lignes
directrices —11 n'y a pas eu chevauchement d'examen puisque
l'énoncé provincial des incidences environnementales n'a pas
abordé certaines préoccupations fédérales — La demande de
certiorari et de mandamus est accueillie.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Le ministre
de l'Environnement est tenu de se conformer au Décret sur les
lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen
en matière d'environnement avant de délivrer un permis sous le
régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des
cours d'eau internationaux — Les lignes directrices constituent
un texte ou un règlement au sens de la Loi d'interprétation —
L'omission de se conformer à une condition législative préala-
ble équivaut à un excès de pouvoir — Non-exécution de
l'obligation de préparer une évaluation et un examen — Il est
accordé les brefs de certiorari et de mandamus demandés.
La Saskatchewan Water Corporation, une société d'État
provinciale, a obtenu un permis en vue de la construction des
barrages Rafferty et Alameda sur le bassin de la rivière Souris
(le projet). Le ministre de l'Environnement s'est fondé sur la
Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux pour délivrer ce permis. La rivière Souris, qui
prend sa source en Saskatchewan, traverse une partie du
* Note de l'arrêtiste: Cette décision a été confirmée en appel.
Les motifs de jugement de la Cour d'appel fédérale (A-228-89),
prononcés le 22 juin 1989, seront résumés en vue de leur
publication sous forme de fiche analytique. L'emploi répété du
mot «shall» (doit) dans le Décret sur les lignes directrices
visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'envi-
ronnement dénote une intention claire, savoir que les lignes
directrices lient tous ceux qu'elles visent, dont le ministre de
l'Environnement. La Cour d'appel a également décidé que le
texte de l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Environne-
ment étaye l'idée d'un pouvoir de prendre des règlements qui
lient.
Dakota du Nord (É.-U.) avant de remonter vers le nord,
jusqu'au Manitoba, est considérée comme un cours d'eau inter
national et le projet, comme un ouvrage destiné à l'amélioration
d'un cours d'eau international au sens de cette Loi et de son
Règlement d'application.
La requérante soutient que le ministre, avant d'accorder le
permis, aurait dû procéder, sous le régime du Décret sur les
lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen
en matière d'environnement, à une évaluation et à un examen
afin de déterminer si le projet de la rivière Souris comportait
des conséquences environnementales néfastes. Il est allégué que,
en ne procédant pas à une telle évaluation, le ministre ne s'est
pas conformé à une condition législative préalable et qu'il a, par
conséquent, outrepassé son pouvoir. Le ministre fait valoir que
le Décret sur les lignes directrices s'applique aux projets qui
sont entrepris par des organismes fédéraux ou qui ont des
répercussions environnementales sur un territoire relevant du
fédéral. ll est allégué en outre que procéder à un examen, en
matière d'environnement, d'un projet qui a déjà été soumis à un
examen provincial des incidences environnementales constitue-
rait un double emploi injustifié.
Il s'agit d'une demande de certiorari qui annulerait le
permis, et de mandamus qui enjoindrait au ministre de se
conformer au Décret sur les lignes directrices.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
Le ministre de l'Environnement est tenu de se conformer aux
dispositions du Décret sur les lignes directrices visant le proce-
sus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement avant
de déliver un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages
destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. L'ar-
ticle 6 du Décret sur les lignes directrices prévoit expressément
que les lignes directrices s'appliquent aux «propositions pouvant
avoir des répercussions environnementales sur une question de
compétence fédérale». Par «proposition», on entend toute entre-
prise ou activité à l'égard de laquelle le gouvernement du
Canada participe à la prise de décisions. Délivrer un permis
sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'améliora-
tion des cours d'eau internationaux pour le projet de la rivière
Souris constitue une «participation à la prise de décisions».
À l'évidence, le projet a des répercussions environnementales
sur les terrains qui appartiennent au gouvernement fédéral, ou
que, à tout le moins, celui-ci administre ou détient en fiducie.
Le projet aura également des répercussions environnementales
sur plusieurs questions de compétence fédérale, à savoir, les
relations internationales, l'écoulement transfrontalier des eaux,
les oiseaux migrateurs, les affaires interprovinciales et les
pêches.
L'application du Décret sur les lignes directrices ne donnera
pas lieu à une situation de double emploi injustifié. Puisque
plusieurs préoccupations fédérales (dont l'examen des inciden
ces du projet au Dakota du Nord et au Manitoba) n'ont pas été
abordées dans l'énoncé provincial des incidences environnemen-
tales, une évaluation faite conformément au Décret sur les
lignes directrices va permettre d'obtenir les renseignements
nécessaires qui manquent.
Le ministre de l'Environnement tient de l'article 6 de la Loi
sur le ministère de l'Environnement le pouvoir d'établir des
directives à l'usage des ministères et organismes fédéraux. Le
Décret sur les lignes directrices n'est donc pas un simple énoncé
de politique ou de programme. Il est un texte ou un règlement
au sens de l'article 2 de la Loi d'interprétation et, en tant que
tel, il peut créer des droits qu'on peut faire respecter par voie de
mandamus.
En n'appliquant pas les dispositions du Décret sur les lignes
directrices, le ministre ne s'est pas conformé à une condition
législative préalable, outrepassant ainsi son pouvoir. Qui plus
est, le ministre, en tant que participant à une proposition qui
peut avoir des répercussions environnementales néfastes, avait
l'obligation de préparer une évaluation et un examen. L'excès
de pouvoir et la non-exécution de cette obligation font que les
requérants ont droit aux brefs de certiorari et de mandamus
demandés.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Convention concernant les oiseaux migrateurs, annexe de
la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migra-
teurs, L.R.C. (1985), chap. M-7.
Décret sur les lignes directrices visant le processus
d'évaluation et d'examen en matière d'environnement,
DORS/84-467, art. 2, 3, 4, 5, 6, 10, 12, 20.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. l-21, art. 2.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 18.
Loi sur le ministère de l'Environnement, L.R.C. (1985),
chap. E-10, art. 5, 6.
Loi sur les ouvrages destinés â l'amélioration des cours
d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. 1-20, art. 2,
3, 4.
Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internatio-
naux, C.R.C., chap. 982, art. 2, 6 (mod. par DORS/
87-570, art. 3), 7, 8 (mod. idem art. 4), 10.
Traité sur les eaux limitrophes, S.C. 1911, chap. 28,
annexe.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Re Braeside Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario
et al. (1978), 20 O.R. (2d) 541 (C. div.); Re McKay and
Minister of Municipal Affairs (1973), 35 D.L.R. (3d)
627 (C.S.C.-B.).
DECISIONS CITÉES:
Young c. Ministre de l'emploi et de l'immigration
(1987), 8 F.T.R. 218 (C.F. l" inst.); Re Ferguson et
Commissaire à la magistrature fédérale (1982), 140
D.L.R. (3d) 542 (C.F. lfe inst.); Maple Lodge Farms
Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500 (C.A.); conf. par [1982] 2
R.C.S. 2.
DOCTRINE
Jones, David P. and de Villars, Anne S. Principles of
Administrative Law. Toronto: Carswell Co. Ltd., 1985.
AVOCATS:
Brian A. Crane, c.r. et Martin Mason pour les
requérants.
Craig Henderson pour l'intimé le ministre de
l'Environnement.
D. E. Gauley, c.r. et Clifford B. Wheatley
pour l'intimée Saskatchewan Water Corpora
tion.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé le ministre de l'Environnement.
Gauley & Co., Saskatoon, pour l'intimée Sas-
katchewan Water Corporation.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: Il s'agit d'une demande pré-
sentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] en vue
d'obtenir:
1. une ordonnance de la nature d'un certiorari
annulant le permis que le ministre de l'Environne-
ment intimé a délivré le 17 juin 1988 à l'intimée
Saskatchewan Water Corporation pour autoriser
celle-ci à réaliser des ouvrages et des travaux
relativement au projet Rafferty-Alameda sur le
bassin de la rivière Souris en vertu de la Loi sur les
ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux;
2. une ordonnance de la nature d'un mandamus
enjoignant au ministre de l'Environnement intimé
de se conformer au Décret sur les lignes directri-
ces visant le processus d'évaluation et d'examen
en matière d'environnement, DORS/84-467, lors
de l'examen de la demande de permis présentée
par l'intimée Saskatchewan Water Corporation en
vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amé-
lioration des cours d'eau internationaux.
Le 12 février 1986, le premier ministre de la
Saskatchewan a annoncé que son gouvernement
avait l'intention de procéder à la construction des
barrages Rafferty et Alameda sur le réseau de la
rivière Souris (le projet). La rivière Souris est à la
fois une rivière internationale et une rivière inter-
provinciale. Elle prend sa source en Saskatchewan
et elle traverse une partie du Dakota du Nord
avant de remonter vers le nord, jusqu'au Mani-
toba, où elle se jette finalement dans la rivière
Assiniboine.
Le 6 mai 1986, la Souris Basin Development
Authority, une société d'État provinciale, a été
constituée avec le mandat de réaliser le projet pour
le compte d'une autre société d'État, la Saskatche-
wan Water Corporation intimée. Le 4 août 1987,
la Souris Basin Development Authority a soumis
au ministre de l'Environnement de la Saskatche-
wan un énoncé des incidences environnementales.
Le ministre de l'Environnement de la Saskatche-
wan a approuvé la réalisation de ce projet le 15
février 1988.
Le 7 janvier 1988, l'intimée Saskatchewan
Water Corporation a, conformément aux disposi
tions de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amé-
lioration des cours d'eau internationaux, L.R.C.
(1985), chap. I-20 et de son règlement d'applica-
tion, présenté au ministre de l'Environnement
intimé une demande de permis en vue de cons-
truire les barrages en question et d'effectuer d'au-
tres travaux sur le réseau de la rivière Souris. Le
permis a été délivré le 17 juin 1988.
La Fédération canadienne de la faune Inc.,
requérante, a demandé sans succès à plusieurs
reprises au ministre de l'Environnement intimé de
procéder, dans le cadre de l'étude de la demande
de permis, à un examen et à une évaluation sous le
régime du Décret sur les lignes directrices visant
le processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement, DORS/84-467, (le Décret).
L'énoncé des incidences environnementales fait en
Saskatchewan ne contenait pas d'évaluation et
d'examen des incidences environnementales du
projet au Dakota du Nord (États-Unis) et au
Manitoba. De plus, les incidences environnementa-
les du projet au Manitoba n'ont pas fait l'objet
d'une évaluation et d'un examen au Manitoba.
Suivant la Fédération de la faune requérante, le
projet aura des répercussions néfastes considéra-
bles sur la faune et sur son habitat. L'évaporation
provenant des bassins de retenue créés par le bar
rage Rafferty et par le barrage Alameda provo-
quera une réduction considérable du débit de la
Souris au Dakota du Nord et au Manitoba. La
réduction du débit affectera la qualité de l'eau en
aval du barrage en Saskatchewan, au Dakota du
Nord et au Manitoba, causera des dégâts aux
refuges de la faune américains de Upper Souris et
de J. Clark Salyer et nuira à la pêche dans le lac
Darling. L'habitat ripicole, qui revêt une impor
tance critique pour de nombreuses espèces anima-
les et végétales rares et menacées, sera détruit par
la montée des eaux et par d'autres activités asso-
ciées à la construction du barrage Rafferty (affi-
davit de K. Brynaert, pièce L, affidavit de L.
Scott).
THÈSE DES REQUÉRANTS
Les requérants soutiennent essentiellement qu'a-
vant de délivrer un permis en vertu de la Loi sur
les ouvrages destinés à l'amélioration des cours
d'eau internationaux, le ministre intimé doit se
conformer aux dispositions du Décret sur les lignes
directrices visant le processus d'évaluation et
d'examen en matière d'environnement. En ne res-
pectant pas une condition législative préalable, le
ministre intimé a outrepassé ses pouvoirs et les
requérants ont donc droit à une ordonnance de
certiorari annulant le permis délivré par le minis-
tre, et à une ordonnance de mandamus enjoignant
au ministre de se conformer au Décret.
L'article 4 de la Loi sur les ouvrages destinés à
l'amélioration des cours d'eau internationaux
oblige toute personne qui désire construire, mettre
en service ou entretenir un ouvrage destiné à
l'amélioration d'un cours d'eau international à
détenir un permis valide. La rivière Souris est
considérée comme un cours d'eau international au
sens de la Loi et du Règlement.
Le projet (les deux barrages) est également
considéré comme un «ouvrage destiné à l'améliora-
tion d'un cours d'eau international» au sens de la
Loi et du Règlement. Par conséquent, suivant les
requérants, il est constant que le ministre intimé
est autorisé à délivrer un permis à l'égard du projet
lorsque certaines exigences énoncées dans le
Règlement sur l'amélioration des cours d'eau
internationaux, C.R.C., chap. 982, modifié par
DORS/87-570, articles 6 et 10, sont respectées.
Le gouverneur en conseil a, le 21 juin 1984,
approuvé le Décret sur les lignes directrices visant
le processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement à l'usage des ministères et orga-
nismes fédéraux dans l'exercice de leurs pouvoirs
et de leurs fonctions. Les requérants font valoir
que le Décret est un règlement et un texte au sens
de l'article 2 de la Loi d'interprétation, L.R.C.
(1985), chap. I-21, et que le ministre intimé doit
s'y conformer dans l'exercice des fonctions que lui
attribue le Règlement sur l'amélioration des cours
d'eau internationaux. Les requérants prétendent
en outre que le Décret s'applique aux propositions
qui sont réalisées par un ministère responsable ou
qui peuvent avoir des répercussions environnemen-
tales sur une question de compétence fédérale et ils
soutiennent que le projet constitue précisément une
telle proposition.
Sous le régime du Décret sur les lignes directri-
ces visant le processus d'évaluation et d'examen
en matière d'environnement, chaque proposition
est soumise à un examen préalable ou à une éva-
luation initiale, afin de déterminer la nature des
effets néfastes que le projet peut avoir sur l'envi-
ronnement. Si ces effets sont importants, le projet
est soumis au ministre pour qu'un examen public
soit mené par une commission d'évaluation envi-
ronnementale (articles 3, 10, 12, 20). Comme cela
n'a pas été fait, le ministre intimé n'a pas respecté
une condition législative préalable lorsqu'il a déli-
vré le permis. Les requérants prétendent que déli-
vrer un permis sans respecter une condition législa-
tive préalable constitue un excès de pouvoir et ils
affirment que cet excès de pouvoir donne ouver-
ture à un certiorari et à un mandamus.
THÈSE DES INTIMÉS
Le ministre intimé soutient essentiellement qu'il
n'est pas tenu de respecter le Décret sur les lignes
directrices visant le processus d'évaluation et
d'examen en matière d'environnement lorsqu'il
délivre un permis en vertu de la Loi sur les ouvra-
ges destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux et de son règlement d'application.
L'intimé soutient que le processus fédéral défini
dans le Décret s'applique aux projets qui sont
entrepris par des organismes fédéraux, qui sont
subventionnés par le gouvernement fédéral, qui
sont situés sur des terres fédérales ou qui ont des
répercussions environnementales sur une gestion
de compétence fédérale. En outre, lorsqu'un minis-
tère exerce un pouvoir de réglementation à l'égard
d'un projet, le Décret ne s'applique que si aucun
obstacle juridique n'empêche l'application du pro-
cessus ou s'il n'en découle pas de chevauchement
de responsabilités. L'intimé fait valoir que le projet
est une entreprise provinciale subventionnée par la
province de la Saskatchewan, qu'il est situé sur
une terre provinciale et qu'il a fait l'objet d'un
examen officiel et d'une commission d'enquête par
le ministère provincial de l'Environnement et de la
Sécurité publique. Par conséquent, procéder à une
évaluation et à un examen en matière d'environne-
ment en vertu de la loi fédérale alors que le projet
a déjà été soumis au processus de la Saskatchewan
et qu'il respecte, en principe, les exigences du
Décret, constituerait un double emploi injustifié.
En substance, la demande qui m'est soumise
concerne la validité du permis délivré par le minis-
tre de l'Environnement intimé à l'égard du projet
(à savoir les barrages Rafferty-Alameda). Voici
les questions litigieuses précises qu'il me faut
trancher:
1. Le ministre fédéral de l'Environnement est-il
tenu, avant de délivrer un permis sous le régime de
la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration
des cours d'eau internationaux et de son règle-
ment d'application, de respecter le Décret sur les
lignes directrices visant le processus d'évaluation
et d'examen en matière d'environnement?
2. Le ministre fédéral de l'Environnement a-t-il
outrepassé ses pouvoirs en délivrant un permis à
l'intimée Saskatchewan Water Corporation, vu
qu'il n'y a pas eu d'évaluation et d'examen en
matière d'environnement sous le régime du Décret
sur les lignes directrices visant le processus d'éva-
luation et d'examen en matière d'environnement?
Passons à l'examen des dispositions législatives
pertinentes.
L'application de la Loi sur les ouvrages destinés
à l'amélioration des cours d'eau internationaux
relève du ministère de l'Environnement. Les arti
cles 2, 3 et 4 de la Loi sont ainsi libellés:
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«cours d'eau international» Eaux qui coulent d'un endroit du
Canada à un endroit situé hors du Canada.
«ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau internatio
nal, Barrage, obstacle, canal, bassin de retenue ou autre
ouvrage dont l'objet ou effet consiste:
a) d'une part, à augmenter, diminuer ou changer le débit
naturel du cours d'eau international;
b) d'autre part, à déranger, modifier ou influencer l'utilisa-
tion effective ou virtuelle du cours d'eau international hors
du Canada;
3. Aux fins de l'aménagement et de l'utilisation des ressour-
ces hydrauliques du Canada dans l'intérêt national, le gouver-
neur en conseil peut prendre des règlements:
a) concernant la construction, la mise en service et l'entre-
tien d'ouvrages destinés à l'amélioration de cours d'eau
internationaux;
b) concernant la délivrance, l'annulation et la suspension de
permis pour la construction, la mise en service et l'entretien
d'ouvrages destinés à l'amélioration de cours d'eau
internationaux;
c) prescrivant des droits applicables aux permis délivrés en
vertu de la présente loi;
d) excluant de l'application de la présente loi des ouvrages
destinés à l'amélioration de quelque cours d'eau internatio
nal.
4. Il est interdit à toute personne de construire, de mettre en
service ou d'entretenir des ouvrages destinés à l'amélioration
d'un cours d'eau international, à moins qu'elle ne détienne un
permis valide délivré, pour cet objet, en vertu de la présente loi.
Le Règlement sur l'amélioration des cours
d'eau internationaux pris en application de la Loi
sur les ouvrages destinés à l'amélioration des
cours d'eau internationaux autorise le ministre de
l'Environnement à approuver la réalisation d'ou-
vrages sur des cours d'eau internationaux en déli-
vrant des permis ou des certificats d'exclusion à
cette fin. Le ministre délivre des permis pour les
ouvrages envisagés sur des cours d'eau internatio-
naux sauf pour ceux qui sont exclus de l'applica-
tion de la Loi et du Règlement. La Loi et le
Règlement ont pour but de veiller au respect à
long terme de l'intérêt national dans les projets de
mise en valeur de la ressource en eau dans les
cours d'eau internationaux. Les permis délivrés en
vertu du Règlement comportent certaines condi
tions. Il est possible de contrôler l'observation de
ces conditions par les détenteurs de permis grâce à
l'examen des rapports ou des renseignements ou
encore à l'inspection des emplacements. Dans le
cas d'une violation de la Loi ou du Règlement,
la Loi comporte une clause pénale (Résumé
de l'étude d'impact de la réglementation,
DORS/87-570).
Le permis que le ministre de l'Environnement a
délivré à la Saskatchewan Water Corporation ren-
ferme plusieurs conditions:
[TRADUCTION] 1. Si la construction de toute partie de l'ou-
vrage précisé dans la demande présentée par le détenteur de
permis le 7 janvier 1988 n'est pas réalisée dans les sept années
de la date de la délivrance du présent permis, celui-ci ne
s'appliquera qu'à la partie de l'ouvrage qui sera construite ou
en cours de construction.
2. Le détenteur de permis respectera les obligations et les
responsabilités assumées par le Canada aux termes de tout
accord présent ou futur conclu avec les États-Unis relativement
à l'ouvrage.
3. Le détenteur de permis respectera les «mesures provisoires
de 1959» adoptées par la Commission mixte internationale au
sujet de la répartition du débit de la rivière Souris, ainsi que
toute mesure subséquente de répartition adoptée par le gouver-
nement du Canada et par celui des États-Unis.
4. En consultation avec les autres entités politiques concernées,
le détenteur de permis et le ministre élaboreront, d'ici le l°'
avril 1990, des objectifs concernant la qualité de l'eau de la
Souris à la frontière internationale, y compris des critères pour
l'application de ces objectifs, un programme de contrôle et des
exigences en matière de rapport.
5. Le détenteur de permis devra, en consultation avec le minis-
tre, mettre en oeuvre un programme de contrôle de la qualité et
de la quantité de l'eau dans les régions de la Saskatchewan
visées par l'ouvrage de façon à se procurer les renseignements
nécessaires pour déterminer si les objectifs de qualité de l'eau
sont atteints à la frontière de la Saskatchewan et du Dakota du
Nord et si les mesures de répartition du débit y sont respectées.
6. Le détenteur de permis supportera, en plus du coût des
activités menées présentement au Canada, le coût des activités
requises de contrôle de la qualité et de la quantité d'eau en
Saskatchewan et à la frontière de la Saskatchewan et du
Dakota du Nord.
7. Le détenteur de permis fournira sur demande au ministre
des renseignements sur la qualité et la quantité d'eau dans les
régions de la Saskatchewan visées par l'ouvrage.
8. Le détenteur de permis s'assurera que la construction, la
mise en service et l'entretien de l'ouvrage ne causera pas de
pertes nettes de la productivité de la sauvagine dans la partie du
bassin de la rivière Souris située en Saskatchewan.
9. Le détenteur de permis ne dérivera pas d'autres cours d'eau
si cette dérivation a pour' effet d'augmenter artificiellement le
débit annuel de la Souris à la frontière internationale.
10. Le détenteur de permis construira, mettra en service et
entretiendra l'ouvrage de manière à ne pas contrevenir au
Traité international de 1909 sur les eaux limitrophes.
11. Le détenteur de permis doit respecter les dispositions de
toutes les lois fédérales qui se rapportent à l'ouvrage, ainsi que
les dispositions applicables de tout règlement pris en application
de ces lois. De plus, le détenteur de permis doit respecter les
conditions particulières qui s'appliquent à l'ouvrage et qui sont
énoncées dans l'autorisation ministérielle provinciale du 15
février 1988 donnée en vertu de la Environmental Assessment
Act de la province de la Saskatchewan.
12. Le détenteur de permis garantira le ministre contre les
réclamations, demandes, pertes, coûts, dommages, actions,
procès et aittres poursuites faits, soutenus, présentés ou intentés
par qui que ce soit et de quelque manière que ce soit, et qui sont
fondés sur l'exécution des présentes ou sur toute mesure prise
ou chose faite ou poursuivie en vertu des présentes, ou sur
l'exercice des droits que confèrent les présentes ou qui y sont
attribuables.
L'article 2 du Règlement sur l'amélioration des
cours d'eau internationaux renferme les défini-
tions suivantes:
2. Dans le présent règlement,
«cours d'eau international» signifie toute eau qui coule entre un
lieu quelconque du Canada et un endroit situé hors du
Canada;
«Loi» signifie la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration
des cours d'eau internationaux;
«ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau internatio
nal» signifie un barrage, obstacle, canal, bassin de retenue ou
autre ouvrage dont l'objet ou l'effet consiste
a) à augmenter, diminuer ou changer le débit naturel d'un
cours d'eau international, et
b) à déranger, modifier ou influencer l'utilisation effective ou
virtuelle du cours d'eau international hors du Canada.
Les articles 6 [mod. par DORS/87-570,) art. 3],
7 et 8 [abrogé et rempl. idem, art. 4] concernent
les demandes de permis:
6. Toute demande de permis faite sous le régime de la Loi
doit être adressée au Ministre et contenir les renseignements
suivants:
a) le nom, l'adresse et la profession du demandeur;
b) le nom et une claire description du cours d'eau internatio
nal sur lequel un ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours
d'eau international doit être établi;
c) l'endroit où ledit ouvrage d'amélioration doit être établi et
une description de l'ouvrage;
d) des précisions quant à l'effet de l'ouvrage d'amélioration
sur le niveau ou l'écoulement de l'eau à la frontière
canadienne;
e) des précisions quant à l'effet de l'ouvrage d'amélioration
sur l'utilisation de l'eau hors du Canada;
J) des précisions quant aux effets adverses de l'ouvrage
d'amélioration sur la prévention des crues et sur les autres
modes d'utilisation de l'eau, ainsi que des renseignements sur
les projets d'atténuation de ces effets;
g) une brève analyse économique des avantages directs et
indirects et des frais que comporte effectivement l'ouvrage
d'amélioration et qui résulteront dudit ouvrage; et
h) toutes autres précisions à l'égard de l'ouvrage d'améliora-
tion tendant à démontrer que son établissement est compati
ble avec le développement rationnel des ressources et de
l'économie du Canada.
7. Doivent accompagner toute demande de permis,
a) les détails de toute convention conclue si l'on se propose
de vendre hors du Canada une partie quelconque de la part
échue au Canada de l'énergie d'aval résultant d'un projet
d'ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau interna
tional; et
b) une copie du permis délivré à l'égard de l'entreprise par
l'organisme provincial compétent.
8. La demande de permis doit contenir tout autre renseigne-
ment que peut exiger le Ministre au sujet de l'ouvrage destiné à
l'amélioration d'un cours d'eau international et des ouvrages
connexes.
L'article 10 porte sur les permis:
10. (1) Si le demandeur d'un permis a fourni toutes les
précisions requises sous le régime du présent règlement, le
Ministre peut
a) lui délivrer un permis pour une période ne dépassant pas
50 ans; et
b) émettre à l'expiration de tout permis, un autre permis
pour une période ne dépassant pas 50 ans.
(2) Chaque permis doit stipuler les termes et conditons
auxquels l'ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau
international peut être construit, mis en fonctionnement et
maintenu, ainsi que la période pour laquelle ce permis est
délivré.
Le Décret sur les lignes directrices visant le
processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement énonce les exigences et les procé-
dures du processus fédéral d'évaluation et d'exa-
men en matière d'environnement, ainsi que les
responsabilités de ceux qui y participent. Ce
Décret a été pris en application du paragraphe
6(2) de la Loi de 1979 sur l'organisation du
gouvernement, S.C. 1978-79, chap. 13, art. 14,
maintenant l'article 6 de la Loi sur le ministère de
l'Environnement, L.R.C. (1985), chap. E-10.
L'article 6 dispose:
6. Au titre de celles de ses fonctions qui portent sur la
qualité de l'environnement, le ministre peut par arrêté, avec
l'approbation du gouverneur en conseil, établir des directives à
l'usage des ministères et organismes fédéraux et, s'il y a lieu, à
celui des sociétés d'État énumérées à l'annexe III de la Loi sur
la gestion des finances publiques et des organismes de régle-
mentation dans l'exercice de leurs pouvoirs et fonctions.
Les dispositions pertinentes du Décret sont repro-
duites ci-dessous:
2. Les définitions qui suivent s'appliquent aux présentes
lignes directrices.
«énoncé des incidences environnementales» Évaluation détaillée
des répercussions environnementales de toute proposition
dont les effets prévus sur l'environnement sont importants,
qui est effectuée ou fournie par le promoteur en conformité
avec les directives établies par une commission.
«ministère» S'entend:
a) de tout ministère, commission ou organisme fédéraux, ou
b) dans les cas indiqués, l'une des corporations de la Cou-
ronne nommées à l'annexe D de la Loi sur l'administration
financière ou tout organisme de réglementation.
«ministère responsable» Ministère qui, au nom du gouverne-
ment du Canada, exerce le pouvoir de décision à l'égard
d'une proposition.
«Ministre» Le ministre de l'Environnement.
«promoteur» L'organisme ou le ministère responsable qui se
propose de réaliser une proposition.
«proposition» S'entend en outre de toute entreprise ou activité à
l'égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la
prise de décisions.
3. Le processus est une méthode d'auto-évaluation selon
laquelle le ministère responsable examine, le plus tôt possible
au cours de l'étape de planification et avant de prendre des
décisions irrévocables, les répercussions environnementales de
toutes les propositions à l'égard desquelles il exerce le pouvoir
de décision.
4. (1) Lors de l'examen d'une proposition selon l'article 3, le
ministère responsable étudie:
a) les effets possibles de la proposition sur l'environnement
ainsi que les répercussions sociales directement liées à ces
effets, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire cana-
dien; et
b) les préoccupations du public qui concernent la proposition
et ses effets possibles sur l'environnement.
(2) Sous réserve de l'approbation du Ministre et du ministre
chargé du ministère responsable, il doit être tenu compte lors de
l'étude d'une proposition de questions telles que les effets
socio-économiques de la proposition, l'évaluation de la techno-
logie relative à la proposition et le caractère nécessaire de la
proposition.
5. (1) Si, indépendamment du processus, le ministère res-
ponsable soumet une proposition à un règlement sur l'environ-
nement, il doit veiller à ce que les examens publics ne fassent
pas double emploi.
(2) Pour éviter la situation de double emploi visée au para-
graphe (1), le ministère responsable doit se servir du processus
d'examen public comme instrument de travail au cours des
premières étapes du développement d'une proposition plutôt
que comme mécanisme réglementaire, et rendre les résultats de
l'examen public disponibles aux fins des délibérations de nature
réglementaire portant sur la proposition.
6. Les présentes lignes directrices s'appliquent aux proposi
tions
a) devant être réalisées directement par un ministère
responsable;
b) pouvant avoir des répercussions environnementales sur
une question de compétence fédérale;
À la lecture des dispositions susmentionnées, il est
clair qu'une personne doit détenir un permis valide
pour pouvoir construire, mettre en service ou
entretenir un ouvrage destiné à l'amélioration d'un
cours d'eau international. La délivrance du permis
a un lien direct avec le fait que la construction
aura des répercussions ou des effets néfastes sur un
cours d'eau international. Le ministre de 1'Envi-
ronnement a le pouvoir discrétionnaire de délivrer
le permis lorsque certaines exigences énoncées
dans le Règlement sont respectées. Il ne fait aucun
doute que le projet répond à la définition d'«ou-
vrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau
international» et que la Souris est un «cours d'eau
international».
Il est également clair que, dans l'exercice de ses
fonctions (en matière de protection et d'améliora-
tion de la qualité de l'environnement, comme il est
prévu à l'article 5 de la Loi sur le ministère de
l'Environnement), le ministre de l'Environnement
peut, par et avec l'approbation du gouverneur en
conseil, établir des directives à l'usage des ministè-
res et organismes fédéraux, et je suis d'accord pour
dire que le Décret sur les lignes directrices visant
le processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement est un texte ou un règlement au
sens de l'article 2 de la Loi d'interprétation:
«règlement» Règlement proprement dit, décret, ordonnance,
proclamation, arrêté, règle judiciaire ou autre, règlement
administratif, formulaire, tarif de droits, de frais ou d'hono-
raires, lettres patentes, commission, mandat, résolution ou
autre acte pris:
a) soit dans l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime
d'une loi fédérale;
b) soit par le gouverneur en conseil ou sous son autorité.
«texte» Tout ou partie d'une loi ou d'un règlement.
Par conséquent, le Décret n'est pas un simple
énoncé de politique ou de programme; il est sus
ceptible de créer des droits qu'on peut faire respec-
ter par voie de mandamus (voir Young c. Ministre
de l'emploi et de l'immigration (1987), 8 F.T.R.
218 (C.F. P » inst.), à la page 221).
Toutefois, la question à trancher à cette étape-ci
est celle de savoir si le ministre de l'Environnement
intimé est tenu de respecter les dispositions du
Décret sur les lignes directrices visant le processus
d'évaluation et d'examen en matière d'environne-
ment lorsqu'il délivre un permis sous le régime de
la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration
des cours d'eau internationaux. À première vue, il
semble que le Décret ne soit destiné qu'aux minis-
tères et organismes fédéraux (voir la définition des
termes «ministère» et «ministère responsable» dans
le Décret), et le ministre intimé n'a pas tort de dire
que le projet est une entreprise provinciale qui
n'est soumise qu'à la réglementation et qu'aux
lignes directrices provinciales. Toutefois, l'article 6
du Décret prévoit expressément que les lignes
directrices en question s'appliquent aux proposi
tions pouvant avoir des répercussions environne-
mentales sur une question de compétence fédérale.
Par proposition, on entend en outre toute entre-
prise ou activité à l'égard de laquelle le gouverne-
ment du Canada participe à la prise de décisions.
Délivrer un permis sous le régime de la Loi sur les
ouvrages destinés â l'amélioration des cours d'eau
internationaux constitue une «participation à la
prise de décisions».
Le projet aura également des répercussions envi-
ronnementales sur plusieurs questions de compé-
tence fédérale, à savoir, les relations internationa-
les, le Traité sur les eaux limitrophes [S.C. 1911,
chap. 28, annexe] (écoulement transfrontalier des
eaux), les oiseaux migrateurs (en raison de la
Convention concernant les oiseaux migrateurs
[annexe de la Loi sur la Convention concernant les
oiseaux migrateurs, L.R.C. (1985), chap. M-7]),
les affaires interprovinciales et les pêches. Ces
questions sont traitées de façon plus précise dans
une lettre datée du 6 juillet 1987 adressée par R.
A. Halliday, d'Environnement Canada, à R. E. W.
Walker, du ministère de l'Environnement et de la
Sécurité publique de la Saskatchewan (pièce 6 de
l'affidavit de Lorne Scott). Voici quelques extraits
de cette lettre:
[TRADUCTION] En réponse à votre lettre du 9 juin, Environne-
ment Canada a étudié l'énoncé des incidences environnementa-
les du projet Rafferty/Alameda fourni par le ministère de
l'Environnement et de la Sécurité publique de la Saskatchewan.
La Souris Basin Development Authority a effectué une évalua-
tion détaillée du projet Rafferty et certains chapitres et sections
étaient complets et exacts. Toutefois, il manque plusieurs ren-
seignements importants au sujet de l'évaluation des incidences
de ce projet sur les responsabilités fédérales.
Les travaux d'aménagement du bassin de la rivière Souris sont
assujettis aux ententes internationales en vigueur qui ont trait à
la répartition et à la gestion et qui sont appliquées par le
Canada et les États-Unis dans le cadre du Traité sur les eaux
limitrophes, ainsi qu'aux conditions de délivrance de permis
énoncées dans la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration
des cours d'eau internationaux. Environnement Canada
assume, relativement à ces activités, des responsabilités techni
ques tant sur le plan consultatif que réglementaire. Nous nous
attachons en particulier à définir les détails du plan d'exploita-
tion des bassins de retenue, spécialement au cours de la période
de remplissage, de façon à ce que les effets que les barrages
auront en aval tant sur la quantité que sur la qualité de l'eau
puissent être évalués aux Etats-Unis et au Manitoba. A cause
de ces préoccupations communes à plusieurs entités politiques,
il est primordial de procéder à des contrôles et à des analyses
après la mise en œuvre du projet. L'énoncé des incidences
environnementales ne contient pas de renseignements qui nous
permettent de répondre avec précision à ces préoccupations.
Traité sur les eaux limitrophes — Qualité des eaux
L'article IV du Traité sur les eaux limitrophes dispose: « les
eaux définies au présent Traité comme eaux limitrophes non
plus que celles qui coupent la frontière ne seront d'aucun côté
contaminées au préjudice des biens ou de la santé de l'autre
côté».
La qualité des eaux qui pénètrent aux États-Unis doit être
protégée en conformité avec l'article IV. Environnement
Canada recommande que toutes les parties poursuivent leurs
discussions sur l'établissement d'objectifs concernant la qualité
des eaux de la Souris à la frontière internationale. Ces objectifs
favoriseraient le maintien d'une bonne qualité de l'eau tant
pendant qu'après la période de remplissage.
2. Traité sur les eaux limitrophes — Quantité d'eau
En 1959, le Canada et les États-Unis ont adopté les mesures
provisoires concernant la répartition des eaux entre les deux
pays, et le Comité mixte international a constitué le Conseil
international de contrôle de la rivière Souris qu'il a chargé
d'appliquer l'accord. En fait, les mesures prévoient un partage
égal du débit naturel de la rivière Souris à l'endroit où elle
coupe la frontière du Dakota du Nord et prévoient un débit
régularisé de 0,57 m 3 /s (20 pi. 3 /s) au Manitoba de juin à
octobre. Les mesures portent également sur certaines autres
conditions riveraines.
Toute dérogation à ces mesures doit être clairement documen-
tée dans l'énoncé des incidences environnementales, car tout
changement aux mesures doit être officiellement approuvé par
les deux gouvernements fédéraux et être accepté par la Saska-
tchewan, le Manitoba et le Dakota du Nord. Ce n'est que
lorsque ces étapes sont franchies que la Comité mixte interna
tional peut envisager de modifier les mesures de 1959.
La procédure opérationnelle négociée par le promoteur de la
Saskatchewan et les intéressés des États-Unis (pages 1 et 2 de
l'évaluation hydrologique, chapitre 3), n'a pas été approuvée
par toutes les parties. Il y a lieu de remarquer que deux des
quatre scénarios d'approvisionnement en eau du projet (p. 74,
chapitre 3) ne semblent pas respecter les exigences des mesures
provisoires. Suivant les scénarios 3 et 4, la Saskatchewan
conserverait 60 % du débit naturel à la frontière internationale.
4. Loi sur la protection des eaux navigables
La Souris Basin Development Authority devrait demander à
Transports Canada de lui délivrer un permis ou de la soustraire
à la Loi sur la protection des eaux navigables. La Loi exige que
le public soit suffisamment informé du projet, qu'on utilise des
normes internationales pour baliser les hauts-fonds, les récifs,
les déversoirs et les prises, que des installations de rampes de
mise à l'eau acceptables soient fournies, que les arbres soient
enlevés du réservoir au plein niveau d'approvisionnement et que
des estacades de débris soient au besoin installées au cours des
cinq premières années d'opération.
5. Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs
La Souris Basin Development Authority mérite d'être félicitée
pour les mesures d'atténuation qui seront mises en œuvre pour
réduire les incidences du projet sur la sauvagine. L'énoncé des
incidences environnementales ne donne cependant pas de chif-
fres sur la production de la sauvagine et sur les pertes de
production et d'habitat de la sauvagine. Environnement Canada
cherche à obtenir une garantie que le projet n'occasionnera
aucune perte nette de production de la sauvagine.
7. (y) La période de remplissage du bassin de retenue
L'énoncé des incidences environnementale ne contient pas de
renseignements sur les répercussions éventuelles, sur le pro
gramme d'exploitation et sur les obligations internationales au
cours de la période de remplissage des bassins de retenue
Rafferty et Alameda. Environnement Canada recommande que
des renseignements supplémentaires soient fournis au sujet de
la période de remplissage relativement:
a) aux changements à la qualité et à la quantité de l'eau,
particulièrement à la frontière internationale;
b) aux incidences du projet sur les pêches et l'habitat de la
faune en Saskatchewan, au Dakota du Nord et au Manitoba;
Je conviens qu'il faut éviter toute situation de
double emploi injustifié, mais il me semble que
plusieurs préoccupations fédérales, dont l'examen
des incidences du projet au Dakota du Nord et au
Manitoba, n'ont pas été abordées dans l'énoncé
provincial des incidences environnementales. En
soi, je ne crois pas qu'appliquer le Décret créerait
une situation de double emploi injustifié. Cela
permettrait plutôt d'obtenir les renseignements
nécessaires qui manquent.
Je suis également d'accord avec les requérants
pour dire que le Décret doit être appliqué, car le
projet a de toute évidence des répercussions envi-
ronnementales sur plusieurs questions de compé-
tence fédérale, notamment sur les quelque 4 000
acres de terrain qui «appartiennent» au gouverne-
ment fédéral, ou que, à tout le moins, ce dernier
administre ou détient en fiducie.
Les fonctionnaires du ministère fédéral de l'En-
vironnement ignoraient ce fait lorsqu'ils ont
informé le ministre que le Décret ne s'appliquait
pas. À propos, l'avocat du ministre de l'Environne-
ment intimé a fait un effort pour que les mesures
prises par les fonctionnaires fédéraux respectent
les exigences ou l'esprit des lignes directrices, mais
il est clair, depuis le début, que les fonctionnaires
du ministère de l'Environnement maintiennent que
les lignes directrices visant le processus d'évalua-
tion et d'examen en matière d'environnement ne
s'appliquent pas à ce projet. Il y a eu en l'espèce
inexécution d'une obligation envers le public —
obligation qui constitue un élément essentiel du
processus. J'ai réfléchi à la suggestion de l'avocat
du ministre de l'Environnement intimé, à savoir de
[TRADUCTION] «tenir compte de l'ensemble de la
preuve et de la procédure suivie», mais il m'est
impossible de conclure que les mesures nécessaires
ont été prises avant que le permis soit délivré.
Je conviens qu'il peut être difficile de savoir
comment, dans un cas comme celui qui nous
occupe, le ministère de l'Environnement ou le gou-
vernement fédéral trouvent les pouvoirs voulus
pour garantir la protection environnementale
nécessaire, mais il ne fait aucun doute que la
législation prévoit des conditions préalables qui
doivent être respectées avant qu'un permis puisse
être délivré.
Le certiorari, qui permet à la Cour de décider si
le délégué désigné par la loi a outrepassé les
limites de sa compétence en rendant sa décision, et
le mandamus, qui contraint le délégué à remplir
les fonctions que la loi lui impose, sont des recours
discrétionnaires (Jones et de Villars, Principles of
Administrative Law, 1985, page 325). Il est de
jurisprudence constante que pour qu'un bref de
mandamus puisse être décerné pour faire respecter
un droit reconnu par la loi, il faut que la loi en
question impose une obligation dont l'exécution ou
l'inexécution ne sont pas discrétionnaires. Le
requérant doit démontrer que la loi lui reconnaît le
droit d'exiger l'exécution d'une obligation légale
que la loi impose à la personne contre laquelle il
demande un mandamus (Re Ferguson et Commis-
saire à la magistrature fédérale (1982), 140
D.L.R. (3d) 542 (C.F. 1`° inst.)). Si la personne
refuse d'agir et de s'acquitter de son obligation, le
requérant a droit à un mandamus. Dans l'arrêt
Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500
(C.A.); conf. par [1982] 2 R.C.S. 2, la Cour
d'appel a refusé de décerner un mandamus pour
forcer le ministre de l'industrie et du Commerce à
délivrer à la requérante une licence d'importation
car, en vertu de la loi applicable (la Loi sur les
licences d'exportation et d'importation), le minis-
tre jouissait d'un pouvoir discrétionnaire en
matière de délivrance de licences et il n'était pas
tenu de délivrer une licence lorsque certaines con
ditions étaient remplies.
Les requérants invoquent le jugement Re Brae-
side Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario et
al. (1978), 20 O.R. (2d) 541 (C. div.), à l'appui de
leur argument suivant lequel délivrer un permis
sans respecter une condition préalable prévue par
la loi constitue un excès de pouvoir. L'affaire
portait sur une demande, présentée par voie de
révision judiciaire, qui visait à faire annuler un
règlement pris par le ministre du Logement de
l'Ontario en application de l'article 12 de la Loi
sur la planification et l'aménagement de l'escar-
pement du Niagara. Un des arguments soulevés
devant la Cour divisionnaire de l'Ontario était que
la décision du ministre de refuser de délivrer une
licence d'aménagement devait être annulée parce
que le rapport du fonctionnaire chargé de l'audi-
tion ne respectait pas les exigences du paragraphe
24(11) de la Loi. Le juge Griffiths, qui écrivait
pour la majorité, a fait remarquer, à la page 551:
[TRADUCTION] Suivant le par. 24(2) de la Loi, le ministre
doit tenir compte du rapport du fonctionnaire chargé de l'audi-
tion avant de prendre sa décision. Si le rapport ne respecte pas
les exigences du par. 24(11), le ministre n'a pas compétence
pour prendre une décision.
L'affaire Re McKay and Minister of Municipal
Affairs (1973), 35 D.L.R. (3d) 627 (C.S.C.-B.),
portait sur une demande de bref de mandamus
visant à contraindre le ministre des Affaires muni-
cipales à tenir un scrutin avant de formuler une
recommandation en vertu de l'article 18 de la
Municipal Act de la Colombie-Britannique. Le
juge Macfarlane a conclu, à la page 630:
[TRADUCTION] C'est envers l'électorat que le ministre est
tenu d'un devoir. Il ne peut faire une recommandation au
lieutenant-gouverneur en conseil tant que l'électorat ne s'est pas
dûment prononcé. L'obligation d'ordonner la tenue d'un scrutin
confère un droit à chaque électeur des régions en question, et si
le ministre, qui a été désigné pour remplir cette obligation,
refuse de s'exécuter lorsqu'on le lui demande, j'estime qu'un
mandamus peut être décerné.
Comme je l'ai déjà précisé, je suis d'avis que le
ministre de l'Environnement est tenu, avant de
délivrer un permis en vertu de la Loi sur les
ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux, de se conformer au Décret sur les
lignes directrices visant le processus d'évaluation
et d'examen en matière d'environnement. En n'ap-
pliquant pas les dispositions du Décret, le ministre
n'a pas respecté une obligation que la loi lui impo-
sait et il a outrepassé ses pouvoirs. Les requérants
ont donc droit à leur ordonnance de certiorari. Au
surplus, le Décret sur les lignes directrices visant
le processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement précise que certaines formalités, à
savoir la préparation d'une évaluation et d'un
examen en matière d'environnement, doivent être
respectées lorsqu'une proposition est susceptible
d'avoir des répercussions environnementales sur
une question de compétence fédérale. Vu que le
projet constitue une telle proposition et que le
ministre y participe (en délivrant le permis prévu
par la Loi sur les ouvrages destinés à l'améliora-
tion des cours d'eau internationaux), je suis d'avis
qu'en ne se conformant pas au Décret, le ministre
ne s'est pas acquitté de son obligation et que, par
conséquent, les requérants ont également droit à
une ordonnance de mandamus ainsi qu'aux
dépens, immédiatement après leur taxation.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.