T-2283-86
Violet Johnson, Norman George, Arnold James et
Wilfred Andrews, pour leur propre compte et pour
le compte de tous les membres de la Bande
indienne de Muchalaht, et la Bande indienne de
Muchalaht et Benny Jack, Tony Dick, August
Johnson, Nick Howard et Norman George, pour
leur propre compte et pour le compte de tous les
membres de la Bande indienne de Mowachaht, et
la Bande indienne de Mowachaht (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine, C.I.P. Inc. et Petro Canada
Inc. (défenderesses)
RÉPERTORIÉ: JOHNSON c. CANADA (I re INST.)
Section de première instance, juge Reed —Vancou-
ver, 29 août et 7 septembre 1989.
Pratique — Parties — Désistement — Action en dommages
pour violation du droit de propriété sur des terres de réserve
appartenant aux Indiens — Les demandeurs désignés nommé-
ment demandent aussi bien à titre personnel que représentatif
l'autorisation de se désister de leurs actions — L'examen de la
jurisprudence révèle l'incertitude qui entoure la question de
savoir si la bande peut lier tous ses membres lorsqu'elle este en
justice pour son propre compte pour violation du droit de
propriété sur des terres de réserve — La question n'a pas à être
tranchée en l'espèce — La Cour ne devrait pas exercer son
pouvoir discrétionnaire de façon à autoriser le désistement
lorsque le but est d'échapper à l'interrogatoire préalable —
Possibilité de préjudice pour les défenderesses étant donné le
caractère flottant de la jurisprudence.
Les demandeurs désignés nommément cherchent à se désister
de leurs actions en dommages-intérêts pour violation du droit
de propriété sur des terres de réserve, aussi bien à titre person
nel que représentatif, pour ne laisser que les deux bandes
comme demanderesses. Ils espéraient de la sorte éviter l'interro-
gatoire préalable des particuliers et des membres des bandes
qu'ils représentent prévus à la Règle 465(1)a) de la Cour
fédérale. Les défenderesses n'ont pas soutenu que l'on peut
procéder à l'interrogatoire préalable de tous ces particuliers en
vertu de la Règle 465(1)a), mais elles ont déposé une requête
en vue d'obtenir un autre examen préalable conformément à la
Règle 465(19). Les défenderesses se sont opposées au désiste-
ment par crainte qu'il puisse nuire à l'aptitude de tout jugement
qui pourrait être rendu d'être obligatoire à l'égard de tous les
membres de la bande.
Jugement: l'autorisation demandée devrait être refusée.
La pratique veut que les actions comme celle-ci soient inten-
tées sous forme d'actions collectives aussi bien que pour le
compte de la bande elle-même, car il existe dans la jurispru
dence une certaine incertitude quant à savoir si une bande
indienne peut ester en justice et dans quelles circonstances elle
peut le faire. Une bande indienne n'est pas une personne
morale, bien qu'elle ait certains droits et obligations en vertu de
la Loi sur les Indiens. Le statut d'une bande indienne en vertu
de cette Loi est tel qu'il accorde à cette entité la capacité
d'ester en justice de la même façon que d'autres entités dépour-
vues de personnalité morale sont aptes à ester en justice.
L'examen de la jurisprudence mène à la conclusion que la
question de savoir si une bande peut ou non lier tous ses
membres reste sans solution, particulièrement lorsqu'il s'agit de
violation du droit de propriété sur des terres de réserve. Il n'est
toutefois pas nécessaire de trancher cette question dans le cadre
de cette demande. La Cour ne devrait pas exercer son pouvoir
discrétionnaire de façon à permettre aux demandeurs de se
désister lorsque leur mobile est d'éviter l'interrogatoire préala-
ble, et qu'il existe de l'incertitude quant au préjudice que
pourrait causer le désistement aux défenderesses. Il est possible
qu'un jugement rendu à la suite d'une action engagée au nom
de la bande uniquement ne lierait pas tous les membres de la
bande.
LOIS ET RÈGLEMENTS
British Columbia Supreme Court Rules, Règles 5(1l),
(12),(13), 27(8).
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1.
Loi sur les Indiens, S.R.C. (1985), chap. 1-5, art. 30, 31.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
406(3), 465(1)a),b),(19).
Règles de procédure civile de la Cour suprême et de la
Cour de district de l'Ontario, Règles 31.03(8),(9).
JURISPRUDENCE
DECISIONS EXAMINÉES:
Mintuck v. Valley River Band No. 63A, et al., [1976] 4
W.W.R. 543 (B.R. Man.); confirmée (1977), 75 D.L.R.
(3d) 589; [1977] 2 W.W.R. 309; 2 C.C.L.T. 1 (C.A.
Man.); International Brotherhood of Teamsters v. The-
rien, [1960] R.C.S. 265; 22 D.L.R. (2d) 1; Mathias et al
v. Findlay, [1978] 4 W.W.R. 653 (C.S.C: B.); Alliance
de la Fonction publique du Canada c. Francis et autres,
[1982] 2 R.C.S. 72; 139 D.L.R. (3d) 9; (1982), 44 N.R.
136; 82 C.L.L.C. 14,208; [1982] 4 C.N.L.R. 94; R. v.
Peter Ballantyne Indian Band (1985), 45 Sask. R. 33
(B.R.); Martin v. B.C. (Govt.) (1986), 3 B.C.L.R. (2d)
60; [1986] 3 C.N.L.R. 84 (C.S.); Kucey v. Peter Ballan-
tyne Band Council, [1987] 3 W.W.R. 438; 16 C.P.C.
(2d) 59; (1987), 57 Sask. R. 29 (C.A.); Oregon Jack
Creek Indian Band Chief v. C.N.R. (1989), 56 D.L.R.
(4th) 404; 34 B.C.L.R. (2d) 344 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Markt & Co., Ld. v. Knight Steamship Company; Sale &
Frazar v. Knight Steamship Company, [1910] 2 K.B.
1021 (C.A.); Regina v. Cochrane, [1977] 3 W.W.R.-660
(C. Comté Man.).
AVOCATS:
J. Woodward pour les demandeurs.
J. Raymond Pollard pour la défenderesse, Sa
Majesté la Reine.
J. W. Marquardt pour les défenderesses
C.I.P. Inc. et Petro Canada Inc.
PROCUREURS:
J. Woodward, Victoria, pour les demandeurs.
Richards, Buell & Co., Vancouver, pour la
défenderesse, Sa Majesté la Reine.
Campney & Murphy, (Vancouver), pour les
défenderesses C.I.P. Inc. et Petro Canada Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Les demandeurs, Violet John-
son, Norman George, Arnold James, Wilfred
Andrews, Benny Jack, Tony Dick, August Johnson
et Nick Howard présentent une requête fondée sur
la Règle 406(3) [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663] en vue de se désister de leurs
actions contre les défenderesses. La Règle 406(3)
prévoit ce qui suit:
Règle 406... .
(3) ... un demandeur ne peut se désister d'une action sans
permission de la Cour; mais la Cour pourra, avant ou après une
audition, aux conditions qui semblent justes quant aux frais, à
l'introduction d'une action subséquente ou à d'autres questions,
par ordonnance, donner suite à la demande de désistement de
l'action ou de radiation de toute partie des moyens invoqués à
l'appui de la plainte.
Les demandeurs individuels cherchent à se désister
de leurs actions pour leur propre compte, et aussi à
se désister de leurs actions collectives pour le
compte de tous les autres membres des bandes
indiennes Muchalaht et Mowachaht. La bande
indienne Muchalaht et la bande indienne Mowa-
chaht deviendraient donc les seules demanderesses
dans cette action.
Les demandeurs désignés nommément cherchent
à se désister de leurs actions à titre particulier
aussi bien qu'en qualité de représentants des autres
membres des bandes dans le but d'éviter la possibi-
lité d'être soumis à un interrogatoire préalable.
Les demandeurs nommément désignés s'inquiètent
aussi que l'on puisse tenter de soumettre à un
interrogatoire préalable certains membres des
bandes qu'ils représentent au motif que ces person-
nes sont parties à cette action. La Règle 465(1)a)
et b) prévoit ce qui suit:
Règle 465. (1) ... on peut procéder l'interrogatoire préalable
d'une partie ...
a) si la partie est un individu, en interrogeant la partie
elle-même,
b) si la partie est une corporation ou un corps ou autre
groupe de personnes autorisé à ester en justice, soit en son
propre nom soit au nom d'un membre de sa direction ou
d'une autre personne, en interrogeant un membre de la
direction ou autre membre de cette corporation ou de ce
groupe,
Bien que les Règles de la Cour fédérale ne traitent
pas expressément des droits à l'interrogatoire préa-
lable dans le cadre des actions collectives, il se peut
fort bien que les particuliers «représentés» par les
demandeurs désignés nommément soient suscepti-
bles d'être interrogés au préalable en qualité de
parties. Ou la règle dite de la lacune (Règle 5)
pourrait entraîner l'application des dispositions des
Règles de la British Columbia Supreme Court
Rules: voir Règles 5(11), (12) et (13) et 27(8)' des
Règles de la Colombie-Britannique. Subsidiaire-
ment, les remarques incidentes dans les arrêts
Markt & Co., Ld. v. Knight Steamship Company;
Sale & Frazar v. Knight Steamship Company,
[1910] 2 K.B. 1021 (C.A.), à la page 1039, qui ont
été citées par les avocats, peuvent être pertinentes
à l'espèce. En tout état de cause, cette question n'a
pas à être réglée aux fins de statuer sur cette
demande.
Les défenderesses n'ont pas cherché à soumettre
les demandeurs désignés nommément ni aucun des
autres membres des bandes à un interrogatoire
préalable au motif que tous ces particuliers sont
parties à cette action. Les défenderesses n'ont pas
soutenu que l'on peut procéder à l'interrogatoire
préalable de tous ces particuliers en vertu de la
Règle 465(1)a), pas plus qu'elles n'ont invoqué la
règle de la lacune pour réclamer l'adoption de
dispositions semblables à celles qui s'appliquent à
la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La
défenderesse C.I.P. Inc. a déposé une requête en
vue d'obtenir un autre examen préalable confor-
mément à la Règle 465(19) des Règles de la Cour
fédérale. La Règle 465(19) prévoit ce qui suit:
Règle 465... .
' [TRADUCTION] 27(8) Sous réserve du paragraphe (ll),
peut être soumise à un interrogatoire préalable toute personne
pour l'avantage immédiat de laquelle une action est intentée ou
contestée.
À des fins de comparaison, on peut aussi se reférer aux Règles
de procédure civile de la Cour suprême et de la Cour de district
de l'Ontario, à la Règle 31.03(8) et (9) qui contient des
dispositions expresses relatives à l'interrogatoire préalable dans
le cadre des actions collectives.
(19) La Cour pourra, pour des raisons spéciales, mais excep-
tionnellement, et dans sa discrétion, ordonner un autre examen
préalable après qu'une partie ou cessionnaire aura été examiné
au préalable en vertu de la présente Règle.
À cet égard, la défenderesse C.I.P. Inc. veut inter-
roger quelques membres des bandes dont il est dit
qu'ils ont été personnellement mêlés aux événe-
ments qui ont entouré la cession des terres de
réserve dont traite cette action. Cette requête,
conformément à la Règle 465(19), a été entendue
et décidée en même temps que la présente requête.
Les défenderesses ne s'opposent pas à la
demande de désistement des demandeurs dans la
crainte que ce désistement ait des répercussions
sur l'étendue de leurs droits à l'interrogatoire préa-
lable. Toutefois, elles s'y opposent parce qu'elles
craignent que ce désistement puisse nuire à l'apti-
tude de tout jugement qui pourrait être rendu
d'être obligatoire à l'égard de tous les membres de
la (des) bande(s).
La déclaration allègue que certaines terres de
réserve appartenant à la (aux) bande(s) n'ont pas
été cédées légalement, et qu'en conséquence les
défenderesses sont redevables de dommages-inté-
rêts pour violation du droit de propriété sur ces
terres. Il ne fait aucun doute que la pratique veut
que les actions comme celle-ci soient intentées sous
forme d'actions collectives aussi bien que pour le
compte de la bande elle-même. Il existe dans la
jurisprudence actuelle une certaine incertitude
quant à savoir si une bande indienne peut ester en
justice, et dans quelles circonstances elle peut le
faire. L'incertitude subsiste sur la capacité d'une
action intentée pour le compte d'une bande ou
contre elle, de lier tous les membres de cette
bande. Cela s'applique particulièrement lorsque
l'action vise la violation du droit de propriété sur
des terres de réserve.
Une bande indienne n'est pas une personne
morale, bien qu'elle ait certains droits et obliga
tions en vertu des dispositions de la Loi sur les
Indiens, L.R.C. (1985), chap. I-5. Il semble clair
que le statut d'une bande indienne en vertu de la
Loi (ou tout au moins le statut du conseil de la
bande indienne en vertu de la Loi) est tel qu'il
accorde à cette entité une certaine capacité d'ester
en justice de la même façon que d'autres entités
dépourvues de personnalité morale ont été décla-
rées aptes à ester en justice. Il n'est cependant pas
clair dans quelle mesure une action intentée ou
contestée pour le compte de la bande seule lie tous
les membres de cette bande, particulièrement lors-
que la question en litige porte sur la violation du
droit de propriété sur des terres de réserve. Une
revue de la jurisprudence s'impose.
Dans l'affaire Mintuck v. Valley River Band N°
63A et al., [1976] 4 W.W.R. 543 (B.R. du Man.),
le juge Solomon était saisi d'une action délictuelle
intentée contre une bande indienne et quatre
défendeurs individuels. L'action a été accueillie et
des dommages-intérêts ont été adjugés contre ces
parties. Les quatre défendeurs individuels étaient
le chef et le conseil de la bande indienne. Ces
particuliers avaient voté une résolution du conseil
prétendant annuler le bail que le demandeur avait
sur certaines terres de réserve, ce bail ayant été
approuvé par un conseil de bande antérieur. Le
bail lui-même était conclu avec la Couronne, tel
que l'exige la Loi sur les Indiens. Le vote de la
résolution du conseil prétendant annuler les droits
afférents au bail et d'autres actes du chef et des
membres du conseil ont été déclarés constituer une
atteinte aux droits contractuels du demandeur. Il a
aussi été statué que leurs actes à cet égard avaient
constitué un encouragement pour les autres mem-
bres de la bande à gêner le demandeur dans
l'usage qu'il faisait des terres louées. Une fois
dépassées les étapes de l'examen préliminaire et de
l'instruction, le juge Solomon avait à décider si la
bande était ou non une entité justiciable des cours
de justice en vertu des Règles de la Cour du Banc
de la Reine du Manitoba, ou s'il aurait fallu
obtenir une ordonnance de la Cour contraignant
les défendeurs à contester l'action en qualité de
représentants de tous les membres de la bande. Il
aurait été possible d'obtenir une ordonnance con-
traignant un défendeur à contester une action en
qualité de représentant en application de la Règle
58 des Règles de la Cour du Banc de la Reine du
Manitoba. Le juge Solomon n'était pas convaincu
que la bande indienne en question était une entité
justiciable des cours de justice en vertu des règles
du Manitoba, mais il a cité la Règle 156 qui
permet la modification des actes de procédure à
toute étape de la procédure. Il a rendu une ordon-
nance nunc pro tunc contraignant les quatre défen-
deurs désignés nommément à contester l'action en
qualité de représentants des membres de la bande.
Ils devaient être considérés comme ayant contesté
l'action aussi bien pour leur propre compte que
pour celui de tous les autres membres de la bande,
à l'exception du demandeur. La décision du juge
Solomon a été confirmée en appel, (1977), 75
D.L.R. (3d) 589; [1977] 2 W.W.R. 309; 2
C.C.L.T. 1 (C.A. Man.), bien que le juge d'appel
Guy se soit montré d'avis, dans une remarque
incidente, qu'une bande indienne puisse fort bien
être poursuivie sans que l'on ait à rendre une
ordonnance visant la représentation en vertu de la
Règle 58. I1 a cité l'arrêt de la Cour suprême dans
International Brotherhood of Teamsters v. The-
rien, [1960] R.C.S. 265; 22 D.L.R. (2d) 1, aux
pages 277 et 278 R.C.S. Cette affaire traitait de la
responsabilité d'un syndicat ouvrier dans une
action délictuelle. Une partie de l'arrêt Therien [à
la page 278 R.C.S.] cité par le juge d'appel Guy
est ainsi libellé:
[TRADUCTION] La législature, en accordant le droit [au syndi-
cat] d'agir en qualité de mandataire et de contracter pour
autrui, lui a donné deux des caractéristiques essentielles à une
personne morale à l'égard de la responsabilité délictuelle puis-
qu'une personne morale ne peut agir que par ses mandataires.
... En l'absence d'un élément indiquant une intention contrai-
re—et il n'y en a pas en l'espèce—on doit comprendre que le
législateur a voulu que cette personne créée par la loi ait les
mêmes devoirs et soit assujettie aux mêmes obligations qu'im-
poserait le droit général aux individus agissant de la même
façon. [Soulignements ajoutés.]
Dans l'arrêt Mathias et al v. Findlay, [1978] 4
W.W.R. 653 (C.S.C.-B.), le juge Berger a accordé
une injonction interlocutoire qui enjoignait à un
membre d'une bande indienne de cesser d'entrer
abusivement sur des terres détenues en commun
par la bande. La demande d'injonction a été faite
par le chef et les membres du conseil de la bande,
qui estaient en justice en qualité de représentants
pour le compte de tous les membres de la bande.
Le juge Berger a écrit à la page 655:
[TRADUCTION] Ainsi la bande a le droit d'intenter une
action, qui doit être régulièrement introduite par voie d'action
collective, engagée par les membres du conseil de bande. Voir
l'arrêt Lindley v. Derrickson, C.-B., le juge Anderson, 30 mars
1976 (encore inédit). Voir aussi l'arrêt Mintuck v. Valley River
Band N' 63A .. .
Dans l'arrêt Alliance de la Fonction publique
du Canada c. Francis et autres, [1982] 2 R.C.S.
72; 139 D.L.R. (3d) 9; (1982), 44 N.R. 136; 82
C.L.L.C. 14,208; [1982] 4 C.N.L.R. 94, il a été
statué qu'un conseil de bande indienne était un
employeur en vertu du Code canadien du travail
[S.R.C. 1970, chap. L-1]. La Cour a statué à la
page 78 R.C.S.:
Le conseil de bande a été créé par la Loi sur les Indiens. Il a
reçu le pouvoir d'établir des statuts et doit employer du person
nel pour en assurer l'application. De fait, le conseil embauche
des employés qui travaillent pour lui et qu'il paie. Dans ces
circonstances, pour les fins du Code, je suis d'avis qu'on peut
valablement dire que le conseil est un employeur au sens de
cette loi. Ma conclusion trouve appui dans le par. 27(7) de la
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. 1-23, qui dispose que
les mots écrits au singulier comprennent le pluriel. Le mot
«personne» dans le Code comprend par conséquent «personnes».
Le conseil de bande est un groupe de personnes désigné auquel
les dispositions de la Loi sur les Indiens attribuent un rôle
particulier.
Dans l'arrêt R. v. Peter Ballantyne Indian Band
(1985), 45 Sask. R. 33 (B.R.), une bande indienne
a été tenue responsable d'une infraction au code de
la route en qualité de «propriétaire» d'un véhicule
automobile. La Cour a statué que la Loi sur les
Indiens laisse clairement entendre qu'une «bande»
indienne est une entité prévue par la loi composée
de «personnes» expressément définies, investie de
larges pouvoirs de propriété et de réglementation à
l'égard de ses membres. Ainsi il a été concédé que
la «Bande Peter Ballantyne» était clairement une
entité qui pouvait posséder des biens, y compris des
véhicules automobiles. La Cour a statué qu'étant
donné sa demande d'immatriculation d'un véhicule
automobile en qualité de «propriétaire» et l'autori-
sation consécutive de conduire le véhicule en ques
tion sur la route, elle ne pouvait pas, après avoir
été reconnue coupable d'une infraction au code de
la route, se retrancher derrière l'argument qu'elle
n'était pas une entité justiciable des cours de
justice.
Dans l'arrêt Martin v. B.C. (Govt.) (1986), 3
B.C.L.R. (2d) 60; [1986] 3 C.N.R.L. 84 (C.S.), le
juge McEachern a refusé d'accorder la modifica
tion de l'acte de procédure en vertu de laquelle un
demandeur nommément désigné aurait intenté une
poursuite pour le compte de deux bandes indien-
nes. Les demandeurs avaient intenté l'action en
cause pour établir des droits ancestraux ou d'au-
tres droits sur l'île Meares. Aux pages 65 et 66
B.C.L.R., le juge McEachern a dit:
[TRADUCTION] On n'a pas encore tranché la question de
savoir si les bandes indiennes sont des entités juridiques capa-
bles d'ester en justice, bien qu'elles soient reconnues par la Loi
sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. 1-6; Calder v. A.G.B.C.,
précité; Mintuck v. Valley River Band No. 63A, [1977] 2
W.W.R. 309, 2 C.C.L.T. 1, 75 D.L.R. (3d) 589 (C.A. Man.);
Mathias v. Findlay, [1978] 4 W.W.R. 653 (C.S.C: B.); Cache
Creek Motors Ltd. v. Porter (1979), 14 B.C.L.R. 13 (C.
comté); et King v. Gull Bay Indian Band (1983), 38 C.P.C. 1
(C. dist. Ont.).
L'objection de M. Plant à l'égard de tout ceci, c'est que ces
modifications, si elles étaient apportées, retranchent de l'action
les membres individuels des bandes, des tribus ou des nations et
dans l'éventualité où l'action devait être rejetée à l'égard de
quelque motif, elle pourrait devoir être recommencée afin
d'établir les droits des membres individuels. A mon sens, toutes
les mesures nécessaires doivent être prises pour faire en sorte
que les membres soient liés par l'issue de l'action.
Comme je l'ai dit aux, avocats au cours de l'audience, ces
demandes sont centrées sur un problème, et j'estime que la
meilleure solution est de parer à toute éventualité en s'assurant
que tous les intérêts réguliers sont représentés, et de laisser le
juge de première instance décider, selon la preuve, si les droits
invoqués dans l'action, s'il en est, appartiennent aux bandes ou
à d'autres entités ou aux membres. Je propose donc, sous
réserve de l'accord des avocats et du consentement des repré-
sentants des demandeurs, d'adopter l'intitulé de cause suivant:
MOSES MARTIN estant pour son propre compte et pour le
compte de la BANDE INDIENNE CLAYOQUOT et pour le
compte de tous les autres membres de ladite bande, ses tribus
et ses nations.
Il devra y avoir un libellé semblable à l'égard de la bande
Ahousaht quand un représentant aura été nommé et une dési-
gnation semblable des demandeurs. Puis, comme je l'ai dit, le
juge de première instance devra préciser à qui iront les avanta-
ges d'un quelconque jugement.
Dans l'arrêt Kucey v. Peter Ballantyne Band
Council, [1987] 3 W.W.R. 438; 16 C.P.C. (2d) 59;
(1987), 57 Sask. R. 29 (C.A.), il a été statué que
puisque les conseils de bande jouissent de pouvoirs
considérables de s'engager par contrat et de con-
tracter des obligations, ils peuvent ester en justice
pour leur propre compte. La Cour a statué que de
telles entités ont une existence légale qui trans-
cende celle de leurs membres individuels. Le
recueil qui relate cette affaire ne révèle pas la
nature de l'action contre le conseil de bande.
Je n'ai pas mentionné l'arrêt Regina v. Coc-
hrane, [1977] 3 W.W.R. 660 (C. comté Man.),
qui m'a été cité, parce que je ne l'estime aucune-
ment utile à l'analyse de la question.
Finalement, la question a encore été soulevée
dans l'arrêt Oregon Jack Creek Indian Band Chief
v. C.N.R. (1989), 56 D.L.R. (4th) 404; 34
B.C.L.R. (2d) 344 (C.A.). Dans cette affaire, les
demandeurs allèguent que les défendeurs sont res-
ponsables d'atteintes au droit de propriété commi-
ses sur les terres indiennes et contre des pêcheries
indiennes. Les demandeurs, trente-six chefs
indiens, ont introduit l'action en estant en justice
pour leur propre compte et pour le compte de tous
les membres de leurs bandes respectives. Les
demandeurs ont alors demandé à ajouter à l'inti-
tulé de la cause de façon à inclure non seulement
une revendication pour le compte de tous les mem-
bres de chaque bande mais aussi une revendication
pour le compte de tous les membres de trois
nations. Le juge des référés a statué que le deman-
deur approprié en vertu de la Loi sur les Indiens
était la bande, et que le demandeur approprié en
matière de revendication autochtone était la
nation. Il a affirmé que ces revendications étaient
de nature indirecte et qu'il ne pouvait y être
procédé qu'avec l'autorisation de la bande ou de la
nation respectivement. Or, rien ne prouvait que les
demandeurs avaient l'autorisation de la bande ou
de la nation. Il semble que le juge des référés ait
statué que les demandeurs ne pouvaient obtenir
gain de cause à moins qu'ils ne puissent établir que
la nation pour le compte de laquelle ils préten-
daient ester en justice existait encore. La Cour
d'appel a infirmé le juge des référés et a permis
que les deux revendications soient faites pour le
compte de la collectivité comme le voulaient les
demandeurs. La Cour a dit aux pages 348 et 349
B.C.L.R.:
[TRADUCTION] L'important est de déterminer si les droits
dont il est dit qu'ils seront enfreints par le CN appartiennent
aux bandes et aux nations, ou s'ils sont détenus au profit des
membres des bandes et des nations. Le juge des référés a statué,
et les défendeurs soutiennent, que si des droits existent, ils
doivent appartenir aux bandes et aux nations, et leur respect ne
peut être assuré que par une action oblique intentée avec
l'autorisation de l'entité juridique titulaire des droits.
Il est nécessaire d'étudier la distinction qui existe entre une
action collective (class action) qui est de nature indirecte, et un
recours collectif (representative action) par des personnes ayant
le même intérêt dans l'objet du litige. Les actions collectives de
type indirect (derivative type class actions) sont celles qui
visent un préjudice causé à l'entité à laquelle appartiennent les
membres. Une telle action peut être engagée par un ou des
membres, mais elle l'est pour le compte de l'entité. Un recours
collectif peut être invoqué par des personnes qui font valoir un
droit commun, et même lorsque des personnes peuvent avoir été
lésées de façon individuelle. On trouvera une discussion détail-
lée du concept du recours collectif dans l'arrêt Naken v. Gen.
Motors of Can. Ltd., [1983] 1 R.C.S. 72, 32 C.P.C. 138, 144
D.L.R. (3d) 385, 46 N.R. 139 [Ont.], commençant à la p. 78.
Il n'est pas contesté que les droits que l'on fait valoir sont des
droits communautaires. Dans l'arrêt Joe v. Findlay, 26
B.C.L.R. 376, [1981] 3 W.W.R. 60, 122 D.L.R. (3d) 377, la
page 379, cette Cour a statué que le droit prévu par la loi relatif
à l'usage et au profit des terres de réserve était un droit collectif
en commun conféré et revenant aux membres de la bande en
tant que collectivité et non aux membres de la bande
individuellement.
Dans l'affaire Twinn c. Can., [1987] 2 C.F. 450, 6 F.T.R.
(T.D.), les demandeurs estaient en justice pour leur propre
compte et pour le compte de tous les autres membres de leurs
bandes respectives. La requête visant la radiation de la déclara-
tion au motif que les demandeurs ne pouvaient pas intenter
l'action en qualité d'action collective a été rejetée. Le juge
Strayer a dit à la p. 462:
Les droits ancestraux sont essentiellement des droits commu-
nautaires, et il convient donc que ceux qui prétendent appar-
tenir à la collectivité à laquelle se rattachent ces droits se
constituent demandeurs dans une action pour justifier ces
droits: voir Attorney General for Ontario v. Bear Island
Foundation et al. (1984), 15 D.L.R. (4th) 321 (H.C. Ont.),
aux pages 331 et 332.
Dans l'affaire A.G. Ont. v. Bear Island Foundation; Potts v.
A.G. Ont., 49 O.R. (2d) 353, 15 D.L.R. (4th) 321, [1985] 1
C.N.L.R. 1 (H.C.), trois demandeurs individuels ont défendu
des droits ancestraux pour leur propre compte et pour le
compte de tous les autres membres de la tribu, et de tous les
autres membres d'une bande inscrite qui constituait un sous-
groupe de la tribu. Le juge Steele a conclu que la bande
inscrite, n'étant pas une personne morale, était représentée
régulièrement par son chef et les autres membres. La tribu était
régulièrement représentée par des personnes qui affirmaient en
faire partie.
La Loi sur les Indiens reconnaît la nature communautaire des
droits protégés par la Loi. La bande, par définition, est «un
groupe d'Indiens ..., à l'usage et au profit communs desquels
des terres ... ont été mises de côté» (par. 2(1) «bande» a). Les
pouvoirs conférés à une bande sont exercés en vertu du consen-
tement de ses membres (par. 2(3)). La cession des terres est
nulle à moins qu'elle ne soit sanctionnée par une majorité des
membres (art. 39). Le droit d'un Indien ou d'une bande (un
groupe d'Indiens) de rechercher un droit ou une réparation en
matière de violation du droit de propriété est préservé par le
paragraphe 31(3) de la Loi. Bref, le pouvoir appartient à
l'ensemble des membres.
Il n'est pas nécessaire en l'espèce de décider dans quelles
situations la bande peut être considérée comme une personne
juridique aux fins d'engager une action. Il suffit de souligner
qu'une action collective peut être intentée par les membres du
conseil de bande (Mathias v. Findlay, [1978] 4 W.W.R. 653
(C.S.)), ou par un chef de bande pour son propre compte, et
pour la majorité de sa bande (Pap-Wee -In v. Beaudry, [1933]
I W.W.R. 138 (B.R. Sask.)).
La question en l'espèce n'est pas de savoir si une bande, par
l'intermédiaire des membres de son conseil, peut intenter une
action pour trouble de jouissance, mais plutôt de savoir si le
chef d'une bande (un groupe d'Indiens) peut engager une
action collective pour son compte et pour le compte de tous les
autres membres de la bande afin de faire valoir leurs droits
communautaires. Le droit des membres d'une bande d'intenter
une action pour trouble de jouissance pour leur propre compte
et celui d'autres membres de la bande a été confirmé par l'arrêt
Custer v. Hudson's Bay Co. Dey. Ltd., [1983] 1 W.W.R. 566 à
la page 569, 141 D.L.R. (3d) 722, [1982] 3 C.N.L.R. 30,
[1983] I C.N.L.R. 1, 20 Sask. R. 89 (B.R.) (motifs du juge
d'appel Cameron fondés sur le par. 31(3) de la Loi sur les
Indiens).
L'arrêt Pasco est actuellement soumis à la Cour
suprême du Canada.
À la lumière de tout ceci, l'avocat des deman-
deurs demande maintenant que les particuliers
désignés nommément soient autorisés à se désister
en qualité de demandeurs aussi bien dans la
mesure dans laquelle ils poursuivent pour leur
propre compte que dans celle où ils poursuivent
pour le compte d'autres personnes. L'avocat agit
de la sorte dans le but d'éviter une demande
d'interrogatoire préalable que l'on ne fait pas
actuellement et qui n'a jamais été faite. Il soutient
que la jurisprudence a clairement laissé sans solu
tion la question de savoir si une bande peut ou non
ester en justice en son propre nom, seule, pour
violation du droit de propriété sur des terres de
réserve, et de la sorte lier tous les membres de la
bande. Il affirme que c'est là la question qui
devrait être décidée dans le cadre de cette
demande.
Je ne suis pas de cet avis. Bien que je puisse
convenir que la jurisprudence n'a pas réglé la
question de la capacité d'une bande (ou du conseil
de bande) de lier tous les membres de la bande
(cette question devrait être décidée compte tenu
des dispositions pertinentes de la Loi sur les
Indiens, particulièrement les articles 30 et 31, et
compte tenu des règles de la Cour applicables, en
l'occurence, les Règles de la Cour fédérale), je
n'estime pas qu'il faille répondre à la question aux
fins de statuer sur cette demande.
À mon sens, la situation présente n'est tout
simplement pas une situation dans laquelle la Cour
devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de
façon à permettre aux demandeurs de se désister.
Le seul et unique motif du désistement recherché
est de tenter d'éviter l'interrogatoire préalable. La
Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétion-
naire à l'appui de cet objectif. Pour ce seul motif,
je refuserais d'accorder le désistement recherché
en l'espèce. Il existe en outre, vu le caractère
flottant de la jurisprudence, une certaine incerti-
tude quant au préjudice que pourrait causer le
désistement aux défenderesses. Il est possible
qu'un jugement qui serait rendu à la suite d'une
action engagée au nom de la (des) bande(s) uni-
quement ne lierait pas tous les membres de la
bande. Comme l'a dit le juge McEachern dans
l'arrêt Martin, précité, l'objectif poursuivi à ce
stade de la procédure devrait être de parer à toute
éventualité. Il n'est pas approprié d'adopter une
façon de procéder qui est des plus incertaines et
qui augmenterait plutôt qu'elle ne diminuerait le
risque de mesures interlocutoires.
Il est clair que l'action des demandeurs, dans
son intitulé actuel, n'est pas irrégulière parce
qu'elle est intentée aussi bien pour le compte de la
(des) bande(s) que pour le compte du chef et des
membres du conseil qui estent en justice pour leur
propre compte et en leur qualité de représentants
des autres membres de la bande. Tout au plus,
l'adjonction des demandeurs individuels peut être
redondante. Quelle que soit l'issue du pourvoi dans
l'affaire Pasco, l'intitulé de la présente action suit
une pratique qui est à la fois appropriée et accep
table dans l'état actuel du droit. Pour les motifs
donnés, la requête des demandeurs en vue de se
désister de leurs actions intentées à titre individuel
et collectif est rejetée.
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