A-159-88
Canadian Transit Company (requérante)
c.
Commission des relations de travail, dans la Fonc-
tion publique, Conseil du Trésor, Carlo Barzotto,
Ron Lauzon et Larry Macko (intimés)
RÉPERTORIÉ: CANADIAN TRANSIT CO. c. CANADA (COMMIS-
SION DES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLI-
QUE) (C.A.)
Cour d'appel, juges Pratte, Marceau and MacGui-
gan, J.C.A.—Ottawa, 27 avril et 13 juin 1989.
Contrôle judiciaire — Demandes de révision — La Com
mission des relations de travail dans la Fonction publique
enquête sur la sécurité des conditions de travail au pont
Ambassador entre Windsor et Detroit — La Commission a
conclu à l'existence de conditions constituant un danger et elle
a ordonné à l'employeur de rectifier la situation — La requé-
rante, propriétaire du pont, n'a pas été formellement avisée de
l'audience et n'a pas eu l'occasion de se faire entendre bien
qu'elle soit responsable, en vertu de l'art. 6 de la Loi sur les
douanes, du coût des améliorations — La requérante a droit à
un avis d'audition et à la possibilité raisonnable de se faire
entendre — L'art. 6 rend son intérèt direct et nécessaire —
L'autorité de la Commission se limite à ordonner à l'em-
ployeur de corriger les défauts constatés — L'absence d'auto-
rité de la Commission sur la requérante ne rend pas moins
direct l'effet de sa décision — Le défaut de la requérante de
comparaître, bien qu'elle ait entendu des rumeurs au sujet de
la tenue d'une audience, ne constitue pas la renonciation au
droit à un avis formel.
Fonction publique — Relations du travail — La C.R.T.F.P.
infirme la décision que l'agent de sécurité avait rendue en
vertu du Code canadien du travail selon laquelle les conditions
de travail des inspecteurs des douanes au pont international
n'étaient pas dangereuses — La loi impose au propriétaire du
pont l'obligation d'assumer le coût des améliorations appor-
tées — La Commission refuse au propriétaire qualité pour
agir — Question de savoir si le propriétaire est directement et
nécessairement touché par la décision — Bien que la Commis
sion ait agi dans un contexte de relations entre employeur et
employé, elle était tenue de se prononcer sur la nature de
l'obligation faite au propriétaire par la loi — Bien que l'exé-
cution soit détournée, la propriété et les droits du propriétaire
sont touchés — La décision de la Commission est annulée.
Douanes et accise — Loi sur les douanes — Les propriétai-
res des ponts à péage internationaux sont tenus, en vertu de
l'art. 6, des dépenses nécessaires à la réfection de leurs instal
lations insatisfaisantes — Présence d'un intérêt suffisamment
direct et nécessaire pour que s'impose la signification au
propriétaire du pont d'un avis de la tenue d'une audience de la
C.R.T.F.P. sur les conditions de travail au pont, ainsi que la
possibilité de se faire entendre.
Il s'agit d'une demande d'annulation de la décision par
laquelle la Commission des relations de travail dans la Fonction
publique refusait d'accorder qualité pour agir à la requérante,
et refusait aussi de rouvrir une enquête fondée sur l'article 87
du Code canadien du travail et portant sur la sécurité des
conditions de travail au pont Ambassador entre Windsor
(Ontario) et Detroit (Michigan). La requérante était la pro-
priétaire et l'exploitante du pont. Selon l'article 6 de la Loi sur
les douanes, le propriétaire de tout pont à péage international
est tenu de fournir des installations propres à permettre la
retenue et la visite de marchandises importées, et l'article
considère insatisfaisante toute installation non conforme aux
conditions prévues à la Partie II du Code canadien du travail.
La disposition rend aussi le propriétaire responsable des dépen-
ses raisonnables nécessitées par la correction des lacunes. La
requérante n'a jamais été formellement avisée de l'audience de
la Commission, bien qu'elle en ait eu connaissance une semaine
à l'avance et qu'un stagiaire de l'étude des avocats de la
requérante ait été présent, sans révéler sa présence. La Com
mission a conclu à l'existence d'un danger au lieu de travail, et
elle a ordonné à l'employeur de prendre des mesures correcti
ves. L'employeur a demandé au propriétaire de prendre ces
mesures dans un certain délai, faute de quoi l'employeur corri-
gerait lui-même la situation. Le propriétaire serait en fin de
compte tenu des dépenses engagées en vertu de l'article 6 de la
Loi sur les douanes. Les questions litigieuses étaient les suivan-
tes: (1) la Commission était-elle tenue de donner à la requé-
rante avis de l'audience tenue et la possibilité suffisante de s'y
faire entendre? et (2) la requérante a-t-elle renoncé à son droit
à un avis et à la possibilité suffisante de se faire entendre par
son défaut de se présenter à l'audience alors qu'elle était au
courant de celle-ci?
Arrêt: la demande devrait être accueillie.
Le juge Marceau, J.C.A. (le juge Pratte souscrit aux motifs):
Un particulier doit être touché directement et nécessairement
par une décision pour avoir qualité pour agir. Son intérêt ne
doit pas être simplement indirect ou éventuel. L'article 6 de la
Loi sur les douanes a rendu cet intérêt direct et nécessaire.
Bien qu'elle ait été appelée à agir dans un contexte de relations
entre un employeur et ses employés et dans l'exercice de
l'autorité que lui confère le Code canadien du travail, la
Commission devait de fait, se prononcer sur la nature de
l'obligation faite à la requérante par l'article 6 de la Loi sur les
douanes. Le fait que la Commission n'ait pas eu autorité sur la
requérante et que la décision de la Commission ait été exécutée
de façon quelque peu détournée ne diminuait pas l'effet de cette
dernière sur la propriété et les droits de la requérante.
Le juge MacGuigan, J.C.A.: Même s'il faut considérer que la
Partie IV du Code est visée par la règle de justice naturelle
selon laquelle il faut entendre l'autre partie (audi alteram
partem), la question demeure de savoir si l'intérêt de la requé-
rante était suffisamment direct pour exiger qu'elle soit avisée
de l'audience et qu'elle ait la possibilité suffisante de s'y faire
entendre. Des décisions récentes témoignent d'une interpréta-
tion pragmatique du terme «partie», selon laquelle on s'est
demandé si ceux qui n'ont pas eu la possibilité de se faire
entendre seraient adéquatement représentés par une partie plus
directement concernée. En l'espèce, l'employeur n'avait aucun
intérêt réel à s'opposer aux modifications apportées aux condi
tions de travail de ses employés puisqu'il n'était pas responsable
des coûts afférents. La requérante avait à présenter un point de
vue pertinent et particulier, étant responsable des coûts qu'en-
traînait la décision de la Commission. Cet intérêt réel avait un
lien suffisamment direct avec la question dont était saisie la
Commission pour donner droit à la requérante à un avis de
l'audience et à la possibilité suffisante d'y exposer son point de
vue, même si cela ne s'applique pas aux enquêtes menées par les
agents de sécurité.
L'avis de l'audience que la requérante a eu tenait à la vague
rumeur, à laquelle elle ne pouvait raisonnablement être censée
donner crédit. La connaissance précise qu'a eu la requérante de
l'audience ne visait que la tenue de l'audience, et non les
questions qui y seraient débattues. Cela était insuffisant,
compte tenu de l'avis formel donné aux parties.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art.
85(1) (mod. par S.C. 1984, chap. 39, art. 20), 87
(mod., idem), 103 (mod., idem).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
28.
Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2' Supp.), chap. 1,
art. 6(1),(4) (édicté par L.C. 1987, chap. 32, art. 1),
(5) (édicté, idem), (6) (édicté, idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autres, [1980] 2 R.C.S. 735; 33 N.R. 304.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Appleton c. Eastern Provincial Airways Ltd., [1984] 1
C.F. 367; 2 D.L.R. (4th) 147 (C.A.); Okanagan Helicop
ters Ltd. c. Assoc. canadienne des pilotes d'hélicoptères,
[1986] 2 C.F. 56; 64 N.R. 135 (C.A.); Alliance des
Professeurs Catholiques de Montréal v. Quebec Labour
Relations Board, [1953] 2 R.C.S. 140; [1953] 4 D.L.R.
161; 107 C.C.C. 183.
DÉCISION CITÉE:
Cooper v. Wandsworth Board of Works (1863), 14 C.B.
(N.S.) 180; 143 E.R. 414 (Eng. C.P.).
AVOCATS:
Theodore Crljenica pour la requérante.
Andrew J. Raven pour les intimés Carlo Bar-
zotto, Ron Lauzon et Larry Macko.
Charlotte A. Bell pour l'intimé, le Conseil du
Trésor.
PROCUREURS:
McTague, Clark, Windsor, pour la requé-
rante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour les intimés
Carlo Barzotto, Ron Lauzon et Larry Macko.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé, le Conseil du Trésor.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A.: Je suis d'accord
avec mon collège le juge MacGuigan pour dire que
la Commission intimée n'aurait pas dû rendre sa
décision avant d'avoir donné à la Transit Company
requérante l'entière possibilité de se faire entendre.
Il me semble clair que le seul intérêt dans l'issue
éventuelle d'une affaire soumise à un tribunal,
qu'il soit pécuniaire ou autre, ne suffit pas en
lui-même à conférer à un particulier qualité pour
agir. Les exigences de la justice naturelle et de
l'équité dans la procédure n'en demandent certai-
nement pas tant, et en tout état de cause, il serait
impossible en pratique d'aller jusque là. À mon
sens, pour compter au nombre des parties intéres-
sées auxquelles un tribunal doit accorder qualité
pour agir dans une affaire dont il est saisi afin de
satisfaire aux exigences de la règle audi alteram
partem, un particulier doit être touché directement
et nécessairement par la décision à rendre. Son
intérêt ne doit pas être simplement indirect ou
éventuel, comme c'est le cas lorsqu'une décision
peut l'atteindre par un intermédiaire étranger aux
préoccupations du tribunal, tel un rapport contrac-
tuel avec une des parties directement concernées.
L'intérêt de la requérante dans l'issue de l'af-
faire soumise ici à la Commission était-il simple-
ment indirect et éventuel au sens que je viens
d'expliquer? Je ne le crois pas. À mon avis, l'arti-
cle 6 de la Loi sur les douanes [L.R.C. (1985) (2 e
Supp.), chap. 1] rend cet intérêt direct et néces-
saire. En effet, le paragraphe 6(1) de cette Loi
prévoit que le propriétaire de tout pont internatio
nal à péage est tenu de fournir et d'entretenir des
installations propres à permettre aux agents de
procéder à la visite des marchandises, et le para-
graphe 6(4) [édicté par S.C. 1987, chap. 32, art.
1] stipule que les installations non conformes aux
conditions prévues à la Partie IV du Code cana-
dien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1] sont
réputées ne pas être satisfaisantes. Je cite ces
dispositions:
6. (1) Est tenu de fournir, d'équiper et d'entretenir sans
frais pour Sa Majesté, sur les lieux ou à leur proximité, les
locaux ou autres installations propres à permettre aux agents de
procéder, dans les conditions voulues, à la retenue et à la visite
des marchandises importées, ainsi qu'à la fouille des personnes,
le propriétaire ou l'exploitant:
a) d'un pont ou d'un tunnel international dont l'usage est
assujetti à un péage ou autre redevance;
b) d'un chemin de fer international;
c) d'un aéroport, d'un quai, d'un bassin ou d'un dock qui
reçoit des moyens de transport internationaux relevant des
attributions d'un bureau de douane établi en vertu de
l'article 5.
(4) Les locaux ou autres installations fournis en application
du paragraphe (1) et non conformes aux conditions prévues à la
partie IV du Code canadien du travail sont réputés ne pas
satisfaire aux dispositions de ce paragraphe.
Ainsi, bien qu'elle ait été appelée à agir dans un
contexte de relations entre un employeur et ses
employés et dans l'exercice de l'autorité que lui
confère le Code canadien du travail, la Commis
sion devait, de fait, statuer sur le caractère satis-
faisant des installations de la Transit Company au
pont Ambassador ou, en d'autres termes, se pro-
noncer sur la nature de l'obligation faite à la
requérante par la loi, c'est-à-dire par l'article 6 de
la Loi sur les douanes.
Il est vrai que la Commission n'a pas autorité
sur la Transit Company, parce que celle-ci n'est
pas l'employeur visé par la plainte à l'origine de
l'instance, et que le Parlement n'a pas jugé bon,
dans les situations de ce genre, d'étendre les pou-
voirs de mise à exécution de la Commission au-
delà de ses limites naturelles circonscrites aux
relations entre employeur et employés, pour habili-
ter plutôt le ministre à procéder aux améliorations
nécessaires pour adapter les installations à leurs
fins selon les prescriptions de la Commission, et à
tenir la Transit Company responsable de toutes les
dépenses entraînées de la sorte'. La mise à exécu-
tion de la décision de la Commission se fait donc,
sans doute, de façon quelque peu détournée. Mais
à mon avis, cela ne concerne que le mode d'exécu-
tion et ne rend pas moins direct ni nécessaire
l'effet de la décision de la Commission sur la
propriété et les droits de la Transit Company.
Voici le libellé des paragraphes 6(5) [édicté par L.C. 1987,
chap. 32, art. 1] et 6(6) [mod., idem] de la Loi sur les
douanes:
(Suite à la page suivante)
Je statuerais donc sur la question comme le
propose mon collègue le juge MacGuigan.
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Ces deux
demandes fondées sur l'article 28 [Loi sur la Cour
fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7], qui ont été
entendues ensemble, portent sur le droit à un avis
et à la possibilité de se faire entendre.
La société requérante, créée par loi spéciale du
Parlement, est la propriétaire et l'exploitante de la
partie canadienne du pont Ambassador entre les
villes frontalières de Windsor (Ontario) et Detroit
(Michigan). Les particuliers intimés sont les
employés de Revenu Canada en leur qualité d'ins-
pecteurs de Douanes et Accise au pont Ambassa
dor. Entre les 19 et 25 novembre 1987, ils ont tous
exercé le droit que leur confère le paragraphe
85(1) [mod. par S.C. 1984, chap. 39, art. 20] de la
Partie IV du Code canadien du travail (de Code»),
S.R.C. 1970, chap. L-1, de refuser de travailler en
raison de situations qui constituaient un danger,
telles des lacunes dans les passages pour piétons,
dans l'éclairage, les feux de la circulation, le des-
sein des voies de sortie des camions, etc.
Le 25 novembre 1987, J. E. Sutherland, agent
de sécurité désigné en vertu du Code, enquêtait sur
ces refus de travailler et il en arrivait à la conclu
sion que les conditions de travail n'étaient pas
dangereuses, mais normales. Chacun des particu-
liers intimés a demandé à la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique, (da
Commission») conformément à l'article 87 [mod.,
(Suite de la page précédente)
6....
(5) Le ministre peut, sur préavis de trente jours au pro-
priétaire ou à l'exploitant d'un pont ou d'un tunnel interna
tional dont les locaux ou autres installations fournis en
application du paragraphe (1) ne sont pas adaptés aux fins
visées à ne paragraphe, procéder sur les lieux à tous travaux
de construction, de modification ou de réfection propres à les
y adapter.
(6) Le propriétaire ou l'exploitant d'un pont ou d'un
tunnel international est tenu de toutes les dépenses entraînées
pour le ministre en application du paragraphe (5), leur
recouvrement pouvant être effectué conformément aux arti
cles 143 à 145.
idem] du Code, d'examiner les faits. La Commis
sion a tenu une audience sur cette affaire le lundi,
21 décembre 1987.
Aucun représentant de la requérante n'était pré-
sent lorsque l'agent de sécurité a procédé à l'en-
quête sur les refus de travail, et la requérante n'a
reçu aucun avis de l'audience tenue par la Com
mission. Le gérant des opérations de la requérante
a tout de même appris la tenue d'une audience le
jeudi précédent celle-ci, soit le 17 décembre, et le
président en a été informé le jour suivant. La
requérante a aussi transmis ces renseignements à
ses avocats le 18 décembre. Personne d'autre du
cabinet juridique n'étant disponible le 21 décem-
bre, un étudiant en droit stagiaire a assisté à
l'audience en qualité d'observateur, sans informer
la Commission de sa présence.
Par lettre en date du 23 décembre, la requérante
a demandé à obtenir qualité pour participer à
l'audience et elle a sollicité la réouverture de l'af-
faire pour pouvoir participer aux procédures. La
Commission a répondu à cette requête le 20 jan-
vier 1988, et elle a refusé à la requérante qualité
pour agir ainsi que la réouverture de l'affaire,
(Dossier, pages 17 et 18):
[TRADUCTION] Pour ce qui concerne la présente espèce, il
n'est pas inusité que des fonctionnaires fédéraux exercent leurs
fonctions dans des lieux qui n'appartiennent pas au gouverne-
ment (fédéral). Dans de telles circonstances, comme vous l'avez
indiqué, le propriétaire des lieux susmentionnés n'est pas partie
aux procédures dont est saisie la Commission en vertu de
l'article 87 du Code, pas plus qu'il n'est mêlé à l'enquête et au
processus décisionnel de l'agent de sécurité prévus à l'article 86
du Code. De plus, selon les dispositions de la partie IV, ni
l'agent de sécurité ni la Commission ne sont habilités à donner
un ordre au propriétaire des lieux en cause.
Dans les circonstances, la Commission est d'avis que le lien
entre le droit réclamé par votre client et la question dont est
saisie la Commission, à savoir l'hygiène et la sécurité des
employés de Revenu Canada, Douanes et Accise, n'est pas
suffisant pour donner à votre client qualité pour agir dans les
procédures concernées. Votre demande de réexamen des procé-
dures est donc rejetée.
La demande fondée sur l'article 28 dans l'action
portant le numéro de greffe A-700-88 vise l'annu-
lation de cette «décision». La Commission a alors
rendu une décision de fond le 21 janvier 1988, dont
la partie essentielle se lit comme suit (Dossier,
page 24, recto et verso):
Je conclus d'après la preuve qu'il existe bien un danger au
lieu de travail, au sens de la Partie IV du Code canadien du
travail. Par conséquent, je ne confirme pas les décisions de
l'agent de sécurité. Je reconnais qu'un travail de cette nature
comporte un danger, mais ce danger doit être réduit au strict
minimum et ce, sans que cela nuise à l'efficacité des employés.
Cela n'a pas été fait au lieu de travail des requérants. Compte
tenu de ces constatations et eu égard à l'alinéa 87(1)b) ainsi
qu'au paragraphe 102(2) de la Partie IV du Code canadien du
travail, j'ordonne que l'employeur prenne les mesures correcti
ves suivantes dans les 90 jours suivant la date de la présente
décision:
1. Les feux rouges et verts qui se trouvent à tous les postes
de péage et qui servent actuellement à indiquer si ceux-ci
sont ouverts ou non seront changés par des feux portant
les mentions OUVERT et FERME.
NOTA: Les feux rouges et verts ne seront utilisés que
pour diriger la circulation.
2. Des feux de circulation rouges et verts qui seront action-
nés à partir des postes de péage seront installés aux postes
pour camions Ex 1, Ex 2 et Ex 3. Ceux-ci seront situés à
une distance suffisante de l'entrée de chaque poste pour
que la vue des chauffeurs ne soit pas obstruée par un
camion déjà arrêté au poste de péage.
3. Aux trois endroits susmentionnés, on peindra une ligne
pleine ainsi que le mot STOP sur le revêtement des voies
destinées aux camions.
4. Un nouveau passage pour piétons sera peint en travers des
voies d'arrivée des camions entre le poste de douanes n° 9,
le long de la rampe de ciment, jusqu'à un point situé en
face des postes de péage réservés aux voitures, puis en
travers des voies d'arrivée des camions jusqu'aux postes de
péage, puis en direction est, entre les postes de péage et la
rampe, jusqu'à un point situé à une longueur de voiture de
l'entrée des postes de péage, puis en direction nord, en
travers des voies des postes de péage jusqu'à la rampe
séparant ces voies et les voies de sortie des camions, puis
en direction est, sur la chaussée surélevée, du côté de la
voie réservée aux camions, jusqu'au poste Ex 2.
5. Des signaux d'arrêt aériens seront installés au-dessus des
nouveaux passages pour piétons et seront actionnés par
des boutons placés aux endroits appropriés.
La demande fondée sur l'article 28 dans l'affaire
portant le numéro de greffe A-159-88 vise l'annu-
lation de cette ordonnance.
Bien que selon son libellé, l'ordonnance de la
Commission ne s'adressait qu'à l'employeur, elle
avait des conséquences immédiates pour la requé-
rante. L'employeur lui a adressé une copie de
l'ordonnance de la Commission le 26 janvier,
suivie de la lettre suivante, le 5 février 1988 (Dos-
sier, Appendice I aux pages 10 et 11):
[TRADUCTION] Ceci fait suite à ma lettre en date du 26
janvier 1988, adressée par bélinographe à vos bureaux respec-
tifs, visant les mesures requises au pont à Windsor. Le minis-
tère s'attendait à ce que la question soit traitée convenablement
par le comité technique sur place à sa réunion du 3 février à
Windsor, et que des engagements fermes seraient pris relative-
ment à chacune des neuf mesures correctives rendues nécessai-
res par la décision de la Commission des relations de travail
dans la Fonction publique.
Étant donné l'importance qu'il y a de prendre ces mesures
dans les 90 jours de la décision, il est nécessaire à ce stade-ci
d'obtenir des autorités du pont l'engagement ferme de corriger
les lacunes constatées. Je dois donc exiger une réponse officielle
de votre part ou de celle de votre client, au plus tard le 12
février 1988, confirmant que les travaux requis pour l'applica-
tion des neuf mesures correctives seront dûment entrepris con-
formément à la décision de la CRTFP.
En l'absence de cette réponse affirmative à la fermeture des
bureaux le 12 février, le ministre n'aura d'autre choix que
d'appliquer les mesures prévues à l'article 6 de la Loi sur les
douanes pour remédier à la situation.
Voici le libellé de l'article 6 de la Loi sur les
douanes, L.R.C. (1985) (2 e Supp.), chap. 1, édicté
par L.C. 1987, chap. 32:
6. (1) Est tenu de fournir, d'équiper et d'entretenir sans
frais pour Sa Majesté, sur les lieux ou à leur proximité, les
locaux ou autres installations propres à permettre aux agents de
procéder, dans les conditions voulues, à la retenue et à la visite
de marchandises importées, ainsi qu'à la fouille des personnes,
le propriétaire ou l'exploitant:
a) d'un pont ou d'un tunnel international dont l'usage est
assujetti à un péage ou autre redevance;
b) d'un chemin de fer international;
c) d'un aéroport, d'un quai, d'un bassin ou d'un dock qui
reçoit des moyens de transport internationaux relevant des
attributions d'un bureau de douane établi en vertu de
l'article 5.
(2) Le ministre a, en ce qui concerne les installations visées
au paragraphe (1), le droit:
a) de leur apporter les améliorations qu'il estime souhaita-
bles;
b) d'apposer à leur emplacement ou à leurs abords les
indications qu'il estime propres à en permettre un usage
sécuritaire ou à assurer le contrôle d'application de la législa-
tion relative à l'importation ou à l'exportation des marchan-
dises ou à la circulation internationale des personnes;
c) d'en faire usage aussi longtemps qu'il en a besoin.
Nul ne peut entraver l'exercice du droit ainsi conféré.
(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, détermi-
ner les locaux ou autres installations adaptés aux fins visées au
paragraphe (1).
(4) Les locaux ou autres installations fournis en application
du paragraphe (1) et non conformes aux conditions prévues à la
partie IV du Code canadien du travail sont réputés ne pas
satisfaire aux dispositions de ce paragraphe.
(5) Le ministre peut, sur préavis de trente jours au proprié-
taire ou à l'exploitant d'un pont ou d'un tunnel international
dont les locaux ou autres installations fournis en application du
paragraphe (1) ne sont pas adaptés aux fins visées à ce paragra-
phe, procéder sur les lieux à tous travaux de construction, de
modification ou de réfection propres à les y adapter.
(6) Le propriétaire ou l'exploitant d'un pont ou d'un tunnel
international est tenu de toutes les dépenses entraînées pour le
ministre en application du paragraphe (5), leur recouvrement
pouvant être effectué conformément aux articles 143 à 145.
Deux questions sont soulevées par les faits en
l'espèce: (1) la Commission était-elle tenue de
donner à la requérante avis de l'audience du 21
décembre ainsi que la possibilité suffisante de s'y
faire entendre? (2) Si la réponse à la première
question était favorable à la requérante, cette der-
nière a-t-elle renoncé à son droit à un avis et à la
possibilité suffisante de se faire entendre par son
défaut de se présenter à l'audience du 21 décembre
alors qu'elle était au courant de celle-ci?
Le principe le plus fondamental au droit admi-
nistratif, en common law, est probablement la
règle audi alteram partem, une règle de justice
naturelle qui veut que les parties reçoivent un avis
suffisant et la possibilité de se faire entendre, et au
moins depuis l'arrêt Cooper v. Wandsworth Board
of Works (1863), 14 C.B. (N.S.) 180, la page
194; 143 E.R. 414, la page 420 (Eng. C.P.), les
tribunaux ont eu recours à «la justice propre à la
common law» pour «suppléer à l'omission de la
législature» lorsqu'une loi autorisant une atteinte
aux droits civils ou de propriété reste silencieuse
sur la question des avis et des audiences.
Cette opinion a été énergiquement exprimée par
le juge Rinfret, juge en chef du Canada, dans
l'arrêt Alliance des Professeurs Catholiques de
Montréal v. Quebec Labour Relations Board,
[1953] 2 R.C.S. 140, la page 154; [1953] 4
D.L.R. 161, la page 174; 107 C.C.C. 183, la
page 197:
Le principe que nul ne doit être condamné ou privé de ses
droits sans être entendu, et surtout sans avoir même reçu avis
que ses droits seraient mis en jeu est d'une équité universelle et
ce n'est pas le silence de la loi qui devrait être invoqué pour en
priver quelqu'un. À mon avis, il ne faudrait rien moins qu'une
déclaration expresse du législateur pour mettre de côté cette
exigence qui s'applique à tous les tribunaux et à tous les corps
appelés à rendre une décision qui aurait pour effet d'annuler un
droit possédé par un individu.
Il est vrai que la Partie IV du Code canadien du
travail ne contient aucune mention explicite du
Parlement relativement aux personnes devant rece-
voir avis d'une audience tenue conformément à
l'article 87, mais l'intimée a fait valoir que l'inten-
tion de la Partie est d'offrir un processus rapide et
sommaire pour établir si un lieu de travail consti-
tue ou contient quelque chose de dangereux pour
les employés, et que la seule préoccupation de la
Commission lors d'une telle audience doit viser les
droits respectifs des employés et de l'employeur.
L'intimée a souligné que la question de l'au-
dience visée à l'article 87 ne peut se soulever que si
l'agent de sécurité conclut à l'absence de danger,
car si l'agent détermine qu'il y a danger et donne
des instructions à cet égard, une demande ne peut
être adressée qu'à l'agent régional de sécurité con-
formément à l'article 103 [mod. par S.C. 1984,
chap, 39, art. 20], et ce droit doit être invoqué
seulement par les personnes mentionnées à cet
article: «un employeur, un employé ou un syndicat
qui se sent lésé par des instructions données par
l'agent de sécurité en vertu de la présente
Partie...» On a par conséquent soutenu que c'était
là une indication supplémentaire que le proprié-
taire des lieux concernés ne devrait pas avoir le
droit de participer à l'audience devant la
Commission.
Néanmoins, il semble clair selon la jurispru
dence que lorsque la décision d'un tribunal tou-
chant des droits peut être considérée comme étant
quasi judiciaire plutôt que simplement administra
tive, il a toujours été certain que les règles de la
justice naturelle s'appliquaient: Procureur général
du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autres,
[1980] 2 R.C.S 735 la page 746; 33 N.R. 304 à
la page 315 (motifs du juge Estey). Il est vrai que
cet arrêt soulignait la nécessité de rechercher dans
la loi concernée la raison pour laquelle on consi-
dère désormais que le champ d'application de la
justice naturelle s'étend non seulement aux actes
quasi judiciaires mais aussi à ceux de nature pure-
ment administrative (aux pages 755 R.C.S.; 323
N.R.):
Même s'il est exact que l'obligation de respecter l'équité dans
la procédure, qu'exprime la maxime audi alteram partem, n'a
pas être expresse (Alliance des Professeurs Catholiques de
Montréal c. Commission des Relations Ouvrières de la Pro
vince de Québec ([1953] 2 R.C.S. 140)) elle n'est pas implicite
dans tous les cas. Il faut toujours considérer l'économie globale
de la loi pour voir dans quelle mesure, le cas échéant, le
législateur a voulu que ce principe s'applique. Je suis d'avis que
le pouvoir de surveillance de l'art. 64, comme celui en cause
dans l'arrêt Davisville, précité, est conféré aux membres du
Cabinet pour leur permettre de répondre aux préoccupations
politiques, économiques et sociales du moment. En vertu de
l'art. 64, le Cabinet exerce, à titre d'Exécutif du gouvernement,
le pouvoir que lui a délégué le législateur de fixer les tarifs
appropriés pour le service téléphonique de Bell. Cependant, à
moins que la loi habilitante n'en dispose autrement, le Cabinet
doit être libre de consulter toutes les sources auxquelles le
législateur lui-même aurait pu faire appel s'il s'était réservé
cette fonction.
Par ces mots le juge Estey n'entendait pas, à
mon sens, limiter le champ d'application tradition-
nel des principes de justice naturelle. Je crois qu'il
conseillait une approche plus fonctionnelle qui
élargirait plutôt qu'elle ne restreindrait ces princi-
pes, dont les limites extrêmes ne devaient être
fixées, selon lui, qu'aux fonctions largement légis-
latives, comme il l'a souligné plus loin (aux pages
758 R.C.S.; 325 et 326 N.R.):
La solution ne réside pas dans la recherche constante de mots
qui établiront clairement et dans tous les cas une distinction
entre ce qui est judiciaire et administratif d'une part, et admi-
nistratif et législatif de l'autre. On peut dire que l'utilisation du
principe d'équité, comme dans l'arrêt Nicholson [[1979] 1
R.C.S. 311; 23 N.R. 410], rendra la distinction inutile dans les
cas où le tribunal ou l'organisme remplit une fonction relative à
ce qui s'apparente à un litige ou lorsque l'organisme est «chargé
d'enquête» comme dans l'arrêt Selvarajan [[1975] 1 W.L.R.
1686; [1976] 1 All E.R. 12 (C.A.)]. Si, cependant, l'Exécutif
s'est vu attribuer une fonction auparavant remplie par le légis-
latif lui-même et que la res ou l'objet n'est pas de nature
personnelle ou propre au requérant ou à l'appelant, l'on peut
croire que des considérations différentes entrent en jeu.
L'application des principes de justice naturelle à
de tels cas ne résout évidemment pas le problème.
Même si, comme je le crois, il faut considérer que
la Partie IV du Code est visée par la règle de la
common law selon laquelle il faut entendre l'autre
partie (audi alteram partem), la question demeure
de savoir si l'intérêt de la requérante était suffi-
samment direct pour exiger, en l'espèce, qu'elle
soit avisée de l'audience et qu'elle ait la possibilité
suffisante de s'y faire entendre.
Il est clair que la requérante n'est pas une partie
directe au sens le plus littéral du mot. L'ordre
s'adresse à l'employeur, et la requérante n'est pas
aussi directement visée que les requérantes ayant
eu gain de cause dans l'arrêt Appleton c. Eastern
Provincial Airways Ltd., [1984] 1 C.F. 367; 2
D.L.R. (4th) 147 (C.A.), dans lequel cette Cour a
conclu que les pilotes remplaçants congédiés
durant une grève des pilotes étaient des parties
directement affectées en vertu du paragraphe
28(2) de la Loi sur la Cour fédérale, et qu'ils
avaient eux aussi droit de recevoir un avis et la
possibilité suffisante de se faire entendre. Dans
cette affaire, la question plus générale portait sur
la question connexe visée au paragraphe 28(2),
laquelle ne s'est pas soulevée en l'espèce. Le juge
en chef Thurlow a dit pour la majorité (aux pages
371 C.F.; 150 D.L.R.):
Je pense également que ces pilotes sont des «parties» au sens
du paragraphe 28(2). La loi offre un recours et, comme le
faisait observer le juge Le Dain dans Le Syndicat canadien des
télécommunications, division n» 1 des Travailleurs unis du
télégraphe c. La Fraternité canadienne des cheminots,
employés des transports et autres ouvriers, et autres, [1982] 1
C.F. 603 [C.A.], à la page 611, il convient de donner au mot
«partie» une interprétation large de manière à inclure un requé-
rant dont les droits sont directement affectés par l'ordonnance
et auquel aurait du [sic] être offerte la possibilité d'être partie,
qu'il ait ou non été constitué partie à ces procédures au sens
technique du terme. Les requérants en l'instance, qu'ils aient
été employés par la compagnie avant le début de la grève ou
qu'ils aient été engagés après le début de la grève, étaient tous
membres de l'unité de négociation dont l'agent accrédité était
ACPLA. En leur qualité de membres de cette unité, ils sont liés
par la convention collective qui a été établie par le Conseil dans
son ordonnance. Il est toutefois évident que leurs intérêts sont
opposés à ceux de ACPLA. En leur qualité de membres de
l'unité représentée par ACPLA, ils étaient à mon avis des
parties de facto et, en tant que personnes dont les intérêts
allaient être touchés par l'ordonnance, ils étaient des personnes
auxquelles aurait du [sic] être offerte la possibilité d'être
parties avant le prononcé d'une telle ordonnance.
Cette remarque incidente me semble favoriser
une interprétation pragmatique, selon laquelle on
se demanderait notamment si ceux qui n'ont pas la
possibilité de se faire entendre seraient adéquate-
ment représentés par une partie plus directement
concernée. C'est aussi là l'approche adoptée par
cette Cour dans l'arrêt Okanaga Helicopters Ltd.
c. Assoc. canadienne des pilotes d'hélicoptères,
[1986] 2 C.F. 56; 64 N.R. 135 (C.A.), qui a
conclu que certains employés dissidents étaient des
parties nécessaires aux procédures devant le tribu
nal. Le juge Hugessen, a trouvé concluant, au nom
de la Cour, le fait que «les intérêts du syndicat et
ceux des employés dissidents étaient directement
opposés» (aux pages 69 C.F.; 143 N.R.).
En l'espèce, on ne peut dire que les intérêts de
l'employeur et ceux de la requérante étaient totale-
ment opposés, mais on peut dire que l'employeur
n'avait aucun intérêt réel à s'opposer aux modifi-
cations apportées aux conditions de travail de ses
employés, puisque de toute façon il n'en subirait
aucune conséquence. Le seul bien susceptible
d'être touché était celui de la requérante. Dans son
affidavit (Dossier, Appendice I, à la page 7), la
requérante dit clairement qu'elle avait à présenter
un point de vue pertinent et particulier.
Peut-on conclure que la requérante n'est pas
visée par la règle traditionnelle selon laquelle l'au-
tre partie doit aussi être entendue simplement
parce que l'ordonnance de la Commission s'adres-
sait uniquement à l'employeur? D'un point de vue
pragmatique, cela ne semble pas correct.
Depuis au moins le 23 décembre, la Commission
connaissait l'intérêt de la requérante et, en tout
état de cause, elle serait présumée avoir connu les
dispositions d'une loi du Parlement qui rendaient
la requérante responsable des dépenses consécuti-
ves à son ordonnance du 21 janvier 1988. L'intérêt
de l'employeur dans les procédures n'était qu'ap-
parent; celui de la requérante était réel. J'estime
que cet intérêt réel avait un lien suffisamment
direct avec la question dont était saisie la Commis
sion pour donner droit à la requérante à un avis de
l'audience du 21 décembre et à la possibilité suffi-
sante d'y exposer son point de vue. Même si cela
ne s'applique pas aux enquêtes menées par les
agents locaux ou régionaux de sécurité, je crois
que cela devrait s'appliquer aux audiences formel-
les de la Commission.
Reste cependant la question de la renonciation
possible de la requérante à ses droits. L'intimée a
soutenu que la requérante était au courant depuis
des semaines des doléances des employés, et qu'en
tout état de cause elle était suffisamment au cou-
rant de l'audience et de la question litigieuse pour
s'être présentée devant la Commission le 21
décembre sans avis officiel. Naturellement, il est
exact que la notoriété d'un fait peut parfois se
substituer à un avis officiel. Mais il semble clair
que la connaissance qu'avait la requérante dans les
semaines antérieures au 21 décembre tenait à la
vague rumeur, (Dossier, Appendice I, à la page
19) laquelle elle ne pouvait raisonnablement être
censée donner crédit.
La connaissance précise qu'a eu la requérante de
l'audience ne datait que du jeudi ayant précédé
l'audience du lundi, et cette connaissance précise
ne visait que la tenue de l'audience, et non les
questions qui y seraient débattues. Quel que soit le
degré de connaissance privée qui puisse être assi-
milé à un avis, la requérante ne le possédait pas.
La Commission a décidé le 2 décembre d'aviser les
parties officielles à l'audience du 21 décembre. Il
me semble que cela fournit le meilleur exemple de
ce qui peut être considéré comme une période
raisonnable de connaissance préalable de l'au-
dience, si elle s'accompagne de la connaissance des
questions précises en litige.
J'accueillerais par conséquent la demande
fondée sur l'article 28 dans l'affaire portant le
numéro de greffe A-159-88, j'annulerais la déci-
sion de la Commission des relations de travail dans
la Fonction publique en date du 21 janvier 1988, et
je renverrais l'affaire à la Commission aux fins
d'une nouvelle audition dans le cadre de laquelle la
requérante aurait qualité pour agir, après avoir
reçu avis suffisant.
Au cours de sa plaidoirie, la requérante s'est de
fait désistée de l'action portant le numéro de greffe
A-700-88. Je rejetterais donc cette demande
fondée sur l'article 28.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.