A-135-90
Chrysler Canada Ltd. (appelante)
c.
Le Tribunal de la concurrence et le directeur des
enquêtes et recherches (intimés)
RÉPERTORIÉ: CHRYSLER CANADA LTD. c. CANADA (TRIBUNAL
DE LA CONCURRENCE) (C.A.)
Cour d'appel, juge en chef Iacobucci, juges Pratte
et Desjardins, J.C.A.—Ottawa, 28 et 29 mars et
10 juillet 1990.
Coalitions — Le Tribunal de la concurrence avait-il la
compétence nécessaire pour punir l'outrage commis hors sa
présence (ex facie curiae)? — L'art. 8 de la Loi sur le Tribunal
de la concurrence ne l'emporte pas sur la règle de common law
qui limite le pouvoir de sévir pour outrage qu'a un tribunal de
juridiction inférieure à l'outrage commis en sa présence — Les
procédures entamées pour punir une partie qui n'a pas respecté
une ordonnance relative au refus de vendre rendue aux termes
de l'art. 75 ne sont pas des «demandes fondées sur la partie
VIII» ni une «question s'y rattachant» (art. 8(1)) — L'exécu-
tion d'une ordonnance n'est pas rattachée à la demande ou à
l'audition dont l'ordonnance est l'aboutissement — Même si
l'art. 8(2) accorde au Tribunal tous les pouvoirs conférés à une
cour supérieure d'archives pour ce qui est de l'exécution des
ordonnances «relevant de (la] compétence du [Tribunal]»,
l'exécution d'une ordonnance finale rendue conformément à la
partie VIII ne relève pas de la compétence du Tribunal —
L'interdiction de punir l'outrage, à moins qu'un juge ne soit
d'avis que la peine est justifiée, qui est prévue à l'art. 8(3),
montre que le rédacteur avait à l'esprit les pouvoirs de sévir
pour outrage — Ce n'est pas par mégarde qu'il a omis
d'attribuer expressément au Tribunal le pouvoir de réprimer
l'outrage commis hors sa présence.
Pratique — Outrage au tribunal — Ex facie curiae — L'art.
8 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence ne l'emporte pas
sur la règle de common law qui limite le pouvoir de sévir pour
outrage qu'a un tribunal de juridiction inférieure à l'outrage
commis en sa présence — Ce n'est pas par mégarde que le
rédacteur de la loi ou le Parlement ont omis d'attribuer
expressément au Tribunal le pouvoir de réprimer l'outrage
commis hors sa présence.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), chap. C-34 (mod.
par L.R.C. (1985) (2C suppl.), chap e 19, art. 18), partie
VIII, art. 75 (mod., idem, art. 45), Xe, (mod., idem), 77
(mod., idem), 78 (mod., idem), 80 idem), 85
(mod., idem), 92 (mod., idem).
Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. (1985) (2°
suppl.), chap. 19, art. 8, 9, 13.
JURISPRUDENCE
DECISION APPLIQUÉE:
Société Radio-Canada et autre c. Commission de police
du Québec, [1979] 2 R.C.S. 618; (1979), 101 D.L.R.
(3d) 24; 48 C.C.C. (2d) 289; 14 C.P.C. 60; 28 N.R. 541.
DECISIONS CITÉES:
Re Diamond and The Ontario Municipal Board, [ 1962]
O.R. 328 (C.A.); Loi sur l'Office national de l'énergie
(Can.) (Re), [1986] 3 C.F. 275 (C.A.).
AVOCATS:
Thomas A. McDougall, c.r. et Richard A.
Wagner pour l'appelante.
C. C. Johnston, c.r. et Jane Graham pour le
Tribunal de la concurrence.
Rory Edge et William Miller pour le direc-
teur des enquêtes et recherches.
PROCUREURS:
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall,
Ottawa, pour l'appelante.
Johnston & Buchan, Ottawa, pour le Tribu
nal de la concurrence.
Le sous-procureur général du Canada, pour
le directeur des enquêtes et recherches.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF IACOBUCCI: La Cour est
saisie d'un appel formé contre une ordonnance de
Madame le juge Reed, présidente du Tribunal de
la concurrence («le Tribunal»), qui a statué,
comme juge seul, que le Tribunal avait la compé-
tence nécessaire pour punir l'outrage commis hors
sa présence (ex facie curiae), en l'occurrence le
manquement à une ordonnance rendue par le Tri
bunal conformément à la partie VIII de la Loi sur
la concurrence'. Le présent appel est formé con-
formément à l'article 13 de la Loi sur le Tribunal
de la concurrencez.
1 L.R.C. (1985), chap. C-34.
2 L.R.C. (1985) (2 0 suppl.), chap. 19. L'article 13 est ainsi
libellé:
13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les décisions ou
ordonnances du Tribunal, que celles-ci soient définitives,
interlocutoires ou provisoires, sont susceptibles d'appel
devant la Cour d'appel fédérale tout comme s'il s'agissait de
jugements de la Section de première instance de cette Cour.
(2) Un appel sur une question de fait n'a lieu qu'avec
l'autorisation de la Cour d'appel fédérale.
Le 13 octobre 1989, le Tribunal a rendu, relati-
vement à une plainte pour «refus de vendre» dépo-
sée par M. Richard Brunet conformément à l'arti-
cle 75 [mod. par L.R.C. (1985) (2 e suppl.), chap.
19, art. 45] de la Loi sur la concurrence, l'ordon-
nance suivante ordonnant à l'appelante Chrysler
Canada Ltd.:
[TRADUCTION] ... d'accepter Richard Brunet comme client
pour la fourniture de pièces de marque Chrysler aux conditions
de commerce normales dans ses relations avec Brunet, telles
qu'elles existaient avant le mois d'août 1986 3 .
Comme cette ordonnance n'a apparemment pas
été respectée, l'intimé, soit le directeur des enquê-
tes et recherches, a déposé au Tribunal le 19
février 1990 un avis de requête visant à obtenir
une ordonnance demandant à l'appelante de com-
paraître et d'expliquer pourquoi elle ne devrait pas
être considérée coupable d'outrage par suite du
manquement à l'ordonnance du Tribunal en date
du 13 octobre 1989. Cette requête devait être
présentée ex parte le 20 février 1990. Toutefois,
l'avocat de l'appelante, qui avait été mis au cou-
rant de cette requête, a comparu ce jour-là devant
la présidente en compagnie de l'avocat du direc-
teur et a soulevé une objection préliminaire au
prononcé d'une ordonnance de justification contre
son client. Cette objection reposait sur la préten-
tion voulant que le Tribunal n'ait pas la compé-
tence voulue pour punir l'outrage commis hors sa
présence. La présidente a mis sa décision sur l'ob-
jection en délibéré et a rendu, un peu plus tard le
même jour, une ordonnance rejetant l'objection et
reportant à une date ultérieure l'audition de la
requête du directeur. C'est de cette ordonnance
dont on interjette appel en l'espèce.
La décision dont on interjette appel
La présidente s'est fondée sur les articles 8 et 9
de la Loi sur le Tribunal de la concurrence pour
conclure que le Tribunal avait la compétence
nécessaire pour connaître des procédures relatives
à un outrage commis hors sa présence, afin d'assu-
rer l'exécution d'une ordonnance rendue en vertu
de la partie VIII de la Loi sur la concurrence. Ces
articles sont ainsi libellés:
Compétence et pouvoirs du Tribunal
8. (1) Le Tribunal entend les demandes qui lui sont présen-
tées en application de la Partie VIII de la Loi sur la concur
rence de même que toute question s'y rattachant.
3 Dossier d'appel, à la p. 64.
(2) Le Tribunal a, pour la comparution, la prestation de
serment et l'interrogatoire des témoins, ainsi que pour la pro
duction et l'examen des pièces, l'exécution de ses ordonnances
et toutes autres questions relevant de sa compétence, les attri
butions d'une cour supérieure d'archives.
(3) Personne ne peut être puni pour outrage au Tribunal à
moins qu'un juge ne soit d'avis que la conclusion qu'il y a eu
outrage et la peine sont justifiées dans les circonstances.
9. (1) Le Tribunal est une cour d'archives et il a un sceau
officiel dont l'authenticité est admise d'office.
(2) Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permet-
tent, il appartient au Tribunal d'agir sans formalisme, en
procédure expéditive.
(3) Toute personne peut, avec l'autorisation du Tribunal,
intervenir dans les procédures se déroulant devant celui-ci afin
de présenter toutes observations la concernant à cet égard.
Après avoir reconnu que, en l'absence de dispo
sitions législatives expresses, les tribunaux de juri-
diction inférieure n'ont pas le pouvoir de punir
l'outrage commis hors leur présence, la présidente
a dit ceci:
[TRADUCTION] À mon avis, il est clair que ces dispositions
veulent dire que le Tribunal a le pouvoir de connaître de la
procédure relative à l'outrage dont il est question en l'espèce.
Selon moi, ces dispositions accordent au Tribunal le pouvoir de
punir l'outrage commis hors sa présence. Plus précisément, le
paragraphe 8(1) confère au Tribunal le pouvoir d'entendre
toutes les demandes faites en vertu de la partie VIII, ainsi que
«toute question s'y rattachant». Le paragraphe 8(2) confère au
Tribunal «les attributions d'une cour supérieure d'archives» et
précise expressément que c'est dans le but de permettre au
Tribunal d'assurer «l'exécution de ses ordonnances» et de régler
«toutes autres questions relevant de sa compétence». Le para-
graphe 8(3) fait expressément état des pouvoirs du Tribunal en
matière d'outrage et mentionne que le juge doit être d'avis que
la conclusion qu'il y a eu outrage et que la peine sont justifiées
dans les circonstances.
À mon sens, ces dispositions montrent qu'on a voulu attribuer
au Tribunal le pouvoir de punir tant l'outrage commis en sa
présence et que celui commis hors sa présence. Cela découle
non seulement du libellé des dispositions, mais aussi de la
nature des décisions et des ordonnances que le Tribunal a été
créé pour rendre. Les pouvoirs et les fonctions du Tribunal ne
se limitent pas à réunir des éléments de preuve. Le Tribunal
n'est pas «dans son essence et sa substance» un organisme
administratif comme on l'a dit de l'Ontario Municipal Board
dans l'arrêt Diamond (précité), à la p. 330. Le Tribunal n'est
pas un organisme d'enquête. Le Directeur mène l'enquête. Le
Tribunal décide. Les ordonnances que le Tribunal rend en vertu
de la Partie VIII le sont à la demande du Directeur, après
l'audition de l'affaire. Le processus de décision et le type
d'ordonnance rendue sont comparables à ceux des tribunaux.
L'analyse des dispositions législatives pertinentes (c'est-à-
dire l'article 8 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence) dans
l'optique de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), chap.
C-34, et de la Loi sur le Tribunal de la concurrence m'amène à
conclure que le Tribunal possède le pouvoir de punir l'outrage
commis hors sa présence. Cela est conforme à la fonction qu'on
a voulu attribuer au Tribunal et à l'objet de la loi 4 .
Discussion
Le principal argument invoqué par l'appelante a
consisté à soutenir que la présidente a fondé sa
conclusion sur une interprétation erronée de l'arti-
cle 8 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence.
Il est bien connu que le Tribunal est une cour de
juridiction inférieure et que, en common law, les
pouvoirs de sévir pour outrage qui sont conférés à
une telle cour se limitent à l'outrage commis en sa
présence (in facie curiae) 5 . Pour que le Tribunal
puisse punir l'outrage commis hors sa présence, il
est donc nécessaire qu'une disposition législative
lui accorde ce pouvoir.
Les principes d'interprétation des lois qu'il con-
vient d'appliquer dans un tel cas ont été clairement
énoncés par le juge Dickson (alors juge puîné)
dans l'arrêt Société Radio-Canada et autre c.
Commission de police du Québec' qui a dit, après
avoir souscrit aux motifs du juge Beetz aux pages
647 et 648:
Je me borne à convenir que le pourvoi doit être accueilli pour
les motifs donnés par le juge Beetz. Je n'estime pas nécessaire,
pour rendre la décision en l'espèce, d'examiner les implications
constitutionnelles du pouvoir d'un tribunal de juridiction infé-
rieure de punir un outrage commis hors sa présence. Il suffit de
dire en l'espèce que l'on doit interpréter restrictivement les
pouvoirs conférés à la Commission de police, vu la limitation
générale en common law des pouvoirs de sévir pour outrage
qu'a un tribunal de juridiction inférieure et une interprétation
restrictive en l'espèce conduit inévitablement à conclure que la
Commission n'est pas investie de pareil pouvoir. Il existe indu-
bitablement en common law une démarcation nette entre le
pouvoir de punir un outrage commis hors la présence de la cour
et celui de le faire lorsque l'outrage est commis en sa présence
... En l'absence d'un langage législatif clair qui exprime
l'intention de conférer à la Commission des pouvoirs plus larges
de sévir pour outrage, on doit présumer que le législateur lui a
seulement accordé à cet égard les pouvoirs ordinairement exer-
cés par un tribunal de juridiction inférieure.
° Dossier d'appel, aux p. 104-105.
5 Société Radio-Canada et autre c. Commission de police du
Québec, [1979] 2 R.C.S. 618. Voir dans cet arrêt l'étude
approfondie de la question qu'a faite le juge Beetz, qui a
expliqué la raison d'être de la limitation du pouvoir des tribu-
naux de juridiction inférieure de punir l'outrage. Voir aussi Re
Diamond and The Ontario Municipal Board, [1962] O.R. 328
(C.A.).
6 Voir ci-dessus, note 5.
Si cette Cour était en présence d'une disposition claire et
sans ambiguïté qui investit un tribunal de juridiction inférieure
des pouvoirs de sévir pour outrage commis hors sa présence,
alors la question analysée par le juge Beetz dans sa troisième
proposition pourrait se poser. [C'est moi qui souligne. 7 ]
Par conséquent, en l'absence de dispositions clai-
res exprimant l'intention du législateur d'attribuer
des pouvoirs élargis, il faut interpréter la loi créant
un tribunal de juridiction inférieure comme confé-
rant seulement les pouvoirs de sévir pour outrage
qui sont ordinairement exercés par les tribunaux
de juridiction inférieure, à savoir le pouvoir de
punir l'outrage commis en leur présence.
Les seules dispositions législatives dont on pour-
rait théoriquement dire qu'elles accordent au Tri
bunal le pouvoir de punir l'outrage commis hors sa
présence figurent aux trois paragraphes précités de
l'article 8 de la Loi sur le Tribunal de la
concurrence.
Encore une fois, comme le stipule le paragraphe
8(1):
8. (1) Le Tribunal entend les demandes qui lui sont présen-
tées en application de la partie VIII de la Loi sur la concur
rence de même que toute question s'y rattachant.
Les procédures entamées pour punir,une partie qui
n'a pas respecté une ordonnance rendue par le
Tribunal en vertu de la partie VIII de la Loi sur la
concurrence ne sont certainement pas des deman-
des fondées sur la partie VIII de la Loi sur la
concurrences. Elle ne constituent pas non plus, à
7 Id. aux p. 647-648. Le juge Martland a souscrit aux motifs
du juge Dickson. Voir aussi le juge Beetz, qui a déclaré qu'on
doit présumer que le législateur, lorsqu'il adopte une loi créant
un tribunal de juridiction inférieure, reconnaît qu'il existe une
distinction en common law, en ce qui concerne le pouvoir de
sanction de l'outrage, entre les tribunaux de juridiction infé-
rieure et les tribunaux de juridiction supérieure. Id., aux
p. 627-628, 644-645.
8 La partie VIII de la Loi sur la concurrence porte sur
diverses pratiques commerciales anticoncurrentielles et confère
au Tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances relatives à de
nombreuses pratiques restrictives du commerce comme le refus
de vendre (article 75 (mod. par L.R.C. (1985) (2° suppl.), chap.
19, art. 45)), la vente par voie de consignation (article 76
(mod., idem)), l'exclusivité (article 77 (mod., idem)), l'abus de
position dominante (article 78 (édicté, idem)), la pratique de
prix à la livraison (article 80 (mod., idem)), les accords de
spécialisation (article 85 (édicté, idem)) et les fusionnements
qui restreignent la concurrence (article 92 (édicté, idem)). Le
Tribunal jouit d'un large éventail de pouvoirs pour contrer les
agissements anticoncurrentiels (voir par exemple les articles
77, 92).
mon sens, une «question s'y rattachant», et ne se
rapportent pas à l'audition de telles demandes 9 .
L'exécution d'une ordonnance est assurément une
question rattachée à cette ordonnance; elle n'est
toutefois pas rattachée à la demande ou à l'audi-
tion dont l'ordonnance est l'aboutissement. Par
conséquent, le paragraphe 8(1) ne signifie pas que
la compétence du Tribunal comprend le pouvoir de
punir le manquement aux ordonnances rendues en
vertu de la partie VIII de la Loi sur la
concurrence.
À première vue, le paragraphe 8(2) semble con-
férer ce pouvoir au Tribunal puisqu'il lui accorde
tous les pouvoirs conférés à une cour supérieure
d'archives, pour ce qui est, entre autres, de «l'exé-
cution de ses ordonnances». Toutefois, il faut lire
ces mots dans leur contexte. L'expression «l'exécu-
tion de ses ordonnances» employées dans ce para-
graphe fait partie d'une énumération de questions
qui sont considérées comme «relevant de [la] com-
pétence du [Tribunal] ». On ne saurait considérer
l'exécution d'une ordonnance finale rendue confor-
mément à la partie VIII de la Loi sur la concur
rence comme relevant de la compétence du , 'Tribu-
nal au sens où on l'entend au paragraphe 8(1). Les
mots «exécution de ses ordonnances» utilisés au
paragraphe 8(2) renvoient donc seulement à l'exé-
cution des nombreuses ordonnances que le Tribu
nal peut rendre pour faire en sorte que les deman-
des faites en vertu de la partie VIII de la Loi sur
la concurrence soient décidées d'une manière juste
et raisonnable 10 . L'exécution de ces ordonnances
relève indubitablement de la compétence du
Tribunal.
9 Sur le plan grammatical, il semblerait que l'expression
«toute question s'y rattachant» modifie le terme «demandes».
Toutefois, l'avocat de l'appelante a soutenu que cette expression
s'appliquait aux mots «entend les demandes». Dans l'un et
l'autre cas, le résultat est le même, car l'audition d'une
demande inclut les éléments que sont la production et l'appré-
ciation de la preuve, et la prise d'une décision; à mon avis,
l'exécution d'ordonnances ne se rapporte pas à ces éléments.
1 ° Voir l'arrêt Loi sur l'Office national de l'énergie (Can.)
(Re), [1986] 3 C.F. 275 (C.A.), dans lequel le juge Heald a dit,
à propos d'une disposition de la Loi sur l'Office national de
l'énergie [S.R.C. 1970, chap. N-6] dont le libellé était presque
identique à celui du paragraphe 8(2) de la Loi sur le Tribunal
de la concurrence, qu'on pouvait la considérer comme des
«pouvoirs de réunion d'éléments de preuve». Id., à la p. 282.
En dernier lieu, le paragraphe 8(3) n'aide pas
l'intimé. Bien qu'on y dise expressément que le
Tribunal a le pouvoir de connaître des procédures
relatives à l'outrage, rien n'indique que ce pouvoir
de sévir n'est pas limité à l'outrage commis en sa
présence. Il ressort toutefois de ce paragraphe que
le législateur avait clairement à l'esprit le pouvoir
de punir l'outrage lorsqu'il a rédigé l'article 8, de
sorte qu'on ne peut conclure que c'est par mégarde
qu'il a omis d'attribuer expressément au Tribunal
le pouvoir de réprimer l'outrage commis hors sa
présence.
Par conséquent, je ne puis trouver dans l'article
8 l'expression claire d'une intention du législateur
d'attribuer au Tribunal le pouvoir de punir l'ou-
trage commis par ceux qui ne respectent pas les
ordonnances rendues par le Tribunal en vertu de la
partie VIII de la Loi sur la concurrence. Évidem-
ment, il serait peut-être souhaitable que le Tribu
nal possède un tel pouvoir, mais il semble que le
législateur en ait décidé autrement.
Décision
J'accueillerais l'appel, j'annulerais l'ordonnance
de Madame le juge Reed rejetant l'objection de
l'appelante au sujet de la compétence du Tribunal
et je renverrais l'affaire au Tribunal de la concur
rence pour qu'il rende une décision conforme aux
motifs du présent jugement.
PRATTE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.