T-2670-84
Harle Benson Long (demandeur)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada représen-
tée par le Conseil du Trésor (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: LONG c. CANADA (CONSEIL DU TRÉSOR) (I re
INST.)
Section de première instance, juge McNair—
Ottawa, 13 février et 29 mai 1989.
Fonction publique — Le demandeur souscrit au Régime
d'assurance collective chirurgicale et médicale — Après qu'il
eut commencé un traitement de psychothérapie, le plafond des
prestations y relatives a été abaissé — Le demandeur en a été
informé mais a poursuivi le traitement — Il réclame pour
non-respect d'une condition implicite découlant de sa relation
de travail avec la défenderesse des dommages-intérêts pour un
montant égal à celui qu'il aurait reçu si ce n'avait été du
changement — La relation de travail ne dépendait pas seule-
ment du contrat d'emploi mais était régie par des dispositions
législatives — Il n'y avait pas de condition implicite de nature
contractuelle découlant de la relation de travail selon laquelle
il ne pouvait y avoir de baisse du plafond des prestations
versées en vertu du RACCM ou d'autres prestations quelcon-
ques sans le consentement exprès de l'employé, ou sans que le
demandeur ait une occasion raisonnable de faire valoir son
point de vue avant que des modifications soient apportées aux
prestations.
Assurance — Le demandeur souscrit à un régime d'assu-
rance collective médicale — Après qu'il eut commencé un
traitement de psychothérapie, le plafond des prestations y
relatives a été abaissé — Il a décidé de poursuivre le traite-
ment — Les assurés, qui sont des tiers bénéficiaires, n'ont
aucun droit, à l'exception de ceux qui sont prévus dans le
contrat conclu avec le parrain — Ce sont l'assureur et l'em-
ployeur qui ont l'entière responsabilité de choisir et de modi
fier la garantie.
Fin de non-recevoir — Fin de non-recevoir fondée sur une
promesse — Le demandeur, qui est fonctionnaire, souscrit à un
régime d'assurance collective médicale — Après qu'il eut
commencé un traitement de psychothérapie, le plafond des
prestations y relatives a été abaissé - Il a décidé de poursui-
vre la thérapie — Il a soutenu que cela changeait la situation à
son détriment car il s'était engagé dans une psychothérapie à
long terme en se fiant à la brochure du RACCM qui donnait
des explications sur les prestations — Il n'y a pas eu de
déclaration sans équivoque de l'immuabilité des prestations
relatives au RACCM — La police permettait expressément
que des modifications soient apportées en tout temps sans le
consentement des assurés — Le demandeur était au courant
des modifications et connaissait les conséquences financières
de la poursuite du traitement — La défenderesse n'a aucune-
ment influencé sa décision.
Il s'agit d'une action en dommages-intérêts pour non-respect
de certaines conditions implicites découlant de la relation de
travail existant entre le demandeur et la défenderesse. Le
demandeur, qui est fonctionnaire, souscrit au Régime d'assu-
rance collective chirurgicale et médicale (RACCM). En 1981, lui
et ses enfants ont commencé un traitement psychothérapique.
En 1983, le plafond des dépenses admissibles a été abaissé pour
les services de psychologues. Après avoir été informé des modi
fications projetées, le demandeur a décidé qu'il était nécessaire
de poursuivre le traitement de psychothérapie. Il réclame main-
tenant le montant qu'il aurait reçu si les modifications n'avaient
pas été apportées au régime. La police-cadre permettait que des
modifications soient apportées au RACCM et aux prestations
assurées. Le demandeur a soutenu qu'il découlait implicitement
de la relation de travail qu'il n'y aurait aucune diminution des
prestations sans son consentement ou sans qu'on lui ait donné
l'occasion de faire valoir son point de vue, ou qu'on ne pouvait
modifier les prestations du RACCM au détriment des employés
qui avaient commencé un traitement en comptant sur les
prestations en vigueur. Il a prétendu que l'alinéa 5(1)e) de la
Loi sur l'administration financière confère au Conseil du
Trésor le pouvoir de fixer les conditions d'emploi des fonction-
naires, mais que, cela fait, chaque emploi cesse d'être régi par
des dispositions législatives et prend un caractère contractuel.
En d'autres termes, les mots «conditions d'emploi» qui figurent
à l'alinéa 5(1 )e) désignent des conditions d'emploi implicites de
nature contractuelle. Il a également fait valoir que la doctrine
de la fin de non-recevoir fondée sur une promesse s'appliquait,
car, dans le cadre d'un lien juridique, la brochure décrivant le
RACCM constituait une déclaration attestant qu'étaient versées
des prestations particulières sur lesquelles il avait compté à son
détriment en commençant une psychothérapie à long terme. La
question était de savoir si une condition implicite découlait de
la relation de travail.
Jugement: l'action doit être rejetée.
La relation de travail entre le demandeur et la défenderesse
ne dépendait pas d'un contrat d'emploi mais était régie par les
dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et
de la Loi sur l'administration financière. L'article 24 de la
première Loi codifie la règle de la common law selon laquelle
un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa
Majesté, sous réserve des mesures de protection et de répara-
tion expressément prévues dans cette Loi et de toute autre
disposition législative relative à l'emploi dans la fonction publi-
que. Il n'y avait aucune condition implicite comme le prétendait
le demandeur. Toutes les lois et décisions réfutent l'affirmation
voulant que les prestations versées par le RACCM relativement
aux services de psychologues, telles qu'elles existaient avant les
modifications apportées au régime, constituaient une obligation
contractuelle qui devait être respectée.
La prétention générale en droit du travail selon laquelle les
prestations quelconques accordées à un employé deviennent une
obligation pour l'employeur en vertu du contrat d'emploi ne
s'applique pas aux fonctionnaires. De toute façon, les
employeurs précisent habituellement dans des brochures expli-
catives que les prestations quelconques versées dans le cadre
d'un régime d'assurance n'ont aucune valeur contractuelle.
Cette mention nie toute intention de créer des relations juridi-
ques. La brochure du RACCM qui informait les adhérents au
régime des modifications projetées avait un effet similaire.
En vertu du droit des assurances, les assurés, qui sont des
tiers bénéficiaires, n'ont aucun droit, à l'exception de ceux qui
sont prévus dans le contrat conclu par le «parrain». Ce sont
l'assureur et l'employeur qui ont l'entière responsabilité de
choisir le type de garantie et les conditions dont elle est assortie
et de les modifier. Le demandeur a adhéré au RACCM en
sachant que ce régime et les prestations qui s'y rattachent
pouvaient être modifiées à l'occasion sans son consentement.
Le demandeur ne pouvait pas non plus invoquer l'argument
relatif à la fin de non-recevoir fondée sur une promesse. Il n'y
avait pas eu de déclaration sans équivoque de l'immuabilité des
prestations du RACCM relatives aux services des psychologues.
Il était spécifiquement prévu dans la police d'assurance collec
tive que le RACCM pouvait être modifié en tout temps sans le
consentement des assurés, et cela comprenait le droit de modi
fier les prestations de ce régime. Le demandeur était au courant
du changement projeté quand il a décidé de poursuivre le
traitement de psychothérapie. Il connaissait les conséquences
financières de sa décision. La défenderesse n'a aucunement
incité le demandeur à faire ce choix.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap.
F-10, art. 5(1)e).
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32, art. 24.
Loi sur les pétitions de droit, S.R.C. 1970, chap. P-12
(abrogé par S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10, art. 64).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
324, 337(2)b).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Phillips c. La Reine, [19771 I C.F. 756 (lrc inst.); Hale v.
American Home Assur. Co., 461 S.W. 2d 384 (1970).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Brown v. Waterloo Regional Board of Commissioners of
Police (1982), 37 O.R. (2d) 277 (H.C.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Re Tudale Explorations Ltd. and Bruce et al. (1978), 20
O.R. (2d) 593 (C. Div.).
DECISIONS CITÉES:
deMercado c. La Reine, T-2588-83, juge Cattanach,
jugement en date du 19-3-84, C.F. l'° inst., non publié;
Evans c. Canada (Gouvernement du) (1986), 4 F.T.R.
247 (C.F. 1" inst., Evans c. La Reine, T-1414-86, juge
Dubé, ordonnance en date du 13-4-87, C.F. 1' inst., non
publié; conf. par (1989), 93 N.R. 252 (C.A.F.); Malone
v. Ontario (1983), 3 C.C.E.L. 61 (H.C. Ont.).
DOCTRINE
Baer, M.G. et Rendall, J.A. Cases on the Canadian Law
of Insurance, 4° éd., Toronto: Carswell, 1988.
Christie, I. Employment Law in Canada, Toronto: But-
terworths, 1980.
AVOCATS:
Steven C. McDonell pour le demandeur.
Peter Engelmann pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Binks, Simpson, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MCNAIR:
Nature de l'affaire
La Cour est saisie d'une action en dommages-
intérêts intentée par le demandeur pour le motif
que certaines conditions implicites découlant de sa
relation de travail avec la défenderesse n'auraient
pas été respectées. Le demandeur travaille actuel-
lement pour la défenderesse comme haut fonction-
naire dans la fonction publique. Il est fonctionnaire
depuis 1959 et souscrit au Régime d'assurance
collective chirurgicale et médicale (RAccM) de la
fonction publique depuis 1960. Le RACCM est un
régime d'assurance-maladie privé, parrainé par le
gouvernement du Canada, dont les prestations sont
un complément à la garantie offerte par les régi-
mes provinciaux d'assurance-maladie; tous les
fonctionnaires qui le désirent peuvent y participer.
Comme c'est un régime indemnitaire, les disposi
tions du contrat s'appliquent telles qu'elles sont
libellées au moment où un adhérent engage une
dépense en particulier. Les parties au contrat d'as-
surance collective du RACCM sont La Mutuelle du
Canada, compagnie d'assurance sur la vie, à titre
d'assureur, et Sa Majesté la Reine du chef du
Canada, représentée par le président du Conseil du
Trésor, à titre de titulaire de la police.
En 1981, le demandeur, ainsi que son fils et sa
fille aînés, ont commencé un traitement psychothé-
rapique avec un psychologue professionnel que leur
avait recommandé un psychiatre de l'enfance. À
cette époque, la garantie complémentaire offerte
par le RACCM à l'égard des principales dépenses
médicales prévoyait le remboursement aux mem-
bres participants de 80 pour cent des «dépenses
admissibles», c'est-à-dire les «frais habituels et rai-
sonnables» engagés pour obtenir certains articles et
services assurables, notamment:
[TRADUCTION]
(g) des services de psychothérapie fournis par un psychologue
agréé, si le patient est envoyé par un psychiatre ou un
pédiatre;
Le plafond des frais admissibles était de 30 000 $
la vie durant de chaque personne assurée.
Le 1" avril 1983, certaines modifications ont été
apportées aux prestations du RACCM, notamment
l'abaissement à 600 $ par année civile du plafond
des frais admissibles pour les services de psycholo-
gues. Le demandeur prétend que la modification
relative au remboursement des dépenses engagées
pour obtenir ces services lui a été particulièrement
préjudiciable et ne pouvait, par conséquent, être
apportée sans son consentement. Le principal
argument du demandeur est énoncé au paragraphe
9 de sa déclaration:
[TRADUCTION] 9. Le demandeur plaide qu'il découlait implici-
tement de sa relation de travail avec la défenderesse qu'il n'y
aurait aucune diminution des prestations versées par le RACCM
ou d'autres prestations dont il bénéficiait à titre d'employé sans
son consentement exprès, ou encore sans qu'on l'en ait informé
et qu'on lui ait donné l'occasion de faire valoir son point de vue,
et qu'il découlait aussi implicitement de sa relation de travail
avec la défenderesse qu'aucune modification de ces prestations
n'entrerait en vigueur de manière à préjudicier aux employés
ayant commencé un traitement en se fondant sur les prestations
existantes, ou encore sans que l'on ait avisé et donné à des
employés comme le demandeur, que les modifications proposées
défavoriseraient, l'occasion de faire valoir leur point de vue. En
raison des faits exposés aux paragraphes 7 et 8, le demandeur
soutient que la défenderesse n'a pas respecté lesdites obligations
implicites découlant de sa relation de travail avec elle. [Souli-
gnement omis.]
Le demandeur affirme avoir dépensé au moins
6 550 $ pour des services de psychologues après
que les prestations versées par le RACCM eurent
été réduites, et avoir de ce fait subi une perte de
5 676 $ au titre des frais admissibles qui lui
auraient été remboursés par le RACCM si le pla-
fond n'avait pas été abaissé. Le demandeur
réclame donc des dommages-intérêts totalisant
5 676 $, ainsi que l'intérêt, calculé au taux préfé-
rentiel, couru depuis qu'il a déboursé cette somme
et les dépens.
Exposé des faits
Le demandeur est un résident de la ville de
Gloucester, située dans la municipalité régionale
d'Ottawa-Carleton, et il a occupé pendant toute la
période pertinente un poste de haut fonctionnaire
dans la fonction publique. Il est actuellement
directeur de l'évaluation des programmes au
ministère de la Santé nationale et du Bien-être
social. Il a commencé sa carrière dans la fonction
publique en 1959, et son emploi avec la défende-
resse est régi par les dispositions de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32, et de la Loi sur l'administration
financière, S.R.C. 1970, chap. F-10.
En juin 1981, M. Long, de même que son fils et
sa fille aînés, se sont rendus compte qu'ils souf-
fraient de troubles psychologiques d'une ampleur
telle qu'ils ont dû recourir aux services de profes-
sionnels. Le demandeur a consulté un psychiatre
de l'enfance, le docteur R. G. Mouldey, qui lui a
recommandé d'entreprendre un traitement psycho-
thérapique avec le docteur M. H. Wiener, psycho-
logue agréé qui a par la suite pris le nom de Dov
Vinograd (ci-après appelé «Dr Vinograd»). Les
difficultés auxquelles se heurtaient le fils et la fille
du demandeur ont provoqué des tensions conjuga-
les et d'autres troubles, et c'est pourquoi tous les
membres de la famille ont commencé à rencontrer
le docteur Vinograd dans le cadre d'une psycho-
thérapie. La fille du demandeur, Christina, qui
était alors âgée de seize ans, souffrait d'anorexie
nerveuse accompagnée d'une perte de poids et,
dans son cas, la psychothérapie s'est poursuivie
pendant une assez longue période. À l'époque où le
demandeur a retenu les services du docteur Vino-
grad, il était clair que les honoraires de ce dernier
seraient remboursés jusqu'à concurrence de 80
pour cent par le RACCM, car les prestations anté-
rieures à avril 1983 s'appliquaient encore.
La police d'assurance collective n° GD1500
constituant le Régime d'assurance collective chi-
rurgicale et médicale, a été établie le 1 °r juillet
1960. Elle comporte des dispositions autorisant les
parties à modifier le régime; celles-ci s'en sont
prévalues à quelques reprises. La pratique a tou-
jours consisté à apporter de telles modifications
seulement après que le Conseil national mixte de
la fonction publique du Canada eut fait des recom-
mandations à la défenderesse à ce sujet. Le Con-
seil national mixte est composé de gestionnaires de
la fonction publique, qui représentent la partie
patronale, et d'agents négociateurs, qui représen-
tent les employés syndiqués de la fonction publi-
que. Les recommandations que formule le Conseil
national mixte au sujet des prestations du RACCM
sont toujours précédées de longues discussions et
d'un examen approfondi, mais le demandeur ou ses
collègues de la catégorie de la gestion ne sont pas
invités à faire valoir leur point de vue ou à donner
leur consentement.
Dans un rapport déposé en septembre 1982, le
Comité permanent des programmes d'assurance-
maladie du Conseil national mixte a fait plusieurs
recommandations visant la modification du
RACCM. La recommandation qui portait sur les
services de psychothérapie était la suivante:
[TRADUCTION] Le Comité recommande d'assouplir les disposi
tions du régime pour permettre aux médecins d'envoyer un
patient chez un psychologue, mais de plafonner le montant des
prestations qui peuvent être versées pour des frais jugés admis-
sibles relativement à des services de psychothérapie, afin
d'exercer un contrôle raisonnable sur ces dépenses. Le plafond
proposé est de 600 $ par an, ce qui est comparable à d'autres
régimes d'assurance-maladie complémentaires parrainés par un
employeur que le Comité a étudiés.
En mars 1983, la défenderesse a fait distribuer
aux adhérents au RACCM un avis les informant que
les modifications en question entreraient en
vigueur le l er avril 1983. Le demandeur a alors
demandé au Dr Vinograd s'il ne devrait pas plutôt
retenir les services d'un psychiatre vu la limitation
des frais admissibles pour des services de psycholo-
gues. S'appuyant sur les conseils de ce dernier, il a
conclu que toute modification apportée au traite-
ment de psychothérapie serait alors préjudiciable.
Questions en litige
L'action du demandeur repose essentiellement,
me semble-t-il, sur l'argument voulant que les
prestations versées par le RACCM pour les services
de psychologues avant le ler avril 1983 étaient une
condition implicite de sa relation de travail avec la
défenderesse, et qu'on ne pouvait les modifier à son
détriment sans avoir obtenu son consentement ou
lui avoir donné l'occasion de faire valoir son point
de vue. Le demandeur prétend aussi qu'il découlait
implicitement de cette relation de travail qu'il n'y
aurait aucune modification des prestations qui
pourrait être préjudiciable aux adhérents ayant
entrepris un traitement en se fondant sur les pres-
tations existantes sans qu'ils en aient été avisés ou
qu'on leur ait donné l'occasion de faire valoir leur
point de vue.
Dispositions législatives applicables
Les dispositions législatives qui s'appliquent en
l'espèce sont l'article 24 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique et l'alinéa 5(1)e) de la
Loi sur l'administration financière. Elles sont
reproduites ci-dessous par souci de commodité:
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap.
P-32:
2t Un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa
Majesté sous réserve de la présente loi et de toute autre loi ainsi
que des règlements établis sous leur régime et, à moins qu'une
autre période ne soit spécifiée, pendant une période
indéterminée.
Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap F-10:
5. (1) Le conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil
privé de la Reine pour le Canada relativement à toute question
concernant
e) la direction du personnel de la fonction publique, notam-
ment la fixation des conditions d'emploi des personnes qui y
sont employées; ...
Arguments des parties
Le procureur du demandeur fait valoir que son
client, en sa qualité de haut fonctionnaire de
l'État, a le droit absolu de bénéficier, du fait de sa
relation de travail, des prestations qui étaient en
vigueur avant le mois d'avril 1983 pour les services
de psychologues. Il prétend que ni la partie patro-
nale ni la partie syndicale n'ont représenté le
demandeur durant les délibérations du Comité
permanent du Conseil national mixte qui ont
abouti à ces modifications, et que le demandeur a
été complètement tenu à l'écart du processus déci-
sionnel. Le procureur du demandeur fait égale-
ment valoir que depuis l'abrogation de la Loi sur
les pétitions de droit [S.R.C., 1970, chap. P-12
(abrogé par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art.
64)], le droit d'intenter une poursuite en matière
contractuelle contre la Couronne n'est plus frappé
d'aucune restriction. Par conséquent, ajoute-t-il, le
demandeur peut, à l'instar de tout autre citoyen
canadien, intenter une poursuite en matière con-
tractuelle contre la Couronne.
Après ce bref exposé de la situation, le procu-
reur du demandeur fait état de la relation de
travail qui existe entre le demandeur et la défende-
resse et de ce qu'il considère comme les conditions
qui s'y greffent. Il prétend que l'alinéa 5(1)e) de la
Loi sur l'administration financière confère au
Conseil du Trésor le pouvoir de fixer les conditions
d'emploi des personnes qui travaillent dans la fonc-
tion publique. Il s'ensuit, ajoute-t-il, que le RACCM
est l'une des conditions de la relation de travail
entre le demandeur et la défenderesse, et ce, en
tant que droit. Cette importante prémisse constitue
l'assise contractuelle de la présente poursuite. En
gros, le procureur du demandeur soutient qu'une
fois que le Conseil du Trésor a établi les conditions
d'emploi d'une catégorie particulière d'employés et
qu'une personne a accepté un poste dans la fonc-
tion publique en se fondant sur ces conditions, les
modifications qui peuvent y être apportées subsé-
quemment doivent d'abord faire l'objet de négocia-
tions avec l'employé concerné. Si le Conseil du
Trésor décide d'apporter des changements qui peu-
vent constituer un manquement à la relation con-
tractuelle existante, il doit être prêt à en subir les
conséquences.
L'avocat en question fait la distinction entre le
cas en l'espèce et l'éventualité d'une poursuite pour
congédiement injustifié, mais concède que l'article
24 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que ne permet pas de fonder une poursuite contre
la Couronne sur le congédiement injustifié d'un
fonctionnaire. Il déclare toutefois que cette; restric
tion ne s'applique pas à la condition implicite qui
résulte de la relation de travail lorsqu'il s'agit des
prestations versées par le RACCM. A son avis, c'est
de là que découle l'obligation du gouvernement
envers le demandeur, et il n'y a pas lieu de tenir
compte de l'existence d'un régime d'assurance col
lective pour déterminer si le gouvernement s'est
correctement acquitté de cette obligation.
Le procureur du demandeur admet que son
client n'a rien à voir avec les modifications de la
police d'assurance collective à laquelle le gouver-
nement a choisi de souscrire au profit de ses
employés; le droit de modifier cette police appar-
tient exclusivement à l'assureur et au titulaire de
la police, comme le prévoit la clause 17(2) des
dispositions générales de la police d'assurance col
lective relative au contrat. Quoi qu'il en soit, il
prétend que ce n'est pas à la compagnie d'assu-
rance, mais à l'employeur qu'il incombe de fournir
les prestations en question au demandeur, à défaut
de quoi il est passible de dommages-intérêts. À ce
propos, il s'appuie sur l'arrêt Brown v. Waterloo
Regional Board of Commissioners of Police
(1982), 37 O.R. (2d) 277 (H.C.). Bien que l'arrêt
Brown porte sur la réclamation de dommages-inté-
rêts à la suite de l'inexécution du contrat d'emploi
d'un chef de police, le procureur du demandeur
soutient qu'il sert de fondement à l'argument vou-
lant qu'il incombe, en définitive, à l'employeur
plutôt qu'à la compagnie d'assurance de verser les
prestations en question, en l'absence de toute déné-
gation de responsabilité.
Le procureur du demandeur fait aussi reposer le
droit de son client sur la doctrine de la fin de
non-recevoir fondée sur une promesse («promis-
sory estoppel»), et cite à cet égard l'arrêt Re
Tudale Explorations Ltd. and Bruce et al.
(1978), 20 O.R. (2d) 593 (C. div.). Selon lui, cet
arrêt appuie la prétention selon laquelle la doctrine
de la fin de non-recevoir fondée sur une promesse
s'applique dès qu'il existe un lien juridique et une
déclaration en raison de laquelle une personne
modifie sa position à son détriment. J'ai d'abord eu
des doutes sur l'opportunité d'entendre le procu-
reur sur ce point, car il y a une règle bien établie
selon laquelle celui qui invoque la fin de non-rece-
voir doit l'alléguer expressément. On peut toutefois
considérer que cette allégation est sous-entendue à
l'alinéa 5 de la déclaration du demandeur puisque
celui-ci et sa fille ont commencé un traitement
psychothérapique parce qu'ils savaient qu'ils pour-
raient bénéficier des prestations du RACCM. D'au-
tre part, le procureur de la défenderesse n'a sou-
levé aucune objection au sujet de l'insuffisance de
cette allégation et il a même invoqué la question de
la fin de non-recevoir.
Le procureur du demandeur fait valoir qu'il y a
un lien juridique à cause de l'existence de la
relation de travail entre le demandeur et la défen-
deresse, que la brochure décrivant le RACCM cons-
titue une déclaration attestant que des prestations
sont versées pour des services de psychothérapie, et
que nonobstant l'avis qu'il a reçu en mars 1983 au
sujet de la modification du RACCM, le demandeur
s'est clairement fondé sur cette déclaration à son
détriment. Le procureur du demandeur soumet
l'argument suivant:
[TRADUCTION] À cause de cette déclaration, il a entrepris une
thérapie à long terme avec un psychologue en pensant que les
frais engagés lui seraient remboursés. Et en cours de route, au
milieu de la psychothérapie, cette déclaration a cessé d'être
vraie, à la suite de la modification apportée par le
gouvernement.
Par conséquent, je prétends que cette doctrine ou les condi
tions d'existence de cette doctrine sont remplies et que l'action
du demandeur peut s'appuyer sur la notion de fin de non-rece-
voir fondée sur une promesse.
Quant au point de vue traditionnel voulant que la
fin de non-recevoir fondée sur une promesse puisse
servir de moyen de défense seulement, et non de
moyen d'attaque, le procureur du demandeur
soumet que les remarques du juge Grange dans
l'arrêt Tudale représentent le point culminant de
la pensée judiciaire pour ce qui est de réfuter
l'affirmation voulant que le demandeur ne puisse
invoquer cette doctrine [TRADUCTION] «parce
qu'il s'en sert non pas comme moyen de défense,
mais comme moyen d'attaque».
En dernier lieu, le procureur du demandeur
parle brièvement de la question de la limitation du
préjudice, et fait remarquer que la personne vic-
time de l'inexécution d'une obligation contrac-
tuelle doit prendre des mesures raisonnables pour
limiter sa perte.
Si je saisis bien la situation, le demandeur pré-
tend en fin de compte que l'alinéa 5(1)e) de la Loi
sur l'administration financière confère au Conseil
du Trésor le pouvoir de fixer les conditions d'em-
ploi des personnes qui travaillent dans la fonction
publique mais que cela fait, chaque emploi cesse
d'être régi par des dispositions législatives 'et prend
un caractère contractuel. En d'autres termes, les
mots «conditions d'emploi» qui figurent à l'alinéa
5(1)e) de la Loi désignent des conditions d'emploi
implicites de nature contractuelle.
Il va sans dire que le procureur de la défende-
resse rejette catégoriquement cette prétention
astucieuse parce qu'elle n'a aucun fondement en
droit. Il invoque avec force les dispositions législa-
tives précitées et cite plusieurs arrêts dans lesquels
on a confirmé que les droits d'un fonctionnaire à
un redressement se limitent aux remèdes spécifi-
quement prévus dans les lois qui régissent son
statut.
Le procureur de la défenderesse rejette aussi
l'argument du demandeur selon lequel les modifi
cations que le Conseil du Trésor a apportées au
RACCM devaient d'abord faire l'objet d'une consul
tation et être approuvées par les intéressés. Il
conteste également l'argument selon lequel l'exis-
tence du régime d'assurance collective n'est pas
pertinente. Selon lui, le demandeur n'a pas raison
d'invoquer l'arrêt Brown v. Waterloo Regional
Board of Commissioners of Police, précité, parce
que le tribunal a conclu dans cet arrêt qu'il s'agis-
sait de l'inexécution illégale d'un contrat d'emploi
et a ensuite évalué les dommages subis par la
victime. Tout comme le procureur de la défende-
resse, je suis d'avis qu'il y a une nette distinction
sur ce point entre l'arrêt Brown et la présente
affaire.
En ce qui concerne la prétention du demandeur
au sujet de la fin de non-recevoir fondée sur une
promesse, le procureur de la défenderesse ne con-
teste pas la justesse du raisonnement selon lequel
cette doctrine peut servir à la fois comme moyen
d'attaque et comme moyen de défense, mais il en
rejette l'application dans le cas en litige. Il rappelle
à ce propos les paroles suivantes du juge Grange
dans l'arrêt Re Tudale, précité, à la page 596:
[TRADUCTION] Les caractéristiques essentielles [de cette doc
trine] sont une déclaration non équivoque à laquelle on envisa-
geait de donner suite et à laquelle on a effectivement donné
suite.
Selon lui, pour que cette doctrine s'applique en
l'espèce, il aurait fallu qu'il soit écrit dans le
RACCM ou dans un quelconque contrat d'emploi
que les prestations versées pour des services de
psychologues ne seraient pas modifiées au détri-
ment du demandeur. Il fait plutôt valoir que c'est
l'inverse qui se produit: le Conseil du Trésor peut
modifier les conditions d'emploi et les parties à la
police d'assurance collective peuvent y apporter
des modifications sans obtenir le consentement des
adhérents.
Le principal argument de la défense est qu'il n'y
a jamais eu de contrat d'emploi entre le deman-
deur et la défenderesse, de sorte que les droits et
les remèdes que le demandeur peut avoir se limi-
tent à ceux que lui donne la loi. Le procureur de la
défenderesse soumet avec force que le demandeur
n'a pas le droit d'intenter la présente action en
matière contractuelle. Par ailleurs, ajoute-t-il, le
demandeur, qui est un tiers bénéficiaire de la
police d'assurance collective, ne jouit que des
droits que lui confère cette police.
Le droit et son application
Le droit relatif au statut d'un fonctionnaire
comme le demandeur est principalement régi par
les dispositions qui figurent dans la Loi sur l'em-
ploi dans la Fonction publique et dans la Loi sur
l'administration financière, ainsi que dans les
règlements adoptés sous le régime de ces lois. En
particulier, l'article 24 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique codifie la règle de common
law selon laquelle un employé occupe sa charge
«durant le bon plaisir de Sa Majesté», sous réserve
des mesures de protection et de réparation expres-
sément prévues dans cette loi et de toute autre
disposition législative relative à l'emploi dans la
fonction publique: voir Phillips c. La Reine,
[1977] 1 C.F. 756 (P° inst.); deMercado c. La
Reine, T-2588-83, juge Cattanach, jugement en
date du 19-3-84, C.F. i re inst., non publié; Evans c.
Canada (1986), 4 F.T.R. 247 (C.F. ire inst.);
Evans c. La Reine, T-1414-86, juge Dubé, ordon-
nance en date du 13-4-87, C.F. ire inst., non
publié; confirmé par (1989), 93 N.R. 252
(C.A.F.); et Malone v. Ontario (1983), 3 C.C.E.L.
61 (H.C. Ont.).
M. le juge Dubé a fort bien exposé ce principe
dans l'arrêt Phillips c. La Reine, précité, à la page
758:
En common law, les nominations de tous les fonctionnaires
étaient soumises au pouvoir discrétionnaire de la Couronne et,
en général, ils pouvaient être congédiés à tout moment sans
motif et sans recours (Voir 7 Halsbury's Laws of England (3 °
édition) 340, paragraphe 732). Ainsi leur droit à un redresse-
ment, le cas échéant, est conféré par la loi et doit être exercé
conformément aux dispositions de cette loi. Tous les privilèges
créés par la Loi doivent être appliqués comme le prévoit cette
loi (Voir Union Bank of Canada c. Boulter Waugh Ltd. (1919)
58 R.C.S. 385).
L'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
définit de la façon suivante la charge occupée par l'employé:
24. Un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de
Sa Majesté sous réserve de la présente loi et de toute autre
loi ainsi que des règlements établis sous leur régime et, à
moins qu'une autre période ne soit spécifiée, pendant une
période indéterminée.
Lorsqu'une loi prévoit un recours particulier, la seule voie de
recours ouverte est, en règle générale, celle que la loi prévoit.
À mon avis, toutes les lois et décisions précitées
viennent réfuter l'affirmation du demandeur vou-
lant que les prestations versées par le RACCM
relativement aux services de psychologues, telles
qu'elles existaient avant les modifications du l e '
avril 1983, constituaient une obligation contrac-
tuelle que la défenderesse se devait de respecter.
Le procureur du demandeur a prétendu durant
sa plaidoirie que lorsque l'employeur accorde des
prestations quelconques à un employé, celles-ci
deviennent une obligation pour lui en vertu du
contrat d'emploi, et que le fait de les verser dans le
cadre d'un régime d'assurance n'est pas pertinent.
Il cite à l'appui de cette prétention un extrait de
Christie, I. Employment Law in Canada, Toronto:
Butterworths, 1980, aux pages 231 et 232. À mon
sens, cet extrait n'a pas tout à fait le sens que le
procureur du demandeur voudrait lui donner. En
fait, il me semble qu'on y dit plutôt le contraire.
L'auteur prend soin de préciser que les employeurs
qui accordent de telles prestations distribuent
généralement à leurs employés des brochures
explicatives dans lesquelles il est mentionné [TRA-
DUCTION] «que celles-ci n'ont aucune valeur con-
tractuelle et que cette mention semblerait nier
effectivement toute intention présumée de créer
des relations juridiques». Le professeur Christie dit
aussi très clairement que le droit relatif aux fonc-
tionnaires déborde le cadre de son ouvrage.
Les premiers paragraphes de l'avis que les adhé-
rents au régime ont reçu en mars 1983 sont ainsi
libellés:
[TRADUCTION] Le présent avis a pour but d'informer tous les
adhérents au RACCM (régime d'assurance collective chirurgi-
cale et médicale) des modifications apportées à certaines dispo
sitions du régime, qui entreront en vigueur le ler avril 1983.
L'assureur du régime est La Mutuelle du Canada, compagnie
d'assurance sur la vie.
Une nouvelle brochure à l'intention des employés qui souscri-
vent au régime est en cours de préparation et décrira la
garantie qui est offerte dans le cadre du régime. Toutefois,
cette brochure ne pourra pas être envoyée aux ministères, pour
fins de distribution aux adhérents, avant plusieurs mois. Par
conséquent, comme les modifications décrites dans le présent
avis deviendront exécutoires pour toutes les dépenses admissi-
bles gui auront été engagées à compter du ler avril 1983, cette
notification et cette description anticipées des modifications
visent à informer tous les adhérents au régime des modifica
tions avant qu'elles n'entrent en vigueur.
Ces modifications résultent de l'examen du RACCM que les
représentants patronaux et syndicaux du Conseil national mixte
de la fonction publique du Canada ont effectué pour déterminer
quels changements il conviendrait d'apporter pour que le
régime réponde mieux aux besoins de tous les adhérents en leur
assurant un accès plus équitable et plus équilibré aux presta-
tions. A l'issue de cet examen, le Conseil a recommandé au
Conseil du Trésor du Canada certaines modifications et cer-
tains ajouts, que celui-ci a approuvés.... [C'est moi qui
souligne.]
La brochure du RACCM dont il était question
dans l'avis précité a finalement été distribuée aux
adhérents au régime. L'exemplaire que le procu-
reur du demandeur a produit lors de l'instruction
(Pièce P-1) est daté du mois d'août 1984. Dans
l'avant-propos de cette brochure, les prestations
qui sont offertes aux adhérents au régime sont
décrites en partie de la façon suivante:
Nous vous prions de la lire attentivement tout en vous rappelant
que les dispositions du régime, y compris les prestations et les
primes mensuelles, font périodiquement l'objet de modifications
Publiée uniquement à titre d'information, celle-ci [la brochure]
ne décrit que les dispositions générales du régime. Les disposi
tions particulières détaillées sont décrites dans le contrat d'as-
surance passé entre le gouvernement du Canada et l'assureur
principal, La Mutuelle du Canada, compagnie d'assurance sur
la vie désignée ci-après par le nom d'assureur.
EN CAS DE CONTRADICTION ENTRE CETTE BROCHURE ET LE
CONTRAT D'ASSURANCE, CE SONT LES DISPOSITIONS ÉNON-
CÉES DANS LE CONTRAT QUI PRÉVAUDRONT. [C'est moi qui
souligne.]
C'est la clause 17(2) du contrat-cadre entre La
Mutuelle et la défenderesse qui autorise la modifi
cation du régime et des prestations versées aux
adhérents. Elle est ainsi libellée:
[TRADUCTION] 17. (2) La police peut être modifiée ou annu-
lée en tout temps, selon les modalités qui y sont prévues, sans le
consentement des personnes assurées, mais une modification ou
annulation ne peut empêcher une demande de remboursement
au titre des dépenses engagées avant la date à laquelle la
modification ou l'annulation prend effet.
Soit dit en passant, ce libellé a été modifié légère-
ment dans les polices qui ont été établies par la
suite, mais il est demeuré inchangé quant au fond.
En ce qui concerne la modification des polices
d'assurance collective, l'extrait suivant de l'ou-
vrage de Baer et Rendall, Cases on the Canadian
Law of Insurance, 4` éd. Toronto: Carswell, 1988,
qui figure à la page 48, est très instructif:
[TRADUCTION] Une' proportion grandissante de l'assurance
de personnes (assurance sur la vie, assurance-maladie et assu-
rance-accidents) est souscrite sous forme d'assurance collective,
ce qui vise à assurer des catégories de personnes plutôt que des
personnes. Les personnes assurées ne sont pas identifiées par
leur nom ni autrement. Le contrat-cadre est conclu entre
l'assureur et le «parrain» des assurés, généralement l'employeur.
Les assurés, qui sont des tiers bénéficiaires, n'ont aucun droit, à
l'exception de ceux qui sont prévus dans le contrat conclu par le
«parrain».
Dans l'arrêt Hale v. American Home Assur.
Co., 461 S.W. 2d 384 (1970), le juge Creson, qui a
prononcé les motifs au nom de la Cour, a dit, à la
page 386:
[TRADUCTION] ... il convient de prendre note de la nature et
de l'objet de l'assurance collective et de la qualité des parties au
contrat. Les tribunaux sont presque tous du même avis lorsqu'il
s'agit de savoir qui détient le pouvoir de choisir le type de
garantie et les conditions dont elle est assortie. Ce sont l'assu-
reur et l'employeur, en tant que principal assuré, qui ont
l'entière responsabilité d'en choisir les conditions et de les
modifier.
Si j'applique ces principes juridiques aux faits en
litige, je dois en déduire que le demandeur est
devenu un adhérent au régime en sachant parfaite-
ment que ce régime et les prestations qui s'y
rattachent pouvaient être modifiés à l'occasion
sans son consentement. À mon avis, il serait erroné
et contraire à la preuve soumise de tirer une autre
conclusion.
Pour les mêmes raisons, j'estime qu'il faut reje-
ter l'argument relatif à la fin de non-recevoir
fondée sur une promesse. Chacun est libre de
souscrire au RACCM. Il n'y a rien dans la preuve
qui ressemble à une déclaration sans équivoque de
l'immuabilité des prestations relatives aux services
de psychologues [TRADUCTION] «à laquelle on
envisageait de donner suite et à laquelle on a
effectivement donné suite», au détriment du
demandeur. De toute évidence, il a toujours été
spécifiquement prévu dans la police d'assurance
collective que le RACCM pouvait être modifié
[TRADUCTION] «en tout temps sans le consente-
ment des assurés». À mon avis, cela comprend
aussi le droit de modifier les prestations de ce
régime. La preuve révèle également que le deman-
deur a été avisé du changement dont il se plaint
maintenant. Lorsqu'il a pris la décision de poursui-
vre le traitement de psychothérapie qu'il avait
entrepris avec le Dr Vinograd, il savait très bien
que le régime avait été modifié et que le plafond
des dépenses admissibles au titre des services de
psychologues avait été abaissé à 600 $ par an. Il
connaissait les conséquences financières de sa déci-
sion et on doit présumer qu'il en a tenu compte. Le
choix qu'il a fait était le sien, et la défenderesse n'a
aucunement influencé ce choix.
Conclusion
À mon avis, la preuve établit clairement que la
relation de travail entre le demandeur et la défen-
deresse ne dépendait pas d'un contrat d'emploi,
mais était régie par les dispositions de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique et de la Loi sur
l'administration financière. Je note en particulier
que la preuve ne permet pas de conclure à l'exis-
tence d'une condition implicite découlant de la
relation de travail, selon laquelle il ne devait y
avoir aucune diminution des prestations versées au
demandeur en tant qu'employé sans son consente-
ment exprès. Il n'est également pas possible de
déduire de cette relation de travail qu'il aurait
fallu donner au demandeur la possibilité de faire
valoir son point de vue auprès du Conseil national
mixte au sujet de la modification des prestations.
Qui plus est, je suis d'avis qu'il n'y a rien dans
cette relation de travail qui permette de croire à
l'existence d'une fin de non-recevoir fondée sur une
promesse qui aurait été favorable au demandeur
en ce qui concerne la limitation des dépenses
admissibles au titre des services de psychologues.
Pour les motifs précités, l'action du demandeur
est rejetée, mais les dépens sont réservés jusqu'à la
présentation d'une requête en jugement, comme
l'ont demandé les procureurs. Le procureur de la
défenderesse peut préparer un projet de jugement
approprié pour donner effet à ma décision et
demander que ce jugement soit prononcé confor-
mément à la Règle 337(2)b) des Règles de la Cour
fédérale [C.R.C., chap. 663]. La requête peut être
présentée par écrit selon la Règle 324, moins que
les procureurs n'insistent pour qu'elle soit soumise
verbalement, auquel cas il sera nécessaire de fixer
la date, le temps et le lieu de l'audience. Comme je
l'ai précisé, la question des dépens sera réglée au
moment de l'audition de la requête en jugement.
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