T-914-89
Ahmad Osman Eltassi (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: ELTASSI C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION) (I 1e INST.)
Section de première instance, juge Martin—Win-
nipeg, 20 juin; Ottawa, 25 juillet 1989.
Immigration — Pratique — Compétence de la section d'ap-
pel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
— La Commission d'appel de l'immigration a prononcé, en
1987, le sursis d'exécution d'une ordonnance de renvoi —
Avant l'examen oral du sursis, le ministre a demandé une
ordonnance rejetant l'appel et ordonnant l'exécution de l'or-
donnance de renvoi — L'affaire a été ajournée, le requérant
s'opposant à la composition de la Commission — Il a soutenu
que la formation de la Commission chargée de statuer sur la
demande du ministre et de procéder à l'examen oral devait être
la même que celle qui avait sursis à l'exécution de l'ordon-
nance de renvoi — La mesure législative qui est entrée en
vigueur le ler janvier 1989 a substitué à l'ancienne Commission
d'appel de l'immigration, la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié — L'art. 49 de la Loi modificatrice prévoit
que lorsque l'ancienne Commission, en statuant, même avant
la date de référence, sur un appel, a ordonné de surseoir à
l'exécution de l'ordonnance de renvoi, la section d'appel de la
nouvelle Commission procède à la révision de l'affaire —
Comme l'art. 49 visait expressément la situation, l'art. 48, qui
exige que l'ancienne Commission tranche les appels engagés
avant la date de référence, n'est pas applicable — L'art. 48
vise les appels fondés sur l'art. 72 et les demandes de réexa-
men des revendications du statut de réfugié au sens de la
Convention fondées sur l'art. 70 — La section d'appel de
l'immigration est l'organisme habile à examiner le sursis
d'exécution de l'ordonnance de renvoi.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi modifiant la Loi sur l'immigration de 1976, L.C.
1988, chap. 35, art. 49.
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 59 (mod. par L.C. 1988, chap. 35, art. 18), 70,
72(1) (mod. par S.C. 1984, chap. 21, art. 81), 75(1),
76(3) (mod. par L.C. 1988, chap. 35, art. 18, 49).
Règles de 1981 de la Commission d'appel de l'immigra-
tion (procédures d'appel), DORS/81-419, art.
38(1)a)(ii).
AVOCATS:
David Matas pour le requérant.
Brian Hay pour l'intimé.
PROCUREURS:
David Matas, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada, pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARTIN: Le requérant demande des
brefs de certiorari et de mandamus annulant la
décision de la Commission d'appel de l'immigra-
tion de procéder à l'examen d'une ordonnance de
la Commission conformément au paragraphe
76(3) [mod. par L.C. 1988, chap. 35, art. 18, 49]
de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C.
1976-77, chap. 52] avec une formation de la Com
mission constituée, en partie, de la formation origi-
nale qui a entendu l'appel du requérant, et en
partie d'un nouveau membre; le requérant
demande également que les brefs susmentionnés
ordonnent à la Commission de procéder à l'examen
soit avec la formation originale qui a accordé le
sursis à l'exécution de l'ordonnance de renvoi, soit
avec les deux membres originaux qui restent.
Le règlement des questions litigieuses en l'es-
pèce s'est trouvé compliqué par les modifications
de 1988 apportées à la Loi sur l'immigration de
1976 (l'ancienne Loi) qui ont été proclamées en
vigueur le premier janvier 1989. Les modifications
(L.C. 1988, chap. 35) ont substitué à l'ancienne
Commission d'appel de l'immigration la Commis
sion de l'immigration et du statut de réfugié, qui
comprend deux sections, la section du statut de
réfugié et la section d'appel de l'immigration. En
l'espèce, seule m'intéresse la seconde section.
Cette demande procède d'un appel fondé sur le
paragraphe 72(1) [mod. par S.C. 1984, chap. 21,
art. 81] de l'ancienne Loi et interjeté contre une
ordonnance de renvoi prononcée contre le requé-
rant. Le 8 janvier 1987 la Commission d'appel de
l'immigration, qui se composait de L. Goodspeed,
G. Vidal et B. Rayburn, a ordonné de surseoir à
l'exécution de l'ordonnance de renvoi jusqu'au 8
janvier 1990 conformément au paragraphe 75(1)
de l'ancienne Loi. La Commission a aussi donné
avis qu'elle examinerait le sursis le 8 juin 1988,
conformément au paragraphe 76(3) de l'ancienne
Loi.
Le 8 juin 1988 la Commission, qui se composait
des trois mêmes membres, a étudié le sursis
accordé et a ordonné un examen oral de l'affaire à
la date que fixerait le greffier. L'examen a été fixé
au premier septembre 1988, date à laquelle la
même formation de la Commission l'a ajourné de
nouveau à une date devant être fixée par le
greffier.
Le 8 septembre 1988, avant que le greffier ne
puisse fixer la date de l'audition, le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration (le ministre), confor-
mément au sous-alinéa 38(1)a)(ii) des Règles de
1981 de la Commission d'appel de l'immigration
(procédures d'appel) [DORS/81-419], a demandé
à la Commission une ordonnance rejetant l'appel
du requérant et ordonnant que l'ordonnance de
renvoi rendue contre lui soit exécutée dès que les
circonstances le permettront.
Le 24 novembre 1988, le greffier a donné avis
que l'audition de la demande du ministre aurait
lieu le 15 décembre 1988, et qu'elle pourrait impli-
quer l'examen oral de l'ordonnance de renvoi à
laquelle il avait été sursis.
Le 15 décembre 1988 la Commission, composée
de L. Goodspeed, H. M. Arpin et B. Rayburn, s'est
réunie pour étudier la demande du ministre et,
peut-on présumer, pour procéder à l'examen oral
de l'ordonnance de renvoi à laquelle il avait été
sursis. Avant le début des procédures, l'avocat du
requérant s'est opposé à la modification de la
constitution de la Commission, soutenant que la
formation originale avait été saisie de la question
et qu'elle seule pouvait procéder à l'examen de
l'ordonnance de renvoi ayant fait l'objet du sursis.
Après quelque discussion, l'affaire a été ajournée
sans date fixée pour permettre la présentation de
la demande en l'espèce qui m'a été faite à Winni-
peg (Manitoba), le 20 juin 1989. Les moyens
invoqués à l'appui de cette demande sont les
mêmes qui ont été soumis à la Commission qui a
ajourné l'audition le 15 décembre 1988, à savoir
que le requérant a le droit d'obtenir que l'examen
de son cas en vertu du paragraphe 76(3) de l'an-
cienne Loi soit fait par la même formation de la
Commission qui a été saisie de son appel à l'ori-
gine, et qui a ordonné qu'il soit sursis à l'exécution
de l'ordonnance de renvoi.
Ni l'un ni l'autre des avocats n'a pu citer de la
jurisprudence pertinente. Cela n'est toutefois pas
nécessaire, étant donné mes vues sur la question,
car le Parlement a prévu les circonstances de
l'espèce à l'article 49 des L.C. de 1988, chap. 35,
dont voici le libellé:
49. Lorsque l'ancienne Commission, en statuant, même
avant la date de référence, sur un appel, a ordonné de surseoir à
l'exécution de l'ordonnance de renvoi, la section d'appel pro-
cède à une révision de l'affaire chaque fois qu'elle juge oppor-
tun de le faire et à cette fin, le paragraphe 76(3) de la nouvelle
loi s'applique, compte tenu des adaptations de circonstance,
comme si c'était la section d'appel qui avait statué sur l'appel.
En l'espèce l'ancienne Commission, la Commis
sion d'appel de l'immigration constituée sous le
régime de l'ancienne Loi, composée de Goodspeed,
Vidal et Rayburn, a statué sur l'appel du requé-
rant conformément à l'alinéa 75(1)c) de l'ancienne
Loi en ordonnant de surseoir à l'exécution de
l'ordonnance de renvoi. Le droit de révision de
cette ordonnance, prévu au paragraphe 76(3) de
l'ancienne Loi et accordé à la Commission d'appel
de l'immigration, a été conféré, en vertu de l'arti-
cle 49 des L.C. de 1988, chap. 35, la section
d'appel de l'immigration de la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié, constituée
sous le régime de l'article 59 de la Loi sur l'immi-
gration de 1976, modifié par l'article 18 des L.C.
de 1988, chap. 35.
L'avocat du requérant a soutenu que l'article 48
des S.C. de 1988, chap. 35, s'appliquait à l'espèce
parce que l'audition du 15 décembre 1988 était un
appel devant l'ancienne Commission présumé avoir
été engagé en vertu de l'ancienne Loi le 15 décem-
bre 1988,. qui est la date où le requérant a comparu
devant la Commission pour solliciter la remise de
l'audition de la demande du ministre, et qui est
une date antérieure à la date de référence, soit le
premier janvier 1989. Les dispositions pertinentes
de l'article 48 des S.C. de 1988, chap. 35, sont
ainsi libellées:
48. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent arti
cle, les demandes de réexamen et les appels engagés devant
l'ancienne Commission avant la date de référence et encore en
instance à cette date sont tranchés par celle-ci conformément à
l'ancienne loi et aux règles établies sous son régime.
(2) Pour l'application du paragraphe (1), une demande de
réexamen ou un appel sont réputés engagés le jour où au moins
l'une des parties a comparu pour la première fois devant
l'ancienne Commission, pour agir ou demander une remise de
l'affaire.
(3) L'ancienne Commission sera dessaisie des demandes et
des appels visés au paragraphe (1) et qui n'auront pas encore
été tranchés dans l'année qui suit la date de référence. Ceux-ci
sont entendus de nouveau par la section du statut ou la section
d'appel, selon le cas, conformément à la nouvelle loi.
À mon sens, cet article vise les appels interjetés
en vertu de l'article 72 de l'ancienne Loi ou les
demandes de réexamen de la revendication du
statut de réfugié au sens de la Convention en vertu
de l'article 70 de l'ancienne Loi, et non le réexa-
men ou la modification subséquents de l'ordon-
nance de sursis à l'exécution de l'ordonnance de
renvoi envisagés au paragraphe 76(3) de l'an-
cienne Loi, dont il est expressément traité à l'arti-
cle 49 des L.C. de 1988, chap. 35, qui ordonne que
dans les circonstances présentes, le paragraphe
76(3) de l'ancienne Loi, modifié [L.C. 1988, chap.
35, art. 18], soit modifié de nouveau pour se lire
comme suit:
76....
(3) Lorsque l'ancienne Commission a statué sur un appel en
ordonnant de surseoir à l'exécution de l'ordonnance de renvoi
ou de renvoi conditionnel, elle peut, à tout moment:
a) modifier les conditions imposées en vertu du paragraphe
(2) ou en imposer de nouvelles;
b) annuler sa décision de surseoir à l'exécution de l'ordon-
nance et;
(i) soit rejeter l'appel et ordonner que l'ordonnance soit
exécutée dès que les circonstances le permettent,
(ii) soit accueillir l'appel et prendre toute autre mesure
visée au paragraphe (1).
Étant donné cette disposition, je ne saurais
accueillir la thèse de l'avocat du requérant selon
laquelle la Commission originale, composée de
Goodspeed, Vidal et Rayburn, qui a statué sur
l'appel du requérant conformément aux disposi
tions de l'alinéa 75(1)c) de l'ancienne Loi en
ordonnant de surseoir à l'exécution de l'ordon-
nance de renvoi, reste saisie de l'affaire par la suite
à l'exclusion de la section d'appel de la Commis
sion de l'immigration et du statut de réfugié. Il me
semble évident que l'organisme habile à examiner
toute révision de l'ordonnance du 8 janvier 1987 de
la Commission d'appel de l'immigration, y compris
la demande du ministre faite sous le régime du
sous-alinéa 38(1)a)(ii) des Règles, est la section
d'appel de l'immigration de la Commission.
La question de savoir si la formation de la
Commission d'appel de l'immigration qui s'est
réunie le 15 décembre 1988 pour examiner l'or-
donnance à laquelle il avait été sursis était réguliè-
rement constituée ne se pose pas en raison des
modifications contenues dans la mesure législative
édictée par le chap. 35 des L.C. de 1988 qui est
entré en vigueur le premier janvier 1989.
Cette demande sera rejetée et il n'y aura aucune
adjudication de dépens.
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