T-1282-89
Carolyn Khan (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, Carol
Bell, arbitre, et Procureur général du Canada
(intimés)
RÉPERTORIÉ: KHAN c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION) (1 1e INST.)
Section de première instance, juge Muldoon—
Ottawa, 18 et 28 juillet 1989.
Immigration — Pratique — Demande visant à obtenir l'an-
nulation d'une enquête sur le statut de la requérante au
Canada — La requérante a été arrêtée conformément à l'art.
103 à son lieu de travail, certains renseignements laissant
croire qu'elle avait fait une fausse déclaration relativement à
son adresse personnelle et à son lieu d'emploi — L'art. 103
autorise les agents d'immigration à arrêter des personnes qui
travaillent illégalement lorsqu'ils croient que celles-ci se déro-
beront à l'enquête — La requérante a été détenue pendant
deux heures jusqu'à ce que les agents d'immigration vérifient
son adresse en téléphonant à sa soeur — Elle a été mise en
liberté en vertu de l'art. 103(5) — Demande accueillie
L'enquête reposait sur un fondement illégal — L'art. 28, qui
exige la tenue d'une enquête lorsqu'une personne est détenue
en vertu de l'art. 103 ne s'applique plus lorsque la personne a
été mise en liberté — L'art. 27 exige qu'un rapport circonstan-
cié soit soumis au sous-ministre relativement à l'emploi illé-
gal, sauf lorsque la personne a été arrêtée et détenue en vertu
de l'art. 103 — Le sous-ministre n'a pas indiqué qu'il «estime
qu'une enquête s'impose» comme l'exige l'art. 27(3) — Il y a
également eu omission de respecter l'art. 103(4), l'agent prin
cipal n'ayant pas été informé des motifs de la détention.
Il s'agissait en l'espèce d'une demande visant à obtenir un
certiorari annulant l'enquête sur le statut de la requérante au
Canada. Se fondant sur des renseignements indiquant que la
requérante pouvait avoir fait une fausse déclaration au sujet de
son adresse personnelle et de son lieu de travail et avoir falsifié
ses références aux fins de son évaluation annuelle, les agents
d'immigration se sont présentés au domicile où elle travaillait
comme gardienne et ils l'ont arrêtée en vertu de l'article 103 de
la Loi sur l'immigration. Le paragraphe 103(2) habilite les
agents d'immigration à arrêter sans mandat toute personne qui
occupe un emploi en violation de la Loi ou de ses règlements
lorsqu'ils sont d'avis que cette personne constitue une menace
pour la sécurité publique ou se dérobera à l'enquête. Il ne
faisait aucun doute que la requérante, qui était alors enceinte
de huit mois, ne constituait pas une menace pour la sécurité
publique. Les agents n'ont pas essayé de vérifier la véritable
adresse de la requérante avant de l'arrêter. Ils se sont rendus à
l'adresse donnée avec l'intention d'arrêter la requérante s'ils
constataient qu'elle travaillait effectivement à cet endroit. La
requérante a été libérée deux heures plus tard, une fois vérifiés
ses véritables lieux de résidence et de travail grâce apparem-
ment à un appel téléphonique à sa soeur avec laquelle elle
demeurait. L'agent ayant procédé à l'arrestation, qui a plus
tard interrogé la requérante et l'a libérée en vertu du paragra-
phe 103(5), a omis par erreur de fournir les motifs de l'arresta-
tion dans son rapport sur l'avis d'arrestation, en violation du
paragraphe 103(4). Le paragraphe 27(2) oblige un agent d'im-
migration à faire un rapport circonstancié au sous-ministre
indiquant qu'il soupçonne que la personne travaille illégale-
ment, sauf si la personne a été arrêtée et est détenue en vertu de
l'article 103. Le paragraphe 27(3) prévoit que le sous-ministre
doit ordonner la tenue d'une enquête s'il estime qu'une enquête
s'impose. L'article 28 exige qu'une enquête soit tenue sans délai
lorsqu'une personne est retenue ou détenue en vertu de l'article
103. Le principal point litigieux consistait à déterminer si les
agents d'immigration ont eu raison d'arrêter la requérante
plutôt que de rédiger un rapport et de le transmettre au
sous-ministre conformément à l'article 27.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
La mise en liberté de la requérante l'a soustraite à l'applica-
tion de l'article 28. Il ne pouvait pas y avoir d'enquête parce
que la requérante n'était plus détenue en vertu de l'article 103.
Elle avait été mise en liberté conformément au paragraphe
103(5). L'objectif manifeste de la Loi est que l'agent procédant
à une arrestation doit se conformer aux dispositions du para-
graphe 27(2) et faire un rapport circonstancié au sous-ministre.
Sauf dans le cas de retards déraisonnables, il n'y a pas de délai
limite à la remise d'un rapport circonstancié. L'enquête doit
être annulée parce que son fondement est illégal. Le sous-minis-
tre n'a pas indiqué qu'il «estim[ait] qu'une enquête s'impo-
s[ait]» conformément au paragraphe 27(3) «sous réserve des
arrêtés ou instructions du ministre». La requérante peut s'adres-
ser au sous-ministre afin de le convaincre de l'inutilité d'une
enquête.
Les agents d'immigration ont fait preuve de trop de zèle et
d'empressement en arrêtant la requérante sur le fondement de
l'article 103. Ils auraient pu effectuer à la résidence où ils ont
arrêté la requérante l'appel téléphonique qui aura finalement
permis de vérifier sa véritable adresse, ou ils auraient pu prier
la requérante de les accompagner volontairement. Les agents
d'immigration ont exercé leur pouvoir d'arrestation trop dure-
ment, mais pas tout à fait illégalement. La légalité doit être
respectée tout au long du processus. L'agent d'immigration a
omis de se conformer à la disposition obligatoire du paragraphe
103(4) qui exige qu'un avis de la détention soit donné à un
agent principal, avec motifs à l'appui.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 10b), 15, 24.
Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985),
Appendice III, art. lb).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art. 27,
28, 30, 103.
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 83.1 (édicté par L.C. 1988, chap. 35, art. 19), 104.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Kindler c. MacDonald, [1987] 3 C.F. 34; 41 D.L.R. (4th)
78 (C.A.).
AVOCATS:
Michael W. Swinwood pour la requérante.
Barbara A. Mclsaac pour les intimés.
PROCUREURS:
Honeywell, Wotherspoon, Ottawa, pour la
requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Il s'agit en l'espèce d'une
requête urgente présentée sur le fondement de
l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C.
(1985), chap. F-7, et de l'article 24 de la Charte
canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.). Le dépôt de cette requête a été auto-
risé par le juge Teitelbaum le 12 juin 1989, confor-
mément à l'article 83.1 des modifications à la Loi
sur l'immigration de 1976, qui constituent le cha-
pitre 35 des Lois du Canada de 1988 et qui n'ont
pas été refondues dans la Loi sur l'immigration,
L.R.C. (1985), chap. I-2, entrée en vigueur le 12
décembre 1988.
La requérante, dont le nom complet est Carolyn
Naziffa Khan, cherche à obtenir les ordonnances
suivantes:
1. Une ordonnance de certiorari annulant l'en-
quête sur le statut de la requérante au Canada,
effectuée conformément à l'article 28 de la Loi sur
l'immigration, pour les motifs suivants:
[TRADUCTION] a. l'agent d'immigration a excédé le pouvoir
que lui confère le paragraphe 104(2) [sic, c'est-à-dire le para-
graphe 103(2) de la loi actuellement en vigueur] en arrêtant la
requérante parce qu'il n'y avait aucun motif de croire que
celle-ci constituait une menace pour la sécurité publique ou,
qu'à défaut de cette mesure, elle se déroberait à l'enquête ou
n'obtempérerait pas à la mesure de renvoi;
b. l'application du paragraphe 104(2) [sic] de la Loi sur
l'immigration a entraîné la violation du droit garanti à la
requérante par l'article 15 de la Charte des droits et libertés et
l'alinéa 1b) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C.
1970, Appendice 3 [sic, désormais L.R.C. (1985), Appendice
III];
c. l'agent d'immigration ne s'est pas demandé si la requérante
constituait une menace pour la sécurité publique ou si, à défaut
de cette mesure, elle se déroberait à l'enquête et il ne possédait
en fait aucune preuve à cet effet;
d. l'application de l'article 104 [sic] a empêché la requérante
de bénéficier de l'examen discrétionnaire prévu au paragraphe
27(3) de la Loi sur l'immigration de 1976 et de ses modifica
tions prévues au chapitre 35 [sic].
L'enquête est de ce fait entachée de nullité et les
motifs qui précèdent permettent à la Cour de
l'annuler.
2. Une ordonnance écartant, en vertu du paragra-
phe 24(2) de la Charte canadienne des droits et
libertés, tous les éléments de preuve obtenus après
l'arrestation de la requérante le 6 mars 1989 parce
que les droits garantis à cette dernière par l'alinéa
10b) de la Charte canadienne des droits et libertés
ont été violés; ces éléments de preuve incluent:
[TRADUCTION] a. l'avis d'arrestation;
b. les allégations;
c. la déclaration de la requérante;
d. toute preuve documentaire obtenue après l'arrestation et
devant être utilisée à l'enquête.
La requérante est venue au Canada en 1987,
munie d'un passeport de Trinidad et Tobago, dans
le cadre du Programme concernant les employés
de maison étrangers (FDM). Les conditions de ce
programme et du permis de séjour de la requérante
prévoyaient que celle-ci devait travailler à un
endroit déterminé comme aide domestique rési-
dente. À l'époque en cause, elle était autorisée à
travailler pour Mme Godden résidant au 121,
Curtis Crescent, Ottawa; cette dernière était en
fait la soeur de la requérante, ce dont les agents
examinateurs ne semblent s'être rendu compte
qu'après avoir arrêté la requérante le 6 mars 1989.
Le 14 décembre 1988, les fonctionnaires du
Ministère avaient permis à la requérante, qui en
avait fait la demande, de changer d'emploi et de
commencer à travailler pour Mme Godden, l'autori-
sation étant valide jusqu'au 14 décembre 1989.
Une copie de la formule, signée par la requérante
et autorisant un tel changement, est jointe sous la
cote A à l'affidavit de Lyne Deschamps, l'un des
agents principaux qui ont assisté à l'arrestation de
la requérante.
Le 23 février 1989, la requérante s'est présentée
aux bureaux de l'immigration à Ottawa afin de
subir, conformément au programme FDM, sa pre-
mière évaluation annuelle. Elle a alors remis à
l'évaluateur une lettre provenant apparemment de
Mme Godden; cette dernière y utilise des termes
chaleureux pour faire l'éloge de la requérante et y
affirme que celle-ci [TRADUCTION] «travaille pour
moi depuis le 14 décembre 1988». Une copie de
cette lettre est jointe sous la cote B à l'affidavit de
M me Deschamps.
Mme Deschamps déclare au paragraphe 6 de son
affidavit, au sujet duquel elle a été plus tard
contre-interrogée par l'avocat de la requérante,
que le 2 mars 1989:
[TRADUCTION] ... j'ai reçu un appel du mari [Allen Thomp-
son] du D' Gould qui m'a informée que la requérante travaillait
en réalité pour lui-même et son épouse depuis le 17 janvier
1989. Je l'ai rencontré le lendemain. Il m'a alors indiqué que la
requérante lui avait déclaré être une immigrante ayant le droit
d'établissement et qu'elle lui avait fourni, ainsi qu'à son épouse,
une adresse autre que celle donnée à [l'évaluateur] le 23 février
1989. Il a ajouté être inquiet parce que la requérante était
incapable de lui fournir un numéro d'assurance sociale ou tout
autre document l'autorisant à travailler.
Mme Deschamps explique dans les paragraphes
suivants de son affidavit le rôle qu'elle a joué à
l'enquête et au moment de l'arrestation ultérieure
de la requérante:
[TRADUCTION] 7. Ayant été mise au courant de ces faits, j'ai
réexaminé le dossier de la requérante. Il m'a semblé que:
(i) la requérante faisait partie de l'une des catégories visées
par les alinéas 27(2)b) et e) de la Loi parce qu'il était
possible qu'elle ait fait une fausse déclaration au sujet
de son lieu de travail en violation du paragraphe 18(2)
du Règlement et qu'elle avait repris cette fausse décla-
ration au moment de son évaluation annuelle, il y avait
seulement une semaine;
(ii) la requérante pourrait avoir falsifié ses références aux
fins de son évaluation annuelle. Ces documents proba-
blement forgés comportaient une lettre datée du 23
février 1989 dans laquelle Mme Godden se déclare l'em-
ployeur de la requérante ainsi qu'une lettre datée du 26
octobre 1988 et adressée par Mme Zinora Ferreira [qui
est également une sœur de la requérante] à Mme
Godden qui y est encore une fois désignée comme
l'employeur de la requérante. Des copies de ces deux
lettres sont jointes à mon affidavit sous les cotes B et C
respectivement;
(iii) la requérante a fourni aux Gould une adresse différente
de celle qu'elle avait donnée à Emploi et Immigration,
ce qui a éveillé des doutes dans mon esprit quant à son
véritable lieu de résidence. M. Gould m'a informée
qu'elle lui avait déclaré habiter au 1545, promenade
Alta Vista, Ottawa (Ontario), mais qu'il avait vérifié les
noms inscrits dans le hall et qu'il avait des motifs de
croire qu'elle ne résidait pas à cet endroit. L'adresse
fournie à Emploi et Immigration était censée être celle
du domicile de Mm° Godden, soit le 121, Curtis Cres
cent, Ottawa (Ontario).
Ces déclarations qui semblaient fausses m'ont amenée à penser
qu'il existait des motifs raisonnables de croire que la requérante
se déroberait à l'enquête ou qu'elle n'obtempérerait pas à une
mesure de renvoi.
On constate une omission dans le déroulement
des faits exposés par M me Deschamps dans son
affidavit. Le 3 mars 1989, M. Thompson lui a
remis un document dactylographié, appelé en l'es-
pèce une «fiche de renseignements», et joint comme
pièce 1 (dossier conjoint des requêtes, onglet 3) au
contre-interrogatoire d'Albert Pace qui accompa-
gnait M me Deschamps au moment de l'arrestation
de la requérante le 6 mars 1989. Cette fiche
indique clairement que l'adresse de la requérante
est le 121, Curtiss [sic] Crescent, Ottawa: Cette
omission n'a toutefois pas dissipé les doutes de Mm°
Deschamps au sujet du véritable lieu de résidence
de la requérante avant qu'elle-même et M. Pace se
présentent à la résidence des Thompson-Gould le 6
mars suivant. Ils ont plus tard constaté que la
requérante habitait en fait au 121, Curtis, c'est-à-
dire au domicile de Mme Godden.
Mme Deschamps ajoute:
[TRADUCTION] 8. M. Albert Pace et moi-même avons agi sui
le fondement de l'article 104 [sic: en réalité l'article 103] de la
Loi et nous avons arrêté la requérante à la demeure des Gould
le 6 mars 1989. Nous y sommes arrivés aux environs de 9 h 30,.
au moment de son arrestation, la requérante gardait les deux
enfants des Gould.
On peut souligner que Mme Deschamps a admis
dans ses réponses aux questions 194 à 208 de son
contre-interrogatoire qu'elle avait l'intention d'ar-
rêter la requérante si elle constatait que cette
dernière travaillait effectivement à la résidence des
Thompson-Gould. Le paragraphe 103(2) de la Loi
prévoit que les agents d'immigration sont habilités
à arrêter sans mandat une «personne soupçonnée,
pour des motifs raisonnables, de faire partie de
l'une des catégories visées aux alinéas 27(2)b) [ou]
e) ... qui, à leur avis, constitue une menace pour
la sécurité publique ou n'obtempérera pas à la
mesure». Les agents n'estimaient certainement pas
que la requérante, qui était alors enceinte de huit
mois, constituait une menace quelconque pour la
sécurité publique.
Mme Deschamps déclare encore dans son
affidavit:
[TRADUCTION] 9. Dès notre arrivée à la demeure des Gould,
nous avons informé la requérante de ses droits de retenir les
services d'un avocat et de communiquer avec son consulat. Une
copie des notes que j'ai prises au moment de l'arrestation de la
requérante est jointe au présent affidavit sous la cote D. La
requérante a demandé l'autorisation de faire un appel télépho-
nique, ce qu'elle n'a finalement pas fait, même si elle n'en a
nullement été empêchée. La requérante a quitté la demeure des
Gould en notre compagnie. Elle s'est montrée coopérative.
La requérante a été arrêtée dès l'arrivée des
agents ou presque immédiatement après celle-ci,
comme Mme Deschamps avait déclaré dans son
contre-interrogatoire avoir l'intention de le faire.
Comme l'a déclaré l'avocat de la requérante au
cours de la plaidoirie, il semble que les agents
voulaient vérifier si la requérante travaillait à la
demeure des Thompson-Gould, mais qu'ils n'ont
pas tenté sur-le-champ de vérifier sa véritable
adresse avant de l'arrêter. En outre, le consulat
dont il est fait mention plus haut dans le document
joint à l'affidavit d'Albert Pace sous la cote B, est
situé à Toronto. Les agents ne semblent pas avoir
envisagé la possibilité de communiquer avec le
bureau du Haut-Commissariat à Ottawa. Des
représentants du gouvernement du pays d'origine
de la requérante y travaillent très certainement. La
requérante a rejeté l'offre de communiquer avec le
consulat de Toronto. Il est question dans le docu
ment versé sous la cote B qui est une formule
prescrite par le ministre et intitulée «Avis relatif au
droit de se faire représenter par un conseiller lors
d'une enquête de l'immigration», de la représenta-
tion par «un avocat ou un autre conseiller» comme
le prévoit le paragraphe 30(1) de la Loi, mais non
du recours sans délai à l'assistance d'un avocat en
cas d'arrestation ou de détention comme le prévoit
l'alinéa 106) de la Charte.
Voici le texte des deux derniers paragraphes de
l'affidavit de Mme Deschamps:
[TRADUCTION] 10. A 10 h, nous sommes retournés au bureau
de l'immigration et, à 10 h 05, la requérante a téléphoné à sa
sœur, Mme Godden. Elles ont conversé pendant environ dix
minutes et, à la demande de la requérante, j'ai parlé à Mme
Godden pour lui expliquer la situation.
11. J'ai accompagné la requérante au bureau de M. Albert
Pace et j'ai laissé celui-ci l'interroger. M. Pace m'a informée, et
je le crois, que la requérante a été libérée dans les deux heures
qui ont suivi, après avoir signé une formule d'acceptation des
conditions par laquelle elle s'engageait à se présenter à une
enquête lorsqu'un agent d'immigration le lui ordonnerait.
Albert Pace a également fourni son affidavit au
nom des intimés. Il y fait siens les paragraphes 3 à
11 de l'affidavit de Mme Deschamps. C'est M. Pace
qui a interrogé la requérante après son arrestation.
Il jure que celle-ci a de nouveau été informée, mais
cette fois par écrit, de son droit aux services d'un
avocat à l'enquête ainsi que de son droit d'avertir
un représentant de son gouvernement en applica
tion de la Convention de Vienne. Il joint des copies
des accusés de réception signés par la requérante.
M. Pace croit que la requérante a fait un deuxième
appel téléphonique de son bureau afin de prendre
des dispositions pour assurer son transport à son
domicile.
En ce qui concerne l'usage du téléphone, M.
Pace jure que si la requérante avait voulu télépho-
ner à qui que ce soit, notamment à un avocat, on le
lui aurait permis et on lui aurait fourni un
annuaire. Contre-interrogé par l'avocat de la
requérante, il a assuré qu'on avait donné à la
requérante la possibilité de communiquer avec un
avocat soit lorsqu'elle se trouvait au domicile des
Thompson-Gould soit lorsqu'elle est arrivée au
bureau des agents au centre-ville. (Dossier conjoint
des requêtes, onglet 2, page 26, réponses aux ques
tions 167 171.) M. Pace a déclaré qu'une fois
l'interrogatoire commencé, la requérante ne sem-
blait plus nerveuse. Il ne connaît pas et ne connais-
sait pas du tout la requérante. Cette dernière a
déclaré, au cours de son réinterrogatoire, qu'elle se
sentait [TRADUCTION] «très intimidée», [TRADUC-
TION] «très effrayée», [TRADUCTION] «qu'elle a
fondu en larmes» craignant que ce qui se passait
[TRADUCTION] «lui causerait beaucoup de tort» et
que sa nervosité a persisté jusqu'au moment de sa
mise en liberté. (Dossier conjoint des requêtes,
onglet 1, page 16, réponses aux questions 97 et
98.) Ce témoignage décrit probablement le vérita-
ble état d'esprit de la requérante à l'époque en
cause. La Cour retient ce témoignage en raison de
sa sincérité et de son exactitude.
Une copie de la déclaration rédigée par la requé-
rante au cours de son interrogatoire est jointe sous
la cote C à l'affidavit de M. Pace. La requérante a
déclaré que ce dernier lui avait dit de rédiger une
«confession» et lui avait ordonné d'écrire ce qui, au
cours d'autres procédures, serait qualifié de décla-
rations inculpatoires. Étant donné que M. Pace
contredit cette affirmation et vu la nervosité
avouée de la requérante, la Cour accepte la version
des faits de M. Pace. Nul besoin n'est de souligner
que s'il s'était aussi mal comporté, en particulier
avant l'arrivée ou la consultation de l'avocat avec
lequel la requérante a refusé de communiquer ou
dont elle n'était pas suffisamment informée pour
être en mesure de le faire, il y aurait eu une
atteinte grave aux droits garantis à la requérante
par l'alinéa 10b) de la Charte. Toutefois, lorsque
l'on a demandé à la requérante de faire cette
déclaration écrite, elle et Mme Deschamps avaient
déjà parlé avec sa soeur, Mme Godden; et même si
on lui a donné l'occasion de téléphoner à un
avocat, la requérante a, semble-t-il, refusé de le
faire; la Cour ignore exactement si la requérante a
agi ainsi en raison de sa nervosité ou de son
anxiété, ou parce qu'elle ne connaissait aucun
avocat, que les agents ne l'avaient pas informée
adéquatement du droit qui lui est garanti par
l'alinéa 10b) ou encore, parce que sa soeur le lui
avait conseillé, mais cela pourrait permettre d'en
arriver à une conclusion de fait par inférence.
De toute manière, il existe une solution pragma-
tique à cette affaire. Même si elle n'a pas reconnu
que le droit garanti à la requérante par la Charte
avait été violé, l'avocate des intimés a fait savoir
que la déclaration ne serait pas admise à l'enquête
et que les intimés n'essaieraient pas de la faire
admettre. Par conséquent, après avoir obtenu le
consentement des intimés et souligné qu'aucune
violation d'un droit n'a été admise, la Cour accor-
dera le redressement réclamé par la requérante et
ordonnera, conformément au paragraphe 24(2) de
la Charte, que la déclaration rédigée par la requé-
rante le 6 mars 1989 soit écartée de la preuve et
que son contenu ne soit pas dévoilé à l'agent qui
préside l'enquête. Si cet agent en connaît déjà la
teneur, un nouvel arbitre devra présider l'enquête.
Les trois autres éléments que la requérante cher-
che à faire écarter de la preuve produite à toute
enquête complémentaire ou à toute nouvelle
enquête sont les suivants: a) l'avis d'arrestation; b)
les allégations et ... d) toute preuve documentaire
obtenue après l'arrestation et devant être utilisée à
l'enquête. Les documents a) et b) ne sont pas et ne
pourront jamais constituer des éléments de preuve.
L'élément a) est un document hybride qui ressem-
ble et à un subpoena et à un engagement à compa-
raître. Le document b) est semblable à une décla-
ration qui sert à informer la partie adverse de la
réclamation elle-même, mais qui ne constitue pas
une preuve de quoi que ce soit. Le document d) est
décrit beaucoup trop généralement pour que son
exclusion soit accordée en l'espèce. La Cour n'a
pas, en l'espèce, à prononcer une ordonnance favo
rable relativement à l'exclusion de ces documents
parce qu'ils ne peuvent servir à prouver quoi que ce
soit devant un arbitre, ce dernier étant comme
toujours tenu de n'admettre que la preuve
régulière.
Les trois derniers paragraphes de l'affidavit de
M. Pace sont révélateurs; en voici le texte:
[TRADUCTION] 8. J'ai demandé à la requérante de signer une
formule d'acceptation des conditions par laquelle elle s'enga-
geait à se présenter à une enquête lorsqu'un agent d'immigra-
tion le lui ordonnerait. Ayant vérifié ses véritables lieux de
travail et de résidence, j'ai décidé qu'il ne serait pas nécessaire
de la détenir jusqu'au moment de l'enquête. [Non souligné dans
le texte original.]
9. La requérante a été libérée dans les deux heures qui ont
suivi son arrivée au bureau d'Emploi et Immigration, aux
environs de midi.
10. Mon supérieur m'a plus tard informé que j'avais omis de
préciser les motifs de l'arrestation de la requérante dans le
rapport concernant l'avis d'arrestation. Ce rapport est joint à
mon affidavit sous la cote D. Toutefois, pour les motifs exposés
au paragraphe 7 de l'affidavit de Lyne Deschamps, je croyais
que la requérante aurait pu se dérober à l'enquête.
Même si l'aveu figurant au paragraphe 10 pour-
rait avoir l'air d'une réflexion après coup peu
convaincante, ce n'est pas nécessairement le cas,
comme nous le verrons.
Le principal point litigieux à l'audition de la
présente affaire consistait à déterminer si les
agents d'immigration Deschamps et Pace avaient
eu raison d'arrêter la requérante plutôt que de
rédiger un rapport et de le transmettre au sous-
ministre. L'avocat de la requérante a expliqué de
la manière suivante sa critique énergique de l'exer-
cice par les agents de leur pouvoir d'arrestation:
une enquête doit suivre automatiquement toute
arrestation effectuée sur le fondement du paragra-
phe 103(2); mais lorsqu'il agit sur le fondement du
paragraphe 27(2) sans arrêter la personne en cause
conformément à l'article 103, l'agent doit tout
simplement faire un rapport au sous-ministre, et ce
dernier (sous réserve des instructions du ministre)
doit, s'il «estime qu'une enquête s'impose», ordon-
ner la tenue d'une enquête. L'avocat de la requé-
rante a fait valoir qu'une fois que cette dernière a
été arrêtée, il n'existait aucune disposition permet-
tant d'annuler cette arrestation («dis -arrest») et
que la requérante n'a pu bénéficier de l'examen
par le sous-ministre du bien-fondé de l'enquête
étant donné que la tenue de celle-ci est
automatique.
Après avoir effectué un examen rétrospectif
lucide des faits de l'espèce, la Cour statue que les
agents d'immigration Deschamps et Pace ont fait
preuve de trop de zèle et d'empressement en arrê-
tant la requérante sur le fondement de l'article
103. Les agents ayant pu rapidement constater que
la requérante ne se déroberait pas à l'enquête (il ne
subsistait plus aucun doute à la suite de l'appel
téléphonique qu'elle a effectué à sa soeur dans leur
bureau, appel qui aurait pu tout aussi bien être
effectué à la résidence des Thompson-Gould), leur
motif d'arrestation s'est évaporé comme la brume
sous l'effet d'un frais zéphyr. En fait, s'ils
croyaient que cette résidence n'était pas le lieu
approprié pour interroger la requérante, rien ne les
empêchait de prier cette dernière de les accompa-
gner volontairement à leur bureau et cela, sans
même exercer leur pouvoir d'arrestation, mais en
le gardant en réserve au cas où leur faible motif
d'arrestation se révélerait plus concluant que
prévu. Il aurait été souhaitable qu'ils aient fait
preuve d'un meilleur jugement et de plus de modé-
ration au lieu d'utiliser dès le départ l'artillerie
lourde dont dispose le gouvernement.
Évidemment, cela ne signifie pas que leur motif
était illusoire ou n'a jamais existé. Mis au courant
de la possibilité que la requérante possède deux
adresses alors qu'elle n'aurait dû en avoir qu'une
seule et constatant en même temps que l'une de
celles-ci n'existait probablement pas, les agents
avaient un peu raison de croire que la requérante
se déroberait à l'enquête étant donné qu'ils ne
sauraient pas où la rejoindre. Cette opinion se
fondait sur un motif qui était en réalité plutôt
faible et qui s'est rapidement révélé inexistant.
Mais la sagesse après coup, aussi pénétrante soit-
elle, ne fait pas disparaître les circonstances dans
lesquelles les agents d'immigration se sont formé
une opinion. Même si, à leur place, le juge de la
présente affaire aurait agi différemment, et il ne
fait aucun doute que tel aurait été le cas, on ne
peut s'opposer pour cette raison à la manière dont
ils se sont acquittés de leurs fonctions. Il suffit de
dire que la Cour ne félicite pas les agents Des-
champs et Pace pour avoir fait montre d'un bon
jugement ou de compassion pour s'acquitter de
leur devoir, tel qu'ils le comprenaient, en se fon
dant sur des motifs à peine raisonnables et vrai-
semblables d'arrêter une femme émue et effrayée
qui en était à huit mois d'une grossesse évidente.
L'avocat de la requérante a également blâmé les
agents d'immigration parce qu'ils n'avaient pas
vérifié l'adresse de sa cliente en téléphonant tout
simplement à M me Godden, le 3 mars 1989, afin de
lui demander si la requérante habitait réellement à
cet endroit. On ne mène pas une enquête de cette
manière. Après tout, il existait des motifs raison-
nables de croire que M me Godden était la complice
de la requérante en ce qui concerne les fausses
déclarations de cette dernière au sujet de ses lieux
et conditions de travail. Sa lettre du 23 février
1989, confrontée aux renseignements fournis par
M. Thompson, permettait d'en arriver à une telle
conclusion. Les enquêteurs ne pouvaient évidem-
ment pas lui téléphoner avant d'avoir d'abord véri-
fié où travaillait réellement la requérante, sans
remettre en question leur propre compétence d'en-
quêteurs dignes de ce nom.
Même dans une société libre et démocratique, le
pouvoir d'arrestation constitue un redoutable ins
trument de coercition pour ne pas dire d'intimida-
tion. Il faut exercer ce pouvoir avec prudence et,
évidemment, en respectant rigoureusement la loi.
La Cour conclut en l'espèce que les agents d'immi-
gration ont exercé leur redoutable pouvoir trop
durement, mais pas tout à fait illégalement. La
légalité n'est toutefois pas une exigence provisoire;
elle doit être respectée tout au long du processus.
C'est la légalité du comportement des deux agents
examinateurs principaux après l'arrestation de la
requérante qu'il faut examiner.
Ce sont les dispositions de la Loi sur l'immigra-
tion qui constituent la principale source d'une telle
légalité. En voici les dispositions pertinentes:
27....
(2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si
la personne en cause, arrêtée sans mandat, est détenue en vertu
de l'article 103, faire un rapport circonstancié au sous-ministre
de renseignements concernant une personne se trouvant au
Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident
permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas:
b) a occupé un emploi au Canada en violation de la présente
loi ou de ses règlements;
(3) Sous réserve des arrêtés ou instructions du ministre, le
sous-ministre, s'il estime qu'une enquête s'impose, transmet à
un agent principal un exemplaire du rapport visé au paragraphe
(1) ou (2) et ordonne la tenue d'une enquête.
28. L'agent principal fait procéder sans délai à une enquête
sur toute personne retenue ou détenue, en vertu [...] de
l'article 103.
103... .
(2) L'agent de la paix, qu'il soit nommé en vertu d'une loi
fédérale ou provinciale ou d'un règlement municipal, et l'agent
d'immigration peuvent, sans mandat, ordre ou instruction à cet
effet, arrêter et garder ou arrêter et faire garder:
a) aux fins d'enquête, toute personne soupçonnée, pour des
motifs raisonnables, de faire partie de l'une des catégories
visées aux alinéas 27(2)b) ... et qui, à leur avis, constitue
une menace pour la sécurité publique ou se dérobera à
l'enquête;
(4) Le gardien ou celui qui, en application du présent article,
ordonne la garde aux fins d'interrogatoire ou d'enquête doit
immédiatement en aviser un agent principal, avec motifs à
l'appui.
(5) Dans les quarante-huit heures suivant le moment où une
personne est placée sous garde en application de la présente loi,
l'agent principal peut ordonner sa mise en liberté, aux condi
tions qu'il juge indiquées en l'espèce, notamment la fourniture
d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution.
[Non souligné dans le texte original.]
S'il est vrai que la requérante a été retenue ou
détenue en vertu de l'article 103, il est toutefois
évident que sa détention n'a duré qu'environ deux
heures. Sa mise en liberté relativement rapide, sur
le fondement du paragraphe 103(5), l'a soustraite,
du moins dans les circonstances dévoilées en l'es-
pèce, à l'application de l'article 28 et a rendu
impossible ou, du moins, a empêché l'exécution
concrète de la disposition obligatoire qui s'y
trouve. En effet, il existe une disposition de mise
en liberté au paragraphe 103(5), et il s'agit d'une
mesure tout à fait pratique et humanitaire. On ne
peut certainement pas reprocher à M. Pace de
l'avoir utilisée. Il a toutefois omis de se conformer
(selon la preuve fournie) à la disposition obliga-
toire du paragraphe 103(4) car, s'il a immédiate-
ment avisé un agent principal de la détention alors
terminée de la requérante, il semble qu'il n'ait pas
fourni immédiatement à cet agent les motifs de
ladite détention. (Paragraphe 10 et pièce D jointe
à l'affidavit; dossier conjoint des requêtes,
onglet 2, page 34, réponse à la question 224.) Il a,
par erreur, omis de fournir des motifs et, par la
suite, il a adopté ceux exposés par Mme Deschamps
au paragraphe 7 de son affidavit. Le principal
motif d'arrestation avait été éliminé, et la requé-
rante n'était plus détenue aux fins d'enquête.
Étant donné qu'il était impossible d'appliquer
l'article 28, ce qui d'ailleurs n'a pas été fait, il ne
pouvait manifestement pas y avoir d'enquête. Peu
importe l'effet de l'article 103, il est clair que la
requérante n'était plus détenue en vertu de l'article
103, condition prévue au paragraphe 27(2). La
requérante a plutôt été mise en liberté conformé-
ment à l'article 103 paragraphe (5). Il est mani-
feste que l'objectif de la loi adoptée par le Parle-
ment est, dans les circonstances révélées en
l'espèce, que M me Deschamps ou, plus vraisembla-
blement, M. Pace, étant donné que tous les deux
reconnaissent que c'est ce dernier qui a en réalité
effectué l'arrestation, doivent se conformer aux
dispositions du paragraphe 27(2) et «faire un rap
port circonstancié au sous-ministre». Après tout, la
requérante n'a pas été détenue conformément à
l'article 103 (qui constitue une condition aux dis
positions obligatoires de l'article 28 et du paragra-
phe 103(4)) mais en réalité, à l'époque en cause,
elle a été mise en liberté, sur le fondement de
l'article 103 paragraphe (5), si on pouvait considé-
rer que l'interrogatoire constituait une détention.
Tel semble être l'effet du texte de loi sans qu'on ait
à en forcer le sens et si on n'oublie pas que, lorsque
le droit à la liberté d'un individu est en cause, la loi
doit être interprétée strictement afin d'éviter la
violation de ce droit et de la liberté elle-même. Les
avocats ont tous les deux reconnu que, sauf dans le
cas de retards déraisonnables, il n'y a pas de délai
limite à la remise du rapport circonstancié au
sous-ministre.
Par conséquent, l'enquête déjà commencée et
maintenant reportée au 28 août 1989 doit être
annulée parce que son fondement est illégal.
C'est-à-dire que le sous-ministre n'a pas indiqué,
conformément au paragraphe 27(3), qu'il «estime
qu'une enquête s'impose», «sous réserve des arrêtés
ou instructions du ministre». La Cour estime que
tel doit être le résultat lorsqu'on applique les dispo
sitions remarquablement raisonnables et pratiques
du paragraphe 103(5), et que tel doit être le
résultat compte tenu des faits de l'espèce.
Étant donné la décision et les conclusions qui
précèdent, il est inutile d'examiner les demandes
fondées sur les paragraphes 15(1) et (2) de la
Charte et sur l'alinéa l b) de la Déclaration cana-
dienne des droits [L.R.C. (1985), Appendice III].
La Cour ne rendra aucune ordonnance relative-
ment à ces demandes particulières de réparation.
Si «le sous-ministre estime qu'une enquête s'im-
pose», une nouvelle enquête devra être tenue
devant un nouvel arbitre. La déclaration faite par
la requérante le 6 mars 1989 est et demeure tout à
fait inadmissible en preuve à toute enquête de ce
genre.
Il n'existe évidemment aucune disposition légis-
lative empêchant l'avocat de la requérante ou lui
interdisant de s'adresser par écrit au sous-ministre
afin d'essayer de le convaincre de l'inutilité d'une
enquête. Le sous-ministre n'est pas obligé d'atten-
dre qu'une telle argumentation lui soit soumise,
car il n'est même pas tenu de recevoir une argu
mentation écrite; mais le sous-ministre étant une
personne respectable, on présume qu'il ne précipi-
tera pas l'examen de l'affaire afin de faire échouer
les efforts de l'avocat. Il ne fait aucun doute que le
sous-ministre s'acquitte de sa tâche en se confor-
mant aux décisions rendues par la Section d'appel
de cette Cour dans l'arrêt Kindler c. MacDonald,
[1987] 3 C.F. 34; 41 D.L.R. (4th) 78, et dans un
tel cas, la requérante ne peut se plaindre. On
pourrait croire que la présente décision constitue
pour la requérante un faible gain, sinon un gain
illusoire. Exerçant son pouvoir discrétionnaire, la
Cour rend quand même cette décision, car la
requérante y a légalement droit.
La requérante a eu gain de cause en l'espèce sur
le principal point litigieux devant être tranché et, à
la même étape du litige, son avocat a convaincu les
intimés de reconnaître l'inadmissibilité de la décla-
ration écrite et signée par la requérante le 6 mars
1989. Cela constitue un motif suffisant pour accor-
der à la requérante les frais entre parties ainsi que
les autres frais afférents aux présentes procédures,
dès qu'ils auront été taxés. Une telle décision ne
traduit rien d'autre qu'un profond respect pour le
comportement et le professionnalisme de l'avocate
des intimés. Elle n'exprime que le principe selon
lequel c'est le perdant qui paie ordinairement les
frais du vainqueur.
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