A-978-88
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Royden Young, William Rankin, Robert
MacLean, Walker Burton et Albert Blackledge
(intimés)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) C. YOUNG
(CA.)
Cour d'appel, juge en chef Iacobucci, juges Heald
et Stone, J.C.A.—Ottawa, 14 juin et 31 juillet
1989.
Assurance-chômage — De nouvelles dispositions législati-
ves entrées en vigueur le 5 avril 1987 prévoient que les
demandes de prestations déposées avant le 5 janvier 1986
seront réexaminées — Sous le régime de la nouvelle Loi, une
personne ayant pris sa retraite avant le 5 janvier 1986 mais
ayant formulé une demande après cette date peut-elle obtenir
l'antidatation de sa demande et être remboursée, en particulier
lorsque la tardiveté du dépôt est due aux conseils d'un fonc-
tionnaire de la C.E.I.C. — L'objet des nouvelles dispositions
législatives est d'éliminer le paiement de prestations à des
personnes qui reçoivent un revenu de pension (la pension est à
présent considérée comme un revenu) — L'art. 4 de la nouvelle
Loi fixe une date limite et toute ambiguïté est dissipée par les
déclarations à la Chambre des communes établissant l'inten-
tion du gouvernement de ne pas dévier du principe de l'appli-
cation stricte de l'échéance du 5 janvier — L'art. 39a) du
Règlement n'est d'aucun secours à l'intimé puisque celui-ci ne
satisfaisait pas aux conditions qu'il pose.
Interprétation des lois — Histoire législative — Une nou-
velle loi, la Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux presta-
tions d'assurance-chômage (pension), a été adoptée — Sous le
régime de la nouvelle Loi, une personne ayant pris sa retraite
avant le 5 janvier 1986 peut-elle obtenir l'antidatation de sa
demande et être remboursée? — Admissibilité des débats de la
Chambre des communes qui établissent l'intention du Parle-
ment de ne pas dévier du principe de l'application stricte de la
date limite du 5 janvier 1986 — L'objet des nouvelles disposi
tions est d'éliminer le paiement de prestations à des personnes
qui reçoivent un revenu de pension — Il n'y a pas de contradic
tion entre la Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux presta-
tions d'assurance-chômage (pension) et la Loi et le Règlement
sur l'assurance-chômage.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — Assurance-chômage — Droit aux prestations au
commencement de la retraite — De nouvelles dispositions
législatives prévoient que les demandes de prestations déposées
avant le 5 janvier 1986 seront réexaminées — Les intimés ont
présenté leurs demandes à une date ultérieure et recherchent
l'antidatation de leurs demandes — Deux groupes inégaux se
trouvent créés par la distinction établie pour les fins de
l'antidatation sous le régime de la Loi et des règlements entre
les personnes qui étaient qualifiées et les personnes qui
n'étaient pas qualifiées à recevoir des prestations le jour
auquel l'antidatation a été demandée.
Fin de non-recevoir — Un prestataire de l'assurance-chô-
mage a subi un préjudice en se fiant à l'interprétation qu'un
fonctionnaire de la CE.I.C. avait donnée de nouvelles disposi
tions législatives au cours d'un séminaire sur la retraite —
Croyant ne pas avoir droit aux prestations, ce prestataire n'a
pas présenté sa demande dans le délai applicable — Il est
tentant d'adopter un redressement en equity, mais la Cour
s'immiscerait ainsi de façon injustifiée et inappropriée dans
l'exercice d'une compétence législative exclusive du Parlement
du Canada — L'étude du débat ayant accompagné la seconde
lecture du projet de loi révèle que le gouvernement était
conscient que les dispositions visées pourraient entraîner des
conséquences malheureuses pour certaines personnes.
Les intimés ont pris leur retraite anticipée en novembre 1985.
Devant les participants à un séminaire sur la retraite qui avait
été tenu en octobre 1985, un fonctionnaire de la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada a énoncé l'opinion que,
selon le projet de loi C-50 (Loi sur le réexamen de l'admissibi-
lité aux prestations d'assurance-chômage (pension)), les per-
sonnes prenant une retraite anticipée ne pourraient pas remplir
les conditions relatives aux prestations d'assurance-chômage
puisque les pensions seraient désormais considérées comme un
revenu. Les intimés projetaient de présenter une demande de
prestations en décembre 1985; après avoir reçu ces renseigne-
ments, ils n'ont pas déposé de demande à ce moment-là. Les
nouvelles dispositions législatives, qui sont entrées en vigueur en
juin 1987, ont prévu, à l'article 4, que la Commission «est tenue
de réexaminer l'admissibilité aux prestations du prestataire qui
a formulé une demande initiale de prestations avant le 5 janvier
1986». Constatant la possibilité qu'ils aient droit à des presta-
tions, les intimés ont présenté leurs réclamations en juin 1987
en demandant qu'elles soient antidatées au mois de décembre
1985. La Commission a refusé, pour conclure que, même si la
nouvelle Loi aurait rendu les prestataires admissibles avant le 5
janvier 1986 (eussent-ils présenté une demande), l'alinéa 39a)
du Règlement les rendait inadmissibles- puisqu'ils n'avaient pas
subi un «arrêt de rémunération» ainsi que l'exige cette disposi
tion. Le conseil arbitral et le juge-arbitre n'ont pas été de cet
avis, et ils ont permis l'antidatation des demandes. Le juge-
arbitre a conclu que l'alinéa 39a) ne pouvait être interprété
comme l'emportant sur les modalités impératives de l'article 3
de la nouvelle Loi puisque celle-ci visait à libérer les prestatai-
res de ce carcan.
La demande en l'espèce, fondée sur l'article 28, recherche
l'annulation de cette décision.
Arrêt: la demande devrait être accueillie.
La présente espèce porte essentiellement sur une question
d'interprétation des lois. Il ressort de façon évidente des débats
de la Chambre des communes, dont les tribunaux ont le droit
de s'aider pour vérifier quel «désordre» ou «malaise» une disposi
tion législative avait pour objet de corriger, que le gouverne-
ment était conscient de la situation et a démontré qu'il avait
clairement l'intention de ne pas dévier du principe de l'applica-
tion stricte de l'échéance du 5 janvier 1986.
Les termes utilisés à l'alinéa 4a) sont clairs et non ambigus:
les demandes devaient être présentées avant le 5 janvier 1986.
Il n'y a pas incompatibilité entre ces dispositions et l'article 39
du Règlement. Les intimés n'ayant pas droit au bénéfice des
dispositions de l'alinéa 4a), l'alinéa 39a) devient applicable. Les
intimés n'étant pas admissibles sous le régime de cette dernière
disposition, ils n'ont pas droit à l'antidatation de leurs
demandes.
Dans les circonstances malheureuses de la présente affaire, la
tentation existe d'adapter un redressement en equity (invoquer
une préclusion (fin de non-recevoir) fondée sur les conseils du
représentant de la Commission), mais la Cour s'immiscerait
ainsi de façon injustifiée et inappropriée dans l'exercice d'une
compétence exclusive du Parlement.
Il n'y a eu aucune violation des droits à l'égalité garantis par
l'article 15 de la Charte. Deux groupes inégaux se trouvent
créés par la distinction établie pour les fins de l'antidatation
sous le régime de la Loi et des règlements entre les personnes
qui étaient qualifiées et les personnes qui n'étaient pas quali
fiées à recevoir des prestations le jour auquel l'antidatation a
été demandée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 15.
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
chap. 48, art. 2(1)n) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54,
art. 26(7)), 17(3) (mod. par S.C. 1978-79, chap. 7, art.
4), 20(4), 96 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
56).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10, art. 28.
Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux prestations
d'assurance-chômage (pension), L.C. 1987, chap. 17,
art. 3, 4.
Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576,
art. 37(1) (mod. par DORS/79-348, art. 2; DORS/82-
778, art. 1), 39 (mod. par DORS/81-625, art. 1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Reg. v. Barnet London Borough Council, Ex parte Nilish
Shah, [1983] 2 W.L.R. 16 (H.L.); Punja v. Toronto
Transit Commission (1979), 24 O.R. (2d) 812 (C.A.);
Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration
du Canada, [1986] 3 C.F. 70 (C.A.), confirmé par
[1989] 1 R.C.S. 141; Smith, Kline & French Laborato
ries Ltd. c. Canada (Procureur général), [1987] 2 C.F.
359 (C.A.); Andrews c. Law Society of British Columbia,
[1989] 1 R.C.S. 143.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Harbour c. Commission d'assurance-chômage (1986), 64
N.R. 267 (C.A.F.); Houde (Re), CUB 15387, juge Rou-
leau, décision en date du 26-5-88, juge-arbitre, Loi sur
l'assurance-chômage, encore inédite; Sherwood (Re),
CUB 15002A, juge Collier, décision en date du 6-5-88,
juge-arbitre, Loi sur l'assurance-chômage, encore inédite;
McGiven (Re), CUB 15735, juge McNair, décision en
date du 6-9-88, juge-arbitre, Loi sur l'assurance-chô-
mage, encore inédite.
DÉCISION CITÉE:
Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F. 108 (C.A.).
DOCTRINE
Canada, Débats de la Chambre des communes, Vol. II, 2°
Sess., 33° Parl., 33 Eliz. II, 1986, aux pages 1842 et
1843; Vol. VI, aux pages 6869, 6871, 6872, 6875,
6876, 6877, 6903, 6909, 6927, 6930, 6934.
Driedger, Elmer A., Construction of Statutes, 2° éd.
Toronto: Butterworths, 1983.
AVOCATS:
John B. Edmond pour le requérant.
Dianne Nicholas pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Houston, O'Grady, Morin,
Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD, J.C.A.: La présente demande
[fondée sur l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10] sollicite l'exa-
men et l'annulation d'une décision [CUB -15738]
dans laquelle le juge Muldoon, en qualité de juge-
arbitre siégeant sous le régime des dispositions de
la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C.
1970-71-72, chap. 48], a annulé un appel interjeté
par la Commission de l'emploi et de l'immigration
du Canada (la Commission) de la décision d'un
conseil arbitral (le Conseil). Dans sa décision, la
Commission a infirmé la décision d'un fonction-
naire de l'assurance-chômage qui avait rejeté la
demande présentée par l'intimé Young pour obte-
nir que sa demande soit antidatée au 2 décembre
1985. Ce fonctionnaire de l'assurance-chômage
avait refusé d'antidater la demande de prestations
de l'intimé pour la faire passer du 15 juin 1987 (la
véritable date de sa demande) au 2 décembre 1985
parce que, à son avis, l'intimé n'avait pas établi
que, le 2 décembre 1985, il remplissait les condi
tions requises pour recevoir des prestations confor-
mément aux articles 17 [mod. par S.C. 1978-79,
chap. 7, art. 4] et 20 de la Loi et à l'article 39
[mod. par DORS/81-625, art. 1] du Règlement
sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576.
LES FAITS
La demande fondée sur l'article 28 en l'espèce a
été débattue devant nous sur le fondement des faits
qui ont été établis par le dossier de l'affaire qui
concerne l'intimé Royden Young. Les avocats des
parties se sont entendus pour dire que les faits
pertinents et essentiels des demandes des quatre
autres intimés étaient similaires, sinon identiques,
à ceux de la demande de Royden Young. En
conséquence, ils ont convenu que la Cour devait
statuer sur les demandes de chacun des cinq inti-
més à partir du dossier constitué dans ce dernier
litige. Chacun des cinq appels présentés devant le
juge-arbitre Muldoon a été entendu et jugé de la
même manière.
L'intimé Young était employé par le Centre de
la sécurité des télécommunications du ministère de
la Défense nationale (l'employeur). Il a pris une
retraite anticipée le 29 novembre 1985. Lorsqu'il
s'est retiré, il a reçu une somme de 32 466,07 $'. Il
avait également le droit de recevoir une pension.
L'employeur a participé à l'organisation d'un
séminaire sur la retraite en liaison avec son régime
de retraite anticipée. Ce séminaire a été tenu le 30
septembre et le 1e. octobre 1985. Un des conféren-
ciers de ce séminaire était M. Mike Richard, un
agent de liaison de la Commission. L'intimé
Young n'a pas assisté au séminaire; cependant,
dans son témoignage, qui n'a pas été contredit, il a
affirmé tenir de certains des participants à ce
séminaire que M. Richard avait avisé le groupe
que, suite à une modification apportée à la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, les pensions
seraient désormais considérées comme un revenu,
et que, en conséquence, les personnes présentes au
séminaires ne rempliraient pas les conditions
requises pour recevoir de l'assurance-chômage
devraient-elles prendre une retraite anticipée.
Avant ce séminaire, M. Young était décidé à
demander des prestations d'assurance-chômage
lorsqu'il prendrait sa retraite. Après que ses collè-
gues lui eurent fait part de ce qui avait été dit au
séminaire, il n'a pas présenté de telle demande.
' Ce paiement comportait deux composantes: une indemnité
de départ au montant de 18 181 $ et une prime de retraite
anticipée au montant de 14 285,07 $; toutes deux étaient accor-
dées en vertu du programme d'incitation à la retraite de
l'employeur.
Dans la lettre d'appel en date du 2 septembre 1987
(Dossier, volume 1, à la page 21) qu'il a adressée à
la Commission, il a dit:
[TRADUCTION] J'interjette appel parce que j'avais l'intention
de présenter une demande de prestations d'assurance-chômage
en décembre 1985 mais j'ai changé d'idée après avoir été
informé des conseils donnés par Mike Richard, un représentant
de la C.E.I.C. Sans ces conseils, j'aurais suivi mon intention
première et fait valoir ma demande, ce qui m'aurait permis de
recevoir des prestations.
Lors de l'audition de l'appel formé par M.
Young à l'encontre de la décision du fonctionnaire
de l'assurance-chômage portant qu'il ne remplis-
sait pas les conditions requises pour recevoir des
prestations, le Conseil arbitral a observé que les
renseignements donnés par M. Richard étaient
[TRADUCTION] «exacts en ce qui concernait alors
l'état du droit» mais que ses déclarations «pou-
vaient certainement donner l'impression qu'il était
futile de demander des prestations». Le Conseil a
poursuivi en déclarant, dans sa conclusion (Dos-
sier, volume 1, à la page 36):
[TRADUCTION] Il est évident, pour le Conseil, que les personnes
assistant au séminaire ont considéré qu'elles étaient dissuadées
de présenter une demande.
Le Conseil a ajouté que M. Young et les autres
intimés [TRADUCTION] «ont agi comme toute per-
sonne raisonnable aurait alors fait: ils n'ont pas
présenté de demande de prestations». Le Conseil a
alors accueilli chacun des cinq appels et infirmé la
décision du fonctionnaire de l'assurance-chômage.
Le juge-arbitre Muldoon a ensuite rejeté l'appel
interjeté par la Commission de la décision du
Conseil arbitral.
LA QUESTION EN LITIGE
Les avocats des parties s'entendent pour dire
que la question qui se trouve en litige dans le cadre
de la présente demande fondée sur l'article 28 est
celle de savoir si le juge-arbitre a commis une
erreur de droit en concluant que les intimés
avaient le droit de faire antidater leurs demandes
de prestations à une date antérieure à celle du 5
janvier 1986 en raison de l'incompatibilité qu'il
percevait entre l'alinéa 39a) du Règlement sur
l'assurance-chômage et les dispositions de la Loi
sur le réexamen de l'admissibilité aux prestations
d'assurance-chômage (pension) [L.C. 1987, chap.
17], incompatibilité qui aurait empêché l'applica-
tion par la Commission des dispositions de l'alinéa
39a) aux demandes des intimés sollicitant l'antida-
tation de leurs demandes de prestations.
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
Je considère que l'examen de la présente ques
tion requiert la citation des dispositions législatives
pertinentes:
A. Les articles 3 et 4 de la Loi sur le réexamen de
l'admissibilité aux prestations d'assurance-chô-
mage (pension), L.C. 1987, chap. 17, en vigueur à
partir du 5 avril 1987 z .
3. Sauf cas d'incompatibilité, la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage s'applique, compte tenu des adaptations de
circonstance, aux sommes payées ou payables en vertu de la
présente loi comme si elles l'étaient au titre des prestations
prévues par cette loi, et la Commission est investie, pour toute
question régie par la présente loi, des pouvoirs que lui confère
cette loi en la matière.
4. La Commission est tenue de réexaminer l'admissibilité
aux prestations du prestataire qui remplit les conditions
suivantes:
a) il a formulé une demande initiale de prestations avant le 5
janvier 1986;
b) ses prestations ont été supprimées ou réduites du fait que,
conformément aux articles 57 et 58 du Règlement, dans leur
version du 5 janvier 1986, les sommes qui lui ont été payées
ou qui lui étaient payables après le 4 janvier 1986—sous
forme de montant périodique ou forfaitaire—au titre ou au
lieu d'une pension ont été déduits des prestations qui lui
étaient par ailleurs payables.
Elle doit ensuite calculer le montant supplémentaire qui aurait
été payable au prestataire si la déduction n'avait pas été
effectuée et lui verser ce montant.
B. La Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et ses
modifications.
2. (1) Dans la présente loi,
n) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 26(7)] «arrêt de
rémunération« désigne l'arrêt de la rémunération d'un assuré
lorsque celui-ci cesse d'être à l'emploi d'un employeur par
suite de mise à pied ou pour toute autre raison, ou une
réduction de ses heures de travail entraînant une réduction de
rémunération telle que prescrite;
17....
2 La Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux prestations
d'assurance-chômage (pension) est désignée comme le projet de
loi C-50 dans les motifs du juge-arbitre. J'appellerai donc cette
Loi projet de loi C-50.
(3) Un assuré ... remplit les conditions requises pour rece-
voir des prestations en vertu de la présente loi
a) s'il a ... exercé un emploi assurable pendant quatorze
semaines ou plus au cours de sa période de référence; et
b) s'il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son
emploi.
20....
(4) Lorsqu'un prestataire formule une demande initiale de
prestations après le premier jour où il remplissait les conditions
requises pour la formuler et fait valoir un motif justifiant son
retard, la demande peut, sous réserve des conditions prescrites,
être considérée comme ayant été formulée à une date anté-
rieure à celle à laquelle elle l'a été effectivement.
C. Le Règlement sur l' assurance- chômage,
C.R.C., chap. 1576 et ses modifications.
37. (1) [mod. par DORS/82-778, art. 1] Sous réserve des
dispositions du présent article, un arrêt de rémunération sur-
vient quand, après une période d'emploi, l'assuré est licencié ou
cesse d'être au service de son employeur, et se trouve ou se
trouvera à ne pas avoir travaillé pour cet employeur durant une
période de sept jours consécutifs ou plus, à l'égard de laquelle
aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que les
rémunérations dont il est question au paragraphe 58(12), ne lui
est payable ni attribuée.
39. Une demande initiale de prestations peut être considérée
comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à
laquelle elle l'a été effectivement, si le prestataire prouve
a) [mod. par DORS/81-625, art. 1] qu'à cette date anté-
rieure, il remplissait les conditions requises à l'article 17 de la
Loi pour recevoir des prestations; et
b) [mod. par DORS/79-348, art. 2] que, durant toute la
période comprise entre cette date antérieure et la date à
laquelle il a effectivement formulé sa demande, il avait un
motif justifiant le retard de sa demande.
LA DÉCISION DU JUGE-ARBITRE
Le juge-arbitre, après avoir examiné les
articles 3 et 4 du projet de loi C-50, qui se trouvent
citées plus haut, a conclu que «les buts et objets» de
ces dispositions étaient les suivants [à la page
15738-6] :
... améliorer et ... adoucir la rétroactivité abrupte du règle-
ment adopté auparavant qui, non sans raison, avait été conçu
pour éliminer le paiement des prestations d'assurance-chômage
aux personnes qui recevaient des prestations de pension.
Il a poursuivi en déclarant [à la page 15738-7]:
Les prestataires en l'espèce ... ne perdent pas leur droit au
traitement favorable que le Parlement voulait accorder à toutes
les personnes dans leur situation. La question de l'antidatation
des demandes soulevée par la Commission, ne viendra certaine-
ment pas contrecarrer le but manifeste du Parlement.
Le juge-arbitre prend ensuite les conclusions sui-
vantes [à la page 15738-8]:
M. Young et ses collègues n'ont pas déposé leurs demandes
initiales de prestations avant le 5 février 1986 parce qu'un
employé, et peut-être même un agent de la Commission, leur
avait déconseillé expressément de le faire et avait contrecarré
leur désir de le faire. Leur conduite était tout à fait raisonnable
car, comme le reste de l'humanité, les prestataires ne peuvent
lire l'avenir.
Le juge-arbitre a ensuite examiné les dispositions
du projet de loi C-50 à la lumière des dispositions
alors existantes des articles 17 et 20 de la Loi et de
l'article 39 du Règlement. Après avoir conclu que
l'article 3 du projet de loi C-50 établit que celui-ci
«est la loi qui fait autorité» s'il y a incompatibilité
entre le projet de loi C-50 et la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage, il a conclu [aux pages
15738-8 et 9]:
Lorsque la Commission prétend, comme elle le fait, que le
Bill C-50 aurait rendu les prestataires admissibles avant le 5
janvier 1986, mais que les dispositions déjà en vigueur des
articles 17 et 20 de la Loi et de l'article 39 du Règlement les
rendaient inadmissibles, elle passe certainement outre à l'inten-
tion du Bill C-50 de changer la situation. Lorsque le Bill C-50
prescrit comme il le fait à l'alinéa 4a) que la Commission est
tenue de réexaminer l'admissibilité aux prestations du presta-
taire qui a formulé une demande initiale de prestations avant le
5 janvier 1986, il n'aborde ni implicitement ni explicitement la
disposition de la Loi relative à l'antidatation d'une telle
demande. Il va de soi qu'on ne peut interpréter l'alinéa 39a) du
Règlement comme s'il l'emportait sur les modalités impératives
de l'article 3 du Bill C-50, car le Bill C-50 vise justement à
libérer les prestataires de ce carcan. Étudiés à cette lumière et
dans cette perspective, c'est l'alinéa 39a) du Règlement et les
dispositions dont il dérive qui doivent être considérés comme
incompatibles avec le Bill C-50. C'est une aberration juridique
que de reconnaître aux prestataires un motif valable [objective-
ment] à leur retard à déposer leur demande de prestations,
comme le prévoit l'alinéa 39b) du Règlement pour ensuite
prétendre, d'une façon absurde, s'opposer à ce droit, à en faire
table rase ou à le fouler aux pieds pour respecter l'alinéa 39a)
du Règlement que le Parlement cherche à adoucir par son Bill
C-50.
LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon l'avocat de la requérante, la demande de
prestations de l'intimé qui avait été présentée le 15
juin 1987 ne pouvait être antidatée au 2 décembre
1985. À l'appui de cette assertion, il fait valoir que
l'intimé est incapable d'établir qu'il remplissait les
conditions requises pour recevoir des prestations le
2 décembre 1985 et il soumet que l'intimé ne
remplissait effectivement pas ces conditions à cette
date. Il parvient à cette conclusion en se fondant
sur l'alinéa 39a) du Règlement, qui exige (au
moyen d'un renvoi à l'alinéa 17(3)b) de la Loi)
que le prestataire subisse un «arrêt de rémunéra-
tion». Son argumentation se poursuit par la conclu
sion que, suivant la définition de l'expression «arrêt
de rémunération» qui figure à l'alinéa 2(1)n) de la
Loi, l'intimé n'avait pas subi l'interruption requise
au 2 décembre 1985. En conséquence, bien que cet
avocat ait admis que l'intimé avait un motif justi-
fiant son retard ainsi que l'exigeait l'alinéa 39b) du
Règlement, il considérait que l'intimé ne pouvait
obtenir l'antidatation de sa demande parce qu'il ne
satisfaisait pas aux conditions relatives à l'arrêt de
rémunération de l'alinéa 39a). Il prétend donc que
la législation antérieure au projet de loi C-50
interdit à l'intimé d'antidater sa demande de pres-
tations. Passant ensuite au projet de loi C-50, le
requérant prétend que l'intimé ne peut bénéficier
des dispositions de l'article 4 du projet de loi C-50
puisqu'il ne peut remplir la condition énoncée à
l'alinéa 4a) de ce projet de loi, selon laquelle il doit
avoir présenté sa demande de prestations initiale
avant le 5 janvier 1986.
Pour sa part, l'avocate de l'intimé prétend que
l'alinéa 39a) du Règlement est incompatible avec
les dispositions du projet de loi C-50. Elle fonde
cette conclusion sur la concession de la Commis
sion selon laquelle, dans l'hypothèse où l'intimé
Young aurait présenté une demande initiale avant
le 5 janvier 1986, il aurait reçu des prestations
même si son incapacité à se conformer aux disposi
tions de l'alinéa 39a) du Règlement l'empêchait de
remplir les conditions requises 3 .
Cette avocate soutient ensuite que le projet de
loi C-50 a pour objet de rendre les prestations
accessibles aux personnes qui s'en trouvaient pri-
vées, de sorte que le pouvoir de la Commission
d'antidater une demande conformément à la Loi
de 1971 sur l'assurance-chômage doit être inter-
prété de façon libérale.
INTERPRÉTATION DES DISPOSITIONS
LÉGISLATIVES EN CAUSE
3 Cette concession figure à la p. 22 du vol. 1 du Dossier sous
le titre «Commission's Observations to the Referees». La Com
mission a dit: [TRADUCTION] «On doit porter à l'attention du
conseil arbitral que ce prestataire aurait pu profiter des disposi
tions au projet de loi C-50 ... s'il avait déposé sa demande
avant le 5 janvier 1986. Le prestataire ne pouvait pas établir
son droit aux prestations avant qu'il y ait un arrêt de rémunéra-
tion; s'il avait seulement déposé sa demande de prestations
avant le 5 janvier 1986, il aurait pu recevoir les prestations sans
que son revenu de pension soit déduit des prestations».
Lors de sa plaidoirie, l'avocat du requérant a
observé que la présente espèce porte essentielle-
ment sur une question d'interprétation des lois. Je
suis d'accord pour dire que le sort de la demande
sera largement tributaire de l'interprétation qui
sera donnée aux articles de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage, de son règlement d'applica-
tion et du projet de loi C-50 qui sont applicables.
L'extrait suivant de l'ouvrage Construction of
Statutes, ((2e) éd., à la page 87) du Dr. Driedger,
qui est souvent cité, présente une pertinence parti-
culière en ce qui concerne la situation en l'espèce:
[TRADUCTION] LE PRINCIPE MODERNE
De nos jours, un seul principe ou méthode prévaut pour
l'interprétation d'une loi: les mots doivent être interprétés selon
le contexte, dans leur acception logique courante en conformité
avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur.
Dans l'interprétation des termes d'une loi, les juges
peuvent [TRADUCTION] «adopter la méthode de
l'interprétation téléologique s'ils parviennent à
découvrir, dans l'ensemble de la loi ou dans les
éléments extrinsèques auxquels le droit leur
permet de recourir, l'expression du but ou de
l'intention politique du législateur»". La jurispru
dence récente a établi clairement que les tribunaux
ont le droit de s'aider des débats de la Chambre
des communes pour vérifier quel «désordre» ou
«malaise» une disposition législative particulière
avait pour objet de corriger 5 . En conséquence, je
considère qu'il est instructif pour nous d'examimer
des extraits pertinents du Hansard; ceux-ci
devraient nous aider à identifier le «malaise» ou le
«désordre» que le projet de loi C-50 était censé
corriger. Le 5 décembre 1986, l'honorable Benoît
Bouchard, ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion (le ministre), a résumé le contexte relatif à
cette question dans une déclaration à la Chambre
des communes 6 . Il a rappelé que, le 8 novembre
1984, le ministre des Finances Wilson avait
annoncé que le gouvernement avait l'intention de
° Ce passage est tiré des motifs prononcés par lord Scarman
dans l'arrêt Reg. v. Barnet London Borough Council, Ex parte
Nilish Shah, [1983] 2 W.L.R. 16 (H.L.), à la p. 30.
5 A comparer avec les propos du juge Stone, J.C.A. dans
l'arrêt Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F. 108 (C.A.), à la p.
133.
6 Débats de la Chambre des communes du Canada, 2° Ses
sion, 33' Parlement, vol. II, le 5 décembre 1986, aux p. 1842 et
1843.
traiter le revenu de pension comme une rémunéra-
tion pour les fins de la détermination des presta-
tions d'assurance-chômage. Il a poursuivi en
déclarant:
Cet important changement de politique annoncé en novembre
I984 ne faisait pas une distinction suffisante entre les personnes
qui prennent leur retraite définitive et celles qui prennent leur
retraite pour entreprendre une nouvelle carrière. Les militaires
et les agents de la GRC qui sont tenus de prendre une retraite
précoce en offrent le meilleur exemple.
Les modifications annoncées aujourd'hui assureront un trai-
tement juste et équitable à ce groupe de personnes qui conti-
nuent de faire partie de la population active.
[Français]
Les travailleurs qui ont entrepris une nouvelle carrière où ils
contribuent à l'assurance-chômage et qui se retrouvent ensuite
sans emploi auront droit intégralement aux prestations d'assu-
rance-chômage calculées d'après leur revenu ultérieur à la
retraite quel que soit leur revenu de pension antérieur.
Monsieur le Président, il y a un autre point dont j'aimerais
traiter aujourd'hui. Certains retraités qui touchaient des presta-
tions le 5 janvier 1986, au moment où l'ancienne politique est
entrée en vigueur, ont perdu leur droit aux prestations et parce
qu'ils avaient quitté le marché du travail, ils ne pourront y
redevenir admissibles.
En dépit du fait que le changement de politique a fait l'objet
d'annonces répétées de la part des ministres dans l'exposé
économique de novembre et à d'autres occasions, certaines de
ces personnes soutiennent avoir fondé leur décision de prendre
leur retraite sur des renseignements inexacts provenant de
sources gouvernementales fédérales.
[Traduction]
Afin de régler cette situation, j'ordonnerai aujourd'hui à la
Commission d'examiner tous les cas de cette nature et de
rétablir les prestations si l'allégation est prouvée. Cet examen se
fera selon la procédure normale de règlement des demandes. Le
gouvernement a d'ailleurs toujours agi de cette façon quand des
cas analogues se sont présentés dans d'autres programmes
sociaux.
Ensuite, le 9 juin 1987, le ministre a proposé la
seconde lecture du projet de loi C-50' et a déclaré:
Les députés se souviendront que, lors de ma déclaration du 5
décembre 1986, le gouvernement constatait que certaines per-
sonnes soutenaient avoir reçu des renseignements imprécis au
sujet de la mise en oeuvre des dispositions du 5 janvier 1986
ayant trait au revenu de pension. Afin de nous assurer que les
mesures du 5 janvier soient mises en oeuvre dans un esprit
d'équité, ce projet de loi établit une nette distinction en ce qui
concerne le traitement du revenu de pension avant ou après les
dispositions législatives du 5 janvier.
La règle est très simple: Tous ceux qui ont déposé une
demande de prestations d'assurance-chômage avant le 5 janvier
1986, c'est-à-dire ceux qui ont fait leur demande lorsque les
anciennes règles étaient en vigueur, verront leur admissibilité
' Débats de la Chambre des communes du Canada, 2° Ses
sion, 33° Parlement, vol. VI, le 9 juin 1987, à la p. 6869.
déterminée selon les anciennes règles. Dans chacun de ces cas,
la Commission remboursera aux travailleurs visés une somme
égale aux retenues effectuées en raison de leur revenu de
pension.
Lors du débat relatif à la seconde lecture, le
ministre a été suivi par l'honorable Warren All-
mand, un membre de l'opposition officielle;
celui-ci s'est opposé à la seconde lecture et a
déclaré (Débats de la Chambre des communes, le
9 juin 1987, la page 6871):
Le gouvernement a finalement décidé de rembourser ceux qui
avaient demandé de l'assurance-chômage avant le 5 janvier
1986.
Au cours des derniers jours, quand le public a su que ce
projet de loi serait étudié aujourd'hui, j'ai reçu beaucoup
d'appels de personnes qui ont pris leur préretraite avant le 5
janvier 1986. Quand elles sont allées à la Commission de
l'assurance-chômage présenter leur demande, on les a découra-
gées de le faire. Les fonctionnaires leur ont dit que ça n'en
valait pas la peine parce qu'ils n'obtiendraient rien de toute
façon. Elles ont attendu après le 5 janvier pour faire leur
demande même si elles auraient pu la présenter plus tôt parce
qu'elles ne savaient pas ce que le gouvernement allait faire.
M. Allmand a alors proposé un amendement au
projet de loi qui aurait eu pour effet de traiter tous
les préretraités de la même façon. Il déclaré':
... nous ne pouvons accepter un projet de loi qui établit une
telle discrimination contre un groupe de préretraités.
Plus tard au cours du débat, Mme Mary Collins,
un membre du gouvernement, est intervenue pour
appuyer le projet de loi C-50 dans la version dans
laquelle avait été déposé. Elle a déclaré (Débats de
la Chambre des communes, le 9 juin 1987, la
page 6875):
Les anciennes règles s'appliquent donc aux demandes présen-
tées avant le 5 janvier 1986, et les nouvelles, à celles qui ont été
faites après cette date.
Qu'il soit bien entendu que l'admissiblité des personnes qui ont
présenté une demande de prestations avant janvier 1986 sera
établie selon des règles qui étaient alors en vigueur. Parallèle-
ment, il est tout aussi clair que celle des personnes qui ont fait
leur demande après le 5 janvier 1986 dépendra des nouvelles
dispositions.
Répondant aux remarques de Mme Collins, M.
Allmand a observé (Débats de la Chambre des
communes, le 9 juin 1987, la page 6877):
8 Débats de la Chambre des communes du Canada, 2e ses
sion, 33 0 Parlement, vol. VI, le 9 juin 1987, la p. 6872.
La distinction opérée dans le projet de loi porte sur le fait non
pas que la personne veuille ou non travailler mais qu'elle a fait
sa demande après ou avant le 5 janvier.
La députée est-elle d'accord pour que les personnes ayant
pris leur retraite avant le 5 janvier mais qui, pour des raisons de
maladie ou parce qu'elle étaient en voyage ou avaient été mal
renseignées, ou que sais-je encore, n'ont pas pu présenter leur
demande avant le 5 janvier, soient victimes de ces réductions
alors qu'un voisin retraité en même temps, mais ayant présenté
sa demande avant le 5 janvier sera intégralement remboursé?
C'est pourtant ce que prévoit le projet de loi. La députée
est-elle d'accord?
Mme Collins a répondu qu'elle croyait savoir que
les situations dans lesquelles des personnes
auraient été incapables de respecter la date
d'échéance seraient considérées avec souplesse et
donneraient lieu à l'exercice d'un certain pouvoir
discrétionnaire. M. Robinson, un membre de l'op-
position, a répliqué qu'il n'existait «rien de tel»
dans le projet de loi. Plus tard au cours du débat,
M. André Plourde, un membre du Gouvernement,
a résumé la question de façon très succinte
(Débats de la Chambre des communes, le 9 juin
1987, à la page 6903):
... un travailleur à la retraite, dont les prestations d'assurance-
chômage auraient été interrompues ou diminuées à cause de ses
revenus de pensions et qui aurait présenté sa demande avant le
5 janvier 1986 se verra rembourser un montant égal aux
sommes préalablement retenues sur ses prestations. C'est très
clair. [Non souligné dans le texte original.]
Un autre membre du gouvernement, M. Black-
burn, a alors dit (Débats de la Chambre des
communes, le 9 juin 1987, la page 6909):
... d'autre part, je voudrais rappeler aux députés de l'opposi-
tion, pour ceux qui, admettons, auraient pris leur préretraite
avant le 5 janvier 1986 et qui n'auraient pas eu le temps de
réclamer les montants d'assurance-chômage, pour ceux-là, bien
sûr que notre gouvernement doit trancher à un certain moment.
Un vote a été pris concernant l'amendement pro-
posé par M. Allmand et cet amendement a été
rejeté. A la reprise du débat sur la seconde lecture,
M. Tardif, un membre de l'opposition, a parlé
précisément de l'alinéa 4a) du projet de loi C-50,
pour ensuite observer (Débats de la Chambre des
communes, le 9 juin 1987, la page 6927):
... parce qu'un concours de circonstances a fait qu'ils n'ont pas
pu déposer leur demande avant le 5 janvier, voici que le
gouvernement répond: Non, il faut trancher. Il faut trancher et
on se fait servir comme exemple: à 65 ans on a droit à la
pension de sécurité de vieillesse, à 64 ans 11 mois et 20 jours,
on n'y a pas droit.
M. Michel Champagne, secrétaire parlementaire
du ministre de l'Agriculture, déclare plus loin
(Débats de la Chambre des communes, le 9 juin
1987, la page 6930):
Lorsqu'on parle d'une justice sociale, madame la Présidente,
on ne parle pas du court terme, on parle du long terme.
Lorsqu'on parle d'une politique sociale et d'une justice sociale,
madame la Présidente, on doit regarder l'ensemble, le contexte
et prendre une décision sur le moyen et sur le long termes, des
décisions qui parfois font mal, mais il n'y a pas un seul homme
politique qui a fait sa marque, soit au Canada, soit dans les
provinces, qui n'a pas eu à prendre des décisions importantes,
des décisions courageuses qui à court terme ne plaisaient
peut-être pas à la population, mais qui à long terme ont prouvé
hors de tout doute que c'étaient les décisions le plus judicieuses
qui pouvaient être prises.
C'est cela que notre ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(M. Bouchard) a fait. C'est exactement ce qu'il a fait.
Nous avons vu que le 5 janvier 1986, les gens qui avaient fait
des demandes avant cette date ... il y avait eu un problème de
communication, cela n'avait pas été, à mon sens personnel,
diffusé d'une façon claire, nette et précise. Le ministre a dit:
«C'est vrai. Nous allons régler le problème.» Et nous l'avons
réglé. Nous le réglons aujourd'hui car nous sommes en train
d'en discuter.
Quatre-vingt quinze pour cent de l'ensemble de ces cas-là
seront réglés, les gens n'auront plus de problèmes, ils pourront
retirer leurs prestations d'assurance-chômage.
Vers la fin du débat relatif à la seconde lecture, le
ministre a exposé une nouvelle fois la position du
gouvernement. Il a dit (Débats de la Chambre des
communes, le 9 juin 1987, la page 6934):
Les principes n'ont pas changé. Absolument pas. Le ministre
des Finances (M. Wilson) a dit en novembre 1984 que les
personnes qui retiraient de l'argent de-fonds de pension, donc,
des fonds considérés comme des sources d'emplois, ne pour-
raient recevoir en même temps des fonds d'assurance-chômage
qui sont d'autres fonds provenant également d'un emploi.
En d'autres mots, le principe qui a été établi n'a pas changé.
Cependant, pour des raisons de compréhension, pour des rai-
sons de simplement s'assurer qu'il n'y avait pas au niveau des
personnes qui avant le 5 janvier 1986 avaient bien compris les
principes et, comme il semblait et pour toutes sortes de raisons
que des personnes qui auraient pu, et de façon très sincère, et
de façon très honnête, ne pas avoir compris ce message, nous
avons tenté de ramener au 5 janvier 1986 la date d'application,
considérant que les personnes qui avaient fait une demande de
prestations, nous allions honorer.
À la lumière des passages du débat qui viennent
d'être cités, il semble évident que le problème
rencontré par les cinq intimés en l'espèce a été
soulevé clairement lors de l'adoption des disposi
tions visées. L'attention du gouvernement a été
directement attirée sur le fait que certaines person-
nes qui avaient pris leur retraite avant le 5 janvier
1986 et qui, pour différents motifs, n'avaient pré-
senté leur demande de prestations qu'après le 5
janvier, ne pouvaient être remboursées aux termes
du projet de loi C-50. Il ressort de façon évidente
des Débats que le gouvernement était conscient de
la situation et que, en défaisant la motion d'amen-
dement présentée par l'opposition, il a démontré
qu'il avait clairement l'intention de ne pas dévier
du principe de l'application stricte de l'échéance
du 5 janvier 1986. Certaines observations de Mme
Mary Collins, un membre du gouvernement, veu-
lent que la Commission de l'assurance-chômage
puisse posséder la souplesse nécessaire pour régler
les situations particulières comme celles qui se
présentent dans les demandes en l'espèce. Toute-
fois, ni dans le projet de loi C-50, ni dans la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage et ses règlements
d'application, puis-je trouver de disposition habili-
tant la Commission à s'écarter de quelque manière
de la date limite prévue à l'alinéa 4a) du projet de
loi C-50.
À mon sens, les termes utilisés par le Parlement
à l'alinéa 4a) sont clairs et non ambigus. Toute-
fois, en supposant que le libellé de cet alinéa
contienne certaines ambiguïtés, celles-ci disparais-
sent lorsque l'objet et le but du projet de loi C-59
sont examinés à la lumière des discussions très
détaillées citées plus haut qui ont accompagné la
seconde lecture. Le gouvernement avait été pré-
venu des conséquences malheureuses découlant de
ce projet de loi pour certaines personnes, et il eût
été simple de le modifier pour remplacer la disposi
tion faisant dépendre le remboursement de la date
du dépôt de la demande par une clause prévoyant
que toutes les personnes ayant pris leur retraite
avant le 5 janvier 1986 pourraient recevoir un
remboursement.
En conséquence, pour les motifs qui précèdent,
et avec déférence, je dois être en désaccord avec la
conclusion du juge-arbitre que, par l'adoption du
projet de loi C-50, le Parlement a voulu établir des
conditions favorables à toutes les personnes pre-
nant leur retraite avant le 5 janvier 1986. Les
extraits précités des débats de la Chambre des
communes établissent clairement, à mon sens, que
le projet de loi C-50 règle le problème rencontré
par la majorité des retraités des personnes ayant
pris leur retraite avant le 5 janvier 1986, mais que
ces dispositions ne règlent pas le problème de
toutes ces personnes. Considérant les termes clairs
utilisés par le Parlement au projet de loi C-50,
auxquels s'ajoutent les éléments de preuve visant
l'objet et le but susmentionnés de ces dispositions,
je suis d'accord avec l'avocat du requérant pour
dire que l'[TRADucTION] «intention d'améliora-
tion» ayant présidé à l'adoption de la Loi «est
limitée aux situations visées par les termes clairs
de la Loi et n'autorise rien de plus» 9 . Dans un tel
contexte, je suis d'accord avec l'opinion exprimée
par le juge Krever, J.C.A., dans l'arrêt Punja v.
Toronto Transit Commission 10 , où il est dit:
[TRADUCTION] À regrets, toutefois, je conclus que les termes
choisis par la législature pour établir un nouveau redressement
judiciaire en matière de discrimination législative ont une
portée insuffisante. Lorsque le libellé de la loi concernée ne
donne lieu à aucune ambiguïté et que le sens des dispositions
législatives en cause n'est pas obscur, les tribunaux doivent
s'incliner devant la souveraineté de la législature.
L'avocate des intimés s'est appuyée à certains
égards sur la décision rendue par cette Cour dans
l'affaire Harbour c. Commission d'assurance-
chômage ((1986), 64 N.R. 267 (C.A.F.)). Dans
l'arrêt Harbour, le prestataire avait omis de pré-
senter certaines de ses demandes de prestations
hebdomadaires dans la période de trois semaines
prévue à l'article 34 du Règlement au motif que la
Commission ne lui avait pas fourni les cartes d'or-
dinateur qui étaient requises. La Cour a conclu
que le paragraphe 55(4) [mod. par S.C. 1974-
75-76, chap. 80, art. 19] de la Loi n'exigeait pas le
rejet d'une demande lorsque celle-ci se trouvait
déposée en retard par la faute de la Commission
elle-même. Le paragraphe 55(4) déclare:
55....
(4) Toute demande de prestations pour une semaine de
chômage comprise dans une période de prestations doit être
présentée dans le délai prescrit.
Le juge Marceau, J.C.A., parlant au nom de la
Cour, a procédé à l'interprétation de cette disposi
tion après avoir examiné l'ensemble de la Loi et
considéré le contexte dans lequel le paragraphe (4)
y a été inséré. Sa conclusion était:
... que le législateur ne voulait pas que la non-observation de
l'exigence prévue au paragraphe 55(4) entraîne automatique-
ment le rejet de la demande d'un prestataire et la perte
immédiate de son droit. [A la page 273.]
9 Voir le paragraphe 28 de l'exposé des faits et du droit de
l'intimé.
10 (l979), 24 O.R. (2d) 812 (C.A.), à la p. 814.
Il a fondé sa conclusion sur le paragraphe 55(1) de
la Loi (qui prévoit clairement le cas où les exigen-
ces de cet article sont respectées à une date ulté-
rieure située hors du délai stipulé) et sur l'article
20 précité qui édicte des dispositions applicables à
l'antidatation des demandes. Je n'ai aucune diffi
culté à accepter les motifs ayant conduit à cette
décision et à souscrire à ces motifs. Je ne crois
toutefois pas que l'arrêt Harbour aide les intimés.
Dans l'arrêt Harbour, la Cour a tiré une conclu
sion au sujet d'une «disposition législative qu'il
faut interpréter afin d'en déterminer l'objet», et
elle a examiné le contexte des autres dispositions
de la législation afin d'appuyer cette conclusion. À
mon avis, l'utilisation de cette même façon d'abor-
der la question en l'espèce ne modifie pas le résul-
tat que je propose. Le paragraphe 20(4) de la Loi
autorise l'antidatation, ainsi que le souligne le juge
Marceau, J.C.A. Toutefois, ce privilège est conféré
sous réserve «des conditions prescrites». L'«arrêt de
rémunération» est une des conditions qui se trou-
vent prescrites à l'alinéa 39a) du Règlement. Pour
les motifs énoncés plus haut, les intimés ne peuvent
satisfaire à cette condition. En conséquence, je ne
crois pas que la décision prononcée dans l'arrêt
Harbour soit pertinente aux circonstances de
l'espèce.
L'avocate des intimés a également fait valoir
que la décision portée en appel était compatible
avec plusieurs décisions d'autres juges-arbitres qui
ont été prononcées après que le projet de loi C-50
soit devenu loi". J'ai examiné ces décisions et ne
les ai pas trouvées convaincantes. Certaines des
observations sur lesquelles cette avocate s'appuie
constituent simplement des opinions incidentes. De
plus, les situations découlant des faits visés dans
ces affaires sont si différentes de l'espèce qu'elles
peuvent en être nettement distinguées. En consé-
quence, je suis d'avis que les décisions de juges-
arbitres sur lesquelles cette avocate s'est fondée
n'appuient pas les prétentions des intimés.
Je suis également incapable de souscrire à l'opi-
nion du juge-arbitre selon laquelle il y a incompa-
tibilité entre les dispositions du projet de loi C-50
et celles de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
" Voir par exemple: Houde (Re), CUB 15387, le 26 mai
1988, le juge Rouleau, encore inédite; Sherwood (Re), CUB
15002A, le 6 mai 1988, le juge Collier, encore inédite; McGiven
(Re), CUB 15735, le 6 septembre 1988, le juge McNair, encore
inédite.
mage et de ses règlements d'application. Selon ma
façon de voir, les intimés en l'espèce n'ont pas droit
au bénéfice des dispositions de l'alinéa 4a) du
projet de loi C-50, ce qui fait que les dispositions
pertinentes de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage et de ses règlements d'application leur sont
applicables et que, pour les motifs qui précèdent
ainsi que pour les motifs énoncés par le fonction-
naire de l'assurance-chômage, ils n'avaient pas le
droit d'antidater leurs demandes de prestations.
Dans ces circonstances, aucune question d'incom-
patibilité n'est soulevée, et, en conséquence, la
primauté ou le caractère dominant de l'article 3 du
projet de loi C-50 n'entre aucunement en jeu.
L'avocate des intimés a présenté un argument
subsidiaire fondé sur les motifs dissidents pronon-
cés par le juge Hugessen, J.C.A., dans l'affaire
Granger c. Commission de l'emploi et de l'immi-
gration du Canada 12 . Dans cet arrêt, juge Pratte,
J.C.A., prononçant les motifs de la majorité de la
Cour, a dit à la page 77 du recueil:
Le véritable reproche que le requérant fait au juge-arbitre, ce
n'est pas d'avoir violé les principes de justice naturelle, c'est
tout simplement de n'avoir pas appliqué l'équité plutôt que la
loi ... En conséquence, la prétention du requérant ne peut être
autre chose que celle-ci: le juge-arbitre s'est trompé parce qu'il
aurait dû, pour éviter de causer préjudice au requérant, refuser
d'appliquer la loi.
Le juge est lié par la loi. Il ne peut, même pour des considéra-
tions d'équité, refuser de l'appliquer.
Avec déférence pour les personnes dont l'opinion
diffère de la mienne, j'accepte cette opinion du
juge Pratte et j'adopte sa façon de voir. Dans les
circonstances malheureuses de la présente espèce,
la tentation existe d'adapter un redressement en
equity au profit des intimés. Toutefois, ainsi que
l'a noté M. le juge Pratte, nous nous immiscerions
ainsi de façon injustifiée et inappropriée dans
l'exercice d'une compétence législative exclusive
du Parlement du Canada. L'adoption du projet de
loi C-50 accorde effectivement des prestations
d'assurance-chômage à une partie importante des
personnes retraitées qui cessaient de remplir les
conditions requises pour retirer des prestations
d'assurance-chômage parce qu'elles recevaient des
revenus de pension. Toutefois, par l'utilisation de
termes clairs et non ambigus, le législateur a
12 [1986] 3 C.F. 70 (C.A.)—le pourvoi interjeté devant la
Cour suprême du Canada a été rejeté—voir [1989] I R.C.S.
141.
empêché une certaine partie des personnes retrai-
tées—c.-à-d. les personnes n'ayant pas présenté de
demande initiale de prestations avant le 5 janvier
1986—de recevoir ces prestations. Il s'agissait
d'une décision que le Parlement était habilité à
prendre et qu'il a prise en recourant à des termes
clairs et non ambigus.
Dans ses motifs, le juge-arbitre Muldoon a
déclaré être prêt à adopter et à ratifier les remar-
ques portées au dossier que l'intimé avait destinées
au juge-arbitre (Dossier, volume 1, aux pages 78 à
80 inclusivement), à l'exception de celles qui se
lançaient «dans les eaux profondes de la préclu-
sion» (4 e paragraphe de la page 2 de l'exposé) et
«avec une mise en garde à propos de l'argument
tiré de la Charte». En ce qui a trait aux prétentions
touchant la préclusion, l'avocate des intimés les a
présentées à titre subsidiaire, en faisant référence,
ainsi qu'il est noté plus haut, aux motifs dissidents
énoncés par le juge Hugessen, J.C.A., dans l'arrêt
Granger. Pour les motifs qui précèdent, je m'ap-
puie sur le raisonnement de la majorité de la Cour
dans l'arrêt Granger, et, en conséquence, je ne suis
pas disposé à accepter l'argument relatif à la «pré-
clusion» ou l'argument fondé sur l'«abus de pou-
voirs» présenté par l'intimé.
En ce qui concerne l'argument fondé sur la
Charte [Charte canadienne des droits et libertés,
qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle
de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.)], il figurait dans les remar-
ques présentées au juge-arbitre par l'intimé, qui
faisaient référence à l'article 15 de ce document.
L'avocate de l'intimé n'a présenté aucun argument
fondé sur la Charte dans son exposé des faits et du
droit ou dans les arguments qu'elle nous a présen-
tés oralement. Toutefois, les arguments soumis par
l'intimé à l'arbitre voulaient que les droits à l'éga-
lité qui lui sont garantis par l'article 15 de la
Charte lui aient été niés dans le contexte des faits
établis en l'espèce parce que l'intimé (comme les
quatre autre intimés) était en mesure de faire
valoir un motif justifiant son retard à demander
des prestations même s'il ne remplissait pas les
conditions requises pour recevoir des prestations à
la date antérieure qui était mentionnée. Cette pré-
tention ne m'apparaît aucunement fondée. À mon
avis, deux groupes inégaux se trouvent créés par la
distinction établie pour les fins de l'antidatation
sous le régime de la Loi et des règlements entre les
personnes qui étaient qualifiées et les personnes
qui n'étaient pas qualifiées à recevoir des presta-
tions le jour auquel l'antidatation a été demandée.
Sur un tel fondement, il ne peut y avoir aucune
violation de l'article 15. À l'appui de cette conclu
sion, je cite l'analyse que fait de cette question le
juge Hugessen, J.C.A., dans l'arrêt Smith, Kline
& French Laboratories Ltd. c. Canada (Procureur
général)' 3 :
Les droits qu'il [l'article 15] garantit ne sont pas fondés sur le
concept d'égalité numérique stricte entre tous les être humains.
Si c'était le cas, pratiquement tous les textes législatifs, dont la
fonction est, après tout, de définir, de distinguer et d'établir des
catégories, à première vue porteraient atteinte à l'article 15 et
devraient être justifiés aux termes de l'article premier. L'excep-
tion deviendrait la règle. Étant donné que les tribunaux seraient
obligés de chercher et de trouver une justification fondée sur
l'article premier pour la plupart des textes législatifs, l'autre
choix étant l'anarchie, il existe un risque réel de paradoxe: plus
grande sera la portée de l'article 15 plus il sera susceptible
d'être privé de tout contenu réel.
À mon avis, la réponse est que le texte de l'article lui-même
contient ses propres limites. Il interdit seulement la discrimina
tion parmi les membres de catégories qui sont elles-mêmes
analogues. Par conséquent, la question dans chaque cas sera de
savoir quelles catégories permettent de déterminer la similitude
de situation et quelles ne le permettent pas. C'est seulement
dans ces cas où les catégories elles-mêmes ne le permettent pas,
où les égaux ne sont pas traités également, qu'il y aura une
atteinte aux droits à l'égalité.
Dans la mesure où le texte de l'article 15 lui-même est visé,
on peut voir s'il y a ou non de la «discrimination», au sens
péjoratif de ce terme et si les catégories sont fondées ou non sur
des motifs énumérés ou des motifs analogues à ceux-ci. L'exa-
men porte en fait sur les caractéristiques personnelles de ceux
qui prétendent avoir été traités de manière inégale. L'examen
porte principalement sur les questions de stéréotype, de désa-
vantage historique, en un mot, de préjudice et l'on peut même
reconnaître que pour certaines personnes le terme égalité a un
sens différent de ce qu'il a pour d'autres personnes.
CONCLUSION
Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus
que le juge-arbitre a commis une erreur de droit en
décidant que les intimés avaient le droit de faire
antidater leurs demandes de prestations d'assu-
rance-chômage à une date antérieure au 5 janvier
1986. En conséquence, j'accueillerais la demande
fondée sur l'article 28 et j'annulerais la décision de
13 [1987] 2 C.F. 359 (C.A.), aux p. 367 à 369. Ces passages
se trouvent cités avec approbation par le juge McIntyre dans
l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1
R.C.S. 143, à la p. 180.
l'arbitre en date du 8 septembre 1988. De plus, la
question devrait être renvoyée devant un juge-arbi-
tre pour être jugée en vertu des pouvoirs conférés à
un arbitre sous le régime de l'article 96 [mod. par
S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56] de la Loi de 1971
sur l'assurance-chômage en tenant pour acquis
qu'aucun des intimés n'avait le droit d'être consi-
déré comme ayant présenté une demande initiale
de prestations d'assurance-chômage avant le 5 jan-
vier 1986.
LE JUGE EN CHEF IACOBUCCI: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à cés
motifs.
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