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T-702-87
Borden, Inc. (appelante) c.
Aliments Hostess Limitée et Registraire des mar- ques de commerce (intimés)
RÉPERTORIÉ: BORDEN, INC. C. ALIMENTS HOSTESS LTÉE (I" INST.)
Section de première instance, juge McNair— Toronto, 20 juin; Ottawa, 29 novembre 1989.
Marques de commerce Enregistrement Opposition L'usage antérieur et le non-abandon n'ont pas été établis La preuve n'appuie pas l'argument selon lequel les marques de commerce de l'opposante seraient «connues au Canada».
Marques de commerce Pratique Appels et nouveaux procès Preuve Bien qu'une nouvelle preuve puisse être présentée en vertu de l'art. 56(5) de la Loi, celle-ci doit concerner des faits qui sont pertinents aux questions déjà soumises au registraire Dans cette mesure, l'appel s'appa- rente à un procès de novo.
Il s'agit d'un appel interjeté de la décision du registraire des marques de commerce qui a rejeté l'opposition à la demande d'enregistrement de la marque de commerce «Doodles» présen- tée par l'intimée.
Les marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Dood les» de l'appelante ont respectivement été enregistrées aux États-Unis en 1959 et en 1957 et au Canada en 1960 et en 1961 par son prédécesseur en titre en liaison avec des «croustil- les de maïs» et des «frisons de maïs à saveur de fromage». Il est prétendu que la marque «Dipsy Doodles» a été utilisée depuis 1956 et que la marque «Cheez Doodles» l'a été depuis 1958. Ces marques de commerce ont été radiées en novembre 1980 la suite de la présentation d'une demande fondée sur l'article 44 de la Loi sur les marques de commerce par l'intimée. En juin 1980, l'intimée a demandé l'enregistrement de la marque de commerce «Doodles» en liaison avec des «grignotises à base de semoule de maïs». Ont alors été intentées des procédures d'op- position alléguant que la marque de commerce de l'intimée n'était pas enregistrable en vertu du paragraphe 16(3) parce qu'elle créait de la confusion et alléguant que cette marque n'était pas distinctive au sens de l'alinéa 37(2)d) de la Loi. Après avoir conclu que les opposants avaient manqué de s'ac- quitter du fardeau d'établir leur usage antérieur et leur non- abandon des marques de commerce, le registraire a conclu que la société intimée s'était acquittée du fardeau d'établir que sa marque de commerce projetée était adaptée à distinguer ses marchandises de celles des autres propriétaires. De nouveaux éléments de preuve ont été présentés en appel.
Jugement: l'appel devrait être rejeté.
Le registraire n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il n'y avait pas eu usage antérieur des marques de commerce de l'appelante au sens de l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce. Compte tenu du fait que le fardeau de la preuve incombe au requérant, comme le dit la décision British Ameri- can Bank Note Co. c. Bank of America, et considérant la
définition du mot «emploi» donnée dans l'arrêt Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., la preuve établit qu'il n'y a eu absolument aucun usage de la marque de commerce «Dipsy Doodles» en liaison avec des marchandises entre 1960 et 1988 et aucun usage de la marque «Cheez Doodles» en liaison avec des marchandises entre 1961 et 1988.
Le registraire n'a commis aucune erreur en concluant que l'appelante avait manqué d'établir le non-abandon de ses mar- ques de commerce à la date de l'annonce de la demande de l'intimée. La preuve établissant que des ventes substantielles avaient été effectuées aux États-Unis n'indique pas que l'appe- lante n'avait pas l'intention d'abandonner ses marques au Canada. Interprétés suivant leur sens grammatical et ordinaire, en fonction du contexte de l'article 16 et de l'esprit de la Loi, les termes du paragraphe 17(1) de la Loi limitent clairement la portée de l'abandon de la marque de commerce créant de la confusion à un abandon au Canada: Stubart Investments Ltd. c. La Reine.
La preuve n'établit pas que, à l'époque pertinente, les mar- ques de commerce de l'appelante étaient suffisamment «con- nues au Canada», au sens conféré à ce membre de phrase dans l'arrêt E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd., pour justifier la conclusion que la marque de commerce de l'appe- lante n'était pas adaptée à distinguer ses marchandises.
Aucune preuve n'établit que les marques de commerce étran- gères de l'appelante étaient connues au Canada au phint de justifier la conclusion que la demande d'enregistrement de la marque de commerce «Doodles» a été conçue pour tromper le public et l'induire en erreur. Il n'existe aucune preuve que l'intimée avait connaissance des enregistrements et de l'utilisa- tion des marques de commerce de l'appelante aux États-Unis.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 2, 4, 6(5), 16(3)a),b), 17(1), 37(2)d), 44, 54(1),(2),(3), 56(5).
Règlement sur les marques de commerce, C.R.C., chap. 1559, art. 46(5).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Benson & Hedges (Canada) Ltd. v. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192; (1968), 1 D.L.R. (3d) 462; 57 C.P.R. 1; 39 Fox Pat. C. 207; Standard Oil Co. v. The Registrar of Trade Marks, [1968] 2 R.C.É. 523; (1968), 55 C.P.R. 49; 38 Fox Pat. C. 127; Johnson (S.C.) & Son, Inc. v. Esprit de Corp. et al. (1986), 13 C.P.R. (3d) 235; 11 C.I.P.R. 192; 8 F.T.R. 81 (C.F. 1'» inst.); Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., [1981] 1 C.F. 679; (1980), 53 C.P.R. (2d) 62; 34 N.R. 39 (C.A.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Algonquin Mercantile Corporation c. Dart Industries Canada Ltd. ( 1984), 1 C.P.R. (3d) 242 (C.F. I'» inst.); E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd., [1976] 2 C.F. 3;
(1975), 25 C.P.R. (2d) 126; 11 N.R. 560 (C.A.); Orkin Exterminating Co. Inc. v. Pestco Co. of Canada Ltd. et al. (1985), 50 O.R. (2d) 726; 19 D.L.R. (4th) 90; 30 B.L.R. 152; 34 CCLT 1; 5 C.P.R. (3d) 433; 10 O.A.C. 14 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
British American Bank Note Co. c. Bank of America National Trust and Saving Association, [1983] 2 C.F. 778; (1983), 71 C.P.R. (2d) 26 (1« inst.); Marineland c. Marine Wonderland & Animal Park Ltd., [1974] 2 C.F. 558; (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (1« inst.).
AVOCATS:
Kenneth D. McKay pour l'appelante. Robert A. MacDonald pour les intimés.
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Dimock, Toronto, pour l'appe- lante.
Cowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MCNAIR: Le présent appel est inter- jeté par Borden, Inc. de la décision du registraire des marques de commerce en date du 30 janvier 1987 qui a rejeté l'opposition présentée par l'appe- lante à l'encontre de la demande de l'intimée sollicitant l'enregistrement de la marque de com merce «Doodles» en liaison avec des [TRADUC- TION] «grignotises à base de semoule de maïs». La contestation n'est liée dans l'appel qu'en ce qui concerne les marques de commerce «Dipsy Dood les» et «Cheez Doodles» de l'appelante; la marque «Nutty Doodles», qui est liée aux deux premières et faisait l'objet d'un litige devant le registraire, n'est plus en cause. Le registraire ne s'oppose pas à l'appel. Les faits sont relativement complexes, et un résumé des événements ayant conduit au pré- sent appel pourrait s'avérer utile.
Le 15 septembre 1960, le prédécesseur en titre de l'appelante, Old London Foods, Inc., a demandé l'enregistrement de la marque de commerce «Dipsy Doodles». La demande déclarait que cette marque de commerce avait été employée au Canada en liaison avec des [TRADUCTION] «croustilles de maïs» depuis le 6 avril 1960. La marque de com merce en question a été enregistrée le 24 février
1961 sous le numéro 121,297. Cette même marque de commerce avait été enregistrée aux États-Unis le 22 décembre 1959 sous le numéro 690,326.
Le 2 mars 1961, Old London Foods, Inc. a demandé l'enregistrement de la marque de com merce «Cheez Doodles» en déclarant avoir employé cette marque de commerce au Canada en liaison avec des [TRADUCTION] «frisons de maïs à saveur de fromage» depuis le 15 février 1961. Cette marque de commerce a été enregistrée le 8 septem- bre 1961 sous le numéro 123,502. Elle avait aussi été enregistrée aux États-Unis le 30 avril 1957 sous le numéro 644,839.
Le 11 mars 1980, l'intimée a écrit au registraire des marques de commerce pour lui demander de délivrer des avis de radiation sous le régime de l'article 44 de la Loi sur les marques de commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10] à l'égard des marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles». La radiation de la marque de commerce «Nutty Doodles» était également sollicitée, mais cette question n'est plus pertinente. L'appelante n'a pas réagi aux avis de radiation, de sorte que les enre- gistrements des marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» ont respectivement été radiés le 26 et le 27 novembre 1980.
Le 26 juin 1980, l'intimée, Les aliments Hostess Limitée, a déposé une demande d'enregistrement de la marque de commerce «Doodles» en déclarant avoir l'intention de l'employer au Canada en liai son avec des «grignotises à base de semoule de maïs». La demande d'enregistrement a été annon- cée le 2 septembre 1981. L'appelante a présenté une déclaration d'opposition le 23 décembre 1981. Ce dépôt a été suivi par celui d'une déclaration d'opposition révisée en date du 14 janvier 1982, déclaration qui a été adressée à l'intimée le 2 février 1982. Les motifs d'opposition étaient les suivants: (1) la marque de commerce projetée n'était pas enregistrable parce qu'elle créait de la confusion avec la marque de l'appelante, compte tenu des dispositions du paragraphe 16(3) de la Loi sur les marques de commerce; et (2) la marque de commerce projetée n'était pas distinc tive au sens de l'article 2 et de l'alinéa 37(2)d) de la Loi en ce qu'elle ne distinguait pas véritable- ment les marchandises de l'intimée de celles des autres propriétaires, et, en particulier, en ce que
ladite marque de commerce créait de la confusion avec la marque de commerce «Cheez Doodles», qui avait été révélée au Canada dans des messages publicitaires reçus au Canada.
L'intimée a déposé le 25 février 1982 une con- tre-déclaration dans laquelle elle niait les alléga- tions de l'appelante et soulignait que les enregistre- ments relatifs aux marques de commerce «Cheez Doodles» et «Dipsy Doodles» avaient été radiés conformément à l'article 44 de la Loi. La preuve présentée par l'appelante dans l'instance relative à l'opposition était constituée des affidavits de Robert V. Boyer, le directeur à la commercialisa tion de la division «Consumer Products» (produits destinés à la consommation) de l'appelante, et de Robert G. Tritsch, le secrétaire de l'appelante. Ces deux déposants ont été contre-interrogés le 6 juin 1983, et les transcriptions de leurs contre-interro- gatoires font partie du dossier du présent appel. À l'appui de sa demande d'enregistrement de la marque de commerce «Doodles», l'intimée a déposé les affidavits de Bill Douglas, son directeur des ventes pour l'Ontario, et de William E. McKech- nie, son directeur de la commercialisation. Ces deux déposants ont été contre-interrogés concer- nant leurs affidavits mais ne se sont pas présentés à un contre-interrogatoire subséquent auquel ils avaient reçu ordre de se prêter, de sorte que leurs affidavits ont été réputés ne pas faire partie du dossier de l'appel conformément au paragraphe 46(5) du Règlement sur les marques de commerce [C.R.C., chap. 1559]. Les deux parties ont déposé des plaidoiries écrites et ont été représentées par des avocats lors de l'audience orale qui a été tenue devant le membre de la Commission des opposi- tions des marques de commerce, David J. Martin, le 4 décembre 1986. La décision rendue par M. Martin pour le compte du registraire a été déposée le 30 janvier 1987.
En ce qui a trait au premier motif d'opposition, le registraire a conclu que l'appelante avait manqué de s'acquitter du fardeau d'établir son usage antérieur et son non-abandon de ses mar- ques de commerce. En ce qui a trait au second motif d'opposition, le registraire a été incapable de conclure à l'existence d'une preuve suffisante que les marques de commerce de l'appelante avaient une réputation au Canada, de sorte qu'il a conclu
que l'intimée s'était acquittée du fardeau d'établir que sa marque de commerce projetée était adaptée de façon à distinguer ses marchandises de celles des autres propriétaires.
L'avis d'appel de l'appelante, déposé le 30 mars 1987, soulevait deux motifs d'appel: premièrement, le registraire aurait commis une erreur de droit et de fait en rejetant les motifs d'opposition de l'ap- pelante voulant qu'il y ait confusion sous le régime du paragraphe 16(3) et absence de caractère dis- tinctif au sens la marque de commerce projetée de l'intimée ne distinguait pas ses marchandises de celles des autres propriétaires; et, deuxièmement, le registraire se serait trompé dans son interpréta- tion des principes de droit applicables au critère du caractère distinctif de marques de commerce dont l'intimée savait, ou aurait savoir, qu'elles étaient utilisées aux États-Unis et enregistrées comme marques de commerce au nom d'un autre propriétaire aux États-Unis avant leur adoption et leur emploi au Canada. L'appelante a déposé une nouvelle preuve, soit un affidavit additionnel de Robert G. Tritsch, signé le ler octobre 1987. Deux affidavits de Chris A. Abernathy, vice-président à la commercialisation de la «Snacks and Internatio nal Consumer Products» (grignotises et produits de consommation destinés au marché international) ont également été déposés, comme l'ont été les affidavits de R. Scott MacKendrick, de la firme d'avocats de l'appelante, et de William A. Stime- ling, le directeur du service de commercialisation de «Snacks and International Consumer Products», une division de l'appelante.
L'article 56 de la Loi sur les marques de com merce traite des appels interjetés devant cette Cour d'une décision du registraire. Le paragraphe 56(5) de la Loi prévoit expressément que:
56....
(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et la Cour peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.
À mon sens, la disposition permettant la présen- tation d'une preuve additionnelle lors d'un appel serait dénuée de sens si la Cour ne pouvait rendre une décision au sujet des questions soumises au registraire en prenant en considération les circons- tances de l'affaire et à la lumière de cette preuve additionnelle. Il est clair que la Cour a le droit de substituer sa conclusion à celle du registraire lors-
qu'elle est convaincue que ce dernier [TRADUC- TION] s'est trompé. Dans une certaine mesure, l'appel ressemble à une audition de novo, mais avec la réserve suivante: bien que le droit de la Cour d'entendre de nouvelles preuves ne soit pas restreint, à mon avis, ces nouvelles preuves doivent se rapporter aux seuls faits qui sont pertinents aux questions mêmes soumises au registraire: Benson & Hedges (Canada) Ltd. v. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192; (1968), 1 D.L.R. (3d) 462; 57 C.P.R. 1; 39 Fox Pat. C. 207, motifs du juge Ritchie, aux pages 199 et 200 R.C.S.; Stan dard Oil Co. v. The Registrar of Trade Marks [1968] 2 R.C.É. 523; (1968), 55 C.P.R. 49; 38 Fox Pat. C. 127, motifs du Président Jackett, aux pages 55 et 56 R.C.É.; et Johnson (S.C.) & Son, Inc. v. Esprit de Corp. et al. (1986), 13 C.P.R. (3d) 235; 11 C.I.P.R. 192; 8 F.T.R. 81 (C.F. ire inst.), motifs du juge Cullen, aux pages 242 et 243 C.P.R. Quoi qu'il en soit, telle est la manière dont j'ai l'intention de traiter du présent appel.
Objections préliminaires
L'avocat de l'intimée a soulevé une objection préliminaire selon laquelle l'avis d'appel fait défaut d'«indiquer tous les détails des motifs sur lesquels la demande de redressement est fondée» comme le veut le paragraphe 59(1) de la Loi sur les marques de commerce. À l'appui de cette proposition, il a cité l'arrêt Algonquin Mercantile Corporation c. Dart Industries Canada Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 242 (C.F. ire inst.), dans lequel le juge Muldoon a conclu qu'une allégation que le protonotaire avait commis une erreur de droit et de fait en rendant son ordonnance ne constituait pas un motif d'appel adéquat parce qu'elle manquait de se conformer à la Règle 336(5) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. Les motifs d'appel soulevés dans la présente affaire sont énoncés de façon plus détail- lée que ceux de l'arrêt Algonquin Mercantile. L'al- légation que le registraire a commis une erreur en rejetant l'opposition invoque des motifs d'erreur précis, soit la confusion visée au paragraphe 16(3) et le caractère distinctif prévu à l'article 2 et à l'alinéa 37(2)d) de la Loi sur les marques de commerce. De plus, l'avis d'appel alléguait aussi que le registraire avait commis une erreur dans son interprétation des règles de droit applicables au critère du caractère distinctif en ce qui concernait
les marques de commerce enregistrées aux États- Unis. En conséquence, je considère que l'avis d'ap- pel énonce de façon suffisante les motifs particu- liers qu'il invoque.
L'avocat de l'intimée a également contesté la possibilité pour l'avocat de l'appelante de faire entrer en jeu l'alinéa 16(3)b) comme nouveau motif d'opposition pour les fins du présent appel. L'argument présenté à cet égard est simplement que les demandes d'enregistrement des marques de commerce concernées de l'appelante avaient déjà été déposées à la date du dépôt de la demande de l'intimée et que cette allégation soulève un motif légitime et distinct de celui de l'usage antérieur envisagé à l'alinéa 16(3)a) de la Loi. De façon évidente, cette question n'avait pas été soulevée devant le registraire. Sur le fondement des obser vations qui précèdent, je considère qu'il serait entièrement inapproprié pour moi d'entendre des arguments sur ce point dans le cadre du présent appel.
De la même manière, je ne trouve pas fondée l'objection de l'avocat de l'intimée voulant que la question des enregistrements des marques de com merce «Cheez Doodles» et «Dipsy Doodles» aux États-unis soit nouvelle et n'ait pas été soulevée devant le registraire. Ces enregistrements étran- gers ont été mentionnés dans les affidavits M. Boyer et de M. Tritsch, qui ont tous deux été contre-interrogés à leur sujet, et leurs affidavits ainsi que les transcriptions des contre-interrogatoi- res faisaient partie du dossier dans l'instance prési- dée par le registraire.
Confusion et usage antérieur
Le premier motif soulevé par l'avocat de l'appe- lante est que l'intimée n'a pas droit à l'enregistre- ment de sa marque de commerce «Doodles» parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» qui avaient été antérieurement employées au Canada ou y avaient été révélées, contrairement à l'alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce. Les dispositions qu'il invoque sont ainsi libellées:
16....
(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 29 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 37 et 39, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou
services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, cette marque ne créât de la confu sion avec
(a) une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;
Il soumet que, au jour de la présentation de la demande de l'intimée, le 26 juin 1980, c'est-à-dire à la date pertinente, il existait des preuves claires de l'usage antérieur des marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante au Canada, qui pouvait être établi au moyen des copies certifiées de leurs enregistrements; et il ajoute que, pour les fins des dispositions en cause de la Loi, il n'est pas pertinent que ces marques de commerce aient plus tard été radiées.
Les demandes sollicitant l'enregistrement des marques «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante pour le Canada déclarent que ces mar- ques y ont été utilisées respectivement depuis le 6 avril 1960 et depuis le 15 février 1961. L'avocat de l'appelante prétend que, en vertu du paragraphe 54(2) de la Loi sur les marques de commerce, les copies certifiées de ces demandes établissent les faits qui s'y trouvent énoncés. Répondant à cette affirmation, l'avocat de l'intimée soumet que le paragraphe 54(1), prévoyant comme il le fait la production de copies certifiées conformes par le registraire, est la disposition applicable. Ces avo- cats semblent tous deux omettre de tenir compte du paragraphe 54(3) de la Loi, qui prévoit qu'une copie de l'enregistrement d'une marque de com merce fait foi des faits qui s'y trouvent énoncés. Sur le fondement de ces copies certifiées confor- mes, je tire la conclusion de fait que les marques de commerce de l'appelante avaient été utilisées au Canada antérieurement aux dates susmentionnées. L'avocat de l'intimée a fait une telle admission lorsqu'il a déclaré:
[TRADUCTION] Il a pu y avoir usage en 1961. Il a y avoir un tel usage. Ils ont déposé les demandes en déclarant que ces marques étaient employées, et nous n'insinuons pas qu'une irrégularité ait été commise.
Il a y avoir usage en 1961, mais personne ne se souvient de quelque usage que ce soit.
Le registraire a examiné le témoignage par affi davit de l'appelante, pour conclure que celle-ci avait [TRADUCTION] «manqué d'établir l'usage antérieur et le non-abandon de ses trois marques de commerce». Cette appréciation se fondait sur l'absence d'une preuve que les marchandises de
l'appelante ont été vendues et que ces ventes ont eu lieu dans le cours normal des affaires. Partant de ces conclusions, le registraire a décidé qu'il n'y avait eu aucun usage des marques de commerce de l'appelante au Canada [TRADUCTION] «au sens de l'article 4 de la Loi».
Le registraire n'a pas fait expressément réfé- rence aux critères prévus au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce en ce qui con- cerne la question de la confusion, mais aucun tel argument ne m'est soumis. Le premier motif d'ap- pel de l'appelante portait principalement sur l'usage antérieur qu'elle aurait fait de ses marques de commerces rivales au Canada et sur le fait que ces dernières n'avaient pas été abandonnées. Je considère admis par les parties que le degré de ressemblance entre les marques rivales ne fait aucun doute.
L'avocat de l'intimée soutient avec énergie que, pour avoir gain de cause sous le régime du para- graphe 16(3) de la Loi, l'appelante doit établir: (1) un usage antérieur de ses marques de commerce au Canada; (2) le non-abandon de celles-ci à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement; et (3) une certaine réputation dans le commerce. Dans sa plaidoirie, l'appelante a manqué d'établir de tels faits. L'avocat de l'intimée soutient égale- ment qu'aucun des déposants de l'appelante ne pouvait se rappeler qu'il y ait eu usage des mar- ques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» au Canada aux dates de leurs enregistre- ments respectifs ou après celles-ci.
Dans l'arrêt British American Bank Note Co. c. Bank of America National Trust and Saving Association, [1983] 2 C.F. 778; (1983), 71 C.P.R. (2d) 26 (1 reinst.), le juge Cattanach, traitant de la question du fardeau de la preuve applicable à une procédure d'opposition, a dit à la page 792 C.F.:
C'est au requérant de l'enregistrement d'une marque de commerce qu'il appartient de prouver qu'il y a droit et cette obligation qui incombe en tout temps à ce dernier (voir Eno v. Dunn (1890), 15 App. Cas. 252 [H.L.]) comprend également celle de prouver qu'il est un peu probable que la marque crée de la confusion.
Cependant, avant de pouvoir fonder une objection en vertu de l'article 16 sur l'emploi antérieur, l'opposant doit prouver que sa réputation est établie dans le commerce sous une appellation avec laquelle il pourrait y avoir de la confusion. A mon avis, on ne peut parler, dans ce cas, d'obligation mais de fardeau de la preuve. Une obligation ne passe jamais d'une personne à une autre mais le fardeau de la preuve peut être
renversé. Le requérant peut réfuter la preuve présentée par l'opposant.
Dans l'arrêt Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., [1981] 1 C.F. 679; (1980), 53 C.P.R. (2d) 62; 34 N.R. 39 (C.A.), qui concernait un appel interjeté d'une radiation de marque de com merce, le juge en chef Thurlow a dit à la page 685 C.F.:
Mais c'est de l'emploi de la marque de commerce qu'il faut faire la preuve; or, dans le cas de marchandises, il faut faire la preuve d'un emploi du genre de celui prévu à l'article 4, c'est-à-dire qu'il faut prouver que la marque est apposée sur les marchandises ou sur leur emballage ou liée aux marchandises, au moment de la vente ou de la livraison de celles-ci, dans la pratique normale du commerce, dans le but de différencier des autres marchandises celles qui sont fabriquées ou vendues par le titulaire de la marque.
À mon sens, ce même concept d'«emploi» ou d'«usage» est applicable à la présente espèce. Le registraire a clairement adopté une telle approche lorsqu'il a conclu que la preuve d'un emploi anté- rieur des marques de commerce de l'appelante au sens de l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce était insuffisante.
La preuve que les marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante avaient été employées antérieurement au Canada figure au paragraphe 2 de l'affidavit de Tritsch, qui est libellé en partie de la manière suivante:
[TRADUCTION] 2. L'opposante a par le passé vendu au Canada des grignotises arborant les marques de commerce aDIPSY DOODLES» et aCHEEZ DOODLES»; la première y a été ainsi employée depuis au moins 1960 et la seconde, depuis au moins 1961.
M. Tritsch a déclaré lors d'un contre-interroga- toire qu'il n'avait pas une connaissance personnelle de l'emploi des marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» dans le marché cana- dien. Le directeur de la commercialisation, M. Boyer, qui avait été associé aux grignotises de l'appelante depuis 1976, a déclaré dans un contre- interrogatoire qu'il n'avait pas connaissance de ventes des marchandises de l'appelante au Canada sous les marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles». Ni l'un ni l'autre des autres déposants, MM. Stimeling et Abernathy, ne pou- vait se souvenir d'un emploi des marques de com merce de l'appelante qui aurait eu lieu au Canada antérieurement à 1988. La seule preuve qu'il y ait eu un usage au Canada consistant en la vente de marchandises figure dans une réponse donnée par M. Tritsch pour remplir un engagement pris lors
d'un contre-interrogatoire; selon M. Tritsch, un examen des dossiers de l'appelante révélait, pour l'année 1988, des ventes des produits «Cheez Doodles» totalisant 573,08 $ et des ventes des pro- duits «Dipsy Doodles» totalisant 171,76 $.
L'ensemble de la preuve établit qu'il n'y a eu absolument aucun usage de la marque de com merce «Dipsy Doodles» en liaison avec les mar- chandises entre 1960 et, au moins, le mois de février 1988; il en ressort également que la même situation a prévalu en ce qui concerne la marque de commerce «Cheez Doodles» entre 1961 et cette même date de l'année 1988. Dans ces circons- tances, je suis convaincu que le registraire ne s'est pas trompé en concluant qu'il n'y avait pas eu usage antérieur des marques de commerce de l'ap- pelante au sens de l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce.
Abandon
Ceci m'amène à examiner la question de l'aban- don, qui constitue le second volet du premier motif d'appel. Les avocats des parties s'entendent pour dire que, par le jeu combiné des paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi sur les marques de commerce, il incombe à l'appelante d'établir sur le fondement de la preuve qu'elle n'avait pas abandonné ses marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» à la date de l'annonce de la demande de l'intimée, le 2 septembre 1981. Ces paragraphes sont ainsi libellés:
16....
(5) Le droit, pour un requérant, d'obtenir l'enregistrement d'une marque de commerce enregistrable n'est pas atteint par l'emploi antérieur ou la révélation antérieure d'une marque de commerce ou d'un nom commercial créant de la confusion, par une autre personne, si cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion a été abandonné à la date de l'annonce de la demande du requérant selon l'article 36.
17. (1) Aucune demande d'enregistrement d'une marque de commerce qui a été annoncée selon l'article 36 ne doit être refusée, et aucun enregistrement d'une marque de commerce ne doit être rayé, modifié ou tenu pour invalide, du fait qu'une personne autre que l'auteur de la demande d'enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il incombe à cette autre personne ou à son successeur d'établir qu'il n'avait pas abandonné cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion, à la date de l'annonce de la demande du requérant.
Le déposant de l'appelante, M. Abernathy, a déclaré dans son premier affidavit que les grignoti- ses associées aux marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» avaient un périmètre de marché rentable dont le rayon se restreignait à environ 300 milles de l'usine de production; les raisons de cette limitation avaient trait à l'embal- lage, aux frais d'expédition et à la durée limite de stockage des produits. Le paragraphe 16 de l'affi- davit déclare:
[TRADUCTION] 16. Considérant ces recherche et développe- ment ainsi que les limitations inhérentes au marché, il n'a pas été rentable d'approvisionner le marché canadien à partir des usines de grignotises déjà détenues et exploitées par Borden Inc. aux États-Unis, et ce, bien que Borden Inc. ait toujours eu l'intention de le faire.
Dans son second affidavit supplémentaire, M. Abernathy déclare que l'appelante a acheté Les aliments Humpty Dumpty Limitée le 2 février 1988, que le vendeur est un producteur très impor tant de grignotises de l'Est du Canada dont les ventes de l'année 1987 dépassaient 120 000 000 $, et que Borden Inc. projette de commercialiser ses produits «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» en utilisant le réseau de distribution et de vente de la société nouvellement acquise.
L'avocat de l'intimée soutient que les raisons données par M. Abernathy pour expliquer l'omis- sion de sa société d'exploiter le marché canadien pendant quelque vingt années ou plus ne peuvent absolument pas être considérées comme justifiant le fait que les marques de commerce «Dipsy Dood les» et «Cheez Doodles» n'ont pas été employées au Canada pendant vingt ans. Selon ses prétentions, la décision de ne pas vendre les produits en cause au Canada était entièrement volontaire et n'avait pas été dictée par des circonstances particulières qui auraient échappé au contrôle de l'appelante. :I s'appuie spécialement sur l'arrêt Marineland c. Marine Wonderland & Animal Park Ltd., [ 1974] 2 C.F. 558; (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (1 re inst.), dans lequel la Cour a rejeté un appel interjeté de la décision du registraire rejetant une opposition à l'enregistrement d'une marque de commerce au motif, entre autres, que la marque de commerce rivale de l'intimée avait été abandonnée. Le juge Cattanach, traitant de cette question, a dit aux pages 574 et 575 C.F.:
Quand l'appelante essaie de s'opposer à la demande d'enre- gistrement de l'intimée en invoquant l'emploi et la révélation antérieurs de la même marque de commerce au Canada, il
appartient à l'appelante de prouver qu'elle n'a pas abandonné cette marque de commerce.
En admettant que l'emploi par l'appelante du mot «Marine- land» en liaison avec des films constitue un emploi de marque de commerce, question que je n'ai pas tranchée, il appert de la preuve que la réalisation de ces films remonte à 1958 et qu'ils n'ont pas été présentés au Canada depuis 1964.
Cependant le simple non-usage d'une marque de commerce n'équivaut pas nécessairement à son abandon. Le non-usage doit être aussi accompagné de l'intention d'abandonner.
À mon avis, l'intention d'abandonner l'usage de la marque de commerce «Marineland» en liaison avec des films, dans les circonstances de la présente affaire, résulte du non-usage par l'appelante sur une longue période. C'est ce que je conclus de la preuve qui montre que l'appelante a réalisé une seule série de films pour distribution. Elle n'en a pas réalisé d'autres pour la présentation au Canada et aucun autre film n'y a été présenté. L'appelante n'a pas employé cette marque de commerce en liaison avec lesdites marchandises depuis 1964.. .
Alors, dans de telles circonstances, j'estime que l'appelante n'a pas prouvé, comme il lui incombait de le faire, qu'elle n'a pas abandonné l'usage de cette marque de commerce au Canada en liaison avec les films; je conclus donc, en admettant qu'il y ait eu emploi de marque, que cette marque a été abandonnée au Canada.
L'argument mis de l'avant est simplement le sui- vant: si le non-usage de la marque de commerce de l'appelante pendant une période de dix ans dans l'affaire Marineland justifiait l'inférence que cette marque avait été abandonnée, cette même conclu sion doit être tirée en l'espèce, le non-usage s'est étendu sur une période de vingt ans ou plus.
L'avocat de l'appelante soutient que le défaut de Borden Inc. de présenter des éléments de preuve établissant l'usage en réponse à l'annonce visée à l'article 44 ne signifie pas qu'elle ait abandonné ses marques; selon lui, il en ressort simplement qu'il n'y avait aucun usage des marques de commerce de l'appelante au Canada à la date de l'avis de radiation. Il soutient également que le témoignage par affidavit établissant des ventes totales de 465 000 000 $ pour les produits «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» aux États-Unis à la date du dépôt de l'opposition indique que l'appelante n'avait pas l'intention d'abandonner ses marques de com merce. Il soutient que le paragraphe 17(1) de la Loi sur les marques de commerce traite de l'aban- don de façon générale et ne vise pas particulière- ment l'abandon au Canada. L'avocat de l'appe- lante appuie également ses prétentions sur les éléments du témoignage de M. Abernathy ayant trait aux obstacles entravant actuellement l'exploi- tation du marché canadien.
J'ai été incapable de souscrire à la proposition que l'abandon mentionné au paragraphe 17(1) a un sens mondial et doit s'interpréter comme dési- gnant un abandon général et non seulement un abandon au Canada. Il est vrai que les mots «au Canada» ne figurent pas au paragraphe 17(1). Cependant, l'article 16 de la Loi utilise les mots «au Canada» de façon répétée relativement à la question de la confusion. En appliquant la règle moderne de l'interprétation des lois, je suis d'avis que les termes du paragraphe 17(1) imposant à un opposant le fardeau d'établir «qu'il n'avait pas abandonné cette marque de commerce ... créant de la confusion, à la date de l'annonce de la demande du requérant», interprétés suivant leur sens grammatical et ordinaire en fonction du con- texte de l'article 16 et de l'esprit de la Loi, limitent clairement la portée de l'abandon de la marque de commerce créant de la confusion à un abandon au Canada: Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [ 1984] 1 R.C.S. 536; (1984), CTC 294; 84 DTC 6305; 53 N.R. 241, motifs du juge Estey, à la page 578 R.C.S.
Considérant l'ensemble de la preuve, je conclus que l'appelante avait abandonné ses marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» au Canada à la date de l'annonce de la demande de l'intimée. Ceci étant, je suis incapable de conclure que le registraire a commis une erreur en tirant sa conclusion que l'appelante avait manqué d'établir le non-abandon de ses marques de commerce.
Caractère distinctif
Je traiterai maintenant du second motif d'appel de l'appelante, selon lequel la marque de com merce de l'intimée n'est pas distinctive au sens de l'alinéa 37(2)d) de la Loi sur les marques de commerce. Le terme «distinctif» est défini de la façon suivante à l'article 2 de la Loi:
2....
Distinctive», par rapport à une marque de commerce, désigne une marque de commerce qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi;
Comme la demande de l'intimée sollicite l'enregis- trement d'une marque de commerce projetée, la dernière partie de cette définition est celle qui est pertinente à la présente espèce, et la question
devient celle de savoir si la marque de commerce «Doodles» de l'intimée était adaptée à distinguer les grignotises qu'elle commercialisait des produits vendus par l'appelante à l'époque pertinente. À mon sens, la date qui est pertinente à cette fin est celle du dépôt de l'opposition, le 23 décembre 1981. 11 n'est pas contesté que les marques de commerce «Cheez Doodles» et «Dipsy Doodles» de l'appelante avaient été enregistrées aux États-Unis à partir de demandes établissant qu'elles avaient respectivement été employées depuis le 1" mai 1956 et depuis le 25 août 1958. Dans de telles circonstances, les avocats des deux parties ont convenu que la question du caractère distinctif doit être tranchée suivant les principes énoncés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd., [1976] 2 C.F. 3; (1975), 25 C.P.R. (2d) 126; 11 N.R. 560 (C.A.).
Dans l'arrêt Andres Wines Ltd., susmentionné, l'intimée, une société canadienne, a déposé une demande d'enregistrement de la marque de com merce «Spanada» qu'elle comptait employer en liaison avec des vins. L'appelante, une société amé- ricaine, s'est opposée à la demande aux motifs que la marque de commerce projetée créait de la con fusion avec la marque de commerce de l'appelante, révélée au Canada en liaison avec son vin aroma- tisé aux fruits, que l'intimée savait que la marque de commerce de l'appelante était bien connue au Canada à ce titre, et que la marque de commerce visée n'était pas distinctive parce que non suscepti ble de distinguer le vin de l'intimée de celui qui avait antérieurement été, et se trouvait encore, annoncé par l'appelante au Canada. Le registraire a rejeté l'opposition après avoir conclu qu'aucun de ces motifs n'était fondé. L'appelante a interjeté appel de cette décision devant la Division de pre- mière instance et elle a déposé quelque cinquante- huit affidavits additionnels à l'appui de ses objec tions. L'intimée n'a pas présenté de preuve et n'a contre-interrogé aucun des témoins déposants de l'appelante; elle a simplement soulevé à l'égard des affidavits des objections fondées sur des questions de procédure. Le juge de première instance a conclu qu'aucun des motifs de contestation invo- qués par l'appelante n'était fondé, et il a rejeté l'appel. La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel et a ordonné au registraire de rejeter la demande de l'intimée au motif principal que la marque de commerce de l'intimée n'était pas adaptée de façon
à distinguer ses vins de ceux d'autres propriétaires à la date de l'opposition. Le juge Thurlow [tel était alors son titre], traitant de la question du caractère distinctif, a dit à la page 7 C.F.:
La question que soulève ce moyen est donc de savoir si la marque «SPANADA» était, à l'époque en question, adaptée à distinguer le vin de l'intimée des vins existants. Comme la marque semble présenter un caractère proprement distinctif, il reste seulement à déterminer, selon moi, si la preuve établit que cette marque proprement distinctive n'est pas adaptée à distin- guer le vin de l'intimée. Pour faire cette preuve, on a allégué que cette marque est déjà connue comme celle employée par l'appelante en liaison avec des marchandises semblables. Pour qu'on puisse conclure que la marque n'est pas ainsi adaptée, il n'est pas nécessaire, selon moi, que la preuve démontre que la marque est bien connue ou qu'on l'a bien fait connaître au Canada au sens de l'article 5 ou qu'on a eu recours aux méthodes qui y sont mentionnées. Une telle preuve et le fait de l'emploi de la marque aux États-Unis suffiraient à donner à l'appelante le droit à l'enregistrement et à un monopole de l'emploi de la marque. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. L'intimée cherche à monopoliser l'emploi de la marque et il s'agit de savoir si elle en a le droit. Que quelqu'un d'autre en ait le droit n'a rien à voir. Seul importe le fait que la marque soit adaptée ou non à distinguer les marchandises de l'intimée sur le marché. De toute évidence, elle ne serait pas ainsi adaptée s'il y avait six ou sept marchands de vin qui l'employaient déjà sur leurs étiquettes et, pour la même raison, elle ne le serait pas si on la savait déjà employée par un autre commerçant du même type de marchandises. [Les soulignements sont ajoutés.]
Le savant juge a alors procédé à un examen attentif de la preuve. Un témoignage par affidavit révélait que les ventes brutes du vin de l'appelante à l'extérieur du Canada s'élevaient à plus de 8 700 000 $ avant la date de l'opposition. Pour établir leur circulation au Canada, trois affidavits étaient déposés; signés par des éditeurs de publica tions de cette industrie, ils faisaient état de la publication et de la distribution générale de cer- tains articles concernant le vin «Spanada» de l'ap- pelante ainsi que des registres qui y étaient affé- rents. De plus, quarante-six affidavits souscrits par des directeurs, des directeurs des ventes et d'autres dirigeants de stations de télévision opérant près de la frontière canado-américaine, déclaraient qu'il y avait eu diffusion des messages publicitaires de l'appelante. Chacun des déposants a déclaré entre autres qu'il connaissait bien le nombre de foyers canadiens atteints par les émissions diffusées par sa station et le nombre des diffusions de chaque message publicitaire ainsi que les dates et les heures celles-ci avaient eu lieu. Étaient égale- ment présentés deux affidavits du directeur des services d'achat de supports publicitaires de l'appe-
Tante, qui a compilé tous les renseignements conte- nus dans les quarante-six affidavits susmentionnés dans un tableau énumérant la totalité des stations de télévision américaines ayant diffusé ces messa- ges—stations qui couvraient presque tous les États situés à la frontière du Canada et des États-Unis— et mentionnant le nombre des messages publicitai- res concernant des vins qui avaient été diffusés au Canada. Ces affidavits déclaraient également que ces messages publicitaires étaient susceptibles d'at- teindre 51 % de la population canadienne. Même si certaines d'entre elles étaient fondées sur du ouï- dire, ont été jugées admissibles les opinions d'ex- perts que des personnes possédant une longue expérience dans le domaine de la publicité ont présentées concernant l'importance de l'écoute canadienne des stations américaines situées près de la frontière. Sur le fondement de l'ensemble des éléments qui précèdent, le juge a tiré les conclu sions suivantes à la page 14 C.F.:
Dans l'ensemble, donc, je suis d'avis qu'il a été établi que la marque SPANADA était connue au Canada à l'époqué perti- nente comme étant la marque de commerce de l'appelante, connue d'un grand nombre, sinon très bien connue au sens de l'article 5, et que cette conclusion s'impose à la lumière de la preuve, ce qui n'enlève rien à la très grande pertinence de l'observation du savant juge de première instance sur l'absence du moindre affidavit d'un téléspectateur au Canada qui décla- rerait avoir vu cette publicité sur une des stations américaines.
Comme j'ai déjà traité de certains éléments des témoignages par affidavit de l'appelante qui con- cernaient les autres questions en cause, je tenterai, en les réexaminant, de me limiter à un résumé des questions ayant trait au caractère distinctif.
Le premier affidavit de Robert G. Tritsch men- tionne l'enregistrement et la radiation au Canada des marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante, en ajoutant que l'appelante est également titulaire des enregistre- ments américains de ces marques de commerce ainsi que des marques «Fruit Doodles», «Yankee Doodles», «Nutty Doodles» et «Sunny Doodles». Cet affidavit déclare également que l'appelante a acquis les enregistrements relatifs aux noms «Sunny Doodles» et «Yankee Doodles» par l'inter- médiaire de Drake Bakeries, une division d'exploi- tation de l'appelante qui est le concurrent principal de l'intimée aux États-Unis, et que l'intimée [TRA- DUCTION] «est donc parfaitement au courant de l'usage prolongé et étendu que l'appelante avait
fait de ses marques de commerce du groupe «Doodles» en liaison avec les grignotises». Le deuxième affidavit de M. Tritsch porte principale- ment sur les procédures d'opposition auxquelles l'appelante est partie en ce qui concerne les demandes de l'intimée visant les marques de com merce «Hostess Cottage Fries» et «Hostess Home Fries». Je considère que cette preuve n'est pas pertinente au présent appel.
L'affidavit de M. Boyer mentionne le fait que les grignotises «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante se vendent beaucoup à travers toute la région de la Côte Est des États-Unis, jusqu'à des régions situées aussi au sud que la Floride, particu- lièrement dans des endroits de vacances comme Orlando et Miami, et il a ajouté qu'elles sont également répandues dans les États du Texas et de la Louisiane. Il cite des chiffres concernant les ventes de détail annuelles des produits «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» aux Etats-Unis pour les années 1975 à 1982, qui s'élevaient à des millions et des millions de dollars. L'affidavit men- tionne également les dépenses totales de publicité effectuées aux États-Unis à l'égard de ces produits au cours de la période allant de 1977 à 1982. Encore une fois, les montants en cause sont très importants. Les paragraphes 6, 7, 8 et 9 de l'affi- davit de Boyer traitent de la nature et de la portée des messages publicitaires diffusés par des stations de télévision des régions d'Albany, de Buffalo et de Rochester qui auraient été captés au Canada et reçus par des personnes vivant dans les régions de Toronto, de Barrie, de Peterborough, de Kitche- ner, de Sudbury, de Kingston et d'Ottawa. Ces données étaient toutes fondées sur des renseigne- ments obtenus d'un chargé de budget de l'agence de publicité de l'appelante. Elles ne s'appuyaient pas sur l'expérience directe des personnes œuvrant dans de ces stations de télévision situées près de la frontière canado-américaine, comme c'était le cas dans l'arrêt Andres Wines Ltd. À mon sens, la preuve d'une publicité débordant les frontières américaines qui est contenue dans ces paragraphes de l'affidavit de Boyer constitue du ouï-dire et est inadmissible.
Finalement, M. Boyer renvoie à trois pièces annexées à son affidavit. La première est une page tirée du numéro de décembre 1981 de la revue Mademoiselle qui contient un article intitulé «The
best (and worst) of times». Une phrase mentionne en passant les grignotises «Cheez Doodles». Le déposant déclare que la revue en question [TRA- DUCTION] «est en circulation au Canada, et est donc lue par des Canadiens». La deuxième pièce visée dans l'affidavit de M. Boyer est un dessin mentionnant les «Cheez Doodles» qui figure dans le magazine Esquire en janvier 1961. Encore une fois, l'auteur de cet affidavit fait valoir que cette publication est en circulation au Canada et se trouve lue par des Canadiens. La troisième pièce est un article d'un commentateur de nouvelles paru dans le journal Daily News le 17 mai 1982, article dans lequel le produit «Cheez Doodles» de l'appe- lante se trouve bien en évidence. Je considère cet article non pertinent, puisqu'il a été publié après le 23 décembre 1981, le jour du dépôt de l'opposition, qui constitue la date pertinente lorsqu'il s'agit de trancher la question du caractère distinctif.
Vient ensuite l'affidavit de William A. Stime- ling, qui agit comme directeur des services de commercialisation d'une division des grignotises depuis 1957 et qui a été responsable de la commer cialisation et de la publicité des produits vendus comme grignotises aux États-Unis sous les mar- ques de commerce «Cheez Doodles» et «Dipsy Doodles». Dans l'exercice de ses responsabilités, M. Stimeling étudie les compilations des données relatives aux messages publicitaires télévisés qui ont été préparées par des agences extérieures, et il se fonde sur ces compilations. Le paragraphe 3 de son affidavit mentionne un certain nombre de mes sages publicitaires diffusés à la télévision dans les régions des marchés d'Albany, de Buffalo et Rochester au cours des mois de juin à septembre 1981, en précisant leurs coûts en dollars canadiens; il fait de même en ce qui concerne les messages publicitaires de la période de février à septembre 1982. Les données relatives aux messages publici- taires de la période subséquente sont, à mon avis, non pertinentes. L'auteur de l'affidavit déclare également que les messages télévisés concernant les «Cheez Doodles» ont été diffusés pour ces mêmes marchés avant 1981, et particulièrement au cours des années 1979 et 1980, mais il ne semble y avoir aucun registre mentionnant de tels messages. Le dernier paragraphe de l'affidavit de M. Stime- ling est ainsi libellé:
[TRADUCTION] 5. Les messages publicitaires diffusés par les stations d'Albany seraient vus par les Canadiens de l'Est de
l'Ontario. Les messages diffusés par les stations du marché de Buffalo seraient captés par les Canadiens du Sud-Ouest et du Centre-Sud de l'Ontario. Les messages diffusés par les stations du marché de Rochester seraient reçus par les Canadiens du Centre-Sud et de l'Est de l'Ontario. En faisant passer ses messages publicitaires sur les ondes des stations de télévision des marchés d'Albany, de Buffalo et de Rochester, Borden Inc. était consciente que ces messages seraient vus par des Canadiens.
L'objet de tous ces éléments de preuve est d'éta- blir que les marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante étaient, à l'épo- que pertinente, «connues au Canada» au sens con- féré à ce membre de phrase dans l'arrêt E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. susmentionné. Comme il a déjà été dit, dans l'affaire Andres Wines, quarante-six affidavits signés par des diri- geants de stations de télévision situées à la fron- tière fournissaient des précisions sur les messages télévisés qui avaient été reçus au Canada. Il exis- tait également des témoignages par affidavit vou- lant que les messages publicitaires télévisés soient susceptibles de rejoindre cinquante et un pour cent de la population du Canada. Le juge Thurlow a donc pu conclure à la page 13 C.F.:
. dans l'ensemble, ... les messages publicitaires relatifs au vin SPANADA de l'appelante diffusés par des stations améri- caines de télévision situées près de la frontière, du mois de janvier 1970 jusqu'au 2 novembre 1970, ont été captés au Canada par un très grand nombre de téléspectateurs et, en outre, que la marque de commerce «SPANADA» est mainte- nant bien connue au Canada. [Les soulignements sont ajoutés.]
Je suis incapable de tirer une telle conclusion à partir de la preuve présentée dans la présente espèce. Je considère que la preuve relative aux messages télévisés débordant les frontières est en grande partie constituée de ouï-dire. M. Boyer a admis lors d'un contre-interrogatoire qu'il n'avait pas contesté personnellement que l'un ou l'autre des messages télévisés avait véritablement été montré au Canada. De la même façon, M. Stime- ling n'avait pas constaté personnellement que les messages télévisés de l'appelante avaient véritable- ment été diffusés au Canada. La déclaration dans son affidavit voulant que les messages publicitaires de l'appelante soient vus par des Canadiens en Ontario semble avoir été fondée sur son souvenir de certaines émissions de télévision en provenance des États-Unis qu'il avait regardées en pratiquant le camping au Canada ainsi que sur des cartes de la Commission fédérale des communications illus- trant la portée des signaux de radiodiffusion. Il est
ressorti lors d'un contre-interrogatoire que ces cartes ne fournissent aucune indication sur le nombre réel des spectateurs de ces émissions, et il est très douteux que le déposant ait réellement consulté ces cartes. À la connaissance de M. Sti- meling, l'appelante n'avait jamais demandé aux stations de télévision situées près de la frontière si les messages publicitaires qu'elles diffusaient attei- gnaient des marchés canadiens par des signaux directs ou par câblodiffusion. M. Abernathy a confirmé en contre-interrogatoire que l'appelante n'avait jamais étudié la mesure dans laquelle les messages publicitaires outre-frontière atteignaient le marché canadien. Lorsqu'on lui a demandé pré- cisément sur quoi il fondait sa déclaration que l'appelante avait promu ses produits «Cheez Dood les» au moyen de la publicité outre-frontière depuis aussi tôt que 1981, il a répondu:
[TRADUCTION] Je considère que quiconque est familier avec les marchés de Toronto, de Montréal, de l'Ontario sait que la diffusion d'une publicité dirigée dans un pays traverse très facilement dans l'autre. Les stations américaines sont couram- ment captées à Toronto. J'en ai captées plusieurs sur le télévi- seur de ma chambre d'hôtel hier soir.
À mon sens, la preuve de l'effet de débordement des messages publicitaires diffusés aux États-Unis ne parvient pas à établir que les marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante étaient connues au Canada à l'époque pertinente.
De plus, aucune preuve n'a été présentée en ce qui concerne l'importance de la circulation des magasines Mademoiselle et Esquire au Canada, et M. Boyer, au cours du contre-interrogatoire, a seulement pu dire: [TRADUCTION] «Je suppose que l'on m'a dit qu'ils étaient en circulation au Canada». Présumément, je peux connaître d'office que ces publications jouissent d'une certaine circu lation au Canada. Toutefois, il ne serait pas appro- prié pour moi de conjecturer au sujet de l'étendue de cette circulation. La mention des «Cheez Dood les» dans le magasine Mademoiselle est très brève et fondamentalement anodine. En ce qui concerne le dessin de la revue Esquire, je conclus qu'il aurait peu de poids ou d'importance pour le lecteur canadien.
Il reste à examiner la preuve appuyant la pré- tention que de nombreux Canadiens sont mis en contact avec les marques de commerce de l'appe- lante en voyageant aux États-Unis, en particulier
dans les régions de la Côte-Est et de la Floride. L'affidavit de Boyer affirmait que de nombreux canadiens voyageant dans les régions des États- Unis destinées aux vacances connaissent l'exis- tence des produits «Cheez Doodles» de l'appelante. Contre-interrogé sur le fondement de cette décla- ration, M. Boyer a répondu: [TRADUCTION] «Je suppose que ce serait la présomption que les gens se déplacent tant aux États-Unis qu'au Canada». Le témoignage de M. Abernathy concernant les circuits suivis par les Canadiens voyageant aux États-Unis s'est limité à des rapports d'un collègue des ventes et de la commercialisation, ainsi qu'à ses propres observations concernant la présence de plaques d'immatriculation canadiennes sur les grandes routes américaines. Aucune preuve directe n'a été présentée pour établir le nombre véritable des Canadiens voyageant dans les États sont annoncées les grignotises de l'appelante, ou la mesure dans laquelle les Canadiens sont mis en contact avec de telles annonces.
En conséquence, je considère que les marques de commerce de l'appelante ne sont pas devenues suffisamment connues au Canada pour justifier la Cour de conclure que la marque de commerce «Doodles» de l'intimée n'était pas adaptée à distin- guer, sur le marché, ses marchandises de celles des autres propriétaires. Je n'ai pas l'intention de m'étendre sur l'arrêt Orkin Exterminating Co. Inc. v. Pestco Co. of Canada Ltd. et al. (1985), 50 O.R. (2d) 726; 19 D.L.R. (4th) 90; 30 B.L.R. 152; 34 CCLT 1; 5 C.P.R. (3d) 433; 10 O.A.C. 14 (C.A.) qui a été cité par l'avocat de l'appelante puisque cet arrêt peut être distingué de la présente espèce en ce qu'il met en jeu une action en passing off et une injonction. De plus, cette affaire est également distinguable par le fait qu'il existait une preuve directe des consommateurs canadiens selon laquelle la marque de commerce de la demande- resse utilisée en liaison avec le contrôle des insectes et des animaux nuisibles désignait dans leur esprit les services de la demanderesse.
Tromper le public ou l'induire en erreur
L'argumentation présentée par l'appelante sur ce point veut essentiellement que la connaissance par l'intimée de l'enregistrement et de l'usage des marques de commerce du groupe «Doodles» aux États-Unis, et plus particulièrement les enregistre- ments relatifs aux marques «Dipsy Doodles» et
«Cheez Doodles», devraient empêcher l'enregistre- ment par l'intimée de sa marque projetée au Canada. L'avocat de l'appelante soutient que l'in- timée était parfaitement au courant des activités de vente exercées par l'appelante aux États-Unis relativement à ses grignotises, mais qu'elle a néan- moins copié la marque de commerce «Doodles» d'une manière flagrante. L'avocat de l'appelante fait état des difficultés découlant du refus de MM. McKechnie et Douglas de se soumettre à un autre contre-interrogatoire, qui a entraîné la radiation de leurs témoignages par affidavit du dossier. Selon ses prétentions, leur refus de se présenter au contre-interrogatoire justifie l'inférence qu'ils savaient que l'appelante avait enregistré et utilisait ses marques de commerce aux États-Unis, et qu'ils avaient peur de devoir l'admettre.
L'avocat de l'intimée soumet qu'il n'existe aucune preuve forte de la connaissance par l'inti- mée des enregistrements américains relatifs aux marques de commerce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante. L'avocat de l'intimée sou- tient également que la mauvaise foi n'est pas perti- nente à la question du caractère distinctif, et il soumet que les demandes présentées par l'intimée à l'égard des termes «Hostess Cottage Fries» et «Hostess Home Fries» ne sont pas pertinentes au présent appel.
Dans l'arrêt Andres Wines, le juge Thurlow a cité abondamment le jugement prononcé par le juge Maclean dans l'affaire Williamson Candy Co. v. W.J. Crothers Co., [1924] R.C.É. 183, pour en venir à la conclusion suivante aux pages 17 et 18 C. F.:
La Loi a été modifiée depuis, mais les observations du savant juge sont aussi valables aujourd'hui qu'en 1924. Ce qui nous intéresse dans tout cela, c'est qu'en partant de faits qui, pour l'essentiel, sont remarquablement semblables à ceux de la présente espèce, le savant juge a décidé qu'étant donné la publicité faite par la demanderesse et la connaissance de sa marque ainsi répandue au Canada, l'enregistrement de la marque au Canada fait par la défenderese «visait à tromper le public ou à l'induire en erreur» et que, pour ce motif, il y avait lieu de le radier. C'est précisément sur cette conclusion du savant juge que la Cour suprême [1925] R.C.S. 377; [[1925] 2 D.L.R. 844] a fondé son jugement portant confirmation.
Le juge en chef Anglin, parlant au nom de la majorité de la Cour, a déclaré à la page 380 [R.C.S.]:
[TRADUCTION] Le savant président a décidé que cet enre- gistrement de la marque de commerce par la défenderesse «vise à tromper le public ou à l'induire en erreur». Cette conclusion tient toujours. La preuve présentée la justifie. Et
elle justifie pleinement l'ordonnance rendue par la Cour de l'Échiquier de radier l'inscription de la marque de commerce de la défenderesse, celle-ci étant une marque de commerce que le Ministre, dans l'exercice de son pouvoir discrétion- naire, aurait pu refuser d'enregistrer.
Étant donné les faits de l'espèce, je suis d'avis qu'ici aussi l'enregistrement de la marque «SPANADA» par l'intimée et son emploi par celle-ci en liaison avec ses vins viserait à tromper le public ou à l'induire en erreur et qu'il s'ensuit que la marque n'est pas adaptée à distinguer les marchandises de l'intimée. L'opposition de l'appelante en vertu de l'article 37(2)d) de la Loi sur les marques de commerce doit donc être accueillie.
À mon sens, la présente espèce est distinguable de l'affaire Andres Wines en ce qu'elle ne com- porte aucune preuve que les marques de commerce étrangères «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'appelante étaient connues au Canada au point de justifier la conclusion que la demande d'enregistre- ment de la marque de commerce «Doodles» de l'intimée a été conçue pour tromper le public et l'induire en erreur. Quoi qu'il en soit, je conclus qu'il n'existe aucune preuve réelle que l'intimée, à l'époque pertinente, avait connaissance des enre- gistrements et de l'utilisation des marques de com merce «Dipsy Doodles» et «Cheez Doodles» de l'ap- pelante aux Etats-Unis. De plus, l'article 5 de la Loi sur les marques de commerce n'a été ni plaidé ni invoqué. En conséquence, ce motif d'appel fondé sur la tromperie doit également échouer.
Pour les motifs qui précèdent, l'appel de l'appe- lante est rejeté avec dépens.
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