T-2102-89
Fédération canadienne de la faune Inc., Gordon
Geske et Joseph Dolecki (requérants)
c.
Ministre de l'Environnement et Saskatchewan
Water Corporation (intimés)
RÉPERTORIÉ: FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA FAUNE INC. C.
CANADA (MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT) (1" INST.)
Section de première instance, juge Muldoon—
Winnipeg, 29 et 30 novembre 1989.
Compétence de la Cour fédérale — Demande fondée sur
l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale — La Cour met en
question sa compétence à l'égard de la Saskatchewan Water
Corporation — On ne pouvait obtenir réparation de la part de
la Saskatchewan Water Corporation en qualité d'intimée —
Bien qu'il y ait respect de deux des trois conditions essentielles
à la compétence de notre Cour exposées par la Cour suprême
du Canada dans l'arrêt ITO — International Terminal Opera
tors c. Miida Electronics Inc., il n'y a pas respect de la
condition exigeant l'attribution de compétence par le Parle-
ment — La Saskatchewan Water Corporation a été constituée
par une loi provinciale — Elle est visée par l'exception que le
Parlement s'est trouvé à faire dans la définition d'«office
fédéral» à l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale — Les arrêts
de la C.S.C. qui interprètent l'art. 101 de la Loi constitution-
nelle de 1867 accordent une grande et minutieuse attention au
sens de l'expression «lois du Canada» mais ils sont silencieux
sur le sens de la «meilleure» administration et ils ne font
aucun cas de la disposition «nonobstant».
Pratique — Parties — Qualité pour agir — La Cour a mis
d'elle-même en question sa compétence à l'égard de la Saska-
tchewan Water Corportation et le droit de cette société de se
faire entendre si elle ne pouvait être légalement associée à la
procédure — La société ne pouvait être associée à la procédure
en qualité d'intimée car elle est visée par l'exception à l'art. 2
de la Loi sur la Cour fédérale — Sur consentement des parties,
la Cour a rendu une ordonnance nunc pro tunc désignant la
société comme intervenante pour lui permettre de défendre le
permis fédéral qui lui a été accordé.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Décret sur les lignes directrices visant le processus
d'évaluation et d'examen en matière d'environnement,
DORS/84-467.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod. par la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° 1) art.
92(14), 101.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
2, 18.
Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours
d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. I-20.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28
D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
McNamara Construction (Western) Ltd. et autre c. La
Reine, [1977] 2 R.C.S. 654; (1977), 75 D.L.R. (3d) 273;
13 N.R. 181; Quebec North Shore Paper Co. et autre c.
Canadien Pacifique Ltée et autre, [1977] 2 R.C.S. 1054;
(1976), 9 N.R. 471.
DÉCISIONS CITÉES:
Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada
(Ministre de l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309; [1989]
4 W.W.R. 526; (1989), 26 F.T.R. 245 (C.F. 1' inst.);
Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada
(Ministre de !'Environment) (1989), 99 N.R. 72
(C.A.F.).
AVOCATS:
Brian A. Crane et Martin W. Mason pour les
requérants.
Brian J. Saunders et Craig J. Henderson pour
l'intimé le ministre de l'Environnement.
D. E. Gauley et Clifford B. Wheatley pour
l'intimée Saskatchewan Water Corporation.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour
les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé le ministre de l'Environnement.
Gauley & Co., Saskatoon, et Clifford B.
Wheatley, Moose Jaw (Saskatchewan), pour
l'intimée Saskatchewan Water Corporation.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Cette procédure fondée
sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale,
L.R.C. (1985), chap. F-7, a été engagée par les
requérants contre le ministre de l'Environnement
et la Saskatchewan Water Corporation en qualité
d'intimés. Une affaire antérieure entre les mêmes
parties, fondée sur l'article 18 (T-80-89) [[1989] 3
C.F. 309; [1989] 4 W.W.R. 526; (1989), 26
F.T.R. 245] avait eu pour issue l'annulation d'un
permis délivré en vertu de la Loi sur les ouvrages
destinés à l'amélioration des cours d'eau interna-
tionaux, L.R.C. (1985), chap. I-20, visant la cons
truction de barrages et l'exécution d'autres travaux
sur le réseau fluvial de la rivière Souris en Saska-
tchewan. Le permis avait été délivré par le minis-
tre intimé à la Saskatchewan Water Corporation,
et son annulation avait été subséquemment confir-
mée par une décision unanime de la Section d'ap-
pel de cette Cour (A-228-89) [(1989), 99 N.R.
72].
En l'espèce, la Cour a d'elle-même mis en ques
tion sa compétence à l'égard de la Saskatchewan
Water Corporation et partant, le droit de cette
société de se faire entendre si elle ne pouvait être
légalement associée à la procédure.
La compétence de cette Cour a été définie de
façon générale dans un arrêt majoritaire de la
Cour suprême du Canada dans l'affaire ITO—
International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752;
(1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68
N.R. 241. A la page 766, le juge McIntyre tire de
deux arrêts antérieurs de la Cour suprême les
conditions essentielles pour pouvoir conclure à la
compétence de notre Cour dans une action en
justice concluant au versement de dommages-inté-
rêts. Les deux arrêts antérieurs cités par le juge
McIntyre sont McNamara Construction (Western)
Ltd. et autre c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654;
(1977), 75 D.L.R. (3d) 273; 13 N.R. 181; et
Quebec North Shore Paper Co. et autre c. Cana-
dien Pacific Ltée et autre, [ 1977] 2 R.C.S. 1054;
(1976), 9 N.R. 471. Dans ces deux affaires, la
Cour suprême du Canada a interprété l'article 101
de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict.,
chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5]
(mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution-
nelle de 1982, n° 1)], dont voici le libellé:
101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute dispo
sition contraire énoncée dans le présent acte, lorsque l'occasion
le requerra, adopter des mesures à l'effet de créer, maintenir et
organiser une cour générale d'appel pour le Canada, et établir
des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des
lois du Canada.
Dans les deux arrêts antérieurs de la Cour
suprême qui sont cités, les jugements de la Cour
accordent une grande et minutieuse attention au
sens de l'expression «lois du Canada», mais ils sont
notoirement silencieux sur le sens de la «meilleure»
administration de ces lois, et ils ne font aucun cas
de l'expression «nonobstant toute disposition con-
traire énoncée dans le présent acte». On se souvien-
dra que le pouvoir qui réside dans cette dernière
expression a suffi à mettre fin à la compétence
qu'avait le Comité judiciaire du Conseil Privé
d'entendre les appels des décisions rendues par des
tribunaux canadiens. On a conclu que cette expres
sion «nonobstant» donnait au Parlement l'autorité
de passer outre au partage constitutionnel des
pouvoirs, particulièrement à l'égard de la rubrique
14 de l'article 92.
Cependant, les conditions essentielles à la com-
pétence de notre Cour exposées par le juge McIn-
tyre dans l'arrêt ITO, prises en sens inverse pour
les besoins de l'espèce, sont les suivantes [à la page
766 R.C.S.]:
—La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada»
au sens où cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi
constitutionnelle de 1867.
—Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui
soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de
l'attribution légale de compétence.
Les deux conditions susmentionnées sont aisément
remplies ici, car la présente affaire porte sur les
dispositions de la Loi sur les ouvrages destinés à
l'amélioration des cours d'eau internationaux et
du Décret sur les lignes directrices visant le pro-
cessus d'évaluation et d'examen en matière d'en-
vironnement, DORS/84-467, deux mesures législa-
tives qui sont évidemment des «lois du Canada»
pour la meilleure administration (et non simple-
ment pour l'administration «régulière» et certaine-
ment pas pour l'administration «boiteuse») des-
quelles cette Cour a été établie.
On pourrait certainement soutenir que la meil-
leure administration de ces lois pourrait fort bien
s'accommoder de l'association à la procédure de la
Saskatchewan Water Corporation dont le permis
aurait été délivré en vertu desdites lois et qui,
conformément à son permis, a convenu de respec-
ter toutes les lois pertinentes du Canada ayant
trait à ses barrages et travaux du bassin de la
rivière Souris.
La dernière condition est la suivante:
—ll doit y avoir attribution de compétence par une loi du
Parlement fédéral.
Cependant, le Parlement, bien qu'il puisse appa-
remment accorder une telle compétence en raison
de la clause «nonobstant» de l'article 101, ne s'est
pas rendu jusque-là. La réparation recherchée en
l'espèce peut être obtenue en vertu de l'article 18
de la Loi sur la Cour fédérale «de la part d'un
office fédéral.» Voici la définition donnée à cette
expression à l'article 2 de la Loi sur la Cour
fédérale:
2....
... Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou per-
sonne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé
exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi
fédérale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous le
régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un
, groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provin-
ciale ou ...(Non souligné dans le texte original.)
La Saskatchewan Water Corporation est un
organisme créé et établi par une loi de la province
de la Saskatchewan et, par conséquent, il ne peut
être obtenu réparation de sa part en vertu de
l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. Elle ne
doit pas être associée en l'espèce à la procédure en
qualité d'intimée en raison de l'exception que le
Parlement s'est trouvé à faire à l'égard . de ces
organismes dans la définition d'«office fédéral» à
l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale.
Étant donné la conclusion susmentionnée, toutes
les autres parties ont convenu par l'entremise de
leurs avocats respectifs de considérer la Saskatche-
wan Water Corporation comme intervenante pour
lui permettre de comparaître par avocat dans la
présente affaire afin de faire des observations pour
défendre le permis fédéral qui lui a été accordé.
Sur ce fondement, la Cour a rendu une ordon-
nance nunc pro tunc afin d'obliger les parties et de
modifier l'intitulé de la cause pour désigner la
Saskatchewan Water Corporation en qualité d'in-
tervenante. Le tout sans dépens.
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