T-1637-85
Sally Margaret Swanson, administratrice de la
succession de Terrance Albert Swanson, égale-
ment connu sous le nom de Terry Swanson,
décédé, Sally Margaret Swanson, en son nom per
sonnel, et Sally Margaret Swanson, en sa qualité
de personne responsable de Caitlin Jessica Swan-
son, d'Alison Ann Swanson et de William Ter-
rance Swanson, tous mineurs (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
T-2271-86
Virginia Peever, administratrice de la succession
de Gordon Donald Peever, décédé, Virginia
Peever, en son nom personnel, et Virginia Peever,
en sa qualité de personne responsable de Gordon
Chad Peever et de Shirlene Frances Peever, tous
deux mineurs (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: SWANSON c. CANADA (I" INST.)
Section de première instance, juge suppléant
Walsh—Edmonton, 31 octobre 1989; Ottawa, 6
février 1990.
Couronne — Responsabilité délictuelle — Action en dom-
mages-intérêts à la suite de l'écrasement d'un avion — Devoir
de prudence de l'autorité publique — Transports Canada était
au courant du fait que le transporteur avait commis des
infractions aux règlements — Transports Canada a donné des
avertissements plutôt que d'imposer des punitions plus sévères
— Distinction entre les décisions «politiques» et les décisions
«opérationnelles» — Prévisibilité de l'accident — Lien entre
les parties — Il n'est pas nécessaire que la responsabilité soit
imputée à un préposé particulier de la Couronne pour que la
responsabilité de celle-ci soit engagée.
Droit aérien — Actions en dommages-intérêts contre la
Couronne — Écrasement d'un avion — Le transporteur aérien
a violé à maintes reprises les règlements en matière d'aviation
— Pressions exercées sur les pilotes pour qu'ils enfreignent les
règles — Transports Canada était au courant de ces pressions,
mais il a donné des avertissements plutôt que d'imposer des
sanctions plus sévères — Pour des raisons de politique, le
ministère a décidé de ne pas agir — Imputation du tiers de la
responsabilité à la Couronne — Le ministère a la tâche
difficile de protéger le public et la viabilité financière des
petits transporteurs.
Pratique — L'avocat a été mis au courant des décisions
encore inédites que la Cour suprême du Canada a rendues
après la fin des plaidoiries — Il s'agit de savoir si la Cour
devrait examiner les prétentions additionnelles fondées sur ces
arrêts — Examen des décisions de la Cour suprême du
Canada afin d'éviter de rendre un jugement erroné, étant donné
que ces arrêts risquent d'être fort décisifs.
Il s'agit d'actions en dommages-intérêts intentées contre la
Couronne à la suite de l'écrasement d'un avion qui a entraîné la
mort de passagers. L'avion appartenait à Wapiti Aviation Ltd.
Le pilote a admis sa responsabilité, mais ni lui ni l'entreprise
n'ont été poursuivis comme défendeurs dans la présente action.
Les demandeurs ont soutenu que la Couronne était responsable,
parce qu'elle avait omis de faire des examens appropriés, de
voir à ce que les règlements sur l'aviation soient respectés et de
répondre de façon appropriée aux plaintes concernant l'exploi-
tation'de la compagnie aérienne. Le transporteur aérien a
encouragé ses pilotes à enfreindre les règles de l'aviation en
volant la nuit selon les règles de vol à vue. Transports Canada
était au courant des diverses infractions depuis quelque temps
avant l'incident, mais il a décidé de donner des avertissements
plutôt que d'imposer des sanctions plus lourdes qui pourraient
forcer le transporteur aérien à fermer ses portes, au détriment
du public voyageur. Les demandeurs ont soutenu que l'accident
était raisonnablement prévisible. La défenderesse s'est fondée
sur la distinction entre les décisions «politiques» (cas où l'auto-
rité publique a le pouvoir discrétionnaire de recommander une
conduite) et les décisions «opérationnelles» (cas où l'autorité est
tenue de faire appliquer un règlement donné). Elle a allégué
qu'il n'y a pas de devoir de prudence en common law à moins
qu'il ne soit démontré que la mesure prise dépassait les limites
de l'exercice de bonne foi d'un pouvoir discrétionnaire. Elle a
également allégué que, comme l'écrasement n'était pas raison-
nablement prévisible, aucun devoir de prudence n'existait.
Enfin, la défenderesse a fait valoir que le préjudice subi doit
résulter des agissements de celle-ci et que ces agissements
doivent constituer une cause immédiate, et non trop éloignée,
du préjudice. En conséquence, les demandeurs doivent prouver
que Transports Canada a été négligente en ne prenant pas les
mesures voulues avant l'accident.
Une fois les plaidoiries terminées, les demandeurs ont été mis
au courant de trois jugements que la Cour suprême du Canada
a rendus après la fin de l'instruction dans les présents litiges.
Ces jugements indiquent l'existence d'une tendance à l'accrois-
sement de la responsabilité des personnes chargées de faire
respecter les règlements. Dans ces arrêts-là, la Cour a décidé
qu'une autorité publique devrait assumer une obligation de
diligence, à moins qu'il n'existe un motif valable de l'en exemp-
ter. Il y a motif valable d'exemption lorsqu'un organisme
gouvernemental prend une véritable décision politique. Il fallait
déterminer s'il était approprié d'examiner des arguments sup-
plémentaires fondés sur ces récentes décisions.
Jugement: les actions devraient être accueillies.
Bien que la pratique de soumettre des prétentions addition-
nelles après la fin des plaidoiries ne soit pas encouragée en
temps normal, elle était justifiée en l'espèce. Il se pourrait
qu'un jugement de la Cour suprême non encore prononcé lors
du procès soit décisif; pourvu que le jugement scellant l'issue de
cette affaire n'ait pas encore été rédigé, le juge du procès
devrait tenir compte de l'arrêt de la Cour suprême afin d'éviter
de rendre une décision qui serait erronée.
Lorsqu'il y a une obligation d'agir ou de prendre une décision
réfléchie de ne rien faire pour des motifs de politique, il y a peu
de différence entre l'inaction et la mauvaise exécution. Le fait
que des mesures contre Wapiti ont été envisagées et que
certaines dispositions ont été prises constitue une décision réflé-
chie de ne pas agir pour des motifs de politique, étant donné
qu'au lieu de poser un geste décisif, les employés de la défende-
resse se sont contentés de promesses de Wapiti qu'elle ferait
mieux à l'avenir. Chaque passager d'une ligne aérienne doit
être considéré par le ministère des Transports comme une
personne risquant de subir un préjudice s'il y avait quelque
manquement au devoir du ministère d'appliquer les règlements.
Pour déterminer si un devoir de prudence existe, il faut
d'abord se demander s'il y a entre les parties un lien suffisam-
ment étroit pour en justifier l'imposition. Transports Canada
effectuait des inspections chez Wapiti comme l'y obligeaient
effectivement la Loi sur l'aéronautique et ses Règlements
d'application. La Loi et les Règlements imposent, à tout le
moins, un devoir de prudence implicite envers le grand public.
La politique affichée par le ministère est l'application des
Règlements; cependant, lorsque l'étendue et les modalités de
cette application ne suffisent pas à assurer la protection néces-
saire ou sont inadéquates à cet égard, il ne s'agit plus unique-
ment d'une question de politique, mais d'une question opéra-
tionnelle qui ne doit pas donner lieu à des mesures inadéquates
ou empreintes de négligence. Bien que l'existence de l'obliga-
tion contractuelle de prudence envers le public puisse être mise
en doute, l'absence de cette obligation ne suffit pas en soi à
mettre la défenderesse à l'abri de toute responsabilité délic-
tuelle. Les inspections ont révélé qu'il était dangereux de
permettre à Wapiti de continuer d'effectuer des vols IFR à un
seul pilote malgré les infractions qu'elle avait déjà commises et
la défenderesse avait tout le temps voulu pour remédier à cette
situation en retirant son autorisation.
Bien que, suivant les dispositions de la Loi sur la responsabi-
lité de l'État, le déclenchement de la responsabilité délictuelle
de la Couronne nécessite qu'il y ait, de la part d'un préposé de
la Couronne, un acte ou une omission à caractère délictuel qui
engagerait la responsabilité de cette personne, cela ne signifie
pas que la responsabilité doive être imputée à un ou des
préposés particuliers de la Couronne. Cette responsabilité peut
être partagée par l'ensemble des préposés d'un seul ministère et
la responsabilité de la Couronne peut être engagée à la condi
tion que la somme des éléments en jeu constitue une négligence
propre à faire l'objet de poursuites.
L'écrasement n'était pas trop éloigné ou imprévisible. Même
s'il était au courant des problèmes, le ministère a décidé de
simplement surveiller la situation. Même si la cause directe de
l'accident était une erreur du pilote, l'avion n'était pas en
parfait état. À la suite des plaintes formulées par les pilotes, la
défenderesse était au courant des pressions exercées sur ceux-ci
pour les forcer à entreprendre des vols avec un équipement
défectueux en contravention des Règlements. Cette pression
peut être considérée comme ayant contribué à l'accident.
Un tiers de la responsabilité doit être imputé à la défende-
resse. On ne saurait imputer un degré supérieur de responsabi-
lité à Transports Canada en l'espèce, puisque celle-ci avait la
tâche difficile d'appliquer strictement les Règlements dans
l'intérêt de la sécurité publique sans pour autant nuire indû-
ment à l'aviation commerciale. Un équilibre délicat doit être
maintenu, mais, lorsqu'il y a quelque doute, celui-ci doit être
tranché en faveur de la sécurité publique. Une fois qu'une série
de violations des règlements est signalée, on a tendance à trop
se fier aux promesses des compagnies aériennes qu'elles feront
mieux à l'avenir.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. A-3.
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), chap. C-5.
Loi sur la responsabilité de l'État, L.R.C. (1985), chap.
C-50.
Règlement de l'air, C.R.C., chap. 2.
Tort-Feasors Act, R.S.A. 1980, chap. T-6, art. 3(1)b).
Worker's Compensation Act, S.A. 1981, chap. W-16,
art. 16.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Just c. Colombie-Britannique, [1989] 2 R.C.S. 1228;
(1989), 64 D.L.R. (4th) 689; [1990] 1. W.W.R. 385; 103
N.R. 1; Rothfield c. Manolakos, [1989] 2 R.C.S. 1259;
(1989), 63 D.L.R. (4th) 449; [1990] 1 W.W.R. 408; 102
N.R. 249..
DISTINCTION FAITE AVEC:
Adams Estate v. Decock, [1987] 5 W.W.R. 148; 49 Man.
R. (2d) 261 (Q.B.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Home Office v Dorset Yacht. Co Ltd, [1970] 2 All ER
294 (H.L.); Anns v London Borough of Merton, [1977] 2
All ER 492 (H.L.); Kamloops (Ville de) c. Neilson et
autres, [1984] 2 R.C.S. 2; (1984), 10 D.L.R. (4th) 641;
[1984] 5 W.W.R. 1; 29 C.C.L.T. 97; Tock c. St. John's
Metropolitan Area Board, [1989] 2 R.C.S. 1181; (1989),
64 D.L.R. (4th) 620; 104 N.R. 241; R. du chef du
Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S.
205; (1983), 143 D.L.R. (3d) 9; [1983] 3 W.W.R. 97; 23
C.C.L.T. 121; 45 N.R. 425; Governors of the Peabody
Donation Fund v. Sir Lindsay Parkinson & Co. Ltd.,
[1985] A.C. 210 (H.L.); Yuen Kun-yeu v A-G of Hong
Kong, [1987] 2 All ER 705 (P.C.); Stuart c. Canada,
[1989] 2 C.F. 3; (1988), 19 F.T.R. 59;.45 C.C.L.T. 290;
61 Alta. L.R. (2d) 81; [1988] 6 W.W.R. 211 (1rc inst.);
Smith v. Leurs (1945), 70 C.L.R. 256 (H.C. Aust.).
DÉCISION CITÉE:
MacAlpine v. Hardy (T.), jugement en date du 18 novem-
bre 1988, document n° Victoria 1814/84 (C.S. C.-B.), non
publié.
AVOCATS:
Leighton Decore et Marla S. Miller pour les
demandeurs.
D. B. Logan et Barbara Ritzen pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Decore & Company, Edmonton, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT WALSH:
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Le directeur général a décidé de publier les
motifs du jugement en l'espèce sous forme abré-
gée. Les 31 premières pages des motifs ont été
omises et une note explicative concernant la
nature de l'action, les prétentions des parties et
les faits essentiels a été préparée. Les commen-
taires du juge au sujet des points de droit ne sont
pas abrégés.
L'intérêt de cette décision réside dans l'exa-
men qu'elle comporte de la distinction faite entre
le domaine «opérationnel» et le domaine politique
(«discrétionnaire») lorsqu'il s'agit de déterminer si
un organisme public a un devoir de prudence
reconnu en common law. ll importe également de
souligner les commentaires du juge de première
instance concernant la question de savoir s'il y a
lieu de tenir compte des décisions que la Cour
suprême du Canada a rendues après les plaidoi-
ries dans une cause donnée, mais avant la rédac-
tion du jugement.
Ces deux actions, qui ont été entendues sur
preuve commune, découlaient de l'écrasement
d'un avion qui a entraîné la mort de passagers.
L'accident s'est produit près de High Prairie, en
Alberta. L'avion, un Piper Chieftain, appartenait à
Wapiti Aviation Ltd. et était exploité par celle-ci.
Le pilote, Vogel, a survécu à l'accident et a
témoigné au cours du procès. Témoignant sous la
protection de la Loi sur la preuve au Canada, il a
admis qu'il était responsable de l'accident. Pour
des raisons non révélées, ni l'entreprise ni le
pilote n'ont été joints comme défendeurs dans les
présents litiges, mais les demandeurs, soit les
veuves des victimes et les personnes à charge
mineures, ont intenté des poursuites en domma-
ges-intérêts contre la Couronne.
Les demandeurs ont soutenu que le ministre
des Transports avait adopté des règles et règle-
ments sous l'autorité de la Loi sur l'aéronautique,
mais que l'aéronef en question avait été manoeu-
vré par un pilote qui n'avait pas suffisamment
d'expérience ou de formation, que le transporteur
aérien incitait ses pilotes à enfreindre les règles
adoptées sous l'autorité de la Loi et que ces
circonstances étaient connues de la Couronne et
tolérées par celle-ci. Les demandeurs ont allégué
que la responsabilité de la Couronne était enga
gée du fait que celle-ci avait omis de faire des
inspections appropriées, d'appliquer les règle-
ments sur l'aviation et de répondre de façon
appropriée aux plaintes concernant l'exploitation
de la compagnie aérienne.
La défenderesse a répliqué en alléguant que
l'accident était entièrement imputable à la négli-
gence du pilote et à la violation des règles de vol
établies par le ministre. La Couronne a fait valoir
que, si les actions des demandeurs devaient être
accueillies, tout montant qui a été obtenu à la
suite d'un jugement ou d'un règlement fait avec le
pilote ou le transporteur aérien ou obtenu en
application de la loi provinciale intitulée Worker's
Compensation Act devrait être déduit de l'indem-
nité. Les demandeurs ont admis que, si leur
action était accueillie, le tiers des dommages-
intérêts convenus constituerait une indemnité
appropriée.
Au cours du procès, on s'est opposé à la
présentation en preuve du «rapport d'un fait aéro-
nautique civil» préparé par le Bureau de la sécu-
rité aérienne. Le juge a établi une distinction entre
la situation en l'espèce et l'arrêt Adams Estate v.
Decock, [1987] 5 W.W.R. 148; 49 Man. R. (2d)
261 (B.R.), où la production d'un rapport de cette
nature n'a pas été autorisée.
La preuve a révélé que le transporteur aérien
incitait ses pilotes à voler la nuit selon les règles
de vol à vue (VFR) alors que les conditions
météorologiques exigeaient l'application des
règles de vol aux instruments (1FR). Ces dernières
nécessitaient du pilote qu'il vole à des altitudes
plus élevées et exigeaient plus de carburant. Les
pilotes qui refusaient d'enfreindre les règles de
l'aviation ou de piloter des avions qu'ils jugeaient
dangereux étaient punis: on leur refusait des vols
pendant plusieurs jours et on leur confiait des
travaux d'entretien ou on les congédiait. Un spé-
cialiste en psychologie sociale appelé à témoi-
gner comme témoin expert a dit que la pression
exercée sur les pilotes était telle que ceux-ci
étaient davantage enclins à se conformer aux
demandes déraisonnables de la direction, même
si elles mettaient en danger leur vie et celle des
voyageurs, plutôt que d'appliquer les règlements
de Transports Canada en matière de sécurité. Si
le transporteur aérien avait été poursuivi comme
défendeur en l'espèce, il aurait été jugé
responsable.
Transports Canada savait, depuis quelque
temps avant l'écrasement, que le transporteur
enfreignait souvent diverses règles sur la sécurité
aérienne. Deux mois avant l'accident, un inspec-
teur du gouvernement a rédigé une note dans
laquelle il a insisté sur la nécessité de surveiller
de près Wapiti et d'obtenir une preuve irréfutable,
étant donné que le transporteur en appellerait
sans doute à des instances politiques une fois
que les mesures d'exécution seraient entamées.
Par l'expression . «en appeler à des instances
politiques», on voulait dire que les maires et d'au-
tres instances interviennent lorsque des sanctions
sont imposées aux petits transporteurs aériens
dont leurs collectivités éloignées dépendent. La
description de poste du directeur régional, régle-
mentation aérienne, faisait état de l'importance
d'assurer la sécurité du public voyageur tout en
permettant à l'industrie régionale de l'aviation
d'exercer ses activités de façon rentable. D'après
la description des fonctions, le défi que présente
le poste est un défi «peut-être sans égal au sein
des postes officiels»: «si une application inéda-
quate des dispositions réglementaires peut entraî-
ner la perte financière d'une compagnie d'une
part ou des accidents catastrophiques d'autre
part».
Un pilote d'essai qui avait travaillé pour la Com
mission d'enquête sur la sécurité aérienne prési-
dée par le juge Dubin a témoigné en qualité de
témoin expert. Des études indiquant des lacunes
qui existaient depuis longtemps dans la supervi
sion des transporteurs aériens et des pilotes ont
été mentionnées. Dubin avait exigé l'adoption
d'une nouvelle politique afin que les lois «promul-
guées en vue d'assurer la sécurité de la naviga
tion aérienne soient appliquées plus énergique-
ment ...»
Dans la note susmentionnée qui a été rédigée
au sujet de Wapiti, on peut lire ce qui suit: «l'on ne
tient aucunement compte des règlements, des
droits des autres personnes et de la sécurité des
passagers. Si cette manière d'opérer se poursuit
encore longtemps,«il est pratiquement certain que
nous aurons à faire face à un accident mortel».
Transports Canada peut prendre quatre types
de mesures à l'égard des transporteurs aériens
qui commettent des infractions: (1) des avertisse-
ments; (2) une suspension; (3) une poursuite; (4)
une annulation. La défenderesse avait habituelle-
ment recours aux avertissements et aux menaces
de suspension. La politique était d'utiliser la per
suasion plutôt que la coercition. La position des
agents d'exécution de la loi est difficile. Bien que
la sécurité devait être prioritaire dans toutes les
décisions, si les agents étaient trop rigides, les
petites compagnies aériennes ne pourraient pas
fonctionner et devraient fermer leurs portes, ce
qui causerait beaucoup d'inconvénients aux
voyageurs.
Après l'accident qui a donné lieu au présent
litige, l'autorisation donnée à Wapiti d'effectuer
des vols IFR à un seul pilote a été révoquée et
des conditions ont été imposées pour le retrait
des restrictions imposées à l'égard des vols VFR
de nuit.
Parlons à présent de la jurisprudence invoquée.
Les demandeurs s'appuient fortement sur les déci-
sions rendues par la Chambre des lords dans l'af-
faire Home Office y Dorset Yacht Co Ltd, [1970]
2 All ER 29.4 (H.L.) et dans l'affaire Anns v
London Borough of Merton, [1977] 2 All ER 492
(H.L.), ainsi que sur le jugement rendu par la
Cour suprême du Canada dans l'affaire Kamloops
(Ville de) c. Neilson et autres, [1984] 2 R.C.S. 2,
et sur le jugement (non publié) prononcé par la
Cour suprême de la Colombie-Britannique dans
l'affaire MacAlpine v. Hardy (T.), No 1814/84 du
greffe de Victoria, jugement en date du 18 novem-
bre 1988.
Les demandeurs invoquent trois jugements
rendus par la Cour suprême du Canada après que
la plaidoirie qui a suivi la fin du procès ait été
complétée. Ces décisions sont l'arrêt Just c.
Colombie-Britannique, [1989] 2 R.C.S. 1228;
l'arrêt Rothfield c. Manolakos, [1989] 2 R.C.S.
1259; et l'arrêt Tock c. St. John's Metropolitan
Area Board, [1989], 2 R.C.S. 1181. Ces juge-
ments ont tous été prononcés le 7 décembre 1989,
alors que le procès de la présente affaire a pris fin
en novembre. Bien que la pratique de soumettre
des prétentions additionnelles après la fin des plai-
doiries ne doive normalement pas être encouragée,
je considère que la situation en l'espèce justifie
l'admission de ces prétentions additionnelles, qui
n'auraient pas pu être présentées lors du procès.
Une situation pourrait se présenter dans laquelle
une, décision de la Cour suprême non encore pro-
noncée lors du procès risquerait fort d'être déci-
sive; pourvu que le jugement scellant l'issue de
cette affaire n'ait pas encore été rédigé, l'arrêt de
la Cour suprême devrait alors être pris en considé-
ration par le juge du procès afin d'éviter qu'il ne
puisse rendre une décision qui, compte tenu du
jugement nouveau et décisif qu'il n'aurait pas pris
en considération, serait erronée. Bien que je ne dise
pas que telle soit la situation en l'espèce, je consi-
dère que l'argument additionnel de la demande-
resse devrait être admis au dossier. J'ai accepté sa
présentation, en accordant à l'avocat de la défen-
deresse la possibilité d'y répliquer par écrit, ce
qu'il a fait.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défenderesse a
discuté des arrêts Home Office v Dorset Yacht;
Anns v London Borough of Merton; et Kamloops
(Ville de) c. Neilson et autres, ainsi que de la
décision de la cour d'instance inférieure dans l'af-
faire Just, et il a fait référence à plusieurs déci-
sions faisant autorité, dont celle rendue par la
Cour suprême dans l'affaire R. du chef du Canada
c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S.
205; Governors of the Peabody Donation Fund v.
Sir Lindsay Parkinson & Co. Ltd., [1985] A.C.
210 (H.L.); et l'arrêt Yuen Kun-yeu v A-G of
Hong Kong, [1987] 2 All ER 705 (P.C.).
Résumons brièvement certaines des conclusions
de l'arrêt Home Office v Dorset Yacht Co. Cette
affaire concernait dix détenus placés sous la garde
et sous le contrôle de fonctionnaires du gouverne-
ment et travaillant sur une île située dans le port.
Au cours de la nuit, ils étaient laissés à eux-
mêmes, sans surveillance adéquate. Sept d'entre
eux sont montés à bord d'un yacht mouillant près
de l'île et l'ont mis en mouvement, pour entrer en
collision avec un autre yacht. Les dommages ainsi
causés ont été considérables. Le propriétaire du
yacht a poursuivi le Home Office en soutenant
qu'il avait envers les propriétaires du navire une
obligation de prudence. La Chambre des lords a
conclu que les dommages causés étaient prévisi-
bles. Il était probable qu'ils se produisent si le
contrôle et la supervision devant être exercés à
l'égard des prisonniers n'étaient pas maintenus.
Il a été fait référence à cet arrêt dans l'arrêt de
principe Anns y London Borough of Merton, qui
concernait la Public Health Act, une loi imposant
aux autorités locales l'obligation de protéger la
santé du public, notamment au moyen de règle-
ments sur la surveillance de la construction des
édifices, et, en particulier, des fondations de
ceux-ci. Le conseil avait adopté un tel règlement et
il approuvait les plans; il était habilité à inspecter
les travaux de l'entrepreneur, mais il n'était pas
obligé de le faire. La Chambre des lords a conclu
que, en omettant d'effectuer une inspection, le
conseil avait exercé fautivement son pouvoir dis-
crétionnaire ou avait manqué d'agir avec la dili
gence raisonnable qui était requise pour assurer
que le règlement était observé comme il devait
l'être. A la page 501, lord Wilberforce a dit:
[TRADUCTION] ... les autorités locales sont des organismes
publics qui agissent sous le régime d'une loi et sont clairement
chargés de la protection de la santé publique de leur région.
Elles doivent prendre leurs décisions discrétionnaires de façon
responsable, en se fondant sur des motifs qui s'accordent avec
l'objet de la loi.
Discutant de la nécessité d'une diligence raisonna-
ble dans l'exécution des inspections, il déclare [à la
page 501]:
[TRADUCTION] ... bien que fortement opérationnelle, cette
obligation continue d'être une obligation procédant de la Loi.
L'exercice d'un tel pouvoir peut comporter un élément discré-
tionnaire, qui concernerait le moment, les modalités ainsi que
les techniques de l'inspection. Pour pouvoir se fonder sur le
devoir de prudence prévu par la common law, le demandeur qui
prétend être victime de négligence doit s'acquitter du fardeau
d'établir que l'acte qui a été posé excédait les limites de
l'exercice de bonne foi d'un pouvoir discrétionnaire. S'il est en
mesure de le faire, il devrait, en principe, être capable d'inten-
ter une poursuite.
Dans l'arrêt Ville de Kamloops, de la Cour
suprême, il était aussi question du défaut d'inspec-
teurs des bâtiments d'appliquer correctement un
règlement de construction. Le défaut d'agir de la
ville ne devrait pas être considéré comme une
décision de politique prise dans l'exercice de bonne
foi d'un pouvoir discrétionnaire. Aux pages 12 et
13 du recueil rapportant son jugement madame le
juge Wilson déclare:
Il me semble qu'en appliquant le principe énoncé dans l'arrêt
Anns, on peut affirmer à juste titre que la ville de Kamloops
avait, en vertu de la loi, le pouvoir de réglementer la construc
tion par voie de règlement municipal. Elle n'était pas tenue de
le faire; elle avait le pouvoir discrétionnaire de le faire. En
d'autres termes, il s'agissait d'une décision «de politique». Elle a
non seulement pris la décision de politique de réglementer la
construction par voie de règlement, mais elle a aussi imposé à
l'inspecteur municipal des bâtiments le devoir d'appliquer les
dispositions de ce règlement. Cela correspondrait à l'obligation
«d'exécution» [ou obligation «opérationnelle»] dont parle lord
Wilberforce. La ville n'est-elle pas alors dans la situation où
elle doit, en s'acquittant de son obligation d'exécution [ou
obligation «opérationnelle»], veiller à ne pas causer de domma-
ges à des personnes comme le demandeur dont les relations
avec elle sont suffisamment étroites pour qu'elle ait dû raison-
nablement prévoir qu'il pouvait devenir une victime?
Bien que l'entrepreneur fût le principal respon-
sable de la mauvaise construction, la ville de Kam-
loops s'est vu imputer une responsabilité de vingt-
cinq pour-cent.
Dans les observations qu'elle présente à l'égard
de ces décisions, la défenderesse fait référence à la
déclaration suivante de lord Morris dans l'arrêt
Home Office y Dorset Yacht Co Ltd, à la
page 307:
[TRADUCTION] Les événements que l'on dit être survenus
étaient raisonnablement prévisibles. La possibilité que les biens
des intimés puissent être endommagés n'était pas une possibilité
éloignée. Une obligation a pris naissance. Son exécution était
due aux intimés.
La défenderesse soutient que l'écrasement en
l'espèce n'était pas raisonnablement prévisible,
mais je ne partage pas son appréciation des faits.
En fait, un de ses propres employés, l'inspecteur
Griffiths, a affirmé qu'un accident pourrait surve-
nir si l'on n'insistait pas sur un resserrement des
inspections et de l'application des règlements.
Plus haut à la page 307, lord Morris cite le
passage suivant des motifs prononcés par le juge
Dixon dans l'arrêt Smith v. Leurs (1945), 70
C.L.R. 256, aux pages 261 et 262:
[TRADUCTION] Mais la responsabilité du fait d'autrui n'est
pas le seul cas dans lequel une personne peut être tenue
responsable envers une autre personne du préjudice que lui a
causé un tiers. Une personne peut être tenue responsable de
l'acte posé par un tiers lorsque cet acte n'aurait pas pu être posé
sans que n'intervienne sa propre faute ou son propre manque-
ment à un devoir. Cette conséquence n'est pas attachée de
façon exclusive à l'inexécution d'un devoir particulier. Par
exemple, le devoir en question peut être un devoir de prudence
visant des réalités comportant un danger précis. Il peut même
s'agir d'un devoir de prudence attaché au contrôle des actions
ou du comportement de tiers. Il est toutefois exceptionnel que
la loi impose à une personne le devoir de contrôler les actions
d'une autre personne pour empêcher que celle-ci ne cause un
préjudice à des étrangers. La règle générale veut que l'on ne
soit pas tenu de contrôler une autre personne pour empêcher
qu'elle ne cause un préjudice aux autres. il existe toutefois des
relations particulières créant un devoir de cette nature. [Je
souligne.]
Dans l'arrêt Anns, à la page 500 (au paragraphe
f), lord Wilberforce a déclaré:
[TRADUCTION] ... l'autorité locale est un organisme public,
qui remplit des fonctions conférées par une loi: ses pouvoirs et
ses obligations se définissent en fonction du droit public et non
du droit privé. Le problème que crée ce genre d'action réside
dans la définition des circonstances dans lesquelles la loi devrait
imposer, en sus de ces pouvoirs et obligations de droit public, ou
peut-être conjointement à ceux-ci, une obligation de droit privé
envers les particuliers qui leur permettrait d'engager une action
en dommages-intérêts devant un tribunal civil. Tel est le con-
texte dans lequel la distinction que l'on voudrait établir entre
des devoirs et des simples pouvoirs doit être examinée.
La plupart, en fait, probablement la totalité, des lois ayant
trait aux autorités publiques ou aux organismes publics font
une large part aux décisions de politique. Les tribunaux quali-
fient un tel pouvoir de «discrétionnaire», ce qui veut dire que les
décisions en question relèvent de l'autorité ou de l'organisme
concerné et non des tribunaux. De nombreuses lois, également,
prescrivent ou, à tout le moins, présupposent l'exécution prati-
que de décisions de politique: cette situation peut être décrite en
disant que, en plus des domaines des décisions politiques ou
discrétionnaires, il existe un domaine opérationnel. Même si
cette distinction entre le domaine des décisions politiques et le
domaine opérationnel est commode, et même éclairante, elle
constitue probablement une distinction de degré: une grande
partie des pouvoirs ou des devoirs opérationnels comportent un
certain pouvoir discrétionnaire. L'on peut dire sans se tromper
que, plus un pouvoir ou un devoir a un caractère opérationnel,
plus il sera facile de lui attacher le devoir de prudence de la
common law.
Aux pages 24 et 25 du recueil de la Cour
suprême rapportant l'arrêt Kamloops, madame le
juge Wilson déclare:
Étant donné qu'il s'agit en l'espèce d'une obligation imposée
par une loi et que le demandeur est manifestement une per-
sonne dont la ville pouvait prévoir qu'il pourrait subir des
dommages à cause du manquement à cette obligation, je crois
que le principe énoncé dans l'arrêt Anns s'applique en l'espèce.
Je ne crois pas que l'appelante puisse tirer avantage de la
distinction entre l'inaction et la mauvaise exécution lorsqu'il y a
une obligation d'agir ou, tout au moins, de prendre une décision
réfléchie de ne rien faire pour des motifs de politique. À mon
sens, la passivité non motivée ou mal motivée ne peut être une
décision de politique prise dans l'exercice de bonne foi d'un
pouvoir discrétionnaire. Lorsque les autorités publiques n'ont
même pas examiné la question de savoir si les mesures nécessai-
res devaient être prises ou du moins, si elles ne l'ont pas fait de
bonne foi, il semble évident que, pour cette raison précise, elles
n'ont pas fait preuve de diligence raisonnable. Je conclus donc
que les conditions pour que la ville soit responsable envers le
demandeur sont remplies. -
Dans la présente affaire, il est vrai que des
mesures contre Wapiti ont été considérées et que
certaines dispositions dans ce sens ont été prises au
cours de l'année ayant précédé l'accident; cepen-
dant, les employés de la défenderesse n'ont pas
posé de geste décisif, mais se sont satisfaits des
promesses de Wapiti qu'elle ferait mieux à l'ave-
nir. Se fondant sur des motifs de politique, ils ont
consciemment décidé de ne pas agir. Chaque pas-
sager d'une ligne aérienne doit être considéré par
le ministère des Transports comme une personne
risquant de subir un préjudice s'il y avait quelque
manquement au devoir du ministère d'appliquer
les règlements.
En ce qui concerne les trois jugements pronon-
cés par la Cour suprême une fois les plaidoiries de
la présente affaire complétées, c'est-à-dire les
arrêts Just c. Colombie-Britannique; Rothfield c.
Manolakos; et Tock c. St. John's Metropolitan
Area Board (qui ont tous été mentionnés plus
haut), ils semblent indiquer l'existence d'une ten-
dance à l'accroissement de la responsabilité des
personnes chargées de l'application des règlements.
Dans l'arrêt Just, à la page 1239 M. le juge Cory
tient les propos suivants:
Les organismes gouvernementaux ont souvent représenté, et
représentent encore aujourd'hui, le meilleur moyen, à vrai dire
le seul moyen, de protéger le public dans les multiples situations
difficiles auxquelles il est confronté. Il peut s'agir de la distribu
tion ou de la fabrication de produits alimentaires ou pharma-
ceutiques, de production d'énergie, de protection de l'environne-
ment, de transport et de tourisme, de prévention des incendies
ou de construction. En raison de la complexité croissante de la
vie, les organismes gouvernementaux interviennent dans pres-
que tous les aspects du quotidien. Cette présence gouvernemen-
tale accrue a donné naissance à des incidents qui auraient
entraîné une responsabilité civile délictuelle s'ils étaient surve-
nus entre particuliers. L'immunité gouvernementale initiale en
matière de responsabilité délictuelle était devenue intolérable.
C'est pourquoi des lois ont été adoptées pour imposer de façon
générale à la Couronne la responsabilité de ses actes comme si
elle était une personne. Cependant, la Couronne n'est pas une
personne et elle doit pouvoir être libre de gouverner et de
prendre de véritables décisions de politique sans encourir pour
autant une responsabilité civile délictuelle. On ne saurait, par
contre, restaurer l'immunité complète de la Couronne en quali-
fiant de «politique» chacune de ses décisions. D'où le dilemme
qui a donné lieu à l'incessante bataille judiciaire autour de la
différence entre «décision de politique» et «décision opération-
nelle». La distinction sera particulièrement difficile à faire dans
les cas où on peut s'attendre à des inspections gouvernementa-
les.
Aux pages 1241 et 1242, il cite avec approbation
un arrêt australien [Sutherland Shire Council v.
Heyman (1985), 60 A.L.R. 1 (H.C.)] qui, traitant
de l'arrêt Anns et de décisions américaines, dit ce
qui suit:
ITRADUCTIONj 11 n'est pas facile de faire la distinction entre
les facteurs politiques et opérationnels, mais on pourra tracer la
ligne de démarcation si l'on admet qu'une autorité publique
n'assume aucune obligation de diligence à l'égard de décisions
comportant des facteurs et des contraintes d'ordre financier,
économiques, social ou politique, ou qui sont dictées par ces
derniers. Ainsi, les allocations budgétaires et les contraintes qui
en découlent en termes de répartition des ressources ne sau-
raient donner lieu à une obligation de diligence. Mais il peut en
être autrement lorsque les tribunaux sont appelés à appliquer
une norme de diligence à un acte ou à une omission qui est
simplement le produit d'une directive administrative, de l'opi-
nion d'un expert ou d'un professionnel, ou encore de normes
techniques ou de la norme générale de ce qui est raisonnable.
[Le soulignement est celui du juge Cory.]
Le juge Cory poursuit en disant [aux pages 1242
et 1243]:
Une autorité publique est assujetie à l'obligation de diligence
à moins d'un motif valable de l'en exempter. Un motif valable
d'exemption est le cas d'une véritable décision de politique prise
par un organisme gouvernemental. Or ce qui constitue une
décision de politique peut varier à l'infini et être prise à divers
échelons, bien que ce soit normalement à un haut niveau.
Il ressort des arrêts Anns v. Merton London Borough Council
et Ville de Kamloops c. Nielsen, précités, qu'un organisme
gouvernemental prenant une décision en matière d'inspection
doit agir de 'façon raisonnable dans l'exercice réel de son
pouvoir discrétionnaire. Pour ce faire, il doit spécifiquement
considérer l'opportunité des inspections et le système qu'il
établit, le cas échéant, doit être raisonnable eu égard à toutes
les circonstances.
Supposons par exemple qu'à un haut niveau, on a pris une
décision de politique au sujet de l'inspection des phares. Si par
ailleurs une autre décision de politique était prise de répondre
aux besoins de la sécurité aérienne en construisant des installa
tions aéroportuaires additionnelles et qu'en conséquence il n'y
aurait pas de fonds disponibles pour l'inspection des phares,
cette dernière décision de politique constituerait alors l'exercice
réel d'un pouvoir discrétionnaire et serait, à ce titre, inattaqua-
ble. Si un phare s'éteignait par suite d'un défaut d'inspection et
qu'un naufrage survenait, aucune responsabilité ne pourrait
être imputée à l'organisme gouvernemental. Le résultat serait le
même dans le cas où l'inspection des phares n'aurait pu se faire
que tous les deux ans par suite d'une décision de politique
d'augmenter les fonds alloués à la formation continue de la
main-d'oeuvre et réduire les fonds consacrés à l'inspection des
phares. Encore un fois, il s'agirait de l'exercice réel d'un
pouvoir discrétionnaire. Ainsi, il est possible que la décision de
ne pas faire d'inspections ou de réduire leur fréquence soit une
décision de politique inattaquable, pourvu qu'elle constitue
l'exercice raisonnable d'un pouvoir discrétionnaire réel, fondé
par exemple sur la disponibilité des fonds.
Par contre, si la décision est prise d'inspecter les phares, le
système d'inspection mis en place doit être raisonnable et les
inspections doivent être effectuées convenablement:
À la page 1244 il déclare:
En règle générale, l'obligation traditionnelle de diligence issue
du droit de la responsabilité délictuelle s'appliquera à un orga-
nisme gouvernemental de la même façon qu'à un particulier.
Pour déterminer si une telle obligation existe, il faut d'abord se
demander s'il y a entre les parties une proximité suffisante pour
en justifier l'imposition.
Appliquons les principes qui précèdent à la pré-
sente affaire. Transports Canada effectuait des
inspections chez Wapiti comme l'y obligeaient
effectivement la Loi sur l'aéronautique et ses
règlements d'application. Il avait autorisé des pri-
vilèges IFR [règles de vol aux instruments] pour
cette ligne aérienne, et, subséquemment, il avait
accordé le droit d'effectuer des vols IFR monopilo-
tes. Il avait, sinon de façon expresse, du moins de
manière implicite, accepté la nomination de Del-
bert Wells comme directeur des opérations de la
compagnie, un poste que, au moment de l'accident,
celui-ci avait occupé pendant de nombreuses
années sans que les qualifications qu'il possédait à
cet égard aient jamais été vérifiées. Il avait permis
à Dale Wells d'occuper simultanément différents
postes importants, une situation qui, si elle n'était
pas véritablement prohibée par les règlements,
imposait à ce dernier des responsabilités dépassant
celles dont, vraisemblablement, une seule personne
pourrait s'acquitter adéquatement. La défende-
resse prétend que la Loi sur l'aéronautique n'im-
pose pas à la Couronne le même genre d'obligation
que celle faite par la Highways Act à la province
de la Colombie-Britannique dans l'arrêt Just, où la
demande présentée faisait suite à la chute d'un
grand bloc de pierre sur une route et concernait le
préjudice qui en était résulté, et où il était allégué
que la Loi obligeait la province à inspecter suffi-
samment les talus bordant la route et à adopter les
mesures nécessaires pour réduire le plus possible le
danger qu'ils représentaient. La décision de la
Cour suprême n'a pas été la tenue d'une audition
au fond après le procès; elle a ordonné qu'un
nouveau procès soit instruit pour déterminer si
l'intimée avait exercé le degré de diligence raison-
nablement requis en ce qui concernait la fréquence
des inspections des talus rocheux et la manière d'y
procéder et en ce qui concernait les opérations de
coupe et de scellage effectuées sur ceux-ci. Ces
questions n'avaient pas été examinées lors de l'au-
dience initiale et, en conséquence, aucune conclu
sion de fait n'avait été tirée en ce qui concernait
des questions relatives au degré de diligence. Le
jugement de la Cour suprême a conclu que la
question en jeu était une question opérationnelle
plutôt qu'une question de politique comme l'avait
décidé le juge de première instance, et elle a statué
que, en conséquence, l'intimée n'était pas à l'abri
des poursuites.
Je ne crois toutefois pas que l'on puisse établir
entre les deux lois la distinction à laquelle prétend
la défenderesse. S'ils n'imposent pas expressément
un devoir de diligence à l'égard du public en
général, la Loi sur l'aéronautique et ses règle-
ments d'application le font à tout le moins implici-
tement, et telle est leur raison d'être. Les voya-
geurs utilisant l'avion ne peuvent compter que sur
le ministère des Transports pour les protéger
contre les compagnies aériennes avares ou irres-
ponsables, contre les pilotes ayant reçu une forma
tion inadéquate ou contre les aéronefs défectueux;
c'est à ce ministère qu'ils doivent se fier pour
l'exécution de la loi et des règlements dans l'intérêt
de la sécurité publique. La politique affichée par
ce ministère est, comme il se doit, l'application de
ces règlements; cependant, lorsque l'étendue et les
modalités de cette application ne suffisent pas à
assurer la protection nécessaire ou sont inadéquats
à cet égard, celle-ci cesse d'être uniquement une
question de politique, pour devenir une question
opérationnelle, qui ne doit pas donner lieu à des
mesures inadéquates ou empreintes de négligence.
Bien que l'existence de l'obligation contractuelle
de prudence envers le public dont fait état la
demanderesse puisse être mise en doute, l'absence
d'une telle obligation ne suffit pas en soi à mettre
la défenderesse à l'abri de toute responsabilité
délictuelle.
L'arrêt Rothfield c. Manolakos est une autre
décision visant un règlement municipal qui a
donné lieu à une conclusion de la Cour que les
propriétaires d'un immeuble avaient le droit de se
fonder sur son inspection par la municipalité lors-
qu'il s'agissait de savoir si les fondations de celui-ci
étaient conformes aux normes établies dans le
règlement municipal sur la construction. Effec-
tuant une inspection tardive, l'inspecteur de la ville
a constaté l'existence d'une fissure, mais il a décidé
d'attendre les développements de ce problème au
lieu d'ordonner l'arrêt immédiat des travaux et
l'adoption de mesures correctives.
L'avocat de la défenderesse affirme que les ins
pections effectuées par Transports Canada n'ont
pas révélé de tels dangers. Je ne puis être d'accord
avec une telle assertion. Entre autres, le danger de
permettre à Wapiti de continuer d'effectuer des
vols IFR à un seul pilote malgré les infractions
qu'elle avait déjà commises était évident, et la
défenderesse avait tout le temps voulu pour remé-
dier à cette situation en retirant son autorisation.
La défenderesse a notamment fait référence à la
décision prononcée par le Conseil Privé dans l'af-
faire Yuen Kun-yeu y A-G of Hong Kong, [1987]
2 All ER 705 (P.C.), dans laquelle le demandeur
avait perdu de l'argent investi dans une compagnie
prenant les dépôts; selon le demandeur, la défende-
resse aurait dû savoir que les activités de la compa-
gnie n'étaient pas menées correctement. L'action a
toutefois été rejetée. La question s'est posée de
savoir si, dans l'exercice de ses pouvoirs de supervi
sion, le commissaire devait prendre des mesures
raisonnables pour s'assurer que les déposants ne
subissent aucune perte parce que les activités de la
compagnie auraient été menées de façon fraudu-
leuse ou dans un but de spéculation. À la page 713,
le jugement de lord Keith déclare:
[TRADUCTION] Mais le pouvoir discrétionnaire qu'a le commis-
saire d'inscrire de telles compagnies au registre ou de les radier,
mesures qui ont effectivement pour conséquence de leur confé-
rer le droit de faire affaire ou de leur retirer un tel droit,
constituait également un élément important de la protection
accordée. De façon certaine, le commissaire pouvait raisonna-
blement prévoir que, dans l'hypothèse où une compagnie qui
n'est pas digne de confiance serait inscrite au registre ou y
serait tolérée, les personnes qui pourraient déposer de l'argent
auprès d'elle risqueraient de le perdre. La simple prévisibilité
d'un préjudice ne crée cependant pas une obligation, et l'on ne
saurait considérer que l'intérêt des éventuels déposants est le
seul dont le commissaire doive tenir compte. Lorsqu'il est
question de la radiation d'une inscription du registre, l'effet
immédiat, et probablement désastreux, d'une telle mesure sur
les dépôts déjà effectués constitue un facteur très pertinent. Le
choix peut être très délicat entre, d'une part, la radiation
immédiate de la compagnie du registre et, d'autre part, le fait
de permettre à celle-ci de poursuivre ses activités dans l'espoir
que, une fois certaines mesures appropriées adoptées par la
direction, sa situation financière s'améliorera. L'on ne doit pas
oublier que le pouvoir de refuser, de révoquer ou de suspendre
l'enregistrement possède un caractère quasi judiciaire. Le droit
d'interjeter appel d'une telle décision devant le gouverneur en
conseil qui se trouve conféré aux compagnies par l'article 34 de
l'Ordonnance, de même que le droit d'être entendu par le
commissaire qui est prévu par l'article 47, tendent à établir un
tel caractère. Le commissaire n'était aucunement habilité à
contrôler l'administration courante de quelque compagnie que
ce soit, et l'accomplissement d'une telle tâche exigerait la
mobilisation de ressources extrêmement considérables. Son
pouvoir se limitait à fermer les portes de la compagnie ou à lui
permettre de poursuivre ses activités ... Dans de telles circons-
tances, leurs seigneuries sont incapables de discerner chez le
législateur une intention que le commissaire soit lié par un
devoir statutaire envers les déposants éventuels lorsqu'il se
demande si une compagnie doit être inscrite ou radiée. Il serait
étrange qu'un devoir de prudence procédant de la common law
soit superposé à un tel système statutaire.
Les demandeurs distinguent ce jugement de la
présente affaire en faisant valoir la sécurité
aérienne commande certainement un degré de dili
gence plus élevé que la sécurité en matière com-
merciale en ce qui concerne l'application des règle-
ments, et en faisant valoir que la sécurité aérienne
n'implique pas le même genre d'immixtion dans la
direction de la compagnie que le ferait la supervi
sion des affaires d'une banque.
La défenderesse souligne que, suivant les dispo
sitions de la Loi sur la responsabilité de l'Etat
[L.R.C. (1985), chap. C-50], le déclenchement de
la responsabilité délictuelle de la Couronne néces-
site qu'il y ait, de la part d'un préposé de la
Couronne, un acte ou une omission à caractère
délictuel qui engagerait la responsabilité de cette
personne. Même si cette proposition est vraie, les
interprétations récentes de la Loi n'indiquent pas
que la responsabilité doive être imputée à un ou à
des préposés particuliers de la Couronne; selon
celles-ci, cette responsabilité peut être partagée
par l'ensemble des préposés d'un seul ou même de
plusieurs ministères, et la responsabilité de la Cou-
ronne peut être engagée à la condition que la
somme des éléments en jeu constitue une négli-
gence propre à faire l'objet de poursuites. En
d'autres termes, la responsabilité de la Couronne
en vertu de la Loi sur la responsabilité de l'État
s'apparente beaucoup à celle d'une compagnie
pour les actions ou les omissions dont un seul ou
plusieurs de ses employés se seraient rendus res-
ponsables dans l'exécution de leurs fonctions.
Un exemple de cette interprétation nous est
fourni dans l'arrêt Stuart c. Canada, [1989] 2
C.F. 3 (1 r° inst.) où, à la page 17, Madame le juge
Reed, de la présente Cour, a fait l'observation
suivante au sujet de l'article 3 de la Loi sur la
responsabilité de la Couronne:
Le sens normal du libellé de la loi porterait le lecteur à conclure
que le Parlement avait, en adoptant cet article, l'intention
d'assujettir la Couronne fédérale au même droit des délits que
s'il s'agissait d'un particulier.
Dans les circonstances de notre époque, considé-
rant la complexité qui caractérise l'organisation
interne des différents ministères gouvernementaux,
parmi lesquels celui des Transports, qui est chargé
de l'application de certains règlements, l'on tour-
nerait la Loi sur la responsabilité de l'État en
dérision en décidant que la responsabilité délic-
tuelle de la Couronne pourra seulement être enga
gée si une faute est commise par un employé
particulier qui soit lui-même susceptible d'être
poursuivi. Dans la présente espèce, par exemple,
six gestionnaires relèvent du directeur régional de
la réglementation aérienne, soit le surintendant
régional de l'application des règlements, l'agent
médical aéronautique, l'agent régional de la sécu-
rité aérienne, le surintendant régional de la naviga-
bilité, le surintendant régional des opérations des
transporteurs aériens et le surintendant régional de
la délivrance des licences. Ce directeur, pour sa
part, relève de l'administrateur régional, sous la
responsabilité duquel sont placés le poste de direc-
teur régional de la navigation aérienne ainsi que
sept autres postes. Différents titulaires de ces
postes ont été entendus comme témoins, dont
Richard Lidstone, inspecteur de l'aviation civile, le
gestionnaire des opérations des transporteurs
aériens pour la région de l'Ouest de l'époque,
George Kile, qui était inspecteur de la navigabilité
de Transports Canada en 1984, Donald Davidson,
le directeur régional de la navigabilité pour la
région de l'Ouest. Certaines décisions ressortissent
à des niveaux encore plus élevés. Il n'est pas
étonnant que l'on mette un temps considérable à
prendre des mesures face à des infractions graves
aux règlements.
La défenderesse soutient que les demandeurs ne
peuvent avoir gain de cause à moins d'établir que
le préjudice subi résulte des agissements de la
défenderesse et que ces agissements constituent
une cause immédiate, et non trop éloignée, du
préjudice. Les demandeurs doivent donc établir
que Transports Canada a été négligent en ne pre-
nant pas les mesures voulues avant l'accident.
L'événement qui est survenu n'était toutefois ni
trop éloigné, ni imprévisible. La note très convain-
cante en date du 4 mai 1984 de l'inspecteur Lids-
tone a eu pour seule conséquence une indication
selon laquelle il avait discuté des problèmes évo-
qués avec Dale Wells, qui avait promis une amélio-
ration des communications ainsi que des directives
données aux pilotes. Sur la lettre est inscrite une
note portant que la surveillance sera maintenue à
un niveau élevé. Le 17 août 1984, après avoir reçu
la visite de différents pilotes, qui lui avaient indi-
qué que les problèmes constatés se poursuivaient,
l'inspecteur des transporteurs aériens Griffiths
s'est contenté, lui aussi, de recommander qu'une
surveillance serrée soit exercée; celle-ci permettrait
de recueillir des éléments de preuve exécutoires,
dans un contexte où il était prévisible que le
transporteur ait recours à des instances [TRADUC-
TION] «politiques» et où, en conséquence, une
preuve irréfutable était nécessaire. Il est suggéré
qu'une surveillance des opérations IFR à un seul
pilote soit exercée aux aérogares de Grand Prairie
et d'Edmonton [TRADUCTION] «spécialement en
novembre», un mois au cours duquel il arrive régu-
lièrement que les plafonds d'Edmonton soient bas.
L'on a eu tout, le temps voulu pur prendre des
mesures plus énergiques en mai, et, à nouveau, au
mois d'août, avant l'accident, qui a eu lieu en
octobre.
De plus, à l'examen de la question de la causa-
lité, il ressort que, même si la cause directe de
l'accident était l'erreur du pilote, il n'est pas abso-
lument exact de dire que l'avion se trouvait en
parfait état de fonctionnement et que sa condition
n'a aucunement contribué à l'accident. Pour les
vols IFR à un seul pilote, il est nécessaire que l'on
dispose de deux radiogoniomètres, ce qui permet
une intersection de faisceaux qui contribue à la
vérification de la position de l'aéronef. Dans la
présente affaire, ou l'aéronef n'était muni que d'un
seul radiogoniomètre, ou il en avait deux dont un
seul fonctionnait. Bien que le givre n'ait pas contri-
bué à l'accident, le dégivreur d'une des ailes ne
fonctionnait pas. En raison des plaintes formulées
par différents pilotes, lors de l'accident, la défen-
deresse était au courant depuis un bon moment des
pressions exercées sur les pilotes pour les forcer à
entreprendre des vols avec un équipement défec-
tueux en contravention des règlements. Cette pres-
sion, et la manière dont elle affectait Vogel, peu-
vent être considérées comme ayant contribué à
l'accident et comme ayant un lien causal avec
celui-ci.
En conséquence, sur le fondement des faits en
l'espèce, et sur celui des interprétations les plus
récentes de la loi, je conclus que la défenderesse
doit être tenue partiellement responsable de l'acci-
dent. Au cours des plaidoiries, l'avocat des deman-
deurs a reconnu qu'il se satisferait d'une imputa
tion d'un tiers de la responsabilité à la
défenderesse: le pilote Vogel et la compagnie
aérienne Wapiti, bien que non parties à la présente
instance, supporteraient chacun un tiers de la res-
ponsabilité. Subséquemment, sur le fondement de
l'arrêt Rothfield c. Manolakos, qui a imputé
soixante-dix pour cent de la responsabilité visée
dans cette affaire à la corporation municipale de
Vernon pour la négligence dont elle avait fait
montre dans son inspection des fondations d'un
certain édifice, une inspection qu'elle était tenue
d'effectuer, l'avocat des demandeurs a prétendu
qu'il était possible qu'un degré supérieur de res-
ponsabilité puisse être imputé à Transports
Canada en l'espèce. Je ne suis pas d'accord avec
cette assertion. Transports Canada a une tâche
très difficile: il doit appliquer strictement les règle-
ments dans l'intérêt de la sécurité publique, sans
pour autant nuire indûment à l'aviation commer-
ciale, dont les activités se trouvent souvent exer-
cées dans des conditions difficiles. Un équilibre
délicat doit être maintenu, mais, lorsqu'il y a
quelque doute, celui-ci doit être tranché à la faveur
de la sécurité publique, ainsi que l'enquête Dubin
l'a clairement indiqué. Bien que certaines de ses
recommandations aient clairement été mises en
oeuvre, et aient donné lieu à un certain resserre-
ment et à une certaine modification des règle-
ments, l'attitude générale d'atermoiement qui était
évidente au ministère, de même que l'utilisation de
la persuasion plutôt que de mesures draconiennes
d'exécution des règlements, persistent. Manifeste-
ment, une fois une série de violations des règle-
ments rapportée, l'on a tendance à trop se fier aux
promesses des compagnies aériennes qu'elle feront
mieux à l'avenir. Ce fut le cas en ce qui a concerné
Wapiti dans la présente affaire. Je ne crois toute-
fois pas que des considérations punitives doivent
entrer en ligne de compte dans l'appréciation du
degré de la responsabilité de la défenderesse, et je
considère que, à la lumière des faits de la présente
espèce, l'imputation du tiers de la responsabilité à
cette partie est justifiée. Un jugement adjugeant
une somme de 243 333,33 $ et leurs dépens aux
demandeurs Sally Margaret Swanson et autres, et
adjugeant une somme de 200 000 $ et leurs dépens
à Virginia Peever et autres, sera donc prononcé.
Comme l'interrogatoire préalable et la commu
nication de documents, les documents produits et
le procès ont donné lieu à une seule et même
preuve pour les deux actions intentées, une seule
série d'honoraires d'avocats seront adjugés; ils
seront divisés entre les deux actions, sous réserve
des débours effectués séparément qui seront attri-
buables à chacune de celles-ci.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.