A-338-89
Procureur général du Canada (requérant)
c.
David W. Paton (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) C. PATON
(CA.)
Cour d'appel, juge en chef Iacobucci, juges Maho-
ney et Marceau, J.C.A.—Ottawa, 22 novembre
1989 et 16 janvier 1990.
Fonction publique — Relations du travail — Demande
fondée sur l'art. 28 en vue de la révision d'une décision par
laquelle la CRTFP a statué que l'intimé avait droit à la
rémunération versée pour les heures supplémentaires pour tout
le temps passé (6 jours) à bord d'un navire pendant qu'il était
en affectation spéciale à titre de technologue en chimie pour le
ministère des Pêches et Océans — Interprétation des disposi
tions d'une convention cadre relatives à la rémunération des
heures supplémentaires — La Commission a statué que les
faits ne se distinguaient pas de ceux de deux décisions rendues
par la C.A.F. dans lesquelles on a jugé que les employés
avaient droit à leurs salaires pour tout le temps passé en mer
— En raison des restrictions importantes apportées à la liberté
et aux déplacements de l'intimé, la Commission a conclu qu'il
était «au travail» pendant tout le temps qu'il a passé sur le
navire et qu'il avait le droit de réclamer une indemnité de
surtemps pour pratiquement tout le temps passé en mer con-
formément à la convention particulière du groupe — La
demande fondée sur l'art. 28 est accueillie parce que la
Commission a mal interprété la convention cadre — La Com
mission a commis une erreur en n'appliquant pas la clause
M-28.05 selon laquelle les employés seront payés seulement
pour les «heures effectivement travaillées» lorsque le moyen de
transport utilisé sert de logement à l'employé durant qu'il est
en service — L'expression «heures effectivement travaillées»
décrit le travail dans le sens normal de s'adonner à des
fonctions particulières — Le «temps mobilisé» ne constitue pas
des «heures effectivement travaillées» — La convention cadre
ne visait pas à ce que l'employé soit payé à taux double tandis
qu'il profitait d'une pleine nuit de sommeil durant un certain
nombre de nuits consécutives à l'occasion d'un voyage qui
faisait partie des fonctions mentionnées dans sa description de
poste et dont il avait été avisé bien à l'avance.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
28.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Apesland c. Canada, A-669-87, juge Mahoney, J.C.A.,
jugement en date du 24-5-88, C.A.F., non publié; Duggan
et Conseil du Trésor (1985), 8 Décisions de la
CRTFP 48.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Canada c. Falconer, A-417-86, juge Heald, J.C.A., juge-
ment en date du 27-2-87, C.A.F., non publié; confirmant
(1986), 9 Décisions de la CRTFP 32 (sous l'intitulé
Falconer et O'Leary et le Conseil du Trésor); Canada c.
Falconer, A-416-86, juge Heald, J.C.A., jugement en
date du 27-2-87, C.A.F., non publié; confirmant (1986),
9 Décisions de la CRTFP 28 (sous l'intitulé O'Leary et
Humphreys et le Conseil du Trésor).
DÉCISION CITÉE:
Osmack c. Canada, A-51-89, juge en chef Iacobucci,
jugement en date du 21-9-89, C.A.F., encore inédit.
AVOCATS:
Harvey A. Newman pour le requérant.
Andrew J. Raven pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Ottawa, pour l'intimé.
Commission des relations de travail dans la
Fonction publique, Ottawa, pour son propre
compte.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF IACOBUCCI: La présente
demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour
fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7] vise à la révi-
sion et à l'annulation d'une décision en date du 5
juillet 1989 par laquelle la Commission des rela
tions de travail dans la fonction publique a statué
que l'intimé avait droit à la rémunération versée
pour les heures supplémentaires pour tout le temps
passé à bord d'un navire pendant qu'il était en
affectation spéciale même s'il n'avait pas exercé de
fonctions normales reliées au travail durant toute
cette période-là. Dans la présente demande, la
principale question est de savoir si le commissaire
a commis une erreur en statuant ainsi. Le requé-
rant a soutenu plus particulièrement que le com-
missaire n'a pas appliqué une disposition de la
convention collective applicable régissant les taux
de rémunération dans le cas d'un employé qui est
chargé d'exercer des fonctions à bord d'un véhicule
ou d'un navire de transport qui lui sert également
de logement.
FAITS
Selon la documentation, l'intimé travaillait à
l'époque concernée pour le ministère des Pêches et
Océans à titre de technologue en chimie. Les
parties étaient régies par la Convention cadre de
l'Alliance de la fonction publique du Canada et la
Convention collective du soutien technologique et
scientifique (une convention particulière de
groupe). Le lieu normal de travail de l'intimé était
l'Institut des sciences de la mer de Sydney (C.-B.),
et ses heures habituelles de travail à cet endroit
s'échelonnaient de 8 h 30 à 16 h 30 du lundi au
vendredi.
Dans la description de poste de l'intimé, il est
mentionné que celui-ci est censé effectuer:
[TRADUCTION] ... des levées à l'aide de navires et des sorties
pour déterminer les concentrations de métaux dans les milieux
marins et étudier les effets et la dégradation des produits
chimiques naturels et polluants et, à cette fin:
—participer à des croisières jusqu'à concurrence de quatre (4)
semaines par année, habituellement dans des ilôts côtiers de la
Colombie-Britannique (les affectations spéciales peuvent exiger
des croisières au large des côtes)':
Le 13 octobre 1987, l'intimé a été informé par
écrit de certaines fonctions qu'il devait exercer à
bord du CSS Tully à compter du dimanche 18
octobre 1987. Conformément à ces instructions,
l'intimé est monté à bord du CSS Tully après 22 h
le dimanche soir 18 octobre 1987 et a pris le
départ à bord du navire vers 1 h le lundi 19
octobre 1987.
Il n'y a aucune contestation quant à son taux de
rémunération pour la journée du 18 octobre 1987.
Le 19 octobre 1987, l'intimé n'a consacré qu'une
demi-heure à l'exercice de ses fonctions et n'a pas
eu d'autre travail particulier à effectuer durant le
reste de la journée. Du 20 au 23 octobre inclusive-
ment, l'intimé n'a exécuté aucun travail assigné
au-delà de son quart ordinaire de travail de 7 1 /
heures. Le 24 octobre, qui était son «premier jour
de repos», l'intimé a passé 7 1 / heures à exercer des
fonctions assignées et une autre période de neuf
heures à bord du navire durant laquelle il n'a pas
exercé de fonctions assignées. Il a quitté le navire à
16 h 30, le 24 octobre 1987 et a pris une chambre
dans un hôtel de Prince Rupert (Colombie-Britan-
nique).
' Voir le paragraphe 6 des fonctions particulières et de la
description de poste de l'intimé, Dossier, p. 118.
L'intimé a consigné les heures travaillées et les
heures de surtemps pendant qu'il était à bord du
navire. Pour la période du 19 au 23 octobre inclu-
sivement, l'intimé a réclamé la rémunération nor-
male pour un quart ordinaire de travail de 71
heures, une rémunération au taux majoré de
moitié pour un autre quart de travail de 7' heures
et une rémunération à taux double pour les autres
8' heures de la journée. En d'autres mots, il a
réclamé d'être payé pour toute la période de vingt-
quatre heures qu'il a passée à bord du navire
chaque jour (moins une demi-heure pour la pause
repas non payée). En ce qui concerne le 24 octo-
bre, soit le «premier jour de repos», il a réclamé 7 1 / 2
heures de salaire au taux majoré de moitié et 10
heures au taux double, en conformité avec le para-
graphe 22.09b) de la convention particulière du
groupe.
Il ressort du dossier que, durant tout le temps
passé en mer, l'intimé était assujetti au règlement
du navire, qui prévoyait qui pouvait fréquenter qui
à bord. Le règlement délimitait également le temps
qui pouvait être consacré aux loisirs. Il s'agissait
d'un bateau de 230 pieds destiné à la recherche et
doté d'un gymnase et d'un sauna modestes ainsi
que d'une bibliothèque. Pendant qu'il était à bord,
l'intimé a partagé une cabine avec un autre scienti-
fique. Il conviendrait de noter que, durant tout le
temps passé sur le navire, l'intimé a travaillé de
façon indépendante et n'était pas censé être «en
disponibilité» pour exécuter des tâches à demande.
Le 9 novembre 1987, l'intimé a présenté un grief
visant à réclamer une indemnité pour toutes les
heures travaillées de 0 h 00 le 19 octobre à 18 h le
24 octobre 1987, à l'exception d'une période d'une
demi-heure chaque jour, qui représentait sa pause
repas non payée. Le grief n'a pas été réglé et a été
remis à plus tard le 20 juin 1988. Le 5 juillet 1989,
le grief a été confirmé, et il a été jugé que l'intimé
avait droit à la totalité de l'indemnité de surtemps
qu'il réclamait.
LA DÉCISION DE LA COMMISSION
Après avoir constaté que les faits n'étaient pas
contestés et avoir souligné que l'intimé ne pouvait
pas quitter le navire durant la période en question
et que la gamme des activités possibles était néces-
sairement limitée même lorsqu'il n'était pas en
train d'exercer des fonctions assignées, le commis-
saire a statué que les faits en l'espèce ne se distin-
guaient pas de ceux de l'affaire Falconer' et de
l'affaire O'Leary et Humphreys' dans lesquelles
on a jugé que les employés s'estimant lésés avaient
droit à leurs salaires pour tout le temps passé en
mer. Le commissaire a alors cité, tout en l'approu-
vant, un passage de la décision Falconer qui abou-
tissait à la conclusion suivante:
[TRADUCTION] Compte tenu de l'ensemble de la preuve, j'ar-
rive à la conclusion que les employés s'estimant lésés se trou-
vaient à leur travail durant la période concernée. A la fin de la
journée de travail, les employés s'estimant lésés ne pouvaient
pas quitter le lieu de travail, rentrer chez eux et se retrouver
avec leurs amis ou les membres de leur famille. Tous les projets
qu'ils avaient échafaudés ou les engagements qu'ils avaient pris
pour leurs loisirs se trouvaient, par la force des choses, annulés.
Malgré le fait que les employés s'estimant lésés pouvaient
relaxer ou manger et dormir sur le navire, ils subissaient une
interruption importante de leur routine quotidienne à la suite
de la décision de garder le navire en mer, décision qui a été
prise vraisemblablement à l'avantage des opérations de l'em-
ployeur'. [C'est moi qui souligne.]
Je crois important de souligner que les employés
s'estimant lésés dans les affaires Falconer et
O'Leary et Humphreys se trouvaient au travail sur
un navire lorsqu'on leur avait dit à la fin de la
journée que le navire resterait toute la nuit en mer,
et la question était de savoir s'ils étaient au travail
pendant tout le temps passé en mer. Ce n'est pas
tout à fait la même question qui est en litige en
l'espèce, point sur lequel je reviendrai_ plus loin.
Quant aux faits de la présente affaire, le com-
missaire a noté que le Tully n'était ni le Queen
Mary ni le Love Boat et que les activités de loisirs
étaient limités sur le plan physique et en vertu du
règlement du navire. En raison des restrictions
importantes apportées à la liberté et aux déplace-
ments de l'intimé, la Commission a conclu qu'il
était «au travail» pendant tout le temps qu'il a
passé sur le navire et qu'il avait donc le droit de
réclamer une indemnité de surtemps pour prati-
quement tout le temps passé en mer, conformé-
2 Falconer et O'Leary et le Conseil du Trésor (1986), 9
Décisions de la CRTFP 32, confirmée sous l'intitulé Canada c.
Falconer, A-417-86, le juge Heald, J.C.A., jugement en date du
27-2-87, C.A.F., non publié.
7 O'Leary et Humphreys et le Conseil du Trésor (1986), 9
Décisions de la CRTFP 28, confirmée par la Cour d'appel
fédérale, le 27 février 1987, sous l'intitulé Canada c. Falconer,
le juge Heald, J.C.A., non publié.
4 Dossier, p. 134.
ment à la clause 22.09 de la convention particu-
lière du groupe.
Le commissaire a également statué que l'article
M-28 de la convention cadre concernant le «temps
de déplacement» ne s'appliquait pas en l'espèce et,
à cet égard, il s'est reporté aux motifs exprimés
dans la décision Duggan' ainsi que dans la décision
Apesland 6 dans laquelle notre Cour a reconnu que
la décision Duggan avait été rendue correctement'.
Le requérant soutient que le commissaire a
commis une erreur en n'appliquant pas la clause
M-28.05 de l'article M-28 de la convention cadre
afin de limiter le montant de l'indemnité due à
l'intimé. Il est allégué que cette clause prévoit le
régime de rémunération valable lorsqu'un employé
voyage par quelque moyen de transport lui servant
de logement. Comme le navire était du genre de
moyen de transport qui servait de logement à
l'intimé, la clause M-28.05 s'appliquait et, en
raison des dispositions de celle-ci, l'intimé avait
droit à la plus élevée des deux rémunérations
suivantes: sa rémunération journalière normale ou
une rémunération pour les heures effectivement
travaillées. Comme l'intimé n'a pas exécuté de
tâches équivalent à plus que son quart ordinaire de
travail de 7 1 / 2 heures chaque jour, il n'a pas droit à
plus que sa rémunération journalière normale.
Les dispositions pertinentes de l'article M-28 de
la convention cadre méritent d'être reproduites en
entier:
ARTICLE M-28 !-
TEMPS DE DÉPLACEMENT
M-28.01 Aux fins de la présente convention, le temps de
déplacement n'est rémunéré que dans les circonstances et dans
les limites prévues par le présent article.
M-28.02 Lorsque l'employé est tenu de se rendre à l'extérieur
de sa zone d'affectation en service commandé, au sens donné
par l'employeur à ces expressions, l'heure de départ et le mode
de transport sont déterminés par l'employeur, et l'employé est
rémunéré pour le temps de déplacement conformément aux
clauses M-28.03 et M-28.04. Le temps de déplacement com-
prend le temps des arrêts en cours de route, à condition que ces
arrêts ne dépassent pas trois (3) heures.
5 Duggan et le Conseil du trésor (1985), 8 Décisions de la
CRTFP 48, 3 septembre 1985, 166-2-15033.
6 Apesland c. Canada, Cour d'appel fédérale, 24 mai 1988
(n° du greffe A-669-87), le juge Mahoney, J.C.A., non publié.
Motifs du jugement de la Cour, idem, à la p. 1.
M-28.03 Aux fins des clauses M-28.02 et M-28.04, le temps de
déplacement pour lequel l'employé est rémunéré est le suivant:
Lorsqu'il utilise les transports en commun, le temps compris
entre l'heure de départ et l'heure prévue d'arrivée à destination,
y compris le temps de déplacement normal jusqu'au point de
départ, déterminé par l'employeur,
Lorsqu'il utilise des moyens de transport privés, le temps
normal, déterminé par l'employeur, nécessaire à l'employé pour
se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas,
directement à sa destination et, à son retour, directement à son
domicile ou à son lieu de travail,
Lorsque l'employé demande une autre heure de départ et/ou
un autre moyen de transport, l'employeur peut acquiescer à sa
demande, à condition que la rémunération du temps de déplace-
ment ne dépasse pas celle qu'il aurait touchée selon les instruc
tions initiales de l'employeur.
M-28.04 Lorsque l'employé est tenu de voyager ainsi qu'il est
stipulé aux clauses M-28.02 et M-28.03:
a) un jour de travail normal pendant lequel il voyage mais ne
travaille pas, il touche sa rémunération journalière
normale.
b) un jour de travail normal pendant lequel il voyage et
travaille, il touche:
(i) la rémunération normale de sa journée pour une
période mixte de déplacement et de travail ne
dépassant pas les heures de travail normales prévues
à son horaire,
et
(ii) le taux applicable des heures supplémentaires pour
tout temps de déplacement additionnel qui dépasse
les heures normales de travail et de déplacement
prévues à son horaire, le paiement maximal versé
pour ce temps de déplacement additionnel ne devant
pas dépasser huit (8) heures de rémunération au
taux des heures normales.
c) un jour de repos ou un jour férié désigné payé, il est
rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable
pour le temps de déplacement, jusqu'à concurrence de huit
(8) heures de rémunération au taux des heures normales.
M-28.05 Le présent article ne s'applique pas à l'employé qui est
tenu d'exercer ses fonctions à bord d'un moyen de transport
quelconque dans lequel il voyage et/ou qui lui sert de logement
pendant une période de service. Dans ce cas, l'employé reçoit la
plus élevée des deux rémunérations suivantes:
a) un jour de travail normal, sa rémunération journalière
normale
ou
b) une rémunération pour les heures effectivement travaillées,
conformément à l'article M-20 (Jours fériés désignés
payés) et aux dispositions concernant les heures supplé-
mentaires de la convention particulière du groupe
concerné.
M-28.06 Aux termes du présent article, la rémunération n'est
pas versée pour le temps que met l'employé à se rendre à des
cours, à des séances de formation, à des conférences et à des
séminaires, sauf s'il est tenu par l'employeur d'y assister.
EXAMEN DE LA QUESTION
Au tout début, je voudrais mentionner que notre
Cour a reconnu que le mot «travail» peut compren-
dre ce qu'on appelle le «temps mobilisé» ou temps
qui serait normalement consacré à des activités
autres que le travail, comme le sommeil, l'attente
d'un avion ou quelque chose du genre'. Je ne crois
pas nécessaire de réexaminer cette jurisprudence
ou d'ajouter des remarques sur la question de
savoir si les décisions ont été rendues correctement
parce que, pour les motifs qui suivent, je suis
d'accord avec la thèse du requérant selon laquelle
le commissaire n'a pas appliqué les dispositions de
la clause M-28.05 en l'espèce et a commis de ce
fait une erreur révisable 9 .
La clause M-28.05 me semble régir précisément
le genre de situation en cause. L'article M-28
prévoit des dispositions spéciales relativement au
paiement à un employé d'un taux inférieur au
plein taux des heures supplémentaires dans les cas
où l'employé est tenu de se rendre à un lieu de
travail, mais où il n'effectue aucun travail pendant
qu'il voyage. La clause M-28.05 est une exception
spéciale à ce régime de rémunération du «temps de
déplacement» et prévoit que les employés doivent
recevoir les taux normaux de salaire, y compris les
taux des heures supplémentaires, lorsque le travail
est exécuté en cours de déplacement ou lorsque le
moyen de transport utilisé sert de logement à
l'employé durant qu'il est en service.
Quand le commissaire déclare que l'article
M-28 de la convention cadre ne s'applique pas en
l'espèce, et qu'il se reporte à cet égard aux déci-
sions Duggan et Apesland, il semble avoir mal
compris leur portée 10 . Dans la présente affaire, le
requérant prétend non pas que l'article M-28 con-
cernant le temps de déplacement s'applique dans
son ensemble mais plutôt que c'est l'exception à
l'article M-28, à savoir la clause M-28.05, qui
s'applique. C'est exactement la décision à laquelle
on est arrivé dans Duggan et Apesland bien que les
dispositions correspondantes de la convention col
a Voir par ex. les affaires Falconer, O'Leary et Humphreys,
précitées, notes 2 et 3.
9 Voir par ex. Osmack c. Canada, Cour d'appel fédérale, le
juge en chef lacobucci, 21 septembre 1989 (n° du greffe
A-51-89) encore inédit.
10 Voir les motifs de la Commission, Dossier, p. 136.
lective applicable soient libellées de façon légère-
ment différente. Dans l'affaire Apesland, le juge
Mahoney, J.C.A., a déclaré:
L'application de l'article 28 de la convention collective est
exclue par la clause 28.06 [qui est l'équivalent de la clause
M-28.05 en l'espèce] I I.
En d'autres mots, il a conclu que la clause
M-28.06 l'emportait de préférence sur les termes
de l'article M-28 concernant le temps de déplace-
ment en général. Ici, le commissaire semble avoir
compris que l'arrêt Apesland voulait dire que l'en-
semble de l'article M-28, y compris la clause
M-28.05, n'était pas applicable. Ce n'est pas ce
que le juge Mahoney, J.C.A., a dit dans l'arrêt
Apesland ni ce que l'arbitre a dit dans la décision
Duggan, que le juge Mahoney, J.C.A., ainsi qu'il a
déjà été mentionné, a expressément reconnue
comme étant correcte.
Après avoir conclu que la clause M-28.05 de la
convention cadre s'applique, il me reste mainte-
nant à me prononcer sur sa signification. La clause
stipule que l'employé doit recevoir la plus élevée
des deux rémunérations suivantes: sa rémunération
journalière normale ou une rémunération pour les
«heures effectivement travaillées». Voici la ques
tion qui se pose alors: Quelles sont les heures
effectivement travaillées? Ces heures désignent-
elles le temps durant lequel des fonctions reliées au
travail ont effectivement été exercées ou le libellé
est-il assez large pour comprendre, comme le fait
valoir l'avocat de l'intimé, toutes les heures pen
dant lesquelles l'employé est «mobilisé» sur un
navire, y compris le temps consacré au sommeil et
aux loisirs?
L'avocat de l'intimé a soutenu que les décisions
rendues dans les affaires Falconer et O'Leary et
Humphreys sont d'une force majoritaire à cet
égard, mais j'ai des doutes au sujet de cette propo
sition. Aucune des deux affaires ne renvoyait pré-
cisément à une disposition qui se compare à la
clause M-28.05 et c'est pure spéculation de dire
qu'il existait une telle clause ou ce qu'elle conte-
nait. De plus, dans ces affaires la question était de
savoir si tout le temps passé sur un navire consti-
tuait du «travail» et non pas de savoir si le temps
passé sur le navire représentait des «heures effecti-
vement travaillées» au sens de la clause M-28.05.
Par conséquent, je ne crois pas que ces affaires
soient d'une grande aide.
" Apesland, précitée à la note 6, p. 1.
Dans les décisions Duggan et Apesland, on a
appliqué des dispositions comparables qui accor-
daient une indemnité supplémentaire pour les
«heures effectivement travaillées», mais les faits
étaient totalement différents de la présente affaire.
Dans l'affaire Duggan, un agent d'immigration
accompagnait une personne extradée de la Nou-
velle-Écosse à la frontière du Maine et du Nou-
veau-Brunswick, il a passé la nuit à St -Stephens
(Nouveau-Brunswick) et est retourné en auto à
Halifax le jour suivant. L'employeur a admis que
le voyage-aller avec la personne extradée consti-
tuait du «travail», et la seule question dont était
saisie la Commission était de savoir si le trajet du
retour constituait du travail ou du temps de dépla-
cement, dans lequel cas l'article M-28 s'applique-
rait. La Commission a statué que le trajet du
retour constituait des «heures effectivement tra-
vaillées» et non pas seulement du temps de dépla-
cement. Dans l'affaire Duggan, il était évident que
l'employé s'estimant lésé n'était pas assis à ne rien
faire pendant quelque moment que ce soit du
temps réclamé. Dans l'arrêt Apesland, l'employé
s'estimant lésé a accompagné un prisonnier à
Minot (Dakota du Nord) et a réclamé une indem-
nité pour les sept heures durant lesquelles il a
simplement attendu un vol d'avion pour son retour.
Notre Cour a statué que l'attente ainsi que le
voyage de retour représentaient des heures effecti-
vement travaillées et non simplement du temps de
déplacement. Bien que les faits de l'affaire Apes -
land se rapprochent peut-être plus des faits de
l'espèce que ceux de l'affaire Duggan, néanmoins,
quelque temps libre qu'il y eût dans l'affaire Apes -
land il était lié étroitement et de façon continue à
l'exercice effectif des fonctions de l'emploi.
Il me semble que, si l'on regarde le libellé de la
clause M-28.05 et son contexte, l'emploi de l'ad-
jectif «effectives» dans la clause visait à véhiculer
un sens qui décrivait le travail dans le sens normal
de s'adonner à des fonctions particulières. Le
renvoi au logement dans la clause en question
implique que, si un employé est visé par la clause
M-28.05, alors seul le temps effectivement passé à
travailler comptera pour le traitement et que le
soi-disant «temps mobilisé» passé sur le navire ne
doit pas être considéré comme des heures effective-
ment travaillées. Je crois que cette interprétation
est raisonnable et compatible avec ce que j'estime
que recherchaient les parties à la convention
collective.
J'ai peine à admettre que la convention cadre
visait à ce que l'employé soit payé à taux double
tandis qu'il profitait d'une pleine nuit de sommeil
durant un certain nombre de nuits consécutives à
l'occasion d'un voyage qui faisait partie des fonc-
tions mentionnées dans sa description de poste et
dont il avait été avisé bien à l'avance.
Par conséquent, j'accueillerais la demande
fondée sur l'article 28, annulerais la décision de la
Commission des relations de travail dans la fonc-
tion publique en date du 5 juillet 1989 et renver-
rais l'affaire devant la Commission pour que cel-
le-ci réexamine la question en tenant compte du
fait que la clause M-28.05 de la convention cadre
s'applique dans les circonstances de l'espèce.
MAHONEY, J.C.A.: Je souscris aux présents
motifs.
MARCEAU, J.C.A.: Je souscris aux présents
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.