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T-5768-81
Flexi-Coil Ltd. (demanderesse) c.
Rite Way Manufacturing Ltd. et Leslie Hulicsko (défendeurs)
RÉPERTORIE: FLEXI-COIL LTD. c. RITE WAY MANUFACTURING LTD. (1 K INST.)
Section de première instance, protonotaire-chef adjoint Giles—Toronto, 24 et 27 octobre 1989.
Juges et tribunaux Stare decisis Le protonotaire est lié par la décision du juge de la Section de première instance La suprématie du droit se fonde sur la cohérence du droit Les décisions prononcées par un juge de la même instance doivent se voir accorder énormément d'autorité Le droit d'interjeter appel de la décision du protonotaire devant un juge de la Section de première instance veut également que les décisions des juges de la Section de première instance soient suivies dans tous les cas.
Pratique Plaidoiries Requête en radiation Réexa- men de l'ordonnance qui a radié le paragraphe des plaidoiries invoquant la Statute of Monopolies à la lumière des motifs prononcés par le juge Dubé dans l'arrêt Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. et autre Un paragraphe a été radié au motif qu'il était susceptible de recevoir deux interprétations mutuellement exclusives Une requête subséquente voulait que la radiation soit prononcée «sous toutes réserves» afin qu'une demande fondée sur la Statute of Monopolies puisse être ajoutée Bien que la situation en cause approchât celle de l'arrêt Burnaby en ce que l'applicabilité de la Statute of Monopolies était soulevée à partir d'une requête préliminaire, le protono- taire ne pouvait laisser cette question entre les mains du juge du procès Même dans l'hypothèse la question aurait été déléguée conformément à la Règle 336(2), la décision aurait être rendue à partir d'une requête interlocutoire prélimi- naire L'ordonnance précédente est confirmée parce qu'elle n'est pas incompatible avec l'arrêt Burnaby et qu'il n'existe aucune cause d'action fondée sur la Statute of Monopolies.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
336(2).
Statute of Monopolies, 21 Jac. 1, chap. 3.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Aca Joe International c. 147255 Canada Inc. et autre (1986), 10 C.P.R. (3d) 301 (C.F. 1" inst.); Peck & Co. v. Hindes, Lei. (1898), 15 R.P.C. 113 (Q.B.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. et autre (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. 1" inst.).
DOCTRINE
Halsbury's Laws of England, vol. 10, 3e éd., Londres: Butterworth & Co. (Publishers) Ltd., 1955.
Jowitt, E. Dictionary of English Law, Londres: Sweet & Maxwell Ltd., 1959, «duplicity».
AVOCATS:
Gordon S. Clarke pour la demanderesse. Timothy J. Sinnott pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Gordon S. Clarke, Toronto, pour la demande- resse.
Barrigar & Oyen, Toronto, pour les défen- deurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE PROTONOTAIRE-CHEF ADJOINT GILES: Une ordonnance dans laquelle je rayais d'une demande reconventionnelle un argument fondé sur .la Sta tute of Monopolies, 21 Jac. 1, chap. 3 a été: portée en appel devant M. le juge Muldoon, qui m'a ordonné de réexaminer mon ordre contesté visant la radiation du paragraphe de cet acte de procé- dure qui invoque la Statute of Monopolies, et, à ma discrétion, de confirmer ou de modifier cette ordonnance après avoir expressément pris en consi- dération les conséquences que les motifs prononcés par M. le juge Dubé dans l'arrêt Burnaby (rap- porté dans le recueil (1982), 64 C.P.R. (2d) 206) peuvent avoir sur elle; l'ordonnance du juge Mul- doon a également prévu que, dans l'hypothèse les avocats des parties désireraient débattre de la question en jeu, je devais tous les entendre avant de rèndre la nouvelle ordonnance qu'elle me don- nait instruction de prononcer, le tout, sans adjudi cation de dépens. L'avocat de la demanderesse (la défenderesse reconventionnelle) m'a demandé d'entendre des observations. L'avocat de la défen- deresse (la demanderesse reconventionnelle), après avoir fait valoir qu'une audition de prétentions ne devait pas être tenue avec un bref préavis avant l'expiration de la période accordée pour le dépôt de l'avis d'appel, a accepté de s'y présenter et d'y soutenir des prétentions afin de faciliter la tâche de l'avocat de la partie adverse et celle de la Cour.
La première question soulevée, celle du «stare decisis» (respect des décisions), consistait à savoir si un protonotaire est lié par une décision d'un juge de la Section de première instance. Une telle ques tion peut peut-être valablement se poser puisque toute décision d'un protonotaire aurait pu être rendue par un juge de première instance et qu'une ordonnance prononcée par un protonotaire dans certaines circonstances déterminées doit être consi- dérée comme une ordonnance de la Cour. Le débat a donc porté sur la question de savoir si un juge est lié par les décisions rendues par un autre juge de la même instance. À mon sens, la suprématie du droit se fonde sur la cohérence du droit, qui dépend de la cohérence que les décisions judiciaires présen- tent les unes par rapport aux autres, indépendam- ment de la personne du juge ou de l'officier de justice qui les a prononcées. Ce principe suffit à obliger un juge à accorder énormément d'autorité aux décisions rendues par un autre juge de sa propre instance. Lorsque la décision dont l'autorité est alléguée a été prononcée par un juge devant lequel un appel pourrait être interjeté, des considé- rations supplémentaires, à caractère pratique, deviennent applicables. Il serait contraire aux exi- gences pratiques les plus élémentaires de pronon- cer une décision en sachant qu'elle serait infirmée en appel. En conséquence, il ne fait aucun doute que la décision d'un juge de la Section de première instance (devant lequel un appel peut être interjeté de la décision d'un protonotaire) devrait toujours être suivie par un protonotaire.
Il s'ensuit donc que, dans l'hypothèse je conclurais que la décision rendue dans l'affaire Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Ber- glund Industrial Supply Co. Ltd. et autre (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. l' ° inst.) est applicable aux faits qui me sont soumis, je devrais certaine- ment la suivre.
La deuxième question débattue devant moi était celle de savoir si la situation rencontrée dans l'af- faire Burnaby c. Berglund correspondait en tous points ou en substance à celle de la présente espèce. Dans l'affaire Burnaby c. Berglund, M. le juge Dubé avait à statuer sur le sort d'une requête en radiation voulant que la Statute of Monopolies ne fasse pas partie de la loi du Canada. Il a décidé que cette question ne devait pas être tranchée à partir d'une requête préliminaire mais être laissée
au juge du procès. Si, dans la présente espèce, j'ai radié les éléments de l'acte procédure visé qui concernaient la Statute of Monopolies, ce n'est pas au motif que cette loi ne ferait pas partie de la loi canadienne applicable ou de quelque compo- sante de cette loi, mais parce que, en tenant pour acquise l'applicabilité de la Statute of Monopolies, il y avait «duplicité» [dans la version anglaise: «duplicity»].
Par parenthèse, bien que je n'interprète pas l'ordonnance de M. le juge Muldoon comme m'en- joignant, ou même me permettant, de réexaminer ma décision pour d'autres fins que celles comman- dées par ma relecture des motifs de M. le juge Dubé, je crois devoir souligner que j'ai commis une impropriété de langage. Dans la version anglaise des motifs que j'ai prononcés à l'appui de ma radiation de toute mention de la Statute of Mono polies, j'ai appelé «duplicity» [«duplicité»] le défaut que j'ai perçu dans l'acte de procédure en cause. Un des avocats m'a renvoyé à la définition du terme «duplicity» figurant dans l'ouvrage de Jowitt Dictionary of English Law. Cette définition est la suivante:
[TRADUCTION] «Duplicity,» Un acte de procédure est double, ou donne ouverture à une contestation pour duplicité, lorsque cette plaidoirie, ou une partie de celle-ci, comporte plus d'une demande, plus d'une accusation ou plus d'un moyen de défense. Antérieurement, la règle générale voulait qu'un acte de procé- dure ne puisse comporter plus d'une demande, accusation ou moyen de défense; cette règle a cependant été graduellement assouplie, de sorte qu'elle ne s'applique maintenant plus aux plaidoiries civiles (sauf dans la mesure elles peuvent entraî- ner des problèmes ou être autrement inadmissibles) ou aux plaidoiries criminelles (R. v. Grizzard (1913) 9 Cr. App. R. 268).
Il est assez évident que, suivant le sens que lui attribue Jowitt, le terme «duplicity» désigne la pratique consistant à inclure plus d'une demande dans un acte de procédure. Il est donc probable que le mot que j'ai utilisé dans mes motifs soit inapproprié. Le défaut que j'ai perçu dans la plai- doirie tenait au fait que la demanderesse reconven- tionnelle avait accusé la défenderesse reconven- tionnelle de l'une ou de l'autre de deux infractions possibles. Mon utilisation du mot «duplicity» se fondait sur une interprétation d'une partie du paragraphe 707 du volume 10 de l'ouvrage Hals- bury's Laws of England, 3 0 édition, à la page 390. La partie pertinente de ce paragraphe était ainsi libellée:
[TRADUCTION] 707. Les allégations doivent être positives. Les allégations importantes d'un acte d'accusation doivent être positives et directes, et elles ne doivent pas être entachées de duplicité ou comporter de contradiction. Ainsi un chef d'accu- sation ne doit-il pas affirmer que l'accusé est coupable de l'une ou de l'autre de deux infractions possibles, et pouvoir s'interpré- ter comme visant deux infractions différentes sans préciser celle qui fait l'objet de l'accusation. Lorsqu'une disposition législa- tive établit une obligation de poser l'une ou l'autre de deux actions différentes, il est nécessaire, pour qu'il y ait infraction, que l'accusé omette d'accomplir chacune de ces deux actions. Un acte d'accusation ne doit pas être double, c'est-à-dire qu'un seul chef ne doit pas accuser le défendeur de deux ou de plus de deux infractions; un défendeur peut cependant être accusé d'avoir commis plusieurs infractions ... [Les notes de bas de page n'ont pas été reproduites.]
J'aurais dissiper l'ambiguïté de mes motifs en décrivant le défaut qui m'apparaissait fatal comme [TRADUCTION] «la possibilité d'être interprété comme visant deux infractions différentes sans préciser celle qui fait l'objet de l'accusation». J'au- rais peut-être pu, sans commettre d'impropriété de langage, abréger cet énoncé pour n'employer que les termes [TRADUCTION] «susceptible de recevoir deux interprétations mutuellement exclusives».
Après ma radiation des allégations relatives à la Statute of Monopolies, l'on m'a demandé de préci- ser que cette radiation avait lieu sous toutes réser- ves. Il m'était en fait demandé d'autoriser une modification qui ajouterait une demande fondée sur la Statute of Monopolies. Ainsi me trouvais-je placé dans une situation approchant celle de M. le juge Dubé: l'on me demandait de statuer sur l'ap- plicabilité de la Statute of Monopolies à partir d'une requête interlocutoire préliminaire. Toute- fois, ma position ne me permettait pas, à mon sens, de laisser cette question entre les mains du juge du procès. Dans l'hypothèse où, m'autorisant de la Règle 336(2) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], j'aurais délégué la question, la décision en cause aurait être rendue par un juge des requêtes et non par un juge de procès. Dans l'hypo- thèse où—comme je l'ai fait je tranchais la ques tion, la décision sur la question de l'applicabilité, quelque soit le sens de mon jugement et aussi haut qu'il soit porté en appel, aurait été rendue à partir d'une requête interlocutoire préliminaire. Je note que M. le juge Dubé ne statuait pas sur le niveau de l'instance par laquelle une décision devait être rendue; sa décision portait sur le stade des procé- dures auquel elle devait l'être. M. le juge Dubé et le juge qui entendrait la question lors du procès
étaient tous deux juges de la Section de première instance.
À mon sens, la situation de fait à laquelle je faisais face était suffisamment différente de celle à laquelle était confronté M. le juge Dubé pour que je ne sois pas lié par sa décision.
Lors de la nouvelle audience, j'ai demandé aux avocats de me proposer des dispositions qui me permettraient de me conformer à l'esprit de l'or- donnance de M. le juge Dubé et de repousser la décisioi en cause jusqu'au procès. L'avocat des défendeurs a suggéré que je permette la modifica tion de l'acte de procédure sous réserve du droit de la demanderesse de solliciter la radiation lors du procès. À mon avis, l'ordonnance de M. le juge Dubé voulait que la question alors indécise de l'applicabilité de la Statute of Monopolies soit tranchée lors d'un procès et non à partir d'une requête interlocutoire. Depuis lors, M. le juge Col lier a décidé (dans l'affaire Aca Joe International c. 147255 Canada Inc. et autre (1986), 10 C.P.R. (3d) 301 (C.F. 1r° inst.)) que, même dans l'hypo- thèse cette Loi était en vigueur au Canada—ce dont il doutait—la présente Cour ne serait pas compétente à cet égard. Je considère que, en auto- risant la modification de l'acte de procédure, j'au- rais négligé de tenir compte de la décision rendue dans l'affaire Aca Joe.
Les arguments de l'avocat des défendeurs ont porté sur le bien-fondé de ma décision sur la radiation tandis que ceux de l'avocat de la deman- deresse ont visé la conformité au droit de ma décision que la Statute of Monopolies ne faisait pas partie de la loi des provinces des Prairies. À mon sens, ces questions échappaient toutes deux aux dispositions énoncées dans l'ordonnance de M. le juge Muldoon.
Depuis que j'ai prononcé à l'audience ma déci- sion de confirmer mon ordonnance antérieure, il m'est venu à l'esprit que, cette décision ayant été prise sur le fondement des arrêts Peck & Co. v. Hindes, Ld. (1898), 15 R.P.C. 113 (Q.B.) et Aca Joe, il n'existait en l'espèce aucune cause d'action fondée sur la Statute of Monopolies. Je me serais davantage conformé aux principes régissant les requêtes interlocutoires en n'énonçant pas d'autre motif à l'appui de mon ordonnance suivant laquelle la Statute of Monopolies ne faisait pas
partie de la loi des provinces des Prairies. En confirmant ma décision antérieure de ne pas décla- rer que ma radiation était prononcée sous toutes réserves, il ne m'est pas nécessaire de confirmer la conclusion antérieure que j'avais tirée à l'égard de la Statute of Monopolies. Si je confirme ma déci- sion antérieure, c'est uniquement parce que je considère qu'elle n'est pas incompatible avec la décision rendue par M. le juge Dubé dans l'affaire Burnaby c. Berglund et en raison des décisions prononcées dans les affaires Peck v. Hindes et Aca Joe.
ORDONNANCE
Ma décision antérieure de radier les allégations relatives à la Statute of Monopolies sans ajouter que cette radiation était prononcée sous toutes réserves est confirmée. Aucuns frais et dépens ne doivent être adjugés en l'espèce relativement aux présences en cour nécessitées par la présentation des arguments.
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