T-2056-87
Ronald W. Swan et l'Association internationale
des machinistes et des travailleurs de l'aéroastro-
nautique (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le minis-
tre des Transports et le procureur général du
Canada (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: SWAN c. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge Reed—Ottawa,
27 novembre 1989 et 9 février 1990.
Droit aérien — Validité du programme de vérification de
sécurité mis à exécution par le SCRS à l'égard des employés
autres que des fonctionnaires, travaillant dans des zones régle-
mentées d'aéroports canadiens ' Programme établi par le
ministre des Transports conformément aux art. 4(2) et 4(3) du
Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodromes, pris en
application de l'art. 3.7(2)c) de la Loi sur l'aéronautique —
Les art. 4(2) et 4(3) sont invalides car ils constituent une
sous-délégation illégale de pouvoir — L'art. 3.7(2)c) n'habilite
pas le gouverneur en conseil à sous-déléguer le pouvoir de
prendre des mesures de sûreté — Le programme de vérifica-
tion de sécurité est donc ultra vires — L'art. 3.7(4) de la Loi
sur l'aéronautique ne confère pas au ministre le pouvoir de
prendre, par des directives, des mesures de sûreté.
Renseignement de sécurité — Programme de vérification de
sécurité mis à exécution par le SCRS, à la demande du
ministère des Transports, à l'égard des employés autres que
des fonctionnaires, travaillant dans des zones réglementées
d'aéroports canadiens — Pouvoir du SCRS de conduire l'en-
quête, conformément à l'art. 13(1) de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité — Ce pouvoir vise aussi
les personnes qui ne sont pas des employés ni des candidats à
un poste de l'Administration ou des personnes qui ont passé ou
qui souhaitent conclure un marché avec le gouvernement — Le
programme est invalide car il a été établi en vertu d'une
sous-délégation illégale de pouvoir.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et
sécurité — Programme de vérification de sécurité mis à exécu-
tion par le SCRS à l'égard des employés autres que des
fonctionnaires, travaillant dans des zones réglementées d'aéro-
ports canadiens — Le programme transgresse-t-il la Charte?
— L'intérêt des employés, soit leur «droit de travailler», ne
peut pas être assimilé au «droit à la vie, à la liberté et à la
sécurité» — La sécurité de la personne n'inclut pas le droit
d'être soustrait aux enquêtes.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Fouilles, perquisitions et saisies —
Programme de vérification de sécurité mis à exécution par le
SCRS à l'égard des employés autres que des fonctionnaires,
travaillant dans des zones réglementées d'aéroports canadiens
— Les enquêtes ne sont pas des fouilles, des perquisitions et
des saisies — La prise d'empreintes digitales ne constitue pas
une fouille et une saisie abusives — Elle est en outre visée par
l'exemption prévue à l'art. premier de la Charte.
Le syndicat représentant quelque quinze mille employés des
lignes aériennes et des entreprises de services a contesté la
validité du programme de vérification de sécurité mis à exécu-
tion par le Service canadien du renseignement de sécurité
(SCRS) à la demande du ministère des Transport, à l'égard
des employés autres que des fonctionnaires, travaillant dans des
zones réglementées de certains aéroports canadiens. Le pro
gramme a été établi par le ministre des Transports en vertu du
pouvoir que sont censés lui conférer les paragraphes 4(2) et
4(3) du Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodromes.
Pour obtenir une autorisation de sécurité, les employés de l'État
et du secteur privé sont tenus de fournir des renseignements
personnels, des empreintes digitales et une formule de consente-
ment à une évaluation de sûreté. L'enquête de sécurité com-
prend trois vérifications: celle du casier judiciaire, celle de la
solvabilité et celle faite par le SCRS dans ses propres dossiers.
Elles peuvent donner lieu à une enquête sur place qui nécessi-
tera des entrevues avec les employeurs, les collègues, les amis,
les parents et les voisins.
L'action a soulevé cinq questions: (1) Le SCRS est-il habilité
à faire ces enquêtes? (2) Le programme est-il ultra vires,
c'est-à-dire a-t-il été établi en vertu de dispositions réglementai-
res qui constituent une sous-délégation illégale de pouvoir? (3)
Le programme est-il ultra vires, c'est-à-dire va-t-il au-delà de
l'autorité que confère au ministre la Loi sur l'aéronautique?
(4) Le programme transgresse-t-il la Charte? (5) S'il n'excède
pas le pouvoir du ministre, le programme est-il nul en raison de
son caractère incertain et discriminatoire?
Jugement: la réparation sollicitée par les demandeurs devrait
être accordée.
(1) Le pouvoir du SCRS de mener l'enquête
Le paragraphe 13(1) de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité, qui dit que le Service peut fournir
des évaluations de sécurité aux ministères, est clair et sans
équivoque. Il confère au SCRS le pouvoir de conduire les
enquêtes et de fournir les évaluations demandées par un minis-
tère du gouvernement du Canada si les habilitations de sécurité
sont demandées de bonne foi par le ministère et sont accompa-
gnées de l'autorisation voulue. On ne doit pas donner au
paragraphe 13(1) une interprétation restrictive: le pouvoir qu'il
accorde au SCRS vise aussi les personnes qui ne sont pas des
employés ni des candidats à un poste de l'Administration ou des
personnes qui ont passé ou qui souhaitent conclure un marché
avec le gouvernement.
(2) Le Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodro-
mes—Sous-délégation illégale de pouvoir
Aux termes de l'alinéa 3.7(2)c) de la Loi sur l'aéronautique,
le gouverneur en conseil peut, par règlement, «imposer aux
exploitants d'aérodromes [...] de mettre en oeuvre -[. -..] les
mesures de sûreté que peuvent prescrire les règlements ou que
le ministre peut approuver à ces fins conformément aux règle-
ments». Le paragraphe 4(2) du Règlement dispose que «le
ministre peut [...] approuver les mesures de sûreté» à l'égard
d'un certain nombre de questions, notamment l'établissement
de zones réglementées. Le paragraphe 4(3) accorde au ministre
le pouvoir d'«approuver toute autre mesure de sûreté qu'il juge
nécessaire».
Les paragraphes 4(2) et (3) constituent une sous-délégation
illégale de pouvoir. L'alinéa 3.7(2)c) de la Loi n'habilite pas le
gouverneur en conseil à sous-déléguer au ministre le pouvoir de
prendre des mesures de sûreté. L'expression «conformément
aux règlements» employée à l'alinéa 3.7(2)c) renvoit au pouvoir
du ministre d'approuver des mesures de sûreté pour l'applica-
tion de cet alinéa seulement, en conformité avec les dispositions
réglementaires énoncées par le gouverneur en conseil. Il faut
interpréter les mots «à ces fins» comme une condition dont le
pouvoir du ministre est assorti. Ces mots visent les fins des
règlements; ils ne renvoient pas à la première partie du para-
graphe 3.7(2).
Puisque les paragraphes 4(2) et (3) du Règlement sur les
mesures de sûreté aux aérodromes sont ultra vires, du fait
qu'ils dépassent le pouvoir conféré au gouverneur en conseil par
l'alinéa 3.7(2)c), il s'ensuit que le programme d'autorisation de
sécurité est lui aussi ultra vires.
(3) Loi sur l'aéronautique—Pouvoirs ministériels
Le paragraphe 3.7(4) de la Loi sur l'aéronautique n'habilite
pas le ministre à établir, au moyen de directives, ce qui, en
vertu de la Loi, doit être prescrit par le gouverneur en conseil,
par règlement. Il autorise le ministre à mettre en œuvre les
mesures de sûreté qui ont été prescrites par règlement ainsi que
les autres mesures accessoires qu'il estime nécessaires pour
l'application des règlements.
On ne trouve pas dans la version française du paragraphe
3.7(4) les mots «for those purposes». Celle-ci mentionne simple-
ment le fait que les mesures que peut prendre le ministre
peuvent s'ajouter ou se substituer à celles qui frappent les
exploitants d'aérodromes aux termes de l'alinéa 3.7(2)c). Tou-
tefois, l'historique législatif fait clairement ressortir ce qui suit:
le gouverneur en conseil établit d'abord par règlement les règles
générales devant régir les mesures de sûreté qui seront prises.
Les exploitants d'aérodromes, ou les propriétaires ou utilisa-
teurs d'aéronefs peuvent alors être tenus de mettre en oeuvre ces
mesures de sûreté. Subsidiairement, le ministre est habilité à
mettre en oeuvre les mesures de sûreté établies par règlement.
(4) Charte canadienne des droits et libertés
Aucun argument ne pouvait être fondé sur l'article 7 ou sur
l'article 8 de la Charte. L'intérêt des demandeurs en l'espèce ne
peut être assimilé au droit «à la vie, à la liberté ou à la sécurité».
Il y avait lieu de faire une distinction entre les faits de l'espèce
et ceux des affaires dans lesquelles le droit «à la liberté»
découlait du droit de se déplacer. Le programme établi en
l'occurrence ne constitue pas une entrave à la liberté d'établis-
sement. La situation des demandeurs était plut8t assimilable
aux affaires mettant en cause le «droit de travailler», dans
lesquelles il a été décidé que les droits purement économiques
ou le «droit de travailler» ne sont pas protégés par l'article 7.
L'intérêt des demandeurs n'est pas non plus assimilable au
droit à «la sécurité de sa personne». On ne peut pas caractériser
leur situation de «traumatisme psychologique infligé par l'État».
La «sécurité de la personne» n'inclut pas le droit d'être soustrait
au type d'enquête en cause, même à supposer que ce concept
comprenne le droit à la vie privée.
Les enquêtes faites par le SCRS ne sont pas des «fouilles, des
perquisitions et des saisies» au sens de l'article 8 de la Charte.
Les enquêtes ne constituent pas une atteinte au droit à la vie
privée que garantit la Constitution si elles ne comportent pas
d'ingérence par force dans les biens de la personne visée ou de
violence à son endroit.
Exiger que des empreintes digitales soient fournies ne consti-
tue pas une fouille, une perquisition et une saisie abusives. Il
s'agit du type d'exigence qui serait visée par l'exemption prévue
à l'article premier de la Charte.
(5) Directives ministérielles
L'argument selon lequel les directives du ministre devraient
faire l'objet du même genre d'examen que celui dont est
d'ordinaire l'objet la législation déléguée et selon lequel, par
voie de conséquence, le programme d'autorisation de sécurité
pourrait être contesté aux motifs qu'il est imprécis, incertain et
discriminatoire, est certes convaincant, mais théorique, puisque
la Loi dispose que les mesures de sûreté doivent être prescrites
par règlement.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1,7,8.
Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. A-3 (mod. par
S.C. 1973-74, chap. 20, art. 1; 1974-75-76, chap. 100,
art. 1; 1985, chap. 28, art. 1), art. 3.4(2), 3.7(2)c),(4).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 28.
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité,
S.C. 1984, chap. 21, art. 2, 12, 13, 14, 15, 16, 34, 42.
Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodromes,
DORS/87-452, art. 4(1),(2),(3).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387; (1988), 55 D.L.R.
(4th) 481; [1989] 1 W.W.R. 97; 71 Sask. R. 1; 45 C.C.C.
(3d) 57; 66 C.R. (3d) 97; 36 C.R.R. 90; 88 N.R. 205.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Mia and Medical Services Commission of British
Columbia (1985), 17 D.L.R. (4th) 385; 61 B.C.L.R. 273;
15 Admin. L.R. 265; 16 C.R.R. 233 (C.S.); Wilson v.
British Columbia (Medical Services Commission)
(1988), 53 D.L.R. (4th) 171 (C.A.C.-B.); R. c. Morgen-
taler, [1988] 1 R.C.S. 30; (1988), 63 O.R. (2d) 281; 44
D.L.R. (4th) 385; 37 C.C.C. (3d) 449; 62 C.R. (3d) 1; 31
C.R.R. 1; 82 N.R. 1; 26 O.A.C. 1; Singh et autres c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [ 1985] 1
R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R.
137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1; R. c. Dyment, [1988] 2
R.C.S. 417; (1988), 73 Nfld. & P.E.I.R. 13; 55 D.L.R.
(4th) 503; 229 A.P.R. 13; 45 C.C.C. (3d) 244; 66 C.R.
(3d) 348; 10 M.V.R. (2d) 1; 89 N.R. 249.
DÉCISIONS CITÉES:
Brant Dairy Co. Ltd. et autre c. Milk Commission of
Ontario et autre, [1973] R.C.S. 131; (1972), 30 D.L.R.
(3d) 559; Institut canadien des compagnies immobilières
publiques et autres c. Corporation de la ville de Toronto,
[1979] 2 R.C.S. 2; (1979), 7 M.P.L.R. 39; 8 O.M.B.R.
385; 25 N.R. 108; Vic Restaurant v. The City of Mont-
real, [1959] R.C.S. 58; (1959), 17 D.L.R. (2d) 81; Air
Canada c. Cité de Dorval, [1985] 1 R.C.S. 861; (1985),
19 D.L.R. (4th) 401; 13 Admin. L.R. 42; 59 N.R. 177; R.
v. Sandler, [1971] 3 O.R. 614; (1971), 21 D.L.R. (3d)
286 (H.C.); Re One Hundred and Eleven Group Enter
prises Ltd. and City of Toronto et al. (1974), 6 O.R. (2d)
210; 52 D.L.R. (3d) 338 (C. div.); Montréal (Ville de) c.
Arcade Amusements Inc. et autre, [1985] 1 R.C.S. 368;
(1985), 14 D.L.R. (4th) 161; 29 M.P.L.R. 220; 58 N.R.
339; Cité de Sillery c. Canadian Petrofina Limited et
autres, [1970] R.C.S. 533; R. c. Big M Drug Mart Ltd.
et autres, [1985] 1 R.C.S. 295; (1985), 60 A.R. 161; 18
D.L.R. (4th) 321; [1985] 3 W.W.R. 481; 37 Alta. L.R.
(2d) 97; 18 C.C.C. (3d) 385; 13 C.R.R. 64; 85 C.L.L.C.
14,023; 58 N.R. 81.
DOCTRINE
Canada. Chambre des communes. Comité permanent des
Transports et des communications, Procès-verbaux et
témoignages, fascicule n° 17 (26 juillet 1973).
Canada. Comité de surveillance des activités de rensei-
gnement de sécurité. Rapport annuel 1988-89.
Ottawa: Ministre des Approvisionnements et Services
Canada, 1989.
Canada, Comité de surveillance des activités de rensei-
gnement de sécurité. Rapport annuel 1987-88.
Ottawa: Ministre des Approvisionnements et Services
Canada, 1988.
Canada. Débats de la Chambre des communes, vol.
I11,1 ° sess., 29° Lég., 22 Eliz. II, 1973, aux pages 3446
et 3447.
Canada. Débats de la Chambre des communes, vol. II,
2 ° sess., 32° Lég., 33 Eliz. II, 1984, aux pages 1272 à
1274.
Canada. Débats du Sénat, vol. III, 1' sess., 30° Lég.,18
mai 1976.
de Smith, S. A. Judicial Review of Administrative
Action, 3rd ed., London: Stevens & Sons Ltd., 1973.
AVOCATS:
Andrew J. Raven et Phillip G. Hunt pour les
demandeurs.
Duff F. Friesen, c.r., pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour les deman-
deurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE REED: Les demandeurs contestent la
validité des méthodes d'enquête sur la sécurité
qu'utilise le ministère des Transports pour vérifier
la fiabilité des employés autres que des fonction-
naires, travaillant dans des zones réglementées des
aéroports. Le Service canadien du renseignement
de sécurité (SCRS) est chargé d'effectuer une
partie de ces enquêtes (programme de vérification
de sécurité).
Les demandeurs invoquent cinq motifs pour con-
tester la validité du programme: (1) le SCRS n'est
pas autorisé à faire des enquêtes sur les antécé-
dents des employés visés parce qu'il n'a été investi
de cette mission par aucun texte de loi; (2) les
paragraphes 4(2) et (3) du Règlement sur les
mesures de sûreté aux aérodromes, DORS/87-
452, constituent une sous-délégation illégale de
pouvoir et c'est en vertu de ce pouvoir que le
programme a été établi; (3) le programme de
vérification de sécurité est ultra vires car il va
au-delà de l'autorité que confère au ministre la Loi
sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. A-3, modi-
fiée par S.C. 1985, chap. 28; (4) si le programme
de vérification de sécurité n'excède pas le pouvoir
du ministre, celui-ci a exercé ce pouvoir par une
sous-délégation illégale ou a établi des règles de
nature législative qui sont nulles en raison de leur
caractère incertain et discriminatoire; (5) le pro
gramme de vérification de sécurité mis à exécution
transgresse la Charte canadienne des droits et
libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti-
tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Programme de vérification de sécurité
Le programme a été annoncé le 16 septembre
1987. Sa mise en oeuvre a commencé deux semai-
nes plus tard, soit le 30 septembre 1987. Son objet
était d'améliorer les mesures de sûreté à certains
aéroports canadiens. Le programme vise dix aéro-
ports internationaux et vingt-deux aéroports
intérieurs'.
Aux termes des mesures de sûreté appliquées
dans les aéroports canadiens avant le 30 septembre
1987, certaines zones étaient désignées «zones
réglementées». Cette désignation vise la plupart
des zones situées au-delà des guichets d'enregistre-
ment des passagers et, en particulier, les zones
dans lesquelles il est possible d'avoir accès aux
aéronefs ou aux articles transportés à bord des
aéronefs. Les personnes travaillant dans les zones
réglementées sont tenues de porter un laissez-pas
ser, bien en vue sur l'extérieur de leurs vêtements.
Le laissez-passer comporte une photographie et
des renseignements, notamment le nom, permet-
tant d'identifier son détenteur. Les laissez-passer
sont en usage dans les aéroports canadiens visés
depuis 1972. À ce que je sache, c'est l'OACI
(l'Organisation de l'aviation civile internationale)
qui a recommandé en 1971 l'emploi de ces
laissez-passer 2.
Les personnes travaillant dans les zones régle-
mentées comprennent les employés du gouverne-
ment fédéral, les ressortissants étrangers qui tra-
vaillent soit pour des gouvernements étrangers, soit
pour des compagnies d'aviation étrangères, ainsi
que des personnes, comme le demandeur Swan, qui
sont des citoyens canadiens travaillant pour des
employeurs du secteur privé. Environ 80 000 per-
sonnes sont employées dans les aéroports auxquels
le programme s'applique, par exemple à Lester B.
Pearson (23 000); à Vancouver (13 000); à Dorval
(8 000). Ce sont notamment des membres d'équi-
page, des préposés au contrôle des passagers et des
bagages, des agents de bord, des préposés à l'ache-
minement des bagages, des nettoyeurs, des mécani-
ciens, des techniciens et d'autres employés d'entre-
tien comme les préposés au ravitaillement en
carburant et les personnes chargées de la restaura-
tion. La demanderesse, l'Association internationale
des machinistes et des travailleurs de l'aéroastro-
La prise d'otage à des fins politiques constituait en 1985 la
principale menace à la sûreté des aéronefs. De 1985 à 1987, les
activités terroristes ont pris une nouvelle forme; il y a eu un
accroissement du sabotage. Des explosions à bord des aéronefs,
dont un certain nombre en vol, ont eu lieu. Deux de celles-ci,
survenues en 1985, résultaient de sabotage dont l'origine
connue ou soupçonnée était au Canada.
2 La 3° édition (1987) du Manuel de l'OACI de 1971, qui a
été produite et qui forme l'annexe 2 de l'exposé conjoint des
faits, recommande l'établissement d'un système de laissez-pas
ser.
nautique, est l'agent négociateur accrédité repré-
sentant quelque 15 000 employés des lignes aérien-
nes et des entreprises de services.
À compter du 30 septembre 1987, date de la
mise en oeuvre du programme de vérification de
sécurité qui est contesté en l'espèce, toute per-
sonne, sauf les ressortissants étrangers travaillant
pour un gouvernement étranger ou pour une com-
pagnie d'aviation étrangère, devait désormais avoir
reçu une autorisation de sécurité pour obtenir un
laissez-passer lui permettant de travailler dans les
zones réglementées. À cette fin, la personne est
tenue de fournir certains renseignements person-
nels, des empreintes digitales et une formule de
consentement à une évaluation de sûreté faite par
le SCRS. Les renseignements sont transmis par le
Bureau de contrôle des laissez-passer de l'aéroport
en cause à un fonctionnaire du ministère des
Transports—le Directeur, Renseignements, Habi
tations sécuritaires et Perfectionnement en sécurité
(parfois appelé le ABB). Celui-ci, ou vraisembla-
blement un employé de son Bureau, vérifie si les
renseignements sont complets et lisibles, puis les
fait parvenir au SCRS.
Ce dernier fait une évaluation de sécurité et il
présente au ministère des Transports une recom-
mandation au sujet de la fiabilité de la personne en
cause. L'enquête faite par le SCRS à la demande
du ministère des Transports s'apparente à celle
dont font l'objet les fonctionnaires fédéraux dont le
poste exige l'accès à des renseignements de nature
délicate ou à des biens de grande valeur apparte-
nant à l'État. L'enquête est conduite en conformité
avec la politique énoncée dans le document intitulé
«Politique du gouvernement du Canada sur la
sécurité». Voici quelques-uns des premiers para-
graphes de ce document:
.1.1 Objectif et portée
La politique prescrit un système de sécurité devant protéger
efficacement les renseignements classifiés et autres biens de
nature délicate qui revêtent un intérêt national ainsi que les
autres renseignements de nature délicate et biens de grande
valeur.
.1.3 Application
La politique s'applique aux ministères, institutions et autres
secteurs de la fonction publique du Canada qui sont énumérés à
l'annexe I, Parties I et II de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique, y compris les Forces canadiennes, la
Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du
renseignement de sécurité.
En outre, les dispositions de la politique concernant l'intérêt
national s'appliquent à certaines autres institutions qui deman-
dent l'accès à des renseignements classifiés et autres biens dont
la protection s'impose dans l'intérêt national ainsi qu'aux servi
ces d'autorisation de sécurité, sous réserve d'ententes entre le
président de Conseil du Trésor et les ministres responsables de
ces institutions. Les ententes doivent inclure un énoncé des
mesures prises pour mettre en oeuvre ces dispositions dans
l'institution concernée. A partir du 1" janvier 1987, seules les
institutions assujetties à de telles ententes pourront avoir accès
aux renseignements et aux biens et services décrits ci-dessus.
Sauf indication contraire, toutes les nominations et affecta
tions, ainsi que tous les contrats de biens et de services sont
assujettis à la politique.
.1.4 Autorisations et annulations
La politique est publiée en vertu de la Loi sur l'administra-
tion financière, qui autorise le Conseil du Trésor à prendre des
décisions concernant toutes les questions liées à la politique
administrative et à la politique du personnel de la fonction
publique du Canada, et en vertu d'une décision du Cabinet de
janvier 1986 portant sur les mesures de sécurité. La délibéra-
tion 802143 s'applique à cet égard.
La politique remplace le document du Bureau du Conseil
privé datant de 1956 intitulé «Sécurité de l'information dans la
fonction publique du Canada», la décision 35 émise par le
Cabinet en 1963 au sujet de l'enquête de sécurité, ainsi que
l'article .8 du chapitre 440 (Informatique: sécurité) et l'article
.6 du chapitre 435 (Administration des télécommunications) du
Manuel de la politique administrative du Conseil du Trésor.
Elle remplace aussi les politiques publiées dans les circulaires
du Conseil du Trésor 1986-26, 1987-10 et 1987-31.
La politique du gouvernement sur la sécurité
établit trois niveaux d'autorisation de sécurité 3 . Le
niveau d'autorisation requis à l'égard d'un employé
dépend de la nature de son emploi. Plus le fonc-
tionnaire aura accès à des renseignements de
nature délicate ou à des biens de grande valeur,
plus le niveau d'autorisation requis est élevé. C'est
le premier niveau d'autorisation, soit le plus bas,
que les fonctionnaires ont estimé à propos de rete-
nir dans le cas des employés de l'Etat et des
employés du secteur privé travaillant dans les
zones réglementées des aéroports.
L'enquête menée par le SCRS pour ce niveau
comprend tout d'abord trois vérifications. La pre-
mière est la vérification du casier judiciaire. Le
SCRS envoie une copie des empreintes digitales de
la personne à la GRC, qui vérifie si elle a déjà été
déclarée coupable d'une infraction ou été l'objet
3 La politique du gouvernement sur la sécurité établit trois
types d'examen de la fiabilité (vérification de base de la
fiabilité; vérification approfondie de la fiabilité; autorisation de
sécurité). L'autorisation de sécurité donne elle-même lieu à
trois catégories d'examen.
d'une inculpation retirée ou rejetée. La GRC
remet ces renseignements au SCRS et y joint la
copie des empreintes digitales que le SCRS lui
avait fournie. Celui-ci conserve les empreintes dans
le dossier de la personne aussi longtemps qu'il sera
nécessaire de faire des vérifications de sécurité à
son égard. L'évaluation de sécurité est mise à jour
tous les cinq ans pendant la durée de l'emploi.
Quand la personne quitte l'emploi pour lequel
l'autorisation de sécurité était requise, le SCRS
conserve les empreintes pendant une période sup-
plémentaire de deux ans, puis les détruit. En véri-
fiant le casier judiciaire, le SCRS demande des
renseignements sur les infractions à l'égard des-
quelles la personne a obtenu la réhabilitation.
La deuxième vérification faite par le SCRS
porte sur ses propres dossiers («vérification des
indices»). Il vérifie si le nom de la personne y
figure. Les renseignements contenus dans ces dos
siers concernent des activités qui sont, tenues pour
des «menaces envers la sécurité du Canada», terme
qui est défini à l'article 2 de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité [S.C. 1984,
chap. 21]. La définition comporte notamment
l'élément suivant: «les activités qui touchent le
Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser
l'usage de la violence grave ou de menaces de
violence contre des personnes ou des biens dans le
but d'atteindre un objectif politique».
Le troisième type de vérification effectué par le
SCRS est la vérification de la solvabilité. Selon les
renseignements obtenus du service d'informations
financières, le SCRS fait une enquête plus appro-
fondie sur les antécédents de la personne. Cette
enquête pourrait avoir notamment pour objet de
déterminer: si la personne a une mauvaise réputa-
tion de solvabilité; si sa faillite est attribuable à
son imprévoyance; si son insolvabilité a été aggra-
vée ou causée par le jeu, l'alcool, l'abus de drogues
ou d'autres facteurs dénotant le manque de juge-
ment ou l'imprévoyance; si elle a dans le passé
vécu au-dessus de ses moyens; si les renseigne-
ments fournis par l'agence d'informations financiè-
res révèlent le recours à la tromperie ou à la
supercherie pour obtenir du crédit; si elle dispose
d'une fortune inexpliquée.
Si l'agent du SCRS qui fait l'évaluation de
sécurité a des inquiétudes par suite des trois vérifi-
cations précitées, il fait faire une enquête sur
place. Il faudra probablement avoir des entrevues
avec les collègues, les employeurs, les ex-
employeurs, les amis, les parents et les voisins de la
personne en cause.
La décision de recommander le refus de l'autori-
sation de sécurité est, au fond, préférablement sans
doute, une décision qui fait appel à l'esprit de
discernement et que l'agent du SCRS prend après
avoir pesé un certain nombre de facteurs. M.
Pearcy, directeur général adjoint, Triage sécuri-
taire gouvernemental, Direction du triage sécuri-
taire, SCRS, a témoigné à ce sujet:
[TRADUCTION] Nous tenons compte de nombre d'éléments
du comportement d'une personne quand nous faisons une éva-
luation de sécurité et quand nous recommandons l'autorisation
de sécurité. Parmi les facteurs pertinents, on compte la déso-
béissance à la loi, la transgression des règles de sécurité, la
divulgation non autorisée de renseignements classifiés, la mal-
honnêteté, les troubles mentaux ou émotifs, l'endettement
excessif ou les difficultés financières fréquentes ou la` richesse
inexpliquée, l'abus d'alcool ou de substances interdites; n'im-
porte quel aspect du comportement d'une personne qui peut
intéresser la sécurité.
Le SCRS ne recommande jamais que l'autorisa-
tion de sécurité soit refusée sans faire une enquête
sur place et, en règle générale, sans avoir une
entrevue avec la personne, qui a ainsi la possiblité
de faire entendre son point de vue sur les sujets
d'inquiétude qui fondent la recommandation du
SCRS. En outre, s'il est jugé opportun de recom-
mander le refus, cette évaluation est présentée à
l'examen du contentieux et du directeur du Ser
vice. Le refus de l'autorisation n'est jamais recom-
mandé sans l'approbation personnelle du directeur.
La recommandation—approbation de l'autorisa-
tion de sécurité ou refus de l'accorder—est ensuite
renvoyée au ministère client—en l'occurrence,
Transports Canada. S'il est recommandé que l'au-
torisation soit accordée, un fonctionnaire du minis-
tère des Transports tamponne le document ad hoc
et le bureau de contrôle des laissez-passer de l'aé-
roport est informé qu'il peut délivrer un laissez-
passer. S'il est recommandé que l'autorisation soit
refusée, un certain nombre de fonctionnaires, ou
leurs représentants, qui forment le Conseil de sur
veillance des autorisations de sécurité de Trans
ports Canada, examinent les documents et statuent
sur l'opportunité de recommander la délivrance
d'un laissez-passer. L'intéressé ne comparaît pas
devant ce Conseil et il n'est pas avisé de la tenue
des audiences. Le Conseil présente sa recomman-
dation à l'administrateur général du ministère des
Transports à qui il incombe en dernier ressort
d'accorder l'autorisation.
Je le répète, sont soumis aux enquêtes de sécu-
rité les fonctionnaires fédéraux ou les entrepre
neurs ayant passé un marché avec le gouvernement
qui doivent dans l'exécution de leurs fonctions
avoir accès à des renseignements classifiés de
nature délicate ou à des biens de grande valeur de
l'État. Toutefois, les renseignements sur les antécé-
dents personnels exigés d'un employé du gouverne-
ment fédéral ou d'un candidat à un poste dans
l'Administration fédérale et ceux qui sont exigés
d'une personne qui demande un laissez-passer lui
donnant accès aux zones réglementées d'un aéro-
port sont quelque peu différents. Les premiers ne
sont tenus de fournir des renseignements que sur
leurs antécédents des dix années écoulées tandis
que pour les derniers, ce ne sont que les antécé-
dents de cinq années; les premiers sont tenus de
fournir des renseignements concernant l'identité de
tous leurs proches parents de plus de 16(18) ans,
alors que les derniers ne sont tenus de fournir de
tels renseignements -qu'au sujet de leur conjoint.
Ces exigences ont un caractère moins rigoureux
parce que le ministère des Transports avait
d'abord envisagé d'établir son propre système
d'autorisation de sécurité à l'égard des zones régle-
mentées. Les formules de renseignements person-
nels à portée plus restreinte ont été créées à cette
fin et elles ont été conservées après la prise de la
décision de recourir au système d'autorisation de
sécurité du gouvernement plutôt que d'en établir
un au ministère des Transports.
Des fonctionnaires du ministère des Transports
(et d'autres ministères) ont décidé qu'il était
opportun qu'un seul système d'autorisation de
sécurité s'applique aux employés du gouvernement
et aux employés du secteur privé travaillant dans
les zones réglementées. Voici un passage de la
transcription du témoignage de M. Pearcy:
[TRADUCTION] R:.. .
Tant les représentants du Service que ceux du Secrétariat du
Conseil du Trésor ont fait valoir à l'époque qu'il y avait lieu de
n'énoncer qu'une seule politique sur la sécurité du gouverne-
ment du Canada relativement aux autorisations de sécurité
exigées à l'égard des personnes ayant accès à des renseigne-
ments classifiées ou à des installations cruciales pour l'intérêt
national.
La politique en ce qui a trait aux aéroports a donc été
modifiée par rapport à ce qu'on avait envisagé initialement,
c'est-à-dire une simple vérification de nos dossiers, et elle a été
rendue conforme à la politique du gouvernement du Canada sur
la sécurité.
Q: On a donc décidé d'appliquer la politique du gouverne-
ment sur la sécurité aux enquêtes de sécurité dans les aéroports,
même dans le cas des employés du secteur privé?
R: Oui.
Q: Qui a pris cette décision? Où peut-on la trouver? Est-elle
consignée?
R: La décision a été prise au cours d'une réunion tenue, je
dirais, à l'automne 1987. Je n'étais pas présent à cette réunion
mais je sais qu'y assistaient un représentant de la haute direc
tion du Service, un représentant du Secrétariat du Conseil du
Trésor, du ministère des Transports et, je crois, du Bureau du
Conseil privé.
Si vous voulez savoir s'il existe un compte rendu officiel de
cette décision, il n'y en a pas, autant que je sache.
De toute évidence, de graves conséquences
découlent de l'impossibilité pour une personne
d'obtenir une autorisation de sécurité. Elle ne peut
pas travailler dans les zones en question. Dans bien
des cas, elle perdrait son emploi. M. Milmine, un
témoin que j'ai entendu, occupait un emploi de
préposé à l'acheminement des bagages depuis
vingt-huit ans au moment de l'instauration du
programme d'autorisation d'accès. S'il n'avait pu
obtenir de laissez-passer (il n'a pas été établi qu'il
n'avait pas pu), les conséquences auraient été
graves. Les conséquences découlant du refus de
l'autorisation se rapportent également «au consen-
tement» par lequel les employés autorisent le
SCRS à faire une enquête de sécurité à leur égard.
On peut certes parler de «consentement» véritable
dans le cas des candidats à un poste, mais beau-
coup moins dans le cas des employés actuels qui
perdraient leur emploi s'ils n'obtenaient pas de
laissez-passer.
Les ressortissants étrangers, autres que les
immigrants admis, travaillant dans les zones régle-
mentées ne sont pas assujettis à ce type d'enquête
de sécurité. D'après l'exposé conjoint des faits, les
renseignements , sur lesquels porterait une telle
enquête ne seraient pas fournis par tous les gouver-
nements étrangers. C'est leur employeur qui se
porte «garant» des ressortissants étrangers. En
outre, comme ils ont besoin d'un «permis de tra
vail» pour occuper un emploi au Canada, des con-
trôles des antécédents ont peut-être déjà été faits
sur l'ordre du ministère de l'Emploi et de l'Immi-
gration. En effet, un agent canadien des visas a
une entrevue, à l'étranger, avec les ressortissants
étrangers qui demandent un permis de travail et
ceux-ci sont tenus de fournir des renseignements
sur leurs antécédents personnels, dont des rensei-
gnements sur leur casier judiciaire. Si l'agent des
visas a des soupçons à l'égard d'une personne, il
entre en contact avec un agent de l'Immigration
du SCRS qui mènera une enquête. Au surplus, les
ressortissants de pays à «risque élevé» font plus ou
moins systématiquement l'objet d'une vérification
par le SCRS avant qu'un permis de travail leur
soit accordé. Enfin, l'avocat des défendeurs fait
observer qu'à leur arrivée au pays, les ressortis-
sants étrangers ont une entrevue avec un agent de
l'Immigration à la frontière.
Pouvoirs du SCRS
Le premier argument des demandeurs veut que
le SCRS ne soit pas investi par la loi du pouvoir de
mener l'enquête. Ils prétendent qu'aucun pouvoir
n'est conféré à cet égard par les dispositions du
paragraphe 13(1) de la Loi sur le Service canadien
du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21.
Les articles pertinents sont ainsi conçus:
12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement,
dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les
informations et renseignements sur les activités dont il existe
des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des
menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au
gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.
13. (1) Le Service peut fournir des évaluations de sécurité
aux ministères du gouvernement du Canada.
(2) Le Service peut, avec l'approbation du ministre, conclure
des ententes avec:
a) le gouvernement d'une province ou l'un de ses ministères;
b) un service de police en place dans une province, avec
l'approbation du ministre provincial chargé des questions de
police.
Ces ententes autorisent le Service à fournir des évaluations de
sécurité.
14. Le Service peut:
a) fournir des conseils à un ministre sur les questions de
sécurité du Canada,
b) transmettre des informations à un ministre sur des ques
tions de sécurité ou des activités criminelles,
dans la mesure où ces conseils et informations sont en rapport
avec l'exercice par ce ministre des pouvoirs et fonctions qui lui
sont conférés en vertu de la Loi sur la citoyenneté ou la Loi sur
l'immigration de 1976.
15. Le Service peut mener les enquêtes qui sont nécessaires
en vue des évaluations de sécurité et des conseils respectivement
visés aux articles 13 et 14.
16. (I) Sous réserve des autres dispositions du présent arti
cle, le Service peut, dans les domaines de la défense et de la
conduite des affaires internationales du Canada, prêter son
assistance au secrétaire d'État aux Affaires extérieures ou au
ministre de la Défense nationale, dans les limites du Canada, à
la collecte d'informations ou de renseignements sur les moyens,
les intentions ou les activités:
a) d'un État étranger ou d'un groupe d'États étrangers,
b) d'une personne qui n'est:
(i) ni un citoyen canadien,
(ii) ni un résident permanent au sens de la Loi sur l'immi-
gration de 1976,
(iii) ni une société commerciale ou corporation constituée
en vertu d'une loi fédérale ou provinciale.
42. (1) Les individus qui font l'objet d'une décision de
renvoi, de rétrogradation, de mutation ou d'opposition à enga
gement, avancement ou mutation prise par un administrateur
général pour la seule raison du refus d'une habilitation de
sécurité que le gouvernement du Canada exige doivent être
avisés du refus par l'administrateur général; celui-ci envoie
l'avis dans les dix jours suivant la prise de la décision.
(2) Dans le cas où, pour la seule raison du refus d'une
habilitation de sécurité que le gouvernement du Canada exige à
l'égard d'un individu, celui-ci ou une autre personne fait l'objet
d'une décision d'opposition à un contrat de fourniture de biens
ou de services à ce gouvernement, l'administrateur général
concerné envoie dans les dix jours suivant la prise de la décision
un avis informant l'individu, et s'il y a lieu l'autre personne, du
refus.
(3) Le comité de surveillance reçoit les plaintes et fait
enquête sur les plaintes présentées par:
a) les individus visés au paragraphe (1) à qui une habilitation
de sécurité est refusée;
b) les personnes qui ont fait l'objet d'une décision d'opposi-
tion à un contrat de fourniture de biens ou de services a été
refusé pour la seule raison du refus d'une habilitation de
sécurité à ces personnes ou à quiconque.
L'avocat des demandeurs soutient que le para-
graphe 13(1) n'autorise le SCRS à fournir des
évaluations de sécurité à un ministère du gouver-
nement du Canada qu'au sujet d'employés ou de
candidats à un poste du ministère ou à l'égard de
personnes (ou d'employés de personnes) qui pas-
sent un marché avec le ministère. Selon cet argu
ment, cette interprétation repose sur les données
suivantes: (1) le but et le contexte de l'adoption de
la Loi—en particulier, tels qu'ils ont été exposés
par le ministre responsable au cours des débats à la
Chambre des communes; (2) l'économie de la Loi,
y compris les dispositions dans lesquelles il est fait
expressément mention de certains ministères; (3)
les dispositions de l'article 42 touchant les enquê-
tes du comité de surveillance.
Il est difficile d'accepter la thèse qui veut que la
Loi ait pour objet de permettre au SCRS de
fournir des évaluations de sécurité seulement à
l'égard des personnes qui sont des employés ou des
candidats à un poste de l'Administration ou qui
ont un engagement contractuel de cet ordre. A
première vue, le champ d'application du paragra-
phe 13 (1) n'est pas restreint à ces personnes.
Les débats qu'on a cités ne corroborent pas, à
mon sens, la thèse des demandeurs. Même s'il est à
propos de les invoquer à l'appui de l'argument
présenté, les observations qu'on y trouve concer-
nent les «activités de renseignement de sécurité» et
non pas les «évaluations de sécurité» ou les autori-
sations de sécurité. Voici quelques passages des
débats:
Nous voulons restreindre le mandat de notre service de
sécurité afin que la portée de nos activités de renseignements de
sécurité soit plus clairement et plus minutieusement définie.
Nous voulons indiquer les pouvoirs précis que le service sera
autorisé à utiliser, et nous voulons préciser les conditions et les
limites de l'utilisation de ces pouvoirs. Nous voulons que ces
conditions soient définies dans un cadre détaillé qui assurera le
respect total de l'autorité de la loi, et nous voulons établir un
comité non gouvernemental et totalement indépendant qui sur-
veillera la justification des activités de renseignements de sécu-
rité et rendra compte régulièrement au solliciteur général du
Canada et au Parlement.
Le projet de loi a donc pour but, dans une large mesure, de
présenter une nouvelle gamme de garanties et de contrôles qui
n'existent pas actuellement pour protéger les droits des Cana-
diens contre des ingérences indues.
Il est clairement ressorti au début de la décennie que les
Canadiens intéressés par ces questions souhaitaient que le
solliciteur général soit parfaitement et en tout temps au courant
des activités du service du renseignement de sécurité et qu'il
assume la pleine responsabilité de chaque mandat émis par les
tribunaux pour enquêter sur des menaces envers la sécurité du
Canada. Le grand public et le comité sénatorial ont bien fait
valoir de cette façon qu'on peut espérer que le service rendra
convenablement compte de ses activités.
Il faut tout au moins faire savoir au nouvel organisme en
termes législatifs clairs et sans équivoque ce qu'il est censé
faire. C'est pourquoi le projet de mandat est une partie si
importante du projet de loi C-9. Le mandat sera la définition
par le Parlement de la portée et des limites des activités de
renseignement de sécurité. Il devra être pour les employés du
Service du renseignement de sécurité un guide définitif de leurs
fonctions et constituer également un point de référence claire
pour l'évaluation de l'efficacité et de la justesse des activités de
renseignement de sécurité.
Il ne doit faire aucun doute que les Canadiens sont assurés
du droit fondamental de manifester leur désaccord sur le plan
politique et de préconiser des changements radicaux dans les
moeurs, les programmes gouvernementaux ou les institutions
politiques sans faire l'objet de surveillance pour autant. La
commission McDonald décrit l'exercice de ce droit comme «le
nerf d'une démocratie dynamique» et nous ne saurions tolérer
un système qui menace d'en entraver l'exercice.
Pour éviter toutefois toute possibilité, si ténue soit-elle, de
fausse interprétation, nous avons précisé dans le projet de loi
que nul ne peut faire l'objet d'une enquête du Service unique-
ment parce qu'il a participé à des mouvements légitimes de
défense, de protestation ou d'opposition.
Je signale également que d'après la mission qui lui a été
confiée sous une forme remaniée dans le projet en discussion,
les services de sécurité ne sont autorisés à faire que les enquêtes
qui sont «strictement nécessaires» à la sécurité nationale. Donc,
cette mission doit s'interpréter au sens strict. Ce n'est que
lorsqu'il aura été démontré que ces enquêtes étaient nécessaires
à la sécurité nationale que les services chargés de cette mission
pourront en effectuer. [C'est moi qui souligne.]
(Canada, Débat de la Chambre des communes,
vol. II, 1984, aux pages 1272 1274 (10 février
1984).)
Les activités de renseignement de sécurité fai-
sant l'objet de ces débats ne peuvent pas, selon
moi, être assimilées aux enquêtes de sécurité qui
sont menées seulement au su et avec le «consente-
ment» de la personne évaluée. L'évaluation de
sécurité, nous l'avons vu, consiste à vérifier les
dossiers existants (casier judiciaire, dossiers du
SCRS et données des services d'informations
financières), plutôt qu'à rassembler des renseigne-
ments de sécurité. Une enquête sur place, le cas
échéant, peut constituer une activité hybride mais
je doute qu'il s'agisse de l'activité qu'on envisa-
geait dans les débats des Communes précités. De
toute façon, peu importe que les activités touchant
les habilitations de sécurité aient ou non été envi
sagées dans les débats, puisque j'estime que le
libellé du paragraphe 13 (1) n'est pas ambigu. La
teneur même des débats indique que le mandat qui
serait confié au SCRS serait défini en «termes
législatifs clairs et sans équivoque». Le texte du
paragraphe 13(1) est tout à fait clair et sans
équivoque. À première vue, il n'est pas limité de la
manière avancée par l'avocat.
Ce dernier affirme qu'il ressort de l'économie de
la Loi que le paragraphe 13(1) ne vise que les
employés actuels ou les candidats à un poste de
l'Administration ou encore les personnes ayant
passé ou souhaitant passer un marché avec l'Admi-
nistration parce que, lorsque le législateur entend
élargir la portée des pouvoirs conférés, cette inten
tion est exprimée explicitement. Par exemple, l'ali-
néa 14b) donne au SCRS le pouvoir de transmet-
tre des informations aux ministres exerçant des
pouvoirs et des fonctions qui leur sont conférés en
vertu de la Loi sur la citoyenneté [S.C. 1974-
75-76, chap. 108] ou la Loi sur l'immigration de
1976 [S.C. 1976-77, chap. 52]. En outre, l'article
16 interdit expressément au SCRS de fournir des
renseignements, au sujet de citoyens canadiens, au
ministre de la Défense nationale ou au secrétaire
d'État aux Affaires extérieures. À mon avis,
aucune de ces dispositions ne corrobore la thèse
des demandeurs. L'article 14 ne porte pas sur les
autorisations de sécurité. L'alinéa 14a) a pour
objet les conseils fournis à un ministre sur les
questions de sécurité («Le Service peut fournir des
conseils à un ministre») et l'alinéa 14b) autorise le
SCRS à transmettre des informations aux minis-
tres en cause sur des questions de sécurité ou des
activités criminelles («le Service peut transmettre
des informations à un ministre»). Aux termes de
l'article 16, le Service peut «prêter son assistance
... à la collecte d'informations» (c'est moi qui
souligne) sur l'ordre de ministres nommés, peu
importe que les informations intéressent la sécu-
rité. L'article 13, je le répète, porte sur un autre
type d'activité. Il est ainsi libellé: «le Service peut
fournir des évaluations de sécurité» (c'est moi qui
souligne.). Les articles 13, 14 et 16 ont tous pour
objet des activités distinctes. Se servir des restric
tions énoncées aux articles 14 et 16 pour interpré-
ter de façon restrictive l'article 13 n'est pas, à mon
sens, une méthode persuasive d'interprétation des
lois.
Selon le troisième argument de l'avocat des
demandeurs, il faut donner une interprétation res
trictive au paragraphe 13(1) parce que le méca-
nisme d'examen, prévu à l'article 42, ne s'applique
qu'aux personnes qui sont des employés ou des
candidats à un poste de l'Administration ou qui
ont passé ou souhaitent passer un marché avec un
ministère. Ces personnes ont le droit de saisir le
Comité de surveillance des activités de renseigne-
ment de sécurité (CSARS) du refus de l'habilita-
tion de sécurité. Ce Comité est constitué en vertu
de l'article 34 de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité et il est composé de
membres qui sont indépendants du SCRS et indé-
pendants des ministères.
Il n'y a pas de doute que l'article 42 est limité
comme on le soutient. Le SCRS ne fait enquête
que sur les plaintes des employés, des candidats à
un poste et des personnes ayant passé ou souhai-
tant conclure un marché avec le gouvernement.
C'est donner une interprétation trop large du para-
graphe 13(1) que d'affirmer qu'en raison du
champ d'application limité de l'article 42, il y a
lieu de limiter également le paragraphe 13(1). Je
ne crois pas que l'on puisse ainsi recourir à
l'article 42.
Quant aux dispositions de l'article 42 touchant
les enquêtes sur les plaintes, le Comité de surveil
lance des activités de renseignement de sécurité a
fait remarquer, dans son Rapport annuel 1988-89,
aux pages 68 et 69, que le champ d'application du
processus d'examen prévu à l'article 42 était
lacunaire:
Habilitations de sécurité
Sans habilitation de sécurité, toute personne perd des chances
d'emploi tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
La Loi sur le SCRS n'autorise l'intéressé à présenter une
plainte au Comité (article 42) que dans certains cas.
Premièrement, il faut que l'intéressé ait fait l'objet d'une
décision de renvoi, de rétrogradation, de mutation ou d'opposi-
tion à un engagement, avancement ou mutation ou encore à un
contrat de fournitures ou de services à l'État du seul fait de
n'avoir pas obtenu l'habilitation de sécurité nécessaire. Comme
nous le disions dans notre rapport annuel de 1987-1988 (page
60), l'article est actuellement formulé de façon telle que si
quelqu'un est écarté d'un emploi ou alors congédié par un
entrepreneur fédéral pour supprimer un obstacle à l'obtention
d'un marché avec l'Etat, cette personne n'a pas de véritable
recours. En outre, si l'intéressé n'a pas l'habilitation de sécurité
nécessaire pour avoir accès à certaines installations fédérales,
par exemple un aéroport, il ne lui est pas possible d'avoir
l'emploi désiré et dans ce cas, il n'a pas non plus de recours
auprès du Comité.
Nous estimons que toute personne à qui une habilitation de
sécurité est refusée devrait avoir le droit de porter plainte
auprès du Comité de surveillance. Il ne devrait pas y avoir de
catégories de Canadiens ou d'immigrants reçus qui, pour une
même raison, ont le droit de porter plainte auprès du Comité
tandis que d'autres n'ont pas ce droit. Dans le monde d'aujour-
d'hui, ne pas avoir son habilitation de sécurité se répercute
immédiatement sur l'emploi et, à long terme, affecte les chan
ces d'emploi.
Quoi qu'il en - soit, outre les répercussions sérieuses qu'un refus
d'habilitation de sécurité a sur les chances d'emploi, la loyauté
d'un citoyen canadien ou d'un immigrant reçu ne devrait jamais
être remise en cause au point qu'une habilitation de sécurité lui
soit refusée sans que l'intéressé n'ait automatiquement le droit
d'exiger que le Comité de surveillance fasse enquête sur son
cas.
Les modifications que nous proposons donneraient à tout
citoyen canadien ou immigrant reçu le droit d'exiger une
enquête du Comité de surveillance au niveau requis.
16. Nous recommandons que les paragraphes 42(1) et
(2) soient abrogés et remplacés par la disposition suivante:
«42.(1) Lorsqu'une habilitation de sécurité exigée, pour
n'importe quel motif, par le gouvernement du Canada est
refusée à quelqu'un ou lui est accordée à un niveau inférieur
au niveau nécessaire ou qu'elle est ramenée à un niveau
inférieur au niveau nécessaire, l'administrateur général ou la
personne qui a pris cette décision doit, dans les dix jours
suivant la prise de la décision, envoyer à l'intéressé un avis
l'informant qu'une habilitation de sécurité du niveau requis
lui a été refusée et qu'il a le droit, en vertu du présent article,
d'en appeler de cette décision auprès du Comité de surveil
lance des activités de renseignement de sécurité.»
Il faudrait apporter quelques modifications corrélatives au reste
de l'article 42.
Le Comité de surveillance des activités de rensei-
gnement de sécurité avait déjà fait une recomman-
dation semblable dans son Rapport annuel de
l'exercice précédent, 1987-88, à la page 60.
L'avocat des défendeurs soutient que le texte du
paragraphe 13(1) est clair et sans équivoque et
qu'il autorise le SCRS à mener des enquêtes de
sécurité à la demande d'un ministère du gouverne-
ment du Canada. D'après lui, il est nécessaire que
le SCRS soit investi de pouvoirs aussi larges parce
qu'il est parfois important de fournir des évalua-
tions de sécurité à l'égard de personnes qui ont
accès à des documents ou à des biens de l'Etat de
nature délicate, mais qui ne sont pas des employés,
des candidats à un poste ni des personnes ayant
passé ou souhaitant conclure un marché avec un
ministère.
À mon avis, le paragraphe 13(1) est rédigé de
manière claire et sans équivoque. Il confère au
SCRS les pouvoirs plus larges dont l'avocat a
excipé. Dans la mesure où l'habilitation de sécurité
est demandée de bonne foi par le ministère et est
accompagnée de l'autorisation voulue, le SCRS a
le pouvoir de conduire l'enquête et de fournir
l'évaluation demandée. Cette solution vaut même
si la personne à l'égard de laquelle l'habilitation de
sécurité est demandée n'est pas un employé, ni un
candidat à un poste, ni une personne qui a passé ou
qui souhaite conclure un marché avec le gouverne-
ment.
Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodro-
mes—Sous-délégation illégale
Le programme de vérification de sécurité qui
fait l'objet du litige est exposé dans un document
intitulé «Programme d'autorisation d'accès aux
zones réglementées d'aéroport». Ce document est
censé avoir été publié conformément au pouvoir
dont le ministre est investi en vertu des paragra-
phes 4(2) et (3) du Règlement sur les mesures de
sûreté aux aérodromes. Ces paragraphes sont
censés avoir été pris en vertu de l'alinéa 3.7(2)c)
de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap.
A-3, modifiée par S.C. 1985, chap. 28, art. 1.
L'alinéa 3.7(2)c) de la Loi sur l'aéronautique
est ainsi libellé:
3.7...
(2) En vue de protéger les aéronefs et leurs passagers et
équipages, les aérodromes et autres installations aéronautiques,
de prévenir les atteintes illicites à l'aviation civile et de prévoir
des mesures efficaces lorsque de telles atteintes surviennent ou
risquent de survenir, le gouverneur en conseil peut, par
règlement:
c) imposer aux exploitants d'aérodromes et aux personnes
qui y exercent des activités de prendre et de mettre en
œuvre, aux aérodromes et dans les installations aéronauti-
ques dont ils sont responsables, qu'elles soient situées ou
non à ces aérodromes, les mesures de sûreté que peuvent
prescrire les règlements ou que le ministre peut approuver
à ces fins conformément aux règlements. [Non souligné
dans le texte original.]
Les dispositions pertinentes du Règlement sur-les
mesures de sûreté aux aérodromes (DORS/87-
452, 30 juillet 1987) sont ainsi conçues:
4. (1) L'exploitant de l'aérodrome doit prendre et mettre en
œuvre à l'aérodrome les mesures de sûreté que le ministre a
approuvées en fonction du niveau de menace à la sûreté qui
existe à cet aérodrome.
(2) Le ministre peut, à l'égard d'un aérodrome, approuver
les mesures de sûreté suivantes:
a) l'établissement des zones réglementées et l'utilisation de
l'équipement, des installations et des procédures visant à
empêcher l'accès non autorisé à ces zones, notamment:
(i) l'emplacement des zones réglementées,
(ii) les enceintes,
(iii) les systèmes de contr8le d'accès,
(iv) les laissez-passer, les systèmes d'identification du per
sonnel et les procédures d'attribution de cote de sûreté,
(y) les laissez-passer destinés aux véhicules circulant dans
les zones réglementées et les systèmes d'identification,
(vi) l'emplacement et le libellé des panneaux d'identifica-
tion des zones réglementées,
(vii) les procédures utilisées dans les zones réglementées
pour empêcher que des personnes non contrôlées aient
accès aux personnes contrôlées;
(3) Le ministre peut approuver toute autre mesure de sûreté
qu'il juge nécessaire afin de prévenir les atteintes illicites à
l'aviation civile et de prévoir des mesures efficaces lorsque de
telles atteintes surviennent ou risquent de survenir. [Non souli-
gné dans le texte original.]
Les demandeurs soutiennent que les paragra-
phes (2) et (3) de l'article 4 du Règlement sur les
mesures de sûreté aux aérodromes, dans la mesure
où ils sont censés conférer au ministre le pouvoir
d'approuver les mesures de sûreté, sont invalides.
Selon cette thèse, ces paragraphes constitueraient
une sous-délégation illégale: ils ne renfermeraient
qu'une énumération des sujets à l'égard desquels le
ministre peut approuver des mesures de sûreté. Cet
argument veut qu'il s'agisse d'une sous-délégation
illégale parce que le gouverneur en conseil n'est
pas habilité par la Loi à sous-déléguer ce pouvoir.
L'alinéa 3.7(2)c) autorise le gouverneur en conseil
lui-même à prendre des règlements relatifs aux
mesures de sûreté et non pas à sous-déléguer ce
pouvoir au ministre. L'avocat s'est référé aux
textes suivants: de Smith, Judicial Review of
Administrative Action, 3 e éd., Londres, Stevens &
Sons Ltd., 1973, aux pages 263 269; Brant Dairy
Co. Ltd. et autre c. Milk Commission of Ontario
et autre, [1973] R.C.S. 131, aux pages 146 et 147;
Institut canadien des compagnies immobilières
publiques et autres c. Corporation de la ville de
Toronto, [1979] 2 R.C.S. 2; Vic Restaurant v. The
City of Montreal, [1959] R.C.S. 58, aux pages 82,
99 et 100; et Air Canada c. Cité de Dorval, [1985]
1 R.C.S. 861.
J'admets cet argument. C'est au gouverneur en
conseil que l'alinéa 3.7(2)c) confère le pouvoir. Il
est habilité à mettre les exploitants d'aérodromes
et les personnes exerçant des activités aux aérodro-
mes dans l'obligation de prendre certaines mesu-
res. Il peut obliger ces personnes à mettre en
oeuvre les mesures de sûreté prescrites par règle-
ment et les mesures de sûreté approuvées par le
ministre «conformément aux règlements». Si l'on
avait eu l'intention d'autoriser le gouverneur en
conseil, à l'alinéa 3.7(2)c), à préciser les fins aux-
quelles le ministre peut prendre des mesures de
sûreté, je pense qu'on aurait rédigé cet alinéa avec
plus de clarté. Par exemple, on aurait dit expressé-
ment que «le ministre peut, par des directives,
prendre des mesures de sûreté aux fins prescrites
par règlement» ou «le ministre peut approuver des
mesures de sûreté aux fins prescrites par règle-
ment». Voir, par exemple, à cet égard, les disposi
tions du paragraphe 3.4(2) de la Loi, qui habilitent
le gouverneur en conseil à sous-déléguer son pou-
voir au ministre.
L'alinéa 3.7(2)c) ne confère pas de pouvoir au
ministre mais il renvoit au pouvoir que le ministre
est présumé avoir. Le renvoi est exprimé par les
termes «les mesures de sûreté que peuvent pres-
crire les règlements ou que le ministre peut
approuver à ces fins conformément aux règle-
ments». J'interprète ce passage comme signifiant
que le ministre ne peut exercer le pouvoir d'ap-
prouver des mesures de sûreté pour l'application de
l'alinéa 3.7(2)c) qu'en conformité avec les disposi
tions réglementaires énoncées par le gouverneur en
conseil. Je n'interprète pas ce renvoi comme suppo-
sant un pouvoir plus large dont serait investi le
ministre. A mon avis, l'avocat des demandeurs
soutient à bon droit que l'alinéa 3.7(2)c) a pour
objet un cadre réglementaire dans lequel le minis-
tre doit exercer son pouvoir. Dans l'expression «les
mesures de sûreté ... que le ministre peut approu-
ver à ces fins», j'interprète les mots «à ces fins»
comme une condition dont le pouvoir du ministre
est assorti. Je crois que cette expression vise les
fins des règlements. Je n'interprète pas les mots «à
ces fins» comme un renvoi à la première partie du
paragraphe 3.7(2). Cette expression serait redon-
dante si elle devait être interprétée de cette
manière.
J'estime, par conséquent, que les paragraphes
4(2) et (3) du Règlement sur les mesures de
sûreté aux aérodromes, DORS/87-452, sont ultra-
vires car ils dépassent le pouvoir conféré au gou-
verneur en conseil par l'alinéa 3.7(2)c) de la Loi.
Cette conclusion est peut-être suffisante pour tran-
cher le litige en l'espèce, étant donné que le Pro-
gramme d'autorisation d'accès aux zones régle-
mentées d'aéroport a été établi conformément aux
paragraphes 4(2) et (3). Il se peut en effet qu'en
raison de l'invalidité de ces paragraphes, toute
mesure prise en vertu d'un pouvoir censé conféré
par ceux-ci soit également ultra vires. Néanmoins,
je vais examiner les autres arguments avancés.
Loi sur l'aéronautique—Pouvoirs ministériels
Même si les paragraphes 4(2) et (3) du Règle-
ment sur les mesures de sûreté aux aérodromes
sont ultra vires, il faut se demander si le ministre,
indépendamment de tout pouvoir dont il est censé
investi aux termes de ces paragraphes, peut exiger
l'observation des prescriptions touchant les autori-
sations de sécurité. Il s'agit de décider si le minis-
tre est investi, en vertu des dispositions de la Loi
elle-même, de pouvoirs administratifs ou législatifs
l'habilitant à assujettir les demandeurs aux exigen-
ces du programme de vérification de sécurité. Si je
ne m'abuse, l'argument à cet égard repose sur le
paragraphe 3.7(4) de la Loi sur l'aéronautique. Il
est nécessaire de reproduire les versions française
et anglaise de ce paragraphe parce que, de prime
abord, elles semblent différer:
3.7 .. .
(4) Aux fins énoncées au paragraphe (2), le ministre peut
prendre et mettre en oeuvre, aux aérodromes, à bord des
aéronefs et à l'égard des installations ou services aéronautiques,
les mesures de sûreté que le gouverneur en conseil peut, par
règlement, prescrire ou celles que lui-même estime nécessaires.
Ces mesures peuvent s'ajouter ou se substituer à celles visées au
paragraphe (2).
Le paragraphe 3.7(4) confère un pouvoir au
ministre. Il est nécessaire d'examiner la portée et
la nature de ce pouvoir. Le pouvoir conféré est
celui de prendre ou de mettre en oeuvre certains
types de mesures de sûreté, et non pas celui de
prescrire (par règlement ou par un autre texte de
nature législative), les mesures que d'autres per-
sonnes peuvent imposer ou que le ministre peut
imposer lui-même. On pourrait conclure d'une lec
ture superficielle du paragraphe 3.7(4), en particu-
lier de sa version française, qu'il semble attribuer
au ministre le pouvoir de prendre des mesures de
sûreté d'ordre administratif dont la portée serait
égale à celles que pourrait prescrire par règlement
le gouverneur en conseil. Cette conclusion ne con-
corde cependant pas avec les autres dispositions de
la Loi. Par exemple, le paragraphe 3.3(1) habilite
le ministre à sous-déléguer à la GRC ou à toute
personne les pouvoirs que lui confère la Loi. Il est
difficile de conclure qu'une sous-délégation d'une
portée aussi large aurait été prévue si les pouvoirs
du ministre en vertu du paragraphe 3.7(4) avaient
la même étendue que les pouvoirs réglementaires
du gouverneur en conseil.
Je le répète, les versions anglaise et française du
paragraphe 3.7(4) diffèrent. Elles ont également
force de loi. On trouve dans la version anglaise de
ce paragraphe les mots «for those purposes»,
comme dans la version anglaise de l'alinéa
3.7(2)c). Ces mots conditionnent les pouvoirs du
ministre, tant au paragraphe 3.7(4) qu'à l'alinéa
3.7(2)c). Je ne pense pas que ces mots, dans l'une
ou l'autre de ces dispositions, renvoient aux fins
énoncées dans la première partie de la disposition,
c'est-à-dire protéger les aéronefs et leurs passagers
et équipages, etc. C'est d'autant plus manifeste
dans le cas du paragraphe 3.7(4) que les premiers
mots qui y sont employés conditionnent tout ce qui
suit en renvoyant à la première partie du paragra-
phe 3.7(2). Un second renvoi serait redondant.
J'interprète les mots «necessary for those purpo
ses» comme signifiant que le ministre a le pouvoir
de prendre les mesures qu'il estime nécessaires en
vue de la mise en œuvre des mesures de sûreté
prescrites par règlement.
Naturellement, cette condition ne figure pas
dans la version française. Celle-ci mentionne sim-
plement le fait que les mesures que peut prendre le
ministre peuvent s'ajouter ou se substituer à celles
qui frappent les exploitants d'aérodromes aux
termes de l'alinéa 3.7(2)c). À ce propos, il ressort
clairement, à mon sens, de l'historique de ce texte
de loi qu'il doit être interprété comme suit: le
gouverneur en conseil établit d'abord par règle-
ment les règles générales devant régir les mesures
de sûreté qui seront prises. Les exploitants d'aéro-
dromes, ou les propriétaires ou utilisateurs d'aéro-
nefs, selon le cas, peuvent alors être tenus de
mettre en oeuvre ces mesures de sûreté. Subsidiai-
rement, le paragraphe 3.7(4) autorise le ministre à
mettre en œuvre les mesures de sûreté établies par
règlement.
Avant 1973, il n'existait pas de règlement relatif
à la sûreté des aérodromes ou des transports
aériens. La Loi sur l'aéronautique a été modifiée
en juillet 1973 (Loi modifiant la Loi sur l'aéro-
nautique, S.C. 1973-74, chap. 20) par insertion de
l'article 5.1. C'est la disposition qui a précédé
l'article 3.7. L'article 5.1 s'appliquait seulement
aux propriétaires et exploitants d'aéronefs (et non
pas aux exploitants d'aérodromes):
5.1 (1) Le gouverneur en conseil peut établir, pour la pro
tection des passagers, des équipages et des aéronefs, des règle-
ments imposant aux propriétaires ou exploitants d'aéronefs
immatriculés au Canada de prendre et d'exercer, aux aérodro-
mes et dans les aéronefs, les mesures de sécurité que peuvent
prescrire les règlements en ce qui concerne la surveillance,
l'inspection et la fouille des personnes, des effets personnels, des
bagages, des biens et du fret.
(2) Afin de protéger les passagers, les équipages et les
aéronefs, le Ministre peut, à l'égard des envolées effectuées à
partir des aérodromes du Canada, prendre et exercer, aux
aérodromes et dans les aéronefs, au lieu ou en plus de celles qui
sont imposées en application du paragraphe (1), les mesures de
sécurité qui peuvent être prescrites par règlement du gouver-
neur en conseil en ce qui concerne la surveillance, l'inspection
et la fouille des personnes, des effets personnels, des bagages,
des biens et du fret.
C'est au moyen du projet de loi C-128, que le
législateur a inséré ces modifications afin d'autori-
ser la fouille des personnes et des bagages avant
qu'elles ne montent à bord des aéronefs. et que
leurs bagages y soient placés. Il n'est pas sans
intérêt de lire les commentaires faits par les dépu-
tés de l'opposition au moment de la deuxième
lecture du projet de loi C-128. Ces derniers, tout
en souhaitant l'adoption du projet de loi, esti-
maient important qu'une telle atteinte à la vie
privée des citoyens canadiens ne soit autorisée que
par un texte de loi (Canada, Débats de la Cham-
bre des communes, vol. III, 1973, aux pages 3446
et 3447).
Le cinquième rapport du Comité permanent des
transports et des communications de la Chambre
des communes contient le rapport de l'étude du
projet de loi C-128. Il révèle les vives inquiétudes
des membres du comité au sujet du coût des
mesures de sécurité et de la manière de le recou-
vrer. Ainsi, les dispositions législatives proposées
habilitaient le gouverneur en conseil à prendre des
règlements obligeant les propriétaires et les exploi-
tants d'aéronefs à prendre et à exercer des mesures
de sécurité, c'est-à-dire à les forcer à les prendre à
leurs frais. Toutefois, si les exploitants n'obser-
vaient pas les règlements ou si leurs mesures
n'étaient pas jugées satisfaisantes par le ministre,
celui-ci aurait le pouvoir de mettre lui-même en
oeuvre les mesures de sécurité voulues. Cela ressort
clairement des débats du Sénat et des Communes
relativement à une autre modification apportée à
la Loi, dans le projet de loi S-34. Aux termes de ce
projet adopté en juin 1976 [S.C. 1974-75-76, chap.
100], les paragraphes 5.1(1) et (2) de la Loi sur
l'aéronautique précités ont été abrogés et rempla-
cés par des dispositions d'une portée équivalente
mais imposant également des obligations aux pro-
priétaires et utilisateurs d'aéronefs immatriculés à
l'étranger (l'alinéa 3.7(2)b) actuel). Voir à ce sujet
les Débats du Sénat du 18 mai 1976 à la page
2131.
Après qu'eurent été apportées les modifications
de 1973 et 1976, les dispositions relatives aux
mesures de sûreté sont restées telles quelles jus-
qu'au 28 juin 1985. À ce moment-là, le libellé
actuel de l'article 3.7 a été adopté. Par suite de
cette modification, la portée des obligations a été
élargie de sorte qu'il est possible d'obliger les
exploitants d'aérodromes et les personnes qui y
travaillent à mettre en oeuvre des mesures de
sûreté. En outre, est abolie la restriction exprimée
par les termes «en ce qui concerne la surveillance,
l'inspection et la fouille des personnes, des effets
personnels, des bagages, des biens et du fret». Mais
rien ne porte à croire que la modification du libellé
avait pour but d'attribuer au ministre le pouvoir de
prendre des mesures de sûreté au moyen de
directives.
À mon avis, le paragraphe 3.7(4) autorise le
ministre à mettre en oeuvre les mesures de sûreté
qui ont été prescrites par règlement ainsi que les
autres mesures accessoires qu'il estime nécessaires
pour l'application des règlements, mais il n'habilite
pas le ministre à établir, au moyen de directives, ce
qui, en vertu de la loi, doit être prescrit par le
gouverneur en conseil, par règlement.
Directives ministérielles—Nulles en raison de
leur caractère incertain—discriminatoires—ultra
vires?
Le Programme d'autorisation d'accès aux zones
réglementées d'aéroport, que le ministre a établi,
est entré en vigueur le 30 septembre 1987. Comme
nous l'avons vu, le programme est censé avoir été
établi conformément au Règlement sur les mesu-
res de sûreté aux aérodromes. Voici les passages
pertinents de ce document:
1. Une étude sur la sûreté des aéroports et des transporteurs
aériens, complétée en septembre 1985, recommandait que
toutes les personnes qui doivent avoir accès aux zones régle-
mentées d'aéroport ou un aéronef fassent l'objet d'une vérifica-
tion de casiers judiciaires et des indices de sécurité. Il était
également recommandé que dans le cas de ressortissants étran-
gers, un dirigeant de la société représentée s'en porte garant.
2. Le règlement sur la sûreté d'aérodrome confère au Ministre
des Transports le pouvoir d'approuver des mesures de sécurité
relatives à l'emplacement des zones réglementées, aux laissez-
passer pour zones réglementées, à des systèmes d'identification
du personnel et à toute procédure d'autorisation connexe. Les
exigences du Programme d'Autorisations d'Accès aux Zones
Réglementées d'Aéroport (PAAZRA) telles que décrites dans ce
document sont des mesures de sûreté approuvées en vertu du
Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodromes.
POLITIQUE
5. Toutes les personnes détenant un laissez-passer permanent
pour zones réglementées d'aéroport (ex.: un laissez-passer autre
que «temporaire» ou de «visiteur») doivent, comme condition
pour l'obtention d'un laissez-passer, faire l'objet de vérification
de casiers judiciaires et des indices de sécurité.
MODALITÉS
10. Toutes les demandes d'autorisation d'accès aux zones régle-
mentées proviennent du Directeur général régional aéroports ou
du Gestionnaire (général) de l'aéroport et sont traitées unique-
ment par le: Directeur, Renseignements, SECOM et Perfection-
nement en sécurité (ABB) Transports Canada .. .
11. La remise et le renouvellement des laissez-passer perma
nents se fait de la manière suivante:
a) Nouveaux requérants—aucun laissez-passer ne doit être
émis jusqu'à ce que l'autorisation de l'accès aux zones régle-
mentées d'aéroport soit approuvée par ABB. Un laissez-pas
ser temporaire de zones réglementées peut être émis aux
nouveaux requérants pourvu qu'ils fassent l'objet de contrôles
de sécurité.
b) Renouvellement des laissez-passer permanents—les lais-
sez-passer permanents peuvent être renouvelés à condition
que le titulaire ait complété les documents requis permettant
ainsi les vérifications de sécurité par ABB. Les laissez-passer
renouvelés peuvent être révoqués suite au résultat des vérifi-
cations de casiers judiciaires et des indices de sécurité.
c) Un laissez-passer permanent pour zones réglementées ne
peut être émis aux personnes qui refusent de compléter les
documents nécessaires.
12. Les ressortissants étrangers employés aux aéroports cana-
diens par des sociétés ou un gouvernement étranger peuvent
recevoir un laissez-passer permanent pourvu que la demande de
laissez-passer soit accompagnée d'une lettre signée par un
membre de la haute direction de la société ou du gouvernement
étranger qui se porte garant du requérant. En sus de la
demande, le requérant devra fournir une copie du formulaire,
Immigration 1102, 1208, 1263 ou 1264 lequel contient les
détails sur les conditions d'entrée au Canada, sa période de
validité et peut indiquer si l'emploi est autorisé.
13. L'autorisation d'accès pour zones réglementées d'aéroports
doit être mise à jour au moins une fois tous les cinq ans ou plus
souvent, s'il y a motif particulier qu'aura approuvé le ABB. Les
gestionnaires/superviseurs sont requis de rapporter immédiate-
ment à ABB, tout incident qui pourrait avoir un impact sur
l'aptitude d'une personne de détenir un laissez-passer de zones
réglementées.
ROLES ET RESPONSABILITÉS
15. Suit l'attribution des rôles et des responsabilités:
a. Directeur des Programmes de politique, planification et
législation en matière de sécurité (ABA)
Établit et modifie toutes les politiques, normes et législation
ayant trait au système de laissez-passer pour zones réglemen-
tées d'aéroport et des procédures reliées aux autorisations de
sécurité.
b. Directeur, Renseignement—SECOM et Perfectionnement
en sécurité (ABB)—
Élabore et modifie les modalités, coordonne et contrôle le
programme de vérification de sécurité. Communique avec les
organismes nationaux pour satisfaire aux exigences d'en-
quête. A la suite de l'examen des renseignements obtenus
concernant un individu et de la consultation si nécessaire du
gestionnaire compétent, détermine si son embauche ou une
affectation particulière comporte des risques à l'approbation
de l'autorisation d'accès aux zones réglementées d'aéroport.
Les recommandations relatives au refus d'accorder l'autori-
sation d'accès aux zones réglementées d'aéroport seront sou-
mises au Conseil de surveillance des autorisations de sécurité
de Transports Canada. Le conseil examinera tous les rensei-
gnements obtenus et accordera l'autorisation d'accès aux
zones réglementées d'aéroports ou recommandera au Sous-
ministre que celle-ci soit refusée. Informe le Directeur géné-
ral régional Aéroports ou le Gestionnaire (général) de l'aéro-
port, des résultats selon le cas.
c. Directeur général régional Aéroports et Gestionnaire
(général) d'aéroport
Établit et met en oeuvre le Programme d'autorisation d'accès
aux zones réglementées d'aéroport, identifie les postes à
l'aéroport qui ont besoin d'une vérification sécuritaire sous ce
programme et s'assure que ce besoin est noté sur chaque
demande de dotation avant que celle-ci soit soumise au
GRAP. Obtient la documentation voulue des personnes qui
doivent pénétrer dans les zones réglementées, fournit de
l'aide ou des conseils au sujet de cas inhabituels et applique
les décisions rendues par le ABB, le AB ou le Sous-ministre.
Dans les cas où une autorisation d'accès aux zones réglemen-
tées est refusée ou révoquée, avise l'employé de son droit
d'appel, assigne temporairement d'autres tâches à l'employé,
fait son possible pour trouver un autre emploi dans la même
localité, soit à l'aéroport ou au sein du ministère, demande
avis et conseils au gestionnaire régional de l'Administration
du personnel.
FORMULES
17. Tous les requérants d'un laissez-passer permanent de zones
réglementées doivent présenter une demande complétée de
laissez-passer ... compléter la «Formule de renseignements
personnels—Personnel des aéroports» ... fournir leurs emprein-
tes digitales ... et signer la formule de «Consentement de
divulgation de renseignements personnels» du Conseil du Trésor
.... Ces renseignements sont régis par les dispositions de la Loi
sur la protection des renseignements personnels. Le ABB a
besoin d'une copie de chaque formule pour effectuer les vérifi-
cations de sécurité ...
REFUS/RÉVOCATION
25. Les renseignements défavorables sur les requérants ou les
détenteurs d'un laissez-passer aux zones réglementées d'aéro-
port seront examinés par le Conseil de surveillance des autori-
sations de sécurité de Transports Canada, pour décision concer-
nant le refus ou la révocation du laissez-passer par le
Sous-ministre, Transports Canada.
MESURES DE REDRESSEMENT
26. Une personne employée du gouvernement fédéral, candi
date à un poste avec le gouvernement fédéral- et un entrepre
neur qui fait affaire avec le gouvernement fédéral, qui ne sont
pas satisfaits de la décision rendue par le Sous-ministre, peu-
vent faire appel auprès du Comité de surveillance des activités
du renseignement de sécurité, comme le précise l'article 42 de
la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
[Texte du paragraphe 26 tel qu'il a été modifié en date du 30
août 1988.] [Non souligné dans le texte original.]
Les demandeurs sont offusqués par le Pro
gramme d'autorisation d'accès aux zones régle-
mentées d'aéroport parce que la plupart des élé-
ments essentiels qu'ils estiment gênants n'y sont
pas exprimés explicitement: ils sont tenus de four-
nir leurs empreintes digitales; on applique à leur
égard une norme d'habilitation de sécurité établie
à d'autres fins; on a demandé au SCRS de faire les
enquêtes de sécurité et il peut à cette fin avoir une
entrevue avec leur employeur, leurs ex-employeurs,
leurs amis et leurs voisins; la GRC est chargée de
faire une évaluation; le SCRS conserve leurs
empreintes digitales dans ses dossiers (pendant
toute la durée de leur emploi). Ils sont assujettis à
toutes ces exigences qui ne sont énoncées expressé-
ment ni dans la loi, ni dans les règlements, ni dans
les directives du ministre.
Par surcroît, les demandeurs se plaignent de ce
que des aspects fondamentaux du processus d'en-
quête puissent être modifiés à volonté. Parmi les
éléments qui pourraient être ainsi modifiés, sans
même qu'on touche aux directives du ministre, on
compte les suivants: les normes auxquelles il faut
satisfaire pour obtenir l'habilitation de sécurité; la
décision de se conformer ou non à la norme établie
dans la politique du gouvernement sur la sécurité;
si l'on se conforme à la politique du gouvernement,
le niveau d'habilitation de sécurité qui sera retenu;
la participation du SCRS; la façon de disposer des
copies des empreintes digitales et les dossiers dans
lesquels elles seront conservées; le droit d'une per-
sonne de savoir pourquoi l'habilitation de sécurité
lui a été refusée; la possibilité pour la personne à
qui a été refusée l'habilitation de sécurité (si elle
n'est pas un employé du gouvernement ou un
candidat à un poste du gouvernement) de réfuter
les motifs justifiant le refus; si le droit au réexa-
men est accordé, l'organisme ou le groupe de
personnes qui sera chargé de cet examen.
Les demandeurs soutiennent que si les modalités
de l'enquête avaient été énoncées dans un règle-
ment, elles auraient à tout le moins fait l'objet
d'une certaine vérification avant d'être décrétées.
Ils font observer que, le 6 mars 1986, le gouverne-
ment a publié le Code du citoyen: équité en
matière de réglementation, dont voici un extrait:
La réglementation gouvernementale restreint les libertés indivi-
duelles. Dans une société démocratique, le citoyen doit être
informé des décisions de réglementation et doit pouvoir partici-
per au processus décisionnel. En outre, il a le droit de connaître
la politique et les critères applicables à l'exercice du pouvoir de
réglementation afin d'être en mesure de «contrôler ceux qui
contrôlent* les organes de réglementation et de juger de la
performance du gouvernement à cet égard.
2. Le gouvernement encouragera et facilitera la consultation et
la participation entières des Canadiens au processus de régle-
mentation fédéral.
3. Le gouvernement fournira aux Canadiens un préavis suffi-
sant des projets de, réglementation.
6. Les règles, les sanctions, les mécanismes et les décisions des
organes de réglementation auront un fondement juridique
solide. [Non souligné dans le texte original.]
Le Code du citoyen: équité en matière de régle-
mentation n'a bien sûr pas force de loi. C'est une
simple exhortation. Il n'est pas d'un grand secours
pour les demandeurs.
Pour répondre aux demandeurs qui se réfèrent
au Code et qui soutiennent que, si les modalités
d'enquête avaient été énoncées dans un texte légis-
latif (loi ou règlement), elles auraient fait l'objet
d'un examen plus rigoureux, les défendeurs affir-
ment que le ministre est toujours disposé à étudier
les propositions de modification au Programme
d'autorisation d'accès aux zones réglementées
d'aéroport.
L'avocat des demandeurs soutient que les direc
tives ministérielles participent d'une sous-déléga-
tion illégale et sont nulles en raison de leur carac-
tère imprécis et incertain. Comme nous l'avons vu,
elles ne contiennent aucune norme établissant les
critères selon lesquels doit être vérifiée la fiabilité
des personnes à qui sont accordés ou refusés des
laissez-passer pour les zones réglementées; le rôle
du SCRS n'y est pas défini; les éléments fonda-
mentaux des directives pourraient être modifiés à
volonté. Divers fonctionnaires se sont vu confier le
soin de tous ces aspects. Selon un autre argument
avancé, les directives comporteraient un aspect
discriminatoire parce que les fonctionnaires ont le
droit de faire examiner le refus de l'habilitation de
sécurité, de la part du SCRS, alors que les
employés du secteur privé n'ont pas ce droit. En
outre, les ressortissants étrangers ne sont pas obli-
gés de se soumettre aux mêmes exigences en
matière de sûreté que les citoyens et les immi
grants reçus.
L'avocat soutient au surplus que les directives
établissent une façon de procéder irrégulière parce
qu'elles permettent que soit refusée une habilita-
tion de sécurité (et par conséquent que soit refusé
un emploi) sans les garanties procédurales qu'exi-
gent les principes de la justice naturelle. Quant à
ce dernier argument, l'avocat des défendeurs
affirme qu'il est prématuré pour les demandeurs
de soutenir que les directives ne comportent pas,
sur le plan de la procédure, de garanties suffisantes
pour que soient respectées les règles de la justice
naturelle. Il fait remarquer qu'en l'occurrence, il
n'y a pas eu en fait inobservation d'un principe de
justice naturelle et que, si un tel déni se produisait,
la personne visée pourrait demander la révision et
l'annulation de la décision conformément à l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C.
(1985), chap. F-7.
Si je ne m'abuse, l'avocat soutient que les direc
tives du ministre devraient être tenues pour analo
gues à un règlement administratif et faire l'objet
du même genre d'examen que celui dont est d'ordi-
naire l'objet ce type de législation subordonnée. Il
s'est reporté aux décisions suivantes: R. v. Sandler,
[1971] 3 O.R. 614 (H.C.), Re One Hundred and
Eleven Group Enterprises Ltd. and City of
Toronto et al. (1974), 6 O.R. (2d) 210 (C. div.),
Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc. et
autres, [1985] 1 R.C.S. 368 et Cité de Sillery c.
Canadian Petrofina Limited et autres, [1970]
R.C.S. 533. Suivant cet argument, si les disposi
tions des directives étaient énoncées dans un règle-
ment, elles pourraient être contestées aux motifs
qu'elles sont nulles en raison de leur caractère
imprécis et incertain, qu'elles sont discriminatoires
et qu'elles établissent un mécanisme d'examen qui
ne tient pas suffisamment compte des principes de
justice naturelle.
J'estime l'argument des demandeurs convain-
cant. Il me semble à tout le moins que si le
ministre était investi du pouvoir, au même titre
que le gouverneur en conseil, de prendre, au moyen
de directives, les mesures que le gouverneur en
conseil peut prendre par règlement, les directives
du ministre devraient faire l'objet du même
examen rigoureux qu'un règlement. Toutefois,
d'après la jurisprudence, sauf erreur, cette analyse
ne vaut que si le pouvoir conféré au ministre est
d'ordre législatif; elle ne vaut pas dans le cas d'un
pouvoir administratif. Aucun précédent ne m'a été
soumis qui permette le type d'examen rigoureux de
l'exercice du pouvoir administratif dont l'avocat
des demandeurs fait état (mis à part la doctrine de
l'attente raisonnable, qui ne s'applique pas en l'es-
pèce). Puisque, je le répète, je n'interprète pas la
Loi sur l'aéronautique comme conférant au minis-
tre le pouvoir de prendre, au moyen de directives,
des mesures de sûreté comme celles qui sont en
cause, il n'est pas nécessaire que je tranche cette
question. À mon avis, les dispositions pertinentes
de la Loi avaient clairement l'objet suivant: les
principes généraux régissant les diverses mesures
de sûreté seraient prescrits par règlement. Par
conséquent, il n'est pas nécessaire de pousser plus
loin l'examen de cet argument.
Charte canadienne des droits et libertés
L'avocat soutient que les paragraphes 3.7(2) et
(4) de la Loi sur l'aéronautique ou les dispositions
pertinentes du Règlement sur les mesures de
sûreté aux aérodromes ou le Programme d'autori-
sation d'accès aux zones réglementées d'aéroport
sont invalides parce qu'ils violent les articles 7 et 8
de la Charte:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les
perquisitions ou les saisies abusives.
Il ressort nettement de la jurisprudence, notam-
ment de l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd. et
autres, [1985] 1 R.C.S. 295, qu'il faut interpréter
la Charte de manière à donner effet au but visé et
que la notion de «justice fondamentale», à l'article
7, s'entend de l'application régulière de la loi tant
sur le plan de la procédure que du fond. Les
avocats sont d'accord là-dessus.
Je n'ai pas de difficulté à accepter l'argument
selon lequel le programme en question ne satisfe-
rait pas au critère de la «justice fondamentale» s'il
tombait sous le coup de l'article 7 de la Charte.
Les éléments essentiels du programme ne sont pas
énoncés; il est imprécis et donne prise à l'arbi-
traire; il ne contient pas de garanties expresses
quant à l'application régulière de la loi sur le plan
de la procédure. Néanmoins, il est difficile de
fonder un argument sur l'article 7 ou sur l'article 8
de la Charte. On peut difficilement conclure qu'un
droit garanti par la Charte a été aboli. Il est
difficile de fonder un argument sur l'article 7
parce que les intérêts des employés en l'espèce ne
sont pas aisément assimilables au droit de chacun
«à la vie», «à la liberté» ou «à la sécurité de sa
personne». C'est enfin avec peine qu'on ferait
valoir un argument appuyé sur l'article 8 parce
qu'il semble mal à propos d'assimiler les enquêtes
menées par le SCRS à des «fouilles, perquisitions
ou saisies».
Quant à l'argument fondé sur l'article 7, l'avo-
cat voudrait que j'assimile l'intérêt des deman-
deurs en l'espèce au droit à la «liberté», comme le
tribunal l'a fait dans les affaires Re Mia and
Medical Services Commission of British Colum-
bia (1985), 17 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.-B.) et
Wilson v. British Columbia (Medical Services
Commission) (1988), 53 D.L.R. (4th) 171
(C.A.C.-B.). Celles-ci portaient sur des mesures
prises par la Medical Services Commission, qui
avait le pouvoir de [TRADUCTION] «diriger et
administrer directement» le régime provincial d'as-
surance maladie. Le médecin qui voulait se faire
verser des honoraires en vertu du régime provincial
d'assurance maladie devait obtenir un numéro de
facturation. Afin d'encourager les médecins à
s'établir dans les régions moins populaires de la
province, la commission refusait d'attribuer des
numéros de facturation aux nouveaux médecins,
dans une région, lorsqu'elle estimait que les méde-
cins étaient en trop grand nombre dans cette
région. Dans l'affaire Mia, le juge en chef McEa-
chern a dit, aux pages 411 et 412:
[TRADUCTION] Selon certains auteurs, la notion de «liberté»
de l'art. 7 ne vise que l'absence de captivité et ne s'entend pas
de la conduite ou de l'activité humaine; elle ne se rapporte pas
aux questions économiques; son sens peut être restreint de
diverses manières,
Je me rends bien compte qu'en règle générale, les tribunaux
américains sont peu disposés à intervenir dans les décisions
législatives en matière économique. Je conviens qu'il s'agit là de
la règle générale, mais je n'ai pas à statuer en l'espèce sur une
loi dûment promulguée et même si c'était le cas, il y a ...
Parmi les droits dont nous jouissons depuis des siècles, on
compte le droit d'exercer le métier ou la profession pour
laquelle nous avons les titres requis, et celui de nous: déplacer
librement dans toutes les régions du pays à cette fin. [Non
souligné dans le texte original.]
Il ressort nettement de cette décision que le droit
à la liberté reconnu par la Cour ne découlait pas
du droit de travailler ou d'exercer une activité
lucrative mais plutôt du droit de se déplacer dans
tout le pays, qui est garanti par l'article 6 de la
Charte et dont l'exercice était interdit par le sys-
tème de facturation mis sur pied par la commission
en Colombie-Britannique.
Dans l'affaire Wilson, le tribunal a posé la
question dans les termes suivants à la page 182:
[TRADUCTION] ... si la notion de «liberté» de l'art. 7 est
suffisamment large pour comprendre la possibilité pour un
médecin diplômé d'exercer la médecine en Colombie-Britanni-
que sans contrainte d'ordre géographique ou de temps ou quant
au but qu'il se propose, bien que le droit qu'il fait valoir
comporte accessoirement un aspect économique. [Non souligné
dans le texte original.]
La Cour analyse ensuite la jurisprudence, aux
pages 183 187, puis conclut, aux pages 186 et
187:
[TRADUCTION] Résumons: Le terme «liberté» employé dans
le contexte de l'art. 7 n'est pas limité à la simple absence de
contrainte physique. Il ne s'entend toutefois pas de la protection
des biens ou de droits purement économiques. Il peut viser la
liberté d'établissement, y compris le droit de choisir son métier
et le lieu de son exercice, sous réserve du droit de l'État de
restreindre les activités des personnes dans des limites qui
soient justifiées et raisonnables, en conformité avec les princi-
pes de justice fondamentale.
Le juge de première instance a dit que la question concernait le
«droit de travailler» (une question purement économique), alors
qu'il aurait dû s'arrêter à un aspect plus important de la liberté,
soit le droit d'occuper un emploi ou d'exercer une profession
(une question touchant la dignité et l'estime de soi-même).
Le gouvernement a décrété, en fait, qu'ils ne peuvent pas
exercer la médecine sans avoir un numéro, et que tout numéro
qui leur sera attribué restreindra leur droit de se déplacer. Leur
lieu de résidence sera déterminé en fonction d'une restriction
géographique et un numéro de remplaçant ne leur permettra
que temporairement d'exercer leur profession et les obligera à
se déplacer d'un lieu à un autre et d'un bureau à un autre.
[Non souligné dans le texte original.]
À mon avis, ces précédents ne sont d'aucune
utilité pour les demandeurs. Le programme qui a
été établi en l'occurrence ne constitue pas une
entrave à la liberté d'établissement. Le droit de se
déplacer n'est pas restreint. La situation des
demandeurs est plus facilement assimilable aux
affaires mettant en cause le «droit dé travailler»,
invoqué dans la jurisprudence précitée, dans
laquelle il a été décidé que les droits purement
économiques ou le «droit de travailler» ne sont pas
visés par l'article 7.
L'avocat soutient que le concept de «sécurité de
la personne» de l'article 7 comprend le droit à la
vie privée et que, dans ce sens, les droits des
demandeurs ont été violés. Il s'est référé aux arrêts
R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30; Singh et
autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion, [1985] 1 R.C.S. 177 et R. c. Dyment,
[1988] 2 R.C.S. 417. L'affaire Morgentaler trai-
tait bien sûr de la répression pénale de l'avorte-
ment. On trouve dans le sommaire de l'arrêt les
décisions du juge Lamer et du juge en chef Dick-
son relativement aux types d'intérêts que vise
l'article 7 [aux pages 32 et 33]:
L'atteinte que l'État porte à l'intégrité physique et la tension
psychologique causée par l'État, du moins dans le contexte du
droit criminel, constituent une violation de la sécurité de la
personne ... Forcer une femme, sous la menace d'une sanction
criminelle, à mener le foetus à terme, à moins qu'elle ne
remplisse certains critères indépendants de ses propres priorités
et aspirations, est une ingérence profonde à l'égard de son corps
et donc une atteinte à la sécurité de sa personne.
Les décisions du juge Beetz et du juge Estey y sont
également résumées [à la page 34]:
L'expression «sécurité de la personne», au sens de l'art. 7 de
la Charte, doit inclure le droit au traitement médical d'un état
dangereux pour la vie ou la santé, sans menace de répression
pénale. Si une loi du Parlement force une femme enceinte dont
la vie ou la santé est en danger à choisir entre, d'une part, la
perpétration d'un crime pour obtenir un traitement médical
efficace en temps opportun et, d'autre part, un traitement
inadéquat, voire aucun traitement, son droit à la sécurité de sa
personne a été violé.
Dans l'affaire Singh, les intérêts en cause étaient
les menaces de mort ou d'atteinte à l'intégrité
physique auxquelles des personnes expulsées
seraient exposées dans leur pays d'origine.
Je ne peux pas conclure que les intérêts des
demandeurs correspondent à ceux sur lesquels la
Cour a statué dans les arrêts Morgentaler et
Singh. On ne peut certainement pas qualifier leur
situation de «traumatisme psychologique infligé
par l'État» (voir la page 55 de l'arrêt Morgenta-
ler). De toute évidence, les demandeurs sont offus-
qués parce que les fonctionnaires du SCRS sont
autorisés à rassembler beaucoup de renseigne-
ments sur leur vie privée et qu'ils pourraient inter-
roger leurs voisins et leurs amis. Je ne pense
cependant pas que l'on puisse affirmer que la
«sécurité de la personne» inclut le droit d'être
soustrait à de telles enquêtes, même si ce concept
comprend, comme l'affirme l'avocat, le droit à la
vie privée. Les tribunaux, du moins jusqu'à main-
tenant, ne sont pas allés jusque là.
Dans l'affaire Dyment, l'argument invoqué repo-
sait sur l'article 8 de la Charte. Il s'agissait d'un
médecin qui avait prélevé un échantillon de sang
sur un patient inconscient et l'avait remis à un
policier. Le juge La Forest s'est exprimé dans ces
termes, aux pages 426 430:
. le droit conféré par la common law de ne pas être soumis à
des fouilles, à des perquisitions et à des saisies abusives, avait
pour effet de protéger la vie privée des particuliers. Dans cette
optique, il ne devrait pas être surprenant qu'un droit, enchâssé
dans la Constitution, de ne pas être soumis à des fouilles, à des
perquisitions et à des saisies abusives, devrait être interprété en
fonction de l'objet qui le sous-tend, sans être restreint mainte-
nant par les outils techniques originairement conçus pour
garantir la réalisation de cet objet. Quoi qu'il en soit, cette
Cour, dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., a clairement jugé,
pour reprendre les termes du juge Dickson, que l'art. 8 a pour
objet «de protéger les particuliers contre les intrusions injusti-
fiées de l'Etat dans leur vie privée» (précité, à la p. 160) et qu'il
devait être interprété largement pour réaliser cette fin, sans que
l'on soit inhibé par l'attirail historique qui lui a donné nais-
sance. [Non souligné dans le texte original.]
Le point de vue qui précède est tout à fait approprié dans le
cas d'un document constitutionnel enchâssé à une époque où,
selon ce que nous dit Westin, la société a fini par se rendre
compte que la notion de vie privée est au cœur de celle de la
liberté dans un État moderne; voir Alan F. Westin, Privacy and
Freedom (1970), aux pp. 349 et 350. Fondée sur l'autonomie
morale et physique de la personne, la notion de vie privée est
essentielle à son bien-être. Ne serait-ce que pour cette raison,
elle mériterait une protection constitutionnelle, mais elle revêt
aussi une importance capitale sur le plan de l'ordre public.
L'interdiction qui est faite au gouvernement de s'intéresser de
trop près à la vie des citoyens touche à l'essence même de l'État
démocratique.
Naturellement, un équilibre doit être établi entre les revendi-
cations en matière de vie privée et les autres exigences de la vie
en société, et en particulier celles de l'application de la loi, et
c'est justement ce que l'art. 8 vise à réaliser. Comme l'affirme
le juge Dickson, dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., précité,
aux pp. 159 et 160:
La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions
et les saisies abusives ne vise qu'une attente raisonnable.
Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit
exprimée sous la forme négative, c'est-à-dire comme une
protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies
«abusives», ou sous la forme positive comme le droit de
s'attendre «raisonnablement» à la protection de la vie privée,
indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le
droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement
doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer
dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et,
notamment, d'assurer l'application de la loi.
Enfin il y a le droit à la vie privée en matière d'information.
Cet aspect aussi est fondé sur la notion de dignité et d'intégrité
de la personne. Comme l'affirme le groupe d'étude (à la p. 13):
«Cette conception de la vie privée découle du postulat selon
lequel l'information de caractère personnel est, propre à l'inté-
ressé, qui est libre de la communiquer ou de la taire comme il
l'entend.» Dans la société contemporaine tout spécialement, la
conservation de renseignements à notre sujet revêt une impor
tance accrue. Il peut arriver, pour une raison ou pour une autre,
que nous voulions divulguer ces renseignements ou que nous
soyons forcés de le faire, mais les cas abondent où on se doit de
protéger les attentes raisonnables de l'individu que ces rensei-
gnements seront gardés confidentiellement par ceux à qui ils
sont divulgués, et qu'ils ne seront utilisés que pour les fins pour
lesquelles ils ont été divulgués. Tous les paliers de gouverne-
ment ont, ces dernières années, reconnu cela et ont conçu des
règles et des règlements en vue de restreindre l'utilisation des
données qu'ils recueillent à celle pour laquelle ils le font; voir,
par exemple, la Loi sur la protection des renseignements
personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111.
Une dernière remarque d'ordre général s'impose, à savoir que
si le droit à la vie privée de l'individu doit être protégé, nous ne
pouvons nous permettre de ne faire valoir ce droit qu'après qu'il
a été violé. Cela est inhérent à la notion de protection contre les
fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. 11 faut empê-
cher les atteintes au droit à la vie privée et, lorsque d'autres
exigences de la société l'emportent sur ce droit, il doit y avoir
des règles claires qui énoncent les conditions dans lesquelles il
peut être enfreint.
Je n'interprète pas ces observations comme
allant jusqu'à considérer les enquêtes policières
comme une atteinte au droit à la vie privée que
garantit la Constitution si ces enquêtes ne compor-
tent pas d'ingérence par force dans les biens de la
personne visée ou de violence à son endroit (ou à
l'endroit d'autres personnes). Je ne pense pas que
les enquêtes que l'on fait en l'espèce puissent être
tenues pour des fouilles, des perquisitions ou des
saisies au sens de l'article 8 ni qu'elles soient visées
par l'article 7 au regard du concept du droit à la
vie privée (à supposer que le droit à la vie privée
corresponde au concept de «la sécurité de la per-
sonne» dans cet article).
L'avocat soutient toutefois que la prise des
empreintes digitales des demandeurs constituait
une fouille, une perquisition et une saisie abusives.
Cette situation serait analogue au prélèvement
d'un échantillon de sang sur le patient qui a été
fait dans l'affaire Dyment. D'après lui, on ne peut
pas affirmer que ces «fouilles, perquisitions et sai-
sies» ont été faites avec le consentement des per-
sonnes visées, vu les circonstances dans lesquelles
les empreintes ont été prises. Dans l'arrêt R. c.
Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, la Cour suprême a
examiné la possibilité que la prise d'empreintes
digitales constitue une fouille, une perquisition ou
une saisie. À la page 414, le juge La Forest dit ce
qui suit:
L'article 8 garantit le droit à la protection contre les fouilles,
les perquisitions ou les saisies abusives. À supposer qu'on puisse
considérer le prélèvement d'empreintes digitales comme une
fouille (une opinion rejetée dans les affaires qui en traitent; voir
R. v. McGregor (1983), 3 C.C.C. (3d) 200 (H.C. Ont.), et Re
M. H. and The Queen (No. 2) (1984), 17 C.C.C. (3d) 443)
(B.R. Alb.) conf. sans motifs écrits (1985), 21 C.C.C. (3d) 384
(C.A. Alb.), autorisation de pourvoi en cette Cour accordée le
19 septembre 1985, [1985] 2 R.C.S. ix), il semble clair que la
prise des empreintes digitales n'est pas déraisonnable dans les
présentes espèces pour les mêmes raisons qu'il ne viole pas les
principes de justice fondamentale.
À mon sens, même si la prise des empreintes
digitales était faite sans le consentement des inté-
ressés en l'occurrence, je ne pourrais tout de même
pas conclure qu'il soit déraisonnable d'exiger qu'el-
les soient fournies. Je ne pense pas qu'il s'agirait
d'une fouille, d'une perquisition ou d'une saisie
abusives. Je pense aussi qu'il s'agit manifestement
du type d'exigence qui pourrait être considérée
comme une limite raisonnable et dont la justifica
tion peut se démontrer dans le cadre d'une société
libre et démocratique. Elle serait donc visée par
l'exemption prévue à l'article premier de la Charte
canadienne des droits et libertés.
Pour les raisons énoncées ci-dessus, une ordon-
nance sera prononcée, accordant aux demandeurs
la réparation sollicitée.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.