T-961-89
Affaire intéressant l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur
la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7;
Et les parties VI et VII de la Loi sur la Gendar-
merie royale du Canada, L.R.C. (1985), chap.
R-10, modifiée par S.C. 1986, chap. 11;
Et certaines plaintes reçues par la Commission
des plaintes du public contre la Gendarmerie
royale du Canada ou renvoyées devant cette
dernière;
Et une demande présentée sous forme de mémoire
spécial soumis à la Section de première instance
de la Cour fédérale en vertu de l'alinéa 17(3)b) de
la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap.
F-7.
RÉPERTORIÉ: LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
(CAN.) (RE) (I" INST.)
Section de première instance, juge MacKay—
Ottawa, 5 septembre 1989; 11 avril 1990.
Interprétation des lois — Rétroactivité — Loi sur la Gen-
darmerie royale du Canada, parties VI et VII — La modifica
tion de 1986, qui a créé une nouvelle procédure externe des
plaintes du public, a reçue la sanction royale en mars de 1986;
la partie VI est entrée en vigueur en décembre de 1986 et la
partie VII, en septembre de 1988 — Plaintes concernant des
faits survenus (i) entre la promulgation de la partie VI et la
promulgation de la partie VII (ii) avant la promulgation de
l'une et l'autre parties, mais après la sanction royale (iii) avant
la promulgation et la sanction royale — La rétroactivité n'est
pas expressément prévue — Présomption de non-rétroactivité
— Cas d'exemption de cette présomption.• lois de procédure,
lois d'intérêt public, loi où cela s'impose par déduction néces-
saire — Même si la loi en question est procédurale, elle touche
également des droits matériels en créant un nouvel examen
externe de la conduite de la GRC — Même si la loi porte
atteinte au droit acquis que possèdent les membres de la
Gendarmerie à faire juger les plaintes selon l'ancienne procé-
dure administrative, l'objectif primordial est de protéger le
public contre une partialité réelle ou appréhendée si la GRC
agit à la fois comme surveillante de ses membres et arbitre
final des plaintes — La Loi est rétroactive par déduction
nécessaire — Il serait anormal que le législateur fédéral ait
voulu que l'examen externe des griefs internes et l'examen
externe des plaintes du public entrent en vigueur à des dates
différentes — L'application rétroactive n'est pas limitée à une
date précisée après la sanction royale — Interprétation de
l'art. 45.41(1).
GRC — Compétence de la Commission des plaintes du
public contre la GRC d'entendre des plaintes en vertu des
modifications apportées en 1986 à la Loi créant une nouvelle
procédure d'examen externe — Plaintes fondées sur des faits
survenus i) entre la sanction royale et la promulgation; ii)
avant la sanction royale; ou iii) entre la promulgation de la
partie VI et la promulgation de la partie VII — La présomp-
tion de la non-rétroactivité de la loi est réfutée, car la loi a
pour objet la protection du public, même si elle porte atteinte
au droit acquis que possèdent les membres de la Gendarmerie
à faire juger les plaintes selon l'ancienne procédure — Le
président a le pouvoir discrétionnaire de déclarer une plainte
irrecevable en cas de retard préjudiciable.
Il s'agit d'un mémoire spécial qui soulève des questions au
sujet de la compétence de la Commission des plaintes du public
contre la GRC pour examiner des plaintes déposées en vertu de
la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie Royale du Canada,
modifiée par S.C. 1986, chap. 11. Les plaintes se rapportent à
des événements qui se seraient produits avant la promulgation
de la partie VII. La modification de 1986 à la Loi a reçu la
sanction royale le 26 mars 1986. La partie VI, qui constitue la
Commission en tant qu'organisme distinct de la GRC, est
entrée en vigueur le 18 décembre 1986. La partie VII, qui
prévoit une procédure légale détaillée que la GRC et la Com
mission doivent suivre pour statuer sur les plaintes déposées par
des membres du public au sujet de la conduite des membres de
la Gendarmerie, est entrée en vigueur le 30 septembre 1988. La
Loi ne prévoit pas expressément l'application rétroactive de la
partie VII. Le procureur général prétend qu'il ne faut pas
appliquer rétroactivement la Loi. Avant la promulgation de la
partie VII, la procédure d'examen des plaintes du public était
interne et était exposée dans un bulletin administratif. Le débat
porte sur la question de savoir si l'on doit donner un effet
rétroactif à la partie VII et, dans le cas de l'affirmative, si l'on
doit fixer une date précise en ce qui concerne les événements à
l'origine des plaintes et établir un rapport entre cette date et
celle de l'adoption ou de la promulgation de la loi modificative,
et sur la question de savoir si le président de la Commission ou
la Commission a le pouvoir discrétionnaire de déclarer irreceva-
ble une plainte lorsque celle-ci a été présentée tardivement et
que le fait d'instruire la plainte pourrait causer un préjudice à
des personnes ou nuire à la procédure d'enquête.
Jugement: on devrait donner un effet rétroactif aux disposi
tions en question. Il n'y a pas lieu de fixer la date des
événements à l'origine des plaintes. Le président a compétence
pour déclarer une plainte irrecevable en cas de retard
préjudiciable.
Nulle loi ne doit s'interpréter comme ayant un effet rétroac-
tif à moins qu'une telle interprétation ne ressorte clairement du
texte de la loi ou ne s'impose comme inéluctable. La présomp-
tion de la non-rétroactivité des lois comporte les exceptions
suivantes: les lois de procédure, qui ne concernent que les
moyens par lesquels on peut faire reconnaître des droits ou des
obligations et qui n'ont aucune incidence sur les droits matériels
préexistants, les lois d'intérêt public, dont l'objet primordial est
de promouvoir l'intérêt public plutôt que de punir des individus
ou de leur causer un préjudice, et les lois dont on peut déduire
que le législateur avait l'intention implicite qu'elles s'appliquent
rétroactivement
Les modifications introduites par la partie VII n'étaient pas
simplement procédurales. Le critère permettant de savoir si une
disposition est une disposition de fond ou une disposition de
procédure consiste à se demander si la disposition touche des
droits matériels. Même si la partie VII est procédurale, elle
touche aussi les droits des parties. L'ancienne procédure ne
prévoyait pas d'examen public indépendant. La procédure
prévue par la partie VII est une procédure externe dans laquelle
intervient un organisme nouvellement créé. En créant un nou-
veau droit à un examen public externe de la conduite de la
GRC, cette procédure a une incidence sur le contenu ou
l'existence d'un droit. En conséquence, l'exception à l'applica-
tion de la présomption générale de la non-rétroactivité qui
existe dans le cas des lois de procédure ne s'applique pas.
Mais même si des droits acquis sont touchés, on permettra à
la loi de s'appliquer rétroactivement si elle a été adoptée dans le
but de protéger le public contre un mal ou un abus. L'applica-
tion rétroactive de la loi à des actes accomplis avant la promul
gation de la partie VII ne porterait pas gravement atteinte à
des droits acquis, y compris celui des membres de la Gendarme-
rie, dont la conduite fait l'objet d'une plainte, de faire juger
cette plainte selon l'ancienne procédure administrative plutôt
que selon la nouvelle procédure prévue par la Loi. En tout état
de cause, le droit d'un membre de la Gendarmerie à une
procédure d'enquête particulière est moins important, dans le
contexte des parties VI et VII, que le droit du citoyen de faire
réexaminer la question par une commission indépendante. L'ob-
jectif des parties VI et VII est de favoriser un objectif public,
en l'occurrence la protection du public. Les parties VI et VII
ont été édictées dans le but de protéger le public et la GRC
elle-même contre tout risque de partialité réelle ou appréhendée
dans le traitement des plaintes. La possibilité d'une révision
impartiale et ouverte ne peut qu'améliorer la confiance dans la
Gendarmerie. La présomption de non-rétroactivité de la partie
VII a été réfutée.
Le législateur fédéral voulait, par déduction nécessaire, que
la Commission s'occupe des plaintes déposées après le 30
septembre 1988, date à laquelle la partie VII est entrée en
vigueur, que les faits à l'origine des plaintes soient survenus
avant ou après cette date. D'autres parties de la même loi
modificative ont été édictées pour donner suite à d'autres
recommandations du rapport publié par la Commission Marin
en 1976. La partie II prévoit la création du Comité externe
d'examen et la partie III attribue à ce comité un rôle important
dans la procédure interne de règlement des griefs. Ce rôle
s'apparente quelque peu à celui que joue la Commission des
plaintes du public à titre d'organisme externe chargé d'exami-
ner les griefs du public. Les parties II et III sont entrées en
vigueur par proclamation à une date antérieure à celle de la
partie VII. Il semblerait anormal de conclure que le législateur
voulait que l'examen externe des griefs internes et l'examen
externe des plaintes du public, qui font tous les deux suite au
même rapport d'enquête et qui sont tous les deux inclus dans la
même loi modificative, prennent effet à des dates différentes.
En outre, si l'on ne devait pas appliquer la partie VII aux
plaintes portant sur des faits qui seraient survenus avant le 30
septembre 1988, il y aurait en même temps deux processus
parallèles d'examen des plaintes.
Les parties VI et VII peuvent être appliquées rétroactive-
ment sans tenir compte de la date à laquelle la conduite à
l'origine de la plainte aurait eu lieu. La conduite qui est à
l'origine d'une plainte et qui a eu lieu avant la promulgation de
la partie VII, même avant le 26 mars 1986, date à laquelle la
loi modificative a été officiellement édictée par la sanction
royale, et qui fait l'objet d'une plainte déposée ou renvoyée
devant la Commission, est une question qui relève de la compé-
tence de la Commission.
Les mots «plaignant visé au paragraphe 45.35(1)» ont été
employés au paragraphe 45.41(1) pour établir une distinction
entre la plainte déposée par un plaignant qui est un simple
citoyen et dont la plainte est présentée conformément à la
procédure prévue au paragraphe 45.35(1), et la plainte portée
par le président de la Commission en vertu du paragraphe
45.37(1). Tout plaignant qui prend des mesures en vue de
déposer une plainte visée par le paragraphe 45.41(1), que ces
mesures soient antérieures ou postérieures à l'entrée en vigueur
du paragraphe 45.35(1), peut, s'il n'est pas satisfait du règle-
ment de sa plainte par la GRC, renvoyer l'affaire devant la
Commission.
La Loi accorde à la Commission et à son président des
fonctions et un pouvoir discrétionnaire distincts. Certaines dis
positions de la partie VII imposent des fonctions obligatoires à
la Commission et à son président. Le paragraphe 45.42(1)
oblige le président, et non la Commission, à examiner chacune
des plaintes renvoyées devant la Commission conformément au
paragraphe 45.41(1) du moins jusqu'au point de décider si le
règlement de la plainte est satisfaisant ou non. Lorsque le
temps qui s'est écoulé avant que la Commission n'ait été saisie
de la plainte causerait une injustice, le président en tiendra
compte avant d'en arriver à une conclusion quant à la question
de savoir si le règlement de la plainte par la GRC était
satisfaisant. Pour trancher cette question, le président jouit
d'un pouvoir discrétionnaire. L'introduction d'une plainte en
vertu de l'article 45.37 relève entièrement du pouvoir discré-
tionnaire du président.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, art. 12.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
17(3)b).
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C.
(1985), chap. R-10, art. 45.32 (édicté par L.R.C.
(1985) (2» suppl.), chap. 8, art. 16), 45.33 (édicté,
idem), 45.35 (édicté, idem), 45.36 (édicté, idem),
45.37(1) (édicté, idem), 45.38 (édicté, idem), 45.4d)
(édicté, idem), 45.41 (édicté, idem), 45.42 (édicté,
idem), 45.43 (édicté, idem), 45.44 (édicté, idem), 45.45
(édicté, idem), 45.46 (édicté, idem).
Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), chap. I-11.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Angus c. Sun Alliance compagnie d'assurance, [1988] 2
R.C.S. 256; (1988), 65 O.R. (2d) 638; 52 D.L.R. (4th)
193; 34 C.C.L.I. 237; 47 C.C.L.T. 39; [1988] I.L.R.
1-2370; 9 M.V.R. (2d) 245; 87 N.R. 200; 30 O.A.C. 210;
Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1
R.C.S. 301; (1989), 57 D.L.R. (4th) 458; [1989] 3
W.W.R. 456; 93 N.R. 1.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
R v Secretary of State for Trade and Industry, ex p R,
[1989] 1 All ER 647 (Q.B.D.); Lanf c. Commission
canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687;
(1979), 105 D.L.R. (3d) 609; 79 C.L.L.C. 14,223; 28
N.R. 494 (C.A.); Re Royal Insurance Co. of Canada and
Ontario Human Rights Commission et al. (1985), 51
O.R. (2d) 797; 21 D.L.R. (4th) 764; 12 C.L.L.I. 297;
[1985] I.L.R. 1-1944; 12 O.A.C. 206 (C. div.); Acme
Village School District (Board of Trustees of) v. Steele-
Smith, [1933] R.C.S. 47; In re Athlumney Ex parte
Wilson, [1898] 2 Q.B. 547; Sunshine Porcelain Potteries
Pty. Ltd. v. Nash, [1961] A.C. 927 (C.A.); Québec
(Procureur général) c. Healey, [1987] 1 R.C.S. 158;
(1987), 60 O.A.C. 56; 73 N.R. 288; Re Dhanota and
International Union United Automobile, Aerospace and
Agriculture Implement Workers of America (U.A.W.),
Local 1285; Sheller-Globe of Canada Ltd., Intervenor
(1983), 42 O.R. (2d) 73; 83 C.L.L.C. 14,052 (C. div.);
Re Commercial Union Assurance et al. and Ontario
Human Rights Commission et al. (1987), 59 O.R. (2d)
481; 38 D.L.R. (4th) 405; 24 Admin. L.R. 11; 87
C.L.L.C. 17,029; 23 O.A.C. 148 (C. div.).
DOCTRINE
Canada. Débats de la Chambre des communes, Vol. V,
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Coté, Pierre-André, Interprétation des lois, Cowansville
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Craies on Statute Law, 7° éd., S.G.G. Edgar, Londres:
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Driedger, E. A. Construction of Statutes, 2° éd. Toronto:
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Rawls, John A Theory of Justice Cambridge, Massachu-
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The Canadian Encyclopedic Digest (Ontario), Vol. 31
Title 136 «Statutes» par John M. Edmiston, 3« éd.,
1989 Suppl., Carswell Co. Ltd.
AVOCATS:
Peter A. Downard pour la Commission des
plaintes du public contre la GRC.
Barbara A. Mclsaac pour le procureur géné-
ral du Canada.
PROCUREURS:
Fasken & Calvin, Toronto, pour la Commis
sion des plaintes du public contre la GRC.
Le sous -procureur général du Canada, pour
le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACKAY: La présente affaire a été
entendue à Ottawa (Ontario) le 5 septembre 1989
sous forme de mémoire spécial soumis à la Cour
fédérale en vertu de l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur
la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, à la
suite d'une entente conclue entre la Commission
des plaintes du public contre la Gendarmerie
royale du Canada («la Commission») et le Procu-
reur général du Canada, qui représente en l'espèce
la GRC.
Un mémoire spécial et un exposé conjoint des
faits ont été déposés. Le mémoire soulève cinq
questions qui portent sur la compétence de la
Commission pour examiner diverses plaintes dépo-
sées en vertu de la partie VII de la Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985),
chap. R-10, modifiée par S.C. 1986, chap. 11 (voir
L.R.C. (1985) (2 e suppl.), chap. 8). Les plaintes en
question se rapportent à des événements qui se
seraient produits avant la promulgation de la
partie VII de la Loi. Le problème essentiel que
posent quatre de ces questions est de savoir si l'on
doit donner un effet rétroactif à la partie VII de la
Loi et, dans le cas de l'affirmative, si l'on doit fixer
une date précise en ce qui concerne les événements
à l'origine des plaintes et établir un rapport entre
cette date et celle de l'adoption ou de la promulga
tion de la Loi modificative. La cinquième question
concerne le pouvoir discrétionnaire, s'il en est, que
possède le président de la Commission ou la Com
mission de déclarer irrecevable une plainte présen-
tée tardivement.
Vue d'ensemble du régime législatif et réglemen-
taire
Les faits qui sont à l'origine de la présente
demande et qui sont relatés ici sont articulés dans
l'exposé conjoint des faits et sont expliqués plus en
détail, pour ce qui est des dispositions législatives
et réglementaires, dans l'exposé des faits et du
droit soumis par l'avocat de la Commission et par
l'avocate du procureur général du Canada. Les
faits et les dispositions législatives peuvent se résu-
mer en quelques mots.
La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada,
précitée, a été considérablement modifiée par S.C.
1986, chap. 11, qui a reçu la sanction royale le 26
mars 1986. La Loi a notamment été modifiée par
l'adjonction des parties VI et VII. La partie VI de
la Loi, qui constitue la Commission en tant qu'or-
ganisme distinct de la GRC, est entrée en vigueur
le 18 décembre 1986. La partie VII, qui est entrée
en vigueur le 30 septembre 1988, prévoit une
procédure légale détaillée que la GRC et la Com
mission doivent suivre pour statuer sur les plaintes
déposées par des membres du public au sujet de la
conduite, dans l'exercice de fonctions autorisées,
d'un membre de la Gendarmerie ou de toute per-
sonne employée sous le régime de la Loi.
Un membre du public peut déposer une plainte
en la présentant soit à la Commission, soit à une
personne nommée ou employée sous le régime de
la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, soit
à un fonctionnaire provincial compétent pour rece-
voir des plaintes portées par le public contre la
Gendarmerie (paragraphe 45.35(1)). De plus, le
président de la Commission peut porter plainte
(paragraphe 45.37(1)). De quelque manière qu'el-
les soient déposées, toutes les plaintes doivent être
portées à l'attention du commissaire de la GRC,
qui est chargé de statuer sur chaque plainte, soit
en la réglant à l'amiable, soit en enquêtant ou en
refusant d'enquêter sur la plainte, et qui est par
ailleurs tenu d'aviser de la décision le plaignant et
la personne dont la conduite fait l'objet de la
plainte (paragraphes 45.35(3) et (4); article 45.36;
paragraphes 45.37(2) (4) et articles 45.38 à
45.45).
Il y a plusieurs façons de saisir la Commission
d'une plainte:
a) un membre du public peut déposer une
plainte directement auprès de la Commission en
vertu du paragraphe 45.35(1);
b) le président de la Commission peut porter
plainte en vertu du paragraphe 45.37(1);
c) en vertu du paragraphe 45.41(1), le plai-
gnant peut renvoyer par écrit sa plainte devant
la Commission s'il n'est pas satisfait, selon le
cas:
(i) du règlement de sa plainte par la GRC;
(ii) de la décision par laquelle le commissaire
a refusé, en vertu du paragraphe 45.36(5),
d'enquêter sur sa plainte.
Le plaignant qui n'est pas satisfait du règlement
de sa plainte par la GRC peut renvoyer sa plainte
devant la Commission. Le président de la Commis
sion est tenu d'examiner la plainte qui est renvoyée
devant la ' Commission, à moins qu'il n'ait déjà
enquêté sur la plainte ou convoqué une audience
pour enquêter sur la plainte.
Le président de la Commission a également le
pouvoir, s'il estime dans l'intérêt public d'agir de la
sorte, de tenir une enquête ou de convoquer une
audience pour enquêter sur une plainte, que la
GRC ait ou non enquêté ou produit un rapport sur
une plainte, ou pris quelque autre mesure à cet
égard (article 45.43). La Loi établit les règles de
base à suivre pour la tenue des audiences, qui sont
publiques, à moins que les membres de la Commis
sion qui tiennent l'audience n'ordonnent le huis
clos pour des raisons précisées dans la Loi (articles
45.44 et 45.45).
Lorsqu'elle a enquêté sur une plainte, soit à la
suite du renvoi d'une décision de la GRC, soit à
l'issue d'une audience convoquée dans l'intérêt
public par son propre président, la Commission
transmet au commissaire de la GRC et au Sollici-
teur général un rapport dans lequel elle énonce ses
recommandations. La Loi ne donne pas à la Com
mission le pouvoir de rendre des décisions obliga-
toires (paragraphes 45.42(3); 45.43(3) et
45.45(14)). Après examen du rapport, le commis-
saire doit aviser le président de la Commission et
le ministre de toute mesure additionnelle devant
être prise quant à la plainte. Par la suite, le
président de la Commission rédige un rapport final
sur la question et le transmet au ministre, au
commissaire et aux personnes visées par la plainte
(article 45.46).
À la mi-février de 1989, le nombre de plaintes
qui avaient été présentées ou renvoyées devant la
Commission s'élevait à 138. De ce nombre,
soixante-trois portaient sur des actes qui auraient
été accomplis avant la promulgation de la partie
VII de la Loi, y compris:
a) trente-quatre plaintes concernant des actes
qui auraient été accomplis avant le 30 septembre
1988 mais après le 18 décembre 1986, c'est-à-
dire avant la promulgation de la partie VII de la
Loi mais après la promulgation de la partie VI
de la Loi (dans le présent mémoire spécial, ces
plaintes sont désignées sous le nom de «plaintes
de la catégorie "A"»);
b) deux plaintes concernant des actes qui
auraient été accomplis avant le 18 décembre
1986 mais après le 26 mars 1986, c'est-à-dire
avant la promulgation de la partie VI et de la
partie VII de la Loi, mais après la date à
laquelle la Loi a reçu la sanction royale (dési-
gnées sous le nom de «plaintes de la catégorie
«B„ )) ) ;
c) neuf plaintes concernant des actes qui
auraient été accomplis avant le 26 mars 1986,
c'est-à-dire avant la promulgation de la partie
VI et de la partie VII de la Loi et avant la date
à laquelle la Loi a reçu la sanction royale (dési-
gnées sous le nom de «plaintes de la catégorie
d) ll dix-huit plaintes qu'on ne peut aisément con-
sidérer comme faisant partie des catégories «A»,
«B» ou «C», en raison du fait que le plaignant n'a
pas pu préciser la date de l'acte reproché ou
parce que la plainte concernait une conduite
continue de la part de membres de la GRC.
Le procureur général du Canada prétend que la
loi n'appuie pas la compétence de la Commission
pour instruire les plaintes des catégories «A», «B» et
«C», étant donné que, pour que la Commission
puisse décider d'examiner des plaintes de cette
nature, il faudrait appliquer rétroactivement la
partie VII de la Loi aux actes ou événements à
l'origine des plaintes. La portée de la rétroactivité
varierait, souligne-t-on, selon la catégorie concer-
née. La Loi ne prévoit pas expressément l'applica-
tion rétroactive de la partie VII.
Le procureur général prétend que la Commis
sion n'a pas compétence pour statuer sur les plain-
tes portant sur des actes accomplis avant le 30
septembre 1988, date à laquelle la partie VII est
entrée en vigueur. À titre subsidiaire, il affirme
que si la Cour juge qu'il faut appliquer rétroactive-
ment la Loi modificative aux plaintes portant sur
des actes qui auraient été accomplis avant cette
date, cette rétroactivité ne devrait pas s'étendre
aux plaintes portant sur des actes accomplis avant
le 26 mars 1986, date à laquelle la Loi modifica-
tive a reçu la sanction royale.
La Commission a informé les plaignants dont les
plaintes ont été renvoyées devant elle que la com-
pétence de la Commission pour statuer sur leur
plainte était contestée, étant donné que, dans
chaque cas, les actes reprochés auraient été accom-
plis avant le 30 septembre 1988. La Commission
n'a pas pris d'autre mesure au sujet des plaintes en
attendant que la Cour donne son opinion dans la
présente affaire.
Pour illustrer les plaintes en question, les avo-
cats ont fourni des exemples, qu'on trouve aux
annexes A à C de l'exposé conjoint des faits, sous
forme sommaire, sans détail ni identification per-
sonnelle. Dans l'exposé conjoint des faits et dans le
mémoire spécial, ces plaintes sont désignées
comme étant les plaintes «A-1», «A-2» et «A-3» de
l'annexe A, «B-1» de l'annexe B, et «C-1» et «C-2»
de l'annexe C. Dans le tableau suivant, la conduite
à l'origine de la plainte est classée selon la date.
On y indique également la date à laquelle la
plainte a été déposée, la date de son règlement par
la GRC et la date à laquelle elle a été portée à
l'attention de la Commission. Le tableau permet
de voir d'un coup d'oeil les divers scénarios tempo-
rels que présentent les exemples de plaintes fournis
à titre d'illustration et peut aider à comprendre les
questions litigieuses soulevées dans le mémoire
spécial.
•
Illustrative Complaints and Relevant Times -
•
Mars. 26/86 ' Dec. 18/86 Sept. 30/88
Royal Proclamation Proclamation
Assent • Part VI Part VII
•
Mar. 26/86 Dec. 18/86 -Complaint
Complaint—Event Before to to After to
Mars. 26/86 Dec. 18/86 Sept. 30/88 Sept. 30/88 Commission
Ai Conduct alleged — — June 88 - —
Complaint initiated — — June 88 — —
Complaint disposed of — — — Dec. 88 Referred Dec. 88
A2 Conduct alleged — — Mar. 88 — —
Complaint initiated — — Mar. 88. — • —
Complaint disposed of — — May 88 — Referred Dec. 88
A; Conduct alleged — — Aug. 88 — -
Complaint initiated — — Sept. 88 — —
Complaint disposed of — — — - Feb. 89 Referred Feb. 89
Bi Conduct alleged — Oct. 86 — — •
Complaint initiated Jan. Mar. 87 —
Complaint disposed of — — Mar. 87 - — Referred Dec. 88
C1 Conduct alleged 1981 — — —• —_
Complaint initiated ? ? 7 7 —
Complaint disposed of — — — Dec. 88 • Referred Dec. 88
C2 Conduct alleged 1985 — — —, —
Complaint initiated — — — — —
Complaint disposed of - — — Jan. 89 (Initiated)
Exemples de plaintes avec dates pertinentes
26 mars 1986 18 déc. 1986 30 sept. 1988
sanction promulgation - promulgation
royale partie VI partie VII •
entre le entre le Commission
Plainte—Acte avant le 26 mars 1986 18 déc. 1986 après le saisie
26 mars 1986 et le et le 30 sept. 1988 de la
18 déc. 1986 30 sept. 1988 plainte
A l Acte reproché — — juin 1988 — —
Dépôt de la plainte — — juin 1988 — —
Décision — — — déc. 1988 renvoi déc. 1988
A2 Acte reproché — — mars 1988 — • —
Dépôt de la plainte — — mars 1988 — —
Décision — — mai 1988 — renvoi déc. 1988
A3 Acte reproché — — août 1988 — —
Dépôt de la plainte — — sept. 1988 — —
Décision — — — fév. 1989 renvoi fév. 1989
B1 Acte reproché — oct. 1986 — — —
Dépôt de la plainte janv., mars 1987 — —
décision — — mars 1987 — renvoi déc. 1988
C1 Acte reproché 1981 — — — —
Dépôt de la plainte ? ? ? ?
Décision — — — déc. 1988 renvoi déc. 1988
C2 Acte reproché 1985 — — — —
Dépôt de la plainte — — — — —
Décision — — — — janv. 1989 (dépôt)
Mémoire spécial
Le mémoire spécial soumis à la Cour soulève
cinq questions. Le texte intégral en est reproduit
dans la conclusion des s présents motifs, avec les
réponses de la Cour. A cette étape-ci, on peut
paraphraser sommairement les questions de " la
façon suivante:
1. La Commission a-t-elle compétence pour
examiner les plaintes de la catégorie A, qui se
rapportent à des actes qui auraient été accom-
plis entre le 18 décembre 1986 et le 30 septem-
bre 1988, dates auxquelles les parties VI et VII
de la Loi sont entrées en . vigueur par
proclamation?
2. La Commission " a-t-elle compétence pour
examiner les plaintes de la catégorie B, qui se
rapportent à des actes qui auraient été accom-
plis entre le 26 mars 1986, date à laquelle la Loi
modificative, qui comprend les parties VI et VII,
a reçu la sanction royale, et le 18 décembre
1986, date à laquelle la partie VI de la Loi est
entrée en vigueur?
3. La Commission a-t-elle compétence pour
examiner la plainte «C 1 », qui se rapporte à des
actes qui auraient été accomplis avant le 26
mars 1986, c'est-à-dire avant que la Loi modifi-
cative reçoive la sanction royale, et qui a appa-
remment été déposée avant que la partie VII de
la Loi n'entre en vigueur?
4. La Commission a-t-elle compétence pour
examiner la plainte «C 2 », qui se rapporte à des
actes qui auraient été accomplis avant le 26
mars 1986, c'est-à-dire avant que la Loi modifi-
cative reçoive la sanction royale, et qui n'a été
déposée qu'après l'entrée en vigueur de la partie
VII de la Loi?
5. Si la réponse à la troisième question est
affirmative, la Commission a-t-elle compétence
pour déclarer la plainte irrecevable ou pour
refuser d'enquêter ou de convoquer une
audience publique sur la plainte, si le laps de
temps écoulé avant que la Commission n'ait été
saisie de la plainte risque de nuire à l'examen de
la plainte ou de causer un préjudice à la per-
sonne dont la conduite est à l'origine de la
plainte?
Façon dont étaient auparavant examinées les
plaintes du public
Avant de passer aux points litigieux soulevés par
le mémoire spécial, il est utile de résumer les
modalités d'examen des plaintes du public qui
existaient avant que la procédure de la Commis
sion ne prenne effet le 30 septembre 1988.
Avant la promulgation de la partie VII de la
Loi, la GRC avait élaboré des règles d'examen des
plaintes déposées par des citoyens au sujet de la
conduite de membres de la Gendarmerie. Ces
règles sont énoncées dans le bulletin administratif
AM-740 de la GRC intitulé «Plaintes portées par
le public» qui a été publié en octobre de 1984 et
qui a été révisé en janvier de 1986 et en mars de
1987. Au nombre des plaintes provenant du public
dont la GRC a été saisie et qui ont été instruites
conformément à ces règles, environ 1 300 ont été
examinées en 1986 et quelque 1 600 ont été trai-
tées en 1987.
L'avocat de la Commission et l'avocate du •pro-
cureur général ne s'entendent pas sur l'autorité
légale ou réglementaire sur laquelle ces règles
étaient fondées, et ils ne sont notamment pas
d'accord sur les possibles fondements législatifs des
règles relatives à la discipline interne et aux plain-
tes portées par le public. Ils ne s'entendent pas non
plus sur l'importance, s'il en est, des incidences de
la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), chap. I-11,
une loi d'application générale qui n'a aucun rap
port avec la Loi sur la Gendarmerie royale du
Canada, en ce qui concerne d'éventuelles enquêtes
menées sur des sujets de plainte soulevés par le
public à l'égard de la conduite de membres de la
Gendarmerie. Ces divergences de vues n'ont pas
directement rapport avec les questions litigieuses
soulevées en l'espèce. Les avocats semblent être
d'accord pour dire que la GRC avait une procé-
dure d'examen des plaintes du public avant que la
partie VII n'entre en vigueur, que la Loi modifica-
tive qui a constitué à ses parties VI et VII une
commission des plaintes du public et qui a établi
une procédure d'examen des plaintes du public,
faisait en partie écho aux recommandations for-
mulées en 1976 par la Commission d'enquête sur
les plaintes du public, la discipline interne et le
règlement des griefs au sein de la Gendarmerie
royale du Canada (la «Commission Marin»), et
finalement que la partie VII a effectivement établi
une nouvelle procédure légale d'examen des plain-
tes du public, y compris notamment la procédure à
suivre par la GRC ainsi que par la nouvelle com
mission pour statuer sur les plaintes en question.
À l'exception de la plainte «C-2», toutes les
plaintes mentionnées à titre d'exemple dans le
mémoire spécial ont été déposées auprès de la
GRC, et non de la Commission, avant la promul
gation de la partie VII de la Loi, et ont été
instruites conformément à la procédure de règle-
ment des plaintes de la GRC. Ainsi qu'il est noté
dans le tableau sommaire ci-dessus mentionné,
chacune de ces plaintes a fait l'objet d'une «déci-
sion», c'est-à-dire que chacune a, au besoin, fait
l'objet d'une enquête ou d'une autre mesure, et
qu'on a établi un rapport à son sujet conformé-
ment à cette procédure. Les plaintes «A-2» et «B-1»
ont été tranchées avant la promulgation de la
partie VII, et les plaintes «A-1», «A-3» et «C-1» ont
été jugées après sa promulgation. Elles ont toutes
été depuis lors renvoyées devant la Commission
par les plaignants qui n'étaient pas satisfaits de
l'issue de la procédure de la GRC, à l'exception de
la plainte «C-2», qui est présumée avoir été déposée
après la promulgation de la partie VII.
Points litigieux soulevés dans le mémoire spécial
L'avocat de la Commission affirme que le
mémoire spécial soulève quatre points litigieux:
1. La rétroactivité—La partie VII de la Loi
s'applique-t-elle rétroactivement aux actes
accomplis avant son entrée en vigueur?
2. La rétroactivité—Si oui, la Commission a-
t-elle compétence en vertu de la partie VII de la
Loi pour statuer sur des plaintes découlant d'ac-
tes qui auraient été accomplis par la GRC:
a) entre le 18 décembre 1986 et le 30 septem-
bre 1988 («A-1» à «A-3»);
b) entre le 26 mars 1986 et le 18 décembre
1986 (4B-1»);
c) avant le 26 mars 1986 («C-1» et «C-2»)?
L'avocate du procureur général prétend que si la
partie VII doit avoir un effet rétroactif en ce qui
concerne les actes accomplis avant le 30 septem-
bre 1988, ce qu'elle conteste, cet effet ne devrait
valoir que pour les actes accomplis après le 26
mars 1986.
3. Interprétation du paragraphe 45.41(1) de la
Loi—La personne qui a déposé une plainte
avant l'entrée en vigueur du paragraphe
45.35(1) est-elle un «plaignant visé au paragra-
phe 45.35(1)» au sens du paragraphe 45.41(1),
lesquels paragraphes font tous les deux partie de
la partie VII?
L'avocate du procureur général du Canada pré-
tend que cette question est simplement une autre
façon de formuler la question principale, celle de
savoir si la partie VII doit avoir un effet
rétroactif.
4. Pouvoir discrétionnaire de la Commission—
La Commission ou son président ont-ils le pou-
voir de refuser d'enquêter sur une plainte qui a
été renvoyée devant eux, ou le pouvoir de la
déclarer irrecevable lorsque la conduite repro-
chée qui serait à l'origine de la plainte remonte à
plusieurs années et que procéder à l'examen de
l'affaire pourrait causer un préjudice à des per-
sonnes ou nuire au déroulement de l'enquête?
La solution à ces questions dépend de l'interpré-
tation de la loi en question, et en particulier de la
partie VII de la Loi. Il est constant que l'interpré-
tation d'une loi dépend de ses objets, conformé-
ment à l'article 12 de la Loi d'interprétation,
L.R.C. (1985), chap. I-21, qui dispose:
12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et
s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui
soit compatible avec la réalisation de son objet.
C'est sur l'application de ce principe général aux
situations qui ont été portées à l'attention de la
Commission à la suite du renvoi ou du dépôt de
plaintes provenant de membres du public que les
avocats sont en désaccord.
1. Application rétroactive de la partie VII
Est-il nécessaire de préciser que les questions
d'application rétroactive de la loi ne se posent
qu'en ce qui concerne les actes qui sont à l'origine
des plaintes et qui auraient été accomplis avant la
promulgation des parties pertinentes de la Loi ou
avant la sanction royale. La question de l'applica-
tion rétroactive, de la loi ne se pose pas en ce qui
concerne les plaintes qu'on a tenté de présenter ou
de renvoyer devant la Commission avant le 30
septembre 1988, 'date de l'entrée en vigueur de la
partie VII. Dans ce dernier cas, la loi ne dispose
que pour l'avenir.
Dans le cas qui nous occupe, la loi ne précise pas
le moment de la conduite reprochée dont on vou-
lait que la Commission tienne compte. En ce sens,
il n'existe pas de disposition expresse au sujet de
son application rétroactive à des actes qui auraient
été accomplis avant l'entrée en vigueur de la partie
VII. En pareil cas, lorsqu'il existe une divergence
de vues au sujet de l'interprétation des termes de la
loi, les principes d'interprétation, dont ceux relatifs
à la rétroactivité, peuvent aider à en arriver à une
conclusion au sujet des objets de la loi, et à
résoudre ainsi les questions litigieuses soulevées en
l'espèce.
Principes généraux en matière de rétroactivité des
lois
Il n'y a pas de divergence entre les avocats au
sujet des principes généraux relatifs à l'interpréta-
tion des lois dans le temps. On a cité plusieurs
auteurs éminents qui ont écrit au sujet de l'inter-
prétation des lois'. Il suffira pour nos besoins de
citer Halsbury's Laws of England, vol. 44 (4° éd.,
1983), paragraphes 922 [pages 570 et 571] et 925
[page 574], où l'on trouve les passages suivants:
[TRADUCTION] ... Selon la règle générale, toutes les lois,
autres que celles qui sont simplement déclaratoires ou qui ne se
rapportent qu'à des questions de procédure ou de preuve, ne
disposent prima facie que pour l'avenir. On ne doit pas leur
donner d'effet rétroactif à moins qu'une intention contraire du
législateur ne résulte d'une disposition expresse ou ne s'impose
comme inéluctable. De même, les tribunaux interprètent une
disposition comme conférant le pouvoir d'agir rétroactivement
seulement lorsque des termes clairs ont été employés.
... La présomption de non-rétroactivité ne s'applique pas aux
lois qui s'intéressent simplement à des questions de procédure
ou de preuve; au contraire, les dispositions de cette nature
doivent être interprétées rétroactivement, à moins qu'il ne
ressorte à l'évidence que ce n'était pas l'intention du législateur.
De plus, on présume que les lois procédurales doivent avoir
un effet pleinement rétroactif, c'est-à-dire qu'elles doivent s'ap-
pliquer non seulement aux actes futurs à l'égard de causes
existantes, mais également aux instances entamées avant leur
entrée en vigueur ... Cependant, un texte législatif procédural
ne s'appliquera pas rétroactivement sans un libellé clair le
prévoyant si cette application aurait pour effet de priver une
personne d'un droit acquis de sorte que, par exemple, une loi
postérieure imposant un délai de prescription ne porterait pas
atteinte au droit d'un demandeur de poursuivre une action déjà
engagée, tandis que l'applicabilité à une instance en cours d'une
disposition modifiant la structure des appels pourra dépendre
de la question de savoir si cette disposition accroît ou diminue
les droits d'appel.
Les dispositions qui créent de nouveaux recours sont considé-
rées comme des dispositions procédurales pour l'application des
règles relatives à la rétroactivité, de sorte qu'elles s'appliquent
prima fade tant aux poursuites introduites ultérieurement à
l'égard de droits d'action existants qu'aux poursuites en cours,
qu'elles soient pendantes devant un tribunal de première ins
tance ou devant un tribunal d'appel, et les dispositions qui
suspendent des recours doivent probablement être considérées
comme des dispositions de caractère procédural.
' En plus des renvois suivants à Halsbury, les avocats des
parties ont cité les auteurs suivants en ce qui concerne l'inter-
prétation des lois:
Côté, Interprétation des lois, (1982), p. 144 à 147 et 152 à
154; Craies on Statute Law, (1971, 7e éd.), p. 393 à 395;
Driedger, Construction of Statutes, (1983, 2' éd.), p. 223;
Driedger, «Statutes: Retroactive, Retrospective Reflections»,
(1978), 56 R. du B. can. 264, à la p. 275; The Canadian
Encyclopedic Digest (Ont.) (3° éd., suppl. 1989), vol. 31,
Titre 136, «Statutes», par John M. Edmiston p. 109, par. 251;
Maxwell on the Interpretation of Statutes, (1976, 12° éd.),
p. 215; Rawls, A Theory of Justice, (1971), p. 238.
Pour rattacher ces principes généraux aux dispo
sitions législatives en l'espèce, les avocats insistent
sur différents aspects. Ainsi, alors que le procureur
général du Canada adopte le point de vue selon
lequel nulle loi ne doit s'interpréter comme ayant
un effet rétroactif à moins qu'une telle interpréta-
tion ne ressorte clairement du texte de la loi on ne
s'impose comme inéluctable, l'avocat de la Com
mission souligne que cette présomption comporte
certaines exceptions dont on doit tenir compte en
l'espèce. Celles-ci ont trait à ce que l'avocat a
qualifié de rétroactivité procédurale, de rétroacti-
vité fondée sur l'intérêt public et de rétroactivité
implicite. L'effet du report est une autre question
qui a été abordée par l'avocat.
(i) La rétroactivité procédurale
L'avocat de la Commission prétend, en se fon
dant en partie sur les passages précités de Halsbu-
ry's Laws of England, que les parties VI et VII de
la Loi établissent seulement une nouvelle procé-
dure d'enquête des plaintes portées par le public
contre des membres de la GRC, et que les lois de
procédure, qui ne concernent que les moyens par
lesquels on peut faire reconnaître des droits ou des
obligations et qui n'ont aucune incidence sur les
droits matériels préexistants, ne sont pas assujet-
ties à la présomption de non-rétroactivité de la
common law. La Commission affirme que l'on
trouve un appui additionnel pour cette thèse dans
l'arrêt Angus c. Sun Alliance compagnie d'assu-
rance, [1988] 2 R.C.S. 256, dans lequel le juge La
Forest déclare, à la page 262:
Les arguments initiaux énumérés ... sont inattaquables. 11
existe une présomption que les lois n'ont pas d'effet rétroactif.
Toutefois, les dispositions aprocédurales» ne sont pas assujetties
à la présomption. Au contraire, elles sont présumées agir
rétroactivement ...
Le juge La Forest s'empresse toutefois d'ajouter
que «la distinction qui existe entre les dispositions
de fond et celles de nature procédurale est loin
d'être claire».
L'avocat de la Commission soutient que la pro-
cédure de règlement des plaintes de la GRC qui
existait avant la promulgation de la partie VII
constituait, avec peut-être les enquêtes publiques
menées en vertu de la Loi sur les enquêtes, préci-
tée, une procédure d'examen des plaintes prove-
nant de membres du public et que la partie VII de
la Loi, une fois promulguée, prévoyait simplement
une procédure révisée. Les membres de la Gendar-
merie et d'autres employés visés par la Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada étaient passibles
de mesures disciplinaires ou d'autres poursuites
pénales ou civiles en raison des enquêtes menées
sur les plaintes portées au sujet de leur conduite.
Dans l'optique de l'avocat de la Commission, la
partie VII est une loi procédurale et non une loi
qui porte atteinte à des droits matériels, et elle
tomberait donc sous le coup de l'exception recon-
nue au principe général de la non-rétroactivité des
lois.
L'avocate du procureur général prétend qu'il
ressort d'un examen de la jurisprudence portant
sur la distinction entre les lois qui ne concernent
que la procédure et celles qui touchent des droits
matériels que la partie VII de la Loi renferme des
dispositions de fond qui [TRADUCTION] «risquent
de porter atteinte à des droits acquis, ou de ratta-
cher de nouvelles conséquences à des actes déjà
accomplis».
L'avocate du procureur général affirme que la
procédure de règlement des plaintes prévue à la
partie VII est très différente du processus visé par
la procédure de règlement des plaintes publiques
de la GRC:
[TRADUCTION] Cette dernière n'a pas créé de droit d'origine
législative à une enquête ni de procédure légale concernant la
tenue d'une telle enquête par la G.R.C.; elle ne prévoyait pas
d'examen public indépendant par un organisme comme la
Commission et n'était de toute façon qu'une procédure
administrative.
La partie VII crée un nouveau système obligatoire d'examen et
d'enquête internes par la G.R.C.
Les dispositions de la partie VII introduisent un concept entiè-
rement nouveau d'enquête et d'examen internes publics d'ori-
gine législative. Le processus d'examen public prévoit la tenue
d'audiences publiques officielles et comporte le risque que la
personne visée subisse une atteinte irréparable à sa réputation
en raison du processus, même si elle finit par être innocentée de
tout acte fautif.
(Exposé des faits et du droit du procureur général
du Canada, page 11, paragraphes 37 à 39.)
Le processus de révision de la Commission est
qualifié de processus externe dans lequel intervient
un organisme nouvellement créé. La procédure
antérieure de la GRC ne prévoyait pas de rôle ou
de fonction comparables.
L'avocate du procureur général prétend égale-
ment que, par analogie, on peut considérer que la
Commission agit soit comme un tribunal d'appel à
l'égard de l'enquête menée par la GRC soit, lors-
que le président invoque l'intérêt public, comme un
tribunal de première instance procédant à une
révision externe. L'application de la partie VII
peut finalement mener à punir la personne dont la
conduite fait l'objet de l'examen. En résumé, l'avo-
cate du procureur général prétent que:
[TRADUCTION] L'introduction de la partie VII impose de «nou-
velles incapacités» et de «nouvelles obligations». Il s'agit de
beaucoup plus qu'une simple modification procédurale à une
instance en cours.
(Exposé des faits et du droit, page 12.)
À l'appui de sa thèse, l'avocate du procureur
général a cité plusieurs précédents. Dans l'arrêt R
v Secretary of State for Trade and Industry, ex p
R, [1989] 1 All ER 647 (Q.B.D.), la Cour a refusé
d'appliquer rétroactivement la Financial Services
Act, 1986 des activités qui avaient eu lieu avant
son adoption. La Cour a estimé que cette Loi
instaurait un régime entièrement nouveau de
réglementation des services financiers. Dans l'arrêt
Latif c. Commission canadienne des droits de la
personne, [1980] 1 C.F. 687 (C.A.), le juge
Le Dain de la Cour d'appel a refusé d'appliquer la
Loi canadienne sur les droits de la personne [S.C.
1976-77, chap. 33] à des circonstances qui
s'étaient produites et qui avaient été jugées avant
l'adoption de la Loi. Dans le jugement Re Royal
Insurance Co. of Canada and Ontario Human
Rights Commission et al. (1985), 51 O.R. (2d)
797 (C. div.), la Cour a également refusé d'appli-
quer rétroactivement une modification au Code
des droits de la personne de l'Ontario à un contrat
conclu avant la modification. Ces décisions illus-
trent des situations dans lesquelles la loi a été
interprétée comme devant toucher des droits maté-
riels, et comme ne devant donc pas s'appliquer
rétroactivement.
Dans l'arrêt Angus c. Sun Alliance compagnie
d'assurance, (précité), le juge La Forest a statué
que [à la page 265]:
Une disposition est considérée de nature procédurale ou de fond
aux fins de l'application rétroactive non parce qu'elle est ou non
fondée sur une fiction juridique mais parce qu'elle a ou non un
effet sur des droits matériels.
Le juge cite [à la page 265] ensuite l'ouvrage de
P.-A. Côté, Interprétation des lois (1982), aux
pages 149 et 150:
Lorsqu'il est question de l'application des lois dans le temps,
le terme «procédure» est employé dans un . sens tout à fait
particulier: pour savoir si une disposition est d'application
immédiate [c: à-d. aux affaires en cours] «... il faut décider
non seulement si le texte touche la procédure, mais s'il ne
touche que ' la procédure, sans toucher le fond du droit des
parties». [Citant De Roussy c. Nesbitt (1920), 53 D.L.R. 514,
516 (traduction).]
Finalement, le juge La Forest fait observer, aux
pages 265 et 266:
Normalement, les règles de procédure n'ont pas d'effet sur le
contenu ou sur l'existence d'une action ou d'un moyen de
défense (ou d'un droit, d'une obligation ou de quelque autre
objet dela loi), mais seulement sur la manière de l'appliquer ou
de l'utiliser.
Il n'existait pas de mécanisme législatif d'en-
quête au sujet des plaintes avant que soient adop-
tées les modifications par lesquelles la Commission
a été constituée et s'est vu accorder le pouvoir de
faire enquête sur les plaintes portées contre la
GRC. Pour la première fois, la partie VII de la Loi
oblige légalement la GRC à mener des enquêtes
sur les plaintes dont elle fait l'objet. Avant"`l'adop-
tion de la partie VII, il existait une procédure
d'examen interne qui prévoyait que lorsqu'un
citoyen se plaignait de la conduite d'un, membre de
la GRC, s u a plainte faisait l'objet d'un examen
interne au ' sein de la GRC conformément à la
procédure d'examen des plaintes du public énoncée
dans le bulletin administratif AM-740 de la GRC.
Les plaintes étaient en premier lieu présentées
directement à des représentants de la GRC ou des
agents provinciaux ou fédéraux chargés de l'appli-
cation de ' la loi, et, une fois présentées, elles
n'étaient examinées que par la GRC conformé-
ment à cette procédure. Comme nous l'avons déjà
signalé, à l'exception de la plainte «C-2», toutes les
plaintes mentionnées aux annexes «A» à «C» ont
d'abord été présentées de cette façon et ont été
examinées conformément à la procédure de règle-
ment des plaintes de la GRC.
Je suis d'avis que les dispositions introduites par
la partie VII de la Loi constituent plus qu'une
simple modification proçédurale aux modalités
préexistantes. Si j'ai bien compris, le critère posé
dans l'arrêt Angus c. Sun Alliance compagnie
d'assurance pour savoir si une disposition est une
disposition de fond ou une disposition procédurale
est exprimé par la question suivante: la disposition
touche-t-elle des droits matériels? Il ne suffit pas
de se demander si les dispositions touchent la
procédure; on doit se demander si elles ne touchent
que la procédure sans toucher le fond du droit des
parties.
En l'espèce, il est évident que les dispositions
introduites par la partie VII touchent des droits
procéduraux. Mais elles touchent aussi d'autres
droits des parties. L'ancienne procédure de règle-
ment des plaintes de la GRC ne prévoyait pas
d'examen public indépendant comme celui auquel
la Commission, qui est un organisme distinct de la
GRC, doit procéder aux termes de la partie VII.
Comme l'avocate du procureur général l'a souli-
gné, la procédure d'examen de la Commission
prévue par la partie VII est une procédure externe
dans laquelle intervient un organisme nouvelle-
ment créé qui ne jouait aucun rôle et n'exerçait
aucune fonction relativement à l'ancienne procé-
dure de règlement des plaintes de la GRC. Il s'agit
d'une modification qui a un effet sur le contenu ou
sur l'existence d'un droit. Elle crée un nouveau
droit à un examen public externe de la conduite de
la GRC et, pour la plupart des plaintes, elle allon-
gera le temps consacré à l'examen des plaintes, elle
peut comporter la tenue d'audiences, généralement
publiques, et, en attendant que la question soit
tranchée définitivement, les incertitudes inhérentes
au processus seront accrues.
En conséquence, je ne suis pas persuadé, malgré
les prétentions de l'avocat de la Commission, que
les parties VI et VII de la Loi établissent seule-
ment une nouvelle procédure d'enquête des plain-
tes portées par le public contre des membres de la
GRC. L'exception à l'application de la présomp-
tion générale de non rétroactivité qui existe dans le
cas des lois procédurales n'est pas d'un grand
secours lorsqu'il s'agit d'interpréter les objets de
dispositions législatives dont il est question en
l'espèce.
(ii) La rétroactivité et l'intérêt public
La Commission prétend que les parties VI et
VII de la Loi ont été édictées a) pour éviter toute
apparence d'injustice qui pourrait être créée lors-
que la GRC agit elle-même à la fois comme
surveillante de ses membres et comme arbitre final
des plaintes portées au sujet de leur conduite, et b)
pour protéger le public et la GRC des risques de
cette partialité réelle ou appréhendée, et pour
maintenir ainsi la confiance du public dans l'inté-
grité de la Gendarmerie. L'avocat de la Commis
sion soutient, en ce qui concerne cette prétention,
que lorsque l'objet primordial de la loi est de
promouvoir l'intérêt public plutôt que de punir des
individus ou de leur causer un préjudice, la loi peut
être appliquée rétroactivement. A l'appui de cette
prétention, l'avocat a cité plusieurs décisions, dont
l'arrêt Acme Village School District (Board of
Trustees of) v. Steele -Smith de la Cour suprême
du Canada, [1933] R.C.S. 47, à la page 53, dans
lequel le juge Lamont a énoncé le principe dans les
termes suivants en citant Craies on Statute Law,
3 e éd., à la page 336:
[TRADUCTION] Si une loi est adoptée dans le but de protéger
le public contre un mal ou un abus, on lui permettra de
s'appliquer rétroactivement, même si cela a pour effet de priver
une ou plusieurs personnes d'un droit acquis.
L'avocat de la Commission souligne que la Cour
suprême du Canada s'est penchée plus récemment
sur la «rétroactivité fondée sur l'intérêt public»
dans l'arrêt Brosseau c. Alberta Securities Com
mission, [1989] 1 R.C.S. 301. Cette affaire portait
en partie sur la question de savoir si une mesure
prise par l'Alberta Securities Commission en vertu
d'une «nouvelle» Securities Act donnait lieu à la
présomption de non-rétroactivité des lois. Dans
l'arrêt Brosseau, le juge L'Heureux-Dubé cite, à la
page 318, les propos suivants de Driedger dans
Construction of Statutes (1983, 2° éd.):
[TRADUCTION] ... il y a trois sortes de lois que l'on peut, à
proprement parler, qualifier de rétroactives, mais il n'y en a
qu'une qui donne lieu à la présomption. Premièrement, il y a les
lois qui rattachent des conséquences bienfaisantes à un événe-
ment antérieur; elles ne donnent pas lieu à la présomption.
Deuxièmement, il y a celles qui rattachent des conséquences
préjudiciables à un événement antérieur; elles donnent lieu à la
présomption. Troisièmement, il y a celles qui imposent une
peine à une personne qui est décrite par rapport à un événement
antérieur, mais la peine n'est pas destinée à constituer une
autre punition pour l'événement; elles ne donnent pas lieu à la
présomption.
La Commission prétend que c'est cette troisième
catégorie de lois qui est pertinente en l'espèce, car
comme le juge L'Heureux-Dubé le souligne dans
l'arrêt Brosseau (à la page 319):
Une sous-catégorie du troisième type de lois décrit par
Driedger est composée des textes législatifs qui peuvent imposer
à une personne une peine liée à un événement passé en autant
que le but de la peine n'est pas de punir la personne en question
mais de protéger le public.
Elle signale [à la page 320] que Driedger résume
la question dans «Statutes: Retroactive, Retrospec-
tive Reflections» (1978), 56 R. du B. can. 264, à la
page 275:
[TRADUCTION] Finalement, il faut se tourner vers l'objet de
la loi. Si l'intention est de punir ou de pénaliser une personne
pour ce qu'elle a fait, la présomption joue, parce qu'une nou-
velle conséquence se rattache à un événement antérieur. Toute-
fois, si la nouvelle punition ou peine est destinée à protéger le
public, la présomption ne joue pas.
Le juge L'Heureux-Dubé a conclu '[à la page
321], dans l'arrêt Brosseau, qu'étant donné que les
dispositions en question dans cette affaire étaient
destinées à empêcher les personnes jugées coupa-
bles par la Commission d'avoir accompli des actes
mettant en doute leur intégrité commerciale, d'ef-
fectuer des opérations relatives à des valeurs mobi-
lières et qu'il s'agissait d'une mesure destinée à
protéger le public plutôt que d'une mesure destinée
à infliger une peine, la présomption de non-
rétroactivité de la loi était réfutée. L'avocat de la
Commission me demande pareillement de conclure
que comme les dispositions de la partie VII sont
destinées à protéger le public, la présomption ne
joue pas.
L'avocate du procureur général admet qu'en
principe, les tribunaux reconnaissent que lorsque
l'objectif primordial de la loi est de favoriser un
objet public, on peut en déduire l'existence d'un
effet rétroactif. L'avocate a toutefois prétendu que;
[TRADUCTION] ... cette rétroactivité ne saurait s'appliquer au
détriment de droits ou d'intérêts acquis. Le simple fait qu'une
loi est réparatrice ne suffit pas à réfuter la présomption de
non-rétroactivité.
(Exposé des faits et du droit du procureur général
du Canada, page 13.)
De plus, l'avocate du procureur général affirme
que l'arrêt Brosseau ne s'applique pas à l'affaire
qui m'est soumise, étant donné que, selon elle, la
partie VII n'a pas comme objectif primordial la
protection du public. Elle soutient que [TRADUC-
TION] «un simple intérêt public sans élément de
protection ne suffit pas».
Quels sont les «droits acquis» qui sont touchés en
l'espèce par la Loi? On prétend que les membres
de la Gendarmerie ou les employés visés par la Loi
dont la conduite fait l'objet d'une plainte de la part
d'un citoyen ont un intérêt à ce que leur plainte
soit jugée selon une procédure administrative par-
ticulière, la procédure de règlement des plaintes du
public de la GRC, plutôt que selon la nouvelle
procédure prévue par la Loi. Cela est particulière-
ment vrai lorsque l'affaire a été décidée avant
l'entrée en vigueur de la partie VII, comme dans
les cas des plaintes A-2 et B-1. On prétend égale-
ment que la nouvelle procédure législative et l'in-
tervention de la Commission peuvent donner lieu à
un étalage public si une audience a lieu, ou à
l'application d'une peine, en raison de l'interven-
tion de la Commission. D'autre part, je suis forcé
de constater que ces conséquences éventuelles ris-
quent autant de se produire lorsque, à la suite d'un
examen minutieux, la Commission ou son prési-
dent confirment la décision déjà rendue au sujet de
l'affaire par le commissaire de la GRC. Par ail-
leurs, comme je l'ai déjà fait remarquer, la Com
mission n'a pas le pouvoir d'infliger des peines,
étant donné qu'elle ne peut, dans ses rapports, que
recommander des mesures au commissaire ou au
ministre, à qui revient toute décision finale - quant
aux mesures à prendre.
Qui plus est, dans la mesure où l'on peut conce-
voir que le membre qui fait l'objet d'une plainte a
un droit acquis à une procédure d'enquête particu-
lière—et je ne suis pas persuadé que c'est le cas—
ce droit est certainement moins important, dans le
contexte général des parties VI et VII de la Loi,
que le droit du citoyen qui n'est pas satisfait du
règlement de sa plainte à l'issue du processus
interne de la GRC, de faire examiner la question
par une commission indépendante.
Malgré les arguments contraires qui ont été
invoqués, je suis impressionné par la pertinence au
cas qui nous occupe de la décision du juge L'Heu-
reux-Dubé dans l'affaire Brosseau. Je ne suis pas
convaincu qu'en l'espèce, une application rétroac-
tive à des actes accomplis avant la promulgation
de la partie VII porterait gravement atteinte à des
droits acquis. Même si, comme l'avocat de la
Commission l'a rétorqué, des droits ou des intérêts
acquis sont touchés, le principe de la rétroactivité
fondée sur l'intérêt public constitue une exception
au principe de la non-rétroactivité des lois. Ce
principe est clairement affirmé dans le passage
précité de Craies on Statute Law; même si l'appli-
cation rétroactive de la loi a pour effet de [TRA-
DUCTION] «priver une ou plusieurs personnes d'un
droit acquis», on permettra à la loi de s'appliquer
rétroactivement si elle a été adoptée [TRADUC-
TION] «dans le but de protéger le public contre un
mal ou un abus».
Néanmoins, la prétention de l'avocate du procu-
reur général suivant laquelle la partie VII n'a pas
comme objectif primordial la protection du public
exige un examen minutieux. Il n'est pas nécessaire
de répéter que les dispositions de la partie VII
doivent être destinées à protéger le public pour que
la présomption de non-rétroactivité ne s'applique
pas. En conséquence, quel est l'objet de la partie
VII?
La Commission prétend que le législateur pour-
suivait deux objectifs en adoptant les parties VI et
VII de la Loi: empêcher toute apparence d'injus-
tice qui pourrait être créée lorsque la GRC agit
elle-même à la fois comme surveillante et comme
arbitre final des plaintes, et protéger le public et la
GRC des risques de cette partialité réelle ou
appréhendée. La Commission prétend que le
public a, tout comme la GRC, un intérêt à s'assu-
rer que les plaintes portées par le public contre la
GRC soient perçues comme étant évaluées équita-
blement par une autorité impartiale. La création
de la Commission, , prétend-on, [TRADUCTION]
«avait donc comme principal objectif d'accroître la
confiance du public dans la GRC et de protéger le
public».
L'avocat a cité le rapport publié par la Commis
sion Marin, qui nous aide à avoir une compréhen-
sion générale des circonstances ayant précédé
l'adoption des dispositions législatives. On a égale-
ment cité le compte rendu officiel des débats du 11
septembre 1985 de la Chambre des communes, à
la page 6518, où est reproduite la discussion préli-
minaire en seconde lecture du projet de loi [C-65]
comprenant les parties VI et VII qui ont modifié la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Le
solliciteur général du Canada de l'époque a fait
observer:
Je vois l'établissement de la Commission des plaintes du
public comme une modification de première importance. C'est
une solution contemporaine à la nécessité de traiter de façon
objective, ouverte et juste les plaintes formulées contre des
agents de la GRC, solution qui méritera la confiance de la
population.
Je suis disposé à conclure que les parties VI et
VII des modifications à la Loi ont été adoptées
dans le but principal de protéger le public et la
GRC elle-même contre le risque de partialité réelle
ou appréhendée dans le traitement des plaintes
déposées au sujet de la conduite de la Gendarme-
rie. Avant ces modifications, c'était la GRC elle-
même qui agissait comme seul arbitre des plaintes
portées contre elle. La possibilité de faire réviser
par la Commission de façon impartiale et ouverte
le règlement des plaintes ne peut qu'améliorer la
confiance du grand public dans la Gendarmerie et
ses activités.
À mon avis, l'objectif primordial des parties VI
et VII de la Loi est de favoriser un objectif public,
en l'occurrence la protection du public. Dans la
mesure où l'on peut considérer que ces modifica
tions touchent des droits ou des intérêts acquis ou
amènent à infliger une peine liée à une conduite
antérieure, cet aspect est secondaire par rapport à
l'objectif primordial qui existe en l'espèce, tout
comme il l'était, dans un contexte différent, dans
l'arrêt Brosseau. Compte tenu de l'objectif primor
dial poursuivi en l'espèce, à savoir la protection de
l'intérêt public, la présomption de non-rétroactivité
de la partie VII à l'égard des actes accomplis avant
son entrée en vigueur est réfutée.
(iii) Rétroactivité implicite et effet du report.'
Les avocats des parties conviennent que l'on
peut appliquer une loi rétroactivement lorsque cela
était implicitement l'intention du législateur. Ils
divergent d'opinion sur la question de savoir si l'on
peut conclure à l'existence de cette intention en
l'espèce.
L'avocate du procureur général prétend que l'on
peut déduire l'existence de cette intention implicite
si l'on doit appliquer rétroactivement la loi pour lui
donner effet et que la rétroactivité ne s'applique
que si l'on ne peut l'éviter sans déformer l'énoncé
du texte. On a invoqué l'arrêt In re Athlumney Ex
parte Wilson, [1898] 2 Q.B. 547, le juge Wright,
aux pages 551 et 552; et l'arrêt Sunshine Porcelain
Potteries Pty. Ltd. v. Nash, [1961] A.C. 927
(C.A.). Cependant, ces décisions n'appuient pas
selon moi une conception aussi étroite de la
rétroactivité implicite que celle que propose le
procureur général. L'afffaire In re Athlumney con-
cernait l'application d'une loi de faillite à une
proposition concordataire homologuée par le tribu
nal avant l'adoption de la loi. Le tribunal a estimé
que la loi portait atteinte à des droits et des
obligations existants. Dans l'arrêt Sunshine Porce
lain Potteries, on a donné un effet rétroactif à une
loi d'indemnisation des accidents du travail relati-
vement à un emploi et une cause de blessure qui
étaient tous les deux antérieurs à la modification.
La présomption de non-rétroactivité a été réfutée,
et on a conclu que l'intention de rendre la loi
rétroactive ressortait des circonstances de l'affaire.
C'est sur le fondement de cette conception plus
large de la recherche de l'intention de législateur
que les précédents invoqués par l'avocat de la
Commission préconisent que l'on peut conclure,
par déduction, à l'application rétroactive de la loi.
Ainsi, dans l'arrêt Québec (Procureur général) c.
Healey, [1987] 1 R.C.S. 158, aux pages 177 et
178; et, antérieurement, dans l'arrêt Acme Village
School District (Board of Trustees of) v. Steele -
Smith, [1933] R.C.S. 47, la Cour suprême du
Canada a conclu à une intention implicite du
législateur d'appliquer la loi rétroactivement, en se
fondant sur les circonstances dans lesquelles la loi
avait été adoptée, ainsi que sur ses objectifs géné-
raux et sur la procédure adoptée par les lois en
question.
L'avocat de la Commission prétend que les par
ties VI et VII de la Loi ont été adoptées pour
remédier à ce que l'on percevait être le mal, à
savoir une apparence d'injustice qui pourrait être
créée lorsque la GRC agit elle-même à la fois
comme surveillant et comme arbitre final à l'égard
des plaintes portées par le public contre ses mem-
bres. Il soutient que de telles dispositions réparatri-
ces peuvent s'appliquer pour garantir que tous les
cas donnant lieu à la situation que l'on voulait
réformer font effectivement l'objet d'un examen de
la part d'un organisme de révision impartial et
indépendant.
Par ailleurs, l'avocat prétend que les dispositions
de la partie VII de la Loi prévoient expressément
que la Commission ne doit recevoir des plaintes et
tenir des enquêtes à leur sujet qu'à compter de
l'entrée en vigueur de la partie VII de la Loi ..
(Exposé des faits et du droit de la Commission,
page 15.)
Un des facteurs qui fait partie des circonstances
générales entourant l'adoption et l'application de
la partie VII que les avocats n'ont pas mentionné
lors des débats est peut-être pertinent. D'autres
parties de la même Loi modificative ont apparem-
ment été édictées pour donner suite à d'autres
recommandations du rapport publié par la Com
mission Marin. Ainsi, la partie II prévoit la créa-
tion du Comité externe d'examen de la Gendarme-
rie royale du Canada, et la partie III, qui établit
une procédure interne de règlement des griefs dans
le cas des plaintes formulées par des membres de
la GRC, attribue à ce Comité externe d'examen un
rôle important dans la procédure de règlement des
griefs. Ce rôle s'apparente quelque peu à celui que
joue la Commission des plaintes du public à titre
d'organisme externe chargé d'examiner les griefs
du public. Les parties II et III de a Loi sont
également entrées en vigueur par proclamation, à
une date antérieure à celle de la partie VII. Il
semblerait anormal de conclure que le législateur
aurait voulu que prennent effet à des dates diffé-
rentes l'examen externe des griefs internes et l'exa-
men externe des plaintes du public, qui provien-
nent tous les deux du même rapport d'enquête et
qui sont tous les deux inclus dans la même Loi
modificative.
Un autre facteur que l'avocat de la Commission
a abordé dans sa plaidoirie découle de la thèse du
procureur général suivant laquelle la partie' VII ne
devrait pas être appliquée dans le cas d'une plainte
portant sur des actes qui auraient été accomplis
avant le 30 septembre 1988. Si c'était le cas, il
serait nécessaire, pour pouvoir examiner des plain-
tes du public, que coexistent pendant une période
très longue deux processus parallèles d'examen des
plaintes: l'un auquel seule la GRC participerait et
qui porterait sur les plaintes déposées au sujet
d'actes accomplis avant l'entrée en vigueur de la
partie VII, et l'autre, dans lequel la GRC et la
nouvelle commission interviendraient, lorsque
l'acte reproché aurait été accompli après cette
date.
Finalement, la Commission soutient, en ce qui
concerne les conséquences du report découlant du
temps écoulé entre l'adoption de la partie VII et
son entrée en vigueur par proclamation, que même
si la partie VII ne devait pas s'appliquer aux actes
accomplis avant l'adoption, le temps écoulé avant
que la partie VII n'entre en vigueur ne devrait pas
empêcher la Commission d'examiner les plaintes
déposées au sujet d'actes accomplis après la date
de la sanction royale. L'avocate du procureur
général soutient que si la partie VII doit avoir un
effet rétroactif, cet effet devrait remonter au 26
mars 1986, la date de la sanction royale, mais pas
plus tôt, pour ce qui est des actes à l'origine d'une
plainte.
La Commission souligne qu'après la date de la
sanction royale, toutes les personnes intéressées
étaient avisées de la procédure introduite par la
Loi modificative au sujet de l'examen des plaintes
du public ou pouvaient en prendre connaissance.
Ces personnes étaient également en mesure d'ap-
prendre que les parties VI et VII établissant cette
procédure pouvaient entrer en vigueur à tout
moment. Les plaignants pouvaient s'attendre à ce
qu'un organisme indépendant procède à un
examen s'ils n'étaient pas satisfaits du règlement
de la plainte par la GRC. Les personnes faisant
l'objet de la plainte pouvaient s'attendre à la même
chose.
À mon avis, le report de l'entrée en vigueur de la
partie VII n'a rien à voir avec la question de savoir
si les plaintes formulées au sujet d'actes accomplis
entre la date de la sanction royale et la date de la
proclamation relèvent de la compétence de la
Commission. Si j'ai bien compris, les avocats s'en-
tendent essentiellement sur ce point.
Eu égard aux circonstances générales entourant
l'adoption des dispositions législatives et leur appli
cation possible, vu la conclusion à laquelle j'en suis
déjà venu suivant laquelle les parties VI et VII
avaient pour but de protéger l'intérêt public et que
tout effet sur les droits acquis est subordonné à
l'intention de protéger le public, j'en viens à la
conclusion que le législateur voulait, par déduction
nécessaire, que la Commission s'occupe des plain-
tes déposées ou renvoyées devant elle après le 30
septembre 1988, date à laquelle la partie VII est
entrée en vigueur, que les actes à l'origine des
plaintes aient été accomplis avant ou après cette
date.
2. Portée de la rétroactivité de la partie VII de la
Loi
Il semblerait que la question à trancher sous
cette rubrique soit simplement celle de savoir «jus-
qu'où doit-on remonter» dans le passé pour appli-
quer rétroactivement les parties VI et VII de la
Loi. Dans le mémoire spécial, on demande si la
Commission a compétence en vertu de la partie
VII de la Loi pour statuer sur des plaintes dépo-
sées à la suite d'actes que la GRC aurait
accomplis:
a) entre la promulgation de la partie VI (le 18
décembre 1986) et la promulgation de la partie
VII (le 30 septembre 1988) (plaintes de la caté-
gorie «A»);
b) entre le 26 mars 1986 (sanction royale) et la
promulgation de la partie VI (le 18 décembre
1986) (plaintes de la catégorie «B»);
c) avant la sanction royale (le 26 mars 1986)
(plaintes «C-1» et «C-2»).
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'avo-
cate du procureur général a admis, lors des débats,
que l'application rétroactive des parties VI et VII
était une [TRADUCTION] «proposition à prendre ou
à laisser», du moins en ce qui concerne la période
comprise entre la sanction royale et la promulga
tion de la partie VII. En d'autres termes, ayant
conclu que les dispositions s'appliquent rétroactive-
ment, il n'y a aucune raison de limiter l'application
rétroactive à une date particulière après la sanc
tion royale. Cependant, le procureur général pré-
tend que l'application rétroactive ne devrait pas
valoir dans le cas des plaintes portant sur des actes
qui auraient été accomplis avant la sanction royale
de la Loi modificative.
Dans Halsbury's Laws of England (4 e éd., vol.
44), l'auteur déclare, à la page 573, paragraphe
924, sous la rubrique [TRADUCTION] «De l'impor-
tance d'éviter de donner une portée rétroactive
plus large que nécessaire»:
[TRADUCTION] En corollaire de la présomption générale de
non-rétroactivité, même lorsqu'elle doit manifestement avoir
une certaine portée rétroactive, une loi ne doit pas être interpré-
tée comme ayant un effet rétroactif plus grand que ne l'exige
son libellé.
L'avocat de la Commission affirme que lorsque la
rétroactivité est effectivement reconnue, elle
devrait être limitée à ce qui est nécessaire pour
réaliser les objets de la loi. En l'espèce, les objets
de la loi sont, affirme-t-on, réalisés en n'imposant
pas de date précise en ce qui concerne les actes à
l'origine de la plainte.
Ayant conclu que les parties VI et VII s'appli-
quent rétroactivement suivant le principe voulant
que la présomption de non-rétroactivité a été réfu-
tée en raison de l'objectif de protection du public
visé par les dispositions, et que cet objectif ou objet
suppose que le législateur voulait que la loi s'appli-
que rétroactivement à tous les cas qu'un examen
indépendant permettrait de régler de la manière
prévue par la partie VII, je conclus qu'il n'y a pas
lieu de fixer une date à laquelle la rétroactivité
devrait être limitée.
Si, comme je l'ai conclu, on doit donner pleine-
ment effet à l'intention du législateur conformé-
ment à l'article 12 de la Loi d'interprétation, les
actes qui sont à l'origine d'une plainte et qui ont
été accomplis avant la promulgation de la partie
VII, même avant le 26 mars 1986, lorsque la Loi
modificative a été officiellement adoptée par la
sanction royale, et qui font l'objet d'une plainte
déposée ou renvoyée devant la Commission, sont
des questions qui relèvent à juste titre de la compé-
tence de la Commission. En conséquence, les par
ties
VI et VII peuvent être appliquées rétroactive-
ment à chacune des trois catégories de plaintes «A»
à «C» sans tenir compte de la date à laquelle l'acte
à l'origine de la plainte aurait été accompli.
3. Interprétation duparagraphe 45.41(1) de la Loi
Le débat concernant l'interprétation à donner au
paragraphe 45.41(1), qui se trouve à la partie VII
de la Loi, s'explique par le fait qu'on y réfère au
paragraphe 45.35(1). L'avocate du procureur
général prétend qu'il s'agit simplement d'une autre
façon d'envisager la question de savoir si la partie
VII doit s'appliquer rétroactivement aux actes qui
auraient été accomplis avant l'entrée en vigueur de
la partie VII. Je suis porté à souscrire à ce raison-
nement. Néanmoins, cette question a été débattue
et elle est particulièrement soulevée comme consti-
tuant un aspect de trois des questions à trancher.
Voici le libellé du paragraphe 45.35(1) de la Loi
sur la Gendarmerie royale du Canada:
45.35 (I) Tout membre du public qui a un sujet de plainte
concernant la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la
présente loi, d'un membre ou de toute autre personne nommée
ou employée sous le régime de celle-ci peut, qu'il en ait ou non
subi un préjudice, déposer une plainte auprès soit:
a) de la Commission;
b) d'un membre ou de toute autre personne nommée ou
employée sous le régime de la présente loi;
e) de l'autorité provinciale dans la province d'origine du
sujet de plainte, compétente pour recevoir des plaintes et
faire enquête.
Le paragraphe 45.41(1) dispose:
45.41 (I) Le plaignant visé au paragraphe 45.35(1) qui
n'est pas satisfait du règlement de sa plainte par la Gendarme-
rie ou de la décision rendue en vertu du paragraphe 45.36(5) à
l'égard de sa plainte peut renvoyer par écrit sa plainte devant la
Commission pour examen.
La Commission prétend que l'expression «Le
plaignant visé au paragraphe 45.35(1)D qui figure
au paragraphe 45.41(1) de la Loi devrait s'enten-
dre en outre de toute personne qui a déposé une
plainte auprès de l'une ou l'autre des personnes
mentionnées aux alinéas 45.35(1)a), b) ou c) de la
Loi, c'est-à-dire qui a pris l'une des mesures qui y
sont prévues pour porter plainte, que celle-ci ait
été ou non déposée avant l'entrée en vigueur,de la
partie VII de la Loi. La Commission soutient, en
citant l'article 12 de la Loi d'interprétation, préci-
tée, que:
[TRADUCTION] Cette interprétation est justifiée ... si la Cour
estime que la partie VII de la Loi a une portée rétroactive de
sorte qu'elle s'applique aux plaintes découlant d'actes qui
auraient été accomplis avant l'entrée en vigueur de la partie
VII, parce que le libellé du paragraphe 45.41(1) prévoit que
celui-ci prend effet dès la proclamation. De plus, une telle
interprétation offrirait le plus de chances de réaliser les objets
des parties VI et VII.
(Exposé des faits et du droit de la Commission,
page 17.)
L'avocat de la Commission affirme que dans le
cas où une plainte du public a été communiquée à
la GRC avant l'entrée en vigueur du paragraphe
45.35(1), la Commission peut, lorsqu'elle est saisie
de la plainte, examiner la question comme s'il
s'agissait d'une plainte initiale présentée en vertu
de l'article 45.35 de la Loi. Statuer autrement,
prétend la Commission, ferait échec aux objets des
parties VI et VII en refusant à des plaignants
l'accès à la Commission au motif qu'ils ont pris des
mesures, par ailleurs parfaitement légitimes, pour
porter leur plainte à l'attention de la GRC. Cette
question est importante en ce qui a trait à la
procédure que la Commission pourrait suivre à
l'égard des plaintes initialement présentées à la
GRC avant l'entrée en vigueur de la partie VII et
qui ont été par la suite renvoyées devant la Com
mission par le plaignant.
Comme nous l'avons fait remarquer, l'avocate
du procureur général a lancé l'idée que cette ques
tion constitue en réalité un aspect de la question
plus large de l'application rétroactive de la partie
VII. Malgré tout, le procureur général allègue:
[TRADUCTION] Une plainte déposée en vertu du paragraphe
45.35(1) de la Loi doit logiquement s'entendre d'une plainte
présentée conformément à ce paragraphe et, partant, d'une
plainte présentée après le 30 septembre 1988. Toute autre
interprétation fait violence au libellé clair de la loi.
Il ajoute, plus loin:
[TRADUCTION] L'article 45.41 prévoit le renvoi de la plainte
devant la Commission par «le plaignant visé au paragraphe
45.35(1) qui n'est pas satisfait du règlement de sa plainte par la
Gendarmerie ou de la décision rendue en vertu du paragraphe
45.36(5) ...b Il va sans dire que la plainte déposée avant
l'entrée en vigueur de la partie VII n'aura pas été examinée
conformément à la partie VII ...
(Exposé des faits et du droit du procureur général
du Canada, page 16.)
L'avocate du procureur général soutient que
cette interprétation du paragraphe 45.35(1) et de
l'article 45.41 souligne simplement la prétention
que la partie VII ne devrait pas être appliquée
rétroactivement de manière à inclure les plaintes
portées au sujet d'actes accomplis avant l'entrée en
vigueur de la partie VII. Si cet argument était
convaincant, il faudrait franchir une seconde étape
pour conclure qu'une plainte présentée avant l'en-
trée en vigueur du paragraphe 45.35(1) et ren-
voyée par la suite devant la Commission par un
plaignant ne peut pas être examinée par la Com
mission à titre de plainte initiale visée par l'article
45.35 de la Loi. Vu ma conclusion au sujet des
objets et de l'intention de la Loi, cette seconde
étape ferait échec aux objets des parties VI et VII.
Il y a une interprétation des mots «plaignant visé
au paragraphe 45.35(1)» tels qu'ils sont employés
au paragraphe 45.41(1) que les avocats n'ont pas
mentionnée. Selon cette interprétation, ces mots
sont employés pour établir une distinction entre le
cas où le plaignant est un membre du public et la
situation dans laquelle c'est le président de la
Commission qui est le plaignant et qui porte
plainte en vertu du paragraphe 45.37(1). Ce para-
graphe prévoit également, dans le cas où le prési-
dent porte plainte, que «sauf si le contexte s'y
oppose, le mot «plaignant», employé ci-après dans
la présente partie, s'entend en outre du président
de la Commission». Des mots semblables à ceux
dont il est question en l'espèce sont employés dans
d'autres dispositions: ainsi, au paragraphe
45.36(5) et à l'alinéa 45.4d), on emploie les mots
«une plainte déposée en vertu du paragraphe
45.35(1)», aux paragraphes 45.42(2) et 45.44(1),
on emploie les mots «dans le cas d'une plainte en
vertu du paragraphe 45.35(1), au plaignant», et,
au paragraphe 45.45(15), «dans le cas d'une
plainte en vertu du paragraphe 45.35(1), du plai-
gnant». L'emploi de ces mots semble n'avoir aucun
rapport avec le fait que le «plaignant» ou la
«plainte» en question concerne une plainte déposée
après l'entrée en vigueur du paragraphe 45.35(1).
L'emploi de ces mots permet de toute évidence
d'établir une distinction entre la plainte déposée
par un plaignant qui est un membre du public et
dont la plainte est présentée conformément à la
procédure prévue au paragraphe- 45.35(1) et la
plainte portée par le président de la Commission
en vertu du paragraphe 45.37(1).
Ayant déjà établi que les parties VI et VII de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada s'appli-
quent rétroactivement, je suis d'avis que l'interpré-
tation à retenir, en ce qui concerne l'expression «Le
plaignant visé au paragraphe 45.35(1)» telle
qu'elle est employée au paragraphe 45.41(1), est
celle qui offre le plus de chances de faciliter la
réalisation des objets de la Loi. Ainsi, tout plai-
gnant qui prend des mesures en vue de déposer une
plainte visée par ce paragraphe, que ces mesures
soient antérieures ou postérieures à l'entrée en
vigueur du paragraphe 45.35(1), peut, s'il n'est pas
satisfait du règlement de sa plainte par la GRC,
renvoyer l'affaire devant la Commission. Je me
fonde, à cet égard, sur l'article 12 de la Loi
d'interprétation.
La totalité des soixante-trois plaignants, dont les
plaintes auraient été renvoyées devant la Commis
sion et dont on trouve un exemple dans les catégo-
ries A et B et la plainte C-1 auront, tout comme
les autres personnes se trouvant dans une situation
semblable, pris la mesure visée aux alinéas
45.35(1)b ou c) avant la promulgation de la partie
VII. A mon avis, chacun d'entre eux répond à la
définition de «plaignant visé au paragraphe
45.35(1)» au sens du paragraphe 45.41(1).
Je passe, finalement, à la dernière question prin-
cipale soulevée dans le mémoire spécial, celle de la
compétence de la Commission en cas de retard
préjudiciable.
4. Compétence de la Commission en cas de retard
préjudiciable
La Commission prétend que lorsqu'une loi con-
fère un pouvoir discrétionnaire, comme c'est le cas
en l'espèce pour le président de la Commission,
relativement à l'opportunité de faire enquête ou de
convoquer une audience sur une affaire, la per-
sonne ou l'organisme à qui le pouvoir discrétion-
naire a été conféré a le pouvoir implicite de décla-
rer la plainte irrecevable si, en raison de
l'écoulement du temps, procéder à l'examen de
l'affaire causerait un préjudice aux personnes
visées par l'affaire ou nuirait au déroulement de
l'enquête à mener. Le procureur général se ralllie à
l'opinion de la Commission sur cette question.
On m'a cité des précédents qui appuient le point
de vue adopté par les parties. Dans le jugement Re
Dhanota and International Union United Auto
mobile, Aerospace and Agriculture Implement
Workers of America (U.A.W.), Local 1285; Shel-
ler -Globe of Canada Ltd., Intervenor (1983), 42
O.R. (2d) 73 (C. div.), la Cour était appelée à se
demander si la Loi sur les relations de travail
[L.R.O. 1980, chap. 228] de l'Ontario conférait un
pouvoir discrétionnaire quant à l'opportunité de
mener une enquête sur une plainte par l'emploi de
mots prévoyant que [TRADUCTION] «la Commis
sion peut faire une enquête sur toute plainte d'in-
fraction à la présente Loi». Le juge Osler a conclu
que ce pouvoir discrétionnaire avait été conféré par
la loi, et a déclaré (à la page 76):
[TRADUCTION] La Commission a le droit d'établir sa propre
procédure. Elle a décidé, dans le cas qui nous occupe, de
commencer par faire enquête au sujet de la production tardive
de la plainte et des raisons de ce retard. Ce faisant, elle exerçait
le pouvoir discrétionnaire que, selon notre conclusion, le par.
89(4) lui confère. Nous ne voyons aucun déni de justice natu-
relle ni même de manquement à l'équité dans la procédure
qu'elle a suivie et, dans ces conditions, la cour ne doit pas
intervenir.
Je constate que l'article 45.33 de la partie VI de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada accorde
à la Commission des plaintes du public contre la
GRC le pouvoir, sous réserve des autres disposi
tions de la Loi, d'établir des règles concernant
notamment «de façon générale, l'expédition de ses
affaires et des questions dont elle est saisie» et «de
façon générale, l'exercice des fonctions que la pré-
sente loi lui attribue».
Dans l'affaire Re Commercial Union Assurance
et al. and Ontario Human Rights Commission et
al. (1987), 59 O.R. (2d) 481 (C. div.), qui portait
sur des dispositions du Code des droits de la
personne [L.O. 1981, chap. 53] de l'Ontario per-
mettant à la Commission de réexaminer une déci-
sion antérieure à la demande d'un plaignant, le
juge Gray a conclu que la Commission n'était pas
tenue d'entreprendre le réexamen demandé, mais
qu'elle avait toute latitude à cet égard.
En discutant de cette question, les avocats ont
eu tendance à considérer le pouvoir discrétionnaire
de la Commission et celui de son président comme
étant exactement la même chose. Dans à peu près
le même ordre d'idées, les questions soulevées dans
le mémoire spécial portent sur la compétence ou le
pouvoir discrétionnaire de la Commission. Mon
interprétation de la loi m'amène à conclure que
cette dernière accorde à la Commission et à son
président des fonctions et un pouvoir discrétion-
naire distincts. Je le constate particulièrement en
raison de l'article 45.32 de la Loi, qui dispose:
45.32 (1) La Commission exerce les fonctions que lui attri-
bue la présente loi.
(2) Le président de la Commission exerce les fonctions que
lui attribue la présente loi.
Certains articles de la partie VII de là Loi
imposent des fonctions obligatoires à la Commis
sion et à son président. En ce qui concerne les
plaintes déposées initialement auprès de la Com
mission en vertu de l'alinéa 45.35(1)a), il doit en
être accusé réception (paragraphe 45.35(2)) et
elles doivent être portées à l'attention du Commis-
saire de la GRC (paragraphe 45.35(3)). L'article
45.37 oblige le président à aviser le commissaire
lorsqu'il porte plainte et lorsque la plainte est
renvoyée devant la Commission en vertu de l'arti-
cle 45.41.
Lorsque des plaintes sont renvoyées devant la
Commission en vertu du paagraphe 45.41(1) par
un membre du public qui n'est pas satisfait du
règlement de sa plainte par la GRC, l'article 45.42
prévoit que:
45.42 (1) Le président de la Commission examine chacune
des plaintes qui sont renvoyées devant la Commission confor-
mément au paragraphe 45.41(1) ou qui sont portées en applica
tion du paragraphe 45.37(1), à moins qu'il n'ait déjà fait
enquête ou convoqué une audience pour faire enquête en vertu
de l'article 45.43.
Les autres dispositions de l'article 45.42 prescri-
vent la procédure que doit suivre le président de la
Commission pour prendre une décision au sujet de
la plainte après l'avoir examinée, s'il est satisfait
du règlement de la plainte par la GRC; s'il n'est
pas satisfait de ce règlement, il peut soit formuler
des recommandations au commissaire, soit deman-
der au commissaire de tenir une enquête plus
approfondie sur la plainte, soit tenir une enquête
plus approfondie ou convoquer une audience pour
enquêter sur la plainte.
Cet article semble indiquer clairement que c'est
le président, et non la Commission, qui a une
obligation. Il «examine chacune des plaintes qui
sont renvoyées devant la Commission conformé-
ment au paragraphe 45.41(1)» du moins jusqu'au
point de décider si le règlement de la plainte par la
Gendarmerie est satisfaisant ou non. Dans ce der-
nier cas, le président peut ensuite demander que
l'on prenne d'autres mesures à l'égard de la plainte
ou en prendre lui-même.
Lorsque le temps qui s'est écoulé avant que la
plainte soit renvoyée devant la Commission est
susceptible de nuire au déroulement de l'enquête
ou à l'examen de la plainte ou de causer un
préjudice aux personnes visées par la plainte ou de
créer toute autre injustice, cela constitue sûrement
un facteur dont le président doit tenir compte pour
en arriver à une conclusion quant à la question de
savoir si, eu égard à toutes les circonstances, le
règlement de la plainte par la GRC est satisfai-
sant. Pour en arriver à cette décision, le président a
de toute évidence un pouvoir discrétionnaire.
Ainsi, si la conduite reprochée s'apparente aux
questions soulevées en matière de responsabilité
civile, les lois de prescription peuvent prescrire des
délais pour tenir compte d'actes antérieurs. Mais,
si la conduite reprochée est de nature pénale, il
convient de se rappeler qu'aucun délai de prescrip
tion ne pourrait à lui seul empêcher d'éventuelles
poursuites. Ce sont là des considérations qui, avec
d'autres facteurs, peuvent être pertinentes dans un
cas donné lorsqu'il s'agit pour le président de
décider s'il est satisfait ou non du règlement de la
plainte par la GRC.
Finalement, il n'est peut-être pas nécessaire
d'ajouter qu'en ce qui concerne l'introduction
d'une plainte par le président en vertu de l'article
45.37, il est incontestable que cette mesure relève
entièrement du pouvoir discrétionnaire du prési-
dent.
Conclusion
Par ces motifs, j'établis une distinction, dans
mes réponses aux questions posées dans le
mémoire spécial, entre les fonctions et le pouvoir
discrétionnaire conférés à la Commission et ceux
qui sont attribués au président de la Commission.
Voici les questions et les réponses qui leur sont
données:
Première question: La Commission a-t-elle, relativement à la
partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada,
L.R.C. (1985), chap. R-10, modifiée par S.C. 1986, chap. 11
(la «Loi»), compétence pour statuer sur les plaintes numérotées
«A-1», «A-2» et «A-3» respectivement, qui sont décrites à l'an-
nexe «A» de l'exposé conjoint des faits ci-joint, compte tenu du
fait que:
a) l'acte initial reproché dans les plaintes «A-1»,, «A-2» et
«A-3» respectivement aurait été accompli avant le 30 septem-
bre 1988 mais après le 18 décembre 1986, c'est-à-dire avant
la promulgation de la partie VII de la Loi mais après la
promulgation de la partie VI de la Loi;
b) la plainte initiale déposée par le plaignant dans le cas de
chacune des plaintes «A-1», «A-2» et «A-3» respectivement,
n'a pas été déposée en premier lieu à un moment où le
paragraphe 45.35(1) de la Loi était en vigueur.
Réponse à la première question
Oui, la Commission a compétence pour éxaminer
ces plaintes si le président de la Commission
décide, en vertu du paragraphe 45.44(1), de convo-
quer une audience pour enquêter sur ces plaintes.
Jusqu'à ce que le président de la Commission
prenne cette décision, les plaintes renvoyées devant
la Commission doivent être examinées par le prési-
dent conformément aux fonctions qui lui sont attri-
buées par la Loi (paragraphes 45.32(2), al.
45.41(2)a) et art. 45.42).
Deuxième question: La Commission a-t-elle, relativement à la
partie VII de la Loi, compétence pour statuer sur la plainte
numérotée «B-1» décrite à l'annexe «B» de l'exposé conjoint des
faits ci-joint, compte tenu du fait que:
a) l'acte initial reproché dans la plainte «B-1» aurait été
accompli avant le 18 décembre 1986 mais après le 26 mars
1986, c'est-à-dire avant la promulgation des parties VI et VII
de la Loi, mais après la date à laquelle la Loi a reçu la
sanction royale;
b) la plainte initiale déposée par le plaignant dans le cas de
la plainte «B-1» n'a pas été présentée en premier lieu à un
moment où le paragraphe 45.35(1) de la Loi était en vigueur.
Réponse à la deuxième question
Oui, la Commission a compétence pour examiner
cette plainte dans les mêmes circonstances que
celles qui sont précisées dans la réponse à la
première question.
Troisième question: La Commission a-t-elle, relativement à la
partie VII de la Loi, compétence pour statuer sur la plainte
numérotée «C-1» décrite à l'annexe «C» de l'exposé conjoint des
faits ci-joint, compte tenu du fait que:
a) l'acte initial reproché dans la plainte «C-1» aurait été
accompli avant le 26 mars 1986, c'est-à-dire avant la promul
gation des parties VI et VII de la Loi et avant la date à
laquelle la Loi a reçu la sanction royale;
b) la plainte initiale déposée par le plaignant dans le cas de
la plainte «C-1» n'a pas été présentée en premier lieu à un
moment où le paragraphe 45.35(1) de la Loi était en vigueur.
Réponse à la troisième question
Oui, la Commission a compétence pour examiner
cette plainte dans les mêmes circonstances que
celles qui sont précisées dans la réponse à la
première question.
Quatrième question: La Commission a-t-elle, relativement à la
partie VII de la Loi, compétence pour statuer sur la plainte
numérotée «C-2» décrite à l'annexe «C» de l'exposé conjoint des
faits ci-joint, compte tenu du fait que l'acte reproché dans la
plainte «C-2» aurait été accompli avant le 26 mars 1986,
c'est-à-dire avant promulgation des parties VI et VII de la Loi
et avant la date à laquelle la Loi a reçu la sanction royale?
Réponse à la quatrième question
En présumant que la plainte a été déposée auprès
de la Commission conformément à l'alinéa
45.35(1)a),
a) il doit être accusé réception de la plainte
(paragraphe 45.35(2));
b) la plainte doit être portée à l'attention du
commissaire de la GRC (paragraphe 45.35(3));
c) la Commission ne peut pas «instruire» davan-
tage la plainte à moins que le président de la
Commission décide, en vertu du paragraphe
45.44(1), de convoquer une audience pour
enquêter sur la plainte.
Cinquième question: Si la réponse à la troisième question est
affirmative, la Commission a-t-elle, relativement à la plainte
numérotée «C-1», compétence:
a) soit pour déclarer la plainte irrecevable;
b) soit pour refuser de faire enquête sur la' plainte;
c) soit pour refuser de convoquer une audience pour enquê-
ter sur la plainte
si la Commission estime que le temps écoulé entre la 'date à
laquelle l'acte, reproché aurait été accompli et la date à laquelle
la plainte numérotée «C-1» a été renvoyée devant la Commis
sion risque de nuire à l'examen de la plainte numérotée «C-l»
ou de causer un préjudice à la personne dont la conduite fait
l'objet de plainte numérotée «C-l»?
Réponse à la cinquième question
Non, la Commission n'a ni la compétence ni le
pouvoir discrétionnaire de rendre l'une ou l'autre
des décisions susmentionnées.
Le président de la Commission doit d'abord, sui-
vant la Loi:
—transmettre une copie de la plainte au commis-
saire (alinéa 45.41(2)a));
— examiner la plainte (paragraphe 45.42(1)')',;
— établir s'il est satisfait ou non du règlement de la
plainte par la GRC (paragraphes 45.42(2) et
3)).
Pour en arriver à cette décision, le président
peut notamment tenir compte du fait que le
retard ou le temps écoulé entre l'acte à l'origine
de la plainte et la date du renvoi devant la
Commission risque de nuire à l'examen de la
plainte ou de causer un préjudice aux 'parties
concernées par la plainte ou de causer 'autre-
ment une injustice.
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