T-2963-89
CTV Television Network Ltd. (requérante)
c.
Commission du droit d'auteur, Société de droits
d'exécution du Canada Limitée et Association des
compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada Limi-
tée (intimées)
RÉPERTORIÉ: CTV TELEVISION NETWORK LTD. C. CANADA
(COMMISSION DU DROIT D'AUTEUR) (1 1s INST.)
Section de première instance, juge Cullen —
Toronto, 14, 15, 16 février; Ottawa, 12 avril 1990.
Droit d'auteur — Demande visant à faire interdire à la
Commission du droit d'auteur d'examiner le tarif de droits à
payer à l'égard de l'exécution télédiffusée d'oeuvres drama-
tico-musicales ou musicales — La Commission a-t-elle
excédé sa compétence? — Un tarif de ce genre a été refusé
dans un jugement rendu en 1968 par la C.S.C. — Les modifi
cations législatives récemment effectuées sont superficielles, et
n'ont pas pour effet d'élargir le rôle de la Commission — Les
intimées ne peuvent pas se prévaloir de l'art. 49 ou 50.1.
Il s'agit d'une demande en vue de l'obtention d'un bref de
prohibition visant à faire interdire à la Commission du droit
d'auteur de prendre d'autres mesures qui pourraient conduire à
l'examen, à l'adoption ou à la publication du tarif 2.A.2 en ce
qui concerne les transmissions effectuées par le réseau commer
cial de télévision conformément aux projets de tarif des sociétés
d'exécution intimées, pour le motif que la Commission n'a pas
compétence. Les stations individuelles versent des droits calcu-
lés selon les recettes publicitaires, mais il est estimé que des
millions de dollars de recettes touchées par le réseau ne sont pas
pris en considération en vue du paiement des droits par CTV.
En demandant un tarif applicable au réseau leur permettant
d'être indemnisées pour l'exécution ou la communication par
télécommunication d'oeuvres dramatico-musicales ou musicales
sur lesquelles elles ont un droit d'exécution, les sociétés soutien-
nent que les modifications législatives ont eu pour effet d'élar-
gir la compétence de la Commission du droit d'auteur et que le
jugement rendu par la Cour suprême du Canada en 1968
n'appuie plus le rejet du projet de tarif.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
Les modifications récemment apportées à la Loi en ce qui
concerne la Commission du droit d'auteur sont superficielles et
ne permettraient pas d'en arriver à une conclusion différente de
celle qui a été tirée dans l'affaire Composers, Authors and
Publishers Assoc. of Canada Limited v. CTV Television Net
work Limited et al., [1968] R.C.S. 676 («CAPACn). Les
modifications ne faisaient que rationaliser la procédure, aug-
menter le personnel et rendre le processus plus efficace sur le
plan administratif pour faire face à une charge de travail de
plus en plus lourde.
La Commission a été créée en vertu de la Loi sur le droit
d'auteur; il s'agit d'un organisme de réglementation ayant
uniquement le pouvoir de fixer les tarifs. Le législateur fédéral
n'avait pas l'intention de lui donner un rôle plus étendu.
L'affaire Posen c. Ministre de la Consommation et des Corpo
rations du Canada, [1980] 2 C.F. 259 (C.A.) fait encore
autorité. L'objet et la fonction de la Commission du droit
d'auteur diffèrent de ceux d'organismes comme la Commission
canadienne des droits de la personne ou du Conseil canadien
des relations du travail, auxquels la loi confère le pouvoir de
déterminer leur propre compétence.
Les sociétés intimées ne peuvent pas déposer le projet de tarif
en vertu de l'article 49 de la Loi étant donné qu'il n'a pas trait à
un droit d'exécution. Dans l'affaire CAPAC, la Cour suprême
du Canada a fait remarquer que ce que le réseau CTV commu-
niquait à ses stations affiliées n'était pas une «oeuvre musicale»,
mais l'exécution d'une oeuvre». Le fait que l'expression «télé-
communication» a été insérée dans la Loi n'a rien changé à ce
jugement.
Les intimées ne peuvent pas se prévaloir de l'article 50.1,
étant donné que les sociétés d'exécution existantes sont expres-
sément exclues par la Loi pour le motif qu'il ne s'agit pas de
«sociétés de gestion». Même si les intimées étaient de telles
sociétés au sens de l'article 50.1, elles ne satisfont pas à toutes
les conditions préalables établies par la Loi en vue du dépôt du
tarif étant donné qu'elles n'ont pas essayé d'en arriver à une
entente négociée au sujet des droits comme l'article 50.2 le
sous-entend.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), chap. L-2,
art. 15, 16.
Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C.
1976-77, chap. 33.
Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C.
(1985), chap. H-6, art. 41.
Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre
le Canada et les États-Unis d'Amérique, L.C. 1988,
chap. 65, art. 61-65.
Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur et apportant
des modifications connexes et corrélatives, L.C. 1988,
chap. 15.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 28.
Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, chap. C-30,
art. 3(1)J) (mod. par L.C. 1988, chap. 65, art. 62(1)),
3(1.4) (ajouté, idem, art. 62(2)), 49 (mod. par L.C.
1988, chap. 15, art. 12), 50 (mod., idem, art. 13), 50.1
(ajouté, idem, art. 14), 50.2 (ajouté, idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Posen c. Ministre de la Consommation et des Corpora
tions du Canada, [1980] 2 C.F. 259 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Composers, Authors and Publishers Assoc. of Canada
Limited v. CTV, [1968] R.C.S. 676.
DÉCISION CITÉE:
La Ligue canadienne de football c. La Commission cana-
dienne des droits de la personne, [1980] 2 C.F. 329
(V' inst.).
AVOCATS:
Gordon J. Zimmerman et Gayle Pinheiro
pour la requérante.
T. Gregory Kane et C. Craig Parks pour la
Commission du droit d'auteur, intimée.
Y. A. George Hynna, C. Paul Spurgeon et
Andrea F. Rush pour la Société de droits
d'exécution du Canada Limitée et pour l'As-
sociation des compositeurs, auteurs et éditeurs
du Canada Limitée, intimées.
PROCUREURS:
Borden & Elliott, Toronto, pour la requé-
rante.
Stikeman, Elliott, Ottawa, pour la Commis
sion du droit d'auteur, intimée.
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour
la Société de droits d'exécution du Canada
Limitée et pour l'Association des composi-
teurs, auteurs et éditeurs du Canada Limitée,
intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: La Cour est saisie d'une
requête en bref de prohibition visant à faire inter-
dire à la Commission du droit d'auteur intimée de
prendre d'autres mesures qui pourraient conduire
à l'examen, à l'adoption ou à la publication du
tarif 2.A.2.
Le 21 février 1990, la Cour a prononcé une
ordonnance interdisant à la Commission du droit
d'auteur d'examiner ou de publier tout projet de
tarif de droits ou tantièmes à percevoir par la
Société de droits d'exécution du Canada Limitée et
l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs
du Canada Limitée déposé conformément aux dis
positions de l'article 50 (art. 70)' de la Loi sur le
droit d'auteur [S.R.C. 1970, chap. C-30 (mod. par
L.C. 1988, chap. 15, art. 13, 14)] jusqu'à ce que la
' Les numéros d'articles qui apparaissent entre parenthèses
renvoient à la numérotation utilisée dans les modifications
proposées et ont été utilisés par les avocats au cours de l'audi-
tion de la requête.
Cour, y compris la Cour d'appel fédérale, ait
rendu une décision définitive.
La requérante, CTV Television Network Ltd.
(ci-après appelée «cTv») est un réseau de télévision
privé qui élabore, distribue et communique des
émissions de divertissement à ses stations affiliées
situées d'un bout à l'autre du Canada. La Com
mission du droit d'auteur intimée (ci-après appelée
«la Commission») est un tribunal réglementaire
constitué en vertu de la Loi sur le droit d'auteur,
L.R.C. (1985), chap. C-42 (ci-après appelée «la
Loi»). Les intimées, la Société de droits d'éxécu-
tion du Canada Limitée («PRocAN») et l'Associa-
tion des compositeurs, auteurs et éditeurs du
Canada Limitée («cAPAc») (ci-après appelées col-
lectivement «les sociétés») sont des sociétés de
droits d'éxécution qui sont titulaires des droits
d'exécution d'un grand nombre d'oeuvres musicales
au Canada. Ces deux organismes sont présente-
ment en voie de fusionner et ils se livrent à la
gestion collective de droits d'éxécution pour le
compte de compositeurs, auteurs et éditeurs d'oeu-
vres musicales ou dramatico-musicales.
Le ler septembre 1989, les sociétés ont déposé
auprès de la Commission des projets de tarifs de
droits à percevoir pour l'exécution ou la communi
cation au Canada par télécommunication d'oeuvres
musicales ou dramatico-musicales sur lesquelles
les sociétés possèdent des droits d'exécution et de
représentation. Les projets de tarifs comprenaient
le tarif 2.A.1 qui s'applique aux stations de télévi-
sion, et le tarif 2.A.2., qui s'applique aux réseaux
commerciaux de télévision. C'est le tarif 2.A.2 qui
est en cause en l'espèce.
Pour mieux comprendre la question en litige, il
est nécessaire d'examiner les rapports qui existent
entre les réseaux et les sociétés de droits d'exécu-
tion. Le réseau CTV fournit des émissions à des
stations de télévision affiliées. Les émissions que
CTV fournit à ses stations affiliées sont produites
par CTV, achetées à des producteurs canadiens ou
étrangers, ou achetées à leurs stations affiliées
pour être distribuées sur tout le réseau. CTV les
distribue ensuite à ses stations affiliées en se ser
vant des installations d'entreprises de télécommu-
nication (c.-à-d., Bell Canada ou Telesat Canada)
sur des signaux par satellite codés. Les stations
réceptrices diffusent les oeuvres au public par télé-
communication par l'entremise de postes émet-
teurs.
L'importance de cette séquence de transmission
s'explique par le rapport qui existe entre celle-ci et
le versement des droits pour l'utilisation d'oeuvres
musicales. Les stations individuelles versent aux
sociétés de droits d'exécution des droits calculés
selon un pourcentage des recettes publicitaires
brutes de chaque station. Cependant, une partie
importante des recettes publicitaires que touchent
les réseaux de télévision sont exemptes de droits.
Michael Rock, le directeur général de CAPAC, a
évalué à de nombreux millions de dollars par
année les recettes publicitaires de CTV, et s'est dit
d'avis qu'on ne tient jamais compte d'une grande
partie de ces recettes pour les fins des droits à
payer.
La situation n'a rien de nouveau. Les mêmes
sociétés de droits d'exécution se sont vu refuser un
tarif de réseau semblable par la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt Composers, Authors and
Publishers Assoc. of Canada Limited v. CTV
Television Network Limited et al., [1968] R.C.S.
676 (CAPAC v. CTV).' À la suite des modifica
tions récentes apportées à la Loi, les sociétés ont à
nouveau présenté une demande de fixation de tarif
en vue de percevoir des droits se rapportant aux
réseaux (le projet de tarif 2.A.2). Les sociétés ont
demandé à la Commission d'homologuer le tarif
applicable aux transmissions effectuées dans le
cadre d'un réseau. La requérante a contesté cette
demande en prétendant que la Commission du
droit d'auteur n'a pas compétence en vertu de la
Loi pour examiner le tarif 2.A.2.
Dans le cas d'une requête en bref de prohibition,
la seule question à trancher est celle de savoir si le
tribunal inférieur avait le pouvoir de faire ce qu'il
a prétendu faire. D'après les prétentions formulées
par toutes les parties en cause, il ne semble pas
contesté que notre Cour peut prononcer une ordon-
nance de prohibition si la Commission du droit
d'auteur a effectivement excédé sa compétence. En
conséquence, la Cour doit déterminer si la Com
mission a excédé sa compétence.
La requérante soutient que l'on devrait interdire
à la Commission de prendre d'autres mesures à
l'égard du projet de tarif 2.A.2, étant donné que le
législateur ne lui a pas accordé aux termes de la
Loi le pouvoir de déterminer sa propre compé-
tence. La Commission a seulement reçu une com-
pétence générale pour fixer des droits, des tarifs ou
des tantièmes. Lorsque la Commission prétend
examiner une question qui n'a qu'un rapport
secondaire avec l'exécution de cette fonction et que
cette question se situe en dehors de la fonction de
fixation de tarifs, les tribunaux doivent interpréter
restrictivement les pouvoirs de la Commission.
Parmi les affaires qui portent sur la compétence
de la Commission d'appel du droit d'auteur (qui a
été remplacée par la Commission du droit d'au-
teur), mentionnons en particulier l'arrêt CAPAC v.
CTV (précité) et l'arrêt Posen c. Ministre de la
Consommation et des Corporations du Canada,
[1980] 2 C.F. 259 (C.A.). Dans l'arrêt Posen
(précité), la Cour a déclaré qu'en vertu de la Loi
[S.R.C. 1970, chap. C-30], la Commission n'a
compétence que pour fixer le quantum des tarifs à
imposer aux utilisateurs des oeuvres protégées par
le droit d'auteur. Je cite le juge Heald qui déclare,
à la page 261 de l'arrêt Posen (précité):
À mon avis, la Commission a pour seule fonction de fixer les
tarifs que les sociétés de droits d'exécution peuvent imposer.
[C'est moi qui souligne.]
Or en citant ces arrêts, je suis bien conscient de
la prétention des intimées, qui soutiennent que ces
décisions sont d'une utilité limitée compte tenu des
modifications récentes apportées à la Loi. Les
intimées affirment que la compétence de la Com
mission est différente de celle de son prédécesseur,
la Commission d'appel du droit d'auteur. On a cité
les dispositions législatives récentes de la Loi
modifiant la Loi sur le droit d'auteur et apportant
des modifications connexes et corrélatives, L.C.
1988, chap. 15 et de la Loi de mise en oeuvre de
l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis,
L.C. 1988, chap. 65) [art. 61-65], pour démontrer
que la Commission actuelle possède une compé-
tence beaucoup plus étendue.
J'ai procédé à un examen et à une comparaison
très attentifs des modifications apportées à la Loi,
et je conclus que les modifications apportées à la
Loi ne sont que superficielles en ce qui a trait à la
Commission du droit d'auteur. Aucune des disposi
tions de la Loi ne va jusqu'à étendre la compétence
de la Commission. Les modifications ne font que
rationaliser la procédure, augmenter le personnel
et rendre le processus plus efficace sur le plan
administratif pour faire face à une charge de
travail de plus en plus lourde. La Commission a
elle-même déclaré dans son rapport annuel de
1989 qu'elle n'avait pas le pouvoir de se prononcer
sur la légalité des tarifs (bien que je reconnaisse
que la Commission a rédigé le rapport avant que
les modifications ne soient adoptées). L'intimée a
convenu que, prises isolément, les modifications
peuvent sembler négligeables, mais elle a prétendu
que, prises globalement, elles ont pour effet de
donner à la Commission un rôle innovateur. Mal-
heureusement, les intimées n'ont fait ressortir rien
de significatif ou de concret dans les modifications
pour prouver que la compétence de la Commission
avait été élargie ou étendue. Je conclus que la Loi
n'a fait l'objet d'aucune modification de fond qui
permettrait de tirer une conclusion différente de
celle à laquelle la Cour suprême du Canada en est
arrivée dans l'arrêt CAPAC v. CTV (précité).
Le législateur est présumé connaître la loi et
légiférer en fonction de l'état du droit tel qu'il
existe au moment où la mesure législative est
adoptée. En rédigeant les modifications à la Loi, le
législateur était placé pour être très bien informé
sur le sujet. Si le législateur avait voulu élargir la
compétence de la Commission, il l'aurait claire-
ment déclaré. Il ne nous appartient pas de modifier
ce que le législateur a choisi de ne pas changer.
La Commission intimée a prétendu que la Cour
devait refuser d'examiner la requête en bref de
prohibition de la requérante et laisser à la Com
mission le soin d'étudier le tarif 2.A.2 dans le
cadre du rôle que lui confie la Loi. La décision
définitive serait ensuite susceptible d'être révisée
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7]. Pour appuyer
la non-intervention de la Cour, les intimées ont
invoqué des décisions portant sur des organismes
comme la Commission canadienne des droits de la
personne et le Conseil canadien des relations du
travail. Cependant, en citant ces décisions, les
intimées ne tiennent pas compte du fait que les
pouvoirs et fonctions attribués à chacun de ces
organismes sont très, très différents. Ainsi, la Loi
canadienne sur les droits de la personne, [L.RC.
(1985), chap. H-6] charge explicitement la Com
mission canadienne des droits de la personne de se
pencher et de se prononcer sur sa propre compé-
tence. L'article 41 dispose:
41. Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur
toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci
irrecevable pour un des motifs suivants:
a) la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épui-
ser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou
de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;
b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans
un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures
prévues par une autre loi fédérale;
c) la plainte n'est pas de sa compétence;
d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise
foi;
e) la plainte a été déposée plus d'un an après le dernier des
faits sur lesquels elle est fondée. [C'est moi qui souligne.]
Autrefois, la Commission des droits de la per-
sonne n'avait aucun pouvoir exprès en ce qui con-
cerne sa compétence. À la suite du jugement La
Ligue canadienne de football c. La Commission
canadienne des droits de la personne, [1980] 2
C.F. 329 (lie inst.), la Loi canadienne sur les
droits de la personne [S.C. 1976-77, chap. 33] a
été modifiée pour corriger cette situation. De
même, le Code canadien du travail, L.R.C.
(1985), chap. L-2, art. 15 et 16, énumère de façon
détaillée les pouvoirs et fonctions du Conseil cana-
dien des relations du travail. Dans la Loi sur le
droit d'auteur, il n'y a pas de liste équivalente où
sont détaillés les pouvoirs et fonctions de la Com
mission. Une commission ne peut exercer que les
pouvoirs que lui confère la loi. Il ressort à l'évi-
dence de la Loi que le législateur n'a jamais voulu
que la Commission se prononce sur des questions
de droit, mais qu'il l'a plutôt constituée comme un
organisme réglementaire chargé de fixer des tarifs.
La question de la compétence de la Commission
a été tranchée dans l'arrêt CAPAC v. CTV précité
et il n'y a eu, en ce qui concerne les pouvoirs
conférés par le législateur, aucun changement qui
permette de croire que la compétence de la Com
mission a été élargie. En conséquence, la Commis
sion à l'instance n'a pas compétence pour décider
si le tarif 2.A.2 est valide.
Cela nous amène à la requête en bref de prohibi
tion de la requérante. Il est loisible à notre Cour de
décerner un bref de prohibition contre un tribunal
administratif pour l'empêcher d'excéder sa compé-
tence. La requérante peut demander un bref de
prohibition contre la Commission dès que l'ab-
sence de compétence devient évidente. En l'espèce,
la requérante a déposé la présente requête à titre
de mesure préventive pour éviter qu'on perde du
temps et de l'argent avec une question qui a déjà
été tranchée par la Cour suprême du Canada.
Il n'y a pas de raison d'entraîner la requérante
dans tout le processus alors que l'affaire peut être
réglée dès maintenant en tant que question de
droit claire soumise à la Cour. En l'espèce, l'octroi
d'un bref de prohibition permettra d'accorder une
réparation rapide et efficace et évitera la tenue
d'une audience coûteuse qui durerait de longs mois
et qui serait suivie par une procédure d'instruction
longue et dispendieuse qui reviendrait finalement
devant les tribunaux sur la question de la
compétence.
Cependant, pour le cas où j'aurais tort sur la
question de la compétence, il y a deux autres
questions à examiner en ce qui concerne le tarif
2.A.2. La première question est celle de savoir si le
projet de tarif 2.A.2 relève à juste titre de l'article
49 [mod. par L.C. 1988, chap. 15, art. 12] (art.
67) de la Loi. La seconde question est celle de
savoir si les sociétés peuvent essayer de se prévaloir
de l'article 50 (art. 70) en vertu de la Loi.
Pour répondre à la première question, il convient
d'examiner les modifications apportées à la Loi.
Les intimées soulignent que les modifications
apportées à l'alinéa 3(1)f) [mod. par L.C. 1988,
chap. 65, art. 62(1)] et l'ajout du mot «solidaires»
au paragraphe 3(1.4) [ajouté par L.C. 1988, chap.
65, art. 62(2)] constituent des modifications qui
leur permettent de fixer des droits pour la trans
mission d'émissions par le réseau. Les sociétés
intimées allèguent que les transmissions effectuées
dans le cadre d'un réseau constituent «une commu
nication unique» aux termes du «nouvel» alinéa
3(1)f) et qu'il résulte du rapprochement des mots
«transmission . .. par télécommunication» et «com-
munication au public» du paragraphe 3(1.4) que la
Loi vise maintenant la communication de l'exécu-
tion d'une oeuvre par télécommunication.
Lorsqu'il a modifié la Loi, le législateur avait la
possibilité de remédier s'il le désirait au résultat de
l'arrêt CAPAC v. CTV (précité) en insérant le
libellé nécessaire. Il a choisi de ne pas le faire, et
maintenant les intimées n'ont d'autre choix que
d'essayer de faire dire au libellé existant ce que le
législateur n'a ni déclaré ni voulu dire. Par ailleurs,
dans l'arrêt CAPAC v. CTV (précité), la Cour
suprême a fait remarquer que ce n'était pas des
«oeuvres musicales» au sens de la définition de la
Loi que le réseau CTV communiquait à ses stations
affiliées, mais «une exécution des oeuvres». Les
intimées n'ont pas traité de l'expression «oeuvres
musicales». L'insertion du terme «télécommunica-
tion» dans la Loi ne change pas la décision suivant
laquelle les transmissions effectuées dans le cadre
d'un réseau ne constituent pas des «oeuvres musica
les» aux fins de la violation du droit d'auteur. En
conséquence, les sociétés d'exécution ne peuvent
pas légitimement produire le tarif 2.A.2 en vertu
de l'article 49, étant donné qu'il ne porte pas sur
un droit d'exécution prévu par la Loi.
Pour répondre à la seconde question, celle de
savoir si les sociétés peuvent se prévaloir de l'arti-
cle 50 (art. 70), je pense qu'il est évident qu'elles
ne le peuvent pas. Aux termes de l'article 50.1
[ajouté par L.C. 1988, chap. 15, art. 14] (art.
70.1), la personne qui dépose un tarif doit être une
«société de gestion» au sens de la Loi. Mais peut-on
considérer les sociétés d'exécution comme des
«sociétés de gestion»? L'article 50.1 (art. 70.1)
déclare clairement que l'expression «société de ges-
tion» vise «l'association, la société ou la personne
morale, autre qu'une association, une société ou
une personne morale» [soulignements ajoutés].
L'article 50.1 permet à de nouvelles sociétés de
gestion de demander la fixation de droits, et les
sociétés d'exécution existantes sont expressément
exclues de cet article parce qu'elles peuvent se
prévaloir de l'article 49 pour leur gestion collective
de droits d'exécution.
Même si elles devaient être considérées comme
des «sociétés de gestion», les sociétés intimées ne
pourraient invoquer cet article, parce qu'elles n'ont
pas satisfait à toutes les conditions préalables
énoncées par la Loi. La Loi sous-entend que l'on
doit essayer d'en arriver à une entente négociée au
sujet des droits. L'article 50.2 [ajouté par L.C.
1988, chap. 15, art. 14] (art. 70.2) vise le cas de la
société de gestion qui dépose un projet de tarif
auprès de la Commission «A défaut d'une entente
sur les droits». Cela implique que les deux parties
doivent faire certains efforts pour négocier une
entente. En l'espèce, on n'a jamais approché la
requérante pour discuter du sujet et aucune tenta-
tive n'a été faite en vue de négocier une entente au
sujet des droits. De fait, les sociétés d'exécution
ont agi unilatéralement à cet égard.
Compte tenu de tous les motifs exposés ci-des-
sus, et particulièrement de l'absence de compé-
tence de la Commission du droit d'auteur pour se
prononcer sur la question, un bref de prohibition
sera décerné contre la Commission du droit d'au-
teur intimée pour l'empêcher de prendre d'autres
mesures à l'égard du tarif 2.A.2.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.