T-2176-89
X (requérant)
c.
Ministre de la Défense nationale (intimé)
RÉPERTORIÉ: X c. CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIO-
NALE) (1" INST.)
Section de première instance, Juge Strayer—
Ottawa, 19 et 28 novembre 1990.
Accès à l'information — Demande visant à obtenir une
déclaration selon laquelle le défaut de communiquer, dans
les 30 jours, les documents demandés constitue un refus de
communication — L'information a été fournie après l'expira-
tion du délai initial de 30 jours prévu en vertu de la Loi sur
l'accès à l'information, mais dans le délai prorogé — La
demande est rejetée — L'art. 41 ne s'applique pas puisqu'il n'y
a pas eu de refus de communication pas plus qu'un défaut
valant décision de refus de communication au sens de l'art.
10(3) — Le refus de communication est une condition préala-
ble à l'application des art. 49 et 50 — La communication est le
seul redressement prévu par les art. 49 et 50.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Demande visant à obtenir une déclaration selon
laquelle le défaut de communiquer, dans les 30 jours, les
documents demandés constitue au refus de communication en
vertu de la Loi sur l'accès à l'information — L'information a
été fournie après l'expiration du délai initial de 30 jours prévu
en vertu de la Loi, mais dans le délai prorogé — Les art. 49
et 50 permettent à la Cour d'ordonner communication du
document ou de rendre «une autre ordonnance si elle l'estime
indiquée» — La Cour n'a pas compétence à moins que le refus
de communication ne soit réel et continu — Signification de
l'expression «une autre ordonnance».
Il s'agit en l'espèce d'une demande visant à obtenir une
déclaration selon laquelle le défaut de communiquer, dans les
trente jours, les documents demandés par le requérant constitue
un «refus» de communication. Le ministère de la Défense avait
déjà informé le requérant qu'il avait besoin, pour répondre à sa
demande, d'une prorogation de délai en sus du délai normal
de 30 jours prévu par la Loi sur l'accès à l'information.
L'information a été fournie après le délai initial de 30 jours,
mais avant l'expiration du délai prorogé. Le requérant a pré-
tendu que la prorogation de délai n'était pas nécessaire. L'in-
timé a fait valoir que la Cour n'avait pas compétence pour
entendre la demande présentée en vertu de l'article 41 (qui
accorde à la personne qui s'est vu refuser communication d'un
document, le droit d'exercer un recours en révision de la
décision de refus devant la Cour) parce que le requérant avait
reçu le document. L'intimé a également fait valoir qu'aucune
mesure de redressement n'était prévue en l'absence d'un vérita-
ble refus de communiquer. Les articles 49 et 50 permettent à la
Cour d'ordonner communication du document ou de rendre
«une autre ordonnance si elle l'estime indiqué» lorsqu'un res-
ponsable d'un ministère a refusé de communiquer un document.
L'intimé a prétendu que l'«autre ordonnance» est limitée à des
questions reliées à la communication puisque la compétence
attribuée à la Cour est subordonnée à un refus de communica-
tion. La question était de savoir si cette Cour avait un mandat
pour réviser la décision de proroger le délai de communication
d'un document.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
La demande était futile et vexatoire. La Cour est compétente
pour entendre une demande présentée par une partie privée
uniquement aux termes de l'article 41 et seulement en cas de
refus de communication. Il n'y a pas eu de refus de communica
tion pas plus qu'un défaut valant décision de refus de communi
cation. Le paragraphe 9(1) indique qu'une prorogation de délai
en vue de fournir une réponse ne constitue pas un refus de
communication d'un document, bien que cela puisse valoir
«décision de refus de communication» aux termes du paragra-
phe 10(3) lorsque le document n'est pas communiqué dans le
délai énoncé dans la Loi. Il y a eu communication dans le délai
prorogé.
Il n'existait pas de recours en vertu des articles 49 et 50. Le
refus de communication est une condition préalable à une
demande présentée en vertu des articles 49 et 50. La mention
dans ces articles d'une «autre ordonnance que la Cour estime
indiquée» ne permet à la Cour que de modifier la forme de
redressement pour en arriver à la communication ou peut-être à
prononcer que la communication aurait dû être faite lorsque le
document n'existe plus. En l'absence d'un refus véritable de
communication qui subsiste encore au moment de l'audience, le
tribunal n'est pas compétent.
Ce ne sont pas toutes les décisions prises en vertu de la Loi
qui peuvent être assujetties à la révision judiciaire. II se peut
qu'il existe d'autres mesures de redressement, par exemple le
Commissaire à l'information peut enquêter sur les plaintes
portant que le responsable de l'institution a prorogé le délai de
communication de façon abusive et il en dresse un rapport
spécial à l'intention du Parlement ou il relève les lacunes dans
un rapport général.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), chap. A-1,
art. 7, 9(1 )b), 10(3), 30(1)c), 41, 49, 51.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
X c. Canada (Ministre de la Défense nationale),
T-1112-89, C.F. 1"° inst., juge Dubé, jugement en date du
15-6-90, non publié.
DÉCISION NON SUIVIE:
Canada (Commissaire à l'information) c. Canada
(Ministre des Affaires extérieures), [1990] 3 C.F. 514
(1G» inst.).
COMPARUTION:
M. X personnellement.
AVOCAT:
Meg Kinnear pour l'intimé.
LE REQUÉRANT POUR SON PROPRE COMPTE:
M. X.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
Redressement demandé
Le requérant voudrait que la Cour déclare que
le défaut de l'intimé de communiquer dans les
trente jours les documents demandés par le requé-
rant le 23 mars 1989 constitue un «refus» de
communication.
Les faits
Le 23 mars 1989, le requérant a présenté au
ministère de la Défense nationale une demande de
communication de documents contenant des ren-
seignements supplémentaires relatifs à certains
faits mentionnés dans un mémoire, daté du 5 mars
1985, qu'il avait obtenu du U.S. National Security
Agency. Le 21 avril 1989, le ministère de la
Défense nationale a informé le requérant qu'il
devait procéder à des consultations à l'extérieur du
Ministère et qu'il avait donc besoin d'une proroga-
tion de 270 jours, en sus du délai normal de
30 jours prévu par la Loi, cette prorogation s'ins-
crivant dans le cadre de l'alinéa 9(1)b) de la Loi
sur l'accès à l'information'. Il faut souligner
qu'aux termes de l'article 7 de la Loi le responsa-
ble d'une institution à qui est faite une demande de
communication d'un document est tenu, dans les
30 jours suivant sa réception, de répondre à l'au-
teur de la demande qu'il refuse cette demande, ou
qu'il y fait droit et lui communiquera le document.
L'article 7 demeure toutefois assujetti au paragra-
phe 9(1), qui se lit en partie comme suit:
' L.R.C. (1985), chap. A-1.
9. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut proro-
ger le délai mentionné à l'article 7 ou au paragraphe 8(1) d'une
période que justifient les circonstances dans les cas où:
b) les consultations nécessaires pour donner suite à la
demande rendraient pratiquement impossible l'observation
du délai;
Dans l'un ou l'autre des cas prévus aux alinéas a),b) et c), le
responsable de l'institution fédérale envoie à la personne qui a
fait la demande, dans les trente jours suivant sa réception, un
avis de prorogation de délai, en lui faisant part de son droit de
déposer une plainte à ce propos auprès du Commissaire à
l'information; dans les cas prévus aux alinéas a) et b), il lui fait
aussi part du nouveau délai.
L'intimé a écrit au requérant le 4 août 1989 et lui
a fourni des copies des documents qu'il demandait.
On remarque que l'information a été transmise au
requérant 99 jours après le délai initial de 30 jours,
mais 171 jours avant l'expiration du délai prorogé
fixé par l'intimé, conformément au
paragraphe 9(1). Selon la preuve, le document
produit n'était pas tellement élaboré et, bien que
des consultations aient eu lieu avec le National
Security Agency des États-Unis ainsi qu'avec le
ministère de la Justice du Canada, le ministère de
la Défense nationale n'a pas eu en fait besoin des
270 jours additionnels qu'il s'était réservé.
Le requérant prétend qu'en réalité il aurait été
possible de donner suite à sa demande dans les
30 jours et que tant le défaut de communiquer les
documents dans les 30 jours que la prorogation du
délai pour une période de 270 jours constituaient
un refus de communication. Il a déposé une plainte
auprès du Commissaire à l'information le 11 août
1989, après avoir obtenu les documents demandés.
Le Commissaire a fait enquête et conclu que la
prorogation de 270 jours n'était pas justifiée. Tou-
tefois, le requérant prétend qu'il a droit de présen-
ter une requête devant cette Cour pour obtenir une
déclaration qu'il y a eu refus de communication,
même s'il a obtenu depuis longtemps les renseigne-
ments qu'il demandait. Il allègue notamment que
le retard à fournir les documents et que la proroga-
tion inutile de 270 jours résultaient davantage
d'une pénurie de personnel dans le service en cause
du ministère de la Défense nationale que de la
difficulté intrinsèque de la demande. Sa preuve à
cet égard se fonde surtout sur du oui-dire et n'est
guère concluante.
L'intimé affirme principalement que cette Cour
n'a pas compétence pour entendre la requête ni
pour accorder le genre de redressement demandé.
De plus, il nie la prétention du requérant selon
lequel le délai n'était pas nécessaire ni la proroga-
tion justifiée.
À l'appui de la position du ministre, son avocat
a cité notamment l'article 41 de la Loi sur l'accès
à l'information, que le requérant invoque pour
présenter cette requête. L'article se lit comme suit:
41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou
partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et
qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le
Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-
cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au
paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision
de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expira-
tion du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation. [C'est
moi qui souligne.]
L'intimé soutient qu'aux termes de la Loi la Cour
n'a d'autre fonction que d'instruire les requêtes des
personnes qui se sont vu effectivement refuser
communication d'un document, ce qui n'est pas le
cas du requérant. En fait, il a reçu les documents
demandés plus de deux mois avant le dépôt du
présent avis de requête. Il est vrai que le
paragraphe 10(3) de la Loi prévoit ce qui suit:
10....
(3) Le défaut de communication totale ou partielle d'un
document dans les délais prévus par la présente loi vaut déci-
sion de refus de communication.
Toutefois, il n'est aucunement allégué en l'espèce
qu'il y a eu défaut de communication de la part de
l'intimé dans les délais prévus par la Loi. En fait,
le paragraphe 9(1), cité ci-dessus, permet expres-
sément au responsable d'une institution de proro-
ger les délais de communiquer le document en
certains cas précis, pourvu qu'il en avise le requé-
rant et lui fasse part de son droit de déposer une
plainte à ce propos auprès du Commissaire à l'in-
formation. Il n'y a donc pas eu de refus de commu
nication pas plus qu'un défaut valant décision de
refus de communication, puisque le document a
été communiqué au requérant avant que la moitié
du délai prorogé se soit écoulée.
L'intimé soutient également que la Cour ne peut
ordonner aucune mesure de redressement s'il n'y a
pas eu un véritable refus de communication. Les
articles 49, 50 et 51 permettent à la Cour de
rendre certaines ordonnances. Les articles 49 et 50
traitent de cas où un responsable d'un ministère
refuse de communiquer un document:
49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la
personne qui a exercé un recours en révision d'une décision de
refus de communication totale ou partielle d'un document
fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles
mentionnées à l'article 50, ordonne, aux conditions qu'elle juge
indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont relève le
document en litige d'en donner à cette personne communication
totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle
l'estime indiqué.
50. Dans les cas où le refus de communication totale ou
partielle du document s'appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur
les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le
refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne,
aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'insti-
tution fédérale dont relève le document en litige d'en donner
communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la
demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime
indiqué.
Il faut souligner qu'aux termes de ces deux articles
la Cour est tenue d'ordonner au responsable de
l'institution de donner communication du docu
ment à la personne qui l'a demandé ou de rendre
«une autre ordonnance si elle l'estime indiqué».
L'intimé prétend que l'«autre ordonnance» men-
tionnée dans ces articles doit être interprétée
comme devant se limiter à des questions reliées à
la communication d'un document puisque la com-
pétence attribuée à la Cour par chacun de ces
articles est subordonné à un refus préalable de
communication. Par conséquent, on ne peut se
fonder, dit-on, sur le sens large de «autre ordon-
nance» pour justifier des déclarations générales qui
constitueraient à juger de la bonne ou mauvaise
conduite du responsable d'une institution, alors
qu'en réalité il n'y a pas eu . de refus de
communication.
En plus de ces questions de nature juridique,
l'intimé prétend que sa réponse à la demande de
communication du requérant était appropriée dans
les circonstances et qu'une réponse donnée le
4 août, à une demande faite le 23 mars, était
raisonnable, étant donné qu'il fallait consulter une
agence de sécurité d'un gouvernement étranger.
Conclusions
Je conclus que la présente requête est, frivole et
vexatoire. La question juridique essentielle est
celle de savoir si cette Cour a un mandat pour
réviser la décision prise par le responsable d'une
institution, aux termes du paragraphe 9(1), de
proroger le délai de communication d'un docu
ment. Il est vrai que le paragraphe 9(1) cité ci-des-
sus mentionne que le responsable d'une institution
peut seulement proroger le délai «d'une période
que justifient les circonstances» et seulement dans
certains cas, notamment lorsque des consultations
sont nécessaires. Il s'ensuit que l'exercice du pou-
voir discrétionnaire par le responsable de l'institu-
tion est assujetti à certaines restrictions. Mais cela
ne veut pas dire qu'il incombe à la Cour fédérale
de se substituer au responsable de l'institution pour
décider, par exemple si les circonstances justi-
fiaient une prorogation du délai de 30 jours,
comme c'est le cas en l'espèce. La Cour est compé-
tente pour instruire une requête présentée par une
partie privée en matière d'accès à l'information
uniquement aux termes de l'article 41 et seulement
si cette requête est présentée par une «personne qui
s'est vu refuser communication ... d'un docu
ment». Il est clair qu'aux termes du paragraphe
9(1) une prorogation de délai par le responsable
d'une institution ne constitue pas de sa part un
refus de communication d'un document. Il ne
s'agit pas à première vue d'un refus de donner
l'information. Cela ne peut que valoir «décision de
refus de communication» aux termes du
paragraphe 10(3), si aucune décision n'est prise
dans le délai prorogé et que le document n'est pas
communiqué.
Il est évident, si l'on examine la Loi dans son
ensemble, que ce ne sont pas toutes les décisions
prises par les responsables d'institutions qui peu-
vent être assujetties à la révision judiciaire. Cela se
comprend facilement si l'on considère qu'il n'exis-
tait, avant l'adoption de cette Loi, aucun droit, ni
en common law ni dans la législation, d'accès aux
documents en possession du gouvernement du
Canada, pas plus que de droit d'action à cet égard.
La réponse donnée par les institutions gouverne-
mentales aux demandes de renseignements des
citoyens était strictement une question de juge-
ment politique et les sanctions, le cas échéant, de
refuser la communication des documents était éga-
lement de nature essentiellement politique. C'est
dans ce contexte que la Loi sur l'accès à l'infor-
mation a été adoptée. Elle repose en grande partie
sur (1) une codification législative de règles énon-
cées pour conseiller les fonctionnaires sur les docu
ments qui doivent ou ne doivent pas être communi-
qués; (2) une surveillance générale à cet effet de
toutes les institutions fédérales par un «ministre
désigné», mentionné à l'article 70, responsable du
contrôle des modalités de tenue des «documents»
du gouvernement et de l'établissement pour toutes
les institutions de procédures pour assurer le res
pect de la Loi; (3) un fonctionnaire indépendant,
genre protecteur du citoyen, soit le Commissaire à
l'information, qui peut recevoir les plaintes en
vertu de la Loi, ou même les porter lui-même, et
effectuer des enquêtes qui peuvent aboutir à des
entretiens avec les ministères en vue de trouver une
solution immédiate au problème; (4) des rapports
présentés par le Commissaire à l'information au
Parlement et aux comités mixtes désignés, confor-
mément aux articles 38 et 39, ainsi que par les
responsables de chaque institution fédérale, con-
formément à l'article 72; et (5) un recours en
révision judiciaire dans les cas de défaut de com
munication ou d'une décision valant refus de com
munication d'un document, afin d'obtenir cette
communication. On peut donc déduire qu'on a
prévu de nombreux moyens de contrôle adminis-
tratif et politique pour assurer une application
adéquate de la Loi ainsi qu'un nouveau droit d'ac-
tion en des circonstances particulières. Parmi les
différentes plaintes que peut recevoir le Commis-
saire à l'information, il y a celle que peut déposer
une personne, aux termes de l'alinéa 30(1)c), qui a
demandé communication d'un document et qui
considère que le responsable de l'institution a pro-
rogé le délai de communication de façon abusive.
Le Commissaire à l'information peut faire enquête
sur cette plainte, qui peut faire l'objet d'un rapport
spécial au Parlement ou être mentionnée dans un
rapport général. Le Commissaire à l'information
peut aussi, grâce à ces démarches, constater l'exis-
tence de caractéristiques de comportement ou de
lacunes systémiques, lorsque des plaintes sembla-
bles sont fréquemment faites à l'égard de la même
institution ou à l'égard de la communication de la
même catégorie de renseignements.
Cet historique et ce cadre législatif confirment
la portée plutôt limitée des nouveaux pouvoirs qui
ont été particulièrement confiés à la Cour fédérale:
aux termes de l'article 41, elle peut instruire une
requête d'une personne (ou, selon l'article 42, du
Commissaire à l'information) lorsqu'il y a eu
effectivement refus de communication d'un docu
ment ou une décision équivalant à un refus. Aux
termes de l'article 44 [mod. par L.R.C. (1985) (4e
suppl.), chap. 1, art. 45, annexe III, n° 1], la Cour
peut instruire la requête d'un «tiers» qui s'oppose à
la communication par le responsable d'une institu
tion d'un dossier qui peut le concerner. En l'espèce,
le requérant ne peut invoquer l'article 41, le seul
article pertinent dans la présente situation et sur
lequel il se fonde parce qu'il n'y a pas eu refus de
communication: il y a eu prorogation du délai de
communication, mais il a obtenu le dossier depuis
longtemps et avant l'expiration du délai permis par
la Loi. Dans les circonstances, il n'existe pas de
recours en vertu des articles 49 et 50, les articles
qui permettent à la Cour de rendre les ordonnan-
ces qu'elle estime indiquées, puisque ces recours ne
peuvent s'exercer que lorsque la Cour conclut à un
refus de communication d'un document. Je suis
convaincu que lorsque ces articles permettent à la
Cour de rendre «une autre ordonnance si elle
l'estime indiqué», cette ordonnance doit porter
directement sur la communication à donner, ou sur
une mesure équivalente, lorsqu'il y a eu d'abord
constatation du refus de communication. Ce refus
est une condition préalable à une requête déposée
en vertu de ces articles et c'est la seule situation à
laquelle la Cour peut remédier lorsqu'elle conclut
en faveur du requérant. La mention d'une «autre
ordonnance» ne permet, à mon avis, à la Cour que
de modifier la forme de redressement pour en
arriver à la communication ou peut-être à pronon-
cer que la communication aurait dû être faite
lorsque le document n'existe plus.
On m'a cité deux décisions rendues récemment
par mes collègues, les juges Dubé et Muldoon, qui
me semblent quelque peu divergentes. Dans l'af-
faire X c. Canada (Ministre de la Défense natio-
nale) 2 , le même requérant avait présenté une
requête, en vertu de l'article 41, pour obtenir des
documents qu'il avait demandés au ministère de la
Défense nationale le 12 août 1988. Le Ministère a
prorogé le délai de communication de 90 jours et
2 T-1112-89, le 15 juin 1990, jugement non publié.
n'a communiqué ensuite les documents que deux
mois après l'expiration de ce délai. Le requérant a
demandé à la Cour qu'elle exige que le ministre de
la Défense nationale fournisse une explication
détaillée de son défaut de communiquer les docu
ments à temps et qu'elle rende un jugement sta-
tuant que le défaut du ministre valait décision de
refus de communication, par application du
paragraphe 10(3) de la Loi sur l'accès à l'infor-
mation. Le juge Dubé, tout en indiquant claire-
ment qu'il n'approuvait pas le retard, a statué qu'il
ne pouvait pas rendre un jugement en faveur de
M. X parce qu'il n'y avait pas effectivement refus
de communication. Bien qu'il pût y avoir une
«décision valant refus» puisque la communication
n'avait pas été faite avant l'expiration du délai
prorogé, les documents avaient été fournis au
requérant longtemps avant que la requête soit
entendue. Autrement dit, le seul redressement que
la Cour peut ordonner est la communication des
documents et une ordonnance en ce sens n'a plus
sa raison d'être lorsque les documents ont été
communiqués.
Toutefois, dans l'affaire Canada (Commissaire
à l'information) c. Canada (Ministre des Affaires
extérieures) 3 , dans laquelle les faits étaient sensi-
blement similaires, puisque le ministère des Affai-
res extérieures avait fixé une prorogation du délai
et la communication du document n'avait pas été
faite dans ce délai mais avant l'audition de la
requête, le juge Muldoon a considéré qu'il avait
compétence pour prononcer une série de jugements
déclaratoires concernant les manquements du
ministère intimé dans sa façon d'appliquer la Loi.
Il a examiné l'exercice du pouvoir discrétionnaire
sous le régime de l'article 9 de la Loi et a conclu
que la prorogation du délai de 120 jours n'était pas
justifiée en vertu du paragraphe 9(1). Il a statué
également que le Ministère n'avait pas traité la
demande avec suffisamment de célérité. Il a conclu
que le délai de 120 jours valait décision de refus de
communication. Il semble avoir fondé sa compé-
tence pour prononcer un jugement déclaratoire
semblable sur les derniers mots de l'article 49
selon lesquels «la Cour rend une autre ordonnance
si elle l'estime indiqué».
3 [1990] 3 C.F. 514 (1"° inst.).
Mes remarques antérieures indiquent évidem-
ment que je souscris respectueusement à l'opinion
du juge Dubé, à savoir qu'en l'absence d'un refus
véritable de communication, un refus subsistant
encore au moment de l'audience devant cette
Cour, le tribunal n'est pas compétent en la
matière. De plus, à moins que le refus de commu
nication ne soit réel et continu et qu'il ne soit, par
conséquent, possible de rendre une ordonnance de
communication ou une ordonnance en ce sens, la
Cour ne peut accorder de redressement. À mon
humble avis, il n'incombe pas à la Cour de se
pencher sur la question du caractère raisonnable
des activités internes d'un ministère pour ce qui est
des questions relatives à l'accès à l'information,
sauf lorsqu'on peut établir qu'il existe un véritable
refus ou une décision valant un refus de communi
cation, et que ce refus subsiste. Il existe d'autres
recours en vertu de la Loi pour assurer un meilleur
contrôle politique et administratif des activités des
ministères qui présentent des lacunes, le cas
échéant.
Comme je l'ai mentionné auparavant, je consi-
dère la présente requête comme étant frivole et
vexatoire parce que le requérant aurait dû être
lui-même très conscient de sa futilité. Ayant
échoué dans une requête antérieure contre le
même intimé 4 dans une tentative d'obtenir une
ordonnance dans une affaire pourtant mieux
fondée (alors que le document n'avait été commu-
niqué qu'après l'expiration du délai prorogé), je ne
vois pas comment le requérant pouvait normale-
ment croire qu'il puisse revenir à la charge et
obtenir une ordonnance alors qu'il n'y avait pas eu
défaut de communication durant le délai prorogé.
Bien que le juge Dubé ait accordé les dépens au
requérant dans la première requête, qui était
fondée sur une première lecture du texte et qu'il y
avait eu une «décision valant refus» de communica
tion au moins durant une courte période, il n'y a
pas en l'espèce de circonstances atténuantes sem-
blables. Le requérant a inutilement accaparé le
temps et les ressources de la Cour et de l'intimé. Il
est condamné aux dépens que j'établis à 200 $,
l'intimé ayant demandé à la Cour d'en taxer le
montant si les dépens devaient lui être adjugés.
4 Supra, note 2.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.