Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-2176-89
X (requérant)
c.
Ministre de la Défense nationale (intimé)
RÉPERTORIÉ: X c. CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIO- NALE) (1" INST.)
Section de première instance, Juge Strayer— Ottawa, 19 et 28 novembre 1990.
Accès à l'information Demande visant à obtenir une déclaration selon laquelle le défaut de communiquer, dans les 30 jours, les documents demandés constitue un refus de communication L'information a été fournie après l'expira- tion du délai initial de 30 jours prévu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais dans le délai prorogé La demande est rejetée L'art. 41 ne s'applique pas puisqu'il n'y a pas eu de refus de communication pas plus qu'un défaut valant décision de refus de communication au sens de l'art. 10(3) Le refus de communication est une condition préala- ble à l'application des art. 49 et 50 La communication est le seul redressement prévu par les art. 49 et 50.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Demande visant à obtenir une déclaration selon laquelle le défaut de communiquer, dans les 30 jours, les documents demandés constitue au refus de communication en vertu de la Loi sur l'accès à l'information L'information a été fournie après l'expiration du délai initial de 30 jours prévu en vertu de la Loi, mais dans le délai prorogé Les art. 49 et 50 permettent à la Cour d'ordonner communication du document ou de rendre «une autre ordonnance si elle l'estime indiquée» La Cour n'a pas compétence à moins que le refus de communication ne soit réel et continu Signification de l'expression «une autre ordonnance».
Il s'agit en l'espèce d'une demande visant à obtenir une déclaration selon laquelle le défaut de communiquer, dans les trente jours, les documents demandés par le requérant constitue un «refus» de communication. Le ministère de la Défense avait déjà informé le requérant qu'il avait besoin, pour répondre à sa demande, d'une prorogation de délai en sus du délai normal de 30 jours prévu par la Loi sur l'accès à l'information. L'information a été fournie après le délai initial de 30 jours, mais avant l'expiration du délai prorogé. Le requérant a pré- tendu que la prorogation de délai n'était pas nécessaire. L'in- timé a fait valoir que la Cour n'avait pas compétence pour entendre la demande présentée en vertu de l'article 41 (qui accorde à la personne qui s'est vu refuser communication d'un document, le droit d'exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour) parce que le requérant avait reçu le document. L'intimé a également fait valoir qu'aucune mesure de redressement n'était prévue en l'absence d'un vérita- ble refus de communiquer. Les articles 49 et 50 permettent à la Cour d'ordonner communication du document ou de rendre «une autre ordonnance si elle l'estime indiqué» lorsqu'un res- ponsable d'un ministère a refusé de communiquer un document. L'intimé a prétendu que l'«autre ordonnance» est limitée à des questions reliées à la communication puisque la compétence attribuée à la Cour est subordonnée à un refus de communica-
tion. La question était de savoir si cette Cour avait un mandat pour réviser la décision de proroger le délai de communication d'un document.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
La demande était futile et vexatoire. La Cour est compétente pour entendre une demande présentée par une partie privée uniquement aux termes de l'article 41 et seulement en cas de refus de communication. Il n'y a pas eu de refus de communica tion pas plus qu'un défaut valant décision de refus de communi cation. Le paragraphe 9(1) indique qu'une prorogation de délai en vue de fournir une réponse ne constitue pas un refus de communication d'un document, bien que cela puisse valoir «décision de refus de communication» aux termes du paragra- phe 10(3) lorsque le document n'est pas communiqué dans le délai énoncé dans la Loi. Il y a eu communication dans le délai prorogé.
Il n'existait pas de recours en vertu des articles 49 et 50. Le refus de communication est une condition préalable à une demande présentée en vertu des articles 49 et 50. La mention dans ces articles d'une «autre ordonnance que la Cour estime indiquée» ne permet à la Cour que de modifier la forme de redressement pour en arriver à la communication ou peut-être à prononcer que la communication aurait être faite lorsque le document n'existe plus. En l'absence d'un refus véritable de communication qui subsiste encore au moment de l'audience, le tribunal n'est pas compétent.
Ce ne sont pas toutes les décisions prises en vertu de la Loi qui peuvent être assujetties à la révision judiciaire. II se peut qu'il existe d'autres mesures de redressement, par exemple le Commissaire à l'information peut enquêter sur les plaintes portant que le responsable de l'institution a prorogé le délai de communication de façon abusive et il en dresse un rapport spécial à l'intention du Parlement ou il relève les lacunes dans un rapport général.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), chap. A-1, art. 7, 9(1 )b), 10(3), 30(1)c), 41, 49, 51.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
X c. Canada (Ministre de la Défense nationale), T-1112-89, C.F. 1"° inst., juge Dubé, jugement en date du 15-6-90, non publié.
DÉCISION NON SUIVIE:
Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures), [1990] 3 C.F. 514 (1G» inst.).
COMPARUTION:
M. X personnellement.
AVOCAT:
Meg Kinnear pour l'intimé.
LE REQUÉRANT POUR SON PROPRE COMPTE: M. X.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Redressement demandé
Le requérant voudrait que la Cour déclare que le défaut de l'intimé de communiquer dans les trente jours les documents demandés par le requé- rant le 23 mars 1989 constitue un «refus» de communication.
Les faits
Le 23 mars 1989, le requérant a présenté au ministère de la Défense nationale une demande de communication de documents contenant des ren- seignements supplémentaires relatifs à certains faits mentionnés dans un mémoire, daté du 5 mars 1985, qu'il avait obtenu du U.S. National Security Agency. Le 21 avril 1989, le ministère de la Défense nationale a informé le requérant qu'il devait procéder à des consultations à l'extérieur du Ministère et qu'il avait donc besoin d'une proroga- tion de 270 jours, en sus du délai normal de 30 jours prévu par la Loi, cette prorogation s'ins- crivant dans le cadre de l'alinéa 9(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information'. Il faut souligner qu'aux termes de l'article 7 de la Loi le responsa- ble d'une institution à qui est faite une demande de communication d'un document est tenu, dans les 30 jours suivant sa réception, de répondre à l'au- teur de la demande qu'il refuse cette demande, ou qu'il y fait droit et lui communiquera le document. L'article 7 demeure toutefois assujetti au paragra- phe 9(1), qui se lit en partie comme suit:
' L.R.C. (1985), chap. A-1.
9. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut proro- ger le délai mentionné à l'article 7 ou au paragraphe 8(1) d'une période que justifient les circonstances dans les cas où:
b) les consultations nécessaires pour donner suite à la demande rendraient pratiquement impossible l'observation du délai;
Dans l'un ou l'autre des cas prévus aux alinéas a),b) et c), le responsable de l'institution fédérale envoie à la personne qui a fait la demande, dans les trente jours suivant sa réception, un avis de prorogation de délai, en lui faisant part de son droit de déposer une plainte à ce propos auprès du Commissaire à l'information; dans les cas prévus aux alinéas a) et b), il lui fait aussi part du nouveau délai.
L'intimé a écrit au requérant le 4 août 1989 et lui a fourni des copies des documents qu'il demandait. On remarque que l'information a été transmise au requérant 99 jours après le délai initial de 30 jours, mais 171 jours avant l'expiration du délai prorogé
fixé par l'intimé, conformément au paragraphe 9(1). Selon la preuve, le document produit n'était pas tellement élaboré et, bien que des consultations aient eu lieu avec le National Security Agency des États-Unis ainsi qu'avec le ministère de la Justice du Canada, le ministère de la Défense nationale n'a pas eu en fait besoin des 270 jours additionnels qu'il s'était réservé.
Le requérant prétend qu'en réalité il aurait été possible de donner suite à sa demande dans les 30 jours et que tant le défaut de communiquer les documents dans les 30 jours que la prorogation du délai pour une période de 270 jours constituaient un refus de communication. Il a déposé une plainte auprès du Commissaire à l'information le 11 août 1989, après avoir obtenu les documents demandés. Le Commissaire a fait enquête et conclu que la prorogation de 270 jours n'était pas justifiée. Tou- tefois, le requérant prétend qu'il a droit de présen- ter une requête devant cette Cour pour obtenir une déclaration qu'il y a eu refus de communication, même s'il a obtenu depuis longtemps les renseigne- ments qu'il demandait. Il allègue notamment que le retard à fournir les documents et que la proroga- tion inutile de 270 jours résultaient davantage d'une pénurie de personnel dans le service en cause du ministère de la Défense nationale que de la difficulté intrinsèque de la demande. Sa preuve à
cet égard se fonde surtout sur du oui-dire et n'est guère concluante.
L'intimé affirme principalement que cette Cour n'a pas compétence pour entendre la requête ni pour accorder le genre de redressement demandé. De plus, il nie la prétention du requérant selon lequel le délai n'était pas nécessaire ni la proroga- tion justifiée.
À l'appui de la position du ministre, son avocat a cité notamment l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information, que le requérant invoque pour présenter cette requête. L'article se lit comme suit:
41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante- cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expira- tion du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation. [C'est moi qui souligne.]
L'intimé soutient qu'aux termes de la Loi la Cour n'a d'autre fonction que d'instruire les requêtes des personnes qui se sont vu effectivement refuser communication d'un document, ce qui n'est pas le cas du requérant. En fait, il a reçu les documents demandés plus de deux mois avant le dépôt du présent avis de requête. Il est vrai que le paragraphe 10(3) de la Loi prévoit ce qui suit:
10....
(3) Le défaut de communication totale ou partielle d'un document dans les délais prévus par la présente loi vaut déci- sion de refus de communication.
Toutefois, il n'est aucunement allégué en l'espèce qu'il y a eu défaut de communication de la part de l'intimé dans les délais prévus par la Loi. En fait, le paragraphe 9(1), cité ci-dessus, permet expres- sément au responsable d'une institution de proro- ger les délais de communiquer le document en certains cas précis, pourvu qu'il en avise le requé- rant et lui fasse part de son droit de déposer une plainte à ce propos auprès du Commissaire à l'in- formation. Il n'y a donc pas eu de refus de commu nication pas plus qu'un défaut valant décision de refus de communication, puisque le document a été communiqué au requérant avant que la moitié du délai prorogé se soit écoulée.
L'intimé soutient également que la Cour ne peut ordonner aucune mesure de redressement s'il n'y a pas eu un véritable refus de communication. Les articles 49, 50 et 51 permettent à la Cour de rendre certaines ordonnances. Les articles 49 et 50 traitent de cas un responsable d'un ministère refuse de communiquer un document:
49. La Cour, dans les cas elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d'une décision de refus de communication totale ou partielle d'un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l'article 50, ordonne, aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont relève le document en litige d'en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.
50. Dans les cas le refus de communication totale ou partielle du document s'appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'insti- tution fédérale dont relève le document en litige d'en donner communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.
Il faut souligner qu'aux termes de ces deux articles la Cour est tenue d'ordonner au responsable de l'institution de donner communication du docu ment à la personne qui l'a demandé ou de rendre «une autre ordonnance si elle l'estime indiqué». L'intimé prétend que l'«autre ordonnance» men- tionnée dans ces articles doit être interprétée comme devant se limiter à des questions reliées à la communication d'un document puisque la com- pétence attribuée à la Cour par chacun de ces articles est subordonné à un refus préalable de communication. Par conséquent, on ne peut se fonder, dit-on, sur le sens large de «autre ordon- nance» pour justifier des déclarations générales qui constitueraient à juger de la bonne ou mauvaise conduite du responsable d'une institution, alors qu'en réalité il n'y a pas eu . de refus de communication.
En plus de ces questions de nature juridique, l'intimé prétend que sa réponse à la demande de communication du requérant était appropriée dans les circonstances et qu'une réponse donnée le 4 août, à une demande faite le 23 mars, était raisonnable, étant donné qu'il fallait consulter une agence de sécurité d'un gouvernement étranger.
Conclusions
Je conclus que la présente requête est, frivole et vexatoire. La question juridique essentielle est celle de savoir si cette Cour a un mandat pour réviser la décision prise par le responsable d'une institution, aux termes du paragraphe 9(1), de proroger le délai de communication d'un docu ment. Il est vrai que le paragraphe 9(1) cité ci-des- sus mentionne que le responsable d'une institution peut seulement proroger le délai «d'une période que justifient les circonstances» et seulement dans certains cas, notamment lorsque des consultations sont nécessaires. Il s'ensuit que l'exercice du pou- voir discrétionnaire par le responsable de l'institu- tion est assujetti à certaines restrictions. Mais cela ne veut pas dire qu'il incombe à la Cour fédérale de se substituer au responsable de l'institution pour décider, par exemple si les circonstances justi- fiaient une prorogation du délai de 30 jours, comme c'est le cas en l'espèce. La Cour est compé- tente pour instruire une requête présentée par une partie privée en matière d'accès à l'information uniquement aux termes de l'article 41 et seulement si cette requête est présentée par une «personne qui s'est vu refuser communication ... d'un docu ment». Il est clair qu'aux termes du paragraphe 9(1) une prorogation de délai par le responsable d'une institution ne constitue pas de sa part un refus de communication d'un document. Il ne s'agit pas à première vue d'un refus de donner l'information. Cela ne peut que valoir «décision de refus de communication» aux termes du paragraphe 10(3), si aucune décision n'est prise dans le délai prorogé et que le document n'est pas communiqué.
Il est évident, si l'on examine la Loi dans son ensemble, que ce ne sont pas toutes les décisions prises par les responsables d'institutions qui peu- vent être assujetties à la révision judiciaire. Cela se comprend facilement si l'on considère qu'il n'exis- tait, avant l'adoption de cette Loi, aucun droit, ni en common law ni dans la législation, d'accès aux documents en possession du gouvernement du Canada, pas plus que de droit d'action à cet égard. La réponse donnée par les institutions gouverne- mentales aux demandes de renseignements des citoyens était strictement une question de juge- ment politique et les sanctions, le cas échéant, de refuser la communication des documents était éga-
lement de nature essentiellement politique. C'est dans ce contexte que la Loi sur l'accès à l'infor- mation a été adoptée. Elle repose en grande partie sur (1) une codification législative de règles énon- cées pour conseiller les fonctionnaires sur les docu ments qui doivent ou ne doivent pas être communi- qués; (2) une surveillance générale à cet effet de toutes les institutions fédérales par un «ministre désigné», mentionné à l'article 70, responsable du contrôle des modalités de tenue des «documents» du gouvernement et de l'établissement pour toutes les institutions de procédures pour assurer le res pect de la Loi; (3) un fonctionnaire indépendant, genre protecteur du citoyen, soit le Commissaire à l'information, qui peut recevoir les plaintes en vertu de la Loi, ou même les porter lui-même, et effectuer des enquêtes qui peuvent aboutir à des entretiens avec les ministères en vue de trouver une solution immédiate au problème; (4) des rapports présentés par le Commissaire à l'information au Parlement et aux comités mixtes désignés, confor- mément aux articles 38 et 39, ainsi que par les responsables de chaque institution fédérale, con- formément à l'article 72; et (5) un recours en révision judiciaire dans les cas de défaut de com munication ou d'une décision valant refus de com munication d'un document, afin d'obtenir cette communication. On peut donc déduire qu'on a prévu de nombreux moyens de contrôle adminis- tratif et politique pour assurer une application adéquate de la Loi ainsi qu'un nouveau droit d'ac- tion en des circonstances particulières. Parmi les différentes plaintes que peut recevoir le Commis- saire à l'information, il y a celle que peut déposer une personne, aux termes de l'alinéa 30(1)c), qui a demandé communication d'un document et qui considère que le responsable de l'institution a pro- rogé le délai de communication de façon abusive. Le Commissaire à l'information peut faire enquête sur cette plainte, qui peut faire l'objet d'un rapport spécial au Parlement ou être mentionnée dans un rapport général. Le Commissaire à l'information peut aussi, grâce à ces démarches, constater l'exis- tence de caractéristiques de comportement ou de lacunes systémiques, lorsque des plaintes sembla- bles sont fréquemment faites à l'égard de la même institution ou à l'égard de la communication de la même catégorie de renseignements.
Cet historique et ce cadre législatif confirment la portée plutôt limitée des nouveaux pouvoirs qui
ont été particulièrement confiés à la Cour fédérale: aux termes de l'article 41, elle peut instruire une requête d'une personne (ou, selon l'article 42, du Commissaire à l'information) lorsqu'il y a eu effectivement refus de communication d'un docu ment ou une décision équivalant à un refus. Aux termes de l'article 44 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 1, art. 45, annexe III, 1], la Cour peut instruire la requête d'un «tiers» qui s'oppose à la communication par le responsable d'une institu tion d'un dossier qui peut le concerner. En l'espèce, le requérant ne peut invoquer l'article 41, le seul article pertinent dans la présente situation et sur lequel il se fonde parce qu'il n'y a pas eu refus de communication: il y a eu prorogation du délai de communication, mais il a obtenu le dossier depuis longtemps et avant l'expiration du délai permis par la Loi. Dans les circonstances, il n'existe pas de recours en vertu des articles 49 et 50, les articles qui permettent à la Cour de rendre les ordonnan- ces qu'elle estime indiquées, puisque ces recours ne peuvent s'exercer que lorsque la Cour conclut à un refus de communication d'un document. Je suis convaincu que lorsque ces articles permettent à la Cour de rendre «une autre ordonnance si elle l'estime indiqué», cette ordonnance doit porter directement sur la communication à donner, ou sur une mesure équivalente, lorsqu'il y a eu d'abord constatation du refus de communication. Ce refus est une condition préalable à une requête déposée en vertu de ces articles et c'est la seule situation à laquelle la Cour peut remédier lorsqu'elle conclut en faveur du requérant. La mention d'une «autre ordonnance» ne permet, à mon avis, à la Cour que de modifier la forme de redressement pour en arriver à la communication ou peut-être à pronon- cer que la communication aurait être faite lorsque le document n'existe plus.
On m'a cité deux décisions rendues récemment par mes collègues, les juges Dubé et Muldoon, qui me semblent quelque peu divergentes. Dans l'af- faire X c. Canada (Ministre de la Défense natio- nale) 2 , le même requérant avait présenté une requête, en vertu de l'article 41, pour obtenir des documents qu'il avait demandés au ministère de la Défense nationale le 12 août 1988. Le Ministère a prorogé le délai de communication de 90 jours et
2 T-1112-89, le 15 juin 1990, jugement non publié.
n'a communiqué ensuite les documents que deux mois après l'expiration de ce délai. Le requérant a demandé à la Cour qu'elle exige que le ministre de la Défense nationale fournisse une explication détaillée de son défaut de communiquer les docu ments à temps et qu'elle rende un jugement sta- tuant que le défaut du ministre valait décision de refus de communication, par application du paragraphe 10(3) de la Loi sur l'accès à l'infor- mation. Le juge Dubé, tout en indiquant claire- ment qu'il n'approuvait pas le retard, a statué qu'il ne pouvait pas rendre un jugement en faveur de M. X parce qu'il n'y avait pas effectivement refus de communication. Bien qu'il pût y avoir une «décision valant refus» puisque la communication n'avait pas été faite avant l'expiration du délai prorogé, les documents avaient été fournis au requérant longtemps avant que la requête soit entendue. Autrement dit, le seul redressement que la Cour peut ordonner est la communication des documents et une ordonnance en ce sens n'a plus sa raison d'être lorsque les documents ont été communiqués.
Toutefois, dans l'affaire Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures) 3 , dans laquelle les faits étaient sensi- blement similaires, puisque le ministère des Affai- res extérieures avait fixé une prorogation du délai et la communication du document n'avait pas été faite dans ce délai mais avant l'audition de la requête, le juge Muldoon a considéré qu'il avait compétence pour prononcer une série de jugements déclaratoires concernant les manquements du ministère intimé dans sa façon d'appliquer la Loi. Il a examiné l'exercice du pouvoir discrétionnaire sous le régime de l'article 9 de la Loi et a conclu que la prorogation du délai de 120 jours n'était pas justifiée en vertu du paragraphe 9(1). Il a statué également que le Ministère n'avait pas traité la demande avec suffisamment de célérité. Il a conclu que le délai de 120 jours valait décision de refus de communication. Il semble avoir fondé sa compé- tence pour prononcer un jugement déclaratoire semblable sur les derniers mots de l'article 49 selon lesquels «la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué».
3 [1990] 3 C.F. 514 (1"° inst.).
Mes remarques antérieures indiquent évidem- ment que je souscris respectueusement à l'opinion du juge Dubé, à savoir qu'en l'absence d'un refus véritable de communication, un refus subsistant encore au moment de l'audience devant cette Cour, le tribunal n'est pas compétent en la matière. De plus, à moins que le refus de commu nication ne soit réel et continu et qu'il ne soit, par conséquent, possible de rendre une ordonnance de communication ou une ordonnance en ce sens, la Cour ne peut accorder de redressement. À mon humble avis, il n'incombe pas à la Cour de se pencher sur la question du caractère raisonnable des activités internes d'un ministère pour ce qui est des questions relatives à l'accès à l'information, sauf lorsqu'on peut établir qu'il existe un véritable refus ou une décision valant un refus de communi cation, et que ce refus subsiste. Il existe d'autres recours en vertu de la Loi pour assurer un meilleur contrôle politique et administratif des activités des ministères qui présentent des lacunes, le cas échéant.
Comme je l'ai mentionné auparavant, je consi- dère la présente requête comme étant frivole et vexatoire parce que le requérant aurait être lui-même très conscient de sa futilité. Ayant échoué dans une requête antérieure contre le même intimé 4 dans une tentative d'obtenir une ordonnance dans une affaire pourtant mieux fondée (alors que le document n'avait été commu- niqué qu'après l'expiration du délai prorogé), je ne vois pas comment le requérant pouvait normale- ment croire qu'il puisse revenir à la charge et obtenir une ordonnance alors qu'il n'y avait pas eu défaut de communication durant le délai prorogé. Bien que le juge Dubé ait accordé les dépens au requérant dans la première requête, qui était fondée sur une première lecture du texte et qu'il y avait eu une «décision valant refus» de communica tion au moins durant une courte période, il n'y a pas en l'espèce de circonstances atténuantes sem- blables. Le requérant a inutilement accaparé le temps et les ressources de la Cour et de l'intimé. Il est condamné aux dépens que j'établis à 200 $, l'intimé ayant demandé à la Cour d'en taxer le montant si les dépens devaient lui être adjugés.
4 Supra, note 2.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.