T-1042-86
T-1090-86
T-1200-86
Commissaire à l'information du Canada (requé-
rant)
c.
Ministre des Affaires extérieures (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA (COMMISSAIRE À L'INFORMATION) C.
CANADA (MINISTRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES) (!" INST.)
Section de première instance, juge Muldoon —
Ottawa, 26 avril et 28 août 1990.
Accès à l'information — Demandes de révision de refus
présumés de communiquer des documents relatifs aux négo-
ciations sur le libre-échange avec les É.-U. — L'intimé admet
que les prorogations de délai n'étaient pas justifiées, mais fait
valoir que la demande revêt désormais un caractère théorique,
les documents ayant finalement été publiés — Le commissaire
a le droit de faire trancher les questions en cause par un
tribunal en vertu de l'art. 42(1)a) de la Loi sur l'accès à
l'information — L'expression «any refusai» (»refus») à l'art.
42(1)a) comprend un refus présumé — Examen judiciaire
illimité — La révision a non seulement pour objet de faire
admettre le retard indu en l'espèce, mais également de permet-
tre aux intimés éventuels de savoir ce qu'il en est — L'objectif
de la Loi est de faire disparaître l'hésitation des fonctionnaires
à communiquer les renseignements que possède le gouverne-
ment.
Il s'agissait en l'espèce de demandes de révision, conformé-
ment à l'alinéa 42(1)a) de la Loi sur l'accès à l'information, du
refus présumé du ministre des Affaires extérieures de commu-
niquer des documents relatifs aux négociations sur le libre-
échange avec les É.-U. Les questions en litige concernaient le
retard des gestionnaires du Ministère de l'intimé à donner suite
aux demandes de communication de documents dans le délai
prescrit pour le faire, de même que dans la prorogation de délai
permise. L'avocate de l'intimé a reconnu que les gestionnaires
de l'intimé ont tellement tardé à agir que leur conduite valait
des «refus présumés» de communication. Les requérants ont
porté plainte devant le Commissaire à l'information qui a
conclu que leurs plaintes étaient fondées. Une semaine environ
après le dépôt de ces demandes, soit environ six à huit mois
après le dépôt des demandes originales, les documents ont été
communiqués avec un dossier de presse. En faisant valoir que le
ministère des Affaires extérieures a agi négligemment et par
ignorance de l'esprit de la Loi en rendant obscurs les motifs de
ses retards à donner suite aux demandes de communication, le
requérant admet qu'il ne prétend pas qu'il y a eu intention de
nuire, mais simplement une très grande négligence. L'intimé a
nié qu'il y avait eu intention délibérée de retarder les choses ou
de les rendre obscures. Il a admis que la prorogation de délai de
120 jours invoquée relativement à chaque demande était injus-
tifiée, mais il a prié la Cour de refuser d'accorder le jugement
déclaratoire discrétionnaire parce que les points litigieux revê-
taient désormais un caractère théorique, les documents ayant
finalement été communiqués. De plus, il a soutenu que le
Commisaire à l'information tentait d'exercer un recours en
révision devant la Cour au lieu de faire enquête (en vertu de
l'article 32 de la Loi) et de présenter un rapport annuel au
ministre (article 38) ou un rapport spécial au Parlement (arti-
cle 39).
Jugement: l'ordonnance demandée devrait être accueillie.
Le Ministère a tardé indûment à donner suite aux demandes
de communication; les prorogations de délai étaient injustifiées;
le Ministère a agi négligemment et par ignorance de l'esprit de
la Loi en rendant obscurs (mais sans intention de nuire) les
motifs de ses retards et, n'étant pas justifiées par l'article 9, les
prorogations de délai de 120 jours valaient des refus présumés
de communiquer les documents demandés. Il faudrait donc
donner effet à ces conclusions conformément à l'article 49.
Le Commissaire a le droit de faire trancher les questions en
cause par un tribunal. L'alinéa 42(1)a) accorde sans restriction
la possibilité de procéder en s'adressant à la Cour. Il ne devrait
pas être possible de contrecarrer l'exercice de ce droit en faisant
des admissions à la dernière minute.
L'expression «any refusal» («refus») à l'alinéa 42(1)a) com-
prend un refus présumé, défini au paragraphe 10(3) comme le
défaut de communication d'un document dans les délais prévus
par la Loi. L'objet de la «révision pour refus de communication
... d'un document» est illimité. Cela signifie un examen judi-
ciaire illimité qui peut entraîner un redressement ou des mesu-
res qui sont correctrices et déclaratoires, et donnent des directi
ves ou des instructions. Cette interprétation est renforcée par
les termes utilisés à la fin de chacun des articles 49, 50 et 51:
«la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué».
La révision prévue à l'alinéa 42(1)a) a non seulement pour
objet de faire admettre à l'intimé qu'il a tardé indûment à agir
mais aussi de permettre aux autres intimés éventuels de savoir
ce qu'il en est. Donner suite à de telles demandes nécessite un
travail supplémentaire de la part des ministères du gouverne-
ment, mais lorsque le législateur impose des responsabilités
supplémentaires, comme il le fait dans la Loi sur l'accès à
l'information, il n'y a qu'à obtempérer. L'un des principaux
objectifs de la Loi est de faire disparaître l'hésitation des
fonctionnaires à fournir les renseignements que possède le
gouvernement.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. 111 (annexe), art. 9, 10(3), 32, 38, 39, 40, 41,
42, 49, 50, 51, 53.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1987] 3 C.F. 383
(1" inst.); conf. par A-155-87, juge Heald, J.C.A., juge-
ment daté du 27-2-90, encore inédit; Mikaeli c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 1
C.F. 562 (1"° inst.).
AVOCATS:
Michael L. Phelan, Patricia J. Wilson et Paul
B. Tetro pour le requérant.
Barbara A. Mclsaac pour l'intimé.
PROCUREURS:
Osier, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Compte tenu de l'objet de
la demande, il s'agit d'une affaire ancienne. Les
diverses requêtes ont été entendues par la Cour le
26 avril 1990, et les avocats ont indiqué qu'en
raison du temps écoulé, les questions en cause ont
perdu leur urgence.
Chacun des requérants a présenté des demandes
de communication sous le régime de la Loi sur
l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. 111 (la Loi), annexe I:
Leslie Shepherd —trois demandes datées du 27 novembre 1985,
du 28 novembre 1985 et du 17 décembre 1985;
Bruce Campbell—une demande datée du 3 décembre 1985. Il
est mentionné que M. Campbell était recherchiste pour le
député Steven Langdon;
et
Martin Cohn —deux demandes datées du 30 septembre 1985 et
du 9 décembre 1985.
Les trois avis de requête, qui sont pratiquement
identiques, indiquent qu'une demande sera présen-
tée:
[TRADUCTION] ... conformément à l'alinéa 42(1)a) de la [Loi]
afin d'exercer le recours en révision pour refus présumé,
conformément au paragraphe 10(3) de la Loi, de la part du
ministre intimé ... de communiquer certains documents
demandés par [les trois requérants, respectivement], notam-
ment certains documents relatifs aux négociations sur le libre-
échange avec les États-Unis, comme l'indiquent les demandes
de communication [énumérées ci-dessus] datées [comme ci-des-
sus], dont des copies sont jointes sous les cotes ... à l'affidavit
de James G. Long.
Environ dix mois après le dépôt des trois deman-
des, l'intimé a sollicité en décembre 1986 le rejet
de chacune de celles-ci ..
[TRADUCTION] au motif que le requérant sollicite un jugement
déclaratoire concernant une question théorique sans conséquen-
ces pratiques ...
Ces requêtes visant à obtenir le rejet des demandes
ont été entendues par le juge en chef adjoint qui, le
28 janvier 1987, a rendu une ordonnance dans
laquelle il réservait sa décision [TRADUCTION] «en
attendant l'audition de la requête principale».
Les questions en litige dans ces affaires concer-
nent le retard des gestionnaires du Ministère de
l'intimé à donner suite aux demandes de communi
cation de documents dans le délai prescrit pour le
faire, de même que dans la prorogation de délai
permis. Les hauts fonctionnaires de l'intimé ont
tellement tardé à agir que, de l'aveu même de
l'avocate de l'intimé, leur conduite valait des «refus
présumés» de communication. C'est ce qui a amené
les requérants à porter plainte devant le Commis-
saire à l'information (appelé parfois ci-après, le
Commissaire), et il est admis que cette dernière,
c'est-à-dire le Commissaire, a conclu que les plain-
tes des requérants étaient fondées.
L'intimé, par l'intermédiaire de son avocate,
[TRADUCTION] «ne conteste pas la reconstitution
par le Commissaire ... et son avocat des faits
relatifs au traitement des demandes en litige dans
la présente requête». Il semble que tous les docu
ments touchant de près ou de loin ces procédures
ont été soumis à la Cour, constituant une monta-
gne de documents dont la lecture a de quoi provo-
quer des maux de tête. Les faits sont exposés sur
23 feuilles de papier ministre dans le volume IV du
dossier du Commissaire. Les personnes assoiffées
de détails concernant les tenants et aboutissants de
l'affaire pourront trouver satisfaction dans la lec
ture de ces documents.
Une semaine environ après le dépôt par le Com-
missaire des affaires Shepherd et Campbell,
c'est-à-dire le 21 mai 1986 d'après le paragraphe
55 de l'exposé des faits figurant dans le dossier de
requête du requérant, les documents ont été com-
muniqués avec un dossier de presse. Des renseigne-
ments supplémentaires ont été communiqués les 29
et 30 mai 1986. Il est question du paragraphe 26
de l'affidavit de Simon Wade et de l'affidavit de
James Gordon Long produit dans
l'affaire T-1200-86, ces deux documents se trou-
vant dans le volume I du dossier de requête, aux
onglets 10, 11 et 12, et 6 respectivement. La
dernière demande mentionnée, c'est-à-dire celle de
Cohn portant le numéro de greffe T-1200-86, a été
déposée le 26 mai 1986. Devant la Cour, l'avocat
du requérant a admis que lorsqu'il déclare à l'ali-
néa 61f) du volume IV du dossier du requérant que
les paragraphes 18 à 28 indiquent que [TRADUC-
TION] < span> ministère [des Affaires extérieures] a agi
négligemment et par ignorance de l'esprit de la Loi
en rendant obscurs au cours de l'enquête du Com-
missaire à l'information les motifs de ses retards à
donner suite aux demandes de communication», le
requérant ne prétend pas qu'il y a eu intention de
nuire, mais simplement une très grande négli-
gence. Heureusement que l'avocat a admis ce fait,
car les termes employés semblent indiquer qu'on a
fait montre sinon d'une intention de nuire, du
moins d'une très mauvaise foi. À cet égard, l'in-
timé est ferme et soutient que les hauts fonction-
naires de l'intimé n'ont pas délibérément voulu
retarder les choses ou les rendre obscures.
La plupart des autres aveux ont été le fait de
l'intimé, par l'intermédiaire de son avocate, et ils
ont épargné beaucoup d'efforts à l'avocat du
requérant en établissant une bonne partie de sa
preuve. Non seulement l'avocate de l'intimé a fait
des concessions dans sa lettre datée du 11 février
1987 qui a été versée dans les trois dossiers, mais
le dossier de requête de l'intimé semble également
constituer une reconnaissance des faits à cet égard.
Il contient notamment les paragraphes suivants:
[TRADUCTION] 2. En ce qui concerne les conclusions avancées
par le Commissaire à l'information au paragraphe 61 de son
exposé, l'intimé a admis dès le début des présentes procédures
qu'il y a eu refus présumé lorsqu'a pris fin la prorogation du
délai pour donner suite à ces demandes.
3. De même, l'intimé a admis dès le départ qu'aucun élément
de preuve ne montre le caractère raisonnable des prorogations
de délai de 120 jours à l'égard de ces demandes.
4. L'intimé a également admis qu'il aurait été préférable de
communiquer les documents aux demandeurs au fur et à
mesure qu'ils étaient prêts à être communiqués plutôt que
d'attendre qu'ils soient tous prêts à l'être.
5. En ce qui concerne l'alinéa c) du paragraphe 61, il est
allégué que rien dans la preuve ne permet de conclure que les
fonctionnaires qui s'occupaient de ces demandes ont agi en
tenant seulement compte du fait que les périodes de prorogation
de délai n'étaient pas encore expirées.
6. En ce qui concerne l'alinéa f) du paragraphe 61, il est
allégué que rien dans la preuve ne permet de conclure que
l'intimé ou les fonctionnaires du Ministère ont délibérément
rendu obscurs, au cours de l'enquête du Commissaire à l'infor-
mation, les motifs des retards.
7. Il est allégué que le Commissaire à l'information tente en
l'espèce d'exercer un recours en révision devant la Cour au lieu
de faire enquête, et qu'elle était habilitée à faire une enquête
approfondie sur les retards, à tirer des conclusions de fait et à
présenter un rapport au ministre et, si elle l'estime approprié,
au Parlement. Il est en outre allégué que le jugement déclara-
toire sollicité par le Commissaire ne sera d'aucune utilité, et
que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et
refuser de tirer les conclusions demandées par le Commissaire
ou de rendre le jugement déclaratoire sollicité.
À l'audience, l'avocate de l'intimé a fait remar-
quer que les documents dont le requérant deman-
dait la communication concernaient une entreprise
importante du gouvernement, le libre-échange avec
les E.-U., et la position du Canada dans ces négo-
ciations. Elle a soutenu, à juste titre, que ces
renseignements devaient être examinés très attenti-
vement. J'en conviens. Néanmoins, cette préten-
tion correcte n'enlève rien aux concessions faites
dans le dossier de requête de l'intimé et plus tôt
dans les procédures.
La Loi prévoit des moyens subsidiaires, ou
plutôt supplémentaires, par lesquels le Commis-
saire peut forcer les responsables d'institutions
fédérales à se conformer à la loi. Le Commissaire
peut procéder à une enquête conformément à
l'article 32 de cette loi sur l'accès à l'information.
Ce qui est encore plus pertinent pour déterminer
et, en un sens, dénoncer la négligence, l'hésitation
ou le désir d'embêter tout le monde des responsa-
bles d'institutions fédérales, le Commissaire peut
faire des commentaires à cet égard ou porter
plainte dans un rapport annuel (article 38) ou un
rapport spécial (article 39) présenté au Parlement.
Il incombe vraisemblablement au Commissaire
de déterminer si la procédure un peu compliquée
qui consiste à remettre un rapport au président du
Sénat et à celui de la Chambre des communes
conformément à l'article 40, lorsque la plainte
concerne des hauts fonctionnaires du gouverne-
ment en place s'occupant d'une entreprise impor-
tante du gouvernement—en l'espèce, le libre-
échange—serait aussi efficace qu'une demande
adressée directement à la Cour, cette dernière
étant un arbitre impartial et objectif qui peut
effectuer une révision en se fondant sur le droit. La
possibilité d'agir comme le fait maintenant le
Commissaire à l'information, conformément à
l'alinéa 42(1)a) de la Loi, lui est accordée sans
restriction par le législateur dans la Loi. Aucun
intimé ne peut s'opposer au choix du Commissaire
en alléguant que ce choix ne lui plaît pas ou lui
cause des désagréments ou encore, en faisant des
concessions à la dernière minute. Le Commissaire
a le droit de faire trancher les questions en cause
par un tribunal.
Les dispositions législatives pertinentes sont inti-
tulées «Révision par la Cour fédérale»; en voici le
texte:
41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou
partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et
qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le
Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-
cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au
paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision
de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expira-
tion du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.
42. (1) Le Commissaire à l'information a qualité pour:
a) exercer lui-même, à l'issue de son enquête et dans les
délais prévus à l'article 41, le recours en révision pour refus
de communication totale ou partielle d'un document, avec le
consentement de la personne qui avait demandé le document;
b) comparaître devant la Cour au nom de la personne qui a
exercé un recours devant la Cour en vertu de l'article 41;
c) comparaître, avec l'autorisation de la Cour, comme partie
à une instance engagée en vertu des articles 41 ou 44.
L'expression «any refusai» («refus») doit com-
prendre un refus présumé, défini au
paragraphe 10(3) comme le défaut de communica
tion d'un document dans les délais prévus par la
Loi. La question de la concordance du texte fran-
çais d'une loi avec son texte anglais où figure le
terme «any» alors qu'il n'existe aucun terme précis
équivalent dans le texte français, comme c'est le
cas à l'alinéa 42(1)a), a été analysée dans l'affaire
Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, [1987] 3
C.F. 383 (1" inst.), à la page 395, confirmée en
appel sous le n° de greffe A-155-87 [le juge Heald,
J.C.A., jugement en date du 27-2-90, encore
inédit], et plus récemment, dans l'affaire Mikaeli
c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1990] 1 C.F. 562 (i re inst.), à la page 569.
L'objet de la «révision pour refus de communica
tion ... d'un document» est quasi illimité. Cela
signifie, par conséquent, rien de moins qu'un
examen judiciaire illimité qui peut entraîner un
redressement ou des mesures qui sont, à tout le
moins, correctrices et déclaratoires, et donnent des
directives ou des instructions. En fait, le législateur
confère la plénitude du pouvoir de surveillance
judiciaire qui constitue la marque de la compé-
tence d'une cour supérieure. Le législateur n'im-
pose aucune restriction en l'espèce.
Cette interprétation du rôle de la Cour lors-
qu'elle effectue la révision prévue par la Loi est
renforcée par les termes utilisés à la fin de chacun
des articles 49, 50 et 51: «the Court ... shall make
such other order as the Court deems appropriate»,
et «la Cour rend une autre ordonnance si elle
l'estime indiqué».
Les faits n'étant pas contestés pour l'essentiel et
l'exposé des faits ainsi que les documents perti-
nents étant vraiment volumineux, il serait peu utile
ou pertinent de reprendre ceux-ci en détail encore
une fois. Il suffira de signaler certains des événe-
ments qui se sont produits.
Les paragraphes 41 à 49 de l'exposé des faits
fournissent une appréciation exacte de certains
événements. Il n'est pas nécessaire d'indiquer les
personnes en cause ni de préciser le sens des
acronymes utilisés. M. Bill Dymond était l'agent
de liaison du conseiller principal et coordinateur
du groupe de travail sur la politique touchant le
commerce Canada/É.-U., et dont l'acronyme
plutôt remarquable était UGBA. M. Derek
H. Burney était sous-secrétaire d'État associé aux
Affaires extérieures. Le Bureau des négociations
commerciales (le BNc) était présidé par M. Simon
Reisman. Les paragraphes qui suivent sont tirés du
volume IV du dossier de requête du Commissaire à
l'information:
[TRADUCTION] 41. Dès le 24 décembre 1985, les responsables
de l'UGBA et du Comité d'accès avaient inventorié et examiné
minutieusement 355 documents. Le responsable de l'UGBA a
toutefois indiqué qu'il estimait que des documents pertinents
comprenant principalement des études sectorielles (demandes
présentées par Leslie Shepherd) pouvaient encore rester aux
mains de l'UGBA et n'avaient pas encore été transmis pour
examen.
Réponse aux interrogatoires, dossier de requête,
volume II, onglet 16.2B
42. Le 24 décembre 1985, il a été décidé, au cours d'une
réunion ministérielle présidée par Derek Burney, que des
355 documents mis de côté parce qu'on considérait qu'ils
pouvaient être pertinents, seuls 31 rapports et études devaient
être examinés. Cet examen devait être effectué d'urgence afin
de déterminer les documents dont le contenu pouvait être
entièrement rendu public par les ministres Clark et Kelleher.
Les autres documents devaient être traités conformément à la
Loi. Finalement, 26 de ces 31 rapports ont été communiqués
aux requérants, en totalité ou en partie, pour donner suite à
leurs demandes.
Réponse aux interrogatoires, dossier de requête,
volume II, onglet 16, par. 3, onglet 16.3A
43. Le 27 décembre 1985, le responsable de l'UGBA et
M. Dymond ont examiné les 355 documents inventoriés à
l'origine et dont on avait recommandé la communication, la
séparation ou l'application d'une exception; la liste des recom-
mandations a ensuite été revue de manière à tenir compte des
commentaires de M. Dymond. Par conséquent, dès le
27 décembre 1985, les documents finalement inventoriés et
communiqués ou non pour donner suite aux demandes de
communication avaient fait l'objet de recommandations par le
Ministère quant à la possibilité de les communiquer.
Réponse aux interrogatoires, dossier de requête,
volume II, onglet 16.2C
44. Le 10 janvier 1986, M. Dymond a envoyé à M. Burney une
note de service dans laquelle il exposait les grandes lignes des
demandes de communication reçues et joignait un projet de
communiqué de presse résumant les sept études qu'on se propo-
sait de communiquer immédiatement. Ces sept études avaient
été effectuées sous contrat par les organismes suivants:
(1) Institut de recherches politiques (un examen général de
la documentation existante);
(2) Informetrica Ltd. (étude macro-économique);
(3) Data Resources (étude macro-économique);
(4) Grey, Clark Inc. (Pacte de l'automobile);
(5) Arnold and Porter (lois américaines sur les sanctions
commerciales);
(6) Étude de Lane (l'expérience européenne);
(7) Étude de Stone (considérations d'ordre institutionnel).
La note de service indiquait également que les documents
préparés par l'Institut C.D. Howe relativement aux questions
concernant l'harmonisation seraient prêts au cours de ce mois,
et qu'on pourrait examiner la possibilité de les communiquer
dès qu'ils auraient été reçus. La note de service précisait que
tous les autres documents demandés seraient refusés en vertu
des dispositions applicables de la Loi.
Réponse aux interrogatoires, dossier de requête,
volume II, onglet 16-12B
45. Le 27 janvier 1986, M. Burney a fait parvenir à
M. Reisman du Bureau des négociations commerciales, une
note de service où il était question de la communication proje-
tée des études effectuées sous contrat et où on soulignait
l'urgence de prendre une décision «avant que l'omission de le
faire ne devienne elle-même l'objet du litige».
Documents joints à l'affidavit de Wade, dossier de requête
confidentiel, volume III, onglet 22
46. Le Bureau des négociations commerciales a donné sa
réponse le 10 février 1986; il a donné son accord et commenté
la communication des sept études.
Documents joints à l'affidavit de Wade, dossier de requête
confidentiel, volume III, onglet 23
47. Le 21 février 1986, le coordonnateur de l'accès à l'informa-
tion a consulté le contentieux du Ministère relativement à
l'applicabilité de certaines des exceptions aux 31 rapports. Une
réponse préliminaire a été fournie le 3 mars 1986, et la réponse
finale le 20 mars 1986.
Documents joints à l'affidavit de Wade, dossier de requête
confidentiel, volume III, onglets 25, 26
48. Le 11 avril 1986, le coordonnateur de l'accès à l'informa-
tion a transmis les 31 documents au Bureau des négociations
commerciales aux fins de leur examen. Le Bureau des négocia-
tions commerciales a fait part de ses recommandations les 16 et
21 avril 1986. Il a signalé qu'un des délais pour donner suite
aux demandes était déjà écoulé et que plusieurs autres étaient
sur le point de l'être lorsqu'il a reçu les dossiers pour les
examiner.
Documents joints à l'affidavit de Wade, dossier de requête,
volume II, onglet 14.24;
Réponse aux interrogatoires, dossier de requête,
volume II, onglet 16.13A, 16.13B
49. Aux environs du 28 avril 1986, M. Burney a fait parvenir
au ministre du Commerce extérieur une note de service dans
laquelle il demandait l'approbation de la communication de
trois des études effectuées sous contrat. À cette époque, deux
des études indiquées plus haut avaient déjà été publiées.
Documents joints à l'affidavit de Wade, dossier de requête,
volume II, onglet 14.27
Pour ce qui est de la prorogation de délai de
120 jours invoquée par les fonctionnaires de l'in-
timé relativement à chaque demande, l'avocate de
l'intimé a dû reconnaître au cours de la plaidoirie,
[TRADUCTION] «Il semble désormais évident que
la prorogation de délai de 120 jours était, en fait,
injustifiée.» La preuve confirme certainement cet
aveu de l'avocate, comme l'indiquent les
paragraphes 50 à 54 de l'exposé des faits. Il est
évident que les Affaires extérieures n'ont com-
mencé les consultations des autres Ministères con
cernés qu'en mars 1986. Ces consultations
auraient pu commencer en décembre 1985 ou, si
on veut se montrer généreux, en janvier 1986; et
elles auraient dû être terminées à la fin de janvier
ou au début de février 1986.
L'article 9 de la Loi sur l'accès à l'information
prévoit non seulement des délais, il contient égale-
ment des principes qui clarifient la Loi et son
application:
9. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut proro-
ger le délai mentionné à l'article 7 ou au paragraphe 8(1) d'une
période que justifient les circonstances dans les cas où:
a) l'observation du délai entraverait de façon sérieuse le
fonctionnement de l'institution en raison soit du grand
nombre de documents demandés, soit de l'ampleur des
recherches à effectuer pour donner suite à la demande;
b) les consultations nécessaires pour donner suite à la
demande rendraient pratiquement impossible l'observation
du délai;
e) avis de la demande a été donné en vertu du
paragraphe 28(1).
Dans l'un ou l'autre des cas prévus aux alinéas a), b) et c), le
responsable de l'institution fédérale envoie à la personne qui a
fait la demande, dans les trente jours suivant sa réception, un
avis de prorogation de délai, en lui faisant part de son droit de
déposer une plainte à ce propos auprès du Commissaire à
l'information; dans les cas prévus aux alinéas a) et b), il lui fait
aussi part du nouveau délai.
(2) Dans les cas où la prorogation de délai visée au
paragraphe (1) dépasse trente jours, le responsable de l'institu-
tion fédérale en avise en même temps le Commissaire à l'infor-
mation et la personne qui a fait la demande.
Compte tenu de la portée législative de cet
examen, invoquée à juste titre par le Commissaire,
et des concessions et aveux faits au nom de l'intimé
relativement aux faits non contestés de l'espèce, la
Cour après avoir examiné chacune des demandes
des requérants est certes en position pour faire
d'autres déclarations de principe et tirer des con
clusions supplémentaires, comme celle figurant
ci-dessus relativement à la prorogation de délai de
120 jours. L'avocate de l'intimé allègue de la
manière la plus convaincante possible que les
points litigieux revêtent maintenant un caractère
théorique et qu'il s'agirait donc d'un jugement
déclaratoire. Elle signale que le prononcé d'un
jugement déclaratoire est discrétionnaire, et elle
prie instamment la Cour de refuser de prononcer
un tel jugement en raison de la futilité des procé-
dures intentées par le Commissaire à l'informa-
tion, l'intimé ayant donné suite tardivement aux
demandes dans deux des cas, une fois ces poursui-
tes intentées. Admettant que la preuve indique,
rétrospectivement, que l'intimé aurait pu traiter
plus rapidement les demandes, elle reconnaît que
pour donner suite à ces demandes et à des deman-
des ultérieures, l'intimé [TRADUCTION] «doit tou-
tefois agir aussi rapidement que possible». Le der-
nier moyen de défense invoqué par l'avocate à
l'audience était qu'étant donné ce qui précède, les
demandes devraient être rejetées, la Cour devant
refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire de les
accueillir.
Il ne s'agit pas de cas où il y a lieu pour la Cour
de refuser d'exercer les pouvoirs salutaires de révi-
sion que lui confère le législateur. Le fait d'admet-
tre que de telles demandes doivent être traitées
aussi rapidement que possible peut être satisfaisant
pour un simple individu, mais cela n'a aucune
utilité pour attirer l'attention des ministères du
gouvernement. Il est inutile de prévoir légalement
qu'un traitement des demandes de renseignements
qui n'est pas effectué rapidement viole la loi, car
tel est sûrement le cas. La révision a non seule-
ment pour objet de faire admettre à l'intimé qu'il a
tardé indûment à agir, mais aussi de permettre aux
autres intimés éventuels de savoir ce qu'il en est.
La Cour comprend fort bien qu'un «travail supplé-
mentaire» n'ayant rien à voir avec les responsabili-
tés et la véritable raison d'être des ministères et
des autres organismes du gouvernement détenant
des renseignements est nécessaire pour donner
suite à de telles demandes. Néanmoins, lorsque le
législateur impose des responsabilités supplémen-
taires, comme il le fait dans la Loi sur l'accès à
l'information, il n'y a qu'à obtempérer.
Après un long examen, la Cour conclut que les
jugements et conclusions sollicités par le Commis-
saire sont amplement corroborés par la preuve et
justifiés, à l'exception de la conclusion que l'intimé
a agi délibérément en [TRADUCTION] «rendant
obscurs au cours de l'enquête du Commissaire à
l'information les motifs de ses retards à donner
suite aux demandes de communication». La preuve
semble plutôt indiquer qu'il y a eu confusion,
ignorance et négligence ce qui n'est pas indigne,
mais qui ne constitue pas non plus un motif de
louanges. Il est indubitable que l'un des principaux
objectifs de la Loi est de faire disparaître l'hésita-
tion habituelle et tenace des fonctionnaires à four-
nir les renseignements que possède le gouverne-
ment, même hors du cadre des limites claires
fixées relativement au droit à la communication.
La Cour statue par conséquent que:
a) le Ministère de l'intimé a tardé indûment à
donner suite aux demandes de communication, ce
qu'il aurait pu facilement faire dès la fin de janvier
ou le début de février 1986, plutôt qu'à la fin de
mai 1986;
b) les prorogations de délai de 120 jours invoquées
en réponse aux demandes de communication pré-
sentées par les requérants n'étaient pas justifiées
par l'article 9 de la Loi sur l'accès à l'information;
c) le Ministère de l'intimé a agi déraisonnable-
ment en traitant les demandes de communication
en ayant seulement à l'esprit les prorogations de
délai, plutôt qu'en traitant chacune de ces deman-
des aussi rapidement que possible et, par consé-
quent, il a contrevenu aux exigences de l'article 9
de la Loi sur l'accès à l'information;
d) le Ministère de l'intimé a contrevenu aux exi-
gences de l'article 9 de la Loi en invoquant les
mêmes prorogations de délai de 120 jours pour
toutes les demandes de communication, même si
tous les documents étaient traités en même temps;
e) le Ministère de l'intimé a contrevenu aux exi-
gences de l'article 9 en retenant les documents qui
étaient prêts à être communiqués jusqu'à ce que
tous les documents aient été traités, plutôt qu'en
communiquant les documents au fur et à mesure
qu'ils pouvaient l'être;
f) le Ministère a agi négligemment et par igno
rance de l'esprit de la Loi en rendant obscurs
(mais sans intention de nuire) au cours de l'en-
quête du Commissaire à l'information les motifs de
ses retards à donner suite aux demandes de
communication;
g) par son manque de clarté, le Ministère de
l'intimé a violé l'article 9 de la Loi car il a ainsi pu
éviter de fournir des motifs valables pour justifier
la prorogation de délai de 120 jours, en effet, afin
de prouver que les prorogations sont d'une «période
que justifient les circonstances» conformément au
paragraphe 9(1) de la Loi sur l'accès à l'informa-
tion, le Ministère doit fournir des motifs convain-
cants et sérieux, justifiant la prorogation et sa
durée;
h) n'étant pas justifiées par l'article 9 de la Loi,
les prorogations de délai de 120 jours valaient,
conformément au paragraphe 10(3) de la Loi sur
l'accès à l'information, des refus présumés de
communiquer les documents demandés.
La Cour donnera effet aux conclusions ci-dessus
conformément à l'article 49 de la Loi, comme l'a
demandé le Commissaire requérant. Habituelle-
ment, les frais suivent le sort du principal, comme
le prévoit l'article 53, même si en l'espèce une
émanation du gouvernement fédéral, le Commis-
saire à l'information, aura le droit de recevoir un
paiement d'une autre émanation du gouvernement
fédéral, le ministre des Affaires extérieures, ces
deux émanations utilisant l'argent des contribua-
bles. Cela peut sembler bizarre, mais en raison de
l'importance du rôle du Commissaire dans la
société, il est évident que le législateur avait envi-
sagé une telle mesure quant aux frais. De toute
manière, on peut considérer qu'il s'agit d'une
manière pratique d'assurer le paiement des frais, le
Commissaire à l'information ayant retenu les ser
vices d'avocats indépendants et, compte tenu de la
justification invoquée par le Commissaire aux pré-
sentes, les fonds du Trésor ne devraient pas servir
à supporter les frais entre parties adjugés au
requérant par la Cour. Le ministre paiera les frais
en utilisant les deniers des contribuables qui sont
alloués à son Ministère. Ainsi, les frais suivent le
sort du principal conformément au
paragraphe 53(1) de la Loi.
Le requérant pourra écrire à la Cour pour indi-
quer la manière de disposer du «dossier de requête
confidentiel du requérant» (volume III), après l'ex-
piration du délai approprié.
Une fois signés, les présents motifs devront être
versés dans le dossier T-1042-86 et une photocopie
de ceux-ci devra être versée dans les dossiers
T-1090-86 et T-1200-86 respectivement, à titre de
motifs de la Cour dans ces affaires.
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