T-2986-89
Placer Dome Inc. (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: PLACER DOME INC. C. CANADA (P` INST.)
Section de première instance, juge Denault—Van-
couver, 13 novembre 1990; Ottawa, 12 avril 1991.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
L'art. 7(1 Ja) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que la
fraction de la juste valeur marchande des actions qui, au
moment de leur achat, dépasse le montant payé à la société
constitue un avantage lié à l'emploi — Selon le régime d'achat
d'actions de la contribuable, les employés versent une partie de
leur salaire et la société fait chaque mois un décaissement en
espèces correspondant à la moitié de la contribution de l'em-
ployé — Après avoir déterminé la somme totale portée aux
comptes en espèces des membres chaque mois, le fiduciaire
achète des actions au prix mentionné à la Bourse de Toronto
— Le ministre a rejeté la déduction de la contribution à titre
de salaire ou traitement supplémentaire en vertu de l'art. 5 (1)
— Le régime ne relève pas de l'art. 7(1)a). car les employés
paient la juste valeur marchande — Selon l'art. 7(1)a), la
valeur des actions au moment de leur achat doit dépasser le
montant payé — Le régime ne constituait pas simplement un
régime visant à émettre des actions à rabais — L'employeur
peut offrir des avantages sans être obligé d'accorder une
promotion ou d'accroître les tâches, afin d'attirer des employés
au sein de la société — La déduction est accueillie à titre de
rémunération en espèces imposable en vertu de l'art. 5.
Il s'agissait d'un appel formé contre une nouvelle cotisation
établie relativement à la déclaration d'impôt sur le revenu de la
demanderesse pour l'année 1985. En vertu du régime de sous-
cription d'actions de la demanderesse, les employés âgés de plus
de dix-neuf ans peuvent contribuer jusqu'à six pour cent de leur
salaire après un an de service. Un fiduciaire gère le régime dans
l'intérêt des membres. Il maintient un compte de caisse et un
compte d'actions pour chaque membre. La société participante
fait chaque mois un décaissement correspondant à la moitié de
la contribution de l'employé à son compte de caisse. Le fidu-
ciaire porte au crédit du compte de l'employé la contribution
faite par ce dernier et celle de son employeur, ainsi que tous les
dividendes ou tout autre revenu provenant des actions. Il débite
le compte du membre à l'égard des actions achetées et de toute
somme d'argent en espèces qu'on lui verse. Il est déclaré que les
apports en espèces faits par la société participante constituent
un avantage absolu pour le membre. Ils sont considérés comme
une indemnité additionnelle, et les impôts sont déduits à la
source. Pour déterminer la somme totale portée aux comptes de
caisse des membres chaque mois, le fiduciaire achète des
actions ordinaires tout d'abord aux membres qui se retirent du
régime ou qui cessent d'y participer et ensuite au trésor de la
société. Le prix payé est le prix mentionné à la Bourse de
Toronto. La société a déduit sa contribution à titre de salaire ou
traitement supplémentaire de ses employés en vertu du para-
graphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La déduction a
été rejetée. Il ressort de l'alinéa 7(1)a) que la fraction de la
valeur des actions achetées en vertu d'une telle convention qui,
au moment où elles ont été acquises, dépasse le montant payé à
la société constitue un avantage lié à l'emploi. La question est
de savoir si la contribution de l'employeur à l'achat des actions
de la trésorerie constituait un avantage pour les employés en
vertu de l'alinéa 7(1)a) ou une rémunération en vertu du
paragraphe 5(1).
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Le régime ne relevait pas de l'alinéa 7(1)a). Pour ce faire, la
valeur des actions au moment où l'employé les acquiert doit
dépasser le montant payé. Selon le régime, l'employé paie les
actions à la juste valeur marchande et non à un prix réduit. Les
contributions de l'employeur constituaient une rémunération
ordinaire pour ceux qui étaient admissibles et qui acceptaient
de participer au programme. Elles étaient déductibles en vertu
du paragraphe 5(1).
Les dispositions du régime relatives aux fluctuations des prix
entre le moment où les contributions ont été faites et celui où
les actions ont été achetées indiquaient que la société a fait un
décaissement en espèces et qu'elle n'avait aucun contrôle sur le
nombre d'actions qui seraient achetées. Cette procédure souli-
gnait également le fait que les membres payaient le plein
montant des actions. En outre, un membre peut retirer ou
vendre ses actions. Le fait que le montant total détenu en
fiducie pour acheter des actions durant un mois pouvait être
utilisé pour acheter des actions aux employés qui se retiraient
du régime ou cessaient d'y participer repoussait l'argument
selon lequel le régime visait simplement à une émission d'ac-
tions au-dessous du pair. Dans un tel mois, il pourrait n'y avoir
aucune reprise de la contribution de l'employeur/employé, mais
simplement un décaissement fait au profit des membres qui se
retirent du régime ou qui cessent d'y participer, sans qu'il y ait
émission d'actions de la société. Tant l'employeur que les
employés voulaient que la contribution soit une contribution
ordinaire et non simplement un rabais.
N'était pas fondé l'argument selon lequel la contribution de
l'employeur à l'achat d'actions ne saurait être considérée
comme une rémunération, puisque les employés n'avaient rendu
aucun service supplémentaire dans l'intérêt de ce programme.
Un employeur peut offrir une rémunération additionnelle ou un
régime d'avantages sociaux aux employés après une certaine
période de service, dans le but d'attirer des employés au sein de
la société, sans que cette pratique signifie qu'un employé doive
recevoir un avancement ou rendre des services supplémentaires.
C'est à tort que le ministre du Revenu national a présumé
que, en 1985, toutes les actions avaient été achetées au trésor de
la société et que l'employé n'avait jamais eu droit à la contribu
tion de l'employeur. On achète prioritairement les actions des
membres qui se retirent du régime.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 5(1), 7(1)a) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 1,
art. 3; 1985, chap. 45, art. 3; idem, art. 126, item 18;
1986, chap. 6, art. 2; 1987, chap. 46, art. 2), (3)b),
12(1)n) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48,
art. 4), n.1) (mod. idem, chap. 140, art. 4).
Loi sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), chap.
C-44.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Morin, J-P c La Reine, [1975] CTC 106; (1975), 75
DTC 5061 (C.F. 1" inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Lowry (Inspector of Taxes) v. Consolidated African
Selection Trust, Ld., [1940] A.C. 648 (H.L.); Kaiser
Petroleum Ltd. c. Canada, [1990] 1 C.T.C. 62; (1989),
90 DTC 6034 (C.F. 1" inst.); inf. par [1990] 2 C.T.C.
439; (1990), 90 DTC 6603 (C.A.F.).
DOCTRINE
Krishna, Vern «Stock Option Plans» Canadian Current
Tax (1986), vol. 1, n° 36, C-177.
AVOCATS:
W. J. A. Mitchell, c.r. et R. E. Levine pour la
demanderesse.
Terrance I. McAuley et W. Yoshida pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinssons, Mitchell, Little, O'Keefe &
Davidson, Vancouver, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DENAULT: Appel est interjeté d'une
nouvelle cotisation établie par Revenu Canada
relativement à la déclaration d'impôt sur le revenu
de la société demanderesse. Cet appel porte sur
une déduction faite par la demanderesse à l'égard
de sa contribution au régime d'options d'achat
d'actions à l'intention des employés. Il s'agit de
déterminer si la contribution de l'employeur au
régime constitue une indemnité pour les employés
en vertu du paragraphe 5(1) ou un avantage pour
ceux-ci en vertu de l'alinéa 7(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63]
(la «Loi»). Si ce régime relève de l'article 7 [mod.
par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 3; 1985, chap. 45,
art. 3; idem, art. 126, item 18; 1986, chap. 6, art.
2; 1987, chap. 46, art. 2], la contribution de l'em-
ployeur n'est pas alors déductible.
LES FAITS
La demanderesse est une corporation fusionnée,
constituée sous le régime de la Loi sur les sociétés
par actions [L.R.C. (1985), chap. C-44], à comp-
ter du 13 août 1987 par suite de la fusion de Placer
Development, de Dome Mines Limited et de
Campbell Red Lake Mines Limited. Le 13 février
1973, Placer Development Limited («Placer»)
approuvait le régime de souscription d'actions de
Placer Development Limited (le «régime»). Par
résolution du conseil d'administration de Placer (le
«conseil») en date du 15 juin 1973, le conseil a
décidé que toutes les actions achetées par le fidu-
ciaire en vertu du régime seraient achetées sur le
marché. Le conseil a plus tard décidé que, à partir
du 1" septembre 1975, toutes les actions achetées
en vertu du régime seraient achetées au trésor de
la société à titre d'actions initiales.
En vertu du régime, les employés, âgés de plus
de dix-neuf ans, qui travaillent pour la société ou
pour une de ses sociétés affiliées peuvent contri-
buer jusqu'à six pour cent de leur salaire de l'an-
née, après un an de service. La société demande-
resse et les sociétés affiliées contribuent une
somme égale à la moitié de la contribution de
l'employé.
En 1985, 84 106,5412 actions ont été achetées,
dont 40 794,7412 ont été achetées aux comptes
d'autres membres du régime et 43 304, au trésor
de la demanderesse. La contribution de la deman-
deresse prévue au régime était de 282 076 $.
Dans l'année d'imposition 1985, la demande-
resse a déduit la somme de 282 076 $ de son
revenu à titre de salaire ou traitement supplémen-
taire de ses employés. Revenu Canada a rejeté
cette déduction au moyen d'un avis de nouvelle
cotisation daté du 7 juillet 1989 pour l'année d'im-
position 1985 de la demanderesse. La formule
T7WC jointe à l'avis de nouvelle cotisation disait
[TRADUCTION] «Sont rejetées les contributions de
l'employeur au régime d'options d'achat d'actions
qui s'élèvent à la somme de 282 076 $». Par avis
déposé le 20 juillet 1989, la demanderesse s'est
opposée à ladite nouvelle cotisation. Par notifica
tion en date du 13 décembre 1989, le ministre du
Revenu national a confirmé la nouvelle cotisation.
La demanderesse interjette appel de celle-ci.
L'ARGUMENTATION DE LA DEMANDE-
RESSE
L'argumentation de la demanderesse porte prin-
cipalement sur le fait que la contribution de Placer
en vertu du régime n'est nullement différente de
celle de l'employé. Il s'agit d'une indemnité pour
l'employé, et cette indemnité est imposable en
vertu du paragraphe 5(1) de la Loi qui prévoit que
le revenu est le traitement, salaire et autre rému-
nération. Le fait que le membre ne reçoive réelle-
ment pas l'argent en main ne change pas la nature
de l'argent. A l'appui de cet argument, elle invo-
que la décision Morin, J-P c La Reine', où il a été
statué qu'un employé n'avait pas à recevoir maté-
riellement l'argent liquide pour que cet argent soit
imposable à titre de rémunération.
Essentiellement, le régime constitue un lien con-
tractuel entre la demanderesse et ses employés.
Selon l'entente, les parties veulent que la contribu
tion de l'employeur constitue une rémunération.
Le régime est un régime de caisse en vertu duquel
l'employé peut choisir de contribuer jusqu'à six
pour cent de son salaire pour acheter les actions,
Placer Dome devant en conséquence verser un
montant en espèces égal à la moitié de la contribu
tion de l'employé.
Le fiduciaire est nommé dans l'intérêt des mem-
bres, et ceux-ci peuvent, à n'importe quel moment,
lui demander l'argent liquide ou les actions ou les
deux qu'il détient pour eux. De plus, la société
demanderesse n'a aucun contrôle sur les chèques
qu'elle libelle au nom du fiduciaire le 6 de chaque
mois ou avant cette date. La demanderesse ne sait
pas quelle partie du montant du chèque qu'elle
établit est destinée à l'achat d'actions, puisqu'une
partie de l'argent est versée aux membres qui
cessent d'adhérer au régime. La demanderesse ne
sait pas non plus quelle partie de l'argent est
destinée à l'achat d'actions des comptes d'autres
membres, car il s'agit d'une priorité en vertu du
régime.
En bref, la demanderesse soutient que le régime
ne relève pas des alinéas 7(1)a) et 7(3)b), puisqu'il
ne s'agit pas d'un régime d'émission d'actions à
une valeur inférieure à la juste valeur marchande
sans que l'employeur verse de l'argent liquide.
L'employeur établit un chèque chaque mois au
1 [1975] CTC 106 (C.F. 1Ce inst.), à la p. 110.
nom de l'employé et les actions sont achetées à la
juste valeur marchande.
L'ARGUMENTATION DE LA DÉFENDE-
RESSE
La défenderesse soutient par contre que le
décaissement fait au profit de l'employé ne saurait
être considéré comme une rémunération. Les
employés ne font pas un travail supplémentaire
pour adhérer au régime et recevoir la contribution
de la demanderesse. La remise des actions ne
répond à aucun critère particulier. Les employés
n'ont à rendre aucun service supplémentaire pour
recevoir cet avantage, si ce n'est de travailler pour
la société demanderesse pendant un an et d'être
âgés de plus de dix-neuf ans. Il leur suffit de
remplir une formule et de la remettre à la société
en précisant le pourcentage de la déduction de leur
feuille de paye. La déduction continue automati-
quement jusqu'à ce que l'employé change d'idée
soit pour modifier le pourcentage de la retenue,
soit pour cesser d'adhérer au régime. L'employeur
contribue donc au régime selon le taux choisi par
l'employé, retenant à la source le montant de
l'impôt sur le revenu. Il est allégué que la défini-
tion du traitement figurant dans le régime étaye
l'idée que la défenderesse se fait du paiement:
[TRADUCTION] Le mot «traitement» s'entend d'un traitement
de base versé par une société participante à un employé pour les
services personnels qu'il a rendus en tant qu'employé, et ce
traitement comprend des payes de vacances et des paiements
effectués en vertu du régime d'encouragement annuel de Placer
Development Limited, à l'exclusion des primes, commissions,
primes d'heures supplémentaires, des indemnités de séjour ou
autres, des remboursements ou paiements particuliers, ou des
contributions ou avantages en vertu de ce régime ou de tout
autre régime d'indemnisation courante ou reportée adopté par
une société participante.
Le régime est une convention par laquelle la
société émet des actions au profit de l'employé par
voie d'aide financière, en conséquence de quoi
l'employé reçoit les actions à un prix inférieur à la
juste valeur marchande, et la contribution faite par
la demanderesse constitue une reprise.
Le régime relève parfaitement de l'alinéa
7(1)a), parce qu'il s'agit d'un avantage accordé à
l'employé. La défenderesse prétend que ce régime
relève en conséquence de l'alinéa 7(3)b) qui empê-
che les corporations de déduire leurs contributions
à l'achat d'actions.
Donc, le régime n'est pas essentiellement un
régime de caisse par nature. Certes, le membre
peut donner au fiduciaire l'ordre de lui donner de
l'argent liquide provenant de son compte de caisse;
mais il ne peut le faire que deux fois dans une
période de dix ans (Article VII A). En fait égale-
ment foi l'énoncé des objectifs du régime qui vise à
permettre aux employés d'accumuler les actions de
Placer au moyen de retenues sur la paye. Pour ce
qui est du fiduciaire, le contrat de fiducie exige
qu'il gère le régime, et le régime assure que le
fiduciaire achète des actions. Sur ce point, la
défenderesse attire l'attention de la Cour sur le
paragraphe 7(6) de la Loi, qui prévoit que, lors-
qu'intervient un fiduciaire, les droits et les obliga
tions de l'employeur sont exercés par celui-ci.
Au procès, la défenderesse a retiré son argument
subsidiaire selon lequel le régime serait une fiducie
d'employés ou un régime de prestations aux
employés en vertu de l'alinéa 12(1)n) [mod. par
S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 4] ou de l'alinéa
12(1)n.1) [mod. idem, chap. 140, art. 4] si la Cour
décidait qu'il ne relevait pas de l'article 7 de la
Loi. En conséquence, la question dont est saisie la
Cour est de savoir si le régime relève de l'article 7
de la Loi.
LES CONCLUSIONS
Le fait que les employés de Placer reçoivent un
avantage imposable n'est pas contesté. Le régime
prévoit et assure que la contribution de l'em-
ployeur sera un revenu imposable pour l'employé.
Il est également convenu que le régime correspond
à la définition d'émission d'actions à des employés
figurant au paragraphe 7(1) de la Loi, qui est ainsi
rédigé:
7. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), lorsqu'une corpora
tion est convenue d'émettre ou vendre des actions de son
capital-actions ou du capital-actions d'une corporation avec
laquelle elle a un lien de dépendance à un de ses employés ou à
un employé d'une corporation avec laquelle elle a un lien de
dépendance,
La défenderesse reconnaît également que la
demanderesse reçoit une déduction pour les
sommes qu'elle n'a pas recouvrées du fiduciaire
pour l'achat d'actions de trésorerie. Il s'agit des
retraits en espèces effectués par les membres. En
conséquence, le point litigieux porte sur la nature
de la contribution de l'employeur à l'achat d'ac-
tions de trésorerie au nom du membre. Le litige
tourne autour de l'alinéa 7(1)a), qui est ainsi
conçu:
7. (1) ...
a) si l'employé a acquis des actions en vertu de la convention,
un avantage, égal à la fraction de la valeur des actions qui,
au moment où il les a acquises, était en sus de la somme qu'il
a payée ou devra payer pour ces actions à la corporation, est
réputé avoir été reçu par l'employé en raison de son emploi
dans l'année d'imposition où il a acquis les actions;
Si les contributions de l'employeur au régime
relèvent de la définition donnée à l'alinéa 7(1)a),
la demanderesse ne saurait réclamer une déduction
pour ses contributions à l'achat par les employés
des actions de la société en application de l'alinéa
7(3)b). Si, d'autre part, la contribution de l'em-
ployeur constitue une rémunération au sens du
paragraphe 5(1) de la Loi, la demanderesse peut
réclamer une déduction pour ses contributions.
J'ai examiné le processus du régime, ainsi que
l'intention de l'employeur et des employés, et j'es-
time qu'il est de fait que ce régime ne relève pas de
l'alinéa 7(1)a). Pour qu'un régime d'options
d'achat d'actions à l'intention des employés soit
visé par l'alinéa 7(1)a), la valeur des actions au
moment où l'employé les acquiert doit dépasser le
montant payé. Tel n'est pas le cas du régime
d'options d'achat d'actions de Placer Dome parce
que l'employé paie les actions à la juste valeur
marchande et non à un prix réduit. Il est instructif
d'examiner la méthode d'achat d'actions.
Le conseil d'administration de Placer (le «con-
seil>) nomme un fiduciaire pour qu'il détienne les
sommes d'argent contribuées par l'employé qui
participe au régime ainsi que par l'employeur. Une
fois qu'un employé devient membre du régime, la
somme qu'il/elle contribue est mise dans un
compte que gère le fiduciaire; celui-ci maintient un
compte de caisse et un compte d'actions pour
chaque membre (Article V A). L'avocat de la
défenderesse soutient que rien ne porte sur le fait
que le fiduciaire agit comme intermédiaire. Le
fiduciaire est simplement un intermédiaire et les
droits et obligations de l'employeur et de l'employé
sont exercés par le fiduciaire. Je conclus toutefois
que le fiduciaire est nommé pour gérer le régime
dans l'intérêt des membres. Il n'est pas détenteur
de deniers pour la société. Il voit à ce que les
intentions de l'employeur et des employés soient
exécutées selon le régime.
La société participante fait chaque mois un
décaissement qui correspond à la moitié de la
contribution de l'employé. Elle versera au compte
de caisse des employés une somme égale à la
moitié de leur contribution et ce, dans un délai de
six jours après la fin du mois civil (Article IV F).
Le fiduciaire porte au crédit du compte de l'em-
ployé la contribution que ce dernier a faite et celle
de l'employeur, ainsi que tous dividendes ou tout
autre revenu provenant des actions ordinaires de
Placer détenues pour son compte et tout produit
net de la vente de ces actions pour lui (Arti-
cle V B). Le fiduciaire débite en conséquence le
compte du membre à l'égard des actions achetées
et de toute somme d'argent en espèces qu'on lui
verse ou qu'on verse à son représentant légal. Il est
déclaré que les apports en espèces faits par la
société participante constituent un avantage absolu
pour le membre. La contribution de la société
participante est considérée comme une indemnité
additionnelle, et les impôts sont déduits à la source
(Article IV F).
Le fiduciaire détermine la somme totale portée
aux comptes de caisse des membres à la fin du 10e
jour, excepté les comptes pour lesquels il a reçu
l'instruction de vendre toutes les actions ordinaires
de Placer. Le fiduciaire crédite le compte de caisse
du membre qui lui donne l'ordre de vendre les
actions de Placer en application de l'Article
VII C. Le fiduciaire débite alors le compte d'ac-
tions du membre pour le nombre d'actions ou
fractions de Placer qui sont vendues pour le
compte de ce membre.
Le jour ouvrable suivant le 10e jour de chaque
mois civil, le fiduciaire achète les actions ordinai-
res de Placer pour les comptes des membres selon
la procédure énoncée à l'Article VI A. Il achète
des actions tout d'abord aux membres qui se reti-
rent du régime ou qui cessent d'y participer.
Ensuite, les actions sont achetées au trésor de la
société. Le prix payé par le fiduciaire pour les
actions est [TRADUCTION] «le prix par action de la
dernière vente des actions ordinaires de Placer à la
Bourse de Toronto le 10 du mois civil suivant le
mois civil dans lequel les contributions ont été
faites par les membres» (Article VI A (2)).
Il y a un décalage entre le moment où les
contributions sont faites et le 1 1 e jour ouvrable où
le fiduciaire achète les actions. Au cours de cette
période, le prix des actions de Placer fluctuera
vraisemblablement. Le régime prévoit cette éven-
tualité. Si la valeur des actions baisse, le fiduciaire
place l'excédent dans les comptes de caisse des
membres. Par contre, si le prix des actions monte,
le fiduciaire fixe la quantité d'actions à vendre et à
acheter pour les comptes des autres membres en
i) soustrayant des nettes contributions une somme
égale au prix d'émission multiplié par la fraction
d'intérêt dans une action à vendre et ii) en divi-
sant le solde par le prix d'émission. Le fiduciaire
achète donc la fraction d'intérêt et crédite les
comptes d'actions des membres (Article
VII C (1)). Il ressort de cette procédure que la
société fait un décaissement en espèces et qu'elle
n'a aucun contrôle sur le nombre d'actions qui sera
acheté. Cette procédure souligne également le fait
que les membres paient le plein montant des
actions.
Le régime est conçu de manière à permettre à
un membre de retirer ou de vendre ses actions. Un
membre peut donner au fiduciaire l'ordre soit de
transférer en tout ou en partie les actions ordinai-
res de Placer portées à son compte d'actions et de
les lui livrer ou de vendre les actions ou fractions
de Placer et de lui remettre le solde dans son
compte de caisse (Article VI A).
Le fait que le montant total détenu en fiducie
pour acheter des actions pour un mois donné
puisse être utilisé pour acheter des actions aux
membres qui se retirent du régime ou cessent d'y
participer repousse l'argument de la défenderesse
selon lequel le régime vise simplement à une émis-
sion d'actions au-dessous du pair. Dans un tel
mois, il n'y aurait aucune reprise de la contribu
tion de l'employé/employeur. Il s'agirait plutôt
d'un décaissement fait au profit des membres qui
se retirent du régime ou qui cessent d'y participer,
sans qu'il y ait émission d'actions de la société.
Tant l'employeur que les employés veulent que
la contribution soit une contribution ordinaire et
non simplement un rabais. Le régime pose le but
déclaré en ces termes: [TRADUCTION] «permettre
aux employés d'acquérir les actions ordinaires de
Placer au moyen de retenues sur la paye avec une
aide financière fournie par la société participante»
(Article II). L'aide financière n'implique pas que
les actions soient vendues au-dessous du pair. Au
contraire, les employés payent le plein prix des
actions à la date d'achat.
De cette analyse du régime je conclus que l'ali-
néa 7(1)a) ne s'applique pas en l'espèce, puisqu'il
n'y a eu aucun «avantage égal à la fraction de la
valeur des actions qui, au moment où il [l'ache-
teur] les a acquises, était en sus de la somme qu'il
a payée», la valeur marchande des actions au
moment où l'employé les a acquises étant égale au
montant payé.
L'avocat de la défenderesse soutient que la con
tribution de l'employeur à l'achat d'actions ne
saurait être considérée comme une rémunération,
puisque les employés n'ont rendu aucun service
supplémentaire dans l'intérêt de ce programme.
J'estime que cet argument n'est pas fondé. Un
employeur peut offrir une rémunération addition-
nelle ou un régime d'avantages sociaux aux
employés après une certaine période de service au
sein de la société. Cette pratique ne signifie pas
qu'un employé doit recevoir un avancement ou
rendre des services supplémentaires. Un organisme
peut attirer un employé au moyen d'un régime de
rémunération favorable après une certaine période
de service. Je ne vois donc, pour ce qui est des
conditions d'admissibilité de la demanderesse,
aucune distinction entre le régime d'options
d'achat d'actions de Placer Development Limited
et d'autres régimes d'avantages sociaux.
Les contributions de l'employeur selon le régime
constituent une rémunération ordinaire pour ceux
qui sont admissibles et qui acceptent de participer
au programme. Les dispositions de l'article 7 ne
s'appliquent donc pas au régime de la demande-
resse.
C'est à tort que le ministre du Revenu national a
présumé que, en 1985, toutes les actions avaient
été achetées au trésor de la société, et que l'em-
ployé n'avait jamais eu droit à la contribution de
l'employeur. Il ressort de la procédure que je viens
d'exposer que l'on achète prioritairement les
actions des membres qui se retirent du régime.
LA JURISPRUDENCE
L'avocat de la défenderesse me renvoie à cer-
tains précédents qui, selon lui, étayent la conclu
sion que la contribution de l'employeur équivaut à
la vente d'actions aux employés au-dessous du
pair.
Dans l'arrêt Lowry (Inspector of Taxes) v. Con
solidated African Selection Trust Ld. 2 , la Cham-
bre des lords a jugé que la société intimée n'avait
pas transféré de l'argent à ses employés et que, en
conséquence, la somme en question ne pouvait être
considérée comme un débours ni comme une
dépense déductible dans le calcul du revenu de la
société. Dans cette affaire, la société intimée avait
attribué 6 000 actions à ses employés à leur valeur
nominale de 5 s, alors que la valeur marchande des
actions était de 1 £ 18 s 9 d. La société avait
réclamé une déduction dans le calcul de son impôt
sur le revenu pour l'année en question.
Les faits de l'espèce diffèrent de ceux de l'af-
faire Lowry. En l'espèce, la société verse mensuel-
lement un montant en espèces aux employés
admissibles qui choisissent de participer au régime.
Les membres participants payent le plein montant
du prix du marché pour les actions qu'ils achètent
chaque mois. Qui plus est, il s'agit d'un régime en
cours et non d'une unique émission d'actions aux
employés au-dessous du pair.
La défenderesse cite également l'affaire Kaiser
Petroleum Ltd. c. Canada 3 , qui portait sur une
vente d'actions à la société demanderesse, alors
que les employés du vendeur avaient l'option
d'acheter des actions au cours d'une période. La
demanderesse s'est engagée à offrir de verser aux
employés une somme d'argent tenant lieu des
options d'achat d'actions en circulation, ce qui a
été accompli aux termes d'une entente de prise de
contrôle par laquelle la demanderesse avait acquis
les actions majoritaires de la société contribuable.
La demanderesse avait payé plus de deux millions
de dollars en vertu de cette entente. Le ministre
avait rejeté la déduction de ce montant à titre de
dépense. Le juge Joyal a accueilli l'appel parce que
le paiement avait été effectué en exécution d'une
2 [1940] A.C. 648 (H.L.).
3 [1990] 1 C.T.C. 62 (C.F. 1fe inst.); inf. par [1990] 2 C.T.C.
439 (C.A.F.).
condition de l'emploi des employés. En consé-
quence, il s'agissait d'une indemnité imposable
pour ces employés au lieu d'un avantage imposable
par voie d'option d'achat d'actions dont ils
auraient autrement bénéficié. La décision Kaiser
Petroleum a été infirmée en appel sur la question
de capital par opposition à revenu.
L'avocat de la défenderesse soutient que la déci-
sion Kaiser Petroleum consacre l'idée que si la
société reprenait tout simplement l'argent en ques
tion, il n'existerait aucune dépense déductible. A la
page 70, le juge Joyal a caractérisé le paiement en
ces termes:
En l'absence de cet engagement, la demanderesse n'aurait
probablement pas engagé cette dépense. En exerçant leurs
diverses options, les employés auraient reçu des actions qui
auraient engendré un avantage pour eux, mais ces actions
n'auraient rien coûté à la demanderesse. Toutefois, la demande-
resse a engagé un coût qui, selon les principes comptables
généralement reconnus, constituait une dépense dûment impu
tée au revenu.
Je conviens que s'il y a reprise de l'argent payé par
une société dans l'offre d'achat d'actions qu'elle
fait à ses employés, il n'y a pas lieu à dépense
déductible. L'espèce se distingue toutefois de l'af-
faire Kaiser Petroleum pour plusieurs raisons. En
l'espèce, il ne s'agit pas d'un unique décaissement
tenant lieu de paiement d'actions, mais d'un pro
gramme d'avantages en cours, en vertu duquel les
employés de Placer peuvent acheter les actions de
Placer Dome. De plus, le régime dans l'affaire
Kaiser Petroleum accordait un prix d'achat favo
rable, et j'ai conclu qu'il était de fait que les
employés avaient payé le plein montant du prix du
marché pour l'achat des actions de Placer. Finale-
ment, l'arrêt Kaiser Petroleum a porté sur la
question du revenu par opposition au capital, alors
que l'espèce porte uniquement sur l'interprétation
de l'article 7 de la Loi.
Certes, la jurisprudence citée a aidé à la com-
préhension du mode de fonctionnement de divers
régimes d'options d'achat d'action; mais l'espèce
porte sur l'interprétation de l'article 7 de la Loi.
J'ai conclu qu'il était de fait que le régime de
souscription d'actions de Placer Development
Limited n'était pas visé par l'article 7. Le décais-
sement fait par la société demanderesse constitue
une rémunération au sens du paragraphe 5(1) de
la Loi. En conséquence, la demanderesse est auto-
risée à utiliser son décaissement fait au profit des
employés à titre de déduction.
En dernier lieu, l'avocat de la défenderesse cite
un essai écrit par un spécialiste marquant des
questions fiscales, Vern Krishna. À la page C-179,
M. Krishna décrit la conséquence des régimes
d'options d'achat d'actions pour les employeurs:
[TRADUCTION] L'employeur n'est pas autorisé à déduire, à
titre de dépense, les frais liés au régime d'options d'achat
d'actions. L'employeur n'engage aucun débours ni aucune
dépense en émettant ses actions à un prix inférieur à leur valeur
marchande; il renonce simplement au produit du capital qu'il
aurait reçu s'il avait émis les actions à leur juste valeur
marchande'.
En l'espèce, les employés achètent des actions à la
juste valeur marchande, et l'employeur fait un
décaissement pour aider à l'achat des actions. En
conséquence, la demanderesse engage effective-
ment un débours de caisse.
LA CONCLUSION
Le présent appel est accueilli avec dépens, et il
est ordonné au ministre de modifier la nouvelle
cotisation pour autoriser la déduction de la somme
de 282 076 $.
4 Vern Krishna, «Stock Option Plans» Canadian Current Tax
(1986), vol. 1 n° 36, C-177, à la p. C-179.
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