A-206-90
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Alliance de la Fonction publique du Canada
(intimée)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) c. ALLIANCE DE
LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA (C.A.)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Mahoney,
J.C.A.—Ottawa, 23 octobre et 27 novembre 1990.
Fonction publique — Compétence — Il échet d'examiner si
la CRTFP avait compétence pour connaître d'un renvoi sous le
régime de l'art. 99 de la LRTFP, au sujet de l'impartition du
travail de saisie des données qui s'est traduite par le renvoi de
fonctionnaires nommés pour une période indéterminée — La
Commission a conclu à la violation de la Politique concernant
le réaménagement des effectifs et de la convention collective —
L'art. 99 autorise le renvoi pour faire exécuter une obligation
issue de la convention collective, sauf l'obligation »dont l'exé-
cution peut faire l'objet d'un grief de la part d'un fonctionnaire
d'une unité de négociation visée par la convention» — L'art. 91
prévoit le droit pour tout fonctionnaire de présenter un grief
II échet d'examiner si un individu peut faire exécuter des
obligations issues de la convention collective — II échet d'exa-
miner si les obligations que peut faire exécuter le syndicat ou
l'employé s'excluent l'une l'autre — Analyse du »grief de
principe».
Fonction publique — Relations du travail — Politique
gouvernementale visant à une réduction considérable de la
fonction publique — Convention collective intégrant la Politi-
que concernant le réaménagement des effectifs et prévoyant
pour l'employeur l'obligation de revoir et de mettre fin à
l'impartit ion pour faciliter la réaffectation des fonctionnaires
nommés pour une période indéterminée et dont les services ne
sont plus requis faute de travail ou par suite de la suppression
de la fonction — Incompatibilité entre la création d'employés
excédentaires ou mis en disponibilité et l'impartition du travail
qu'ils assurent — La CRTFP a conclu à bon droit à la
violation de la Politique et de la convention collective.
Demande d'annulation d'une décision rendue par la Commis
sion des relations de travail dans la fonction publique à l'égard
d'un renvoi dont elle avait été saisie sous le régime de l'article
99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique. La convention collective entre le Conseil du Trésor et
l'intimée (qui représentait les préposés à la saisie des données
en service au ministère du Revenu national, Douanes et Accise)
intégrait la Politique concernant le réaménagement des effec-
tifs, qui prévoyait la réaffectation et le recyclage des fonction-
naires nommés pour une période indéterminée et mis en dispo-
nibilité par application de l'article 29 de la Loi sur l'emploi
dans la fonction publique. En 1985, après que le gouvernement
eut annoncé sa décision de réduire les effectifs de la fonction
publique, le Ministère a commencé à confier aux entrepreneurs
de l'extérieur le travail effectué par les préposés à la saisie des
données. La Commission a décidé que cette impartition contre-
venait à la Politique concernant le réaménagement des effectifs,
donc à la convention collective. Elle a conclu que le grief en
question était un grief de principe, et non un grief individuel, et
que par conséquent il relevait de la compétence du syndicat. Il
échet d'examiner si la Commission avait compétence pour
connaître du renvoi et, dans l'affirmative, si elle a commis une
erreur de droit dans sa décision. L'article 99 prévoit qu'on peut
saisir la Commission d'un renvoi pour faire exécuter une obli
gation issue d'une convention collective, «sauf s'il s'agit d'une
obligation dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la
part d'un fonctionnaire de l'unité de négociation visée par la
convention». Le requérant soutient que la question ne saurait
faire l'objet d'un renvoi à la Commission puisqu'elle se rappor-
tait à une obligation dont l'exécution pourrait faire l'objet d'un
grief de la part des employés concernés. L'intimée fait valoir
qu'elle cherchait à faire respecter l'obligation qui incombait à
l'employeur de ne pas faire faire à l'extérieur le travail assuré
par ses employés, laquelle obligation était due au syndicat et
non pas aux employés et, de ce fait, ne pouvait être invoquée
que par le syndicat lui-même. Le paragraphe 91(1) prévoit le
droit de présenter un grief pour le fonctionnaire qui s'estime
lésé par l'interprétation ou l'application de la convention
collective.
Arrêt (le juge Pratte, J.C.A., dissident): la demande devrait
être rejetée.
Le juge Mahoney, J.C.A. (avec l'appui du juge Heald,
J.C.A.): La Commission a compétence pour connaître de la
question soulevée dans le renvoi. L'emploi de l'expression «grief
de principe» était malheureux car elle ne figure pas dans la Loi.
À l'opposé des cas où il y a adoption unilatérale d'une politique
qui pourrait porter atteinte aux droits qu'un employé tient de la
convention politique, la politique dont s'agit a été convenue de
part et d'autre et le litige ne porte pas sur son application à
l'égard des employés individuellement, mais sur le droit de
l'employeur de confier à l'extérieur l'exécution de tâches rem-
plies par les membres de l'unité de négociation. La question va
plus loin que l'obligation existant envers un fonctionnaire pris
individuellement et concerne l'existence même ou la raison
d'être de l'agent négociateur. Il a été établi que certaines
questions pourraient faire l'objet soit d'un grief soit d'un renvoi.
La nature du recours détermine la question de savoir s'il faut
caractériser l'instance comme visant à l'exécution d'une obliga
tion «qui peut faire l'objet d'un grief de la part d'un employé».
Certains des employés touchés, et assurément certains de ceux
qui ont été mis en disponibilité, avaient probablement le droit
de présenter personnellement un grief fondé sur l'obligation
supposée de ne pas recourir aux entrepreneurs de l'extérieur.
La Commission a conclu à bon droit que la conduite de
l'employeur violait et la lettre et l'esprit de la Politique concer-
nant le réaménagement des effectifs. Cette Politique n'interdit
pas l'impartition mais prévoit que, pour faciliter la réaffecta-
tion des employés «touchés», «excédentaires» ou «mis en disponi-
bilité», l'employeur réexaminera le recours aux marchés de
services et y mettra fin. Cette exigence est incompatible avec la
création d'employés «touchés» «excédentaires» ou «mis en dispo-
nibilité» en confiant à l'extérieur les tâches mêmes dont ils
assuraient l'exécution. Par définition, il y a «réaménagement
des effectifs» lorsque la haute direction décide que des employés
nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis en
raison d'un «manque de travail» ou de la «suppression d'une
fonction». Si les services d'un employé dont la fonction a été
confiée à l'extérieur ne sont plus requis, c'est uniquement parce
que la fonction a été confiée à l'extérieur, et non pas à cause
d'un manque de travail ou de la suppression de cette fonction.
La tâche reste à accomplir et la fonction continue d'exister.
Le juge Pratte, J.C.A. (dissident): La question renvoyée à la
Commission ne saurait faire l'objet d'un renvoi sous le régime
de l'article 99. Les articles 91 et 99 distinguent entre deux
catégories d'obligations qui peuvent découler des conventions
collectives: celles dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief
de l'intéressé et celles dont le syndicat `ou l'employeur peut
demander l'exécution forcée par renvoi. Ces deux catégories
d'obligations s'excluent l'une l'autre. Leur classification se fait
par l'identification de la partie en faveur de laquelle chacune de
ces obligations est stipulée. L'obligation en cause est celle de ne
pas recourir à l'impartition de façon à préjudicier aux employés
nommés .pour une période indéterminée. Elle a été assumée au
bénéfice des. employés qui, de ce fait, sont seuls habilités à
présenter un grief si l'employeur violait cet engagement.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 28.
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C.
(1985), chap. P-33, art. 29.
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publi-
que, S.R.C. 1970, chap. P-35 (mod. par S.C. 1974-
7.5-76, chap. 67, art. 27), art. 98.
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), chap. P-35, art. 91(1), 99.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La
Reine, [1985] 2 C.F. 84; (1 . 985), 85 CLLC 14,106; 57
N.R. 351 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Institut professionnel de la Fonction publique c. Canada,
A-64-90, le juge Hugessen, J.C.A., jugement en date du
27-9-90, C.A.F., encore inédit.
DÉCISION EXAMINÉE:
La Reine c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778; (1977), 18 N.R.
521 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
American Farm Bureau Federation c. Tribunal canadien
des importations [National Corn Growers Assn. c.
Canada (Tribunal des Importations)], [1990] 2 R.C.S.
1324; Gloin c. Le procureur général du Canada, [1978] 2
C.F. 307; (1977), 20 N.R. 475 (C.A.).
AVOCATS:
Harvey A. Newman et Ronald N. Snyder
pour le requérant.,
Andrew J. Raven et Dianne Nicholas pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A. (dissident): Par cette
demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour
fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7], le requérant
concluait à l'annulation d'une décision rendue par
la Commission des relations de travail dans la
fonction publique, sur renvoi introduit par l'inti-
mée en application de l'article 98 [S.R.C. 1970,
chap. P-35 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 67,
art. 27)] (l'article 99 nouveau) de la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique
[L.R.C. (1985), chap. P-35] 1 .
L'intimée était l'agent négociateur de tous les
employés du Conseil du Trésor appartenant à
l'unité de négociation Traitement des données,
dont les préposés à la saisie des données du minis-
tère du Revenu, Douanes et Accise. L'intimée et le
Conseil du Trésor ont conclu, à l'égard de cette
unité de négociation, une convention collective
pour la période devant prendre fin le 30 juin 1988
et prévoyant (à l'article M-37.03(28)) que la «Poli-
tique concernant le réaménagement des effectifs»
' Cet article porte:
99. (1) L'employeur et l'agent négociateur qui ont signé
une convention collective ou sont liés par une décision arbi-
trale peuvent, dans les cas où l'un ou l'autre cherche à faire
exécuter une obligation qui, selon lui, découlerait de cette
convention ou décision, renvoyer l'affaire à la Commission,
dans les formes réglementaires, sauf s'il s'agit d'une obliga
tion dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la part
d'un fonctionnaire de l'unité de négociation visée par la
convention ou la décision.
(2) Après avoir entendu l'affaire qui lui est renvoyée au
titre du paragraphe (1), la Commission se prononce sur
l'existence de l'obligation alléguée et, selon le cas, détermine
s'il y a eu ou non manquement.
(3) La Commission entend et juge l'affaire qui lui est
renvoyée au titre du paragraphe (1) comme s'il s'agissait
d'un grief, et le paragraphe 96(2) ainsi que les articles 97 et
98 s'appliquent à l'audition et à la décision.
en était partie intégrante. Cette politique est en
fait un ensemble de directives à appliquer par les
divers ministères, le Conseil du Trésor et la Com
mission de la Fonction publique, afin de s'assurer
que les fonctionnaires mis en disponibilité en appli
cation de l'article 29 de la Loi sur l'emploi dans la
fonction publique [L.R.C. (1985), chap. P-33] 2
sont traités de façon équitable et se voient accorder
une chance raisonnable de continuer leur carrière
par une réaffectation à d'autres postes de la fonc-
tion publique.
En 1985, après que le gouvernement eut
annoncé sa décision de réduire la fonction publique
de quelque 15 000 années-personnes au cours des
cinq années à venir, le ministère du Revenu natio
nal a notifié à ses employés que, conformément à
cette politique, il prévoyait de réduire son person
nel en confiant aux entrepreneurs de l'extérieur les
tâches assurées par ses préposés à la saisie des
données, lesquels seraient mis en disponibilité en
application de l'article 29 de la Loi sur l'emploi
dans la fonction publique. Au début de 1987, ce
Ministère a conclu un contrat avec un entrepre
neur du secteur privé, Automation Centre of
Ottawa Ltd., qui a accepté de se charger du travail
effectué jusque là par les préposés à la saisie des
données du Ministère. A la fin . de 1987, les
employés de l'entrepreneur ont remplacé ceux du
Ministère, dont la plupart avaient été réaffectés à
d'autres postes de la fonction publique.
Le 22 décembre 1988, l'intimée a déposé un
renvoi en application de la disposition qui est
2 Cette disposition porte: - 29. (1) L'administrateur général peut, en conformité avec
les règlements de la Commission, mettre en disponibilité le
fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute
de travail ou par suite de la suppression d'une fonction.
(2) Le fonctionnaire mis en disponibilité en vertu du
paragraphe (I) perd sa qualité de fonctionnaire.
(3) Indépendamment des autres dispositions de la présente
loi, la Commission, dans le délai et selon l'ordre qu'elle fixe à
son appréciation, étudie la possibilité de nommer, sans con-
cours et, sous réserve des articles 30 et 39, en priorité
absolue, les personnes en disponibilité aux postes de la fonc-
tion publique pour lesquels elle les juge qualifiées.
(4) Nonobstant le paragraphe (2), la personne en disponi-
bilité a le droit, durant la période fixée par la Commission
pour tout , cas ou catégorie de cas, de se présenter à un
concours auquel elle serait admissible si elle n'était pas en
disponibilité.
devenue l'article 99 de la Loi sur les relations de
travail dans la fonction publique, en faisant valoir
que le Ministère concerné avait violé la Politique
concernant le réaménagement des effectifs en con-
fiant à l'extérieur le travail de ses préposés à la
saisie des données. Elle soutenait que cette politi-
que interdisait au Ministère de faire faire le travail
par le secteur privé si pareille mesure avait pour
effet de faire d'employés nommés pour une période
indéterminées des employés «touchés», «excédentai-
res» ou «mis en disponibilité» au sens de cette
politique 3 .
Le requérant a tout d'abord opposé une excep
tion déclinatoire de compétence au renvoi par ce
motif que la Commission n'avait pas compétence
en la matière puisque la question que lui renvoyait
l'intimée ne pouvait, selon l'article 99, faire l'objet
d'un renvoi. Cette exception fut rejetée par déci-
sion en date du 23 juin 1989 de la Commission.
Dans sa décision définitive, rendue le 13 mars
1990, la Commission a fait droit à l'intimée en
jugeant qu'en confiant aux entrepreneurs de l'exté-
rieur le travail de ses préposés à la saisie des
données, le Ministère a enfreint la Politique con-
cernant le réaménagement des effectifs et, de ce
fait même, la convention collective.
Le requérant conteste la décision en l'espèce par
deux motifs, savoir en premier lieu que la Commis
sion n'avait pas compétence pour connaître de la
question et, en second lieu, que la décision entre-
prise était fondée sur une mauvaise interprétation
de la Politique concernant le réaménagement des
effectifs.
La politique définit ces expressions comme suit:
EMPLOYÉS TOUCHÉS: Les employés nommés pour une
période indéterminée dont les services ne sont plus requis en
raison d'un RÉAMÉNAGEMENT des effectifs.
RÉAMÉNAGEMENT DES EFFECTIFS: Situation qui se produit
lorsqu'un sous-chef ou son AGENT DÉLÉGUÉ décide que les
services d'un ou de plusieurs employés nommés pour une
période indéterminée ne sont plus requis au-delà d'une cer-
taine date en raison d'un manque de travail ou de la suppres
sion d'une fonction ...
EMPLOYÉ EXCÉDENTAIRE: Un employé nommé pour une
période indéterminée qui a été déclaré excédentaire.
PRIORITÉ D'EXCÉDENTAIRE: La priorité administrative
accordée par la CFP aux EMPLOYÉS EXCÉDENTAIRES afin de
leur permettre d'être nommés à d'autres postes dans la
fonction publique sans concours et sans droit d'appel.
MISE EN DISPONIBILITÉ: Une cessation d'emploi en vertu de
l'article 29 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
L'exception déclinatoire de compétence du
requérant est fondée sur le paragraphe 99(1) de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique qui prévoit expressément qu'une partie
peut saisir la Commission d'un renvoi pour faire
exécuter toute obligation découlant d'une conven
tion collective, «sauf s'il s'agit d'une obligation
dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la
part d'un fonctionnaire de l'unité de négociation
visée par la convention» Le requérant soutient
qu'en l'espèce, la question dont l'intimée a saisi la
Commission ne saurait faire l'objet d'un renvoi
puisqu'elle se rapportait à une obligation dont
l'exécution pourrait faire l'objet d'un grief de la
part des employés concernés. L'argument de l'inti-
mée à ce sujet est que, par ce renvoi, elle cherchait
à faire respecter l'obligation qui incombait à l'em-
ployeur de ne pas faire faire à l'extérieur le travail
assuré jusque—là par ses employés, laquelle obliga
tion était due au syndicat et non pas aux employés
et, de ce fait, ne pouvait être invoquée que par le
syndicat lui-même. Par ailleurs, toujours selon l'in-
timée, un grand nombre des employés concernés
n'auraient pu déposer des griefs puisque, ayant
cessé d'être au service de l'administration, ils
avaient perdu du même coup le droit de déposer
des griefs.
Sous le régime du paragraphe 99(1), une partie
peut saisir la Commission d'un renvoi pour faire
exécuter une obligation découlant d'une conven
tion collective «sauf s'il s'agit d'une obligation dont
l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la part
d'un fonctionnaire». Par ailleurs, le paragraphe
91(1) prévoit le droit de présenter un grief pour le
fonctionnaire qui s'estime lésé par l'interprétation
ou l'application, à son égard, de la convention
collective. Ces deux dispositions distinguent nette-
ment entre deux catégories d'obligations qui peu-
vent découler des conventions collectives: celles
dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de
l'intéressé et celles dont le syndicat ou l'employeur
peut demander l'exécution forcée par. renvoi sous
le régime du paragraphe 99(1). Ces deux catégo-
ries d'obligations s'excluent l'une l'autre puisque
selon le paragraphe 99(1), l'exécution d'une obli
gation ne peut faire l'objet d'un renvoi si elle peut
faire l'objet d'un grief. Toutes les obligations
issues d'une convention collective doivent donc être
classées dans l'une ou l'autre de ces deux catégo-
ries. Le bon sens veut que cette classification se
fasse par l'identification de la partie en faveur de
laquelle chacune de ces obligations est stipulée.
Afin de résoudre l'exception d'incompétence
opposée par le requérant, il est donc nécessaire de
déterminer la nature véritable de l'obligation que
l'intimée cherchait à faire exécuter par son renvoi
puisque, si on ne sait pas quelle était cette obliga
tion, il est impossible de dire si elle a été stipulée
en faveur du syndicat ou des employés individuel-
lement. Cette obligation découlerait de l'article 5.1
de la Politique concernant le réaménagement des
effectifs, qui énumère les responsabilités du Minis-
tère en cas de réaménagement des effectifs:
5.1 Les ministères doivent
5.1.2 revoir la façon dont ils utilisent les services des
employés nommés pour une période déterminée et les mar-
chés de services, et devraient y mettre fin si cela est de nature
â faciliter la RÉAFFECTATION des EMPLOYÉS TOUCHÉS, des
EMPLOYÉS EXCÉDENTAIRES et des PERSONNES MISES EN
DISPONIBILITÉ;
L'intimée interprète cette disposition comme pré-
voyant pour les ministères l'obligation catégorique,
en cas de réaménagement des effectifs, de mettre
fin aux marchés de services lorsque pareille mesure
faciliterait la réaffectation des «employés touchés»,
des «employés excédentaires» ou des «personnes
mises en disponibilité». Il s'ensuit, toujours selon
l'intimée, que les ministères sont également tenus à
l'obligation de ne pas faire exécuter des services à
l'extérieur si l'impartition entraîne un réaménage-
ment des effectifs qui se traduit par une réaffecta-
tion de fonctionnaires nommés pour une période
indéterminée. Autrement, un ministère aurait,
d'une part, le droit de faire exécuter des services à
l'extérieur de façon à provoquer un réaménage-
ment des effectifs et, d'autre part, l'obligation de
mettre fin au marché de services ayant donné lieu
à cette situation.
Si l'obligation dont s'agit n'était que l'obligation
qui incombe à l'employeur de ne pas recourir à
l'impartition, elle serait à l'évidence une obligation
stipulée en faveur du syndicat puisqu'il serait
impossible de déterminer qui, parmi les employés,
pourrait être le bénéficiaire de pareil engagement.
Mais il n'en est rien. A supposer qu'elle existe,
l'obligation dont l'intimée cherche à forcer l'exécu-
tion est celle de ne pas recourir à l'impartition de
façon à préjudicier aux employés nommés pour
une période indéterminée. Cette obligation était
manifestement assumée au bénéfice exclusif des
employés. Il est par conséquent normal que ces
employés soient seuls habilités à présenter un grief
si l'employeur violait cet engagement.
Je ne saurais accueillir l'argument de l'intimée,
selon lequel un grand nombre des fonctionnaires
touchés par l'impartition n'auraient pu présenter
un grief puisqu'ils avaient perdu, par suite de cette
impartition, leur qualité de fonctionnaire. Il est
maintenant établi que la mise en disponibilité ne
prive pas un employé de son droit de faire grief 4 .
Je conclus par conséquent que la question ren-
voyée par l'intimée à la Commission ne saurait
faire l'objet d'un renvoi sous le régime du paragra-
phe 99(1) de la Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique.
Je me prononce pour l'annulation de la décision
attaquée.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: J'ai eu l'avantage
de prendre connaissance du projet des motifs de
jugement de mon collègue Pratte, et dois exprimer
respectueusement mon désaccord.
Cette demande fondée sur l'article 28 vise une
décision rendue par la Commission des relations de
travail dans la fonction publique, à l'égard d'un
renvoi dont elle avait été saisie en application de
l'article 99 de la Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap.
P-35. Il échet d'examiner en premier lieu si la
Commission a vraiment compétence pour connaî-
tre de ce renvoi et, dans l'affirmative, si elle a
commis une erreur de droit pour avoir conclu que
l'employeur avait violé la convention collective en
confiant aux entrepreneurs de l'extérieur certaines
fonctions exercées jusque-là par les membres de
l'unité de négociation. Les faits de la cause sont
constants.
Le 4 novembre 1984, le gouvernement du
Canada a annoncé l'objectif qu'il s'était fixé de
4 Voir La Reine c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 (C.A.), et Gloin
c. Le procureur général du Canada, [1978] 2 C.F. 307 (C.A.).
réduire les effectifs de la fonction publique. Par la
suite, la Politique concernant le réaménagement
des effectifs, dont était convenu le Conseil national
mixte de la fonction publique, a été approuvée par
le Conseil du Trésor pour entrer en vigueur à
compter du 18 avril 1985. Dans son budget de mai
1985, le ministre des Finances a prévu la suppres
sion de 15 000 années-personnes dans la fonction
publique en l'espace de cinq ans. La Politique
concernant le réaménagement des effectifs a été
incorporée dans la convention cadre conclue par le
Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction
publique du Canada, et qui devait expirer le 30
juin 1988. La convention cadre faisait partie de la
convention collective des préposés à la saisie des
données en service au ministère du Revenu natio
nal, Douanes et Accise, pendant toute la période
en cause. Entre autres initiatives de compression
du personnel, ce Ministère a confié aux entrepre
neurs de l'extérieur le travail assuré jusque-là par
plus de 270 préposés au traitement des données, en
service en différents lieux à travers le Canada.
Voici les dispositions applicables de la Politique
concernant le réaménagement des effectifs:
3. POLITIQUE
Le Conseil du Trésor a pour politique de réaffecter, dans la
mesure du possible, à un poste vacant de la Fonction publi-
que, les employés nommés pour une période indéterminée
dont les services ne sont plus requis en raison d'un manque de
travail ou de la suppression d'un poste et qui, selon la CFP,
ont ou pourraient acquérir, en suivant un programme de
RECYCLAGE, les qualifications nécessaires (voir la section 8).
5.1.2 Les ministères doivent revoir la façon dont ils utilisent
les services des employés nommés pour une période détermi-
née et les marchés de services, et devraient y mettre fin si
cela est de nature à faciliter la RÉAFFECTATION des
EMPLOYÉS TOUCHÉS, des EMPLOYÉS EXCÉDENTAIRES et des
PERSONNES MISES EN DISPONIBILITÉ;
6.1 ... Pour minimiser l'incidence d'un RÉAMÉNAGEMENT
DES EFFECTIFS important sur les EMPLOYÉS TOUCHÉS, il est
essentiel que soit établi dans les plus brefs délais un plan
d'utilisation des ressources humaines.
6.2 Voici quelques-uns des facteurs dont il faut tenir compte
au moment d'établir un plan d'utilisation des ressources
humaines:
d) les possibilités de placement qui résulteraient de la fin
des nominations pour une période déterminée ou de mar-
chés de services, voire des deux 5 ;
5 La Politique comprend, entre autres, les définitions
suivantes:
(Suite à la page suivante)
Le paragraphe 99(1) de la Loi sur les relations
de travail dans la fonction publique porte:
99. (1) L'employeur et l'agent négociateur qui ont signé une
convention collective ou sont liés par une décision arbitrale
peuvent, dans les cas où l'un ou l'autre cherche à faire exécuter
une obligation qui, selon lui, découlerait de cette convention ou
décision, renvoyer l'affaire à la Commission, dans les formes
réglementaires, sauf s'il s'agit d'une obligation dont l'exécution
peut faire l'objet d'un grief de la part d'un fonctionnaire d'une
unité de négociation visée par la convention ou la décision.
C'est moi qui ai ajouté le soulignement. Cette
disposition doit être interprétée à la lumière du
paragraphe 91(1), qui prévoit le droit des
employés de présenter un grief.
91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre
recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le
régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présen-
ter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin
par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé:
a) par l'interprétation ou l'application à son égard:
(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement—
administratif ou autre—, d'une instruction ou d'un autre
acte pris par l'employeur concernant les conditions
d'emploi,
(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale;
b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux
sous-alinéas a(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions
d'emploi.
(Suite de la page précédente)
EMPLOYÉS TOUCHÉS: Les employés nommés pour une
période indéterminée dont les services ne seront plus requis
en raison d'un RÉAMÉNAGEMENT DES EFFECTIFS.
EMPLOYÉ EXCÉDENTAIRE: Un employé nommé pour une
période indéterminée qui a été déclaré excédentaire.
PERSONNE MISE EN DISPONIBILITÉ: Une personne qui a été
mise en disponibilité conformément au paragraphe 29(1) de
la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
RÉAFFECTATION: La nomination d'un EMPLOYÉ TOUCHÉ,
d'un EMPLOYÉ EXCÉDENTAIRE Ou d'une PERSONNE MISE EN
DISPONIBILITÉ à un poste pour lequel il est QUALIFIÉ.
RÉAMÉNAGEMENT DES EFFECTIFS: Situation qui se produit
lorsqu'un sous-chef ou son AGENT DÉLÉGUÉ décide que les
services d'un ou de plusieurs employés nommés pour une
période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une
certaine date en raison d'un manque de travail ou de la
suppression d'une fonction. Un RÉAMÉNAGEMENT DES
EFFECTIFS est considéré comme important lorsque au moins
dix employés nommés pour une période indéterminée dans un
ministère, dans un ou plusieurs lieux de travail, sont touchés
au même moment.
La limitation prévue au paragraphe 91(2) ne s'ap-
plique pas en l'espèce.
Le renvoi était formulé en ces termes:
6. Compte tenu des dispositions susmentionnées, la requé-
rante soutient qu'il est interdit au défendeur de sous-traiter
des services si, par suite d'une telle mesure, des fonctionnai-
res sont touchés, sont déclarés excédentaires ou sont mis en
disponibilité.
7. Par suite des mesures susmentionnées du défendeur, à
savoir le fait d'avoir sous-traité les tâches de la Section de la
saisie des données, plusieurs fonctionnaires ont été «touchés»,
ont été déclarés «excédentaires,, ou ont été «mis en disponibi-
lité» au sens de la Politique concernant le réaménagement des
effectifs.
8. Par conséquent, la requérante soutient que le défendeur a
agi en violation de la convention collective et des dispositions
de la Politique concernant le réaménagement des effectifs en
adoptant une telle ligne de conduite, à savoir en sous-traitant
les services de saisie des données, de sorte que des fonction-
naires ont été touchés, ont été déclarés excédentaires ou ont
été mis en disponibilité.
L'une des mesures de réparation auxquelles con-
cluait la requérante et la seule qui lui fût accordée,
était une décision déclarant que le fait de confier
aux entrepreneurs de l'extérieur la fonction de
saisie des données constituait une violation de la
convention collective.
Il ressort du dossier que des 278 fonctionnaires
touchés de l'unité de négociation dont s'agit, 11
ont pris leur retraite, 202 ont été réaffectés, 56 ont
opté pour l'indemnité d'excédentaire que prévoyait
la Politique concernant le réaménagement des
effectifs, et neuf ont été mis en disponibilité; de ces
derniers, trois ont choisi le régime de mise en
disponibilité accélérée et trois autres ont été réaf-
fectés par la suite. Quelques-uns de ces fonction-
naires avaient déposé des griefs individuels en
application du paragraphe 91(1). Certains de ces
griefs, produits en preuve, ont été examinés par le
distingué vice-président de la Commission, qui a
tiré la conclusion suivante sur les faits, laquelle n'a
pas été contestée:
Ils n'ont pas précisément trait à l'obligation susmentionnée
concernant les marchés de services visés par la Politique.
Dans leurs griefs, les fonctionnaires disent simplement qu'ils
ont reçu une formation insuffisante ou qu'ils n'ont pas reçu
de formation ou n'ont pas été recyclés comme le prévoit la
Politique ou qu'ils n'auraient pas dû être mis en disponibilité.
Comme le soutient l'avocate de l'agent négociateur, ces griefs
concernent l'application de la Politique et non le fait qu'on a
eu recours à des sous-traitants.
Il a conclu en ces termes:
Je conclus qu'en l'espèce, nous faisons face à un problème
d'une nature générale et qu'étant donné qu'il s'agit claire-
ment d'un grief de principe par opposition à un grief indivi-
duel, la question relève de l'agent négociateur. L'obligation
existe non envers un fonctionnaire pris individuellement,
mais plutôt envers les fonctionnaires pris dans leur ensemble,
ceux-ci étant représentés par l'agent négociateur. Un fonc-
tionnaire ne peut pas demander l'exécution de l'obligation
incombant à l'employeur «de revoir la façon dont il utilise les
services ...». Une telle obligation va plus loin que l'obligation
existant envers un fonctionnaire pris individuellement; elle
concerne l'agent négociateur et son existence même ou sa
raison d'être.
L'emploi de l'expression «grief de principe» n'est
peut-être pas très heureux. Dans une décision sub-
séquente de la Cour de céans 6 , M. le juge Huges-
sen, J.C.A., s'est prononcé en ces termes [à la
page 2]:
L'avocat a qualifié le grief de «grief de politique» mais cette
notion, quelle que soit son utilité, est inconnue de la Loi.
Pris dans son sens ordinaire, ce texte [le paragraphe 99(1)]
n'autorise la saisine de la Commission que si le manquement
présumé à une obligation ne peut faire l'objet d'un grief
individuel. Dans le cas présent, la convention collective impose
certaines obligations à l'employeur d'accorder des vacances à
ses employés. Seuls les employés visées par ces obligations
peuvent les faire exécuter. Il n'existe pas, contrairement à ce
qu'a affirmé l'avocat, d'obligation supplémentaire découlant de
la convention collective, interdisant à l'employeur de promul-
guer des politiques dont l'application, selon l'agent négociateur,
irait à l'encontre des obligations envers les employés
individuels.
À mon avis, les faits de la cause ne sont pas les
mêmes dans les deux affaires. Il n'y a pas eu en
l'espèce adoption unilatérale d'une politique qui, à
l'application, porterait atteinte aux droits qu'un
employé tient de la convention collective. Nous
sommes par contre en présence d'une politique,
convenue entre l'employeur et l'agent négociateur,
et d'un litige, portant non sur son application à
l'égard d'un employé dans les conditions prévues
au paragraphe 91(1), mais sur son application au
droit de l'employeur de confier aux entrepreneurs
de l'extérieur l'exécution de tâches remplies
jusque—là par des membres de l'unité de négocia-
tion. Je conviens avec le vice-président de la Com
mission que la question «va plus loin que l'obliga-
tion existant envers un fonctionnaire pris
individuellement» et concerne l'agent négociateur
et «son existence même ou sa raison d'être».
6 Institut professionnel de la Fonction publique c. Canada,
décision rendue le 27 septembre 1990, encore inédite, numéro
du greffe: A-64-90: dossier n° 169-2-480 de la C.R.T.F.P.
La question de compétence ne semble pas avoir
été soulevée dans Association canadienne du con-
trôle du trafic aérien c. La Reine, [1985] 2 C.F.
84 (C.A.), qui appliquait une décision antérieure,
La Reine c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 (C.A.).
L'arrêt Lavoie portait sur un grief individuel au
sujet de la question de savoir si un ancien employé
avait le droit de formuler un grief contre son
renvoi. ACCTA était un renvoi sur la question de
savoir si des anciens employés pouvaient prétendre
aux prestations rétroactives figurant dans une con
vention collective conclue après leur cessation
d'emploi. La Cour a cependant conclu par cette
décision que des questions semblables pourraient
faire l'objet soit d'un grief soit d'un renvoi. Le juge
Heald, J.C.A., a fait l'observation suivante, à la
page 91:
Bien que dans l'affaire Lavoie l'article applicable de la Loi en
question fût l'article [91 ] qui confère à l'« employé» le droit de
présenter un grief à titre personnel, alors qu'en l'espèce le
pouvoir de renvoyer une question devant la Commission est
prévu à l'article [99], les deux affaires ont un objet à peu près
identique, à savoir le droit d'un «employé» de contester une
décision qui porte atteinte à son droit aux avantages découlant
de ses rapports avec son employeur.
Il me semble que la nature du recours détermine
la question de savoir s'il faut caractériser l'instance
comme visant à l'exécution d'une obligation «qui
peut faire l'objet d'un grief de la part d'un
employé». En toute probabilité, certains de ces 278
employés touchés, et assurément certains de ceux
qui ont été mis en disponibilité, avaient le droit de
présenter personnellement un grief fondé sur l'obli-
gation supposée de ne pas recourir aux entrepre
neurs de l'extérieur. Mais qu'en est-il de ceux qui
ont accepté une indemnité forfaitaire? L'agent
négociateur avait perdu ces membres en raison
directement du défaut reproché à l'employeur de
respecter cette obligation. A mon avis, la Commis
sion avait compétence pour connaître de la ques
tion soulevée dans le renvoi, savoir si les disposi
tions de la Politique concernant le réaménagement
des effectifs donnaient lieu à une obligation géné-
rale de la part de l'employeur de ne pas confier des
tâches aux entrepreneurs de l'extérieur, si pareille
mesure devait se solder par des employés touchés,
excédentaires ou mis en disponibilité'.
En tirant cette conclusion, je n'ai pas jugé nécessaire de me
référer à l'arrêt American Farm Bureau Federation c. Tribunal
canadien des importations, rendu le 8 novembre 1990 [Natio-
(Suite à la page suivante)
En ce qui concerne la question de fond, le
vice-président de la Commission, après avoir cité
abondamment la Politique concernant le réaména-
gement des effectifs et après, à mon avis, l'avoir
correctement analysée, a tiré la conclusion
suivante:
La Politique obligeait l'employeur à réexaminer la sous-trai-
tance et, lorsque c'était possible, à y mettre fin afin de
préserver les emplois des fonctionnaires nommés pour une
période indéterminée au sein de la fonction publique. Or
l'employeur a manqué à cette obligation. Il a décidé de
réduire le nombre de ces fonctionnaires et, à cette fin, il a
sous-traité des fonctions identiques à celles que ces derniers
remplissaient.
Cette conclusion est amplement étayée par les
preuves produites.
L'esprit de la Politique concernant le réaména-
gement des effectifs, c'est qu'en cas de réaménage-
ment des effectifs, les employés nommés pour une
durée indéterminée et dont les services ne sont plus
requis seraient réaffectés dans la mesure du possi
ble et, si nécessaire, recyclés. Cette politique n'in-
terdit pas l'impartition mais prévoit que, pour
faciliter la réaffectation des employés «touchés»,
«excédentaires» ou «mis en disponibilité», l'em-
ployeur réexaminera le recours aux marchés de
services et y mettra fin, entre autres. Cette obliga
tion s'oppose absolument à l'intention de permettre
la création d'employés «touchés», «excédentaires»
ou «mis en disponibilité» en confiant à l'extérieur
les tâches mêmes dont ils assuraient l'exécution.
Par définition, il y a «réaménagement des effectifs»
lorsque la haute direction décide qu'un ou plu-
sieurs employés nommés pour une période indéter-
minée ne seront plus requis en raison d'un
«manque de travail» ou de «la suppression d'une
fonction». On ne saurait, à mon avis, dire d'un
employé dont la tâche a été confiée à l'extérieur
que ses services ne sont plus nécessaires faute de
travail ou par suite de la suppression d'une fonc-
tion. Ses services ne sont plus requis parce que la
fonction a été confiée aux entrepreneurs de l'exté-
(Suite de la page précédente)
nal Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des Importa
tions), [1990] 2 R.C.S. 1324] par la Cour suprême du Canada
et qui n'a, bien entendu, pas été cité en l'espèce. Cet arrêt est
néanmoins un rappel vigoureux du principe de non-ingérence
du judiciaire dans l'interprétation par les tribunaux administra-
tifs spécialisés de leur propre loi organique.
rieur. La tâche reste à accomplir et la fonction
continue d'exister. Le vice-président de la Com
mission n'a pas commis une erreur en concluant
que la conduite de l'employeur violait et la lettre et
l'esprit de la Politique concernant le réaménage-
ment des effectifs.
Je me prononce pour le rejet de la demande
fondée sur l'article 28 en l'espèce.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.