T-3904-78
Leo Bruno, Edward J. Arcand, James J. Arcand,
Arsene Arcand, Stanley Arcand, Angus Paul,
George LaFleche, pour leur propre compte et pour
celui du conseil de la bande Alexander, les mem-
bres de la bande Alexander (no 134) et la bande
Alexander (no 134) (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représen-
tée par le ministre des Affaires indiennes et du
Nord canadien (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: BANDE ALEXANDER (N° 134) c. CANADA (MINIS-
TRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN) (1 1e
INST.)
Section de première instance, juge Strayer —
Edmonton, 25 septembre; Ottawa, 26 novembre
1990.
Peuples autochtones — Terres — Les demandeurs ont cédé
à la Couronne leurs droits sur le pétrole et le gaz afférents aux
terres de leur réserve afin que ceux-ci soient cédés à bail pour
leur compte — Perte de un million de dollars imputable à
l'adoption déraisonnablement tardive, en 1977, du Règlement
sur le pétrole et le gaz des terres indiennes — Obligation
générale de fiduciaire de la Couronne envers chacune des
bandes indiennes relativement à leurs réserves — L'omission
de prendre le Règlement plus tôt constitue une violation de
cette obligation — Même s'il n'y a habituellement pas d'obli-
gation de légiférer, il peut en être autrement lorsque cela est
nécessaire pour bien s'acquitter d'une obligation de fiduciaire
— Aucune responsabilité découlant de l'omission d'adopte, le
Règlement plus tôt en raison de l'application générale de
celui-ci et du large éventail des activités qu'il vise — Le libellé
restrictif du mémoire spécial empêche le tribunal d'accorder
un redressement.
Couronne — Perte de un million de dollars subie par les
demandeurs à cause de l'adoption déraisonnablement tardive
du Règlement sur le pétrole et le gaz des terres indiennes —
Examen de l'obligation de fiduciaire envers chacune des
bandes indiennes relativement à leurs réserves — L'omission
de prendre le Règlement plus tôt entraîne la violation de
l'obligation de fiduciaire — Il n'existe habituellement pas
d'obligation légale de légiférer, mais il peut en être autrement
dans le cadre d'un rapport sui generis — Aucune responsabi-
lité découlant de l'omission d'adopter le Règlement plus tôt en
raison de l'application générale de celui-ci et du large éventail
des activités qu'il vise — L'exercice du pouvoir législatif
général va au-delà de l'obligation de fiduciaire envers les
demandeurs.
Énergie — Le Règlement sur le pétrole et le gaz des terres
indiennes adopté en 1977 est d'application générale et vise un
large éventail d'activités liées aux droits miniers dans la
réserve — Les demandeurs ont subi une perte de un million de
dollars au cours d'une période où le prix international du
pétrole a monté en flèche, à cause du retard déraisonnable
apporté dans l'adoption du Règlement — Examen de l'obliga-
tion de fiduciaire de la Couronne envers les Indiens relative-
ment à leurs réserves Conséquences de cette obligation sur
celle de légiférer — Aucune responsabilité découlant de
l'omission de légiférer plus tôt étant donné que le Règlement
est d'application générale et a une portée étendue.
La Cour est appelée à statuer sur un mémoire spécial en
application de la Règle 475. En 1947, la bande Alexander a
cédé à la Couronne tous les droits sur le pétrole et le gaz
naturel afférents à sa réserve afin que ceux-ci soient cédés à
bail, pour son compte, et que des redevances lui soient versées.
Par suite de cette cession, de nombreux baux ont été conclus
entre 1947 et 1977. En raison des mesures prises en 1973 par
l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, le prix interna
tional du pétrole a monté en flèche, ce qui a entraîné un
accroissement de la valeur du pétrole et du gaz produits au
Canada. Le gouvernement albertain a rapidement pris des
règlements ayant pour effet d'augmenter le montant des rede-
vances versées à la plupart des titulaires de droits miniers, sauf
les demandeurs. Bien que le règlement fédéral ait été modifié
en 1974 de manière à majorer le taux des redevances versées
pour le pétrole et le gaz provenant des réserves indiennes, les
demandeurs n'ont pas touché autant de redevances que les
autres bandes indiennes de l'Alberta qui bénéficiaient de l'ap-
plication des règlements albertains. En 1974, la nouvelle Loi
sur le pétrole et le gaz des terres indiennes fédérale a conféré
au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements
qui prescrivent les redevances sur le pétrole et le gaz provenant
des terres indiennes. Aucun règlement de cette nature n'a été
établi avant 1977, soit l'année où le Règlement sur le pétrole et
le gaz des terres indiennes a été adopté. Dans l'intervalle,
d'importantes consultations avaient eu lieu avec des bandes
indiennes de l'Ouest canadien et de l'Ontario. Les demandeurs
ont perdu environ un million de dollars à cause du retard. Les
demandeurs prétendent que la défenderesse avait l'obligation de
prendre, en temps opportun, un règlement pour majorer les
redevances qui leur étaient versées de telle sorte que celles-ci
soient équivalentes à celles touchées par les autres bandes
albertaines. La défenderesse rétorque que le pouvoir discrétion-
naire du gouverneur en conseil de prendre des règlements n'est
restreint d'aucune manière et qu'il échappe au contrôle judi-
ciaire. Questions à trancher: La défenderesse avait-elle l'obliga-
tion de prendre plus tôt le Règlement sur le pétrole et le gaz
des terres indiennes de 1977? Le cas échéant, a-t-elle manqué à
cette obligation? Le manquement, s'il, en est, a-t-il causé des
dommages aux demandeurs? Quel est le montant des
dommages?
Jugement: l'action devrait être rejetée.
Les demandeurs ont subi une perte qui, à première vue,
aurait pu être évitée si la défenderesse avait pris un nouveau
règlement en temps opportun.
La Couronne a une obligation de fiduciaire envers chacune
des bandes indiennes relativement à leurs réserves (Guerin et
autres c. La Reine et autre). Comme, depuis la Proclamation
royale de 1763, un titre indien ne peut être cédé qu'à la
Couronne et que seule celle-ci peut l'aliéner par la suite, la
Couronne sert d'intermédiaire entre les Indiens et les acqué-
reurs ou preneurs éventuels afin d'empêcher que les Indiens ne
soient exploités. L'octroi à la Couronne, au paragraphe 18(1)
de la Loi sur les Indiens, du pouvoir discrétionnaire de décider
quelle utilisation des terres d'une réserve est «à l'usage et au
profit de la bande», confère au gouvernement une obligation de
fiduciaire qui permet, du point de vue juridique, le contrôle
judiciaire de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Un tribu
nal peut obliger le gouvernement à respecter les normes strictes
de conduite auxquelles le fiduciaire est tenu de se conformer,
soit une obligation de loyauté absolue envers son commettant.
Le gouvernement canadien n'a pas tiré de la cession à bail des
terres de la réserve le meilleur rendement qui pouvait raisonna-
blement et légalement être obtenu, se soustrayant ainsi à son
obligation de fiduciaire. Ce qui a été jugé opportun et légal en
1977 aurait pu être fait en 1973 ou en 1974, et le retard est
déraisonnable.
L'obligation de la Couronne envers les Indiens relativement
aux droits de ceux-ci sur les terres de leurs réserves n'en est pas
une de droit public, mais est plutôt de la nature d'une obliga
tion de droit privé. Même si, en règle générale, il n'y a pas, du
point de vue juridique, d'obligation de légiférer, il peut en être
autrement lorsque le rapport qui est établi entre la Couronne et
les Indiens est sui generis. La Couronne s'est réservé le droit
exclusif d'acquérir et d'aliéner les titres indiens parce qu'elle
seule avait le pouvoir et la responsabilité de protéger les droits
des peuples autochtones. La Couronne doit par conséquent
exercer les pouvoirs étatiques dont elle est seule investie, pour
bien s'acquitter de son obligation de fiduciaire envers une
bande en particulier dont le titre indien lui a été cédé.
Néanmoins, le gouvernement ne saurait être tenu responsable
de l'omission de légiférer, vu que le mémoire spécial ne porte
que sur le Règlement sur le pétrole et le gaz des terres
indiennes pris en 1977. La défenderesse n'avait pas d'obligation
susceptible d'exécution par voie judiciaire d'adopter à une date
antérieure ce règlement, étant donné que celui-ci est d'applica-
tion générale et qu'il vise un large éventail d'activités liées aux
droits miniers. Cet exercice du pouvoir législatif général va bien
au-delà de toute obligation de fiduciaire envers les demandeurs.
L'adoption du règlement relève essentiellement d'une obligation
politique dont l'exécution ne peut être obtenue par voie judi-
ciaire. La question de savoir s'il relève d'une obligation de
fiduciaire d'adopter en temps opportun une simple disposition
ayant pour effet d'accroître les revenus des demandeurs prove-
nant de leurs droits miniers, n'est pas posée dans le mémoire
spécial.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, S.C.
1974-75-76, chap. 15.
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 18(1)
(remplacé par L.R.C. (1985), chap. I-5, art. 18(1)).
Règlement sur l'exploitation du pétrole et du gaz des
réserves indiennes, DORS/66-300 (mod. par
DORS/74-206).
Règlement sur le pétrole et le gaz des terres indiennes,
C.R.C., chap. 963, art. 21(7).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
475.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S.
335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481;
59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55
N.R. 161; 36 R.P.R. 1.
DÉCISIONS CITÉES:
Kwong's Estate and Kwong v. Province of Alberta,
Thompson's Estate, Stephaniuk and Lazarak (1978), 14
A.R. 120; 96 D.L.R. (3d) 214; [1979] 2 W.W.R. 1; 8
C.C.L.T. 1 (C.A.); confirmé sub nom. Kwong et autres c.
La Reine du chef de la province de l'Alberta, [1979] 2
R.C.S. 1010; (1979), 18 A.R. 358; 105 D.L.R. (3d) 576;
[1979] 6 W.W.R. 573; 12 C.C.L.T. 297; 29 N.R. 295;
Kruger c. La Reine, [1986] 1 C.F. 3; (1985), 17 D.L.R.
(4th) 591; [1985] 3 C.N.L.R. 15; 32 L.C.R. 65; 58 N.R.
241 (C.A.).
DOCTRINE
Gautreau, J. R. Maurice «Demystifying the Fiduciary
Mystique» (1989), 68 Rev. du Bar can. 1.
AVOCATS:
Robert F. Roddick, c.r. et Douglas E. San
ders pour les demandeurs.
D. Bruce Logan pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Roddick & Peck, Edmonton, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER:
Redressement demandé
Par suite d'une demande commune déposée par
les parties, le protonotaire en chef Lefebvre a
ordonné, le 26 avril 1990, qu'il soit statué sur un
mémoire spécial en application de la Règle 475
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663].
On demande en effet à la Cour de se prononcer sur
les questions suivantes:
[TRADUCTION] a) la défenderesse avait-elle, vis-à-vis des
demandeurs, l'obligation d'adopter le Règlement sur le
pétrole et le gaz des terres indiennes à une date antérieure au
22 avril 1977?
b) la défenderesse a-t-elle manqué à une telle obligation?
c) le manquement, s'il en est, est-il à l'origine des dommages
que les demandeurs ont subis?
d) quel montant convient-il d'accorder à titre de dommages-
intérêts, le cas échéant?
On demande à la Cour, une fois qu'elle aura
répondu à ces questions, de prononcer un jugement
et d'octroyer les dépens en conséquence.
Les faits
Les demandeurs agissent pour leur propre
compte et pour celui de la bande indienne à
laquelle ils appartiennent, soit la bande Alexander
(n° 134) dont la réserve est située en Alberta.
Le 24 juin 1947, la bande a cédé à Sa Majesté
la totalité des droits sur le pétrole et le gaz naturel
afférents à sa réserve:
[TRADUCTION] . .. en fiducie afin que celle-ci les cède à bail
à la(aux) personne(s) et aux conditions que le gouvernement
du Canada juge les plus susceptibles d'assurer notre bien-être
et celui de notre peuple.
À titre de condition supplémentaire, toutes les sommes prove-
nant de la cession à bail des droits d'exploitation du pétrole et
du gaz naturel doivent être placées pour notre compte, et
l'intérêt couru doit nous être versé de la manière habituelle.
Du 31 juillet 1947 au 21 avril 1977, la défende-
resse a conclu de nombreux baux visant le pétrole
et le gaz naturel que renfermait cette réserve, et
les redevances versées en application des baux ont
été portées au crédit de la bande Alexander. Aux
termes d'un contrat prenant effet le 1" mars 1960,
les droits des preneurs suivant ces baux ont été
regroupés et le champ a par la suite été exploité
par Norcen Energy Resources Limited ou ses
prédécesseurs.
Bien que l'exposé conjoint des faits n'en fasse
pas mention, on a attiré mon attention sur le fait
que, à partir de l'automne de 1973, certains événe-
ments nationaux et internationaux ont fait monter
en flèche le coût du pétrole brut et ont forcé le
gouvernement à intervenir dans l'établissement des
prix du pétrole et du gaz produits au Canada. Les
avocats n'ont pas contesté ces événements de noto-
riété publique dont je prends connaissance d'office.
Dans le contexte de la crise du Moyen-Orient à
l'automne de 1973, l'Organisation des pays expor-
tateurs de pétrole a fait grimper rapidement le prix
du pétrole brut à l'échelle internationale. Cette
action concertée ayant entraîné l'accroissement
soudain et arbitraire de la valeur du pétrole et du
gaz produits au Canada, le gouvernement fédéral
et certaines provinces ont, de manière générale, agi
rapidement pour faire en sorte que le profit inat-
tendu (attribuable à la soudaine montée en flèche
des prix sans augmentation des coûts de produc
tion) soit partagé entre les trésors publics au
Canada et les titulaires canadiens de droits miniers
(les provinces figurant au nombre des principaux
titulaires). L'avocat des demandeurs a déclaré,
sans que ce ne soit contesté, que la province de
l'Alberta avait adopté des mesures qui ont eu pour
effet d'augmenter le montant des redevances ver
sées aux titulaires de la plupart des droits miniers
en Alberta. Deux champs de cette province n'ont
cependant pas été visés par ces mesures, dont un
était l'objet des droits miniers des demandeurs.
Le 28 mars 1974, le gouverneur en conseil a
modifié, au palier fédéral, le Règlement sur l'ex-
ploitation du pétrole et du gaz des réserves
indiennes [DORS/66-300 (mod. par DORS/74-
206)] pris en vertu de la Loi sur les Indiens' pour
conférer au ministre le pouvoir de majorer le taux
des redevances dues à l'égard du pétrole et du gaz
provenant de terres situées dans des réserves
indiennes au Canada. Or, il semble que cette
majoration générale n'ait pas profité autant aux
demandeurs qu'aux autres bandes indiennes de
l'Alberta. Selon ce que la Cour a pu comprendre,
celles-ci ont en effet tiré avantage des mesures
albertaines parce que la production de leurs réser-
ves a été regroupée avec celle de champs visés par
la réglementation provinciale.
Le 20 décembre 1974, la nouvelle loi fédérale
intitulée Loi sur le pétrole et le gaz des terres
indiennes 2 a été sanctionnée. Il semble que cette
loi ait été adoptée en partie pour remédier à
certaines incertitudes concernant la validité de
l'ancien règlement sur le pétrole et le gaz pris en
vertu de la Loi sur les Indiens. Parmi les autres
pouvoirs de réglementation que la Loi sur le
pétrole et le gaz des terres indiennes accorde
expressément au gouverneur en conseil, mention-
nons celui d'établir des règlements prescrivant les
redevances sur le pétrole et le gaz tirés des terres
1 Anciennement, S.R.C. 1970, chap. I-6.
2 S.C. 1974-75-76, chap. 15.
indiennes. Toutefois, aucun règlement de cette
nature n'a été établi en vertu de cette Loi avant
l'adoption du Règlement sur le pétrole et le gaz
des terres indiennes entré en vigueur le 22 avril
1977 3 . Aux termes du paragraphe 21(7) de ce
Règlement, le gestionnaire des ressources minéra-
les (terres indiennes) du ministère des Affaires
indiennes et du Nord canadien est habilité à infor
mer le preneur de ressources minérales (terres
indiennes) de la
21....
(7) ... valeur monétaire réalisable si la vente s'effectuait de
façon sérieuse, au moment et à l'endroit de la production au
cours d'une transaction n'ayant aucun lien de dépendance ...
le titulaire devant dès lors calculer le montant des
paiements de redevances (habituellement exprimé
sous forme de pourcentage de la valeur du pétrole
et du gaz produits) en fonction de la valeur présu-
mée que précise alors le gestionnaire. Le 2 mai
1977, le gestionnaire a transmis à Norcen un avis
relatif au gaz tiré de la réserve Alexander, ce qui a
eu pour effet d'accroître très substantiellement la
valeur unitaire du gaz à partir de laquelle le
montant des redevances devait être calculé. Le 5
mai 1977, Norcen a suspendu la production de gaz
dans ce champ et ce, suivant l'exposé conjoint des
faits:
[TRADUCTION] ... pendant les négociations avec ses clients
relativement à un paiement fondé sur la «juste valeur
marchande».
Les parties conviennent en outre du fait qu'entre
l'adoption de la Loi sur le pétrole et le gaz des
terres indiennes en décembre 1974 et celle de son
règlement d'application en avril 1977, d'importan-
tes consultations ont eu lieu avec des bandes
indiennes produisant ou susceptibles de produire
du pétrole et du gaz en Alberta, en Saskatchewan,
au Manitoba, en Colombie-Britannique et en
Ontario. Des assemblées ont d'ailleurs été tenues à
cet égard à l'échelle nationale. Des représentants
des demandeurs ont assisté à l'une de ces assem
blées nationales en octobre 1975, mais ils n'ont pas
participé à une assemblée subséquente également
tenue à cette fin. Il est admis cependant que de
décembre 1975 à mars 1977, les demandeurs se
sont mis en rapport avec des représentants de la
défenderesse à plusieurs occasions et ont exprimé
leur inquiétude concernant la perte de revenu
3 C.R.C., chap. 963.
qu'ils subissaient en raison de l'omission d'adopter
un nouveau règlement. Dans la même foulée, le
28 mars 1977, des membres de leur bande ont
occupé les lieux visés par le bail consenti à Norcen
et ont empêché les mandataires et les employés de
celle-ci d'y avoir accès ou d'assurer le fonctionne-
ment des installations de production et de com
pression du gaz dans la réserve Alexander. Une
injonction ex parte a été obtenue pour mettre fin à
cette obstruction et, peu après, le nouveau règle-
ment fédéral a été adopté en vertu de la Loi sur le
pétrole et le gaz des terres indiennes.
Dans leur déclaration, les demandeurs préten-
dent que la défenderesse avait l'obligation de pren-
dre des mesures en temps opportun pour augmen-
ter les revenus provenant de l'exploitation du gaz
dans la réserve Alexander de façon que ceux-ci
soient équivalents aux revenus provenant de rede-
vances touchées par d'autres bandes indiennes en
Alberta de 1973 à avril 1977. Le seul élément de
preuve relatif à l'étendue de la perte que les
demandeurs auraient subie se trouve au
paragraphe 17 de l'exposé conjoint des faits, dont
voici le libellé:
[TRADUCTION] La défenderesse a estimé que les demandeurs
auraient touché, de 1973 à 1977, environ 1 056 000 $ de plus
sous forme de redevances si le prix à la tête du puits avait été
équivalent à la juste valeur marchande ayant cours pendant
cette période. Une copie d'une lettre datée du 22 juin 1977,
avec pièces jointes, accompagne les présentes et est déposée
sous la cote «N».
Voici un extrait de cette lettre qui constitue la
pièce 1-N (et qui fait partie intégrante de l'exposé
conjoint des faits):
[TRADUCTION] Pour donner suite à votre récente demande,
nous avons à nouveau procédé au calcul des redevances
gazières de 1973 à 1977 jusqu'à la fermeture, et il appert que
la bande aurait touché environ 1 056 000 $ de plus compte
tenu des prix obtenus par d'autres bandes en Alberta.
Il est presque impossible d'effectuer ces calculs avec grande
précision, car les prix retenus à l'égard d'autres productions
gazières varient d'une entreprise à l'autre. Nous estimons
toutefois que la valeur susmentionnée, qui se fonde sur un
autre champ exploité par une entreprise albertaine, est une
estimation raisonnable.
Les avocats ont convenu à l'audience que le mon-
tant exact de la somme supplémentaire [TRADUC-
TION] «que les demandeurs auraient touché»
s'élève à 994 415,82 $, étant donné que la lettre du
22 juin 1977 (pièce 1-N) du gestionnaire des res-
sources minérales (terres indiennes) comportait
quelques erreurs de calcul.
Par ailleurs, aucune explication n'a été donnée
quant au fait qu'il se soit écoulé plus de douze ans
depuis que la présente action a été intentée, le
25 août 1978.
Conclusions
Comme les parties ont décidé de recourir à
l'exposé conjoint des faits et à la formulation
conjointe des questions devant être soumises au
tribunal, je suis dans l'obligation de tirer des con
clusions à partir d'éléments de preuve très limités
et je dois me contenter de répondre aux questions
précises posées à la Cour.
Par conséquent, j'en viens à la conclusion tout
d'abord que les demandeurs n'ont pas touché, pen
dant la période allant de 1973 à 1977 et visée par
la pièce déposée sous la cote 1-N, à l'égard du gaz
tiré de leur réserve, les redevances qui auraient pu
et qui auraient dû leur être versées. Je n'ai pas de
motif de mettre en doute la véracité de la déclara-
tion du gestionnaire des ressources minérales
(terres indiennes), M. E. A. Moore, que renferme
sa lettre du 22 juin 1977, déposée sous la cote 1-N,
selon laquelle [TRADUCTION] «la bande aurait
touché ... [un montant supérieur, par suite de la
correction apportée] compte tenu des prix obtenus
par d'autres bandes en Alberta». M. Moore prend
d'ailleurs la peine de mentionner, dans sa lettre,
qu'il a effectué le calcul en se fondant sur les
revenus touchés à l'égard de champs comparables.
Même si, à l'audience, l'avocat de la défenderesse
a formulé des hypothèses quant à ce qui aurait pu
empêcher les demandeurs de toucher ces revenus
supplémentaires, je dois m'en tenir à la preuve que
les parties ont convenu de présenter. La seule
conclusion raisonnable que je puisse tirer de cel-
le-ci est que les demandeurs auraient touché plus
d'argent s'ils avaient bénéficié de dispositions
réglementaires comparables à celles adoptées par
l'Alberta et qui ont eu pour effet d'accroître les
redevances versées à toutes les autres bandes
indiennes de cette province dont la réserve produi-
sait du pétrole. Bref, les demandeurs ont subi une
perte qui aurait pu leur être épargnée si la défen-
deresse avait pris des mesures en temps opportun,
c'est-à-dire si elle avait adopté un nouveau
règlement.
Après avoir tiré cette conclusion, je me dois de
déterminer si la défenderesse avait quelque obliga-
tion de prendre le Règlement sur le pétrole et le
gaz des terres indiennes, adopté en avril 1977 et, le
cas échéant, si elle s'est acquittée de cette obliga
tion en établissant un règlement applicable seule-
ment trois ans et demi, environ, après que d'autres
bandes de l'Alberta eussent touché des redevances
plus appropriées en application de règlements pro-
vinciaux. Voilà comment me sont présentées les
questions en litige aux termes du mémoire spécial.
Il semble désormais clair, depuis l'arrêt de la
Cour suprême du Canada dans l'affaire Guerin et
autres c. La Reine et autre 4 , que Sa Majesté la
Reine du chef du Canada a des obligations généra-
les de fiduciaire envers chacune des bandes indien-
nes relativement à leur réserve. Le titre indien est
antérieur à la Loi sur les Indiens= et il existe
indépendamment de celle-ci. Le paragraphe 18(1)
de cette Loi, entre autres, le reconnaît toutefois; en
voici le libellé:
18. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi,
Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des
bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté;
sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des
stipulations de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil
peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une
réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l'usage et au
profit de la bande.
Selon le juge Dickson [alors juge puîné], qui s'ex-
prime au nom de quatre autres juges de la Cour
suprême, comme depuis la Proclamation royale de
1763 il est établi qu'un titre indien ne peut être
cédé qu'à Sa Majesté et comme seule celle-ci peut
l'aliéner par la suite, Sa Majesté est donc un
intermédiaire entre les Indiens et les acquéreurs ou
preneurs éventuels «de manière à empêcher que les
Indiens se fassent exploiter» 6 . Bien que le
paragraphe 18(1) semble conférer au gouverneur
[1984] 2 R.C.S. 335.
5 Désormais, L.R.C. (1985), chap. 1-5; la disposition perti-
nente en l'espèce, le paragraphe 18(1), qui figurait dans S.R.C.
1970, chap. 1-6, n'a pas été modifiée depuis.
6 Affaire Guerin, supra, note 4, à la p. 383. Seulement huit
juges ont pris part au jugement. S'exprimant au nom de trois
autres juges, le juge Wilson a statué que Sa Majesté a un rôle
(Suite à la page suivante)
en conseil le pouvoir discrétionnaire de décider
quelle utilisation des terres d'une réserve est «à
l'usage et au profit de la bande», la Cour suprême
a statué dans l'affaire Guerin que cela n'a pas pour
effet de soustraire l'exercice de ce pouvoir discré-
tionnaire au contrôle judiciaire. L'octroi de ce
pouvoir discrétionnaire, qui fait en sorte que les
Indiens sont «à la merci du pouvoir discrétionnaire
[de l'État]», confère en fait au gouvernement des
obligations de fiduciaire qui permettent, du point
de vue juridique, le contrôle judiciaire de l'exercice
du pouvoir discrétionnaire. Grâce à sa compétence
en equity, un tribunal peut exercer une surveil
lance sur les modalités d'un tel rapport et obliger
l'État à respecter les «normes strictes de conduite
auxquelles le fiduciaire est tenu de se conformer»',
le fiduciaire ayant en effet une obligation de
«loyauté absolue envers son commettant»».
Évidemment, les faits à l'origine de l'affaire
Guerin diffèrent et ce, à au moins deux égards.
Premièrement, dans cette affaire, les membres de
la bande avaient informé l'État de ce qu'ils consi-
déraient comme des conditions minimales accepta-
bles pour la conclusion d'un bail relatif aux terres
qu'ils avaient cédées. Le gouvernement avait fait fi
de l'avis des membres de la bande. Deuxièmement,
le gouvernement agissait essentiellement au même
titre qu'un particulier en négociant la cession à
bail des terres à un club de golf. Dans la présente
affaire, la cession des droits miniers des deman-
deurs ne comporte aucune condition expresse ou
tacite à laquelle ces droits peuvent être cédés à bail
aux fins d'exploitation. De plus, pour autant que je
sache (et j'ai questionné l'avocat des demandeurs à
(Suite de la page précédente)
fiduciaire et que les obligations de fiduciaire de celle-ci revêtent
un caractère particulier. Dans Kruger c. La Reine, [1986] 1
C.F. 3 (C.A.), le Cour d'appel fédérale a considéré le jugement
rendu par le juge Dickson au nom de quatre autres juges,
comme définitif. Même si la Proclamation royale de 1763 ne
s'appliquait pas aux terres comme celles qu'englobait le
domaine de la Compagnie de la Baie d'Hudson, il ne fait nul
doute en l'espèce que les mêmes obligations de fiduciaire
incombent au gouvernement du Canada relativement aux terres
indiennes en Alberta.
Ibid., à la p. 384; se reporter également aux p. 349 à 351 du
jugement du juge Wilson.
8 Ibid. à la p. 389.
ce sujet précis), les demandeurs ne prétendent pas
que le gouvernement aurait pu simplement agir
comme un particulier et négocier de nouveau les
baux miniers entre 1973 et 1977 de façon à obtenir
des redevances supérieures pour le gaz produit. Il
semble que les baux en cause prévoyaient une
redevance fixe et un prix présumé à la tête de
puits, fixe également, qui, suivant les règles habi-
tuellement applicables aux contrats, serait
demeuré stable et donc inférieur au cours véritable
du gaz pendant cette période. En d'autres termes,
je dois déterminer, pour conclure que les principes
établis dans l'arrêt Guerin s'appliquent ou non en
l'espèce, si Sa Majesté avait l'obligation d'exercer
ses pouvoirs étatiques pour modifier de façon uni-
latérale les baux miniers visant la réserve des
demandeurs afin que ceux-ci touchent un rende-
ment comparable à celui obtenu par d'autres
bandes indiennes en Alberta et, le cas échéant, si
cette obligation englobait l'adoption à une date
antérieure du règlement à cet effet finalement
adopté en 1977.
En ce qui concerne la première question, compte
tenu de l'historique des rapports entre Sa Majesté
et les Indiens, j'estime que l'obligation du fidu-
ciaire de faire preuve d'une «loyauté absolue envers
son commettant» oblige Sa Majesté, de manière
générale, à tenter de tirer des biens du bénéficiaire
de l'obligation de fiduciaire le meilleur rendement
pouvant être raisonnablement et légalement obte-
nu 9 . Il appert de la preuve présentée en l'occur-
rence que l'État canadien s'est soustrait à cette
obligation. Il est admis par les parties, et la pièce
déposée sous la cote 1-N (soit la lettre du gestion-
naire des ressources minérales (terres indiennes)
du ministère des Affaires indiennes et du Nord
canadien) le confirme, que la bande à laquelle
appartiennent les demandeurs aurait touché envi-
ron un million de dollars de plus si les redevances
avaient été calculées en fonction des prix consentis
à d'autres bandes en Alberta. Il est en outre admis
9 Se reporter à J. R. Maurice Gautreau, «Demystifying the
Fiduciary Mystique» (1989), 68 Rev. du Bar. can. 1, aux p. 18
à 20. La portée de l'obligation de fiduciaire est déterminée en
partie par ce que le fiduciaire s'engage à accomplir. Compte
tenu de son rôle historique de protecteur, c'est-à-dire qu'elle
accomplit ce que la bande n'est pas habilitée à accomplir
elle-même, on peut certainement considérer que Sa Majesté
s'est engagée à obtenir le meilleur prix qui puisse raisonnable-
ment et légalement être obtenu.
que d'autres bandes albertaines ont bénéficié de
prix supérieurs grâce aux mesures législatives
prises en temps opportun par le gouvernement
albertain. Ces mesures s'apparentent à celles beau-
coup plus restreintes que le gouvernement du
Canada a prises en 1974 ainsi qu'au Règlement
sur le pétrole et le gaz des terres indiennes adopté
en 1977. Sous réserve de la deuxième question qui
est examinée ci-après, on pourrait conclure que ce
qui a été jugé opportun et légal en 1977 aurait pu
être fait en 1973 ou en 1974 et que le retard qui a
occasionné une perte d'environ un million de dol
lars a été déraisonnable.
La deuxième question sur laquelle la Cour doit
statuer est celle de savoir si l'Etat peut, quel que
soit le contexte, être tenu responsable de l'omission
de légiférer. La défenderesse s'en remet surtout au
principe général selon lequel l'omission de prendre
un règlement ne peut fonder une action et selon
lequel les tribunaux n'ont pas le pouvoir de décider
qu'un règlement aurait dû être adopté et d'oc-
troyer des dommages-intérêts parce que tel n'a pas
été le cas 10 . Selon moi, ce principe se fonde sur le
fait que les assemblées législatives et les organis-
mes auxquels sont délégués des pouvoirs législatifs
ont le pouvoir discrétionnaire d'adopter ou non des
lois et que les tribunaux n'ont pas à reconsidérer
leurs actes. Suivant l'arrêt Guerin, même si cet
excellent principe est sans aucun doute bien fondé
en général, il doit parfois être écarté. Il ressort en
effet de cet arrêt que le gouvernement du Canada,
une fois qu'il a accepté la cession d'un titre indien
visant une réserve en particulier, contracte une
obligation de fiduciaire envers la bande indienne
en cause et est ainsi tenu d'exercer son pouvoir
discrétionnaire avec «loyauté absolue» vis-à-vis de
la bande et des intérêts de celle-ci. Dans l'affaire
Guerin, la Cour a statué que le pouvoir discrétion-
naire apparemment absolu dont est investi le gou-
verneur en conseil aux termes du
paragraphe 18(1) de la Loi sur les Indiens, relati-
vement à l'utilisation des terres indiennes cédées
qui est la plus susceptible de profiter à la bande,
est limité par l'obligation prépondérante de loyauté
absolue du fiduciaire. Dans la présente affaire, la
défenderesse soutient que l'exercice du pouvoir
10 Kwong's Estate and Kwong v. Province of Alberta,
Thompson's Estate, Stephaniuk and Lazarak (1978), 14 A.R.
120 (C.A.), confirmé dans [1979] 2 R.C.S. 1010.
discrétionnaire de prendre un règlement que con-
fère au gouverneur en conseil la Loi sur les Indiens
ou la Loi sur le pétrole et le gaz des terres
indiennes n'est restreint d'aucune manière et
échappe au contrôle judiciaire. Or, comme le
déclare le juge Dickson dans l'arrêt Guerin:
Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n'existe
d'obligations de fiduciaire que dans le cas d'obligations prenant
naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de
droit public dont l'acquittement nécessite l'exercice d'un pou-
voir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fidu-
ciaire. Comme il se dégage d'ailleurs des décisions portant sur
les «fiducies politiques», on ne prête pas généralement à Sa
Majesté la qualité de fiduciaire lorsque celle-ci exerce ses
fonctions législatives ou administratives. Cependant, ce n'est
pas parce que c'est à Sa Majesté qu'incombe l'obligation d'agir
pour le compte des Indiens que cette obligation échappe à la
portée du principe fiduciaire. Comme nous l'avons souligné plus
haut, le droit des Indiens sur leurs terres a une existence
juridique indépendante. Il ne doit son existence ni au pouvoir
législatif ni au pouvoir exécutif. L'obligation qu'a Sa Majesté
envers les Indiens en ce qui concerne ce droit n'est donc pas une
obligation de droit public. Bien qu'il ne s'agisse pas non plus
d'une obligation de droit privé au sens strict, elle tient néan-
moins de la nature d'une obligation de droit privé. En consé-
quence, on peut à bon droit, dans le contexte de ce rapport sui
generis, considérer Sa Majesté comme un fiduciaire".
Il importe de souligner que le juge Dickson consi-
dère que l'obligation de l'État envers les Indiens
n'est pas, dans les circonstances, une simple «fidu-
cie politique» ni une «obligation de droit public»,
mais qu'elle est plutôt «de la nature d'une obliga
tion de droit privé». Partant, même si, en règle
générale, ni l'assemblée législative ni les organis-
mes auxquels sont délégués des pouvoirs législatifs
ne sont tenus par le droit de légiférer, dans le
cadre du rapport sui generis (pour reprendre les
termes utilisés par la Cour suprême) qui est établi
en l'espèce, il peut à tout le moins en être autre-
ment pour le gouverneur en conseil. On peut infé-
rer du rôle protecteur joué par l'État depuis la
Proclamation royale de 1763 que Sa Majesté s'est
réservé le droit exclusif d'acquérir et d'aliéner les
titres indiens parce qu'elle seule avait le pouvoir et
la responsabilité de protéger de façon adéquate les
droits des peuples qui habitaient le pays avant
l'arrivée des Européens. Il s'ensuit alors que Sa
Majesté doit exercer les pouvoirs étatiques qui sont
conférés à elle seule lorsqu'elle peut le faire raison-
nablement et légalement pour bien s'acquitter de
son obligation de fiduciaire envers une bande dont
le titre indien lui a été cédé.
" Supra, note 4, à la p. 385.
Je dois cependant m'en tenir au libellé du
mémoire spécial et statuer sur la seule question de
l'obligation de la défenderesse, c'est-à-dire:
[TRADUCTION] ... la défenderesse avait-elle, vis-à-vis des
demandeurs, l'obligation d'adopter le Règlement sur le
pétrole et le gaz des terres indiennes à une date antérieure au
22 avril 1977?
Compte tenu des principes déjà invoqués, je ne
peux conclure que la défenderesse avait une obli
gation susceptible d'exécution par voie judiciaire
d'adopter à une date antérieure le règlement
expressément visé par cette question du mémoire
spécial, soit celui adopté le 22 avril 1977. Il res-
sort de l'examen de ce règlement que ses disposi
tions s'appliquent de manière générale à toutes les
terres indiennes du Canada en ce qui concerne les
droits miniers et qu'elles visent un large éventail
d'activités liées à la gestion, à l'aliénation et à
l'exploitation de droits miniers, y compris l'explo-
ration et la production. Ce règlement implique
donc l'exercice du pouvoir législatif général qui est
conféré au gouverneur en conseil et dont la portée
va bien au-delà de savoir si la défenderesse a une
obligation de fiduciaire envers les demandeurs
dans les circonstances de la présente affaire.
L'adoption du règlement relève essentiellement
d'une obligation politique dont l'exécution ne sau-
rait être obtenue par voie judiciaire. En raison du
caractère général de ce règlement, il faut de plus
souligner que la vaste consultation menée auprès
de toutes les bandes indiennes s'occupant de pro
duction minière était non seulement souhaitable
mais aussi requise à l'article 7 de la loi d'habilita-
tion. Un tribunal ne saurait par conséquent se
prononcer sur l'opportunité de son adoption à une
date ou à une autre.
Dans ce contexte, il ne m'est pas permis de
déterminer si l'adoption à une date antérieure
d'une simple disposition ayant pour effet d'accroî-
tre les revenus des demandeurs provenant de leurs
droits miniers, de façon à atteindre le rendement
obtenu par d'autres bandes albertaines, relève
d'une obligation de fiduciaire. Cette question ne
m'est pas posée dans le mémoire spécial.
Il est donc inutile d'examiner la question du
montant des dommages-intérêts et celle de l'intérêt
avant jugement que réclament les demandeurs.
L'action est donc rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.