A-408-89
Cominco Ltd. (appelante)
c.
Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest
(intimée)
RÉPERTORIÉ: COMINCO LTD. c. OFFICE DES EAUX DES TERRI-
TOIRES DU NORD-OUEST (C.A.)
Cour d'appel, juges Pratte, Hugessen et
Desjardins, J.C.A.—Yellowknife, 12 mars;
Ottawa, 22 avril 1991.
Environnement — Appel contre le rejet de la demande de
modification des conditions du permis d'utilisation d'eau dans
l'exploitation d'une mine de zinc et de plomb, délivré en
application de la Loi sur les eaux internes du Nord —
L'appelante soutient que l'Office n'a pas compétence pour
imposer des limites quant à la quantité ou à la nature des
déchets dans l'effluent en l'absence de normes réglementaires,
ou pour imposer des restrictions plus rigoureuses que ne le
prévoit le règlement applicable — Arguments sans rapport
avec l'appel puisqu'ils ne sont pas dirigés contre la décision
attaquée — Le défaut de prescrire des normes visées à l'art.
29e) ne limite pas le pouvoir de l'Office d'imposer des condi
tions — Il se peut que les restrictions prévues par des règle-
ments d'application générale soient insuffisantes pour préser-
ver les ressources en eau dans certaines régions — L'art. 12(3)
prévoit tout simplement que les conditions du permis ne doi-
vent pas aller à l'encontre des restrictions prévues par les
règlements.
Interprétation des lois — Loi sur les eaux internes du Nord,
art. 12(1) et (3) — L'art. 12(1) habilite l'Office à assortir le
permis de conditions fondées sur les normes réglementaires de
qualité de l'eau — Une interprétation littérale aurait pour
résultat absurde d'interdire à l'Office de remplir sa mission en
l'absence d'un règlement établissant des normes de qualité de
l'eau — L'interprétation retenue est compatible avec la mis
sion de l'Office, laissant intact son pouvoir d'imposer des
conditions même en l'absence de normes prescrites — Interdire
à l'Office d'imposer des restrictions plus rigoureuses que celles
prévues par les règlements l'obligerait à refuser de délivrer des
permis pour prévenir la pollution — En prévoyant que les
conditions du permis ne «dtfferent. pas des restrictions régle-
mentaires, l'art. 12(3) signifie que les conditions ne doivent pas
aller à l'encontre de ces dernières.
Appel contre le rejet, par l'Office des eaux des Territoires du
Nord-Ouest, de la demande d'accroissement de la concentra
tion de zinc et de plomb dans l'effluent provenant de la mine de
l'appelante, concentration prévue aux conditions attachées au
permis en application de la Loi sur les eaux internes du Nord.
L'appelante soutient que l'Office n'a pas compétence pour
imposer ces conditions. Le paragraphe 12(1) de la Loi habilite
l'Office à assortir les permis de conditions fondées sur les
normes réglementaires de qualité de l'eau. L'appelante soutient
que les conditions du permis quant à la quantité et la nature des
déchets, imposées sous le régime du paragraphe 12(1), doivent
être fondées sur les normes réglementaires de qualité de l'eau et
que, ces normes n'ayant pas été établies par règlement, l'Office
a excédé sa compétence. Le paragraphe 12(3) prévoit que les
conditions du permis quant à la quantité et la nature des
déchets pouvant être déposés ne «diffèrent» pas des restrictions
prévues par le Règlement sur les effluents liquides des mines
de métaux (pris pour l'application du paragraphe 36(4) de la
Loi sur les pêches) en matière de dépôt de substances nocives.
La concentration maximum de plomb et de zinc qui peut être
déposée en vertu de ce règlement dépasse de loin la concentra
tion de métaux qu'autorise le permis de l'appelante et qu'aurait
autorisé le permis modifié. L'appelante soutient que l'Office
aurait dû élever la concentration maximum de métaux aux
niveaux prévus par le Règlement.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Les arguments de l'appelante n'ont aucun rapport avec l'ap-
pel. Ils ne sont pas dirigés contre la décision dont appel, mais
tendent à démontrer plutôt l'invalidité des conditions attachées
au permis de l'appelante. Qui plus est, ils n'ont pas été soumis à
l'Office: l'appelante présumait que celui-ci avait compétence.
Les arguments de l'appelante eussent-ils un rapport avec
l'appel, il faut les rejeter quand même. La seule limitation
qu'impose au pouvoir général, prévu au paragraphe 12(1),
d'imposer les conditions que l'Office juge appropriées est que, si
des normes de qualité de l'eau ont été fixées, les conditions
imposées doivent être fondées sur ces normes. Si, comme en
l'espèce, aucune norme n'a été fixée, le pouvoir qu'a l'Office
d'imposer les conditions appropriées demeure intact. Sinon, le
défaut de prescrire par règlement des normes de qualité de
l'eau aurait pour résultat absurde d'interdire à l'Office de
remplir sa mission.
Vu le verbe employé («différer»), une interprétation littérale
du paragraphe 12(3) signifierait qu'il ne doit y avoir aucune
différence entre les conditions du permis et les restrictions
prévues par les règlements d'application de la Loi sur les
pêches. Il serait difficile de réconcilier pareille interprétation
avec la mission de l'Office. Les règlements sont des règles
d'application générale. Les conditions attachées à un permis
s'appliquent à une entreprise particulière exploitée en un lieu
donné; elles sont les conditions attachées à l'octroi d'un privi-
lège. Il se peut que les restrictions prévues par des règlements
d'application générale soient insuffisantes pour préserver les
ressources en eau dans les régions concernées. Il serait incongru
d'interdire à l'Office d'imposer des restrictions plus rigoureuses
que celles prévues par les règlements. Pour prévenir la pollution
des eaux, l'Office serait obligé de refuser de délivrer un permis
bien qu'il puisse combattre cette pollution en imposant les
conditions appropriées. Une interprétation littérale conduirait à
des résultats absurdes. Le paragraphe 12(3) prévoit seulement
que les conditions du permis ne doivent pas aller à l'encontre
des restrictions prévues par les règlements.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les eaux internes du Nord, L.R.C. (1985), chap.
N-25, art. 10, 11, 12, 24 (mod. par L.C. 1990, chap. 8,
art. 58), 29e).
Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), chap. F-14, art. 36.
Loi sur les ressources en eau du Canada, L.R.C. (1985),
chap. C-11.
Règlement sur les effluents liquides des mines de
métaux, C.R.C., chap. 819.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
CRTC c. CTV Television Network Ltd. et autres,
[1982] 1 R.C.S. 530; (1982), 134 D.L.R. (3d) 193; 41
N.R. 271.
AVOCATS:
Marvin R. V. Storrow, c.r. et Joanne R.
Lysyk pour l'appelante.
Richard J. Peach pour l'intimé Office des
eaux des Territoires du Nord-Ouest.
Paul F. Partridge pour le procureur général
du Canada.
PROCUREURS:
Blake, Cassels, Graydon, Vancouver, pour
l'appelante.
Cooper, Hardy & Regel, Yellowknife
(T.N.-O.), pour l'intimé Office des eaux des
Territoires du Nord-Ouest.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: La Cour est saisie de
l'appel formé, en application de l'article 24 de la
Loi sur les eaux internes du Nord («la Loi»)
[L.R.C. (1985), chap. N-25 (mod. par L.C. 1990,
chap. 8, art. 58)], contre une décision de l'Office
des eaux des Territoires du Nord-Ouest, intimé en
l'espèce.
L'appelante, qui exploite une mine de zinc et de
plomb appelée la mine Polaris dans l'île de Little
Cornwallis, Territoires du Nord-Ouest, détient
depuis 1981 et en vertu de l'article 11 de la Loi, un
permis qui l'autorise à utiliser une certaine quan-
tité d'eau dans l'exploitation de son entreprise. Ce
permis a été délivré à la condition que les déchets
provenant du broyage du minerai soient déversés
dans le lac Garrow, et que l'effluent passant de ce
lac dans l'océan Arctique ne dépasse pas une
certaine teneur en plomb et en zinc.
En juin 1988, l'appelante a demandé à l'Office
de modifier les conditions du permis pour lui per-
mettre d'accroître la concentration de zinc et de
plomb dans l'effluent du lac Garrow. À l'issue
d'une audience tenue à ce sujet, l'Office a rejeté la
demande, et c'est cette décision qui a été portée en
appel.
Le principal argument de l'appelante est que
l'Office a commis une erreur de droit dans sa
décision, par ce motif que les conditions du permis
portant limitation du degré de concentration en
zinc et en plomb de l'effluent du lac Garrow
étaient illégales et dépassaient la compétence de
l'Office. Pour bien saisir cet argument, il y a lieu
de se rappeler le libellé de l'article 12 de la Loi:
12. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), un office
peut assortir le permis qu'il délivre des conditions qu'il consi-
dère appropriées, notamment celles sur la façon d'utiliser les
eaux dont le permis permet l'utilisation, celles fondées sur les
normes de qualité des eaux fixées en application de l'alinéa
29e) et relatives à la quantité et à la nature des déchets qui
peuvent être déposés dans des eaux par le titulaire du permis et
enfin les conditions dans lesquelles doit s'effectuer un tel dépôt.
(2) Dans les cas où un office délivre un permis pour des eaux
comprises dans une zone de gestion qualitative des eaux dési-
gnée en application de la Loi sur les ressources en eau du
Canada, il ne peut assortir le permis de conditions—relatives à
la quantité et à la nature des déchets qui peuvent être déposés
dans ces eaux ou auxquelles ces déchets peuvent être ainsi
déposés—qui diffèrent des restrictions relatives au dépôt de
déchets imposées à l'égard de ces eaux par le gouverneur en
conseil sous le régime de cette même loi.
(3) Dans les cas où un office délivre un permis pour d'autres
eaux que celles visées au paragraphe (2), auxquelles s'appli-
quent des règlements d'application du paragraphe 36(4) de la
Loi sur les pêches, il ne peut assortir le permis de conditions-
relatives à la quantité et à la nature des déchets qui peuvent
être déposés dans ces eaux ou auxquelles ces déchets peuvent
être ainsi déposés—qui diffèrent des restrictions relatives au
dépôt de substances nocives imposées à l'égard de ces eaux par
ces règlements.
(4) Lorsqu'un permis—délivré pour des eaux à l'égard des-
quelles il n'existe pas de restriction relative au dépôt de déchets
ou de substances nocives visée au paragraphe (2) ou (3), selon
le cas—est assorti de conditions relatives à la quantité et à la
nature des déchets qui peuvent être déposés dans ces eaux ou
auxquelles ces déchets peuvent être ainsi déposés, l'édiction
subséquente de telles restrictions est présumée, dès l'édiction,
modifier les conditions de façon à ce que celles-ci soient confor-
mes aux restrictions.
L'appelante fait valoir deux arguments fondés
sur cet article. En premier lieu, elle soutient que si
le paragraphe 12(1) habilite l'Office à assortir un
permis de «conditions ... relatives à la quantité et
à la nature des déchets qui peuvent être déposés
dans des eaux par le titulaire du permis», ces
conditions doivent être nécessairement fondées sur
les normes de qualité des eaux établies en applica
tion de l'alinéa 29e)'; comme il est constant que
ces normes n'ont jamais été établies, il s'ensuit,
selon l'appelante, que l'Office n'avait pas compé-
tence pour imposer des limites quant à la quantité
ou à la nature des déchets qui peuvent être conte-
nus dans l'effluent du lac Garrow.
Le second argument de l'appelante est fondé sur
le paragraphe 12(3), lequel prévoit que dans le cas
où l'Office délivre un permis relatif aux eaux
soumises au régime des règlements d'application
du paragraphe 36(4) de la Loi sur les pêches
[L.R.C. (1985), chap. F-14] 2 , les conditions du
permis relatives à la quantité et à la nature des
déchets qui peuvent être déposés dans ces eaux ne
peuvent différer des restrictions prévues par ces
règlements pour le dépôt de substances nocives
dans les mêmes eaux. Il est constant que le Règle-
' L'art. 29e) porte:
29. Le gouverneur en conseil peut par règlement:
e) établir les normes de qualité des eaux pour les zones de
gestion des eaux qui ne constituent pas une zone de gestion
qualitative des eaux désignée conformément à la Loi sur
les ressources en eau du Canada ou n'en faisant pas partie,
en tout ou en partie;
2 Voici les passages applicables des art. 36(3) et (4) de la Loi
sur les pêches:
36....
(3) Sous réserve du paragraphe (4), il est interdit d'immer-
ger ou de rejeter une substance nocive ou d'en permettre
l'immersion ou le rejet dans des eaux où vivent des poissons
(4) Par dérogation au paragraphe (3), il est permis d'im-
merger ou de rejeter:
b) les substances nocives des catégories désignées ou pré-
vues par les règlements ... pris par le gouverneur en
conseil en application du paragraphe (5), pourvu que les
conditions, notamment les quantités maximales et les
degrés de concentration, qui y sont fixées soient respectées.
Il est intéressant de noter que contrairement à la présomption
apparente de l'art. 12(3) de la Loi sur les eaux internes du
Nord, les règlements d'application de l'art. 36(4) de la Loi sur
les pêches n'imposent pas à vrai dire des restrictions sur le droit
de déverser des substances nocives dans les eaux; ils autorisent
au contraire le dépôt d'une quantité déterminée de certains
déchets dans certaines eaux.
ment sur les effluents liquides des mines de
métaux' a été pris pour l'application du paragra-
phe 36(4) de la Loi sur les pêches et s'applique
aux eaux en l'espèce; il est également constant que
la concentration maximum de plomb et de zinc qui
peut être déversée dans ces eaux en vertu de ces
règlements dépasse de loin non seulement la con
centration de ces métaux qu'autorise le permis de
l'appelante, mais aussi celle que ce permis aurait
autorisée s'il avait été modifié conformément à la
demande de l'appelante. Il s'ensuit, soutient-elle,
que l'Office aurait dû modifier son permis en
élevant aux niveaux prévus par le Règlement sur
les effluents des mines de métaux, la concentra
tion maximum de plomb et de zinc qu'il avait
autorisée.
Il y a lieu de noter tout d'abord que ces argu
ments n'ont jamais été soumis à l'Office. Au con-
traire, par sa demande faite à celui-ci, l'appelante
présumait qu'il avait compétence pour assortir son
permis de conditions relatives à la quantité de
plomb et de zinc que l'appelante était autorisée à
déverser dans les eaux en question, bien que ces
conditions fussent plus strictes que celles établies
par le Règlement sur les effluents des mines de
métaux, sans qu'aucune norme de qualité des eaux
eût été fixée en application de l'alinéa 29e). En
effet, ces deux arguments ne sont pas vraiment
dirigés contre la décision dont appel, mais tendent
plutôt à démontrer l'invalidité des conditions atta-
chées au permis de l'appelante. Rien que pour
cette raison, je considère qu'ils n'ont aucun rapport
avec cet appel. Comment pourrait-on faire grief à
l'Office de ne pas considérer une question dont elle
n'a jamais été saisie et d'avoir rejeté une requête
que, selon la thèse actuelle de l'appelante elle-
même, il n'était nullement habilité à accueillir?
Je dois ajouter que ces deux arguments eussent-
ils vraiment un rapport avec la validité de la
décision attaquée, contrairement à ce que je pense,
je les rejetterais quand même.
Selon le paragraphe 12(1) de la Loi, «un office
peut assortir le permis qu'il délivre des conditions
qu'il considère appropriées». À mon avis, la seule
limitation qu'impose à ce pouvoir général le libellé
du restant de ce paragraphe est que, si des normes
de qualité des eaux ont été fixées en application de
3 C.R.C., chap. 819.
l'alinéa 29e), les conditions que l'Office impose
quant à la quantité et à la nature des déchets qui
peuvent être déposés dans des eaux doivent être
fondées sur ces mêmes normes. Si, comme en
l'espèce, aucune norme n'a été fixée en la matière,
le pouvoir qu'a l'Office d'imposer les conditions
appropriées demeure intact. Donner une autre
interprétation du paragraphe 12(1) nous condui-
rait à ce résultat absurde: le défaut, de la part du
gouverneur en conseil, de prescrire des normes de
qualité des eaux interdirait à l'Office des eaux du
territoire Yukon comme à celui des Territoires du
Nord-Ouest de remplir la mission que leur assigne
l'article 10 de la Loi".
Le second argument de l'appelante est fondé sur
le paragraphe 12(3) de la Loi qui interdit à l'Of-
fice de prescrire, quant à la quantité et à la nature
des déchets qui peuvent être déposés dans des
eaux, des conditions qui diffèrent des restrictions
imposées, en matière de dépôt de substances noci-
ves, à l'égard de ces eaux par les règlements
d'application du paragraphe 36(4) de la Loi sur
les pêches. Vu le verbe employé («différer»), une
interprétation littérale de cet article signifierait
qu'il ne doit y avoir aucune différence entre les
conditions du permis et les restrictions prévues par
les règlements d'application de la Loi sur les
pêches. Il serait cependant difficile de réconcilier
pareille interprétation avec la mission de l'Office,
telle que la prévoit l'article 10. Les règlements
d'application de la Loi sur les pêches, tout comme
ceux de la Loi sur les ressources en eau du
Canada [L.R.C. (1985), chap. C-11] (à laquelle
renvoie le paragraphe 12(2)), sont des règles d'ap-
plication générale qui fixent la quantité maximum
de déchets ou de substances nocives qui peut être
déversée dans les eaux, quelles qu'en soient les
circonstances. De leur côté, les conditions atta-
chées à un permis s'appliquent à une entreprise
particulière exploitée en un lieu donné; elles sont
par ailleurs les conditions attachées à l'octroi d'un
privilège. Il se peut que les restrictions prévues par
des règlements d'application générale soient, dans
° L'art. 10 dispose:
10. Les offices ont pour mission de veiller à la conserva
tion, à la mise en valeur et à l'utilisation rationnelle des
ressources en eau du territoire du Yukon et des Territoires du
Nord-Ouest d'une façon qui permette aux Canadiens en
général et aux résidents du territoire du Yukon et des
Territoires du Nord-Ouest en particulier d'en retirer le maxi
mum de profits.
certains cas d'espèce, insuffisantes pour préserver
les ressources en eau dans les régions concernées.
Il serait incongru que dans ces cas, il soit interdit à
l'Office d'imposer des restrictions plus rigoureuses
que celles prévues par les règlements. Pareille solu
tion signifierait que dans de tels cas, l'Office, pour
prévenir la pollution des eaux, est obligé de refuser
de délivrer un permis bien qu'il puisse combattre
cette pollution en imposant des conditions appro-
priées au titulaire du permis. L'interprétation litté-
rale avancée par l'appelante conduit encore, à ce
propos, à un résultat absurde. Pour cette raison,
j'estime que le paragraphe 12(3) doit être inter-
prété comme signifiant tout simplement que les
conditions du permis ne doivent pas aller à l'encon-
tre des restrictions prévues par les règlements d'ap-
plication du paragraphe 36(4) de la Loi sur les
pêches' .
Un autre motif invoqué par l'appelante était que
l'audience de l'Office [TRADUCTION] «était tenue
... de la façon la plus informelle, sans témoignage
sous serment, et d'une manière qu'on ne peut que
qualifier de "non judiciaire"». Il suffit de noter, au
sujet de cette conclusion, qu'il ressort d'une lecture
attentive de la transcription des débats, que le
président de l'Office a mené l'audience de manière
informelle certes, mais intelligente et équitable
envers tous les intéressés.
Le dernier point soulevé par l'appelante est que
l'Office l'a privée d'une audition équitable, en
premier lieu en omettant de l'informer du fardeau
de preuve qui lui incombait et, en second lieu, en
recevant de son propre comité consultatif techni
que des recommandations sans donner à l'appe-
lante la possibilité d'y opposer ses réponses ou
observations.
L'avocat de l'intimé soutient, à l'appui de cette conclusion,
que l'objectif de la Loi sur les eaux internes du Nord (conser-
vation, mise en valeur et utilisation rationnelle des ressources
en eau d'une façon qui permette aux Canadiens d'en retirer le
maximum de profits) étant plus important que celui de la Loi
sur les pêches, il est logique qu'un office prévu par la première
Loi soit investi du pouvoir discrétionnaire de subordonner un
permis à des conditions plus rigoureuses que les restrictions
prévues par les règlements d'application de la Loi sur les
pêches. Cet argument perd toute sa force, à mon avis, quand on
se rappelle que les termes de l'art. 12(3) sont identiques à ceux
de l'art. 12(2), cette différence près que ce dernier renvoie
aux règlements d'application de la Loi sur les ressources en eau
du Canada, dont les objectifs sont certainement tout aussi
généraux et aussi importants que ceux de la Loi sur les eaux
internes du Nord.
Ces arguments ne sont nullement fondés à mes
yeux. L'appelante cherchait à faire modifier les
conditions de son permis quant à la quantité des
déchets déversés dans les eaux. Elle était au cou-
rant de la mission et des pouvoirs de l'Office et,
comme l'a conclu le juge en chef Laskin dans
CRTC c. CTV Television Network Ltd. et autres 6 ,
«[Le] requérant qui demande un privilège prévu
par la loi n'a pas le droit de connaître à l'avance la
décision probable à moins que la loi ne l'exige ou
que le tribunal administratif qui rend la décision
ne consente à la révéler.» Qui plus est, l'Office a
rejeté la demande de l'appelante parce qu'à son
avis, celle-ci pourrait [TRADUCTION] «continuer à
respecter les conditions actuelles du permis en
construisant un dispositif de filtrage au déversoir
dans le lac Garrow»; il ressort de la transcription
que la possibilité de construire un tel dispositif
était ouvertement discutée à l'audience. L'appe-
lante ne saurait donc soutenir qu'elle ne savait pas
ce qu'il lui incombait de démontrer à l'appui de sa
demande.
En ce qui concerne les recommandations et con-
seils que l'Office recevait de ses conseillers techni
ques, l'appelante soutient qu'elle aurait dû avoir la
possibilité de donner son avis à ce sujet puisque, à
l'audience, le président de l'Office a donné l'assu-
rance que tous les participants auraient cette possi-
bilité. La simple réponse à cet argument est qu'il
n'y a eu aucune assurance en ce sens. En fait, il
ressort d'une lecture du texte intégral de la trans
cription que le seul engagement donné par le prési-
dent de l'Office était qu'avant de soumettre au
ministre une recommandation de modification du
permis de l'appelante, l'Office accorderait à toutes
les parties intéressées la possibilité de dire ce qu'el-
les pensaient des recommandations du comité con-
sultatif technique. Étant donné qu'en fin de
compte, l'Office a décidé de ne pas recommander
la modification du permis de l'appelante, il n'a
jamais eu l'occasion de mettre à exécution l'enga-
gement du président.
Par ces motifs, je me prononce pour le rejet de
l'appel.
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
6 [1982] 1 R.C.S. 530, la p. 546.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.