A-273-90
Ministère des Consommateurs et des Sociétés
(appelant)
c.
Iain Hunter (intimé)
RÉPERTORIÉ: HUNTER C. CANADA (MINISTÈRE DES CONSOM-
MATEURS ET DES SOCIÉTÉS) (CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, Mahoney et Décary,
J.C.A.—Ottawa, 9 janvier et 26 mars 1991.
Accès à l'information — Demande de communication de
déclarations faites par des ministres et de hauts fonctionnaires
en vertu du Code régissant la conduite des titulaires de charge
publique en ce qui concerne les conflits d'intérêt et l'après-
mandat — Révision par la Cour fédérale en vertu de
l'art. 41 — Il échet de déterminer si la Cour peut ordonner la
communication en toute confidentialité de certains documents
à l'avocat aux fins de lui permettre de faire valoir le bien-
fondé de la demande — L'art. 47 de la Loi prévoit que la Cour
doit prendre toutes les précautions possibles pour éviter la
divulgation de documents — En common law, la pratique veut
que l'on communique confidentiellement les documents aux
avocats — Le parlement a créé tout un ensemble de disposi
tions relatives à la communication et à la confidentialité
L'art. 47 confère à la Cour des pouvoirs discrétionnaires sur
la communication aux avocats et sur le choix des moyens
retenus pour assurer la confidentialité — Le juge de première
instance a fait erreur en ordonnant la communication des
documents sans les avoir d'abord examinés.
Pratique — Règle des .lacunes» — L'art. 45 de la Loi sur
l'accès à l'information prévoit qu'une demande doit être enten-
due conformément aux règles adoptées par la Cour -- La
Cour n'a pas adopté de règles semblables — La
Règle 1402(8) s'applique, par analogie, aux demandes présen-
tées en vertu de l'art. 41 de la Loi.
Il s'agit d'un appel et d'un appel incident interjetés d'une
ordonnance prononcée par la Section de première instance,
selon laquelle le défendeur devait communiquer à l'avocat du
demandeur certains documents qu'il considérait comme exclus
en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais l'auteur
d'un affidavit n'était pas tenu de répondre à des questions
posées au cours de son contre-interrogatoire.
Le demandeur a demandé la communication de déclarations
déposées par le premier ministre, des ministres du Cabinet et de
hauts fonctionnaires en vertu des directives du gouvernement en
matière de conflit d'intérêt et d'après-mandat. Ces directives
prévoient que les titulaires de charge publique doivent rendre
compte de certains placements et propriétés. L'appelant a rejeté
la demande au motif que les documents personnels de nature
confidentielle sont exclus en vertu du paragraphe 19(1). Après
s'être plaint sans succès devant le Commissaire à l'information,
l'intimé a demandé à la Section de première instance une
révision de la décision de refus, conformément à l'article 41 de
la Loi.
Devant la Section de première instance, l'appelant a déposé
l'affidavit du Sous-registraire général adjoint du Canada. L'au-
teur de l'affidavit a été interrogé, mais il a refusé de répondre à
des questions qui l'aurait obligé à produire les documents en
cause, d'identifier nommément les personnes dont les docu
ments étaient en litige ou de décrire en détail les mesures
disciplinaires prises à l'encontre des personnes qui n'avaient pas
respecté les directives. D'après la jurisprudence de la Section de
première instance, et compte tenu du fait que l'avocat de la
partie intimée détenait une habilitation de sécurité, Madame le
juge Reed a ordonné que les documents soient communiqués à
l'avocat, sans demander au témoin de répondre aux questions.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli et l'appel incident, rejeté.
Le juge Pratte, J.C.A. (motifs concordants quant au disposi-
tif): De façon générale, la Cour peut ordonner à une partie de
produire des éléments de preuve pertinents qu'elle a en sa
possession afin de permettre aux autres parties de les inspecter.
Cependant, la Cour ne saurait exercer ces pouvoirs lorsqu'il
s'ensuivrait une détermination de la véritable cause en litige
devant la Cour ou lorsque la loi l'interdit. L'article 47 de la Loi
sur l'accès à l'information impose clairement à la Cour le
devoir de prendre «toutes les précautions possibles ... pour
éviter que ne soit divulgués» les documents en cause avant
d'avoir tout d'abord déterminé si les renseignements en ques
tion doivent être divulgués en vertu de la Loi.
Les questions posées à l'auteur de l'affidavit au sujet des
mesures disciplinaires prises à la suite d'un manquement à la
politique relative aux conflits d'intérêt ne sont d'aucune perti
nence puisque la seule question dont la Cour est saisie est de
savoir si la Loi permettait à l'appelant de refuser de communi-
quer les documents demandés.
Le juge Décary, J.C.A.: La règle de common law voulant que
l'audience ne se déroule pas à huis clos, que les arguments ne
soient pas présentés en l'absence d'une partie et que les parties
ne se voient pas refuser l'accès à des documents pertinents aux
fins de la décision du tribunal tire son origine de trois principes
fondamentaux dans notre système judiciaire: la publicité des
débats, la nature contradictoire des procédures et l'application
des règles de justice naturelle, dont le droit de chaque partie de
prendre connaissance de tout élément pertinent aux fins de la
décision du tribunal. L'une des exceptions à cette règle est celle
où le litige porte précisément sur la confidentialité d'un docu
ment. L'un des moyens auxquels les tribunaux ont recours pour
assurer la protection des renseignements confidentiels consiste à
donner aux avocats des parties accès à ces renseignements sous
réserve de l'engagement d'en préserver la confidentialité même
à l'égard de leurs clients.
Dans un certain nombre de lois, le Parlement a adopté un
ensemble de techniques pour établir un équilibre entre la
nécessité de protéger la confidentialité de certains renseigne-
ments et la possibilité pour le public et les parties au litige de
mettre en question la confidentialité alléguée. Lorsque le Parle-
ment a jugé que les impératifs étatiques l'exigeaient, il a exclu
toute forme de mise en question, il a décidé d'imposer un
moyen particulier pour protéger les renseignements confiden-
tiels et, dans certains régimes, il a laissé aux tribunaux le soin
de choisir le moyen qui leur apparaissait convenir le mieux.
Lorsque le Parlement a, dans une même loi, établi différents
moyens, il a voulu qu'une technique particulière s'applique pour
chaque cas particulier.
L'article 47 de la Loi, qui n'a de certain que son ambiguïté,
doit être interprété dans le contexte de l'ensemble de la Loi.
L'objet de la Loi, énoncé à l'article 2, est d'élargir l'accès aux
documents de l'administration fédérale «en consacrant le prin-
cipe du droit du public à leur communication, ...'les décisions
quant à la communication étant susceptibles de recours indé-
pendants du pouvoir exécutif». À l'article 48, la Loi impose à
l'institution fédérale la charge d'établir le bien-fondé du refus
de communication. Elle prévoit, de façon fort inusitée, que les
demandeurs déboutés auront droit aux frais et dépens si le
recours «a soulevé un principe important et nouveau».
La Loi prévoit certains cas où le refus de communication est
obligatoire et d'autres où il est facultatif. Si le Parlement avait
voulu imposer à la Cour l'obligation de refuser toute communi
cation aux avocats pendant l'instance, il l'aurait fait dans un
langage semblable à celui utilisé aux articles 35 et 52 ou dans
la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et
la Loi sur l'immigration. La réticence du Parlement à écarter
totalement, à l'intérieur de l'article 47, la publicité des débats
et la nature contradictoire des procédures appelle une interpré-
tation étroite de cette disposition. Il convient donc de résoudre
toute ambiguïté décelée à l'article 47 de manière à encourager
les débats contradictoires, à favoriser la partie demandant la
communication, à donner tout son sens à la charge de preuve et
à faire en sorte que le contrôle judiciaire soit réellement un
«recours indépendant[s] du pouvoir exécutif». L'interprétation
qui permet à la Cour de permettre la communication de
renseignements à l'avocat pour qu'il puisse faire valoir le
bien-fondé de la demande est la seule qui soit compatible avec
l'objet, l'économie et le libellé de la Loi.
La Cour n'ayant pas adopté de «règles spéciales», comme le
prescrit l'article 45, on peut faire appel à la règle 5, celle dite
des «lacunes». On pourrait adopter, par analogie, la pratique
prescrite à la Règle 1402 l'égard de la communication d'élé-
ments de preuve confidentiels aux avocats en matière d'anti-
dumping, tout comme la pratique des ordonnances conservatoi-
res en matière de brevets. Il faudra examiner les faits de chaque
espèce pour déterminer le degré minimum de communication.
Lorsque la nature des' renseignements plutôt que leur contenu
spécifique est en litige, il n'est pas nécessaire que l'avocat
prenne effectivement connaissance des renseignements. La
Cour peut autoriser la communication d'un résumé ou d'une
description générale des renseignements, ce qu'elle aurait dû
faire en l'espèce. Dans d'autres cas, elle peut imposer des
conditions variant selon la nature ou le caractère névralgique
des renseignements. Lorsque les renseignements portent une
cote de type «secret», par exemple, seul l'avocat ayant reçu une
autorisation de sécurité aurait le droit de les examiner.
En première instance, la Cour a fait erreur en ordonnant la
communication des documents, sans les avoir d'abord examinés.
La Cour ne saurait se convaincre que l'avocat peut avoir accès
aux documents, ni fixer la portée et les conditions de cet accès,
si elle n'a pas procédé auparavant à l'examen de ces documents.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. 2b).
Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers, L.R.C. (1985),
chap. P-12, art. 25.
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), chap. A-1,
art. 2(1), 4, 13, 19, 30, 35, 41, 45, 46, 47, 48, 49, 50,
52, 53.
Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. (1985),
chap. T-2, art. 16 (mod. par L.R.C. (1985) (let
suppl.), chap. 48, art. I; (4' suppl.), chap. 52, art. 5).
Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), chap. N-5,
art. 236.
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), chap. C-5,
art. 37, 38, 39.
Loi sur la protection des renseignements personnels,
L.R.C. (1985), chap. P-21, art. 3, 8(2)m)(i), 33, 44,
45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52.
Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de
transport et de la sécurité des transports, L.C. 1989,
chap. 3, art. 28(6), 30(5).
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité,
L.R.C. (1985), chap. C-23, art. 48, 49, 50.
Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur,
L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 47, art. 32, 43, 44,
45, 46, 47, 48, 49.
Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), chap. P-4, art. 20(4).
Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C.
(1985), chap. S-15, art. 75 (abrogée par L.R.C.
(1985) (4e suppl.) chap. 47, art. 52).
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2,
art. 29(3) (mod. par L.R.C. (1985) (1ef suppl.),
chap. 31, art. 99), 40.1 (édicté idem (4' suppl.),
chap. 29, art. 4).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 5,
1402(8) (mod. par DORS/90-846, art. 23).
JURISPRUDENCE
DÉCISION INFIRMÉE:
Hunter c. Canada (Ministre des Consommateurs et des
Sociétés) (1990), 29 C.P.R. (3d) 321; 35 F.T.R. 75 (C.F.
1'e inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Nokes v. Doncaster Amalgamated Collieries Ld., [1940]
A.C. 1014 (H.L.); C.D. c. Ministre du Revenu national,
[1991] 2 C.F. 412 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et
du Commerce, [1984] 1 C.F. 939; (1984), 10 D.L.R.
(4th) 417; 8 Admin. L.R. 305; 27 B.L.R. 84 (1 1 e inst.);
Robertson et Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(1987), 42 D.L.R. (4th) 552; 13 F.T.R. 120 (C.F.
1 1 C inst.); Bland c. Canada (Commission de la Capitale
nationale du Canada) (1988), 32 Admin. L.R. 69; 20
F.T.R. 236 (C.F. 1fe inst.); Procureur général de la
Nouvelle-Écosse et autre c. Maclntyre, [1982] 1 R.C.S.
175; (1985), 49 N.S.R. (2d) 609; 132 D.L.R.- (3d) 385;
96 A.P.R. 609; 65 C.C.C. (2d) 129; 26 C.R. (3d) 193; 40
N.R. 181; Warner-Lambert Co. v. Glaxo Laboratories
Ltd., [1975] R.P.C. 354 (C.A.); Reichmann v. Toronto
Life Publishing Co. (1990), 71 O.R. (2d) 719; 44 C.P.C.
(2d) 206 (H.C.); In re K. (Infants), [1963] Ch. 381; In re
K. Infants, [1965] A.C. 201 (H.L.); Rubin c. Canada
(Société canadienne d'hypothèques et de logement),
[1989] 1 C.F. 265; (1988), 52 D.L.R. (4th) 671; 19
F.T.R. 160; 86 N.R. 186 (C.A.); Canada Packers Inc. c.
Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47;
(1988), 53 D.L.R. (4th) 246; 32 Admin. L.R. 178; 26
C.P.R. (3d) 407; 87 N.R. 8 (C.A.); DMR & Associates c.
Ministre des Approvisionnements et Services (1984), 11
C.P.R. (3d) 87 (C.F. ire inst.); Piller Sausages & Delica
tessens Ltd. c. Canada (Ministre de l'Agriculture),
[1988] 1 C.F. 446; (1987), 38 B.L.R. 19; 18 C.P.R. (3d)
356; 14 F.T.R. 118 (lfe inst.); Air Atonabee Ltd. c.
Canada (Ministre du Transport) (1989), 27 C.P.R. (3d)
180; 27 F.T.R. 194 (C.F. 1`e inst.); Burns Meats Ltd. c.
Canada (Ministre de l'Agriculture), T-1140-85, juge en
chef adjoint Jerome, ordonnance datée du 17-1-86, C.F.
1" inst., non publié; Paulson v. The King (1915), 52
R.C.S. 317; 27 D.L.R. 145; 9 W.W.R. 1099; Spooner
Oils Ltd. et al v. The Turner Valley Gas Conservation
Board, [1933] R.C.S. 629; [1933] 4 D.L.R. 545; Bays-
hore Shopping Centre Limited c. Corporation of the
Township of Nepean et al., [1972] R.C.S. 755; (1972),
25 D.L.R. 443; Burnell c. La Commission mixte interna-
tionale, [1977] 1 C.F. 269; (1976), 71 D.L.R. (3d) 725
(C.F. ire inst.); Proctor & Gamble Co. et autres c.
Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1987), 15 C.I.P.R. 16;
16 C.P.R. (3d) 114; 15 F.T.R. 46 (C.F. i' inst.); Proctor
& Gamble Co. c. Kimberly-Clark of Canada Ltd.,
C.A.F., A-158-88, juge en chef Iacobucci, jugement en
date du 21-2-89, non publié; Upjohn Inter-American
Corporation c. Canada (Ministre de la Santé nationale et
du Bien-être social et Procureur général) (1987), 14
C.P.R. (3d) 50; 10 F.T.R. 37 (C.F. P' inst.).
DOCTRINE
Côté, Pierre-André, Interprétation des lois, 2' éd., Mont-
réal: Editions Yvon Biais Inc., 1990.
Maxwell on The Interpretation of Statutes, 12th ed.,
P. St. J. Langan, London: Sweet & Maxwell Ltd.,
1969.
Schneiderman, David, «The Access to Information Act: A
Practical Review» (1986-87), 7 Advocates Q. 474.
AVOCATS:
Barbara A. Mcisaac, c.r., pour l'appelant.
Richard D. Dearden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous -procureur général du Canada pour
l'appelant.
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A. (motifs concordants
quant au résultat): Les deux parties au présent
appel attaquent une ordonnance prononcée par la
Section de première instance (le juge Reed)
[(1990), 29 C.P.R. (3d) 321], accueillant en partie
une requête présentée par l'intimé dans le cadre
d'un recours intenté en vertu de l'article 41 de la
Loi sur l'accès à l'information [L.R.C. (1985),
chap. A-1]. Par cette ordonnance, la Cour a
ordonné la communication de certains documents
de l'appelant à l'avocat de l'intimé aux seules fins
de lui permettre de faire valoir le bien-fondé de la
demande faite par l'intimé en vertu de l'article 41;
toutefois, la Cour a rejeté la demande de l'intimé
visant à enjoindre à Jean-Pierre Kingsley, auteur
d'un affidavit déposé dans le cadre du recours
fondé sur l'article 41, de répondre à certaines
questions auxquelles il avait refusé de répondre au
cours du contre-interrogatoire. La partie appelante
interjette appel de la première partie de l'ordon-
nance, tandis que l'intimé porte la deuxième partie
en appel incident.
Afin de comprendre les questions en litige, il
faut avoir en tête certaines dispositions de la Loi
sur l'accès à l'information.
L'article 4 donne à tous les citoyens canadiens et
résidents permanents le droit d'avoir accès, sur
demande, aux documents des institutions fédérales.
Par contre, les articles 13 et suivants comportent
des exceptions à cette règle. Une de ces exceptions
est pertinente en l'espèce; elle figure à l'article 19:
19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une
institution fédérale est tenu de refuser la communication de
documents contenant les renseignements personnels visés à
l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements
personnels.
(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner
communication de documents contenant des renseignements
personnels dans les cas où:
a) l'individu qu'ils concernent y consent;
b) le public y a accès;
c) la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur
la protection des renseignements personnels'.
L'article 6 prévoit que la demande de communi
cation de documents se fait par écrit. Le responsa-
ble de l'institution fédérale concernée est tenu,
dans les 30 jours suivant la demande, d'indiquer
par écrit si le document sera communiqué et, en
cas de refus, de préciser la disposition de la loi qui
justifie ce refus. Si la personne dont la demande a
été refusée désire y donner suite, elle peut déposer
une plainte devant le Commissaire à l'information,
conformément à l'article 30; si l'intervention du
Commissaire ne lui donne pas entière satisfaction,
elle peut, en vertu de l'article 41, exercer «un
recours en révision de la décision de refus» devant
la Section de première instance de la Cour. Les
articles 45 à 50 de la Loi portent sur cette
révision:
45. Les recours prévus aux articles 41, 42 et 44 sont entendus
et jugés en procédure sommaire, conformément aux règles de
pratique spéciales adoptées à leur égard en vertu de l'article 46
de la Loi sur la Cour fédérale.
46. Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité
reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours
' Les dispositions pertinentes des deux articles de la Loi sur
la protection des renseignements personnels [L.R.C. (1985),
chap. P-21] cités dans l'article 19 portent que:
3. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«renseignements personnels» Les renseignements, quels que
soient leur forme et leur support, concernant un individu
identifiable, notamment:
b) les renseignements relatifs ... à des opérations finan-
cières auxquelles il a participé;
toutefois, il demeure entendu que, pour l'application ... de
l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information, les
renseignements personnels ne comprennent pas les rensei-
gnements concernant:
j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d'une institu
tion fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions,
8. ...
(2) Sous réserve d'autres lois fédérales, la communication des
renseigenments personnels qui relèvent d'une institution fédé-
rale est autorisée dans les cas suivants:
m) communication à toute autre fin dans les cas où, de
l'avis du responsable de l'institution:
(i) des raisons d'intérêt public justifieraient nettement
une éventuelle violation de la vie privée ...
prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les documents qui
relèvent d'une institution fédérale et auxquels la présente loi
s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif
que ce soit, lui être refusé.
47. (1) À l'occasion des procédures relatives aux recours
prévus aux articles 41, 42 et 44, la Cour prend toutes les
précautions possibles, notamment, si c'est indiqué, par la tenue
d'audiences à huis clos et l'audition d'arguments en l'absence
d'une partie, pour éviter que ne soient divulgués de par son
propre fait ou celui de quiconque:
a) des renseignements qui, par leur nature, justifient, en
vertu de la présente loi, un refus de communication totale ou
partielle d'un document;
b) des renseignements faisant état de l'existence d'un docu
ment que le responsable d'une institution fédérale a refusé de
communiquer sans indiquer s'il existait ou non.
(2) Dans les cas où, à son avis, il existe des éléments de
preuve touchant la perpétration d'infractions fédérales ou pro-
vinciales par un cadre ou employé d'une institution fédérale, la
Cour peut faire part à l'autorité compétente des renseignements
qu'elle détient à cet égard.
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux
articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de
communication totale ou partielle d'un document incombe à
l'institution fédérale concernée.
49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la
personne qui a exercé un recours en révision d'une décision de
refus de communication totale ou partielle d'un document
fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles
mentionnées à l'article 50, ordonne, aux conditions qu'elle juge
indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont relève le
document en litige d'en donner à cette personne communication
totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle
l'estime indiqué.
50. Dans les cas où le refus de communication totale ou
partielle du document s'appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur
les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le
refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne,
aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'insti-
tution fédérale dont relève le document en litige d'en donner
communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la
demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime
indiqué.
Je passe maintenant aux faits qui ont donné lieu
au présent appel.
Le 13 juin 1986, l'intimé a demandé à l'appelant
la communication de dossiers contenant des rensei-
gnements donnés par le Premier ministre, des
ministres du Cabinet et d'autres hauts fonctionnai-
res du gouvernement, en vertu du Code régissant
la conduite des titulaires de charge publique en ce
qui concerne les conflits d'intérêt et l'après-man-
dat. Il s'agit d'un document déposé par le Premier
ministre, devant la Chambre des communes, le 9
septembre 1985. I1 prévoit que les membres du
Cabinet et d'autres titulaires de charge publique
doivent fournir au Sous-registraire général adjoint
des renseignements concernant leur situation
financière personnelle ainsi que leurs activités pré-
sentes et passées. La demande de l'intimé a été
immédiatement refusée au motif que les renseigne-
ments que contiennent ces documents sont de
nature personnelle, dont la communication est
interdite par le paragraphe 19(1). Après s'être
plaint sans succès devant le Commissaire, l'intimé
a eu recours à l'article 41 et a demandé à la
Section de première instance une révision de la
décision de refus. En réponse à cette demande,
l'appelant a déposé l'affidavit de Jean-Pierre
Kingsley, alors Sous-registraire général adjoint du
Canada. Dans cet affidavit, M. Kingsley a déposé
devant la Cour une copie du Code régissant la
conduite des titulaires de charge publique en ce
qui concerne les conflits d'intérêt et l'après-man-
dat, et a décrit le genre de renseignements fournis
en vertu du Code. Il a été soumis à un contre-inter-
rogatoire sur cet affidavit et c'est alors qu'il a
refusé de répondre à des questions qui l'auraient
obligé à produire les documents en cause, d'identi-
fier nommément les personnes dont les documents
étaient en litige et de préciser la façon dont elles
avaient tenté de respecter le Code, et enfin, de
décrire en détail les mesures disciplinaires prises à
l'encontre des personnes qui n'avaient pas respecté
le Code.
L'intimé s'est alors adressé à la Section de pre-
mière instance pour obtenir une ordonnance enjoi-
gnant à M. Kingsley de répondre à ces questions
ainsi qu'une ordonnance prévoyant la communica
tion des documents en cause à ses deux avocats,
sous réserve de leur engagement devant la Cour à
ce que les renseignements qu'ils renferment ne
soient divulgués à personne. Cette demande était
soutenue par un affidavit portant que l'avocat de
l'intimé demandait [TRADUCTION] «la communi
cation des documents en cause afin de bien se
préparer pour l'audition de la demande [présentée
en vertu de l'article 41] en ce qui concerne l'argu-
ment que les renseignements devraient être com-
muniqués en vertu de l'alinéa 19(2)c) de la Loi
sur l'accès à l'information et du sous-alinéa
8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des rensei-
gnements personnels, en ce que des raisons d'inté-
rêt public justifieraient nettement une éventuelle
violation de la vie privée».
Comme je l'ai déjà dit, Madame le juge Reed
n'a accueilli que la deuxième partie de cette
requête; elle a ordonné que les documents en cause
soient communiqués à l'avocat de l'intimé mais n'a
pas enjoint à M. Kingsley de répondre aux ques
tions. Quant à la demande de communication des
documents à l'avocat, elle a tout d'abord dit ce qui
suit [à la page 324]:
Il n'y a pas de doute que des renseignements personnels ont
été communiqués à des avocats dans le passé, à titre confiden-
tiel, pour leur permettre de défendre convenablement les
demandes de communication présentées par leurs clients en
vertu de la Loi sur l'accès à l'information (voir Re Maislin
Industries Ltd. et Ministre de l'Industrie et du Commerce
(1984), 80 C.P.R. (2d) 253, 10 D.L.R. (4th) 417, 11984] 1
C.F. 939 (1" inst.); Re Robertson et Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration (1987), 42 D.L.R. (4th) 552, 13 F.T.R. 120 (1fe
inst.); Re Bland et Canada (Commission de la capitale natio-
nale) (1988), 32 Admin. L.R. 69, 20 F.T.R. 236, 11 A.C.W.S.
(3d) 2 (1" inst.)). Il n'est par ailleurs pas contesté que l'on peut
compter sur le fait que les avocats respecteront le caractère
confidentiel des documents dont ils demandent la communica
tion en l'espèce.
Après avoir cité les arrêts Maislin [Maislin
Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du
Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (ire inst.)]; Robert-
son [Robertson et Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration (1987), 42 D.L.R. (4th) 552 (C.F.
1" inst.)]; et Bland [Bland c. Canada (Commis-
sion de la Capitale nationale du Canada) (1988),
32 Admin. L.R. 69 (C.F. i' inst.)], elle a conclu
ce qui suit [à la page 327]:
À la lumière de cette jurisprudence, je pense qu'il existe
plusieurs facteurs dont la Cour tient compte pour décider s'il y
a lieu de permettre aux avocats de consulter, pour les fins du
débat seulement, les documents qui font l'objet d'une révision
d'un refus de communication. Voici quelques-uns de ces fac-
teurs: la mesure dans laquelle l'avocat aura de la difficulté à
faire valoir son point de vue si on ne lui communique pas les
documents; la nature ou le caractère délicat des renseignements
contenus dans les documents; la mesure dans laquelle la pour-
suite dont la Cour est saisie se déroulera plus aisément et
équitablement si l'on donne communication des documents; le
type de garanties que l'avocat peut donner que les documents
ne seront pas divulgués par inadvertance (par ex., en l'espèce,
l'avocat a mentionné le fait qu'il avait été accepté au contrôle
de sécurité et que son cabinet était muni de coffres-forts
spéciaux).
Je suis d'avis que les faits de la présente espèce font partie du
genre de situations dans lesquelles on a, par le passé, donné
communication de documents aux avocats pour les fins du
débat. Lorsqu'on applique les critères susmentionnés aux faits
de la présente espèce, on en vient à la conclusion qu'il y a lieu
d'accorder l'accès.
Quant aux questions auxquelles M. Kingsley a
refusé de répondre au cours du contre-interroga-
toire, Madame le juge Reed n'a pas ordonné que
l'on réponde aux questions relatives aux documents
en cause et aux renseignements qu'ils contiennent
parce qu'elle estimait qu'après la communication
de ces documents, l'avocat obtiendrait la réponse à
ses questions. Quant aux autres questions, relatives
aux personnes ayant fait l'objet de mesurés disci-
plinaires pour ne pas avoir respecté le Code, elle
n'était pas convaincue qu'elles étaient pertinentes
et, par conséquent, n'était pas prête à ordonner
qu'on y réponde.
La première question qu'il convient de régler
dans le présent appel est de savoir si, lorsqu'elle est
saisie d'une demande faite en vertu de l'article 41,
la Section de première instance peut ordonner aux
responsables de l'institution fédérale concernée de
communiquer confidentiellement à l'avocat du
requérant les documents en cause aux seules fins
de lui permettre de préparer la preuve qu'il présen-
tera à l'appui de sa requête. Cette question n'a pas
été traitée en première instance. Les deux parties
de même que le juge ont présumé que les décisions
rendues dans Maislin, Robertson et Bland étaient
fondées. Les plaidoiries présentées oralement
étaient fondées sur le même principe; toutefois,
après l'audience, les deux parties se sont vu
demander de présenter des plaidoiries écrites à ce
sujet. L'avocate de l'appelant n'a pas pris de posi
tion très ferme sur la question; cependant, l'avocat
de l'intimé a prétendu que le pouvoir qu'a la Cour
de prononcer ce genre d'ordonnance découle de sa
compétence inhérente en matière de contrôle de la
procédure, des documents, des règles et de la
pratique applicables devant elle; il prétend égale-
ment que [TRADUCTION] «l'interprétation de la
structure et du libellé de la Loi sur l'accès à
l'information autorise une pratique de ce genre».
Il n'y a pas de doute que, en théorie, la Cour
peut ordonner à une partie de produire des élé-
ments de preuve pertinents qu'elle possède afin de
permettre aux autres parties de les inspecter, afin
de trancher de façon juste et équitable la question
dont la Cour est saisie. Cependant, il est tout aussi
clair que ce pouvoir ne saurait être exercé lorsqu'il
s'ensuivrait une détermination de la véritable
cause en litige devant la Coure. Il ne peut être
exercé non plus lorsque la loi l'interdit, ce qui est
le cas en l'espèce.
L'article 47 de la Loi sur l'accès à l'information
impose à la Cour saisie d'un recours prévu à
l'article 41 le devoir de prendre «toutes les précau-
tions possibles ... pour éviter que ne soient divul-
gués de par son propre fait ou celui de quiconque
des renseignements qui ... justifient un refus de
communication totale ou partielle d'un document».
Il s'ensuit nécessairement qu'il est interdit à la
Cour d'ordonner la communication de renseigne-
ments contenus dans un document avant d'avoir
tout d'abord déterminé si les renseignements en
question doivent être divulgués. Puisque l'article
ne prévoit aucune distinction entre la communica
tion au requérant, à l'avocat et au public, cette
interdiction tacite s'applique à toute communica
tion, y compris la communication confidentielle
faite au requérant ou à son avocat. La Cour n'a
pas discrétion pour ordonner ou autoriser la com
munication de renseignements qu'elle juge néces-
saires ou utiles; elle est absolument tenue de pren-
dre les précautions nécessaires pour éviter que des
renseignements ne soient divulgués. Le seul pou-
voir discrétionnaire que l'article 47 confère à la
Cour porte sur le choix des moyens retenus pour
éviter la divulgation des renseignements. Il est
facile de comprendre pourquoi le législateur a
donné cette discrétion à la Cour plutôt que de lui
imposer l'obligation d'entendre toutes les affaires
en l'absence d'une partie ou à huis clos. De fait,
dans bien des cas, ces mesures ne seront pas
nécessaires pour éviter la divulgation de renseigne-
ments. Souvent, après que la Cour aura examiné
les documents, il sera possible de présenter des
plaidoiries à l'égard de la demande faite en vertu
de l'article 41, sans divulguer les renseignements
contenus dans ces documents. Dans d'autres cas
(par exemple, lorsque la demande de révision est
faite par le Commissaire à l'information), toutes
les parties à l'instance auront peut-être déjà eu
accès aux documents de sorte que l'imposition
d'une audition d'arguments en l'absence d'une
partie serait une précaution inutile.
Z Par exemple, la cour à qui l'on soumet que la production
d'un document est visée par un privilège ne peut ordonner que
ce document soit produit pour faciliter les plaidoiries sur la
question du privilège.
Je suis donc d'avis que la Section de première
instance n'aurait pas dû ordonner la communica
tion des documents en cause à l'avocat du
requérant.
Je passe maintenant à l'appel incident interjeté
par l'intimé contre le refus de la Cour d'ordonner
en première instance à M. Kingsley de répondre
aux trois groupes de questions auxquelles il avait
refusé de répondre au cours de son contre-interro-
gatoire.
D'après ce qui précède, il est clair que la Cour
ne pouvait ordonner que l'on réponde aux deux
premiers groupes de questions, sans contrevenir à
l'article 47, puisque cela aurait nécessité la pro
duction des documents en cause et des renseigne-
ments qu'ils contiennent.
Quant au dernier groupe de questions, il porte
sur les mesures disciplinaires prises contre les per-
sonnes qui ont contrevenu au Code. Ces questions
ne sont d'aucune pertinence puisque la seule ques
tion dont la Cour est saisie est de savoir si la Loi
sur l'accès â l'information permettait à l'appelant
de refuser de communiquer les documents deman
dés par l'intimé.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel, de rejeter l'ap-
pel incident et de remplacer l'ordonnance pronon-
cée par la Section de première instance par une
ordonnance rejetant la requête de l'intimé. Les
dépens devant les deux instances de la Cour sui-
vront l'issue de la cause.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Je suis d'accord avec
mon collègue le juge Pratte pour accueillir l'appel,
mais les motifs sur lesquels je m'appuie sont sensi-
blement différents.
En bref, je suis d'avis que l'article 47 de la Loi
sur l'accès à l'information 3 confère à la Cour le
pouvoir d'autoriser la communication de certains
renseignements à l'avocat, pour les fins du débat
sur la demande de communication et moyennant
l'engagement de ne pas divulguer ces renseigne-
ments à qui que ce soit, y compris son client, mais
3 L.R.C. (1985), chap. A-1.
que, dans la présente espèce, les circonstances ne
se prêtent pas à la délivrance d'une telle ordon-
nance de confidentialité.
Les faits ont été relatés par mon collègue et il
n'y a pas lieu de les répéter. Il convient toutefois
de reproduire certains des articles de la Loi aux-
quels j'ai l'intention de me reporter:
2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux
documents de l'administration fédérale en consacrant le prin-
cipe du droit du public à leur communication, les exceptions
indispensables à ce droit étant précises et limitées et les déci-
sions quant à la communication étant susceptibles de recours
indépendants du pouvoir exécutif.
35. (1) Les enquêtes menées sur les plaintes par le Commis-
saire à l'information sont secrètes.
(2) Au cours de l'enquête, les personnes suivantes doivent
avoir la possibilité de présenter leurs observations au Commis-
saire à l'information, nul n'ayant toutefois le droit absolu d'être
présent lorsqu'une autre personne présente des observations au
Commissaire à l'information, ni d'en recevoir communication
ou de faire des commentaires à leur sujet:
a) la personne qui a déposé la plainte;
b) le responsable de l'institution fédérale concernée;
c) le tiers visé au paragraphe 27(1), si le Commissaire à
l'information a l'intention de recommander, en vertu du
paragraphe 37(1), la communication d'un document visé au
paragraphe 27(1).
45. Les recours prévus aux articles 41, 42 et 44 sont entendus
et jugés en procédure sommaire, conformément aux règles de
pratique spéciales adoptées à leur égard en vertu de l'article 46
de la Loi sur la Cour fédérale.
46. Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité
reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours
prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les documents qui
relèvent d'une institution fédérale et auxquels la présente loi
s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif
que ce soit, lui être refusé.
47. (1) À l'occasion des procédures relatives aux recours
prévus aux articles 41, 42 et 44, la Cour prend toutes les
précautions possibles, notamment, si c'est indiqué, par la tenue
d'audiences à huis clos et l'audition d'arguments en l'absence
d'une partie, pour éviter que ne soient divulgués de par son
propre fait ou celui de quiconque:
a) des renseignements qui, par leur nature, justifient, en
vertu de la présente loi, un refus de communication totale ou
partielle d'un document;
b) des renseignements faisant état de l'existence d'un docu
ment que le responsable d'une institution fédérale a refusé de
communiquer sans indiquer s'il existait ou non.
(2) Dans les cas où, à son avis, il existe des éléments de
preuve touchant la perpétration d'infractions fédérales ou pro-
vinciales par un cadre ou employé d'une institution fédérale, la
Cour peut faire part à l'autorité compétente des renseignements
qu'elle détient à cet égard.
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux
articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de
communication totale ou partielle d'un document incombe à
l'institution fédérale concernée.
52. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur
les cas où le refus de donner communication totale ou partielle
du document en litige s'appuyait sur les alinéas 13(1)a) ou b)
ou sur l'article 15 sont exercés devant le juge en chef adjoint de
la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge
de leur audition.
(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier
ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a
lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de
la Loi sur la capitale nationale si le responsable de l'institution
fédérale concernée le demande.
(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au
cours des auditions, en première instance ou en appel et sur
demande, le droit de présenter des arguments en l'absence
d'une autre partie.
53....
(2) Dans les cas où elle estime que l'objet des recours visés
aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau
quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la
personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette
personne a été déboutée de son recours.
Je tiens à souligner dès le départ que l'article 47,
combiné aux articles 35 et 52, constitue un piètre
exercice de rédaction législative en ce qui concerne
les pouvoirs conférés à la Cour et les obligations
qui lui incombent dans les instances relatives à
l'accès à l'information. Les choses se compliquent
encore du fait que le Parlement a, dans d'autres
lois 4 , utilisé un langage légèrement ou sensible-
ment différent pour traiter de situations somme
toute comparables et du fait que la Cour n'a pas
encore, nonobstant les exigences de l'article 46,
adopté de règles de pratique spéciales applicables à
ce type d'instances'.
Pour interpréter l'article 47 de la Loi sur l'accès
à l'information, il convient de se reporter aux
principes dégagés en common law en matière de
protection des renseignements confidentiels, à la
pratique suivie par les tribunaux, aux divers méca-
nismes législatifs établis par le Parlement ainsi
qu'à l'incidence de la Charte [Charte canadienne
des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
4 Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), chap. C-5,
art. 37 39; Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les
accidents de transport et de la sécurité des transports, L.C.
1989, chap. 3, art. 28(6) et 30(5); Loi sur le Tribunal canadien
du commerce extérieur, L.R.C. (1985) (4' suppl.), chap. 47,
art. 43 49; Loi sur le Service canadien du renseignement de
sécurité, L.R.C. (1985), chap. C-23, art. 48 50; Loi sur
l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art. 29(3) (mod. par
L.R.C. (1985) (1" suppl.), chap. 31, art. 99) et art. 40.1 (édicté
par L.R.C. (1985) (4' suppl.), chap. 29, art. 4); Loi sur la
défense nationale, L.R.C. (1985), chap. N-5, art. 236; Loi sur
les brevets, L.R.C. (1985), chap. P-4, art. 20(4); Loi de l'impôt
sur les revenus pétroliers, L.R.C. (1985), chap. P-12, art. 25;
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C.
(1985), chap. P-21, art. 33, 44 52; Loi sur les mesures
spéciales d'importation, L.R.C. (1985), chap. S-15, art. 75
(abr. par L.R.C. (1985) (4' suppl.), chap. 47, art. 52); Loi sur
la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. (1985), chap. T-2, art.
16 (mod. par L.R.C. (1985) (1" suppl.), chap. 48, art. 1.
5 La rédaction de l'article 47 est déficiente. Bien qu'on
paraisse généralement s'entendre pour estimer que cet article
impose à la Cour l'obligation de prendre des précautions contre
la divulgation du document en litige lui-même ainsi que de tout
document faisant l'objet d'une exception (voir David Schnei-
derman, «The Access to Information Act: A Practical Review»
(1986-87), 7 Advocates Q. 474, la p. 488), je dois admettre
que cette interprétation large me cause certaines difficultés.
Une lecture attentive du paragraphe 47(1) peut en effet mener
à la conclusion que le Parlement visait non pas le «document»
(»record» dans le texte anglais) en litige dont la communication
a effectivement été refusée, mais «des renseignements» («any
information or other material» dans le texte anglais) qui
risqueraient d'être accidentellement dévoilés au cours de l'ins-
tance, risque qui justifierait un refus de communication de la
part du responsable d'une institution fédérale dûment informé.
Si cette interprétation devait s'avérer juste, on ne pourrait,
naturellement, s'autoriser de l'article 47 pour interdire à l'avo-
cat l'accès conditionnel au document en litige. Il n'y a pas lieu,
toutefois, d'approfondir cette question étant donné que, même
en suivant l'interprétation large généralement retenue, je suis
d'avis que l'article 47 n'oblige pas la Cour à refuser la commu
nication à l'avocat.
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44]]. Ce n'est, à
mon avis, que dans l'ensemble de ce contexte que
peut être recherché le sens véritable de l'article.
La confidentialité en common law
On peut affirmer sans crainte de se tromper que
les trois principes suivants sont fondamentaux dans
notre système judiciaire: 1) la publicité des débats,
2) la nature contradictoire des procédures et 3)
l'application des règles de justice naturelle, dont le
droit de chaque partie de prendre connaissance de
tout élément pertinent aux fins de la décision du
tribunal.
C'est la combinaison de ces trois principes qui
est à l'origine de la règle voulant que l'audience ne
se déroule pas à huis clos, encore moins en secret,
que les arguments ne soient pas présentés en l'ab-
sence d'une partie et que les parties et leur avocat
ne se voient pas refuser l'accès à des documents
pertinents aux fins de la décision du tribunal.
Comme la plupart des règles, celle-ci n'est pas
absolue. En dépit de leurs réticences, les tribunaux
l'ont en effet adoucie «dans les affaires exception-
nelles où la présence du public [ou, pourrait-on
ajouter dans certains cas, celle de toutes les par
ties] rendrait l'administration de la justice impossi
ble»]. L'un de ces cas exceptionnels est certaine-
ment celui où le litige porte précisément sur la
confidentialité d'un document. Permettre au public
et aux parties d'en prendre connaissance avant que
ne soit tranchée la question de sa divulgation
risquerait fort de rendre le processus totalement
inutile et de compromettre le résultat recherché'.
La pratique suivie en matière de protection de la
confidentialité
Dans les instances où il importe d'assurer la
protection de renseignements confidentiels, l'un
des moyens auxquels les tribunaux ont recours
pour préserver le plus possible la transparence
ainsi que la nature contradictoire du système judi-
ciaire, tout en permettant aux parties de présenter
convenablement leurs arguments, consiste à
6 Procureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c.
Maclntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, à la p. 188, le juge Dickson
[tel était alors son titre].
' Pour une analyse très récente de la règle de la publicité des
débats judiciaires, voir C.D. c. Ministre du Revenu national,
[1991] 2 C. F. 412 (C.A.).
donner aux avocats des parties accès à ces rensei-
gnements sous réserve de diverses conditions dont
l'engagement d'en préserver la confidentialité
même à l'égard de leurs clients'.
Comme l'a fait remarquer le juge Anderson
dans l'arrêt Reichmann, la plus grande partie de la
jurisprudence porte sur des litiges concernant des
brevets ou autres procédés secrets, litiges dans
lesquels les parties étaient des concurrents com-
merciaux directs. Mais dans une espèce où le
caractère confidentiel d'un document de l'adminis-
tration était en cause, on a conclu que [TRADUC-
TION] «c'est une excellente pratique dictée par le
bon sens» que de divulguer aux conseillers juridi-
ques des parties le contenu des documents confi-
dentiels, sous réserve que ceux-ci ne soient pas
divulgués aux parties elles-mêmes'.
Je pourrais ajouter que si cette pratique a de
façon générale trouvé sa justification eu égard aux
principes de justice naturelle et à l'intérêt des
parties, elle s'est également avérée des plus utiles
pour les juges. Les litiges où des documents à
caractère confidentiel sont en cause sont souvent
complexes, que ce soit sur le plan technique
comme en matière commerciale, ou sur le plan
juridique comme dans les affaires soulevant des
questions d'intérêt public. Il est parfois injuste
d'obliger le tribunal à prendre d'importantes déci-
sions en n'ayant entendu qu'une seule version.
Mise à part la pratique suivie par les tribunaux,
le Parlement a suggéré ou imposé diverses techni
ques afin de protéger les renseignements confiden-
tiels. Ces techniques visent aussi bien les procédu-
res judiciaires que non judiciaires, les exigences
variant en fonction du caractère névralgique de la
question en litige. Voici une liste non exhaustive
des techniques mises au point jusqu'à maintenant,
certaines se combinant à l'occasion.
— Pas d'examen des renseignements confidentiels, pas d'audi-
tion devant le tribunal et refus automatique de divulgation:
s Voir Warner-Lambert Co. v. Glaxo Laboratories Ltd.,
[1975] R.P.C. 354 (C.A.), L.J. Buckley, concernant la confi-
dentialité de renseignements en matière de brevets; Reichmann
v. Toronto Life Publishing Co. (1990), 71 O.R. (2d) 719
(H.C.), concernant la confidentialité de renseignements dans
une action en diffamation.
9 In re K. (Infants), [1963] Ch. 381; confirmé sur ce point In
re K. Infants, [1965] A.C. 201 (H.L.), à la p. 221, lord
Evershed.
— Loi sur la preuve au Canada, art. 39(1) (renseigne-
ment confidentiel du Conseil privé)
— Tenue des audiences en secret ((in private»):
— Loi sur le Service canadien du renseignement de
sécurité, art. 48(1) (enquête du comité de surveil
lance)
— Loi sur l'accès à l'information, art. 35(1) (enquête du
Commissaire à l'information)
— Pas de droit d'être présent lorsqu'une autre partie présente
des observations, d'en recevoir communication ou de faire
des commentaires à leur sujet:
— Loi sur le Service canadien du renseignement de
sécurité, art. 48(2) (enquête du comité de surveil
lance)
— Loi sur l'accès à l'information, art. 35(2) (enquête du
Commissaire à l'information)
— Loi sur l'immigration, art. 40.1(4)a) (enquête de
l'agent d'immigration)
— Audiences devant le juge en chef, le juge en chef adjoint
ou un juge désigné:
— Loi sur la preuve au Canada, art. 38(1) (relations
internationales, défense et sécurité nationales)
— Loi sur l'accès à l'information, art. 52(1) (affaires
internationales, défense, activités subversives)
— Loi sur l'immigration, art. 40.1(4) (renseignements
secrets en matière de sécurité ou de criminalité)
— Auditions à huis clos et droit de présenter des arguments
en l'absence d'une autre partie:
— Loi sur la preuve au Canada, art. 38(5), (6) (divulga-
tion de renseignements administratifs)
— Loi sur l'accès à l'information, art. 52(2), (3) (affai-
res internationales, défense, activités subversives)
— Remise d'un résumé des informations:
— Loi sur l'immigration, art. 40.1(4)
— Sur demande de production d'une déclaration dont on
allègue le caractère protégé, le tribunal examine la décla-
ration à huis clos et, s'il conclut que l'intérêt public d'une
bonne administration de la justice a prépondérance sur la
protection conférée à la déclaration, il en ordonne la
production et l'examen, sous réserve des conditions ou
restrictions qu'il juge indiquées:
— Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les acci
dents de transport et de la sécurité des transports,
art. 30(5)
— Auditions à huis clos à la demande d'une partie:
— Loi sur les brevets, art. 20(4)
— Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers, art. 25
— Auditions à huis clos, sauf s'il est démontré que la tenue de
l'enquête en public ne compromettrait pas cette dernière et
que le requérant ne s'en trouverait pas lésé:
— Loi sur l'immigration, art. 29(3)
— Possibilité d'auditions à huis clos:
— Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur,
art. 32
— Loi sur la défense nationale, art. 236(2)
— Loi sur les mesures spéciales d'importation, art.
75(2)
— Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, art. 16
— Possibilité de communiquer des renseignements confiden-
tiels à l'avocat uniquement, sous réserve d'un engagement
à ne pas les divulguer:
— Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur,
art. 45(3)
— Renseignements confidentiels ne pouvant être sciemment
communiqués de manière à pouvoir être utilisés par des
concurrents ou rivaux:
— Loi sur les mesures spéciales d'importation, art.
75(3)
Il est manifeste, à la lecture de ces textes législa-
tifs, que le Parlement a cherché à établir un
équilibre entre la nécessité pour l'État et les par
ties privées de protéger la confidentialité de cer-
tains renseignements et la possibilité pour le public
et les parties au litige de mettre en question la
confidentialité alléguée. Lorsque le Parlement a
jugé que les impératifs étatiques étaient tels qu'ils
exigeaient l'exclusion de toute forme de mise en
question ou l'imposition de sévères restrictions à
l'accès aux renseignements confidentiels en litige,
il n'a pas hésité à légiférer en ce sens. Lorsque le
Parlement a décidé d'imposer une «technique» par-
ticulière, il l'a fait. Lorsque le Parlement a décidé
que les tribunaux pouvaient choisir la «technique»
qui leur apparaissait convenir le mieux, il l'a dit.
Lorsque le Parlement a, dans une même loi,
imposé différentes «techniques» visant différentes
situations, il a, selon toute apparence, voulu qu'une
technique particulière s'applique pour chaque cas
particulier.
L'article 47 de la Loi sur l'accès à l'information
L'article 47, qui n'a de certain que son ambi-
guïté, doit être interprété dans le contexte de
l'ensemble de la Loi, soit dans le contexte d'une loi
dont l'objet, énoncé à l'article 2, est d'élargir l'ac-
cès aux documents de l'administration fédérale «en
consacrant le principe du droit du public à leur
communication, les exceptions indispensables à ce
droit étant précises et limitées et les décisions
quant à la communication étant susceptibles de
recours indépendants du pouvoir exécutif». Dans le
contexte également d'une loi qui écarté expressé-
ment et de façon décisive la nature contradictoire
des débats lorsqu'elle le veut (articles 35 et 52),
qui impose à l'institution fédérale la charge d'éta-
blir le bien-fondé du refus de communication (arti-
cle 48) et où il est prévu spécifiquement et de
façon fort inusitée que les demandeurs déboutés
auront droit aux frais et dépens si leur recours «a
soulevé un principe important et nouveau».
Il convient donc de résoudre toute ambiguïté
décelée à l'article 47 de manière à encourager les
débats contradictoires, à favoriser la partie deman-
dant la communication, à donner tout son sens à la
charge de preuve incombant à l'institution fédérale
et enfin à faire en sorte que le contrôle judiciaire
soit réellement un «recours indépendant[s] du pou-
voir exécutif». Il me serait très difficile d'accorder
quelque crédit à cette charge de preuve ainsi qu'à
ce contrôle indépendant si, dans toutes les procé-
dures intentées sous le régime de l'article 41, la
Cour n'avait pas le pouvoir discrétionnaire d'auto-
riser l'avocat à obtenir, dans les circonstances
appropriées, un certain accès au document en litige
pour lui permettre de débattre du fond de la
demande. La Loi pourrait bien s'avérer inapplica
ble si la Cour était systématiquement à la merci de
ceux dont elle est réputée indépendante et à qui
incombe la charge de la preuve.
De plus, la Loi visant à accroître la visibilité et
l'indépendance du contrôle judiciaire, toute inter-
prétation de l'article 47 qui aurait pour résultat de
lui attribuer le caractère secret dont est entourée
l'enquête du Commissaire à l'information (article
35) ou les procédures intéressant les affaires inter-
nationales, la défense ou les activités subversives
(article 52) ferait violence à son objet expressé-
ment énoncé.
Voir en l'article 47 une règle absolue et univer-
sellement applicable de non-communication à
l'avocat serait oublier que la Loi vise une diversité
de situations, dont celles que mentionne l'article
52: dans certains cas, le responsable d'une institu
tion fédérale «peut refuser la communication» alors
que dans d'autres, il «est tenu de refuser la com
munication». Il existe donc, dans la Loi elle-même,
différents degrés de confidentialité qui invitent à la
flexibilité plutôt qu'à la rigidité.
Le Parlement eût-il voulu empêcher toute forme
de communication à l'avocat au cours du contrôle
judiciaire qu'il aurait pu facilement le dire en
quelques mots. Sinon, pourquoi parler de toutes les
précautions «possibles», pourquoi utiliser le terme
«notamment», y ajouter «si c'est indiqué» et donner
deux exemples — l'audition d'arguments en l'ab-
sence d'une partie et les audiences à huis clos —, si
la Loi vise à imposer à la Cour l'obligation abso-
lue, dans toutes les instances, quel que soit le
document en litige, la partie ou l'avocat, de s'assu-
rer que les renseignements ne seront communiqués
à personne? Si le Parlement n'avait voulu donner à
la Cour d'autre choix que de fermer la porte à
toute forme de communication pendant l'instance,
n'aurait-il pas utilisé à l'article 47 un langage
semblable à celui qu'il a utilisé aux articles 35 et
52 ou dans la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité, ou encore dans la Loi
sur l'immigration?
Le Parlement n'a pas voulu être aussi précis à
l'article 47 qu'aux articles 35 et 52. Il s'est abstenu
d'écarter totalement la publicité des débats et la
nature contradictoire des procédures. Cette réti-
cence à mettre de côté ces principes fondamentaux
appelle une interprétation étroite de la disposition.
Comme l'a affirmé le vicomte Simon dans l'arrêt
Nokes v. Doncaster Amalgamated Collieries
Ld.'°:
[TRADUCTION] Les juges ne peuvent s'autoriser de l'équité
pour s'écarter du texte d'une loi lorsque celui-ci est précis.
Cependant, lorsque le sens de certains termes génériques n'est
pas parfaitement clair et que rien ne permet de croire que le
législateur a voulu qu'il en soit fait une interprétation qui
rendrait le texte dérogatoire aux principes généraux du droit, il
peut être opportun d'en faire une interprétation plus stricte ...
Dans la présente espèce, cette interprétation
étroite est la seule qui soit compatible avec l'objet,
l'économie et le libellé de la loi".
Une autre raison me pousse à conclure que telle
est la bonne interprétation. En l'espèce, comme
dans d'autres affaires où était soulevée la question
de la communication' 2 , l'appelant concède que le
ministre en cause, représenté par le procureur
10 [1940] A.C. 1014 (H.L.), à la p. 1022.
11 Voir Rubin c. Canada (Société canadienne d'hypothèques
et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.), aux p. 271 278, le
juge Heald.
12 Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du
Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (1fe inst:); Robertson et Ministre
de l'Emploi et de l'Immigration (1987), 42 D.L.R. (4th) 552
(C.F. lie inst.); Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de
l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.); Bland c. Canada
(Commission de la Capitale nationale du Canada (1988), 32
(Suite à la page suivante)
général du Canada, a donné son accord ou du
moins ne s'est pas opposé à la communication aux
fins de l'instance. Quoiqu'il soit bien établi que les
tribunaux n'ont pas, dans l'interprétation d'une loi,
à tenir compte d'une pratique administrative allant
à l'encontre de son intention ou de ses exigences, je
suis disposé à me reporter, de façon accessoire, à
une telle pratique lorsqu'elle émane d'une autorité
aussi haute que celle du procureur général du
Canada, lorsqu'elle a été établie à l'occasion d'une
instance judiciaire dans laquelle le procureur géné-
ral joue un rôle actif, lorsqu'elle est pleinement
compatible avec l'objet, l'économie et le libellé de
la Loi et qu'elle confirme une interprétation que
peut raisonnablement recevoir une disposition
empreinte d'ambiguïté".
L'incidence de la Charte
Notre Cour a eu récemment l'occasion d'exami-
ner, dans l'arrêt C.D. c. Ministre du Revenu
national 14 , l'incidence de la Charte sur les disposi
tions législatives et la pratique en matière d'au-
diences à huis clos. Elle y affirme que:
... avec l'adoption de la Charte et, plus précisément, avec la
reconnaissance de la liberté de presse à l'alinéa 2b) de celle-ci,
la publicité des cours est devenue un principe mieux reconnu et
mieux protégé qu'il ne l'était en vertu de la common law.
Comme l'a déclaré le juge Cory dans Edmonton Journal c.
Alberta (P.C.):
Il semblerait alors que les libertés consacrées à l'al. 2b) de la
Charte ne devraient être restreintes que dans les cas les plus
clairs.
(Suite de la page précédente)
Admin. L.R. 69 (C.F. 1" inst.). Voir aussi DMR & Associates
c. Ministre des Approvisionnements et Services (1984), 11
C.P.R. (3d) 87 (C.F. lie inst.), à la p. 88; Piller Sausages &
Delicatessens Ltd. c. Canada (Ministre de l'Agriculture),
[1988] 1 C.F. 446 (lfa inst.), à la p. 457; Air Atonabee Ltd. c.
Canada (Ministre du Transport) (1989), 27 C.P.R. (3d) 180
(C.F. 1 1 e inst.); Burns Meats Ltd. c. Canada (Ministre de
l'Agriculture), C.F. l' inst., T-1140-85, le juge Jerome J.C.A.,
ordonnance en date du 17-1-86, non publié.
13 Voir Paulson v. The King (1915), 52 R.C.S. 317, à la p.
336, le juge Duff; Spooner Oils Ltd. et al. v. The Turner Valley
Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629, la p. 642, le
juge Duff; Bayshore Shopping Centre Limited c. Corporation
of the Township of Nepean et al., [1972] R.C.S. 755, la p.
767, le juge Spence; Maxwell on The Interpretation of Statu
tes, 12' éd. (London: Sweet & Maxwell, 1969), à la p. 264;
P.A. Côté, Interprétation des lois, 2' éd. (Montréal, Yvon
Biais. 1990), aux p. 521 et s.
14 Précité, note 7.
Par conséquent, une disposition législative permettant la tenue
de procédures à huis clos ne sera valide conformément à la
constitution «que dans les cas les plus clairs», soit, pour repren-
dre les mots du juge Dickson dans l'arrêt Maclntyre, «s'il est
nécessaire de protéger des valeurs sociales qui ont préséance.»
En ce sens, je dirais que la Charte a redonné sa dimension
originale au principe de la publicité, si tant est que ce principe
fût dilué par des exceptions d'origine législative.
Certes, je ne doute pas qu'il soit loisible au
Parlement d'opter pour une forme quelconque de
secret dans les affaires concernant des renseigne-
ments confidentiels et qu'il n'appartienne pas aux
tribunaux de réviser le choix ainsi fait, sauf en cas
d'attaque fondée sur la Constitution. Si, cepen-
dant, ce choix a été exprimé en termes ambigus,
les tribunaux ne devraient pas hésiter à «atténuer»
les restrictions imposées et à favoriser l'interpréta-
tion qui restreint le moins la transparence des
débats.
Les ordonnances de confidentialité en Cour
fédérale
L'article 47 n'obligeant pas, selon moi, la Cour à
refuser la communication à l'avocat, la communi
cation conditionnelle m'apparaît constituer l'une
des «précautions» susceptibles d'éviter que des ren-
seignements ne soient divulgués publiquement. La
Cour pouvant s'autoriser du pouvoir ainsi conféré
par la loi, il n'y a pas lieu de s'appuyer, comme le
soutient l'avocat de l'intimé, sur la présumée com-
pétence inhérente de la Cour de contrôler ses
propres procédures 15 et de faire exécuter les enga
gements contractés envers elle 16 ou, de façon plus
générale, sur une présumée compétence inhérente
ou obligation implicite d'assurer que justice soit
faite.
5 Burnell c. La Commission mixte internationale, [1977] 1
C.F. 269 (Ire inst.), aux p. 273 et 274, le juge en chef adjoint
Thurlow.
16 In re K. (Infants), précité, note 9, à la p. 397. (L'avocat de
l'intimé invoque également la compétence inhérente de la Cour
à l'égard de ses propres dossiers, compétence lui conférant en
cette matière «un pouvoir de surveillance et de protection».
Procureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c. Macin-
tyre, [1982] 1 R.C.S. 175, la p. 185, le juge Dickson. Il est
vrai que la Cour fédérale est une cour d'archives (article 3 de la
Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7], mais la
question ne se pose pas en l'espèce parce que le document en
litige n'a pas été versé au dossier de la Cour, la juge saisie de la
requête n'ayant pas demandé à en prendre connaissance. Même
si elle l'avait fait, il n'est pas certain que le document en
question aurait automatiquement fait partie du dossier de la
Cour. La communication du document en litige à l'avocat ne
signifierait pas nécessairement qu'il serait de ce fait versé au
dossier de la Cour.)
Les praticiens auraient certes eu la tâche plus
facile si la Cour avait adopté les règles de pratique
spéciales comme le prescrit l'article 45 de la Loi.
S'il était besoin de se prévaloir d'une disposition
spécifique des Règles de la Cour fédérale [C.R.C.,
chap. 663], indépendamment du pouvoir que con-
fère la loi de prononcer des ordonnances de confi-
dentialité, je m'appuierais sur la Règle 5, celle dite
des «lacunes», et j'adopterais, par analogie, la pra-
tique prescrite à la Règle 1402(8) [mod. par
DORS/90-846, art. 23]' à l'égard des demandes
présentées sous le régime de la Loi sur les mesures
spéciales d'importation et de la Loi sur le Tribu
nal canadien du commerce extérieur, la pratique
des ordonnances conservatoires en matière de
brevets 18 ainsi que la pratique en matière de con-
tre-interrogatoire sur affidavit 19 .
Communication à l'avocat dans les circonstances
appropriées
Bien qu'à mon avis, le Parlement ne soit pas allé
jusqu'à refuser systématiquement la communica-
" Règle 1402....
(8) Nonobstant les autres dispositions de la présente règle,
compte tenu de l'article 29(3) de la Loi anti-dumping et de
l'article 4(10) de la Loi sur la Commission du tarif, lorsque
des copies de documents sont préparées en vertu de la
présente règle pour une demande en vertu de l'article 28
relative à une décision ou ordonnance rendue sous le régime
d'une de ces lois
a) les copies de la transcription de toute audience à huis clos
et de toutes les pièces confidentielles doivent être reliées à
part et porter clairement la mention «confidentiel»;
b) sous réserve de toute directive contraire de la Cour, il ne
doit pas être envoyé plus d'une copie de ces documents
confidentiels à toute partie intéressée et cette copie ne peut
être remise qu'à un avocat de cette partie, après que celui-ci
a fourni à la Cour un engagement écrit
(i) qu'il ne divulguera pas le contenu de cette copie (sauf
aux avocats qui lui sont associés dans son travail) si ce
n'est au cours des débats, suivant les directives de la Cour,
et
(ii) qu'il remettra cette copie au Tribunal anti-dumping ou
à la Commission du tarif, selon le cas, lorsqu'elle ne sera
plus nécessaire aux fins de la demande en vertu de l'article
28; et
c) sous réserve de toute directive contraire de la Cour, le
public ne doit pas avoir accès à ces documents confidentiels.
" Voir Proctor & Gamble Co. et autres c. Kimberly-Clark
of Canada Ltd. (1987), 15 C.I.P.R. 16 (C.F. 1« inst.); mêmes
parties, C.A.F., A-158-88, le juge en chef Iacobucci, jugement
en date du 21-2-89, non publié.
19 Upjohn Inter -American Corporation c. Canada (Ministre
de la Santé nationale et du Bien-être social et Procureur
général) (1987), 14 C.P.R. (3d) 50 (C.F. P' inst.), à la p. 55.
tion à l'avocat dans les instances intentées sous le
régime de la Loi sur l'accès à l'information, il
n'est pas allé non plus jusqu'à permettre systémati-
quement cette communication. Ainsi, en mention-
nant parmi les précautions que la Cour peut pren-
dre «l'audition d'arguments en l'absence d'une
partie», le Parlement devait souhaiter que la com
munication soit refusée dans certains cas.
Dans certains cas, par exemple, la demande de
communication apparaîtra à première vue si fri-
vole ou si extravagante ou d'un caractère explora-
toire si vaste que la Cour sera en mesure de la
rejeter sommairement, sans même avoir pris con-
naissance des renseignements en litige et sans, bien
sûr, en avoir autorisé la communication à l'avocat.
Dans d'autres cas mettant en cause les affaires
internationales, la défense ou des activités subver
sives, le responsable du Ministère se prévaudra des
dispositions de l'article 52 pour demander que les
arguments soient entendus en l'absence d'une
partie.
Dans la plupart des cas, cependant, la Cour
devrait viser à ce que l'avocat ait accès sinon au
document lui-même, du moins à suffisamment de
renseignements pertinents pour lui permettre de
présenter ses arguments. Comme le soutient
Schneiderman 20 , [ TRADUCTION] «la Cour fédérale
du Canada devrait fixer un degré minimum de
communication». L'affaire dont nous sommes
saisis est un bon exemple de ce «degré minimum de
communication». Comme l'a fait remarquer mon
collègue, l'appelant a remis à la Cour et à l'intimé
une copie du Code régissant la conduite des titulai-
res de charge publique en ce qui concerne les
conflits d'intérêts et l'après-mandat, tout en décri-
vant de façon assez complète le type de renseigne-
ments fournis en vertu de ce Code. Dans une
affaire comme celle qui nous occupe, où c'est la
nature des renseignements colligés plutôt que leur
contenu spécifique qui est en litige dans la pour-
suite principale visant la communication des docu-
20 Précité, note 5, à la p. 489.
ments contestés, il n'est pas nécessaire que l'avocat
prenne effectivement connaissance des renseigne-
ments en litige aux fins de préparer convenable-
ment ses arguments. Par conséquent, je suis d'avis
que le juge saisi de la requête a commis une erreur
en permettant que l'avocat ait accès aux docu
ments et j'estime qu'il y a lieu d'accueillir l'appel.
Il faudra examiner les faits de chaque espèce
pour déterminer le «degré minimum de communi
cation». La Cour a le pouvoir de contrôler l'accès
que peuvent avoir les avocats, d'en fixer la portée
et les conditions. Il lui est loisible de refuser l'accès
aux documents eux-mêmes en se bornant, comme
elle aurait dû le faire en l'espèce, à autoriser la
communication d'un résumé ou d'une description
générale des renseignements. La Cour peut per-
mettre la communication partielle ou totale des
renseignements eux-mêmes. Elle peut imposer des
conditions variant selon la nature ou le caractère
névralgique des renseignements, allant de l'examen
des documents, gardés dans un coffre-fort, au
bureau du procureur, jusqu'à leur examen sous
surveillance au Palais de justice. Dans les cas où
l'avocat reçoit accès aux renseignements en litige
eux-mêmes, il devrait prendre l'engagement de ne
pas les divulguer à son client. Lorsque les rensei-
gnements portent une cote de type «secret», seul
l'avocat ayant reçu une autorisation de sécurité
aurait droit de les examiner. Bref, il n'existe pas de
formule magique. Dans chaque cas, l'objectif est
de protéger la confidentialité des renseignements
tout en permettant la tenue d'un débat éclairé sur
la question de leur communication.
Je souhaite aborder un dernier point. Dans la
présente espèce, le juge Reed a permis, à certaines
conditions, que l'avocat ait accès aux documents
en litige, sans les avoir d'abord examinés elle-
même. Or, il s'agit selon moi d'un vice grave. La
Cour ne saurait se convaincre que l'avocat peut
avoir accès aux documents, ni fixer la portée et les
conditions de cet accès, si elle n'a pas procédé
auparavant à l'examen de ces documents. Le con-
sentement de la Couronne n'exempte pas la Cour
de son obligation de protéger la confidentialité et
on ne peut dire que cette dernière a pris judiciaire-
ment «toutes les précautions possibles pour éviter
que des renseignements soient divulgués» si elle a
aveuglément autorisé la communication à l'avocat
de tous les renseignements.
En ce qui concerne l'appel incident, je suis d'avis
que les réponses aux trois groupes de questions
auxquelles il n'a pas été répondu au cours du
contre-interrogatoire de M. Kingsley sont soit inu-
tiles soit non pertinentes eu égard à la poursuite
principale.
L'appel devrait être accueilli et l'appel incident,
rejeté.
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.