A-120-87
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
Guaranty Properties Limited et Forest Glenn
(Dixie) Limited (intimée)
RÉPERTORIÉ: GUARANTY PROPERTIES LTD. c. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Stone, MacGuigan et Desjar-
dins, J.C.A.—Toronto, 23 et 24 avril; Ottawa, 16
mai 1990.
Impôt sur le revenu — Compagnies associées — La nouvelle
cotisation établie au nom d'une société ayant fusionné avec
d'autres sociétés est valide — Le juge de première instance a
commis une erreur dans son analyse de l'art. 87 de la Loi —
Cet article n'établit pas un code applicable aux cas de fusion
— Les conséquences d'une fusion varient en fonction du droit
des sociétés applicable — Aux termes de la Business Corpora
tions Act de l'Ontario, les sociétés remplacées ne cessent pas
d'exister au moment de la fusion — Elles demeurent conjoin-
tement responsables avec la société née de la fusion des
engagements qui étaient les leurs au moment de la fusion.
Il s'agit d'un appel de la décision du juge Rouleau qui a
déclaré invalide une nouvelle cotisation fiscale au motif qu'elle
avait été établie au nom d'une société qui avait fusionné avec
d'autres sociétés sous le régime de la Business Corporations
Act de l'Ontario.
Le juge de première instance a analysé les dispositions de
l'article 87 de la Loi de l'impôt sur le revenu, en particulier
celles de l'alinéa 87(1)b), et a conclu que tous les engagements
d'une société remplacée existant immédiatement avant la fusion
deviennent des engagements de la nouvelle société et que la
première n'a plus d'engagements aux fins de l'impôt sur le
revenu.
L'appelante a soutenu que l'article 87 de la Loi ne constituait
pas un code complet applicable aux cas de fusion et que les
conséquences d'une fusion variaient en fonction du droit des
sociétés. Elle a affirmé que lorsqu'une fusion était effectuée aux
termes de la loi fédérale ou de la loi ontarienne, les sociétés
remplacées ne cessaient pas d'exister et aucune entité nouvelle
n'était créée.
L'intimée a soutenu qu'aux fins de l'impôt sur le revenu, le
libellé de l'article 87 de la Loi allait à l'encontre de ce principe
général du droit des sociétés.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
La nouvelle cotisation était valide. L'article 87 n'a pas pour
objet d'établir un code applicable aux cas de fusion. Les
sociétés remplacées dans le cadre d'une fusion ne cessent pas
d'exister, mais demeurent conjointement responsables avec la
société née de la fusion des engagements qui étaient les leurs au
moment de la fusion. La principale répercussion de l'alinéa
87(2)a) est qu'aux fins de l'impôt sur le revenu, la société née
de la fusion est réputée être un nouveau contribuable dont
l'année d'imposition commence à la date de la fusion. L'alinéa
87(1)b) ne signifie pas nécessairement que les engagements
sont transférés au moment de la fusion.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art.
851(2)a) (mod. par S.C. 1958, chap. 32, art. 35).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 87(1) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 51;
1979, chap. 5, art. 28), 87(2)a),w) (mod. par S.C.
1977-78, chap. 1, art. 42(3)), jj) (mod. par. S.C. 1979,
chap. 5, art. 28(2)).
Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, chap.
C-32, art. 137.
Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, S.C.
1974-75-76, chap. 33 (mod. par. S.C. 1978-79,
chap. 9).
The Business Corporations Act, R.S.O. 1970, chap. 53,
art. 197(4) (mod. par S.O. 1979, chap. 36, art. 16).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Witco Chemical Co. c. Ville d'Oakville et autres, [1975]
1 R.C.S. 273; (1974), 43 D.L.R. (3d) 413; 1 N.R. 453; R.
c. Black & Decker Manufacturing Co. Ltd., [1975] 1
R.C.S. 411; (1974), 43 D.L.R. (3d) 393; 15 C.C.C. (2d)
193; 13 C.P.R. (2d) 97; 1 N.R. 299; infirmant Re Black
and Decker Manufacturing Co. Ltd. and The Queen,
[1973] 2 O.R. 460; (1973), 34 D.L.R. (3d) 308; 11
C.C.C. (2d) 470; 10 C.P.R. (2d) 154 (C.A. Ont.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Stanward Corp. v. Denison Mines Ltd., [1966] 2 O.R.
585; (1966), 57 D.L.R. (2d) 674 (C.A. Ont.); Mattabi
Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2
R.C.S. 175; (1988), 53 D.L.R. (4th) 656; [1988] 2
C.T.C. 294; 87 N.R. 300; 29 O.A.C. 268; Scott v.
M.N.R. (1966), 66 DTC 306 (C.A.I.).
DÉCISIONS CITÉES:
Fawcett & Grant Ltd. v. M.N.R. (1965), 65 DTC 313
(C.A.I.); Guaranty Properties Ltd. c. Canada, [1987] 2
C.F. 292; [1987] 1 C.T.C. 242; (1987), 87 DTC 5124; 9
F.T.R. 17 (I fe inst.); Palmer-McLellan (United) Ltd. v.
M.N.R. (1967), 67 DTC 323 (C.A.I.); Palmer-McLellan
(United) Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 1
R.C.É. 107; [1968] C.T.C. 448; (1968), 68 DTC 5304.
AVOCATS:
J. S. Gill, c.r. et S. Patricia Lee pour
l'appelante.
John P. G. Bell et J. Paul R. Howard pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous -procureur général du Canada pour
l'appelante.
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto,
pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: La question à
résoudre en l'espèce est celle de savoir si la nou-
velle cotisation établie au nom d'une société ayant
fusionné avec d'autres sociétés pour former une
nouvelle entité est nulle.
Le juge de première instance a rendu une déci-
sion en ce sens le 11 février 1987 [[1987] 2 C.F.
292 (ire inst.)] et le ministre du Revenu national
(«le ministre»), n'ayant pu modifier la nouvelle
cotisation parce que le délai de quatre ans prévu
dans la loi avait expiré avant qu'il ne soit mis au
courant du problème, a interjeté appel devant cette
Cour pour les deux motifs suivants: (1) l'avis de
nouvelle cotisation était valable en droit, et (2)
subsidiairement, il était modifiable parce que l'er-
reur ne causait aucun préjudice à l'intimé.
Les principaux faits, tirés de l'exposé conjoint
des faits (Dossier d'appel, Vol. I, aux pages 23 à
25), sont les suivants: (1) la société Forest Glenn
(Dixie) Limited (appelée «Dixie» par les parties) a
été constituée en société en 1963; (2) le ministre a
envoyé, en 1977, un avis de cotisation pour l'année
d'imposition en litige, soit l'année 1976; (3) le 31
mai 1978, Dixie et plusieurs autres sociétés ont
fusionné conformément aux lois de la province de
l'Alberta pour former la société Forest Glenn
(Dixie) Limited (appelée «Forest Glenn» par les
parties afin de la distinguer de son homonyme
Dixie); (4) le 28 novembre 1980, une deuxième
fusion a eu lieu, cette fois-ci entre Forest Glenn et
trois autres sociétés conformément aux lois de
l'Ontario, pour former la société Guaranty Proper
ties Limited («Guaranty Properties»); (5) le minis-
tère de la Consommation et des Relations commer-
ciales de l'Ontario a fait parvenir au ministre copie
des statuts de fusion le même jour, et toutes les
déclarations d'impôt subséquentes de Forest Glenn
et de Guaranty Properties ont clairement fait état
de la fusion mais, pour une raison où pour une
autre, les fonctionnaires du ministre qui ont traité
la déclaration d'impôt de Dixie pour l'année 1976
n'ont jamais appris l'existence de la deuxième
fusion; par conséquent (6) l'avis de nouvelle cotisa-
tion du ministre en date du 23 juin 1981, qui
faisait suite à l'établissement de la nouvelle cotisa-
tion de l'impôt à payer par Dixie pour l'année
d'imposition 1976, ainsi que l'avis de ratification
de cette nouvelle cotisation daté du 25 février
1982, ont été envoyés à Forest Glenn puisque l'on
ignorait tout de la deuxième fusion. Si la situation
ne s'est pas répétée pour les déclarations d'impôt
de Dixie concernant les années d'imposition 1977
et 1978 (année abrégée), c'est uniquement parce
que le ministre a appris en temps opportun qu'il
fallait envoyer ces nouvelles cotisations à Guaranty
Properties dans le délai prescrit.
Les dispositions législatives pertinentes figurent
au paragraphe 87(1) [mod. par S.C. 1974-75-76,
chap. 26, art. 51; 1979, chap. 5, art. 28] et à
l'alinéa 87(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, chap. 63 («la Loi»):
87. (1) Dans le présent article, fusion signifie l'unification de
deux ou plusieurs corporations dont chacune était, immédiate-
ment avant l'unification, une corporation canadienne imposable
(chacune de ces corporations étant appelée dans le présent
article une «corporation remplacée») destinée à former une
entité constituée (appelée dans le présent article la «nouvelle
corporation») de façon que
a) tous les biens (à l'exception des sommes à recevoir d'une
corporation remplacée ou des actions du capital-actions d'une
corporation remplacée) appartenant aux corporations rem-
placées immédiatement avant l'unification deviennent des
biens de la nouvelle corporation en vertu de l'unification,
b) tous les engagements (à l'exception des sommes payables à
une corporation remplacée) des corporations remplacées,
existant immédiatement avant l'unification, deviennent des
engagements de la nouvelle corporation en vertu de l'unifica-
tion, et
c) tous les actionnaires (à l'exception de toute corporation
remplacée) des corporations remplacées, existant immédiate-
ment avant l'unification, reçoivent des actions de la nouvelle
corporation en vertu de l'unification,
autrement qu'à la suite de l'acquisition de biens d'une corpora
tion par une autre corporation, de l'achat de ces biens par
l'autre corporation ou de l'attribution de ces biens à l'autre
corporation lors de la liquidation de la corporation.
(2) Lorsqu'il y a eu fusion de deux ou plusieurs corporations
après 1971, les règles suivantes s'appliquent:
a) aux fins de la présente loi, l'entité constituée née de la
fusion est réputée être une nouvelle corporation dont la
première année d'imposition est réputée avoir commencé à la
date de la fusion et l'année d'imposition d'une corporation
remplacée, qui se serait autrement terminée après la fusion,
est réputée s'être terminée immédiatement avant la fusion;
L'analyse et la conclusion du juge de première
instance sont les suivantes (aux pages 303 à 305):
L'article 87 de la Loi de l'impôt sur le revenu vise à énoncer
les règles applicables lorsqu'il y a fusion de deux ou plusieurs
corporations canadiennes. En matière d'impôt sur le revenu,
l'article 87 de la Loi constitue un code complet applicable aux
cas de fusion. Cet article tend généralement à traiter la corpo
ration née de la fusion comme la continuation des corporations
remplacées pour ce qui est des avoirs, des responsabilités, des
surplus et des autres comptes visant des fins fiscales. Toutefois,
la corporation issue de la fusion est, pour la plupart des fins
visées par la Loi, une nouvelle corporation, bien que, dans
certains cas limités, la corporation issue de la fusion soit
réputée être la continuation d'une corporation remplacée.
Le paragraphe 87(1) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26,
art. 51(1); 1979, chap. 5, art. 28(1)] définit la fusion aux fins
de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit essentiellement
d'une opération de société et chacune des lois des compagnies
provinciales ainsi que la législation fédérale sur les corporations
prévoient les fusions. Bien que la définition de fusion pour les
fins de l'impôt sur le revenu englobe la plupart des fusions
prévues par législation, il faut se rappeler que cette définition
ne se trouve pas dans les lois fédérales et provinciales sur les
corporations. Le paragraphe 87(1) définit les fusions comme
suit:
Les avocats des deux parties demandent à la Cour de con-
clure que Forest Glenn ou bien a cessé d'exister ou bien n'a pas
cessé d'exister au moment de la seconde fusion qui a eu lieu le
28 novembre 1980. Ayant examiné soigneusement les argu
ments et les observations des deux parties, j'estime que la
question de savoir si, par suite d'une fusion les corporations
remplacées cessent d'exister aux fins de la Loi de l'impôt sur le
revenu ne constitue pas le point litigieux en l'espèce.
Le facteur clé en l'espèce réside dans le traitement réservé
par la Loi de l'impôt sur le revenu aux engagements des
corporations remplacées. La définition de la fusion susmention-
née donnée par le paragraphe 87(1), et en particulier l'alinéa
exige que tous les engagements d'une corporation remplacée
existant immédiatement avant l'unification deviennent des
engagements de la nouvelle corporation. Autrement dit, que la
corporation remplacée continue d'exister ou non, il est évident
qu'elle n'a plus d'engagements, du moins aux fins de l'impôt sur
le revenu. Donc, pour qu'une opération ait le caractère d'une
fusion au sens du paragraphe 87(1), la corporation née de la
fusion doit assumer tous les engagements de la corporation
remplacée.
En conséquence, antérieurement à la fusion du 28 novembre
1980, il ne fait pas de doute que c'est Forest Glenn qui était
responsable de la nouvelle cotisation de Dixie pour l'année
d'imposition 1976. Forest Glenn avait assumé cette responsabi-
lité au moment de la première fusion qui a eu lieu le 31 mai
1978. Par la suite, Dixie n'avait plus d'engagements aux fins de
l'impôt sur le revenu. De même, au moment de la deuxième
fusion qui a eu lieu le 28 novembre 1980, Guaranty Properties
avait assumé tous les engagements de Forest Glenn, dont la
nouvelle cotisation de Dixie pour l'année d'imposition 1976. Il
importe peu de savoir si Forest a cessé ou n'a pas cessé d'exister
en tant qu'entité juridique. En réalité, la fusion, qui répondait à
la définition de la fusion donnée par le paragraphe 87(1) de la
Loi, a fait que, comme le prévoit l'alinéa 87(1)b), tous les
engagements de la corporation remplacée, Forest Glenn, exis-
tant immédiatement avant l'unification sont devenus des enga
gements de la nouvelle corporation, Guaranty Properties, en
vertu de l'unification. Donc, après le 28 novembre 1980, on ne
saurait imputer à Forest Glenn la responsabilité de la nouvelle
cotisation de Dixie pour l'année d'imposition 1976. À mon avis,
c'est ce que vise la Loi de l'impôt sur le revenu pour ce qui est
des fusions.
En conséquence, je conviens avec les demanderesses que la
seule partie qui puisse faire l'objet d'une nouvelle cotisation
pour l'année d'imposition 1976 de Dixie après le 28 novembre
1980 était Guaranty Properties.
L'appelante a prétendu que le juge de première
instance a commis une erreur en concluant que
l'article 87 de la Loi constituait un code complet
applicable aux cas de fusion et a soutenu qu'il
fallait interpréter cet article dans le contexte du
droit des sociétés général relatif aux fusions.
Il a été dit qu'en matière de droit des sociétés,
les conséquences d'une fusion varient en fonction
du ressort où elles ont lieu. Dans des provinces
comme le Québec et le Manitoba, les sociétés
remplacées cessent d'exister au moment de la
fusion et la nouvelle entité qui naît de la fusion est
distincte des sociétés ainsi remplacées: Fawcett &
Grant Ltd. v. M.N.R. (1965), 65 DTC 313
(C.A.I.). Toutefois, lorsque la fusion est effectuée
aux termes de la Loi sur les sociétés commerciales
canadiennes [S.C. 1974-75-76, chap. 33 (mod. par
S.C. 1978-79, chap. 9) ou de la Business Corpora
tions Act de l'Ontario [R.S.O. 1970, chap. 53], il
semblerait qu'aucune entité «nouvelle» ne soit
créée et que les sociétés remplacées ne cessent pas
d'exister. Deux décisions de la Cour suprême du
Canada rendues le même jour ont été citées à
l'appui de cet argument: Witco Chemical Co. c.
Ville d'Oakville et autres, [1975] 1 R.C.S. 273; et
R. c. Black & Decker Manufacturing Co. Ltd.,
[1975] 1 R.C.S. 411.
Dans l'arrêt Black & Decker, il s'agissait d'une
fusion en vertu de l'article 137 de la Loi sur les
corporations canadiennes, S.R.C. 1970, chap.
C-32, qui prévoit en partie que:
137. (1) Deux ou plus de deux compagnies, auxquelles
s'applique la présente Partie, peuvent fusionner et continuer
comme une seule et même compagnie.
(13) Dès l'émission de lettres patentes prévue par le paragra-
phe (11), la convention de fusion a pleine vigueur et effet et
a) les compagnies constituantes sont fusionnées et poursui-
vent leur activité comme une seule et même compagnie (au
présent article appelée «compagnie née de la fusion»), sous le
nom, avec le capital autorisé et en vue des objets que fixe la
convention de fusion; et
b) la compagnie née de la fusion possède tous les biens,
actifs, prérogatives et concessions de chacune des compagnies
constituantes, et elle est assujettie à tous les contrats et
engagements, et est liée par toutes les dettes et obligations,
de chacune d'entre elles.
(14) Les droits des créanciers à l'encontre des biens, des
droits, des actifs, des prérogatives et des concessions d'une
compagnie née d'une fusion sous le régime du présent article et
les privilèges sur les biens, les droits, les actifs, les prérogatives
et les concessions ne sont nullement atteints par la fusion; les
dettes, les contrats, les passifs et les fonctions de la compagnie
deviennent tous, dès lors, ceux de la compagnie née de la fusion
et peuvent être exécutés contre elle.
Dans cette affaire, la Cour suprême a infirmé la
décision de la Cour d'appel de l'Ontario [[1973] 2
O.R. 460] et a expliqué cet article de la façon
suivante (le juge Dickson, alors juge puîné, aux
pages 416 à 418):
[I]1 semble que la Cour ait accepté, comme première prémisse,
la proposition que la «nouvelle» compagnie, c'est-à-dire la com-
pagnie née de la fusion, est une entité différente, séparée et
distincte des «anciennes» compagnies, c'est-à-dire les compa-
gnies constituantes. La question de savoir si la fusion crée ou
fait disparaître une, entité constituée en corporation dépend
évidemment des termes de la loi applicable mais à la lecture de
la Loi, en particulier de l'art. 137, et considérant les fins qu'une
fusion est supposée atteindre, il me semble qu'à la suite d'une
fusion réalisée en vertu de la Loi sur les corporations canadien-
nes aucune «nouvelle» compagnie n'est créée et aucune
«ancienne» compagnie ne disparaît. La Loi sur les corporations
canadiennes n'énonce rien de semblable et les considérations
suivantes me semblent à mon avis nier une telle conclusion: (i)
le mot clé de l'art. 137 est manifestement le mot «continuer»
(continue). Ce terme signifie [TRADUCTION] «subsister ou
rester dans son état actuel» — Shorter Oxford English Dictio
nary. Les compagnies «sont fusionnées et poursuivent leur
activité (continue) comme une seule et même compagnie», ce
qui est tout à fait le contraire de la notion de disparition des
compagnies constituantes ou de leur continuation sous une
forme tronquée; (ii) l'énoncé, à l'art. 137, par. (13), al. b),
d'après lequel la «compagnie née de la fusion possède tous les
biens, .. .» Si la naissance ou la disparition d'une corporation
avait été envisagée, on aurait pu s'attendre à trouver, dans la
loi, quelques dispositions sur le transfert ou la cession ou la
transmission des actifs et non simplement le mot «possède»,
lequel renforce le concept de continuité; ... (vi) si le Parlement
avait voulu dire qu'une compagnie, par le simple fait de fusion-
ner avec une autre compagnie, peut se libérer de l'obligation de
rendre compte d'actes faits en contravention du Code criminel
ou de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ou de la
Loi de l'impôt sur le revenu, je ne puis que penser qu'un autre
énoncé, plus clair que celui que nous trouvons actuellement
dans la Loi sur les corporations canadiennes, serait nécessaire.
En infirmant la décision de la Cour d'appel, la
Cour suprême a souscrit à l'opinion exprimée par
le juge d'appel Kelly de la même Cour dans l'arrêt
Stanward Corp. v. Denison Mines Ltd., [1966] 2
O.R. 585 (C.A.), à la page 592:
[TRADUCTION] Nous sommes ici en présence d'une compa-
gnie née d'une fusion dans laquelle, simultanément, deux com-
pagnies constituantes ont fusionné, apportant leurs actifs et
leurs passifs. Aux termes de cette fusion et de par sa mise à
exécution statutaire, on peut dire, de façon générale, que la
compagnie née de la fusion a acquis les actifs et assumé les
passifs des deux compagnies composantes;
L'art. 96 dit, très clairement, à mon avis, que les deux compa-
gnies constituantes continuent d'exister comme une seule et
même compagnie. Bien qu'il soit difficile de saisir avec exacti
tude en quoi consiste la métamorphose qui intervient, il est de
la compétence de la législature de prévoir que deux choses
jusqu'alors distinctes continueront à l'avenir comme une seule
entité.
Dans son analyse des différentes façons dont les
sociétés peuvent se regrouper, le juge Dickson a
dit, à la page 421:
[D] ans une fusion on recherche un résultat différent et on
adopte des mécanismes juridiques différents, généralement
dans le but exprès d'assurer la continuité d'existence des com-
pagnies constituantes. Le facteur qui motive cette recherche
peut être la Loi de l'impôt sur le revenu ou des difficultés
pouvant survenir lors de transferts d'actifs si l'absorption se
faisait par l'achat de biens ou d'actions. Mais quel que soit le
motif, le résultat final est de se coaliser de manière à créer un
tout homogène. Certains ont proposé des analogies avec la
rivière qui part du confluent de deux cours d'eau, ou avec le
cordage unique que forme l'entrelacement des différents torons.
Il a ensuite conclu, à la page 422:
Bien interprétée, la loi a pour effet de permettre aux compa-
gnies constituantes de subsister dans leur intégralité au sein de
la compagnie née de la fusion, avec toutes leurs forces et leurs
faiblesses, leurs qualités et leurs défauts ainsi que leurs péchés,
lorsqu'elles sont pécheresses. Les lettres patentes de fusion ne
donnent pas l'absolution.
C'est cette notion de «compagnies constituantes
[qui subsistent] dans leur intégralité au sein de la
compagnie née de la fusion» (que la Cour suprême
du Canada a également appliquée à la Business
Corporations Act de l'Ontario, R.S.O. 1970, chap.
53, dans une opinion incidente exprimée dans l'ar-
rêt Witco) qui est devenue l'assise des arguments
de l'appelante.
L'intimée n'a pas nié (à bon droit, selon moi)
que l'appelante avait raison [TRADUCTION] «du
strict point de vue du droit des sociétés», mais a
soutenu que le libellé de l'article 87 de la Loi de
l'impôt sur le revenu allait à l'encontre de ce
principe général. du droit des sociétés. Afin
d'étayer cet argument, l'intimée a porté à l'atten-
tion de la Cour le bulletin d'interprétation IT-474
du 30 mars 1981 publié par le ministère du
Revenu, Impôt («le Ministère»), en particulier les
paragraphes suivants (Dossier d'appel, Vol. II, aux
pages 171 et 176):
Nouvelle corporation
10. Nonobstant le droit commercial qui, dans la plupart des
administrations, stipule que la personne morale découlant d'une
fusion est la continuité d'une corporation remplacée, plutôt
qu'une nouvelle corporation, l'alinéa 87(2)a) stipule qu'une
telle entité est réputée être une nouvelle corporation aux fins de
la Loi. Un certain nombre des points discutés ci-après décou-
lent de cette disposition de présomption. Lorsque, à cause de
l'alinéa 87(2)a), surviennent des conséquences imprévues, défa-
vorables au contribuable, la Direction des décisions concernant
les corporations du Ministère est disposée à déterminer pour
chaque cas individuellement si un allégement est opportun.
Oppositions, appels et remboursements
30. Lorsqu'une corporation remplacée a reçu un avis de cotisa-
tion avant la fusion et
a) qu'elle a produit un avis d'opposition avant la fusion, la
nouvelle corporation possède tout droit découlant de la pro
duction d'un avis d'opposition et peut interjeter appel à la
Cour canadienne de l'impôt ou à la Cour fédérale dans les
délais prescrits aux articles 169 ou 172, ou
b) qu'elle a entamé un appel avant la fusion, la nouvelle
corporation peut poursuivre l'appel.
31. Lorsque la cotisation ou la nouvelle cotisation de la corpora
tion remplacée est établie après la fusion, l'avis de cotisation
sera émis à la nouvelle corporation et cette dernière aura, au
même titre que la corporation remplacée, le droit de produire
un avis d'opposition et de porter la cotisation en appel.
32. Les remboursements de l'impôt payé par la corporation
remplacée, effectués après la fusion, seront envoyés à la nou-
velle corporation.
L'intimée s'est également appuyée sur le témoi-
gnage du vérificateur du Ministère qui a établi la
nouvelle cotisation et qui, s'il avait connu l'état des
choses, l'aurait fait au nom de Guaranty Proper
ties au lieu de Forest Glenn (Transcription, aux
pages 72 et 73):
Q. Allons au coeur du problème, M. Delavigne.
Si vous aviez été au courant le 23 juin de la fusion de
novembre 1980, vous n'auriez pas établi une nouvelle
cotisation au nom de Forest Glenn, n'est-ce pas?
R. Non.
Q. Vous l'auriez établie au nom de Guaranty Properties,
n'est-ce pas?
R. C'est exact.
Q. Parce que c'est la façon dont on vous demande de procé-
der, n'est-ce pas?
R. Oui.
Q. C'est ce que dit le bulletin d'interprétation, n'est-ce pas?
R. Oui.
Q. Vous savez que le bulletin d'interprétation précise que:
[TRADUCTION] «Nonobstant les dispositions législatives
applicables dans la province, une nouvelle société est
réputée exister au moment d'une fusion, aux fins de la
Loi de l'impôt sur le revenu.»
Est-ce exact?
R. Oui.
Q. Et on vous dit de ne pas fixer de nouvelle cotisation pour
la société remplacée, n'est-ce pas?
R. On nous dit d'établir la nouvelle cotisation en nous fiant
au contenu du bulletin d'interprétation.
Q. On vous dit de ne pas établir de nouvelle cotisation au
nom de la société remplacée, n'est-ce pas?
R. Oui.
Pour étayer son usage de la politique adminis
trative et son interprétation, l'intimée s'est
appuyée sur la jurisprudence, comme l'a exposée
récemment le juge Wilson de la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt Mattabi Mines Ltd. c. Onta-
rio (Ministre du revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, aux
pages 195 et 196:
Pour résoudre ce litige, il est capital de saisir l'effet juridique
de la pratique administrative rendue publique dans les bulletins
d'interprétation. Comme je l'ai déjà souligné, ces bulletins n'ont
pas force obligatoire en matière d'interprétation des lois fisca-
les. Comme le juge Cattanach l'a dit dans la décision Southside
Car Market Ltd. c. La Reine, [1982] 2 C.F. 755 (D.P.I.), à la
p. 770, «[u]ne [...1 interprétation ne constitue pas le droit
avant d'être ainsi interprétée par un tribunal compétent». Le
même juge a souligné dans la décision Stickel c. Ministre du
Revenu national, [1972] C.F. 672 (D.P.I.), à la p. 684, que
«[l]e sous-ministre n'a pas le pouvoir de légiférer». Les bulletins
d'interprétation ont cependant une certaine force persuasive
lorsqu'il existe une ambiguïté dans la loi.
Il est donc nécessaire de s'attarder aux disposi
tions de la Loi, en particulier au libellé de
l'article 87.
En l'occurrence, l'intimée s'est largement fondée
sur le début de l'alinéa 87(2)a), qui est ainsi
formulé: «a) aux fins de la présente loi, l'entité
constituée née de la fusion est réputée être une
nouvelle corporation». À son avis, il en découle
logiquement que si la Loi considère l'entité née de
la fusion comme une nouvelle corporation aux fins
de la Loi, elle doit également considérer que les
corporations qui ont fusionné pour former la nou-
velle société ont cessé d'exister aux fins de la Loi.
Comme l'article 87 contient certaines autres
dispositions créant une présomption qui prévoient
expressément que les sociétés remplacées conti-
nuent d'exister sous la forme d'une nouvelle entité,
on a fait valoir qu'à moins de disposition expresse
dans l'article 87, les sociétés remplacées lors de la
fusion cessent d'exister pour les fins de l'impôt. Or
l'établissement d'une nouvelle cotisation pour une
société remplacée n'est prévu dans aucune de ces
«dispositions qui en continuent l'existence».
L'intimée s'appuie sur la décision rendue par la
Commission d'appel de l'impôt dans l'affaire Scott
v. M.N.R. (1966), 66 DTC 306, à la page 308,
dans laquelle le vice-président Fordham' a dit,
après avoir énoncé la version antérieure de l'alinéa
87(2)a) [851(2)a), S.R.C. 1952, chap. 148 (mod.
par S.C. 1958, chap. 32, art. 35) de la Loi:
[TRADUCTION] [B]ien que la loi provinciale prévoie le con-
traire et aussi difficile que cela puisse paraître, notre législation
fiscale fédérale stipule expressément que le résultat d'une
fusion est présumé être une nouvelle société. Le terme présumé
semble être un verbe fort prisé dans la législation fiscale. On
considère que sa signification est concluante et qu'il est à l'abri
de toute tentative visant à en modifier la portée. Son emploi
dans la Loi montre encore une fois que noir peut vouloir dire
blanc si le législateur en décide ainsi.
L'intimée a également tenté de s'appuyer sur l'ar-
rêt Fawcett & Grant précité, mais il est question
des lois du Québec dans cette affaire, et je consi-
dère que leur libellé est trop différent de celui de
l'article 87 pour être d'une aide quelconque.
Malheureusement pour l'analyse que fait l'inti-
mée de l'alinéa 87(2)a), il me semble que l'objectif
que le législateur avait à l'esprit n'était pas de
mettre fin aux sociétés remplacées, mais simple-
ment de leur attribuer une fin d'année présumée et
d'attribuer à la nouvelle société un nouveau début
d'année présumé. Les mots «est réputée être une
nouvelle corporation» sont immédiatement suivis
de la proposition subordonnée «dont la première
année d'imposition est réputée avoir commencé à
la date de la fusion», qui m'apparaît avoir un
caractère définitoire ou restrictif, et avoir pour
effet de limiter le sens de la proposition principale
' L'appelante a tenté de réfuter cette décision de la Commis
sion d'appel de l'impôt avec la décision que le vice-président
Fordham a ensuite rendue dans l'affaire Palmer -McLellan
(United) Ltd. v. M.N.R. (1967), 67 DTC 323, à la p. 325, mais
à mon sens, les remarques de ce dernier dans cette affaire sont
loin de révéler son intention d'infirmer son interprétation de
l'année précédente.
au concept exprimé par les deux propositions. La
société née de la fusion est réputée être nouvelle en
ce sens que sa première année d'imposition com
mence à la date de la fusion. Si le législateur avait
voulu prévoir une disposition non définitoire ou
non restrictive, il aurait à tout le moins fallu qu'il
mette une virgule après les mots «une nouvelle
corporation» ou bien qu'il modifie la syntaxe 2 . La
principale répercussion de l'alinéa 87(2)a) est donc
qu'aux fins de l'impôt sur le revenu, la société née
de la fusion est réputée être un nouveau contribua-
ble dont l'année d'imposition commence à la date
de la fusion. En résumé, rien dans cet alinéa ne
révèle l'intention du législateur de considérer que
la société ainsi remplacée a cessé d'exister, et rien
ne permet encore moins de dire qu'elle doit être
exemptée du paiement de l'impôt sur le revenu
dont elle était redevable avant la date de la fusion.
Il est également permis de conclure que cet
alinéa — et même l'article tout entier — a trait au
calcul du revenu vu qu'il figure dans la Section B
de la Partie I de la Loi, qui porte sur le calcul du
revenu, contrairement à la Section A, qui porte sur
l'assujettissement à l'impôt. Comme l'appelante l'a
mentionné, c'est la Section A (article 2 de la Loi)
qui assujettit les contribuables à l'impôt sur le
revenu.
L'article 87 s'applique seulement lorsqu'une
fusion met en cause des «corporations canadiennes
imposables» et respecte les trois conditions prévues
au paragraphe 87(1) («de façon que»). Comme ce
paragraphe, de par son libellé, ne s'applique pas à
toutes les fusions, mais à certaines d'entre elles
seulement, il me semble évident que la notion de
fusion sur laquelle elle repose provient d'ailleurs,
c'est-à-dire qu'elle ne peut provenir que du droit
des sociétés applicable aux sociétés en question.
Apparemment (les deux parties ont affirmé ce
point, mais ni l'une ni l'autre ne l'a fait valoir), les
sociétés remplacées cessent d'exister au Québec
dès la création de la nouvelle entité; cette dernière
est donc distincte des premières. Toutefois, dans
l'arrêt Witco, qui incorpore le raisonnement
énoncé dans l'arrêt Black & Decker, on précise
qu'en vertu de la Business Corporations Act de
l'Ontario, la société née de la fusion n'est pas une
2 Mon analyse de la version française de la disposition donne
le même résultat.
entité distincte et les sociétés remplacées ne ces-
sent pas d'exister.
Il convient de souligner que les premiers mots du
paragraphe 87(1) ont pour effet d'en limiter la
portée au seul article 87 («Dans le présent arti
cle»), ce qui tendrait à nier l'intention du législa-
teur de créer un code complet applicable aux cas
de fusion pour les fins de l'impôt sur le revenu. Les
termes moins restrictifs «aux fins de la présente
loi» qui figurent à l'alinéa 87(2)a) ne permettent
pas de donner un sens plus large aux premiers
mots du paragraphe 87(1). On doit plutôt considé-
rer qu'ils légitiment l'emploi des années d'imposi-
tion présumées qui y sont reconnues pour tous les
calculs effectués en vertu de la Loi.
Il convient également de souligner que le verbe
«devenir» employé à l'alinéa 87(1)b) («tous les
engagements ... des corporations remplacées, exis-
tant immédiatement avant l'unification, devien-
nent des engagements de la nouvelle corporation
en vertu de l'unification») ne signifie pas nécessai-
rement que les engagements sont transférés, mais a
plutôt le sens de prendre naissance, sans qu'on
puisse savoir si la source de ces engagements en
demeure aussi responsable'.
Je dirais donc que l'article 87 de la Loi n'a pas
pour objet d'établir un code applicable aux cas de
fusion, et qu'en ce qui a trait au paragraphe
197(4) de la Business Corporations Act de l'Onta-
rio, R.S.O. 1970, chap. 53, modifiée par S.O.
L'appelante s'est fondée sur la décision rendue par le juge
Thurlow (alors juge puîné) dans l'affaire Palmer -McLellan
(United) Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 1 R.C.É.
107, à la p. 114. Dans la mesure où cet arrêt s'applique en
l'espèce, il joue en faveur de l'appelante, mais sa pertinence est
trop indirecte pour qu'il soit d'une aide quelconque.
L'appelante a également porté à l'attention de la Cour
l'alinéa 87(2)w) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 42(3)] de
la Loi, qui précise qu'nune perte agricole restreinte d'une
corporation remplacée, pour une année d'imposition, n'est pas
déductible lors du calcul du revenu imposable de la nouvelle
corporation», disposition qui serait inutile, selon elle, si la
société remplacée et la société née de la fusion étaient des
personnes morales distinctes. L'intimée a fait valoir un argu
ment au contraire en invoquant l'alinéa 87(2)jj) [mod. par S.C.
1979, chap. 5, art. 28(2)], aux termes duquel «la nouvelle
corporation est réputée être la même corporation que chacune
des corporations remplacées et est réputée être la continuation
de chacune d'elles» relativement aux intérêts sur certaines
obligations. Ces prétentions tendent à s'annuler mutuellement.
1979, chap. 36, art. 16, tel qu'il a été interprété
par les tribunaux'', les sociétés remplacées dans le
cadre d'une fusion ne cessent pas d'exister mais
demeurent conjointement responsables avec la
société née de la fusion des engagements qui
étaient les leurs au moment de la fusion.
Compte tenu de ma décision sur cette question,
il m'apparaît inutile d'examiner l'argument subsi-
diaire de l'appelante.
L'intimée a demandé à la Cour de ne pas adju-
ger les dépens si elle donnait raison à l'appelante
sur le fond, car la Cour rendrait alors jugement
contre le Ministère et sa conduite antérieure basée
sur sa pratique et son interprétation administrati-
ves. Toutefois, cette considération est contrebalan-
cée dans mon esprit par le fait que les motifs
initiaux d'opposition de Forest Glenn à l'avis de
nouvelle cotisation du ministre ne font aucunement
état de la question relative à l'article 87 soulevée
en l'espèce.
J'accueillerai donc l'appel avec dépens tant
devant cette Cour que devant la Section de pre-
mière instance, et j'infirmerai la décision de la
4 Le libellé du paragraphe 197(4) est presque identique à
celui du paragraphe 137(13) de la Loi sur les Corporations
canadiennes qu'a interprété la Cour suprême du Canada
dans l'arrêt Black & Decker, c'est-à-dire qu'à la date de la
fusion:
197... .
[TRADUCTION] (4) .. .
a) la fusion devient effective et les companies consti-
tuantes sont fusionnées et poursuivent leur activité
comme une seule et même compagnie conformément
aux conditions énoncées dans la convention de fusion;
b) la compagnie née de la fusion possède tous les biens,
droits, prérogatives et concessions de chacune des com-
pagnies constituantes, et elle est liée par tous les contrats
et engagements, et est assujettie à toutes les incapacités
et dettes, de chacune d'entre elles ... [C'est moi qui
souligne.]
Dans Black & Decker, les dispositions de la Loi stipulaient
que «les compagnies constituantes sont fusionnées et poursui-
vent leur activité comme une seule et même compagnie»
(c'est moi qui souligne). La Cour suprême a précisé que le
verbe «continue» («poursuivre» dans la version française)
constitue «le most clé de l'article 137». Dans l'arrêt Witco
précité, le juge Spence a statué à la p. 282 qu'il apparaissait
encore plus clairement dans la loi ontarienne que dans la loi
fédérale que la fusion n'enlevait pas aux sociétés remplacées
leur identité en tant que personnes morales.
Section de première instance. La nouvelle cotisa-
tion de Forest Glenn (Dixie) Limited à l'égard de
l'année d'imposition 1976 est valable.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
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