A-1026-90
Pacifie Press Limited et Neil Graham (requé-
rants)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, R. G.
Smith, en sa qualité d'arbitre conformément à la
Loi sur l'immigration (Canada) et Charles Julius
McVey (intimés)
RÉPERTORIÉ: PACIFIC PRESS LTD. c. CANADA (MINISTRE DE
L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION) (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney, MacGuigan et
Décary, J.C.A.—Vancouver, 3 mars; Ottawa, 22
avril 1991.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fon-
damentales — Liberté de la presse — L'art. 29(3) de la Loi sur
l'immigration exige que les enquêtes se tiennent à huis clos
sauf si celui qui veut y assister démontre que la tenue en
public de l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni
l'intéressé ni les membres de sa famille ne s'en trouveraient
lésés — Analogie établie entre les enquêtes en vertu de la Loi
sur l'immigration et les procédures judiciaires — La couver-
ture assurée par les médias rend les tribunaux réellement
accessibles au public — Violation de l'art. 2b) de la Charte
puisque l'objet de la loi est d'interdire l'accès aux enquêtes en
matière d'immigration — La mesure législative contestée est
réputée valide pour un an afin de préserver le principe de la
primauté du droit et permettre au législateur d'apporter la
modification nécessaire.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Clause limita-
tive — L'art. 29(3) de la Loi sur l'immigration (qui exige la
tenue des enquêtes à huis clos sauf si celui qui en fait la
demande démontre que la tenue en public de l'enquête n'entra-
verait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni les membres de
sa famille ne s'en trouveraient lésés) viole le droit à la liberté
de la presse garanti à l'art. 2b) de la Charte — Bien que
l'objectif (faire en sorte que le demandeur du statut de réfugié
et sa famille ne souffrent pas de représailles à la suite des
dépositions) soit suffisant pour l'emporter sur la liberté d'ex-
pression, les moyens ne sont pas proportionnés à la fin —
L'art. 29(3) est une disposition qui va beaucoup trop loin.
Immigration — Pratique — L'art. 29(3) de la Loi sur
l'immigration (qui exige la tenue des enquêtes à huis clos sauf
si celui qui en fait la demande démontre que la tenue en public
de l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé
ni les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés) viole le
droit à la liberté de la presse garanti à l'art. 2b) de la Charte
— Analogie établie entre les enquêtes en vertu de la Loi sur
l'immigration et les procédures judiciaires — La mesure légis-
lative ne se justifie pas en vertu de l'art. premier de la Charte,
car elle est excessive — Bien que l'art. 29(3) soit nul, il est
réputé valide pendant un an pour éviter la confusion dans
l'administration du programme des réfugiés et pour donner le
temps au législateur d'apporter la modification nécessaire —
L'expression «adversely affected» (lésés) est interprétée compte
tenu de la validité temporaire.
Il s'agit d'une demande d'annulation de la décision de l'arbi-
tre suivant laquelle l'enquête et les audiences tenues au sujet de
l'intimé McVey conformément à la Loi sur l'immigration
devraient se tenir à huis clos parce qu'il subirait un préjudice en
raison du stress causé par la présence des médias. La presse
s'intéressait à l'affaire parce que McVey était recherché pour
différentes infractions en Californie, mais la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique a statué que les infractions ne pouvaient
donner lieu à l'extradition. Le paragraphe 29(3) de la Loi sur
l'immigration prévoit la tenue à huis clos des enquêtes sauf si
celui qui en fait la demande démontre que la tenue en public de
l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni
les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés. Les
requérants ont soutenu que le paragraphe 29(3) était inopérant
parce qu'il est incompatible avec l'alinéa 2b) de la Charte, qui
garantit la liberté d'expression et la liberté de la presse. Les
intimés ont affirmé que la clause «sauf si» au paragraphe 29(3)
établissait un processus complet et équitable constituant une
«procédure d'appréciation inhérente» qui écartait la nécessité
d'un examen sous le régime de l'article premier de la Charte et
qui ne violait donc pas les droits prévus à l'alinéa 2b). À l'appui
de cette approche, ils ont cité l'arrêt Toronto Star Newspapers
Ltd. c. Kenney dans lequel le juge Martin a refusé de déclarer
inopérant le paragraphe 29(3) en se fondant sur les remarques
incidentes dans l'arrêt Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre
de l'Emploi et de l'Immigration) qu'il interprétait comme
disant que tout problème constitutionnel posé par le paragraphe
29(3) avait été réglé.
Arrêt: la demande devrait être accueillie, mais le paragraphe
29(3) sera considéré comme valide pendant un an pour permet-
tre au législateur de modifier la loi.
Il ressort de la genèse législative du paragraphe 29(3) qu'il a
été adopté pour empêcher l'accès de la presse et du public aux
enquêtes en matière d'immigration, sauf dans des circonstances
restreintes, pour permettre aux réfugiés au sens de la Conven
tion de parler librement de leurs expériences, sans craindre de
faire l'objet de représailles de la part de ceux qu'ils ont fuis.
Le juge Martin a mal interprété les opinions incidentes
exprimées dans l'arrêt Pacific Press. Elles évitaient expressé-
ment d'exprimer l'opinion définitive que le paragraphe 29(3)
devrait recevoir une «interprétation atténuée». De fait, le juge
Mahoney, J.C.A. a fait mention de deux difficultés: la limita
tion de la portée de la protection au demandeur et à sa famille,
et l'imposition du fardeau de la preuve à la personne qui
demande une enquête publique. Une loi ne devrait recevoir une
interprétation atténuée que lorsqu'une clause irrégulière peut
être clairement écartée sans nuire au tout, ou qu'un libellé
imprécis peut facilement être précisé.
Le principe de l'accès du public aux tribunaux a été établi
avant l'avènement de la Charte. Dans la société d'aujourd'hui,
ce sont les comptes rendus de la presse qui font que les
tribunaux sont accessibles au public. L'audience de révision des
motifs de la détention a été déclarée de nature judiciaire ou
quasi judiciaire. Le crédit accordé aux tribunaux qui exercent
des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires exige qu'on ait
confiance dans leur intégrité et qu'on comprenne leur mode de
fonctionnement, ce qui ne saurait s'accomplir que dans la
mesure où le public aura accès à leurs séances. Le principe de
la transparence des procédures judiciaires doit être présumé
s'appliquer à chaque «exercice des pouvoirs judiciaires», et par
conséquent, même à celui d'un arbitre nommé en vertu de la
Loi. De plus, les raisons de principe qui sous-tendent la répu-
gnance de notre droit à l'accessibilité des enquêtes en matière
d'immigration et des procédures judiciaires sont analogues. Les
«regards pénétrants du public» s'imposent aussi bien dans les
procédures judiciaires que dans les enquêtes en matière
d'immigration.
La Cour suprême du Canada a statué que la procédure
appropriée à suivre dans les affaires portant sur la liberté
d'expression devrait être la suivante: (1) se demander si l'acti-
vité de la partie qui allègue l'atteinte à la liberté d'expression
est comprise dans la sphère protégée par l'alinéa 2b); (2) dé-
terminer si l'action gouvernementale attaquée vise à restreindre
la liberté d'expression. Si tel est le cas, il sera nécessairement
porté atteinte à la garantie assurée à l'article 2. Puisque le but
législatif visé par le paragraphe 29(3) est d'empêcher l'accès
par la presse et le public aux enquêtes en matière d'immigra-
tion, et donc de restreindre la liberté d'expression, le paragra-
phe 29(3) viole la liberté d'expression et la liberté de presse.
Pour ce qui est de déterminer si la restriction de la liberté
d'expression peut se justifier dans une société libre et démocra-
tique en vertu de l'article premier de la Charte, il a été
nécessaire de faire une distinction entre la fin et les moyens. Le
gouvernement doit établir que (1) la mesure gouvernementale
attaquée a un objectif qui se rapporte à des préoccupations
urgentes et réelles dans une société libre et démocratique et
(2) que les moyens sont proportionnels à la fin. (1) La mesure
législative avait pour objectif de faire en sorte que ni le
demandeur du statut de réfugié ni les membres de sa famille ne
soient en danger à la suite de dépositions faites au cours de
l'audience. Cet objectif est suffisamment important pour justi-
fier de passer outre à la liberté d'expression et à la liberté de la
presse. (2) La liberté d'expression et l'accès du public aux
tribunaux sont toutefois d'une telle importance prépondérante
que toute atteinte doit être minimale. L'atteinte en l'espèce
n'est pas minimale. Le paragraphe 29(3) est une disposition
législative qui va beaucoup trop loin et devrait être déclarée
inopérante en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitu-
tionnelle de 1982. Ce paragraphe a une couverture excessive
parce qu'il impose au membre du public qui cherche à obtenir
la tenue en public de l'enquête un fardeau de la preuve dont il
est impossible de s'acquitter. Il n'offre pas de solutions de
rechange, comme l'interdiction de publier; le paragraphe 29(3),
combiné avec le paragraphe 29(2), a pour effet de donner à la
personne qui fait l'objet d'une enquête l'«autorisation» de déter-
miner les membres du public, y compris les médias, qui
auraient l'accès exclusif à l'audience; et, plus important peut-
être, une décision définitive sur l'accès peut être rendue avant
qu'une demande de statut de réfugié ne soit faite réellement. Il
suffirait de permettre qu'une décision temporaire soit rendue au
sujet de l'accès du public et qu'elle reste applicable seulement
jusqu'à ce qu'une demande de statut de réfugié soit faite.
L'intention législative de protéger les demandeurs de statut de
réfugié ne saurait être défendue au-delà du moment où les
demandeurs doivent faire savoir s'ils revendiquent le statut de
réfugié.
Le paragraphe 29(2) n'a pas été contesté en l'espèce et il
reste donc en vigueur. Le maintien de ce paragraphe, combinée
à l'invalidité du paragraphe 29(3), peut créer de la confusion
dans l'application du programme des réfugiés. Pour préserver la
primauté du droit, il faut accorder au législateur suffisamment
de temps pour modifier la loi. Le paragraphe 29(3) sera donc
considéré temporairement valide pendant un an, délai qui suf-
fira au législateur pour modifier la loi. Étant donné la validité
temporaire d'un an, il fallait statuer sur l'argument des requé-
rants sur le sens de l'expression «adversely affected» (lésés) au
paragraphe 29(3). Les lignes directrices proposées par le minis-
tre devraient recueillir l'assentiment: (1) il ne suffit pas de
prouver que la publication de renseignements sera cause d'em-
barras et d'humiliation; (2) l'intérêt à la protection de la vie
privée ne suffit pas à établir le préjudice; (3) ceux qui font
l'objet d'une enquête peuvent établir leur préjudice en montrant
que leurs préoccupations correspondent aux principes posés par
la Charte; et (4) il doit y avoir un lien direct entre la publicité
et le danger personnel pour ceux qui font l'objet d'une enquête
ou leur famille. Le stress causé par la présence des médias
d'information, quel que soit son effet sur la santé des partici
pants à la procédure, ne suffit pas en droit pour constituer un
préjudice au sens du paragraphe 29(3). «Lésés», le mot utilisé
dans la version française du paragraphe, désigne le tort, le
dommage ou le préjudice subi, et il connote quelque chose qui
est plus que l'adversité psychologique. Le législateur avait en
vue les lésions corporelles imputables aux représailles telles
l'emprisonnement, les mauvais traitements physiques et même
la mort. Même si la tension peut entraîner de graves conséquen-
ces pour la santé, elle ne saurait dépasser la susceptibilité des
personnes en cause, qui ne justifie pas qu'on exclut le public des
procédures judiciaires.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. 1, 2b), 7.
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur
le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985),
appendice II, n° 44], art. 52(1).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 28.
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 29.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art. 27,
(mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), chap. 30, art. 4),
29(3) (mod. par L.R.C. (1985) (1°' suppl.), chap. 31,
art. 99), 43(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4° suppl.),
chap. 28, art. 14).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
341A(4) (ajoutée par DORS/79-57, art. 8).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Southam Inc. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1987] 3 C.F. 329; (1987), 13 F.T.R.
138; 3 Imm. L.R. (2d) 226 (ire inst.); R. c. Keegstra,
[1990] 3 R.C.S. 697; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103;
(1986), 26 D.L.R. (4th) 200; 24 C.C.C. (3d) 321; 50
C.R. (3d) 1; 19 C.R.R. 308; 65 N.R. 87; 14 O.A.C. 335;
Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba,
[1985] 1 R.C.S. 721; (1985), 19 D.L.R. (4th) 1; [1985] 4
W.W.R. 385; 35 Man.R. (2d) 83; 59 N.R. 321.
DÉCISION NON SUIVIE:
Toronto Star Newspapers Ltd. c. Kenney, [1990] 1 C.F.
425; (1990), 33 F.T.R. 194; 10 Imm. L.R. (2d) 22
(1" inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Re Southam Inc. and The Queen (No. 1) (1983), 41 O.R.
(2d) 113; 34 C.R. (3d) 27; 33 R.F.L. (2d) 279 (C.A.);
Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F. 108; (1988), 50
D.L.R. (4th) 454; 31 Admin. L.R. 14; 84 N.R. 169
(C.A.); Procureur général de la Nouvelle-Écosse et
autre c. Maclntyre, [1982] 1 R.C.S. 175; (1985), 49
N.S.R. (2d) 609; 132 D.L.R. (3d) 385; 96 A.P.R. 609; 65
C.C.C. (2d) 129; 26 C.R. (3d) 193; 40 N.R. 181;
Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général),
[1989] 2 R.C.S. 1326; (1989), 103 A.R. 321; 64 D.L.R.
(4th) 577; [1990] 1 W.W.R. 577; 71 Alta. L.R. (2d) 273;
45 C.R.R. 1; 102 N.R. 321; C.D. c. Canada (Ministre du
Revenu national), C.A.F., A-207-90, jugement en date du
15-3-91, le juge Décary, J.C.A., encore inédit.
DÉCISIONS CITÉES:
Re McVey, [1989] 2 W.W.R. 673; (1988), 33 B.C.L.R.
(2d) 28; 45 C.C.C. (3d) 413 (C.A.C.-B.); McVey v. U.S.
(1989), 40 B.C.L.R. (2d) 273; 52 C.C.C. (3d) 34 (C.A.);
Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1990] 1 C.F. 419; (1990), 10 Imm. L.R.
(2d) 42; 104 N.R. 228 (C.A.); Lor-Wes Contracting Ltd.
c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346; [1985] CTC 79; (1985),
85 DTC 5310; 60 N.R. 321 (C.A.); Renvoi Loi anti-
inflation, [1976] 2 R.C.S. 373; (1976), 68 D.L.R. (3d)
452; 9 N.R. 541; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17
D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58
N.R. 1; Black c. Law Society of Alberta, [1989] 1 R.C.S.
591; (1989), 96 A.R. 352; 58 D.L.R. (4th) 317; [1989] 4
W.W.R. 1; 66 Alta. L.R. (2d) 97; 38 C.R.R. 193; 93
N.R. 266; Rocket c. Collège royal des chirurgiens den-
tistes d'Ontario, [1990] 2 R.C.S. 232; (1990), 111 N.R.
161; R. c. Logan, [1990] 2 R.C.S. 731; (1990), 58 C.C.C.
(3d) 391; Dick c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S.
309; (1985), 23 D.L.R. (4th) 33; [1986] 1 W.W.R. 1; 69
B.C.L.R. 184; 22 C.C.C. (3d) 129; [1985] 4 C.N.L.R.
55; 62 N.R. 1; Ministre du Revenu national c. Coopers
and Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495; (1978), 92 D.L.R.
(3d) 1; [1978] CTC 829; 78 DTC 6258; Comité pour la
République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139;
Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S.
712; (1988), 54 D.L.R. (4th) 577; 19 Q.A.C. 69; 10
C.H.R.R. D/5559; 36 C.R.R. 1; 90 N.R. 84; Irwin Toy
Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927;
(1989), 58 D.L.R. (4th) 577; 25 C.P.R. (3d) 417; 94
N.R. 167; Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c.
Satiacun: (1989), 99 N.R. 171 (C.A.F.).
AVOCATS:
Roger D. McConchie pour les requérants.
Mary A. Humphries pour l'intimé ministre de
l'Emploi et de l'Immigration.
Robert S. Anderson pour l'intimé Char-
les McVey.
PROCUREURS:
Ladner, Downs, Vancouver, pour les requé-
rants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion.
Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancou-
ver, pour l'intimé Charles McVey.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Les requérants
cherchent, pour la deuxième fois, à faire annuler la
décision de l'arbitre R. G. Smith suivant laquelle
l'enquête et les audiences relatives à la révision des
motifs de la détention concernant l'intimé McVey
(«McVey»), tenues sous le régime de la Loi sur
l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, modifiée
(«la Loi»), devraient être à huis clos.
L'histoire commence avec deux tentatives par
les États-Unis, par suite de son arrestation à l'oc-
casion d'un mandat d'extradition dans le Yukon en
août 1987, d'obtenir l'extradition de McVey pour
différentes infractions commises en Californie. À
deux reprises, le juge Hutcheon de la Cour d'appel
de la Colombie-Britannique, a statué que ces
infractions ne pouvaient donner lieu à une extradi
tion: Re McVey, [1989] 2 W.W.R. 673; McVey v.
U.S. (1989), 40 B.C.L.R. (2d) 273. McVey a fait
l'objet d'une publicité considérable aux États-Unis
depuis la fin de 1983, et en Colombie-Britannique
depuis son arrestation en 1987'.
Le 9 novembre 1989, le lendemain du dépôt de
la dernière de ces décisions, un rapport prévu à
deux alinéas de l'article 27 [mod. par L.R.C.
(1985) (3 e suppl.), chap. 30, art. 4] de la Loi a été
' L'intimé McVey a noté dans son mémoire (par. 9): [TRA-
DUCTION] dl y avait soit douze soit treize articles portant sur
l'audience en matière d'extradition tenue devant le juge Mac-
donnell. Il existait un petit article portant sur l'audience en
matière d'extradition tenue devant le juge Dohm. L'énorme
différence quant à l'ampleur de la publicité était que le juge
Dohm a accordé une interdiction de publier, alors que le juge
Macdonnell ne l'a pas accordée.»
établi contre McVey par un agent d'immigration:
en vertu de l'alinéa 27(2)e), il a été signalé comme
quelqu'un qui a prolongé indûment son séjour
après être entré en tant que visiteur; et en vertu de
l'alinéa 27(2)g), il a été signalé comme quelqu'un
qui est entré avec un faux visa sous le nom d'un
citoyen du Guatemala.
L'enquête en matière d'immigration de McVey,
tenue conformément au rapport, a commencé le 15
novembre 1989, et la première décision de l'arbitre
Smith fondée sur le paragraphe 29(3) [mod. par
L.R.C. (1985) (ler suppl.), chap. 31, art. 99] de la
Loi, rejetant la demande des requérants visant à
obtenir l'accès à l'enquête et à la révision des
motifs de la détention a été rendue le 4 décembre
1989, invoquant le motif que l'état de santé de
l'épouse de McVey, qui résidait en Californie et
qui était en phase terminale, pourrait empirer si les
audiences étaient publiques.
Cette Cour a infirmé cette décision dans l'arrêt
Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre de l'Em-
ploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 419 (ci-
après appelé McVey N° 1). Le juge Mahoney,
J.C.A., qui a rendu le jugement, s'est prononcé en
ces termes à la page 423:
Sa raison [celle de l'arbitre] de conclure à la tenue d'une
enquête à huis clos était fondée uniquement sur des arguments
non contestés, et non pas des éléments de preuve, selon lesquels
l'épouse de M. McVey, résidant quelque part aux États-Unis,
[TRADUCTION] «souffre d'un cancer en phase terminale et que
la publicité découlant d'une enquête pourrait avoir un grave
effet préjudiciable sur sa santé». Rien n'a été dit des autres
mesures qui pourraient raisonnablement être prises pour l'em-
pêcher de prendre connaissance de l'enquête. A mon avis, cela
ne constituait pas un fondement approprié justifiant l'exercice
d'un pouvoir discrétionnaire en faveur de la tenue d'une
enquête à huis clos. Peu importe ce que comporte la liberté de
la presse, il doit certainement y avoir des éléments de preuve
pour justifier qu'on y porte atteinte dans une instance judiciaire
ou quasi judiciaire. L'arbitre a commis une erreur de droit en
rendant l'ordonnance sans élément de preuve pour la justifier.
L'affaire a été renvoyée à l'arbitre Smith qui,
après avoir reçu des éléments de preuve lors d'au-
diences tenues tant en public qu'à huis clos, a
décidé, le 18 octobre 1990, que l'enquête ne devait
pas être ouverte au public et, le 2 novembre 1990,
que les motifs complets de la décision ne devaient
pas être publiés. Ce sont ces deux décisions qui
sont attaquées dans la présente demande fondée
sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C.
(1985), chap. F-7]. Cette fois, le fondement de la
décision de l'arbitre n'était pas la santé de l'épouse
de McVey, qui était morte entre-temps, mais celle
de McVey lui-même (dossier d'appel IV, à la
page 567):
[TRADUCTION] Le témoignage du docteur Tamplin établit
deux choses. Il établit tout d'abord que M. McVey connaît de
sérieux problèmes médicaux et, en deuxième lieu, que la publi
cation des histoires concernant M. McVey lui cause du stress
et constitue un risque considérable pour sa santé.
Le témoignage de M. Neil Graham, chef du service des
nouvelles du journal PROVINCE m'a convaincu que si l'accès
du public à l'enquête de M. McVey était refusé, la publicité
entourant la présente procédure serait rigoureusement réduite.
J'estime donc que si l'enquête de M. McVey était publique,
il subirait un préjudice en raison du stress causé par la présence
des médias d'information et la publication des événements qui
en découle.
Il est impossible pour quiconque de prévoir avec certitude ce
que pourrait être ce préjudice. L'ensemble du témoignage du
docteur Tamplin me convainc toutefois qu'il se peut que ces
résultats soient néfastes.
Je suis persuadé donc que le préjudice peut être si grave qu'il
satisfasse au critère qui permet d'interdire au public d'assister à
l'enquête de M. McVey.
La disposition législative principalement en
cause est l'article 29 de la Loi:
29. (1) L'arbitre mène l'enquête, dans la mesure du possible,
en présence de l'intéressé.
(2) À la demande ou avec l'autorisation de l'intéressé, l'arbi-
tre permet la présence d'observateurs, dans la mesure où elle ne
risque pas d'entraver le déroulement de l'enquête.
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre tient son
enquête à huis clos sauf si, quelqu'un lui en ayant fait la
demande, il lui est démontré que la tenue en public de l'enquête
n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni les
membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés.
Les requérants prétendent que le paragraphe
29(3) est inopérant parce qu'il est incompatible
avec l'alinéa 2b) de la Charte [Charte canadienne
des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44]], qui est ainsi
rédigé:
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y
compris la liberté de la presse et des autres moyens de
communication;
Une contestation constitutionnelle semblable a
été soulevée dans l'affaire McVey N° 1 , mais la
question n'était pas considérée comme mûre pour
que la Cour la tranche à cette époque, à la fois
parce que l'arbitre n'en était pas régulièrement
saisi et parce que les intimés n'avaient pas eu la
possibilité de produire des éléments de preuve con-
cernant la justification fondée sur l'article premier.
Les requérants soutiennent subsidiairement que
le paragraphe 29(3) ne s'applique pas au cas de
McVey parce que, si on l'interprète de façon
appropriée, il se rapporte, non pas à tous les
demandeurs en matière d'immigration, mais seule-
ment aux revendicateurs du statut de réfugié qui
prouvent qu'ils ont besoin de secret pour éviter
d'être persécutés par des autorités étrangères, et
que, dans ces cas, les conséquences probables d'une
telle persécution l'emportent sur les droits garantis
par l'alinéa 2b) de la Charte.
Les requérants prétendent subsidiairement
encore que l'arbitre a commis une erreur de droit
en concluant, par voie de conjecture et de spécula-
tion et non au moyen d'éléments de preuve, que
McVey se trouverait lésé, lesdits éléments de
preuve permettant uniquement de conclure que
McVey avait comme objectif de censurer les
médias pour empêcher une publicité qu'il consi-
dère défavorable.
Les tribunaux préfèrent souvent ne pas aborder
les questions constitutionnelles lorsqu'il leur est
possible de se fonder sur d'autres motifs, mais je
crois que cette approche n'est pas appropriée en
l'espèce, puisque le législateur a édicté le paragra-
phe 29(3) intentionnellement.
Le juge Martin a examiné l'historique de cette
disposition dans l'affaire Toronto Star Newspa
pers Ltd. c. Kenney, [1990] 1 C.F. 425 (1" inst.),
aux pages 436 à 440. Au début, l'article 29 [Loi
sur l'immigration de 1976, S.C. 1976 - 77, chap.
52] portait simplement:
29. (1) Toute enquête par un arbitre a lieu, dans la mesure
du possible, en présence de la personne qui en fait l'objet.
(2) À la demande ou avec l'autorisation de la personne
faisant l'objet de l'enquête, l'arbitre doit permettre à des obser-
vateurs d'assister à l'enquête, dans la mesure où leur présence
n'est pas susceptible d'en entraver le déroulement.
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre mène l'enquête
à huis clos.
Par suite de l'arrêt Re Southam Inc. and The
Queen (No. 1) (1983), 41 O.R. (2d) 113 (C.A.), le
gouvernement s'est inquiété du fait que cette dis
position pratiquement obligatoire sur le huis clos
irait à l'encontre de la liberté de la presse garantie
par l'alinéa 2b) de la Charte. Dans Re Southam
(No. 1), la Cour d'appel de l'Ontario a rendu
inopérante une disposition de la Loi sur les jeunes
délinquants [S.R.C. 1970, chap. J-3], qui interdi-
sait absolument au public d'assister aux audiences
en matière de délinquance juvénile, ne laissant au
juge du tribunal de la jeunesse aucun pouvoir
discrétionnaire de permettre des audiences publi-
ques dans quelque affaire que ce soit. En consé-
quence, le gouvernement a proposé, en 1985, que
les paragraphes (2) et (3) de l'article 29 soient
abrogés et remplacés par ce qui suit:
29....
(2) L'arbitre peut, sur demande, tenir son enquête à huis clos
s'il estime que la personne qui en fait l'objet ou les intérêts de
Sa Majesté seraient lésés par la tenue de l'enquête en public.
Mais le comité parlementaire qui a étudié le
projet de loi a estimé que ce libellé ne protégeait
pas suffisamment les réfugiés au sens de la Con
vention. Le juge Martin a tenu les propos suivants,
aux pages 439 et 440:
Vers le 9 mai 1985, les législateurs n'étaient pas, semble-t-il,
satisfaits de la modification projetée en ce sens qu'il serait trop
facile pour un membre du public de forcer la tenue en public
d'une audience, ce qui, selon eux du moins, compromettrait la
sécurité du demandeur de statut ou de sa famille. L'échange de
vues suivant entre M. Robinson et M. Speyer à une séance du
Comité de la justice et des questions juridiques de la Chambre
des communes [fascicule n° 29], au cours de laquelle la modifi
cation, qui fait partie de la loi actuelle, a été proposée, exprime
très clairement la fin visée par la modification [aux pages 29:22
et 29:23]:
M. Robinson:... Je voulais simplement demander l'assu-
rance du secrétaire parlementaire que ce libellé vise à
prévoir que quiconque — il s'agit habituellement d'un
journaliste, mais ce pourrait être n'importe qui — souhaite
une enquête publique doit prouver deux choses: première-
ment que la tenue d'une enquête publique n'entravera pas
le processus et deuxièmement, que la tenue en public de
l'enquête ne compromettrait la personne qui en fait l'objet
ni les membres de sa famille. En d'autres termes, ils ne
pourraient pas assister à l'enquête juste en affirmant qu'ils
n'ont pas l'intention d'en entraver le déroulement. Il faut
aller plus loin. Le fardeau de la preuve est double ici.
M. Speyer: Monsieur le président, c'est exactement notre
intention. On a beaucoup discuté de la teneur de cet
article. Je pense qu'il est important de revenir sur le sujet
de préoccupation exprimé par M. Robinson il y a quelques
instants.
Cette réunion et le projet de loi ont pour but de rendre
divers articles de lois fédérales conformes à la Charte des
droits. Les articles visés dans le projet de loi dont nous
sommes saisis ne remplissent pas cette fonction, de l'avis
du gouvernement, et c'est pourquoi nous les amendons. M.
Heap a posé au ministre de la Justice certaines questions
concernant ses préoccupations bien légitimes, à propos des
enquêtes en matière de statut de réfugié.
Je parle également en mon propre nom, et à la lumière
des discussions que nous avons eues avec d'autres députés
de ce côté, nous voulons éviter tout ce qui peut compromet-
tre un réfugié au cours de l'audience où les témoignages
pourraient lui faire du tort; il est également important de
comprendre la nature de ce genre d'enquêtes et des preuves
que doit fournir le réfugié. Nous ne voulons pas que le
réfugié ou des membres de sa famille soient en danger par
suite d'une modification constitutionnelle, qui n'est pas un
changement de politique. Je vous assure que c'est là notre
intention et c'est pourquoi je pense que votre amendement
constitue une amélioration par rapport au libellé initial du
projet de loi.
En conséquence, le paragraphe 29(3) dont nous
sommes saisis a été adopté à cette époque. Il
ressort de l'exposé de la genèse de cette disposition
législative que son but véritable était d'empêcher
l'accès par la presse et le public aux enquêtes en
matière d'immigration, sauf dans des circonstances
restreintes, pour permettre aux réfugiés au sens de
la Convention de parler librement de leurs expé-
riences, sans craindre de faire l'objet de représail-
les de la part de ceux qu'ils ont fuis 2 .
Ainsi donc, étant donné que le législateur prend
clairement conscience de la dimension constitu-
tionnelle et est déterminé coûte que coûte à ne pas
compromettre les réfugiés au sens de la Conven
tion à l'occasion d'enquêtes, en l'espèce, il ne
conviendrait pas, à mon avis, d'ignorer la question
constitutionnelle, et je me propose donc de l'abor-
der en premier lieu.
2 Bien qu'il existe toujours des restrictions relatives à l'usage
qu'on peut faire des débats parlementaires dans l'interprétation
des lois (voir Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1
C.F. 346 (C.A.); Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F. 108
(C.A.)), «la Cour peut tenir compte d'éléments de preuve
extrinsèques des circonstances qui ont entouré l'adoption de la
Loi pour déterminer si elle repose sur un fondement solide»:
Renvoi Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373, à la p. 391 (le
juge en chef Laskin).
Sous réserve de la question que je vais plus tard
soulever quant à la mesure dans laquelle on devrait
établir une analogie entre les enquêtes en vertu de
la Loi et les procédures judiciaires, si l'interdiction
faite au public, y compris la presse, d'assister aux
enquêtes en matière d'immigration était absolue,
on ne doute guère qu'elle violerait de prime abord
l'alinéa 26): Re Southam (No. 1). Toutefois, l'in-
terdiction au public d'assister aux enquêtes n'est
pas absolue en l'espèce; après avoir dit que «l'arbi-
tre tient son enquête à huis clos», le paragraphe
29(3) de la Loi sur l'immigration ajoute «sauf
si...» C'est sur cette clause «sauf si» que les inti-
més fondent leur argumentation.
Ils prétendent que, à part les droits de la presse
prévus à l'alinéa 2b) de la Charte, nous devons
également tenir compte des droits d'une personne
qui fait l'objet d'une enquête en matière d'immi-
gration, droits reconnus sous le régime de l'article
7 de la Charte dans l'affaire Singh et autres c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985]
1 R.C.S. 177. Dans un tel cas de collision des
droits garantis par la Charte, il n'est pas nécessaire
de recourir immédiatement à l'article premier pour
tenter de justifier l'un d'entre eux. On devrait tout
d'abord examiner la portée du droit qui aurait été
violé pour déterminer si ce droit peut par définition
comprendre le droit d'empiéter sur un droit
garanti par l'article 7. Il est allégué que l'alinéa
2b) contient en soi une restriction qui empêche
l'accès libre par la presse ou le public lorsque cet
accès violerait le droit de la personne garanti par
l'article 7.
J'estime que ce recours à un droit garanti par
l'article 7 est hors de propos en l'espèce. Ce droit
d'être traité «en conformité avec les principes de
justice fondamentale» pourrait être violé lors-
qu'une lei n'a prévu aucune protection contre la
divulgation publique, mais il serait aussi suffisam-
ment protégé par la proposition initiale de 1985
faite par le gouvernement que par la version finale-
ment adoptée. Aucune partie en l'espèce n'invoque
l'atteinte des droits garantis par l'article 7 et,
étant donné que le paragraphe 29(2) non contesté
a comme effet implicite de reconnaître le huis clos,
elles ne semblent pas menacées par l'issue de
l'espèce.
Il se pose néanmoins la question de la portée du
droit prévu à l'alinéa 2b), c'est-à-dire, la liberté de
la presse, à part le fait qu'il irait à l'encontre de
l'article 7. Se fondant sur la clause «sauf si», les
intimés prétendent que la loi établit un processus
valide sur le plan constitutionnel par lequel les
valeurs en concurrence peuvent être examinées et
soupesées. Elle établit ce qu'ils appellent un pro-
cessus complet et équitable contenant [TRADUC-
TION] «une procédure d'appréciation inhérente»
qui écarte la nécessité d'un examen sous le régime
de l'article premier de la Charte et qui ne viole
donc pas les droits prévus à l'alinéa 2b). A l'appui
de cette approche, ils citent la décision Toronto
Star, précitée. Dans cette affaire, le juge Martin a
dit, aux pages 444 à 446:
[A]ppliquer le sens littéral du fardeau de la preuve prévu au
paragraphe 29(3) aux requérants, en l'espèce et en général,
revient à imposer une obligation impossible à exécuter. À titre
d'exemple, comment les requérants peuvent-ils prouver à la
satisfaction de l'arbitre qu'aucun membre de la famille de
Mohammad ne serait lésé si l'enquête devait être tenue en
public alors qu'ils peuvent fort bien ignorer, et dans la plupart
des cas ignorent totalement, qui sont les membres de la famille
du demandeur de statut, et où ils se trouvent.
De même, il est impossible pour les requérants à l'instance ou
dans tout autre cas de prouver que la tenue en public de
l'enquête compromettrait cette dernière. Dans une certaine
mesure, la réponse à cette question dépend des éléments de
preuve que le demandeur de statut de réfugié entend produire.
Un demandeur de statut provenant des États-Unis ou du
Royaume-Uni pourrait ne pas avoir les mêmes préoccupations
quant à la révélation complète de ses raisons de revendiquer le
statut de réfugié qu'un demandeur de statut venant de l'Irlande
du Nord, de l'Iran ou de la Chine, mais les faits à la source de
ces préoccupations, ainsi que les inquiétudes quant à la sécurité
de la famille que le demandeur de statut a laissée dans son pays
d'origine, seul ce dernier les connaît, et non le requérant
membre du public. Je veux dire par là que ce n'est pas dans
tous les cas de revendication du statut de réfugié que se
produira automatiquement un climat dans lequel le demandeur
ne saurait se sentir libre de divulguer les raisons de sa revendi-
cation du statut, et qu'il devrait incomber au demandeur de
statut d'établir l'existence d'un climat qui va réduire sa capa-
cité de divulguer pleinement les faits qui étayent sa revendica-
tion. De plus, si je comprends bien la position du procureur
général du Canada, il est reconnu qu'il peut y avoir des
audiences sur le minimum de fondement qui pourraient être
tenues en public sans pour autant compromettre l'enquête ou
léser le demandeur de statut ou sa famille.
À mon avis, si le fardeau de la preuve que le paragraphe
29(3) impose apparemment au membre du public est une
charge qu'il est impossible d'exécuter dans la pratique et si
l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre en faveur de la
tenue en public de l'audience dépend de l'exécution de cette
charge, alors, dans les faits et essentiellement, il n'y a pas de
pouvoir discrétionnaire et le paragraphe 29(3) devrait être
déclaré inconstitutionnel compte tenu de l'arrêt Southam
(No. 1).
Tous les arguments invoqués devant moi reposent sur l'idée
que, dans l'application du paragraphe 29(3), il incomberait au
membre du public qui cherche à faire tenir l'enquête en public
d'établir, au moyen d'éléments de preuve qui seraient produits
par le requérant, que la tenue en public de l'enquête ne
compromettrait pas celle-ci ni ne léserait l'immigrant ou l'un
quelconque des membres de sa famille.
Ainsi que je l'ai indiqué, je déclarerais le paragraphe 29(3)
inconstitutionnel s'il devait s'appliquer de cette manière et,
n'eût été l'arrêt récent Pacifie Press Ltd. c. Canada (Ministre
de !"Emploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 419 (C.A.),
j'aurais conclu que telle devait être la manière dont ce paragra-
phe devrait s'appliquer [Voir 104 N.R. 228]. À cet égard, ma
décision aurait été infirmée par la Section d'appel qui a conclu
[à la page 6] que, pour ce qui est du fardeau de la preuve,
... l'affirmation d'un droit d'accès à une procédure judiciaire
ou quasi judiciaire fondé sur l'alinéa 2b) de la Charte doive
en soi, par déduction, répondre à ce léger fardeau et imposer
celui-ci par inversion à la personne qui demande que la presse
soit exclue.
Étant donné cette interprétation du paragraphe 29(3) de la
Loi, j'estime que l'équilibre constitutionnel entre le droit d'ac-
cès à l'audience et la protection des droits du demandeur de
statut a été préservé par la restitution à l'arbitre d'un véritable
pouvoir discrétionnaire, celui de déterminer dans chaque cas
d'espèce si l'audience sur le minimum de fondement devrait
être tenue à huis clos ou en public. Tant que le paragraphe
29(3) s'applique de cette manière, je ne vois aucune raison de le
déclarer inconstitutionnel.
À la lumière de cette interprétation de l'arrêt
McVey N° 1, le juge Martin n'a pas déclaré le
paragraphe 29(3) de la Loi inopérant ou
inconstitutionnel.
J'estime qu'il a mal interprété les opinions inci-
dentes exprimées dans l'arrêt McVey N° 1 en
parvenant à cette conclusion. Dans cette affaire, le
juge Mahoney, J.C.A., bien qu'il ait relevé deux
points faibles du paragraphe 29(3), a pris bien soin
de ne pas exprimer «une opinion définitive» sur la
constitutionnalité. Il a fait cette remarque aux
pages 422 et 423:
Le paragraphe 29(3) confère à l'arbitre un pouvoir discré-
tionnaire. Il impose au membre du public intéressé le fardeau
d'établir deux conditions négatives: que la tenue en public de
l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni
les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés. Cette
dernière restriction est étrange. Qu'en est-il par exemple du
gardien de prison, du policier ou du soldat qui par amitié,
corruption ou sympathie a facilité la fuite d'un revendicateur
du statut de réfugié, et qu'en est-il des résidents étrangers,
peut-être des missionnaires ou des gens d'affaires, qui n'accep-
tent de témoigner que si leur possibilité de retour n'est pas
compromise?
On peut prétendre que le fardeau est mal placé. Encore une
fois, je pense qu'il est préférable dans les circonstances de ne
pas exprimer une opinion définitive sur cet aspect de la disposi
tion. Compte tenu de ma façon d'aborder la question, j'estime
que les conséquences pratiques ne sont pas particulièrement
importantes puisque la norme que l'arbitre a correctement
appliquée est celle formulée par le juge Aylesworth de la Cour
d'appel dans l'arrêt R. v. Cameron, [1966] 58 D.L.R. (2d) 486;
(1966), 4 C.C.C. 273; 49 C.R. 49 (C.A. Ont.), à la page 498
D.L.R.:
[TRADUCTION] Cependant, lorsque la Couronne a le far-
deau d'établir une condition négative comme élément de
l'accusation, il suffit souvent que peu d'éléments de preuve
soient apportés. Ces éléments de preuve doivent souvent être
déduits des autres faits prouvés.
Il me semble que l'affirmation d'un droit d'accès à une procé-
dure judiciaire ou quasi judiciaire fondé sur l'alinéa 2b) de la
Charte doive en soi, par déduction, répondre à ce léger fardeau
et imposer celui-ci par inversion à la personne qui demande que
la presse soit exclue.
À mon avis, le juge Mahoney, J.C.A., a fait
mention de deux difficultés relatives au paragra-
phe 29(3): la limitation de la portée de la protec
tion au demandeur et à sa famille; et l'imposition
du fardeau de la preuve à la personne qui demande
une audience publique. Mais la Cour ne s'est pas
livrée à une telle analyse dans cette affaire-là
parce qu'elle aurait en fin de compte conduit à
l'examen de l'article premier, au sujet duquel
aucun élément de preuve n'avait été produit. Tou-
tefois, la Cour pourrait dire au moins ceci, savoir
que, abstraction faite de l'effet que la Charte
aurait pu avoir sur la constitutionnalité du para-
graphe 29(3), cela pourrait avoir eu pour effet
subsidiaire de transformer le langage législatif
pour faire en sorte que le fardeau de la preuve
incombe au demandeur.
Je ne crois pas que le passage précédent repré-
sente une opinion définitive selon laquelle le para-
graphe 29(3) devrait recevoir «une interprétation
atténuée». En fait, il exclut expressément toute
conclusion définitive de ce genre, et on ne saurait
le considérer comme établissant, comme le juge
Martin l'a fait, que tous problèmes constitution-
nels relatifs au paragraphe 29(3) ont été résolus.
En fait, comme le juge Mahoney, J.C.A., l'a indi-
qué dans son commentaire sur ce qu'il a considéré
comme une restriction «étrange» du groupe protégé
au demandeur de statut de réfugié et à sa famille,
les problèmes constitutionnels possibles relatifs au
paragraphe 29(3) ne sont pas limités à la question
du fardeau de la preuve.
L'interprétation atténuée d'une loi constitue
essentiellement une reformulation judiciaire de
celle-ci et ne se fait que quand une clause irrégu-
lière peut être clairement écartée sans nuire au
tout, ou qu'un langage imprécis peut facilement
être précisé: Black c. Law Society of Alberta,
[1989] 1 R.C.S. 591; Rocket c. Collège royal des
chirurgiens dentistes d'Ontario, [1990] 2 R.C.S.
232; R. c. Logan, [1990] 2 R.C.S. 731. Lorsque
l'effet de la disposition législative est «exactement
ce qu'envisageait le législateur et ce vers quoi elle
tendait de par ses principes directeurs», l'interpré-
tation atténuée n'est pas appropriée: Dick c. La
Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 309, à la
page 322.
Lorsque nous abordons l'alinéa 2b) de la Charte,
nous constatons que le principe de l'accès du
public aux tribunaux a été établi avant même
l'avènement de la Charte en 1982. Dans l'affaire
Procureur général de la Nouvelle-Écosse et autre
c. Maclntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, où il s'agissait
de l'accès d'un journaliste à des dossiers judiciai-
res, une majorité de la Cour suprême a approuvé
l'énoncé fait par le juge Dickson [tel était alors son
titre] (à la page 189) selon lequel «Il y a présomp-
tion en faveur de l'accès du public à ces dossiers et
il incombe à celui qui veut empêcher l'exercice de
ce droit de faire la preuve du contraire». Le juge
Dickson (aux pages 186 et 187) a également
énoncé le principe selon lequel «restreindre l'accès
du public ne peut se justifier que s'il est nécessaire
de protéger des valeurs sociales qui ont préséance».
Dans un arrêt récent relatif à la Charte,
Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général),
[1989] 2 R.C.S. 1326, qui portait sur les disposi
tions de la Judicature Act [R.S.A. 1980, chap.
J-1] de l'Alberta limitant la publication des détails
sur les instances matrimoniales et les procédures
civiles généralement, le juge Cory, au nom de trois
des sept membres de la Cour (à la page 1336) a
fait état des «termes absolus» de l'alinéa 2b), qui
«ne devraient être restreints que dans les cas les
plus clairs». Il a parlé du rôle de la presse par
rapport aux tribunaux (aux pages 1337 et 1346):
Il est certain que les tribunaux jouent un rôle important dans
toute société démocratique. C'est là que sont résolus non seule-
ment les litiges qui opposent les citoyens entre eux, mais aussi
les litiges qui opposent les citoyens à l'État dans toutes ses
manifestations. Plus la société devient complexe, plus le rôle des
tribunaux devient important. En raison de cette importance, il
faut que le public puisse faire l'examen critique des tribunaux
et de leur fonctionnement.
Dans la société d'aujourd'hui, ce sont les comptes rendus de la
presse qui font que les tribunaux sont accessibles au public.
Le juge Wilson, également de la majorité, a con-
venu (à la page 1362) qu'«il faudrait des raisons
très sérieuses pour justifier des atteintes à la publi-
cité du processus judiciaire».
Bien qu'aucune partie n'ait soulevé la question
au débat, j'estime que nous devons aborder la
question que j'ai mentionnée au début de cette
partie, c'est-à-dire la mesure dans laquelle il fau-
drait établir une analogie entre les enquêtes sous le
régime de la Loi et les procédures judiciaires. Les
arbitres en matière d'immigration ne sont pas des
juges en tant que tels, et les enquêtes en matière
d'immigration ne sont pas des instances judiciai-
res. Dans quelle mesure le droit du citoyen et de la
presse à l'accès s'applique-t-il aux arbitres qui
mènent des enquêtes?
Cette question a été soulevée devant le juge
Rouleau dans l'affaire Southam Inc. c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987]
3 C.F. 329 (1" inst.), où il a ordonné une audience
publique pour ce qui est de la révision des motifs
de la détention sous le régime de la Loi (mais où
aucune disposition de la Loi n'a été contestée parce
que celle-ci est muette sur cette question particu-
lière). Après avoir cité la décision rendue dans Re
Southam (N° 1), le juge Rouleau a soulevé la
question (à la page 336):
Cette décision [Re Southam (no 1)] a été rendue dans le
cadre d'une procédure judiciaire. L'audience de révision des
motifs de la détention en l'espèce met en cause un organisme
statutaire exerçant ses fonctions, dont il faut établir si elles sont
de nature judiciaire ou quasi judiciaire et par voie de consé-
quence, si elles sont visées par le principe de l'accessibilité. Il
s'agit de savoir si le principe de la transparence s'applique aux
procédures de l'organisme en question.
Il a alors cité le quadruple critère esquissé par le
juge Dickson (tel était alors son titre) dans l'arrêt
Ministre du Revenu national c. Coopers and
Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495, à la page 504, pour
déterminer si une procédure est judiciaire ou quasi
judiciaire. Il a conclu (à la page 336):
Je suis convaincu que les exigences des critères susmention-
nés ont été satisfaites dans l'affaire en litige et qu'il est tout à
fait raisonnable d'étendre la portée du principe de l'accessibilité
du public aux mesures prises par les responsables des décisions
en question. Après tout, les tribunaux créés par la loi et qui
exercent des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires donnant
lieu à des procédures contradictoires qui entraînent des déci-
sions quant aux droits des parties, participent vraiment à
«l'administration de la justice». Le crédit accordé à ces tribu-
naux exige qu'on ait confiance dans leur intégrité et qu'on
comprenne leur mode de fonctionnement, ce qui ne saurait
s'accomplir que dans la mesure où le public aura accès à leurs
séances.
J'estime que le juge Rouleau a eu entièrement
raison dans son analyse, à la fois quant à la nature
quasi judiciaire du rôle de l'arbitre dans une
enquête et quant aux conséquences pour ce qui est
de l'accès.
Dans l'arrêt Maclntyre, précité, la question
d'accès s'est soulevée à l'occasion de mandats de
perquisition décernés par un juge de paix. En
confirmant l'application du principe d'accès aux
mandats de perquisition et aux dénonciations sur
lesquelles ces mandats se fondent, le juge Dickson
(tel était alors son titre) s'est prononcé en ces
termes (aux pages 185 et 186):
Ces arrêts cependant, ainsi que beaucoup d'autres que l'on
pourrait citer, établissent le principe général de la «transpa-
rence» des procédures judiciaires, de quelque nature qu'elles
soient, et de l'exercice des pouvoirs judiciaires. On retrouve
avant le procès les mêmes raisons de principe qui soulèvent
notre répugnance à interdire l'accessibilité au stade du procès,
et il y a lieu de les considérer. [C'est moi qui souligne.]
À mon avis, il ressort de l'ampleur du langage
employé que le principe de la transparence doit
être considéré comme s'appliquant à tout «exercice
des pouvoirs judiciaires», et donc à celui d'un
arbitre nommé en vertu de la Loi.
Il appert également que les raisons de principe
qui sous-tendent la répugnance de notre droit à
interdire l'accessibilité des enquêtes en matière
d'immigration et des procédures judiciaires sont
analogues. Dans l'arrêt Edmonton Journal, pré-
cité, l'élément principal de l'argument invoqué par
le juge Cory en faveur de l'accès consiste à assurer
ce qu'il a appelé «les regards pénétrants du public»
(à la page 1339). À mon avis, ces regards péné-
trants s'imposent également dans les enquêtes sous
le régime de la Loi sur l'immigration.
Il ressort des antécédents législatifs que nous
avons examinés que c'est à la suite de l'arrêt Re
Southam (No. 1) que le gouvernement s'est préoc-
cupé de la constitutionnalité du paragraphe 29(3),
concluant à l'évidence qu'on ne pouvait faire
aucune distinction entre les enquêtes en matière
d'immigration et les procédures judiciaires. J'es-
time que le gouvernement a tiré la conclusion
évidente.
La plus récente déclaration de la Cour suprême
en matière de liberté d'expression se trouve dans
l'arrêt R. c. Keegstra, [ 1990] 3 R.C.S. 697'. Exa-
minant d'autres arrêts tels que Ford c. Québec
(Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, et Irwin
Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1
R.C.S. 927, le juge en chef Dickson a confirmé au
nom de la majorité [à la page 728] «l'interpréta-
tion large et libérale donnée par notre Cour dans
l'arrêt Ford à cette liberté énoncée à l'al. 2b)». Il a
souligné en outre la procédure appropriée à suivre
dans les affaires portant sur la liberté d'expression
[aux pages 729 et 730]:
L'étape initiale de l'analyse prévue dans l'arrêt Irwin Toy est
de se demander si l'activité de la partie qui allègue l'atteinte à
la liberté d'expression est comprise dans la sphère protégée par
l'al. 2b).... Donc, sauf pour les rares cas où l'expression revêt
la forme de la violence physique, la Cour a estimé qu'il découle
de la nature fondamentale de la liberté d'expression que «si
l'activité transmet ou tente de transmettre une signification,
elle a un contenu expressif et relève à première vue du champ
de la garantie» (p. 969). En d'autres termes, le mot «expres-
sion» à l'al. 2b) de la Charte vise tout contenu de l'expression,
sans égard aux sens ou message particulier que l'on cherche à
transmettre (voir Renvoi relatif à l'art. i93 et à l'al. 195.1(1)c)
du Code criminel (Man.), précité, à la p. 1181, le juge Lamer).
La seconde étape de l'analyse exposée dans l'arrêt Irwin Toy
est de déterminer si l'action gouvernementale attaquée vise à
restreindre la liberté d'expression. Une action gouvernementale
ayant un tel objet violera nécessairement la garantie de la
liberté d'expression. Si, toutefois, l'action a pour effet, plutôt
que pour objet, de limiter une activité, l'al. 2b) ne joue pas, à
moins que la partie qui allègue l'atteinte puisse démontrer qu'il
s'agit d'une activité qui, loin de les miner, étaye les principes et
les valeurs sur lesquels repose la liberté d'expression.
Lorsque l'action gouvernementale attaquée con-
siste à restreindre la liberté d'expression, la garan-
tie prévue à l'article 2 sera nécessairement violée.
Étant donné que, comme je l'ai déjà indiqué, le but
législatif visé par le paragraphe 29(3) est d'empê-
cher l'accès par la presse et le public aux enquêtes
en matière d'immigration, et donc de restreindre la
liberté d'expression, je dois conclure que le para-
graphe 29(3) viole la liberté d'expression et la
liberté de la presse.
3 L'arrêt ultérieur de la Cour dans Comité pour la Républi-
que du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139, semble n'avoir
aucune conséquence sur la véritable potée de l'art. 2 au-delà
de la liberté d'expression.
La façon générale d'aborder l'article premier pour
déterminer si la restriction d'un droit ou d'une
liberté peut se justifier dans une société libre et
démocratique a été établie par la Cour suprême
dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
L'analyse comporte une distinction entre la fin et
les moyens choisis par laquelle le gouvernement
doit tout d'abord établir que la mesure gouverne-
mentale attaquée a un objectif qui se rapporte à
des préoccupations urgentes et réelles dans une
société libre et démocratique et, en deuxième lieu,
que ces moyens sont proportionnels à cette fin.
J'estime que les propos tenus par le secrétaire
parlementaire Speyer dans l'extrait déjà cité de la
décision rendue par le juge Martin dans l'affaire
Toronto Star traduisent vraiment l'objectif visé
par la disposition législative en cause en l'espèce:
[N]ous voulons éviter tout ce qui peut compromettre un réfugié
au cours de l'audience où les témoignages pourraient lui faire
du tort; il est également important de comprendre la nature de
ce genre d'enquêtes et des preuves que doit fournir le réfugié.
Nous ne voulons pas que le réfugié ou des membres de sa
famille soient en danger ... Je vous assure que c'est là notre
intention ...
Pour convaincre davantage du fait qu'il s'agit
d'un objectif se rapportant à une préoccupation
urgente et réelle, le gouvernement a, dans son
mémoire sur l'article premier, complété cet objec-
tif au moyen d'une preuve documentaire provenant
des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie,
de la Nouvelle-Zélande et de la Suède; il en ressort
que les pays démocratiques se rendent compte
généralement de la nécessité du caractère confi-
dentiel du traitement des demandes de statut de
réfugié au sens de la Convention. À l'évidence, la
sécurité de la personne du demandeur est en jeu —
l'est également la sécurité de tous ceux qui se
trouvent dans son pays et qui peuvent avoir aidé
cette évasion, même s'ils ne peuvent se prévaloir de
la protection prévue par la Charte. Je n'hésite
nullement à conclure que l'objectif en l'espèce est
suffisamment important pour justifier de passer
outre à la liberté d'expression et à la liberté de la
presse, et les requérants ont en fait reconnu ce
point.
Le deuxième volet du critère adopté dans l'arrêt
Oakes est la proportionnalité des moyens choisis
par rapport à la fin. Ce critère de proportionnalité
comporte trois éléments selon l'analyse qui en est
faite (à la page 139):
À mon avis, un critère de proportionnalité comporte trois
éléments importants. Premièrement, les mesures adoptées doi-
vent être soigneusement conçues pour atteindre l'objectif en
question. Elles ne doivent être ni arbitraires, ni inéquitables, ni
fondées sur des considérations irrationnelles. Bref, elles doivent
avoir un lien rationnel avec l'objectif en question. Deuxième-
ment, même à supposer qu'il y ait un tel lien rationnel, le
moyen choisi doit être de nature à porter «le moins possible»
atteinte au droit ou à la liberté en question ... Troisièmement,
il doit y avoir une proportionnalité entre les effets des mesures
restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte et
l'objectif reconnu comme «suffisamment important».
Le premier élément à établir est que les moyens
choisis ont un lien rationnel avec la fin.
La difficulté en l'espèce découle du fait que
McVey n'a pas revendiqué le statut de réfugié au
sens de la Convention, et on pourrait même croire
qu'il serait difficile pour lui de le faire puisqu'il est
originaire d'un pays comme les États-Unis qui est
doté d'un gouvernement démocratique et d'un sys-
tème judiciaire indépendant: Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration c. Satiacum (1989), 99 N.R.
171 (C.A.F.), à la page 176. Il y a plus important
encore, la législation n'est pas limitée aux enquêtes
en matière d'immigration relatives aux réfugiés,
mais s'applique à toutes les enquêtes quelles qu'el-
les soient. Comment une telle disposition d'appli-
cation générale peut-elle avoir un lien rationnel
avec la nécessité reconnue de protéger les réfugiés?
La réponse, si réponse il y a, se trouve dans
l'économie de la Loi. Dans certains des autres pays
qui ont fait l'objet d'une étude, les demandes de
statut de réfugié font l'objet d'un régime particu-
lier et sont toujours traitées à huis clos. Au
Royaume-Uni par exemple, ce traitement relève
d'une pratique administrative. Mais l'économie de
la Loi canadienne est différente. Toutes les enquê-
tes commencent de la même façon, mais le para-
graphe 43(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.),
chap. 28, art. 14] prévoit que la personne qui fait
l'objet d'une enquête doit avoir la possibilité de
revendiquer le statut de réfugié «avant que ne
soient présentés des éléments de preuve au fond».
En l'espèce, lorsque la question d'une audience
publique ou à huis clos a été soulevée dès le début
de l'enquête, comme il se devait, la possibilité de
faire une revendication du statut de réfugié ne
s'était pas encore présentée. À partir de ce
moment, je crois que les intimés ont raison de
prétendre que la disposition doit s'appliquer à tous
les sujets d'une enquête pour protéger adéquate-
ment les demandeurs de statut de réfugié
éventuels.
Il est plus difficile de justifier la limitation de la
portée de la protection au demandeur lui-même et
à sa famille. Qu'en est-il de toute autre personne
qui, selon les propos tenus par le juge Mahoney,
J.C.A., dans l'arrêt McVey N° 1, à la page 422
«par amitié, corruption ou sympathie a facilité la
fuite d'un revendicateur du statut de réfugié, et
qu'en est-il des résidents étrangers, peut-être des
missionnaires ou des gens d'affaires, qui n'accep-
tent de témoigner que si leur possibilité de retour
n'est pas compromise?» Puisque la disposition
porte principalement, non pas sur la sécurité de ces
autres personnes, mais sur la sécurité du deman-
deur dans son témoignage, on pourrait prétendre
qu'il se soucie moins de leur sort que de celui des
membres de la famille, mais une telle prétention
• est trop cynique pour constituer une motivation
législative.
On peut mieux justifier la mesure choisie en
disant que le fait de ne pas prévoir toute la portée
du préjudice ne devrait pas être considéré comme
fatal, même si l'exclusion est irrationnelle, du
moment que ceux qui sont inclus (le demandeur et
sa famille) ont eux-mêmes un lien rationnel avec le
but visé. C'est indéniablement vrai, mais je trouve
• inutile de trancher ce point, puisque, à mon avis, le
sort de la disposition législative dépend des deux
critères suivants: une atteinte minimale au droit et
la proportionnalité de l'effet. J'ai l'intention d'exa-
miner ces deux éléments ensemble puisqu'ils ont
. tendance à se chevaucher dans leur trop grande
couverture.
C'est le cas de l'inversion de la charge de la
preuve prévue au paragraphe 29(3) qui impose au
membre du public qui cherche à obtenir la tenue
en public de l'enquête un fardeau de la preuve dont
il est impossible de s'acquitter. C'est ce qui a été
noté par le juge Martin dans l'affaire Toronto Star
(aux pages 443 et 445), et je fais mien son raison-
nement quant à l'impossibilité de s'acquitter de ce
fardeau.
Un autre cas de couverture excessive a été
remarqué par l'arbitre (dossier d'appel IV, à la
page 568):
[TRADUCTION] Il appert que si une interdiction de publier
pouvait être imposée, il est concevable qu'on puisse tenir l'en-
quête en public mais, comme je n'en ai pas le pouvoir, il est
impossible de la considérer comme une solution éventuelle.
Cette absence même de solutions de rechange pour
l'arbitre est une preuve de la trop grande portée de
la loi.
Les requérants ont porté à l'attention de la Cour
une troisième lacune en signalant que le paragra-
phe 29(3), combiné avec le paragraphe 29(2), a
pour effet de donner à la personne qui fait l'objet
d'une enquête une [TRADUCTION] «autorisation»
de déterminer les membres du public, y compris les
médias, qui auraient un accès exclusif à l'audience.
Toutefois, puisque nous ne sommes pas invités à
interpréter le paragraphe 29(2) en l'espèce, je ne
rends aucune décision définitive sur ce point.
Permettre qu'une décision définitive sur l'accès
soit rendue avant qu'une demande de statut de
réfugié ne soit faite réellement est un cas extrême
de couverture excessive; il s'agit peut-être là de la
plus grande lacune. Il suffirait de permettre de
rendre une décision temporaire sur l'accès ou la
publication, de permettre qu'elle soit valable seule-
ment jusqu'à ce qu'une demande de statut de
réfugié ait été faite ou rejetée, après quoi une
décision définitive pourrait être rendue.
Les intimés prétendent que la procédure choisie
par la Loi s'imposait pour protéger les demandeurs
de façon adéquate, parce qu'autrement les curieux
mal intentionnés à l'égard d'un demandeur pour-
raient présumer qu'il s'agissait de son enquête en
matière de statut de réfugié puisque toute enquête
à huis clos était une enquête en matière de statut
de réfugié. Mais puisque d'autres personnes à part
les réfugiés peuvent également réclamer le huis
clos et présenter le bien-fondé de leurs affirma
tions à cet égard devant l'arbitre, je ne saurais y
voir un danger pratique. De plus, le système en
vigueur est loin d'être inattaquable. N'importe qui
peut avoir accès aux dossiers de la Cour relatifs
aux réfugiés qui ne sont pas clos même lorsque
l'audience l'est, et les arrêts de cette Cour sont
publiés sous les vrais noms des demandeurs, ce qui
permet aux curieux hostiles de rassembler des
renseignements de cette façon. À mon avis, il
faudrait à tout le moins un système législatif de
sécurité absolue pour constituer une preuve con-
vaincante à cet égard.
J'estime que le juge Cory a énoncé la méthode
appropriée d'aborder les cas d'accès du public,
méthode fondée sur l'article premier, lorsqu'il s'est
exprimé en ces termes dans l'arrêt Edmonton
Journal, précité, à la page 1347:
La liberté d'expression et l'accès du public aux tribunaux par
l'intermédiaire des comptes rendus de la presse sur la preuve,
les arguments et la conduite des juges et des officiers de justice
sont d'une telle importance prépondérante que toute atteinte
doit être minimale.
À mon avis, on ne saurait dire que l'atteinte en
l'espèce est «minimale». Bien qu'elle soit à un
niveau inférieur au niveau maximal qu'atteint une
interdiction totale d'accès, néanmoins, elle inverse
abusivement le fardeau de la preuve, ne prévoit
rien entre l'accès total et l'interdiction totale, et
s'applique non seulement à la catégorie de réfugiés
que le Parlement visait à protéger, mais également
à toutes les enquêtes quel qu'en soit le but. Les
' intimés n'ont même pas cherché à défendre l'appli-
cation du paragraphe 29(3) aux non-réfugiés sauf
dans le sens secondaire qu'il protégeait les réfugiés
en aidant à ne pas révéler l'identité de ceux qui
étaient et de ceux qui n'étaient pas des deman-
deurs de statut de réfugié.
J'insisterai sur le fait que l'intention législative
de protéger les demandeurs de statut de réfugié ne
saurait être défendue au-delà du moment où les
• demandeurs doivent faire savoir s'ils revendiquent
le statut de réfugié; pour ceux qui ne le revendi-
quent pas, aucun autre refus général d'accès public
n'est justifiable. J'estime que le paragraphe 29(3),
tel qu'il a été formulé, est une disposition législa-
tive qui va beaucoup trop loin et qu'il devrait être
déclaré inopérant en vertu du paragraphe 52(1) de
la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44]].
Étant donné l'invalidité du paragraphe 29(3), le
paragraphe 29(2) pourrait très bien avoir pour
effet d'exiger que toutes les enquêtes soient tenues
à huis clos, sauf avec l'autorisation expresse du
demandeur. S'il ne devait pas avoir cet effet, il
pourrait avoir l'effet contraire, c'est-à-dire que les
demandeurs de statut de réfugié n'auraient aucune
possibilité de protection. Toutefois, le paragraphe
29(2) de la Loi sur l'immigration, tel qu'il a été
modifié, n'a pas été contesté par les requérants et
ne fait donc pas l'objet d'une révision dans la
présente demande fondée sur l'article 28. En con-
séquence, l'invalidité du paragraphe 29(3), combi
née avec la continuité du paragraphe 29(2), donne
lieu à une possibilité réelle de confusion et même
de chaos dans l'application du programme des
réfugiés.
La primauté du droit devant être préservée dans
ce domaine, je crois qu'il est nécessaire d'accorder
au législateur suffisamment de temps pour modi
fier la loi conformément au présent arrêt. Je consi-
dérerais donc le paragraphe 29(3) comme tempo-
rairement valide en vertu du Renvoi relatif aux
droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S.
721, pour une période d'un an qui, selon moi,
suffirait normalement au législateur pour modifier
la loi, sous réserve du droit du ministre intimé de
s'adresser à cette Cour pour obtenir une période de
validité temporaire plus longue le cas échéant.
Le premier argument subsidiaire invoqué par les
requérants portait sur la bonne interprétation à
donner au paragraphe 29(3) au cas où il n'irait pas
à l'encontre de l'alinéa 2b) et de l'article premier
de la Charte. En fait, je n'ai pas à examiner cet
argument directement.
L'autre argument subsidiaire qu'ils ont invoqué
avait trait au sens correct de l'expression «adverse-
ly affected» (lésés) figurant au membre de phrase
final du paragraphe 29(3): «and that the person
with respect to whom the inquiry is to be held or
any member of that person's family would not be
adversely affected if the inquiry were to be con
ducted in public» (et que ni l'intéressé ni les mem-
bres de sa famille ne s'en trouveraient lésés) [souli-
gnements ajoutés].
Puisque je me suis vu dans l'obligation de per-
mettre que le paragraphe 29(3) soit temporaire-
ment valide pour un an, j'estime que, pour être
juste envers les requérants, je devrais me pronon-
cer aussi sur l'argument subsidiaire final, puisqu'il
n'est soumis à aucun délai d'exécution.
Dans les exposés supplémentaires sur l'expres-
sion «adversely affected» (lésés), tant les requé-
rants que le ministre intimé ont convenu qu'on ne
saurait lui donner son sens le plus large. Je serais
d'accord avec les quatre lignes directrices suivan-
tes avancées par le ministre intimé (exposé supplé-
mentaire des faits et du droit, paragraphe 9):
[TRADUCTION] a) Ceux qui font l'objet d'une enquête ne
sauraient montrer qu'ils se trouveront lésés par une
enquête publique en établissant qu'ils seront embarrassés
ou humiliés par la publication de renseignements révélés
à l'audience;
b) Celui qui fait l'objet d'une enquête ne saurait s'appuyer
sur l'intérêt à la protection de la vie privée pour établir le
préjudice, puisqu'il a été jugé que la protection de la vie
privée ne s'impose que dans les affaires matrimoniales
portant sur des allégations de comportements cruels,
immoraux ou aberrants (Edmonton Journal);
c) Ceux qui font l'objet d'une enquête peuvent établir leur
préjudice en montrant que leurs préoccupations corres
pondent au but visé par le par. 29(3) et aux principes
posés par la Charte;
d) Il doit y avoir un lien direct entre la publicité et le danger
personnel pour ceux qui font l'objet d'une enquête ou leur
famille.
En fait, j'ajouterais une autre ligne directrice
avant de procéder à l'examen cas par cas proposé
par le ministre intimé. Voici le fondement de la
décision de l'arbitre en l'espèce (dossier d'appel
IV, à la page 567):
[TRADUCTION] M'estime que si l'enquête de M. McVey était
publique, il subirait un préjudice en raison du stress causé par
la présence des médias d'information et la publication des
événements qui en découle.
À mon avis, le «stress causé par la présence des
médias d'information», quel que soit son effet sur
la santé des participants à la procédure, ne suffit
pas en droit pour constituer un préjudice au sens
du paragraphe 29(3). Si l'effet sur la santé du
demandeur de statut de réfugié était tel qu'il ne
pourrait assister à l'enquête, l'arbitre aurait l'op-
tion traditionnelle de l'ajourner, mais tel n'est pas
le cas en l'espèce.
Le texte français du paragraphe 29(3) a, à mon
avis, un sens plus fort que celui du texte anglais:
... et que ni l'intéressé ni les membres de sa famille ne s'en
trouveraient lésés.
Le mot français «lésés» s'entend de tort, de dom-
mage ou de préjudice subi, et on peut en dire qu'il
connote quelque chose qui est plus que l'adversité
psychologique.
Il y a plus important encore, ce que nous avons
perçu comme l'intention du législateur visée par la
disposition indique ce qu'il fallait éviter était une
lésion corporelle dans le sens de représailles gou-
vernementales comportant une poursuite en jus
tice, un emprisonnement et un mauvais traitement
physique, même la mort. À mon avis, la tension,
même si on la considère comme un état mental
pouvant entraîner de graves conséquences pour la
santé, ne saurait, par interprétation du paragraphe
29(3), dépasser «la susceptibilité des personnes en
cause» qui, selon la remarque faite par le juge
Dickson dans l'arrêt Maclntyre (à la page 185) «ne
justifie pas qu'on exclut le public des procédures
judiciaires». Cette Cour, dans l'arrêt C.D. c.
Canada (Ministre du Revenu national) portant le
numéro du greffe A-207-90 et rendu le 15 mars
1991 (le juge Décary, J.C.A.) [encore inédit], a
récemment mis l'accent sur le même principe de la
transparence de notre système judiciaire.
En conséquence, la demande fondée sur
l'article 28 devrait être accueillie pour ce motif
également.
En définitive, je suis d'avis d'accueillir la demande
fondée sur l'article 28, d'infirmer les décisions
rendues par l'arbitre les 18 octobre et 2 novembre
1990 et de lui renvoyer l'affaire pour qu'il pour-
suive l'enquête d'une manière conforme aux pré-
sents motifs de jugement. Pour ce qui est du
paragraphe 29(3) de la Loi sur l'immigration, tel
qu'il a été modifié, on devrait le considérer comme
temporairement valide pour un an à compter de la
date de cet arrêt pour permettre au législateur
d'agir en conséquence, sous réserve du droit du
ministre intimé de s'adresser à cette Cour pour
obtenir une période de validité temporaire plus
longue le cas échéant. De plus, en vertu de la
Règle 341A(4) [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663 (ajouté par DORS/79-57, art.
8)], l'effet de ce jugement en entier devrait être
également suspendu jusqu'à l'issue de l'appel.
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.