T-433-90
Perpetual D'Souza (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le
secrétaire d'État aux Affaires extérieures (inti-
més)
RÉPERTORIÉ: D'SOUZA c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION) (1" INST.)
Section de première instance, juge MacKay—
Toronto, 25 juin; Ottawa, 19 novembre 1990.
Immigration — Pratique — Rejet de la demande de rési-
dence permanente, à laquelle était jointe une offre d'emploi
permanent — L'agent des visas n'a pas attribué de points à
l'égard de l'emploi réservé en l'absence d'un avis du Service
national de placement — L'employeur éventuel a refusé de
suivre la procédure administrative établie en vue d'obtenir
l'avis — Question de savoir si la procédure administrative est
compatible avec la Loi et le Règlement, et non si elle est
autorisée par la Loi et le Règlement — Aucune obligation
expresse ou implicite pour l'agent des visas de consulter le
Service national de placement — Il incombe à la requérante de
démontrer que les critères d'admission sont satisfaits — Cette
obligation n'est pas transférée à l'agent des visas une fois que
les renseignements au sujet de l'emploi éventuel sont donnés —
Le fait qu'on a insisté pour que la procédure administrative du
Ministère soit suivie ne constitue pas une délégation du pou-
voir décisionnel au Service national de placement ni une
entrave indue à un pouvoir discrétionnaire — La procédure
n'est pas expressément autorisée par le Règlement, mais elle
ne va pas à l'encontre du Règlement et n'est pas incompatible
avec celui-ci — Lorsqu'il informe l'agent des visas au sujet de
l'admission d'une personne dont l'emploi est réservé, le Service
national de placement doit uniquement tenir compte des fac-
teurs énoncés à l'article 5 de l'annexe I du Règlement.
Il s'agit d'une demande en vue de faire annuler le rejet d'une
demande de résidence permanente et en vue d'obtenir un
mandamus visant à l'examen de la demande conformément à la
Loi et au Règlement. A la demande de résidence permanente
était jointe une offre d'emploi permanent de secrétaire dans un
cabinet d'avocats. dans laquelle étaient brièvement décrits les
conditions de travail et les avantages ainsi que les efforts que le
cabinet avait déjà faits pour combler le poste. La requérante
s'est vu attribuer 54 points d'appréciation conformément aux
critères de sélection énoncés à l'annexe I du Règlement sur
l'immigration de 1978. Normalement, soixante-dix points sont
requis en vue de l'admission au Canada. Sur dix points possi
bles, l'agent des visas n'a pas attribué de points pour l'emploi
réservé parce qu'il n'avait pas reçu d'avis du Service national de
placement. Si les dix points avaient été attribués, la requérante
aurait probablement été invitée à une entrevue sur ses qualités
personnelles à la suite de laquelle elle aurait pu obtenir jusqu'à
dix points supplémentaires. L'omission d'attribuer des points
pour l'emploi réservé est la cause réelle du rejet de la demande.
L'agent des visas a suivi la procédure énoncée dans le Guide de
l'emploi, un document administratif interne qui exige que
l'employeur éventuel communique avec le bureau local du
Centre d'emploi du Canada et remplisse le formulaire 2151 au
sujet de l'emploi offert. En sa qualité de Service national de
placement, la CEIC atteste que l'emploi réservé ne nuira pas
aux possibilités d'emploi des citoyens canadiens ou des résidents
permanents et communique cet avis à l'agent des visas. La
requérante soutient que cette procédure n'est pas conforme aux
exigences de la Loi et du Règlement. Elle soutient que le
Règlement impose à l'agent des visas l'obligation d'évaluer les
renseignements fournis par un requérant; si un avis doit être
obtenu du Service national de placement, l'agent des visas doit
l'obtenir directement, de son propre chef. La requérante sou-
tient en outre qu'en refusant de tenir compte de l'emploi réservé
avant la réception de l'avis du Service national de placement,
l'agent des visas a délégué au Service son pouvoir décisionnel.
Enfin, la requérante soutient que le système établi par la CEIC
prive injustement une personne de la possibilité de démontrer la
probabilité de s'établir avec succès au Canada, compte tenu de
la Loi et du Règlement. Le Service national de placement ne
traite qu'avec l'employeur éventuel, et non avec les requérants,
et il examine l'offre d'emploi à l'aide du critère «éléments
canadiens d'abord», selon lequel l'emploi doit être offert en
priorité aux Canadiens et aux résidents permanents, soit un
critère qui n'est pas lié aux chances de s'établir au Canada avec
succès que possède un immigrant éventuel. Selon les paragra-
phes 8(1) et 9(3) de la Loi sur l'immigration, l'immigrant
éventuel doit montrer que l'admission n'est pas contraire à la
Loi ou au Règlement et fournir la documentation requise à
cette fin. L'alinéa 114(1)a) autorise le gouverneur en conseil à
prendre un règlement prévoyant l'établissement de normes de
sélection fondées sur de nombreux critères, tels que la situation
du marché du travail au Canada, dans le but de déterminer si
un immigrant pourra réussir son installation au Canada. Selon
le paragraphe 8(1) du Règlement, l'agent des visas doit, pour
déterminer si le requérant pourra s'établir avec succès au
Canada, évaluer l'immigrant en fonction de chacun des facteurs
énumérés à la colonne I de l'annexe I, et attribuer des points
d'appréciation conformément aux critères énoncés à la colonne
II jusqu'à concurrence du nombre maximal prescrit à la
colonne III. Selon l'article 5 de l'annexe I, dix points sont
attribués si la personne a un emploi réservé faisant l'objet d'une
attestation par le Service national de placement. De l'avis des
intimés, pour qu'un requérant obtienne des points pour un
emploi éventuel, il doit fournir une offre d'emploi qui satisfait
aux exigences de l'article 20 du Règlement.
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Le principe selon lequel la procédure administrative doit être
évaluée consiste à savoir si celle-ci est compatible avec la Loi et
le Règlement, et non si ceux-ci l'autorisent.
Compte tenu des paragraphes 8(1) et 9(3) de la Loi et de la
procédure d'évaluation de la demande dans son ensemble,
l'agent des visas n'est pas expressément ou implicitement tenu
de consulter directement, de son propre chef, le Service national
de placement. Le requérant doit démontrer à la satisfaction de
l'agent des visas que les critères d'admission au Canada sont
satisfaits, et notamment qu'il a obtenu l'emploi réservé». Le
Règlement ne renferme aucune disposition sur la façon dont le
Service national de placement doit transmettre son avis, mais
compte tenu de l'obligation qui incombe au requérant en vertu
de la Loi, il n'est pas déraisonnable, inéquitable ou contraire à
la loi d'exiger que le requérant et l'employeur éventuel entre-
prennent les démarches nécessaires à l'obtention de l'avis
requis. La charge de la preuve n'est pas transférée à l'agent des
visas une fois que les renseignements au sujet de l'offre d'em-
ploi sont fournis. Le requérant doit satisfaire à toutes les
exigences de la Loi et du Règlement.
Il n'y a pas eu délégation illégale de pouvoir. Le pouvoir
discrétionnaire ultime d'attribuer dix points pour un emploi
réservé continue à être dévolu à l'agent des visas. En omettant
d'attribuer des points pour l'emploi réservé sans avoir obtenu
les renseignements requis du Service national de placement,
l'agent des visas a fait ce qu'il devait faire conformément à
l'article 5 de l'annexe I. Le fait d'insister pour que la procédure
administrative du Ministère soit suivie lorsqu'il s'agit d'entre-
prendre des démarches en vue d'obtenir ces renseignements ne
constitue pas une délégation du pouvoir décisionnel au Service
national de placement. Le pouvoir discrétionnaire que possède
l'agent des visas n'a pas non plus été indûment entravé. La
procédure d'obtention des renseignements n'est pas expressé-
ment autorisée par le Règlement, mais elle ne vas pas non plus
à l'encontre du Règlement et n'est pas incompatible avec
celui-ci.
La procédure administrative générale établie par la CEIC en
vue de l'examen de l'emploi réservé n'est pas incompatible avec
la Loi ou le Règlement, compte tenu du pouvoir conféré au
gouverneur en conseil par l'alinéa 114(1)a) et des critères de
sélection énoncés dans l'annexe I. L'exigence selon laquelle
l'employeur éventuel doit fournir des renseignements au bureau
local du CEC est visée par l'alinéa 114(1)a) de la Loi. Le fait
que les démarches doivent être entreprises par l'employeur
éventuel et que dans cette mesure la communication des docu
ments requis ne relève pas entièrement du contrôle du requé-
rant ne contrevient pas au Règlement et n'est pas incompatible
avec celui-ci. En outre, l'annexe I prévoit d'autres critères dont
l'examen et l'évaluation dépendent de facteurs et de renseigne-
ments sur lesquels le requérant n'exerce pas entièrement le
contrôle. En ce qui concerne les facteurs précis dont le Service
national de placement doit tenir compte en ce qui concerne
l'emploi réservé, seuls les facteurs énoncés à l'article 5 de
l'annexe I du Règlement peuvent à bon droit être pris en
considération. En général, les facteurs dont le Service national
de placement tient compte semblent aller au-delà de ceux qui
sont mentionnés à l'article 5 de l'annexe I. Ils se rapprochent
davantage de la liste des facteurs dont il faut tenir compte
lorsqu'il s'agit d'accorder une autorisation à un travailleur
temporaire étranger qui est déjà au Canada que de la liste plus
restreinte des facteurs dont il faut tenir compte lorsqu'il s'agit
d'informer les agents d'immigration au sujet de la possibilité
d'effets négatifs de l'arrivée de travailleurs étrangers sur l'em-
ploi des Canadiens. Les deux listes indiquent les facteurs à
prendre en considération conformément à l'article 20 du Règle-
ment, au sujet de la question de la délivrance d'un permis de
travail à des personnes autres que des citoyens canadiens ou des
résidents permanents au Canada qui ont le droit de travailler.
L'article 20 ne s'applique pas en l'espèce. Le Service national
de placement doit scrupuleusement tenir compte de la gamme
restreinte des facteurs à prendre en considération en vertu de
l'article 5 de l'annexe I, lorsqu'il s'agit d'informer l'agent des
visas au sujet de l'emploi réservé dans les cas de demande
d'admission.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 18.
Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), chap. U-1,
art. 120.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2,
art. 6(1), 8(1), 9(3), 114(1)a).
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172,
art. 8(1)a),(2), 9(1)a) (mod. par DORS/83-675, art.
3), b)(i) (mod. par DORS/83-675, art. 3; 85-1038, art.
4), 11(2),(3) (mod. par DORS/81-461, art. 1), 18(1),
20 (mod. par DORS/80-21, art. 7; 84-849, art. 2),
annexe I.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Hui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1986] 2 C.F. 96; (1986), 18 Admin. L.R. 264; 65
N.R. 69 (C.A.); Muliadi e. Canada (Ministre de l'Em-
ploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205; (1986), 18
Admin. L.R. 243; 66 N.R. 8 (C.A.); Canada (Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration) c. Ho, A-187-89, juge
Mahoney, J.C.A., jugement en date du 22-5-90, C.A.F.,
encore inédit.
DOCTRINE
Canada. Classification canadienne descriptive des pro
fessions, Ottawa: ministère de l'Emploi et de l'Immi-
gration, 1971-1977.
AVOCATS:
Cecil L. Rotenberg, c.r., et Diane C. Smith
pour la requérante.
Marilyn Doering pour les intimés.
PROCUREURS:
Rotenberg, Martinello, Austin, Don Mills
(Ontario), pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada,
Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: La requérante demande une
ordonnance de certiorari et une ordonnance de
mandamus en se fondant sur l'article 18 de la Loi
sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
alléguant que les intimés ont refusé de traiter sa
demande de résidence permanente au Canada con-
formément à la Loi sur l'immigration, L.R.C.
(1985), chap. I-2, et ses modifications, et au
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-
172, et ses modifications.
La requérante demande une ordonnance de cer-
tiorari afin d'annuler la décision par laquelle sa
demande de résidence permanente au Canada a
été refusée par un agent des visas membre du
personnel du secrétaire d'État aux Affaires exté-
rieures au consulat général du Canada à New
York. Elle recherche également une ordonnance de
mandamus afin d'enjoindre aux intimés d'exami-
ner et de traiter sa demande conformément à la
Loi et au Règlement et de déterminer s'il serait ou
non contraire à ces dispositions législatives de lui
accorder le droit d'établissement en qualité de
résidente permanente.
Le présent litige porte sur la procédure que
l'agent des visas a suivie lors de l'examen de l'un
des critères servant à évaluer la demande de la
requérante, soit l'emploi réservé au Canada.
MTe D'Souza, citoyenne de l'Inde, a demandé le
statut de résidente permanente du Canada en qua-
lité d'immigrante indépendante au consulat géné-
ral à New York. Sa demande a été présentée au
moyen d'une lettre envoyée par son employeur
éventuel, le cabinet de Rotenberg & Martinello,
avocats de Willowdale (Ontario), qui représente
également la requérante en l'espèce. Dans la lettre
d'envoi, le cabinet mentionne que le poste de
Mme D'Souza serait celui de secrétaire administra
tive au sens de la Classification canadienne des
criptive des professions, classification 4111-111. Il
fait également allusion à une autre lettre, jointe à
la demande, qui devrait selon lui être considérée
comme une offre d'emploi au sein de son personnel
à titre de secrétaire, lequel poste serait permanent.
Le cabinet décrit brièvement la semaine de travail,
les vacances et les programmes d'avantages desti-
nés au personnel ainsi que les conditions salariales
et les conditions de travail, qui sont jugées concur-
rentielles par rapport à celles qui sont générale-
ment offertes dans les bureaux. En outre, les avo-
cats mentionnent dans la lettre d'envoi qu'ils ont
continuellement publié des annonces de postes de
secrétaires, qu'ils sont incapables pour l'instant de
répondre à leurs besoins et qu'ils estiment que les
aptitudes de la requérante seraient utiles unique-
ment pour desservir les clients de l'Inde. La lettre
d'envoi comprenait également les paragraphes
suivants:
[TRADUCTION] J'aimerais vous rappeler que, selon l'inten-
tion du législateur qui ressort du Règlement, vous devez consul-
ter le Service de placement plutôt que de m'obliger à obtenir un
formulaire 2151. Cette procédure est conforme à un système
axé avant tout sur la sélection des immigrants et sur les
aptitudes de la requérante et non sur la compétence que j'ai
pour faire passer un test du Service de placement.
Comme mon bureau a engagé deux personnes après l'obten-
tion d'un formulaire 2151 -dans le passé et que ces deux
personnes ont travaillé longtemps chez nous, je ne crois pas que
la légitimité ou la bonne foi de la présente offre soit douteuse.
Encore une fois, si vous examinez avec soin la législation, vous
verrez qu'il vous incombe à vous de consulter le Service natio
nal de placement au sujet du salaire et des conditions de travail,
etc.
L'agent des visas a examiné la demande en se
fondant sur les renseignements qui y figuraient
sans interroger personnellement la requérante;
c'est l'étape de la procédure administrative appelée
l'ccexamen sur dossier». La requérante a ensuite été
avisée par écrit qu'il n'y avait qu'un besoin res-
treint au Canada de personnes exerçant sa profes
sion, ce qui constituait un obstacle à l'acceptation
de sa demande. On lui a mentionné dans cette
lettre qu'elle pourrait surmonter ce problème si
elle était en mesure de réserver un emploi au
Canada dans sa profession et que quiconque pour-
rait agir en son nom n'avait qu'à communiquer
avec le Centre d'emploi du Canada [CEC] de la
région pour connaître la procédure à suivre, sans
lui assurer pour autant que sa demande serait
approuvée. Entre-temps, sa demande était refusée.
Sa demande avait été évaluée, au cours de
l'étape de l' cexamen sur dossier», selon les critères
de sélection de l'annexe I du Règlement sur
l'immigration de 1978 et un total de 54 points
d'appréciation avaient été attribués. Selon le sous-
alinéa 9(1)b)(1) [mod. par DORS/83-675, art. 3;
85-1038, art. 4] du Règlement, un total de 70
points est exigé, sauf dans les cas où un pouvoir
discrétionnaire peut être exercé pour des motifs
valables conformément au paragraphe 11(3) [mod.
par DORS/81-461, art. 1]. L'agent des visas n'a
accordé aucun point, sur un total possible de dix,
pour l'emploi réservé. Si les dix points pouvant être
attribués pour l'emploi réservé avaient été accor
dés, la requérante en l'espèce aurait probablement
été invitée à une entrevue sur ses qualités person-
nelles, à la suite de laquelle elle aurait pu obtenir
un maximum de dix points supplémentaires. Ainsi,
l'omission d'attribuer des points pour l'emploi
réservé pourrait être considérée comme la cause
réelle du refus de la demande, comme les intimés
l'ont d'ailleurs reconnu.
À la suite de la lettre de refus, il y a eu un
échange de correspondance entre l'avocat de la
requérante (son employeur éventuel) et le consulat
général à New York. Au cours de cet échange,
l'avocat a soutenu que l'agent des visas de New
York était tenu, selon la Loi et le Règlement, de
trancher la question de l'emploi réservé et d'obte-
nir lui-même un avis du Centre d'emploi du
Canada, si cet avis était nécessaire. L'agent d'im-
migration de New York a refusé de le faire et on
peut lire les commentaires suivants dans une lettre
du consulat général:
[TRADUCTION] Je reconnais qu'il incombe à l'agent des visas
d'accepter ou de refuser une offre d'emploi selon l'article 5 de
l'annexe I du Règlement sur l'immigration et que cette décision
est fondée sur les renseignements fournis par le Service national
de placement. Cependant, le Règlement ne renferme aucune
disposition indiquant qui doit entreprendre les démarches. En
créant le système du formulaire 2151, la CEIC a décidé que la
procédure la plus efficace à suivre pour éviter que des travail-
leurs étrangers ne déplacent des citoyens canadiens et des
immigrants reçus et pour veiller à ce que les offres d'emploi
soient conformes aux normes de travail et aux normes monétai-
res canadiennes est d'exiger que ce soit l'employeur canadien
qui entreprenne les démarches au Canada.
Que vous décidiez de suivre ou non la procédure d'attestation
de la Commission, c'est votre décision. Cependant, jusqu'à ce
que la CEIC avise le consulat que l'offre d'emploi que vous
avez faite à votre cliente respecte les exigences énoncées à
l'article 5 des critères de sélection, notre bureau n'accordera
pas dix points pour l'emploi réservé à Mm` D'Souza.
La procédure à laquelle les agents d'immigra-
tion font allusion est une procédure énoncée, non
pas dans un règlement, mais dans le Guide de
l'emploi, qui est un document administratif interne
de la Commission de l'emploi et de l'immigration
du Canada (CEIC). Selon cette procédure, l'em-
ployeur éventuel d'un travailleur étranger doit
communiquer avec un centre local d'emploi du
Canada et remplir le formulaire 2151 au sujet du
poste offert. Agissant en qualité de Service natio
nal de placement conformément à l'article 120 de
la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985),
chap. U-1, la CEIC examine le cas et, si l'agent
d'emploi concerné estime que l'emploi réservé,
selon les conditions définies par l'employeur éven-
tuel, ne nuira pas à celui des citoyens canadiens ou
des résidents permanents du Canada, il atteste ce
fait en signant le formulaire; cet avis est ensuite
communiqué à l'agent des visas au moyen du
formulaire signé.
Dans la présente demande d'ordonnances de
certiorari et de mandamus, la requérante soutient
que la procédure requise en l'espèce n'est pas
conforme aux exigences de la Loi et du Règlement.
À l'appui de sa thèse, elle soulève essentiellement
les trois arguments suivants:
1. Le Règlement impose à l'agent des visas
l'obligation d'évaluer les renseignements soumis
par un requérant ou au nom de celui-ci; si un
avis doit être obtenu du Service national de
placement, c'est l'agent des visas qui devrait
l'obtenir directement et il n'y avait aucune
raison de refuser la demande de la requérante
sans l'interroger sur ses qualités personnelles et
sans lui accorder de points pour l'emploi réservé.
2. En refusant d'examiner l'emploi réservé de la
requérante ou d'attribuer des points à cet égard
avant la réception de l'avis du Service national
de placement selon la procédure que la CEIC a
mise en œuvre pour ses fins, l'agent des visas a
effectivement délégué un pouvoir décisionnel au
Service national de placement et, en suivant la
procédure ministérielle, il a souscrit à un avis ou
une politique de la CEIC qui n'est pas autorisé
par le Règlement.
3. La Loi sur l'immigration et le Règlement, y
compris les critères d'appréciation, créent un
fondement permettant à un requérant de
démontrer qu'il a toutes les chances voulues de
s'établir avec succès au Canada. Le système
instauré par la CEIC prive à tort la requérante
de la possibilité de faire cette preuve, étant
donné que le Service national de placement ne
traite pas avec elle, mais seulement avec l'em-
ployeur éventuel, et qu'il évalue l'offre d'emploi
à l'aide du critère «éléments canadiens d'abord»,
selon lequel l'emploi doit être offert en priorité
aux Canadiens et aux résidents permanents du
Canada, ce qui n'est pas un critère lié aux
chances de l'immigrant éventuel de s'établir
avec succès au Canada.
Les parties se fondent sur plusieurs dispositions
de la Loi et du Règlement. Selon le paragraphe
6(1) de la Loi, un immigrant indépendant peut
obtenir le droit d'établissement s'il convainc
l'agent d'immigration qu'il satisfait aux normes
réglementaires de sélection visant à déterminer
l'aptitude des immigrants à réussir leur installation
au Canada. Il incombe à quiconque cherche à
entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou
que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à
la Loi ou au Règlement (paragraphe 8(1)). Toute
personne doit répondre franchement aux questions
de l'agent des visas et produire toutes les pièces
que celui-ci pourrait exiger pour établir que son
admission ne contreviendrait pas à la Loi ou au
Règlement (paragraphe 9(3)). L'alinéa 114(1)a)
permet au gouverneur en conseil de prendre un
règlement prévoyant
114. (1) ...
a) l'établissement et l'application de normes de sélection,
fondées sur des critères tels que la parenté, l'instruction, la
langue, la compétence, l'expérience professionnelle et autres
qualités et connaissances personnelles et tenant compte des
facteurs démographiques et de la situation du marché du
travail au Canada, dans le but de déterminer si un immigrant
pourra réussir son installation au Canada;
Selon le Règlement sur l'immigration de 1978,
dans le cas d'une personne qui présente une
demande de résidence permanente à titre d'immi-
grant indépendant, l'agent des visas doit, pour
déterminer si le requérant pourra s'établir avec
succès au Canada, évaluer l'immigrant en fonction
de chacun des facteurs énumérés à la colonne I de
l'annexe I (paragraphe 8(1) [mod. par DORS/85-
1038, art. 3]) et attribuer à un immigrant évalué
selon cette annexe I, conformément aux critères
énoncés à la colonne II de l'annexe, des points
d'appréciation jusqu'à concurrence du nombre
maximal prescrit à la colonne III de l'annexe
(paragraphe 8(2)). Les alinéas 9(1)a) [mod. par
DORS/83-675, art. 3] et b) du Règlement prescri-
vent que l'agent des visas peut délivrer un visa à
une personne faisant partie de la catégorie des
immigrants indépendants, laquelle personne est
admissible et satisfait aux autres exigences de la
Loi et du Règlement, si le requérant a obtenu au
moins 70 points d'appréciation selon l'annexe I,
mais aucun visa ne sera délivré, sauf si au moins
un point d'appréciation lui a été accordé pour le
facteur «Demande dans la profession» de l'annexe
I, ou à moins que cet immigrant n'ait un emploi
réservé au Canada ou ne soit disposé à exercer une
profession désignée (paragraphe 11(2)).
Le Règlement comporte également, à l'annexe I,
les dispositions suivantes à l'égard de l'article 5,
qui concerne l'emploi réservé:
Dix points d'appréciation seront attribués si, de l'avis de l'agent
des visas,
a) le requérant a, au Canada un emploi réservé qui, d'après les
renseignements fournis par le service national de placement,
offre des perspectives de durée raisonnablement bonnes et
des conditions de travail et un salaire de nature à attirer des
citoyens canadiens ou des résidents permanents pour qu'ils
exercent et continuent d'exercer l'emploi en question,
b) d'après les renseignements fournis par le service national de
placement, le fait d'employer le requérant au Canada ne
nuira pas aux possibilités d'emploi des citoyens canadiens ni
des résidents permanents résidant au Canada, et
c) le requérant pourra probablement obtenir des autorités fédé-
rales, provinciales et autres, l'autorisation nécessaire pour
l'emploi en question, ou
Pour les besoins de la cause, je souligne que,
dans le mémoire initial qu'il a soumis, l'avocat de
la requérante a fait allusion au paragraphe 18(1)
[mod. par DORS/89-80, art. 1] et à l'article 20
[mod. par DORS/80-21, art. 7; 84-849, art. 2] du
Règlement et a invoqué des arguments fondés sur
ces dispositions. L'avocate des intimés a répondu à
ces arguments dans son mémoire. L'avocat de la
requérante a apparemment abandonné les argu
ments en question dans un mémoire supplémen-
taire et n'a pas fait directement allusion à ces
dispositions au cours de sa plaidoirie. L'avocate
des intimés a soutenu que le paragraphe 18(1)
n'était pas pertinent, étant donné qu'il s'applique
aux visiteurs et concerne les travailleurs étrangers
qui viennent travailler temporairement au Canada.
Bien que l'article 20, qui traite de la délivrance
d'un permis de travail, me semble lui aussi porter
sur les visiteurs ou d'autres personnes qui se trou-
vent déjà au Canada, l'argument de l'avocate des
intimés est fondé en partie sur cette disposition
qui, sur certains points, est parallèle quant aux
conditions qu'elle prescrit à celles qui sont énon-
cées relativement à l'article 5 de l'annexe I du
Règlement. En outre, il semble que cette disposi
tion puisse constituer le fondement de la procédure
ministérielle décrite dans un affidavit déposé au
nom des intimés; pour permettre une meilleure
compréhension de la thèse des intimés, je reproduis
ci-après des parties de cet article:
20. (I) L'agent d'immigration ne peut délivrer de permis de
travail à une personne
a) s'il est d'avis que l'embauchage de cette personne nuira à
celui des citoyens canadiens ou des résidents permanents au
Canada; ou
b) si la délivrance de ce permis nuira
(i) au règlement de tout conflit de travail qui sévit au lieu
de travail ou au lieu prévu de travail, ou
(ii) à l'emploi de toute personne touchée par ce conflit.
(3) Pour être en mesure de se faire une opinion aux fins de
l'alinéa (1)a), l'agent d'immigration doit tenir compte des
facteurs suivants, à savoir:
a) si l'employeur éventuel a fait des efforts raisonnables pour
embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents
permanents afin qu'ils puissent exercer l'emploi pour lequel
un permis de travail a été sollicité;
b) si le requérant possède les qualités et l'expérience voulues
pour exercer l'emploi pour lequel un permis de travail a été
sollicité; et
c) si les conditions de travail et le salaire offerts sont de
nature à attirer des citoyens canadiens ou des résidents
permanents pour qu'ils exercent et continuent d'exercer l'em-
ploi en question.
(4) L'agent d'immigration doit tenir compte de l'opinion
d'un agent du Bureau du service national de placement dont
relève le secteur où la personne sollicitant un permis de travail
désire exercer un emploi pour ce qui concerne les points visés
aux alinéas (3)a) et c).
En réponse à la requête de la requérante, les
intimés ont présenté l'affidavit de David Greenhill,
directeur de la Politique et des programmes sur les
travailleurs étrangers de la Direction générale des
services au marché du travail à l'administration
centrale de la CEIC. Dans son affidavit,
M. Greenhill décrit en ces termes la procédure de
celle-ci:
[TRADUCTION] 5. L'agent des visas a fait savoir à la requé-
rante que, même si la demande de celle-ci était refusée pour
l'instant, elle pourrait être réexaminée si la requérante était en
mesure de démontrer une offre d'emploi réservé au Canada qui
était conforme aux conditions susmentionnées [c'est-à-dire les
conditions énoncées au paragraphe 4 qui correspondent aux
conditions de l'article 5 de l'annexe 1 du Règlement].
6. Je joins comme pièce «B» au présent affidavit le texte du
chapitre 17 du Guide d'emploi, qui concerne le recrutement de
travailleurs étrangers.
7. Le rôle du Service national de placement (CEC) consiste à
aider les employeurs du Canada, par une planification des
ressources humaines, à connaître et combler leurs besoins dans
le marché du travail et à déterminer les programmes et services
de la CEIC qui leur permettraient de répondre à ces besoins.
S'il n'y a pas de citoyens canadiens ou de résidents permanents
du Canada qui sont disponibles et que la formation ne repré-
sente pas une option viable, le Service national de placement
pourra recommander le recours à des travailleurs étrangers
temporaires ou l'admission de personnes qui présentent une
demande de résidence permanente et qui ont les qualités
voulues.
8. Lorsqu'il répond aux demandes présentées par des
employeurs du Canada en vue de faire valider une offre d'em-
ploi destinée à des travailleurs étrangers temporaires ou des
immigrants éventuels, le Service national de placement (CEC)
examine tout d'abord:
1) les efforts que l'employeur a déployés pour embaucher ou
former des Canadiens;
2) la convenance du salaire et des conditions de travail
offerts;
3) les avantages que comporte le recrutement de travail-
leurs étrangers;
4) l'absence de conflit de travail; et
5) l'authenticité de l'offre d'emploi.
9. Je joins comme pièce «C» du présent affidavit une copie du
formulaire 2151, qui est une confirmation d'offre d'emploi;
l'employeur doit remplir ce formulaire en y inscrivant les
détails concernant l'offre d'emploi et le travailleur étranger
auquel l'emploi est offert.
10. L'employeur qui soumet un formulaire 2151 à un CEC
entreprend les démarches par lesquelles un conseiller en
matière d'emploi l'aidera à combler ce poste à l'aide d'un
citoyen canadien ou d'un résident permanent du Canada, si
c'est possible. Si c'est impossible et que les autres critères sont
respectés, le conseiller en matière d'emploi attestera au bas du
formulaire 2151 que cette offre d'emploi à un travailleur
étranger ne nuit pas aux possibilités d'emploi des citoyens
canadiens ou des résidents permanents du Canada.
11: Le Service national de placement délivrera à l'agent des
visas une validation d'une offre d'emploi en réponse aux
demandes d'employeurs du Canada, afin d'aider l'agent à se
former une opinion aux fins de l'alinéa 20(1)a) du Règlement
sur l'immigration conformément aux directives énoncées à cet
égard aux paragraphes 20(3) et 20(4) du Règlement sur
l'immigration.
12. Conformément à l'article 5 de l'annexe I du Règlement sur
l'immigration, 10 points d'appréciation seront attribués pour
l'emploi réservé si, de l'avis de l'agent des visas, les exigences de
cette disposition qui sont énoncées ci-dessus au paragraphe 5
sont respectées.
En se fondant sur cet affidavit et sur la Loi et le
Règlement, les intimés soutiennent, en réponse aux
arguments de la requérante, que le Règlement doit
être lu à la lumière des exigences des paragraphes
8(1) et 9(3) de la Loi, qui imposent à une personne
qui cherche à entrer au Canada l'obligation de
démontrer que son admission ne serait pas con-
traire à la Loi ou au Règlement et de fournir les
documents requis à cette fin. De l'avis des intimés,
pour que la requérante obtienne des points d'ap-
préciation pour l'emploi réservé, elle doit fournir
[TRADUCTION] «une offre d'emploi d'un Centre
d'emploi du Canada qui respecte les exigences de
l'article 20 du Règlement». En outre, disent-ils, il
n'est pas nécessaire, selon la Loi ou le Règlement
[TRADUCTION] «qu'un agent des visas demande
des renseignements au nom d'un requérant au
sujet de la convenance d'un emploi en s'adressant
au bureau du Service national de placement et il
n'est pas possible non plus pour un agent des visas
de se former une opinion conformément au para-
graphe 20(3) du Règlement sans la collaboration
de l'employeur éventuel». [TRADUCTION] «L'em-
ployeur doit respecter certaines conditions, notam-
ment celles de prouver qu'il offre un salaire et des
conditions de travail concurrentiels et qu'il a fait
des efforts raisonnables pour embaucher des
citoyens canadiens ou des résidents permanents du
Canada, avant que le CEC n'atteste le formulaire
2151» (mémoire des intimés, paragraphes 19 25).
La procédure qui est décrite dans l'affidavit de
David Greenhill et sur laquelle les intimés fondent
leurs arguments, du moins en partie, est essentiel-
lement celle qui est énoncée dans le Guide de
l'emploi, où l'on trouve une description de la politi-
que administrative, des objectifs et de la procédure
concernant les services de placement de la CEIC.
Bien qu'il n'en soit pas question dans l'affidavit, la
partie du Guide qui y est jointe comme pièce
comprend également les dispositions suivantes qui
concernent les «travailleurs recrutés par des tiers»
et qui, je présume, ont été jugées applicables en
l'espèce:
17.07 2) La CEIC n'acceptera pas d'offres d'emploi ou de
demande relative à un «travailleur nommément dési-
gné» émanant d'une tierce partie et exigeant l'admis-
sion au Canada de travailleurs étrangers, à titre
d'immigrants ou de travailleurs étrangers temporai-
res, à l'exception des demandes visant à pourvoir à
des postes véritablement vacants au sein du personnel
permanent de la tierce partie au moyen de travail-
leurs qui ne seront pas présentés ensuite à des clients-
employeurs de celle-ci. (Voir le chapitre 36, paragra-
phe 36.22 du Guide de l'emploi.)
3) Si une tierce partie adresse une telle demande à la
CEIC soit au Canada, soit à l'étranger, il faudra lui
exposer clairement la politique de la CEIC à ce sujet
et lui demander de conseiller à ses clients-employeurs
de communiquer directement avec la CEIC.
Le principe sur lequel les arguments de la requé-
rante reposent est essentiellement le suivant: la
procédure administrative décrite dans le Guide de
l'emploi n'est pas autorisée par la Loi sur l'immi-
gration et le Règlement sur l'immigration. À mon
avis, le critère à la lumière duquel la procédure
doit être évaluée consiste à savoir si celle-ci est
incompatible avec la Loi et le Règlement. Dans la
mesure où ces directives internes ne sont pas
incompatibles avec la Loi ou le Règlement, aucune
objection sérieuse ne peut être soulevée à leur
égard. S'il y a incompatibilité avec la Loi ou le
Règlement ou si ces directives établissent une pro-
cédure qui entrave le pouvoir discrétionnaire
accordé par la loi, en l'occurrence, la Loi et le
Règlement, ces derniers devront l'emporter.
Le premier argument de la requérante dépend
de la réponse à la question de savoir si c'est la
direction générale de l'immigration ou celle de
l'emploi qui doit prendre l'initiative d'obtenir un
avis du Service national de placement lors de
l'évaluation de l'emploi réservé. Invoquant l'article
8 du Règlement, notamment les mots «un agent
des visas doit apprécier cet immigrant ... suivant
chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de
l'annexe I» [soulignement ajouté] et l'expression, à
la colonne II de l'annexe I (reproduite ci-dessus)
«Dix points d'appréciation sont attribués» [souli-
gnement ajouté], l'avocat de la requérante soutient
que l'agent des visas est tenu, en vertu de la loi, de
prendre la décision. Étant donné que l'agent des
visas a besoin, à cette fin, de l'avis du Service
national de placement, il est tenu, selon l'avocat,
d'obtenir cet avis. Comme les dispositions législati-
ves et réglementaires doivent l'emporter sur une
politique ministérielle élaborée à l'interne, l'agent
des visas n'a pas le droit de se fonder sur la
politique administrative interne pour éviter de se
conformer à ses obligations d'origine législative.
Pour sa part, le ministre allègue que l'obligation
d'évaluer la demande d'un requérant, laquelle obli
gation incombe à l'agent des visas, doit être exami
née à la lumière des paragraphes 8(1) et 9(3) de la
Loi sur l'immigration, qui imposent à la requé-
rante le fardeau de démontrer que son admission
«ne contreviendrait pas à la présente Loi ni à ses
règlements» [paragraphe 8(1)] et prévoient que
«Toute personne doit . .. produire toutes les pièces
qu'exige celui-ci [l'agent des visas] pour établir
que son admission ne contreviendrait pas à la
présente loi ni à ses règlements» [paragraphe
9(3)]. On soutient que ces dispositions autorisent
l'agent des visas à refuser d'attribuer des points
pour «l'emploi réservé» jusqu'à ce que la requé-
rante se conforme à la demande de l'agent des
visas, c'est-à-dire qu'elle soumette en son nom, lors
de démarches entreprises par l'employeur éventuel,
un formulaire dans lequel le Service national de
placement approuve l'offre d'emploi. Le ministre
ajoute que l'agent des visas n'est nullement tenu de
consulter directement, de son propre chef, le Ser
vice national de placement.
Ni la Loi ni le Règlement n'imposent explicite-
ment pareille obligation. Je suis aussi d'avis qu'il
n'existe aucune obligation implicite pour l'agent
des visas de consulter de son propre chef le Service
national de placement. Pour en arriver à cette
conclusion, je me fonde sur les paragraphes 8(1) et
9(3) de la Loi et sur l'ensemble du processus
d'évaluation de la demande. Ainsi, la requérante
doit démontrer à la satisfaction de l'agent des
visas, à qui incombe la responsabilité de prendre la
décision, que les critères relatifs à l'admission au
Canada ont été établis. En conséquence, tout
comme dans le cas des autres critères, la requé-
rante doit prouver à l'agent des visas qu'elle a
obtenu un «emploi réservé». Selon le Règlement,
cette preuve nécessite l'obtention d'un avis du Ser
vice national de placement. Bien que le Règlement
ne renferme aucune disposition sur la façon dont
cet avis doit être communiqué, le principe sous-
jacent selon lequel la preuve doit être faite par la
requérante et le fardeau de la preuve qui incombe
à celle-ci selon les paragraphes 8(1) et 9(3) m'inci-
tent à conclure qu'il n'est ni déraisonnable, ni
inéquitable ou contraire à la loi d'exiger que la
requérante et l'employeur éventuel de celle-ci
entreprennent les démarches nécessaires à l'obten-
tion de l'avis requis.
Contrairement à ce que soutient l'avocat de la
requérante, je ne crois pas que le fardeau de la
preuve soit transféré à l'agent des visas une fois
que la requérante a fourni des renseignements
concernant l'offre d'emploi. Le fardeau de la
preuve, qui est d'origine législative, ne peut être
déplacé par la communication de ces renseigne-
ments, même lorsqu'il s'agit de renseignements de
la qualité de ceux que la requérante a fournis. La
requérante doit respecter toutes les exigences de la
Loi et du Règlement, notamment en ce qui a trait
aux facteurs qui doivent être établis et sur lesquels
elle ne peut exercer un contrôle direct. Il est vrai
qu'elle aura besoin de l'aide de son employeur à
cette fin et cela pourra signifier, dans certains cas,
que la demande d'un immigrant éventuel sera
peut-être refusée en raison de l'omission de l'em-
ployeur de respecter les conditions de procédure
établies par le ministre.
L'avocat de la requérante invoque l'arrêt Hui c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1986] 2 C.F. 96 (C.A.) à l'appui de la
proposition générale selon laquelle seuls la Loi et
le Règlement ont force de loi et l'agent des visas
n'a pas le droit d'invoquer des procédures adminis-
tratives ministérielles qui n'ont pas force de loi.
Dans l'arrêt Hui, il a été jugé que l'agent des visas
avait fondé sa décision, du moins en partie, sur des
déclarations du ministre qui avaient pour effet
d'ajouter un facteur ou un critère non prévu dans
le Règlement en ce qui a trait à l'évaluation d'un
immigrant éventuel qui désire être admis au
Canada dans la catégorie des entrepreneurs. A
mon avis, le principe selon lequel une personne
investie d'un pouvoir décisionnel doit s'acquitter de
sa tâche dans les limites de la loi et pour les motifs
prescrits par la loi n'est pas pertinent en l'espèce.
Dans la présente cause, l'agent des visas n'a pas
refusé la demande de la requérante en se fondant
sur un facteur ou un motif non prévu dans le
Règlement. Le fait d'avoir suivi la procédure
ministérielle ne pouvait être une erreur que si cette
procédure était incompatible avec la Loi et le
Règlement ou contraire à ceux-ci.
Dans la mesure où la procédure que la Commis
sion a élaborée et suivie pour s'acquitter de ses
responsabilités en matière d'immigration n'est pas
incompatible avec les exigences de la Loi et du
Règlement, on ne peut soulever d'objection en
droit à son égard. Le ministre doit avoir le pouvoir
discrétionnaire d'élaborer une procédure adminis
trative pour s'acquitter de ses responsabilités d'ori-
gine législative et réglementaire. Notre Cour ne
devrait intervenir pour restreindre ce pouvoir dis-
crétionnaire que lorsqu'il est évident que la procé-
dure est incompatible avec la Loi et le Règlement
ou qu'elle outrepasse par ailleurs le pouvoir dont le
ministre est investi en vertu de ceux-ci.
Dans le cas qui nous occupe, l'agent des visas, à
qui il incombe d'évaluer la demande de la requé-
rante à l'aide des renseignements qui y figurent,
doit, à l'égard du critère «Emploi réservé» (article
5, annexe I), tenir compte des renseignements qu'a
fournis le Service national de placement au sujet
de deux points: en ce qui a trait à l'emploi, l'agent
des visas doit s'assurer qu'il offre des perspectives
raisonnables de continuité et un salaire et des
conditions de travail suffisamment intéressants
pour attirer et conserver comme employés des
citoyens canadiens ou des résidents permanents du
Canada et, en ce qui a trait à la requérante, il doit
s'assurer que son emploi au Canada ne nuira pas à
l'emploi des citoyens canadiens ou des résidents
permanents du Canada. Dans la présente cause,
aucun renseignement n'a été obtenu du Service
national de placement au sujet de l'emploi proposé
lorsque l'employeur éventuel a refusé d'entrepren-
dre les démarches prévues par les politiques admi-
nistratives de la CEIC, lesquelles démarches
devaient mener à la communication des renseigne-
ments nécessaires à l'agent des visas.
En ce qui a trait au second argument, la requé-
rante déclare qu'en refusant d'octroyer le visa
jusqu'à ce que le Service national de placement ait
délivré l'autorisation relative à l'emploi réservé,
l'agent des visas a délégué à tort son pouvoir au
sujet de cette question. Elle ajoute que la décision
d'accorder ou de refuser le visa dépendait de la
réponse obtenue du Service national de placement
et que c'est donc le fonctionnaire dudit Service qui
prend la décision. Cet argument est invoqué tant
en ce qui a trait à l'octroi du visa (selon l'article 8
du Règlement) qu'en ce qui a trait au permis de
travail (requis par l'article 5 de l'annexe I du
Règlement).
À l'appui de cet argument, l'avocat de la requé-
rante cite l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205
(C.A.). Dans cette cause-là, une demande de rési-
dence permanente dans la catégorie des entrepre
neurs a été refusée, principalement en raison de
lacunes que comportait un projet d'entreprise pro-
posé. Lors du réexamen de la demande, l'agent des
visas a mené une entrevue personnelle au cours de
laquelle il a dit clairement que la demande était
refusée en raison d'une évaluation négative faite
par un fonctionnaire de la province de l'Ontario.
La Cour d'appel fédérale a accordé à l'unanimité
la réparation demandée par le requérant pour trois
raisons, dont la délégation illégale par l'agent des
visas, qui est investi du pouvoir décisionnel en
vertu de la Loi et du Règlement, au fonctionnaire
du gouvernement de l'Ontario. S'exprimant au
nom de la Cour, dont le jugement était unanime, le
juge Stone, J.C.A., a dit ce qui suit au sujet de la
délégation inappropriée (à la page 218):
Il va sans dire que la décision sur la demande devait être
prise par l'agent des visas et qu'elle ne pouvait être déléguée de
la manière précédemment décrite. Il semble que l'agent a
permis qu'elle soit prise par le fonctionnaire de l'Ontario de qui
il a reçu les renseignements relatifs à la viabilité du projet
d'entreprise de l'appelant. Bien qu'il ait été habilité à recevoir
des renseignements de cette source sur ce sujet, il n'en demeure
pas moins qu'il avait le devoir de trancher la question confor-
mément à la Loi et au Règlement. II a donc commis une grave
erreur en permettant que la décision soit prise par le fonction-
naire du gouvernement de l'Ontario au lieu de la rendre
lui-même ainsi qu'il devait le faire.
Bien que le principe énoncé dans l'arrêt Muliadi
soit important, à mon avis, il ne s'applique pas
directement en l'espèce. Selon l'alinéa 114(1)a) de
la Loi, le gouverneur en conseil peut prendre un
règlement «prévoyant l'établissement et l'applica-
tion de normes de sélection, fondées sur des critè-
res tels que ... et tenant compte des facteurs
démographiques et de la situation du marché du
travail au Canada, dans le but de déterminer si un
immigrant pourra réussir son installation au
Canada». De toute évidence, le Règlement dont il
est question ici, notamment l'article 5 de l'annexe
I, ne dépasse pas les limites du paragraphe
114(1)a) et il prévoit que l'agent des visas qui
évalue une demande de résidence permanente au
Canada, laquelle évaluation comprend l'examen de
l'emploi réservé, doit évaluer ce critère d'admission
sur la foi des renseignements fournis par le Service
national de placement à l'égard de l'emploi offert
et à l'égard de la possibilité que l'emploi de la
requérante au Canada nuise à l'emploi de citoyens
canadiens ou de résidents permanents du Canada.
A ce sujet, je souligne qu'il faut obtenir non
seulement un avis général concernant les consé-
quences de l'emploi de la requérante sur l'emploi
de tierces personnes, mais plutôt des renseigne-
ments précis établissant que l'emploi en question
ne nuira pas aux possibilités d'emploi de citoyens
canadiens ou de résidents permanents du Canada.
Si cette décision concernant certains aspects de
l'emploi de la requérante est considérée comme
une délégation de pouvoir au Service national de
placement, il me semble que cette délégation est
clairement établie par le Règlement et qu'elle est
autorisée; elle n'est pas faite par l'agent des visas.
En outre, le pouvoir ultime d'accorder dix points
pour l'emploi réservé demeure entre les mains de
l'agent des visas. Selon l'article 5 de l'annexe I,
l'agent des visas doit aussi déterminer jusqu'à quel
point la requérante sera en mesure de respecter les
exigences réglementaires et les exigences liées à
l'octroi de permis en ce qui a trait à l'emploi offert.
Cependant, d'après le libellé de ce même article, il
ne serait pas approprié que l'agent des visas
accorde des points pour l'emploi réservé avant que
les renseignements devant être obtenus du Service
national de placement selon l'article 5 de l'annexe
I ne soient disponibles. Le Règlement et les faits
sur lesquels la Cour doit se prononcer en l'espèce
sont différents de ceux de l'arrêt Muliadi.
La requérante a également cité l'arrêt Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration). c. Ho,
(décision encore inédite, C.A.F., dossier numéro
A-187-89), où la décision initiale de l'agent des
visas concernant l'attribution des points selon l'an-
nexe I a été modifiée suivant l'avis de l'administra-
tion centrale. La Cour d'appel a confirmé la déli-
vrance d'une ordonnance de certiorari et le juge
Mahoney, J.C.A., s'est exprimé comme suit au
nom de la Cour [aux pages 1 et 2]:
Un agent des visas ne saurait tenir compte de; directives généra-
les qui n'ont pas force de loi, ni d'instructions particulières en
l'espèce qui émanent du siège central. Celles-ci entravent à tort
l'exercice de la discrétion que lui a conférée le Parlement, et
non la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada.
À mon avis, il n'y a pas eu de délégation illégale
de pouvoir de la part de l'agent des visas en
l'espèce. Celui-ci n'a pas souscrit non plus à un
avis de l'administration centrale (ni n'a respecté
des directives générales) se rapportant particuliè-
rement au présent litige. En omettant d'attribuer
des points pour l'emploi réservé sans avoir obtenu
de renseignements du Service national de place
ment, l'agent des visas a fait ce qu'il devait faire
conformément à l'article 5 de l'annexe I. En insis-
tant sur le respect de la procédure administrative
du Ministère concernant les démarches à entre-
prendre pour l'obtention de ces renseignements, il
n'a pas délégué un pouvoir décisionnel au Service
national de placement. Il ne s'agit pas non plus
d'un cas d'entrave au pouvoir discrétionnaire dont
l'agent des visas est investi. Bien que la procédure
relative aux mesures initiales à prendre pour obte-
nir les renseignements ne soit pas expressément
autorisée par le Règlement, elle n'est pas, comme
je l'ai déjà indiqué, incompatible avec celui-ci ni
n'est contraire à ses dispositions.
En dernier lieu, la requérante allègue que le
système administratif qu'a établi la CEIC pour
l'évaluation de l'emploi réservé prive erronément
une personne qui présente une demande d'immi-
gration de la possibilité de prouver qu'elle a toutes
les chances voulues de s'établir avec succès au
Canada. À la lumière de la preuve présentée
devant moi, je suis d'avis que cet argument doit
être examiné sous deux aspects.
Le premier aspect concerne la procédure géné-
rale. A mon sens, compte tenu du pouvoir dont le
gouverneur général en conseil est investi en vertu
de l'alinéa 114(1)a) de la Loi et du Règlement
établi sous l'autorité de cette disposition, et surtout
des critères d'évaluation prescrits à l'annexe I du
Règlement, la procédure générale n'est pas incom
patible avec la Loi et le Règlement. Il est vrai que,
pour obtenir dix points d'appréciation pour le cri-
tère de l'emploi réservé, la requérante doit suivre
une procédure qui exige de l'employeur éventuel
qu'il fournisse des renseignements à un bureau
local du CEC, lequel pourra valider l'emploi
réservé en attestant l'avis d'un agent d'emploi
selon lequel l'emploi offert à la requérante ne
nuira pas aux possibilités d'emploi des citoyens
canadiens ou des résidents permanents du Canada.
Cette exigence est manifestement comprise dans
l'alinéa 114(1)a) de la Loi comme étant une ques
tion qui relève de la «situation du marché du
travail au Canada, dans le but de déterminer si un
immigrant pourra réussir son installation au
Canada». Le fait que les démarches doivent être
entreprises par l'employeur éventuel conformé-
ment à la procédure administrative de la CEIC et
que, dans cette mesure, la communication des
documents requis ne puisse être contrôlée entière-
ment par la requérante, comme je l'ai indiqué,
n'est pas incompatible avec le Règlement ni ne
contrevient à celui-ci. En outre, l'annexe I prévoit
d'autres critères dont l'examen et l'évaluation
dépendent de facteurs et de renseignements qui ne
relèvent pas uniquement du contrôle de la requé-
rante, par exemple, le critère de la «Demande dans
la profession» (article 4), qui est déterminé «en
tenant compte de la demande tant nationale que
régionale sur le marché du travail», et le «facteur
démographique» (article 6 [mod. par DORS/85-
1038, art. 8]), qui est déterminé «selon ce qu'éta-
blit le ministre après avoir consulté les provinces»
et d'autres personnes et organisations.
Le second aspect de cet argument de la requé-
rante porte sur les facteurs précis que l'agent
d'emploi doit évaluer pour fournir son avis attesté
selon lequel, le cas échéant, l'emploi de la requé-
rante ne nuira pas aux possibilités d'emploi des
citoyens canadiens et des résidents permanents du
Canada. L'avocat de la requérante fait allusion à
une politique «axée sur le Canada d'abord» et,
lorsqu'il a contre-interrogé Greenhill sur son affi
davit, il a fait mention des règles administratives
du Service national de placement qui, à son avis,
posent des embûches aux employeurs éventuels.
Au sens strict, étant donné que les démarches
menant à l'examen par un agent d'emploi n'ont
pas été entreprises dans ce cas-ci, il n'y a pas de
faits clairs à la lumière desquels l'examen détaillé
des facteurs peut avoir lieu. Néanmoins, puisque la
preuve présentée devant moi est quelque peu con
fuse, j'ai l'intention de commenter les facteurs qui,
à mon sens, peuvent être examinés à bon droit à la
lumière de la Loi et du Règlement à l'égard du
critère mentionné à l'article 5 de l'annexe I, soit
l'«Emploi réservé». Selon cette disposition, l'agent
des visas doit examiner trois facteurs, et deux de
ceux-ci qui, de l'aveu général, sont des facteurs
généraux, doivent être évalués à la lumière des
renseignements fournis par le Service national de
placement. Il est certain que ce sont là les seuls
facteurs à examiner, sauf peut-être si l'on excepte
un facteur non mentionné, mais implicite, celui de
l'authenticité de l'offre d'emploi.
Dans son affidavit dans lequel il décrit la procé-
dure suivie par le Service national de placement,
David Greenhill fait mention, au paragraphe 8, des
facteurs examinés. Cette liste me semble aller
au-delà de la liste plus restreinte de l'article 5 de
l'annexe I. Effectivement, la liste de Greenhill
semble correspondre davantage à la liste des fac-
teurs énoncés dans le Guide de l'emploi pour l'exa-
men de l'autorisation relative à un travailleur
étranger (Guide, section 17.03, 2)c)) qu'à une liste
plus restreinte (prévue dans le même Guide, à la
section 17.10, 3)) des facteurs à examiner «[p]our
informer les agents d'immigration sur la possibilité
d'effets négatifs de l'arrivée de travailleurs étran-
gers sur l'emploi et les possibilités de carrière des
Canadiens». Les deux listes semblent être des listes
des facteurs à examiner conformément à l'article
20 du Règlement au sujet de la question de la
délivrance d'un permis de travail à des personnes
autres que des citoyens canadiens ou des résidents
permanents du Canada qui ont le droit de travail-
ler. À mon avis, cette disposition n'est nullement
pertinente en l'espèce, et pourtant, les intimés
plaident leur cause comme si elle s'appliquait. Il
est possible, comme l'affidavit et le contre-interro-
gatoire de Greenhill semblent l'indiquer, que la
CEIC suive la même procédure pour déterminer
s'il y a lieu d'accorder une autorisation relative à
un emploi réservé à un immigrant qui demande le
statut de résident permanent et d'accorder un
permis de travail à une personne qui se trouve déjà
au Canada sur une base temporaire. À tout événe-
ment, le paragraphe 20(3) énumère les facteurs
que l'agent d'immigration doit examiner pour se
former une opinion aux fins de l'alinéa la)
(c'est-à-dire l'alinéa 20(1)a)) et ces- facteurs com-
prennent la question de savoir «a) si l'employeur
éventuel a fait des efforts raisonnables pour
embaucher ou former des citoyens canadiens ou
des résidents permanents». Cette disposition a pour
effet d'ajouter, plus précisément que ne le fait
l'article 5 de l'annexe I, un «élément axé sur le
Canada d'abord», du moins implicitement, de sorte
que les possibilités d'emploi soient d'abord offertes
aux citoyens canadiens ou aux résidents perma
nents du Canada qui sont disponibles avant qu'un
permis de travail ne -soit délivré à un travailleur
étranger. Même s'il s'agit peut-être là d'un objectif
valable du Service national de placement, ce cri-
tère ne fait pas clairement partie, notamment dans
la mesure où il se rapporte à la formation, des
facteurs à examiner à l'égard de l'article 5 de
l'annexe I. Compte tenu de cette dernière disposi
tion, il ne m'apparaît pas approprié d'exiger que
l'employeur éventuel d'un requérant/immigrant
forme des personnes qui se trouvent déjà au
Canada avant d'accorder une autorisation à
l'égard d'un emploi réservé. Il ne serait pas appro-
prié non plus, à mon avis, d'imposer en pratique
une période minimale uniforme au cours de
laquelle un employeur éventuel aura recherché,
sans succès, un employé par l'entremise des servi
ces d'un CEC avant de conclure qu'il a fait des
efforts raisonnables pour embaucher des citoyens
canadiens ou des résidents permanents du Canada.
L'agent d'emploi doit plutôt être prêt à examiner
tous les éléments de preuve que l'employeur éven-
tuel présente au sujet des efforts qu'il a faits pour
embaucher des citoyens canadiens ou des résidents
permanents du Canada.
Ainsi, lorsque le Service national de placement
évalue des facteurs précis aux fins de l'examen des
questions prévues à l'article 5 de l'annexe I du
Règlement, il doit prendre soin d'examiner unique-
ment les points dont on peut établir qu'ils sont
manifestement compris dans les facteurs énumérés
à l'annexe. J'en conclus que la CEIC reconnaît
cette obligation, tout comme le ministre intimé, si
j'en juge par la section 17.10, 3) du Guide de
l'emploi, qui comporte une liste relativement
courte d'exemples de renseignements à examiner
au sujet de la situation du marché du travail pour
aviser les agents d'immigration sur la possibilité
d'effets négatifs de l'arrivée de travailleurs étran-
gers sur l'emploi et les possibilités de carrière des
Canadiens et, je présume, des résidents 'perma-
nents du Canada.
Conclusion
Je suis d'avis que l'agent des visas s'est conformé
à son obligation en l'espèce en évaluant la
demande de Mm D'Souza sur la foi des renseigne-
ments qui s'y trouvaient et qui y étaient joints.
L'agent des visas n'était pas implicitement tenu de
demander des renseignements directement, de son
propre chef, au Service national de placement au
sujet de l'emploi réservé que la requérante a
déclaré. L'agent des visas avait le droit d'appliquer
la procédure ministérielle qui n'est pas incompati
ble avec la Loi sur l'immigration et le Règlement
sur l'immigration. À mon avis, l'agent des visas n'a
pas délégué de façon inappropriée son pouvoir
discrétionnaire en se fondant sur la procédure
ministérielle et le pouvoir discrétionnaire en ques
tion n'a pas été indûment entravé par l'application
de cette procédure. Enfin, je suis d'avis que le
Service national de placement (CEC) doit tenir
scrupuleusement compte de la gamme restreinte de
facteurs 6 examiner d'après l'article 5 de l'annexe
I du Règlement sur l' immigration de 1978 pour
fournir des renseignements un agent des visas au
sujet de l'emploi réservé d'une personne qui yré-
oeuteunedenuuuded'adruimoiouau Canada titre
de résidence permanente.
Pour les motifs exprimés ci-dessus, la demande
est rejetée et une ordonnance sera rendue en consé-
queuoo. Les dépens sont adjugés aux intimés.
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