Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-442-88
Robert Casden (demandeur) c.
Cooper Enterprises Ltd., Cooper Yachts Ltd., John Forbes Cooper, Dan Thain et la coque sur mesure de 60 pieds équipée d'un kiosque de veille et de navigation du voilier de classe «Maple Leaf» CEL 6000 2A787 (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: CASDEN C. COOPER ENTERPRISES LTD. (1" INST.)
Section de première instance, officier taxateur Stinson—Vancouver, 20 février et 3 mai 1991.
Pratique Frais et dépens Taxation Aux termes du jugement rendu dans l'action principale, chaque partie devait assumer ses propres dépens Appel en instance Les défendeurs se sont vu adjuger les dépens relatifs à trois requêtes présentées après le jugement de première instance Les ordonnances n'obligeaient pas à payer les dépens immé- diatement La taxation était prématurée, vu la Règle 1214 Mémoires de frais relatifs aux procédures «interlocutoires» Le jugement de première instance n'a pas préséance sur le principe selon lequel la cause d'action doit faire l'objet d'une seule taxation des dépens L'officier taxateur doit pouvoir connaître la manière définitive dont les questions de fond ont été résolues (c'est-à-dire la décision en dernier ressort) Les dépens relatifs aux procédures interlocutoires sont taxables à la fin de l'action Ils ne sont adjugés immédiatement après la taxation que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque la requête est dénuée de fondement.
Les défendeurs ont présenté pour taxation trois mémoires de frais à l'égard d'ordonnances rendues après le jugement dans une action. Le demandeur s'y est opposé au motif que la taxation serait prématurée du fait que les ordonnances avaient été rendues à la suite d'un jugement selon lequel chaque partie devait assumer ses propres dépens, qu'aux termes de ces ordon- nances, les dépens n'étaient pas payables immédiatement et qu'il y avait un appel en instance. Le demandeur a invoqué l'ouvrage d'Orkin, The Law of Costs, au soutien de sa thèse selon laquelle les défendeurs doivent attendre qu'il soit statué définitivement sur l'appel. Selon lui, le fait de permettre la taxation de ces mémoires de frais créerait un précédent autori- sant la multiplicité de taxations dans une action. Les défen- deurs ont soutenu qu'aucune règle de pratique, jurisprudence ou ordonnance n'empêchait la taxation immédiate. Selon eux, une distinction pouvait être faite avec les décisions invoquées par le demandeur dans la mesure elles portaient sur des décisions interlocutoires, lesquelles étaient nécessairement ren- dues avant l'instruction. Les défendeurs ont plaidé que, malgré l'appel, la décision de première instance était effective et qu'en conséquence, il avait été statué définitivement sur l'action, si bien que cette décision a eu pour effet de rendre caduques toutes les adjudications interlocutoires selon lesquelles «les dépens suivraient l'issue de la cause». En outre, selon les défendeurs, vu que la suspension de l'exécution à l'égard des
dépens n'a pas été ordonnée en attendant qu'il y ait appel, les mémoires de frais étaient payables. Le demandeur a répliqué que le mot «interlocutoire» s'entend de «ce qui n'est pas défini- tif» et qu'il n'existait aucune autorité tendant à restreindre la signification de ce mot aux questions qui précèdent l'instruc- tion. Le demandeur a soutenu que les ordonnances étaient interlocutoires dans la mesure elles portaient sur des ques tions autres que l'adjudication définitive des questions de fond soulevées dans l'action. Par conséquent, l'issue de l'objection préliminaire dépendait de l'interprétation qu'il fallait donner au mot «interlocutoire».
Jugement: l'objection devrait être accueillie.
L'autorité d'un jugement de la Section de première instance ne devrait pas avoir préséance sur le principe établi et pratique selon lequel la cause d'action doit faire l'objet d'une seule taxation des dépens et elle ne devrait pas pouvoir modifier ce principe. L'officier taxateur appelé à taxer un mémoire de frais devrait connaître la manière définitive dont les questions de fond soulevées par l'action ont été résolues, c'est-à-dire la décision en dernier ressort. Après une analyse de la Règle 1214 (selon laquelle la Partie III des Règles, qui traite des dépens, s'applique «comme si l'appel était un prolongement de la procé- dure qui a abouti au jugement porté en appel»), la taxation semblait prématurée. La taxation des dépens adjugés pour des procédures interlocutoires devrait avoir lieu au même moment que toute autre taxation subséquente à la fin de l'action. Les dépens relatifs à une requête interlocutoire ne devraient être adjugés immédiatement après taxation que dans des cas excep- tionnels, par exemple, dans le cas une requête était si frivole au point qu'elle n'aurait pas être présentée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 52.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 1006(2)e), 1214.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Sibo Inc. c. Posi-Slope Enterprises Inc., T - 2449 - 83, juge en chef adjoint Jerome, ordonnance en date du 21-3-85, C.F. inst., non publiée; Centaur Cycle Co. v. Hill (1902), 4 O.L.R. 92 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
IBM Canada Liée. c. Xerox of Canada Ltd., [1977] 1 C.F. 181; (1976), 12 N.R. 440 (C.A.); Allied Collection
Agencies Ltd v Wood, [1981] 3 All ER 176 (Q.B.D.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Casden c. Cooper Enterprises Ltd. et autres (1990), 34 F.T.R. 241 (C.F. 1" inst.); Casden c. Cooper Enterprises Ltd., T-442-88, juge Collier, jugement en date du 24-7-90, C.F. inst., non publié; Casden c. Cooper Enterprises Ltd., T-442-88, juge Cullen, jugement en date du 26-9-90, C.F. I' » inst., non publié; Eastern
Canada Towing Ltd. c. L'Algobay, [1980] 2 C.F. 366 (1'« inst.); Maple Leaf Lumber Co. v. Caldbick and Pierce (1918), 14 O.W.N. 99 (Div. App.); Leonard v. Wharton (1921), 20 O.W.N. 440 (H.C.); Rossiter v. Toronto R.W. Co. (1907), 11 O.W.R. 189; Paulson v. Murray (1922), 32 Man. L.R. 327; 68 D.L.R. 643; [1922] 2 W.W.R. 654 (K.B.); Leonard v. Burrows (1904), 7 O.L.R. 316 (C.A.); Justik v. Brosseau (1979), 9 Alta. L.R. (2d) 89; 9 C.P.C. 97 (Div. App.); United Church of Can. Trustees v. Teale (1979), 11 C.P.C. 167 (C.A.N.-E.); Cie des chemins de fer nationaux du Canada et autres c. Norsk Pacific Steamship Co. Ltd. et Tug «Jervis Crown» et autres (1990), 113 N.R. 4 (C.A.F.).
DÉCISIONS CITÉES:
Ford v. C.N.R., [1937] 2 W.W.R. 216 (C.A. Sask.); Banke Electronics Ltd. v. Olvan Tool & Die Inc. (1981), 32. O.R. (2d) 630; 21 C.P.C. 231 (H.C.).
DOCTRINE
Black's Law Dictionary, 6th ed., St. Paul, Minn.: West Publishing Co., 1990 «interlocutory» (interlocutoire), «interlocutory decision» (décision interlocutoire), «final» (définitif), «final appealable order or judgment» (ordonnance ou jugement définitif susceptible d'appel), «final decision or judgment» (décision ou jugement définitif), «final disposition» (conclusion définitive), «final hearing» (audition définitive), «final judgment» (jugement définitif), «interlocutory judgment» (juge- ment interlocutoire), «judgment» (jugement).
Canadian Encyclopedic Digest. Western, vol. 9, 3rd ed., Toronto: Carswell Co. Ltd., 1981, § 272.
Halsbury's Laws of England, vol. 26, 4th ed., London: Butterworths, 1979, paras. 504, 505, 506; vol. 37, 4th ed., London: Butterworths, 1982, para. 713.
Jowitt's Dictionary of English Law, vol. 1, 2nd ed., by John Burke, London: Sweet & Maxwell, 1977, «inter- locutory» (interlocutoire).
Orkin, Mark M. The Law of Costs, 2nd ed., Aurora, Ontario: Canada Law Book Inc., Loose Leaf Ed., 1990-91.
Osborne, P.G. A Concise Law Dictionary, 5th ed., London: Sweet & Maxwell, 1964, «interlocutory order» (ordonnance interlocutoire), «interlocutory proceeding» (instance interlocutoire).
Stroud's Judicial Dictionary of Words and Phrases, vol. 3, 4th ed., by John S. James, London: Sweet & Max- well Ltd., 1973, «interlocutory order» (ordonnance interlocutoire).
The Canadian Law Dictionary 1980, «final» (définitif), «final judgment» (jugement définitif), «interlocutory» (interlocutoire).
AVOCATS:
David F. McEwen pour le demandeur. Frits E. Verhoeven pour les défendeurs.
PROCUREURS:
McEwen, Schmitt & Co., Vancouver, pour le demandeur.
Edwards, Kenny & Bray, Vancouver, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de la taxation rendus par
L'OFFICIER TAXATEUR STINSON: Les défen- deurs présentent trois mémoires de frais pour taxa tion entre parties. L'un de ces mémoires de frais est établi à l'égard de la défenderesse Cooper Enterprises Ltd. seulement. M. le juge Walsh a statué sur la distinction en droit entre les défen- deurs [(1990), 34 F.T.R. 241 (C.F. 1.e inst.)], aux pages 274 276. L'avocat de ces derniers signe les documents en leur nom collectif. J'ai décidé de statuer sur les mémoires de frais tels qu'ils sont présentés collectivement au nom des défendeurs.
Le demandeur a présenté une objection prélimi- naire selon laquelle la présente taxation serait prématurée. Ces mémoires de frais, qui se rappor- tent tous à des ordonnances concernant la livraison du navire défendeur en conséquence du jugement, portent sur des montants insignifiants par rapport aux sommes en cause dans l'action principale. A l'instruction de la taxation, j'ai exprimé mon éton- nement que les parties n'aient pas réglé ces comp- tes. Selon leurs avocats, il s'agirait, en l'espèce, d'une question de principe.
L'action portait sur les problèmes qui ont entouré la construction, par la défenderesse Cooper Enterprises, d'un voilier de fibre de verre d'une longueur de 60 pieds pour le demandeur. Après que celui-ci eut versé plusieurs centaines de milliers de dollars, il a refusé de prendre possession du navire, lequel, selon lui, était impropre aux fins auxquelles il comptait l'utiliser. À la page 252 de ses motifs, le juge suppléant Walsh a signalé que les défendeurs n'avaient pas profité des sommes citées qu'ils avaient reçues du fait qu'elles avaient toutes été dépensées pour la construction elle- même et qu'il restait un solde impayé imputable à d'autres travaux. Le juge a souligné que les parties avaient engagé des frais considérables relativement au litige lui-même (aux pages 242 et 243), notam- ment pour les nombreuses requêtes qu'elles avaient présentées, les quelques 1 100 pages de notes
sténographiques prises aux interrogatoires préala- bles et les 29 jours consacrés à l'instruction. Le demandeur a cherché à «résilier le contrat» de construction pour éviter d'être tenue de prendre possession du navire la page 242). Les défen- deurs ont sollicité une ordonnance pour contrain- dre le demandeur à prendre possession du navire conformément à certaines modalités relatives aux travaux supplémentaires à effectuer et aux frais en souffrance. La décision du juge, en date du 6 juin 1990, était libellée en ces termes:
Le contrat de fabrication, pour le demandeur, du yacht Maple Leaf 60, en date du 21 novembre 1985 n'a pas été annulé et il ne peut être résilié. En effet, le navire est actuellement, dans l'ensemble, en état et adapté aux croisières océaniques et au nolisement auxquels il était destiné.
La Cour ordonne aux défenderesses Cooper Enterprises Ltd. et Cooper Yachts Ltd. d'entreprendre sur-le-champ les travaux supplémentaires qui permettront de parachever le navire, notamment la pose du miroir et de l'équipement de navigation spécialement conçus, dont le demandeur a fait l'acquisition pour le navire et qui sont actuellement en la possession des défenderesses, à moins qu'il ne préfère que tout lui soit remis, pour qu'il puisse faire des essais en mer au moment opportun, essais auxquels le docteur Casden ou son représentant pourra assister s'il le désire, pourvu que cela n'ait pas pour effet de retarder ces essais, et d'effectuer les mises au point ou les modifications jugées nécessaires par la suite.
Les travaux ordonnés ci-dessus devront être terminés dans un délai de six semaines à compter de la date du présent jugement. Le navire devra alors être offert au demandeur pour qu'il en prenne livraison moyennant le paiement de la somme de 30 000 $ (US), lequel paiement aura pour effet de régler tout recours du demandeur en dommages-intérêts et tout recours des défen- deurs fondé sur la pose d'équipement supplémentaire en date du présent jugement ou autrement, sous réserve du partage des frais d'assurance prévu dans le jugement interlocutoire en date du 25 janvier 1990.
Le demandeur ne pourra pas contraindre les défendeurs à effectuer d'autres travaux ou à faire d'autres modifications. Le prix de ces travaux, le cas échéant, devra être versé à l'avance, conformément à l'entente des parties. En aucun cas, ces tra- vaux ne doivent retarder l'achèvement et la livraison du navire après les essais en mer dans le délai de six semaines, susmentionné.
Aucun jugement n'est rendu contre les défendeurs John Forbes Cooper ou Dan Thain, à titre personnel.
Chaque partie est tenue d'acquitter ses propres frais.
Le demandeur a déposé un appel qui est toujours en instance.
Le demandeur a sollicité la suspension de l'exé- cution de la partie de ce jugement qui l'obligeait à verser la somme de 30 000 $ (US). Le 24 juillet 1990, M. le juge Collier a rendu l'ordonnance suivante:
1. L'exécution du jugement du juge Walsh en date du 6 juin 1990 condamnant le demandeur à payer la somme de 30 000 $ (US) (pourvu que les défendeurs offrent de remettre le navire) est suspendue à l'une des deux conditions suivantes:
a) le demandeur devra consigner au tribunal la somme de 30 000 $ (US), laquelle sera portée au crédit de la présente action;
b) le demandeur devra déposer en garantie, dans la présente action un acte de cautionnement ou une autre forme de garantie ou effet financier pour la somme de 30 000 $ (US) en la forme qui convient à l'administrateur de district de cette Cour à Vancouver (C.-B.).
2. Le demandeur devra satisfaire aux exigences prévues à l'alinéa a) ou b) de la présente ordonnance dans un délai de trente jours à partir de la date à laquelle le navire lui aura été. offert. Toutefois, celui-ci ne sera pas remis au demandeur et levée de la saisie ne sera pas accordée tant que ce dernier n'aura satisfait aux exigences prévues à l'alinéa a) ou b).
3. La Cour n'adjuge pas de dépens relativement à la présente requête.
Le même jour, le juge a rejeté la demande des défendeurs tendant à obtenir une ordonnance de justification pour outrage au tribunal. Cependant, il lui a adjugé les frais de la requête après taxation. Les défendeurs présentent un mémoire de frais de 181,46 $ à ce titre.
Le demandeur a ensuite sollicité des ordonnan- ces tendant à obtenir un renvoi pour déterminer si le navire défendeur était en état d'être livré et des directives quant à l'entretien et à la garde de celui-ci à partir de la date à laquelle il était en état d'être livré jusqu'à la date à laquelle il serait statué sur l'appel en instance. Le 26 septembre 1990 [T-442-88, encore inédit], M. le juge Cullen a refusé d'ordonner un renvoi. Il a également refusé de donner les directives demandées. Cependant, il a autorisé les défendeurs à offrir le navire au demandeur et à lui céder la responsabilité à son égard après sa livraison. Il a en outre ordonné au demandeur de verser la garantie de 30 000 $ sur-le-champ. Les dépens relatifs à la requête ont été adjugés aux défendeurs. Ceux-ci présentent un mémoire de frais de 148 $ à ce titre.
Les défendeurs ont ensuite sollicité une ordon- nance visant à obtenir la levée de la saisie du navire après que le greffe eut refusé d'émettre une mainlevée en application de la Règle 1006(2)e) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663]. Le 25 octobre 1990, M. le juge Strayer a accueilli la demande avec dépens en faveur des défendeurs lesquels présentent un mémoire de frais de 142 $ à ce titre.
Selon le demandeur, la question essentielle en litige est l'absence totale du droit de taxer ces mémoires de frais à cette étape des procédures. En effet, les trois ordonnances en cause ont été ren- dues à la suite d'un jugement selon lequel chaque partie devait assumer ses propres dépens; en outre, aux termes de ces ordonnances, les dépens n'étaient pas payables sur-le-champ et, enfin un appel est en instance. Le demandeur a invoqué l'ouvrage The Law of Costs, (2 e éd.) 1990-91, de Mark M. Orkin, c.r., chapitre 4, article 402, aux pages 4-2 et 4-3 au soutien de sa thèse selon laquelle les défendeurs doivent attendre qu'il soit statué définitivement sur l'appel puisque ces ordonnances n'obligeaient pas à payer les dépens sur-le-champ car, d'après cet ouvrage [TRADUC- TION] «le fait qu'un tribunal oblige une partie à payer sur-le-champ les dépens relatifs à une requête peut empêcher une action bien fondée d'être instruite. Au demeurant, il est préférable que l'évaluation des dépens relatifs à une action se fasse en un seul temps, pendant lequel l'officier évaluateur pourra tenir compte de tous les aspects du litige». En invoquant ce texte, le demandeur a soutenu que les questions soulevées dans l'action ne seraient pas définitivement réglées tant qu'il ne sera pas statué sur l'appel du jugement de pre- mière instance. Dans cette mesure, les trois ordon- nances en cause précèdent le règlement définitif de l'instance, si bien qu'il est trop tôt pour taxer les trois mémoires de frais y afférents. Le demandeur a invoqué deux jugements cités dans le texte d'Or - kin au soutien du principe énoncé ci-dessus selon lequel les dépens ne sauraient être taxés ou payés avant qu'il ne soit statué définitivement sur les questions de fond soulevées dans l'action en l'ab- sence d'obligation de les payer sur-le-champ: voir les arrêts Ford v. C.N.R., [1937] 2 W.W.R. 216 (C.A. Sask.), aux pages 217 et 218, et Banke Electronics Ltd. v. Olvan Tool & Die Inc. (1981), 32 O.R. (2d) 630 (H.C.). Le fait de permettre aux défendeurs de faire taxer ces trois mémoires de frais reviendrait à créer un précédent autorisant la multiplicité de taxations dans le cours d'une action.
En réponse à cet argument, les défendeurs ont soutenu qu'aucune règle de la Cour, règle de prati- que, jurisprudence pertinente ou ordonnance n'em- pêchait la taxation immédiate. Selon eux, une distinction peut être faite avec les décisions citées
par le demandeur dans la mesure elles portent toutes sur des décisions interlocutoires, lesquelles sont nécessairement rendues avant l'instruction. Les défendeurs ne contestent pas le principe selon lequel la taxation d'adjudications interlocutoires de dépens ne saurait avoir lieu avant l'instruction définitive. Toutefois, malgré l'appel en instance, la décision du juge suppléant Walsh est effective et n'a fait l'objet d'aucune suspension d'exécution. En conséquence, il a été statué définitivement sur l'action si bien que cette décision a eu pour effet de rendre caduques toutes les adjudications interlocu- toires selon lesquelles «les dépens suivraient l'issue de la cause». On peut présumer (bien que les défendeurs ne l'allèguent pas dans leur plaidoirie) que la taxation des adjudications, interlocutoires ou autres, de «dépens», quelle que soit l'issue de la cause, peut maintenant avoir lieu. Ces trois mémoires de frais se rapportent à des questions postérieures au jugement. Par conséquent, il reve- nait au demandeur de demander des directives spéciales pour surseoir à la taxation. Selon les défendeurs, je devrais suivre la jurisprudence de cette Cour en matière de pratique, même si elle ne porte pas spécialement sur la question dont je suis saisi par opposition aux décisions invoquées par le demandeur, lesquelles ont été rendues par d'autres juridictions. Les défendeurs ont cité les propos du juge Walsh (tel était alors son titre) dans le juge- ment Eastern Canada Towing Ltd. c. L'Algobay, [1980] 2 C.F. 366 (1« inst.). Cette décision portait sur une demande de directives spéciales au sujet des frais relatifs à une demande en réduction de cautionnement présentée devant la Section de pre- mière instance. Le juge Mahoney, C.P., après avoir entendu la requête interlocutoire en question, avait réduit le cautionnement et statué que les dépens suivraient l'issue de la cause. Les proprié- taires ont interjeté appel de ce jugement et les parties adverses ont interjeté un appel incident. Aux termes d'un arrêt en date du 11 décembre 1979, l'appel a été accueilli avec dépens devant les deux instances, les appels incidents ont été rejetés avec dépens, l'ordonnance du juge Mahoney (tel était alors son titre) a été annulée, la demande de la partie appelante devant la Section de première instance a été accueillie et le cautionnement a été réduit davantage. A la page 367, le juge Walsh a conclu que le jugement précité avait modifié l'ad- judication des dépens rendue par le juge Mahoney. «Ainsi, les appelantes ayant eu gain de cause ont
eu droit à la taxation immédiate de leur mémoire de frais».
Les défendeurs ont invoqué l'arrêt IBM Canada Ltd. c. Xerox of Canada Ltée, [1977] 1 C.F. 181 (C.A.). Cette décision portait sur un mémoire de frais établi à l'égard d'une requête interlocutoire présentée devant la Section de première instance. M. le juge Urie a écrit ce qui suit au nom de la Cour, aux pages 183 et 184:
Dès le début, l'avocat de l'appelante a indiqué qu'il n'atta- quait pas le montant du mémoire de frais taxés, ni aucune des rubriques de celui-ci, mais qu'il contestait le droit des intimées de taxer leur mémoire à cette étape des procédures; en d'autres termes, il soutient que la taxation est prématurée. L'ordon- nance de la Division de première instance a débouté l'appelante de sa requête «avec dépens». De même, l'appel interjeté par l'appelante à l'encontre de cette ordonnance a été rejeté «avec dépens». L'avocat prétend, semble-t-il, que l'expression «avec dépens» signifie «dépens à la demanderesse en l'espèce». Il prétend que si ce n'était pas le cas, le savant juge de première instance qui a entendu la requête se serait exprimé différem- ment et aurait précisé, par exemple, [TRADUCTION] «dépens aux demanderesses quelle que soit l'issue de la cause» ou [TRADUCTION] «les dépens seront exigibles immédiatement après leur taxation». Vu l'absence de directives de cette nature, l'avocat soumet que les dépens doivent suivre l'issue du litige et que l'action n'ayant pas encore été entendue, le litige n'est pas tranché et le mémoire de frais ne peut donc pas être taxé.
Indépendamment de la signification donnée à l'expression «avec dépens», cette thèse est incompatible, à mon avis, avec l'interprétation correcte de la Règle 344(1), dont voici l'extrait pertinent:
(1) Les dépens et autres frais de toutes les procédures devant la Cour sont laissés à la discrétion de la Cour et suivent le sort de l'affaire sauf ordonnance contraire. [C'est moi qui souligne.]
Il est évident que cette définition n'exclut pas les procédures interlocutoires et, puisque la Règle 344(1) n'emploie pas le terme «action», l'expression «suivent le sort de l'affaire sauf ordonnance contraire» doit signifier en l'espèce, «suivent l'issue de chaque procédure interlocutoire sauf ordonnance contraire». Si mon interprétation est exacte, puisque ni le savant juge de première instance ni cette cour n'ont tranché la question des dépens de manière contraire, les dépens doivent suivre l'issue de la requête interlocutoire et de l'appel subséquent. Dans les deux cas l'appelante a perdu; les intimées avaient donc droit à la taxation de leur mémoire de frais à la suite du rejet de la requête, puis de leurs dépens dans l'appel.
Selon les défendeurs, le principe énoncé précédem- ment, bien qu'il se rapporte à des dispositions relatives aux dépens qui ne sont plus en vigueur, n'a pas été modifié depuis par la jurisprudence. Enfin, ils invoquent l'ouvrage Canadian Encyclo pedic Digest, Western (3 e éd.), vol. 9, 1981, pages 38 à 107, § 272, qui prévoit notamment que [TRADUCTION] «le tribunal peut ordonner la sus-
pension de l'exécution à l'égard des dépens en attendant qu'il y ait appel». Ainsi, vu qu'une telle suspension n'a pas été ordonnée en l'espèce et indépendamment du fait qu'un appel soit en ins tance, les trois mémoires de frais seraient taxables et payables dès maintenant.
En guise de réplique, le demandeur a soutenu que le mot «interlocutoire» s'entend simplement de «ce qui n'est pas définitif». Selon lui, il n'existe aucune autorité tendant à restreindre la significa tion de ce mot aux questions qui précèdent l'ins- truction. Les trois ordonnances en cause sont inter- locutoires dans la mesure où, compte tenu de l'appel en instance, elles portent sur des questions autres que l'adjudication définitive des questions de fond soulevées dans l'action. Les décisions citées dans le Canadian Encyclopedic Digest ne s'appli- quent pas en l'espèce puisqu'elles semblent se rap- porter à des cas le litige avait été définitivement tranché. Le jugement Eastern Canada Towing Ltd. et l'arrêt Xerox portaient sur des faits tout à fait différents et, ce qui est plus important encore, sur des règles qui ont été abrogées depuis et rem- placées par d'autres qui sont fondamentalement différentes, notamment en ce qui concerne la phrase «suivent le sort de l'affaire sauf ordonnance contraire». Dans des motifs rendus le 30 mars 1990 dans l'arrêt Cie des chemins de fer nationaux du Canada et autres c. Norsk Pacific Steamship Co. Ltd. et Tug «Jervis Crown)) et autres, [(1990), 113 N.R. 4 (C.A.F.)], M. le juge Stone a statué sur une demande pour que puissent être accordés des dépens supérieurs aux montants maximaux prévus au tarif. Le juge a cité un certain nombre de jugements qui portaient sur cette question rendus en application de l'ancien tarif, notamment un passage qui énonçait le principe pertinent à suivre avant la modification des anciennes Règles. Le juge a conclu en ces termes la page 6): «[c]ette position semble avoir été modifiée par la révision apportée en 1987 aux Règles de la Cour fédérale, puisque celles-ci accordent désormais une beau- coup plus grande latitude pour ce qui est d'attri- buer des dépens supérieurs aux montants maxi- maux prévus au Tarif B». Selon le demandeur, il faut en déduire que l'on ne saurait se fonder sur la jurisprudence citée par les défendeurs dans la mesure elle a été établie en application de dispositions législatives qui ont fait l'objet de modifications importantes. (Je ne puis m'empêcher
de souligner que cet argument vaut dans les deux sens: en effet, il se peut que les dispositions législa- tives aux termes desquelles les jugements invoqués par le demandeur ont été rendus soient différentes des dispositions actuelles).
Enfin, les défendeurs ont souligné que les trois ordonnances portaient sur le sort du navire: sa saisie a été levée, la responsabilité quant à son entretien et sa garde a été attribuée et il a été livré. L'arrêt de la Cour d'appel ne modifierait en rien ces faits, quelle que soit la réparation accordée. Selon le demandeur, cette proposition était intena- ble dans la mesure elle signifierait que toute décision est définitive et irréversible. En l'espèce, l'une des principales questions dont connaîtra la Cour d'appel sera de savoir si le bateau aurait être livré.
À l'instruction de la taxation, j'ai fait savoir que j'aurais préféré réserver ma décision sur l'objection préliminaire et remettre à plus tard l'audition des arguments sur les divers postes des mémoires de frais. Le demandeur a souscrit à cette manière de procéder, notamment en raison de l'absence d'affi- davit déposé à l'appui de la demande de taxation. Cependant, les défendeurs tenaient à ce que l'audi- tion se poursuive. Puisque ce sont eux qui deman- dent la taxation, j'ai entendu leurs arguments rela- tifs aux divers postes de leurs mémoires de frais. Vu ma décision en l'instance, il est inutile de les rapporter ici.
MES CONCLUSIONS
J'avais d'abord voulu aborder la question de savoir si le fait d'accepter l'argument du deman- deur reviendrait à suspendre l'exécution d'un juge- ment, une mesure qui ne relèverait pas normale- ment de la compétence de l'officier taxateur. J'ai décidé de ne pas suivre cette approche. La résolu- tion du présent litige dépend uniquement de l'in- terprétation qu'il faut donner au mot «interlocu- toire». Si j'accepte l'argument du demandeur, les principes jurisprudentiels sont clairs, sous réserve de ce qui est exposé ci-dessous: je dois refuser de taxer les mémoires de frais demandés puisqu'il n'y a effectivement pas été définitivement statué sur les questions de fond soulevées dans l'action.
Les jugements interlocutoires et définitifs peu- vent entraîner diverses conséquences au plan de la
procédure. Celles-ci peuvent parfois revêtir beau- coup d'importance pour les parties en litige, par exemple, en ce qui concerne les délais d'appel différents et le droit d'appel (avec ou sans autori- sation). Je soulève ce point uniquement pour démontrer que la distinction entre les décisions judiciaires «définitives» et «interlocutoires» n'a pas été conçue de façon arbitraire dans les divers régimes juridiques. L'argument des défendeurs, s'il devait être entériné, tendrait à créer une nouvelle catégorie de décisions qui ne seraient ni «définiti- ves» ni «interlocutoires». J'ai soigneusement consi- déré l'opportunité d'admettre cette thèse. On emploie parfois l'expression «provisoire» pour décrire des décisions dont l'exécution est d'une durée déterminée. Néanmoins, de telles décisions sont quand même de nature interlocutoire.
En toute déférence, j'ai de la difficulté à admet- tre la conclusion précitée à laquelle la Cour est arrivée dans le jugement Eastern Canada Towing Ltd. (selon laquelle les parties appelantes avaient droit à la taxation immédiate). En effet, j'estime que la Cour d'appel exerçait simplement sa compé- tence aux termes du sous-alinéa 52 b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] en vue de modifier le résultat d'une instance interlocutoire, mais de manière à ne pas déroger à la pratique et aux principes courants applicables à de telles instances. Je remarque notamment que la Cour d'appel n'a pas ordonné le paiement immédiat des dépens devant la Section de première instance et que d'après le juge Walsh, la Cour d'appel «(n'avait) donné aucune directive spéciale» à cet égard. Par conséquent, je ne com- prends pas pourquoi la Cour, saisie de cette ins tance interlocutoire particulière, c'est-à-dire la demande en réduction de cautionnement, a jugé bon de rendre une ordonnance qui a effectivement eu pour effet de déroger à la pratique courante de surseoir à la taxation jusqu'au jugement définitif. Pour ce qui est de l'arrêt Xerox, je crois qu'il est important de signaler que la Cour saisie de cette affaire n'avait pas voulu préciser le moment auquel un mémoire de frais d'une instance interlo- cutoire pouvait être taxé lorsqu'elle a affirmé, à la page 184, que «les intimées avaient donc droit à la taxation de leur mémoire de frais à la suite du rejet de la requête». J'estime plutôt que la Cour, en employant l'expression «taxation de leur mémoire de frais» affirmait simplement leur droit aux
dépens, au plan juridique. J'estime que cette inter- prétation est bien fondée, vu la manière dont le juge Urie, J.C.A., a caractérisé la question en litige dont la Cour était saisie la page 183). Selon le juge, l'appelante soutenait que la taxation était prématurée à cause du sens qu'il fallait donner à l'expression «avec dépens». Apparem- ment, les appelantes avaient plaidé que le sens de cette expression dépendait de l'issue du litige. Selon elles, puisque l'action n'avait pas encore été entendue, aucun droit aux dépens lié à l'issue de la cause n'avait encore pris naissance, de sorte que la taxation était prématurée. Le juge Urie, J.C.A., était donc saisi d'une question différente de celle en l'espèce puisque je ne suis pas appelé à confir- mer le droit d'une partie aux dépens. Trois déci- sions sont citées, sous forme de renvois, à § 272 du Canadian Encyclopedic Digest: Maple Leaf Lumber Co. v. Caldbick and Pierce (1918), 14 O.W.N. 99 (Div. App.); Leonard v. Wharton (1921), 20 O.W.N. 440 (H.C.); et Rossiter v. Toronto R.W. Co. (1907), 11 O.W.R. 189. Dans la première affaire, des jugements avaient été rendus en première instance et en appel. L'une des trois parties demanderesses avait formé un pour- voi, toujours en instance, devant la Cour suprême du Canada. Les parties défenderesses ont sollicité la taxation des dépens contre les deux autres. Selon le tribunal, puisque les dépens participent d'une indemnité plutôt que d'une créance entre les parties au litige, le droit aux dépens dépendait de l'issue de l'appel. Le tribunal a rendu une ordon- nance portant consignation des dépens en atten dant l'issue de l'appel. Autrement dit, celle-ci pou- vait avoir une incidence sur le droit aux dépens contre les deux autres parties demanderesses. La deuxième affaire, laquelle portait sur un renvoi, était au même effet. Il en était de même dans la troisième affaire. Ces jugements laissent effective- ment entendre qu'une taxation visant à fixer le montant des dépens peut avoir lieu avant qu'il ne soit statué sur l'appel mais que son exécution effective pour le montant ainsi fixé doit attendre l'issue de l'appel. Selon ce principe, lequel a été établi avant que ne soient rendues les décisions précitées dans l'ouvrage The Law of Costs, les parties au litige peuvent contraindre la partie adverse à engager des dépenses parfois inutiles pour faire la preuve de leur mémoire de frais. En outre, dans la mesure il existe un droit ordinaire de révision, les tribunaux risquent d'avoir à consa-
crer inutilement leur temps à résoudre les contes- tations quant aux frais taxés. J'en déduis de ces deux textes que les tribunaux ontariens saisis des affaires postérieures connaissaient le principe enté- riné implicitement dans les affaires antérieures mais qu'ils ne l'ont pas suivi.
J'ai pris connaissance des ouvrages de doctrine suivants: Halsbury's Laws of England (4 e éd.) 1979, Butterworths, vol. 26, page 240, paragraphe 506:
[TRADUCTION] 506. Jugements et ordonnances interlocutoires. Est qualifiée d'«interlocutoire» l'ordonnance qui ne statue pas sur les droits définitifs des parties. Elle est rendue soit (1) avant jugement, auquel cas elle ne tranche pas définitivement les questions en litige mais porte simplement sur une question de procédure, soit (2) après jugement, auquel cas, elle indique simplement comment mettre en oeuvre les droits déjà accordés dans le jugement définitif.
L'ordonnance interlocutoire, même si elle ne résout pas le litige principal, peut résoudre la question subsidiaire qui y est visée.
L'expression «jugement interlocutoire» est également employée pour nommer un jugement qui condamne une partie à des dommages-intérêts dont le montant reste à évaluer. [Les renvois ont été supprimés.]
Jowitt's Dictionary of English Law (2 e éd.), John Burke, 1977, vol. 1, page 999:
[TRADUCTION] Interlocutoire. Se dit de l'instance engagée dans le cadre d'une action et qui est incidente au principal objet de celui-ci, c'est-à-dire le jugement. Ainsi, les demandes inter- locutoires engagées dans une action comprennent toutes les procédures engagées dans le but d'aider l'une ou l'autre des parties à exercer son droit en justice, que ce soit avant ou après le jugement définitif, afin de prendre des mesures relativement à l'objet de l'action, notamment de le protéger avant qu'il ne soit définitivement statué sur les droits des parties ou dans le but d'exécuter le jugement une fois qu'il est rendu. Il s'agit notamment des demandes visant à obtenir un délai pour faire quelque chose (par exemple, de remettre une pièce de procé- dure), à mener un interrogatoire préalable, à obtenir une injonction provisoire, à faire nommer un séquestre ou à obtenir une ordonnance de saisie-arrêt. Est donc interlocutoire l'ordon- nance qui autorise la partie demanderesse à signer le jugement dans la mesure elle doit remplir cette formalité avant de pouvoir en demander l'exécution. La question de savoir si une ordonnance est interlocutoire revêt de l'importance en ce qui concerne les délais d'appel contre celle-ci .. .
A Concise Law Dictionary (5 e éd.) P.G. Osborn, 1964, page 172:
[TRADUCTION] ordonnance interlocutoire. Alors que l'ordon- nance définitive détermine les droits des parties, l'ordonnance interlocutoire doit être suivie d'autres mesures avant d'arriver à cette fin. (Ord. 58, r. 4 notes).
instance interlocutoire. Se dit de l'instance engagée dans le cadre d'une action et qui est incidente au principal objet de
celui-ci, c'est-à-dire le jugement. Ainsi, les demandes interlocu- toires engagées dans une action comprennent toutes les procé- dures engagées dans le but d'aider l'une ou l'autre des parties à exercer son droit en justice, dans le but de prendre des mesures relativement à l'objet de l'action, notamment de le protéger ou pour exécuter le jugement une fois qu'il est rendu.
Stroud's Judicial Dictionary of Words and Phra ses (4» éd.) John S. James, 1973, vol. 3, page 1410:
[TRADUCTION] (6) L'expression «ordonnance interlocutoire» (Judicature Act 1873 (chap. 66), par. 25(8)) ne visait pas uniquement les ordonnances rendues entre l'émission du bref et le prononcé du jugement définitif. Cette expression s'entendait plutôt d'une ordonnance autre que le jugement définitif. Par conséquent, aux termes de ce paragraphe, un séquestre peut être nommé après le prononcé du jugement définitif .. .
The Canadian Law Dictionary, Datinder S.Sodhi, éditeur, R.S. Vasan, rédacteur 1980, page 199:
[TRADUCTION] interlocutoire: Provisoire; temporaire; qui n'est pas définitif; une instance, une ordonnance ou un jugement formé, rendu ou prononcé, selon le cas, entre le moment l'action est engagée et celui elle est définitivement tranchée. Cependant, dans certains cas exceptionnels, la demande présen- tée après le prononcé du jugement définitif dans l'action peut être assimilée à une demande interlocutoire. On peut qualifier d'«interlocutoire» les demandes formées en vue de satisfaire au jugement obtenu, par voie d'exécution en equity ou autrement. Voir les décisions Paulson y Murray (1922) 68 D.L.R. 643 (Man.) et Leonard y Burrows (1904), 7 O.L.R. 316 (C.A.).
J'ai noté l'exception dont il est question dans le Canadian Law Dictionary et j'ai lu le jugement Paulson [Paulson v. Murray (1922), 68 D.L.R. 643 (K.B.)], précité. En toute déférence, j'estime que le principe énoncé dans l'ouvrage susmen- tionné semble contredire les conclusions du juge- ment Paulson. En effet, le sommaire de cette décision la page 643), ainsi que l'analyse de l'instance en outrage au tribunal (aux pages 646 et 649), laissent entendre que l'exception serait plutôt de ne pas qualifier d'interlocutoire les demandes formées après le prononcé du jugement définitif dans une action, contrairement à ce qui est exposé dans le Canadian Law Dictionary. J'ai eu la même impression en lisant le jugement Leonard v. Bur rows [(1904), 7 O.L.R. 316 (C.A.)].
Dans l'ensemble, la jurisprudence que j'ai citée semble réfuter l'argument des défendeurs. En arri- vant à cette conclusion, je reccnnais que ces déci- sions portent sur diverses dispositions législatives et règles de pratique en vigueur dans plusieurs juridictions différentes. Je peux choisir de ne pas en tenir compte si les circonstances le justifient,
c'est-à-dire si les faits permettent de faire une distinction ou s'il est démontré que le principe à appliquer est défectueux. En l'espèce, je présume que l'intention du demandeur, vu son appel, est de ne pas rester en possession du navire. Bien que la partie du jugement enjoignant aux défendeurs d'exécuter les travaux supplémentaires puisse être, à toutes fins pratiques, irréversible si les travaux ont effectivement été effectués, la valeur de ces travaux pourrait être quantifiée aux fins d'établir un crédit, s'il y a lieu, dans l'éventualité l'appel serait accueilli. À tous les autres égards, le disposi- tif du jugement pourrait être infirmé. D'après la jurisprudence citée par le demandeur et la série de passages que j'ai moi-même cités, les trois mémoi- res de frais dont je suis saisi se rapportent à des instances interlocutoires, si bien que leur taxation serait prématurée. Cependant, il m'a paru regret table que les divers ouvrages de doctrine et la jurisprudence précités n'aient pas spécialement abordé la distinction, en termes de leur caractère définitif, le cas échéant, entre un jugement de première instance qui tranche toutes les questions de fond soulevées dans l'action et un arrêt pro- noncé par l'instance de dernier ressort, lequel tran- che pour de bon toutes ces questions en confir- mant, en infirmant ou en annulant le jugement du tribunal d'instance inférieure, en tout ou en partie. J'ai donc consulté une fois de plus la doctrine, pour savoir comment étaient définis les mots «définitif» et «jugement» et j'ai pu relever ce qui suit:
Dans Halsbury's Laws of England, précité, vol. 26, pages 238 et 239:
[TRADUCTION] 504. Jugements et ordonnances définitifs et interlocutoires. Ces expressions ne sont pas définies dans les Judicature Acts ou les règles de la Cour prises sous leur régime. Un jugement ou une ordonnance peut être définitif à certains égards et interlocutoire à d'autres. Ils peuvent être définitifs pour partie et interlocutoires pour une autre. Il est impossible d'énoncer une règle d'application générale qui permettrait de faire la distinction entre ce qui est définitif et ce qui est interlocutoire. Il est préférable de considérer la nature de la demande et non la nature de l'ordonnance rendue en consé- quence. En règle générale, sont interlocutoires les ordonnances qui participent d'un jugement sommaire et qui ont été rendues sans que les questions en litige n'aient fait l'objet d'une instruc tion. La question de savoir si un jugement est définitif ou interlocutoire se pose habituellement en matière d'avis de fail- lite et d'appels portés devant la Cour d'appel.
505. Jugements et ordonnances définitifs. En règle générale, est qualifié de «définitif» le jugement ou l'ordonnance qui tranche la principale question en litige. Le jugement définitif a
été défini comme étant «un jugement obtenu par voie d'action dans lequel une obligation déjà existante de la partie défende- resse envers la partie demanderesse est vérifiée ou établie» et comme «un jugement obtenu par voie d'action dans lequel la question de savoir si la partie demanderesse possédait déjà un droit contre la partie défenderesse est définitivement tranchée en faveur de l'une ou l'autre des parties». L'ordonnance qui peut être portée en appel ne perd pas pour autant son caractère définitif. De même, le jugement qui ordonne la tenue d'une enquête, qui porte seulement sur les dépens, qui est rendu sur demande interlocutoire ou qui réserve le droit de présenter une demande peut être définitif.
Bien que le jugement qui rejette l'action de la partie deman- deresse soit définitif, il peut néanmoins être accompagné d'une directive selon laquelle le rejet ne porte pas atteinte aux droits de la partie demanderesse d'engager une autre action. Par le passé, lorsqu'une ordonnance portait rejet de l'action sous réserve de la faculté, pour la partie demanderesse, d'entrepren- dre certaines procédures dans un délai fixé et que celle-ci faisait défaut de le faire, l'action était tenue pour terminée. Cepen- dant, de nos jours, les tribunaux ont adopté une approche plus libérale. Selon le raisonnement suivi dans les anciens juge- ments, le délai fixé fait partie de l'ordonnance qui a été rendue et consignée au dossier. Or, le tribunal ne peut revenir sur cette ordonnance. Celle-ci entraîne le rejet et la fin de l'action. De nos jours, d'aucuns admettent que les tribunaux ont la compé- tence inhérente, ainsi que le pouvoir, en vertu des règles de pratique de proroger les délais dans lesquels une personne est tenue de faire quelque chose dans une instance. Si une ordon- nance fixe le délai dans lequel une personne est tenue ou autorisée à faire quelque chose, le tribunal a le pouvoir de proroger ce délai. [Les renvois ont été supprimés.]
Dans The Canadian Law Dictionary, précité, page 149:
[TRADUCTION] définitif: dernier, concluant. Voir jugement définitif.
jugement définitif: la décision du tribunal qui tranche complè- tement tous les litiges entre les parties devant lui et règle la cause de l'action. Dans ce contexte, le mot «définitif» ne veut pas dire que tous les recours judiciaires sont épuisés. Néan- moins, en ce qui concerne le tribunal qui rend le jugement, la question est réglée. Il peut être interjeté appel du jugement devant un tribunal d'instance supérieure ayant le pouvoir de contrôler le «jugement définitif» du tribunal d'instance infé- rieure, le cas échéant.
Cette expression peut s'entendre de tout jugement, ordon- nance ou décision par lequel une action, une poursuite, une cause, une affaire ou autre instance judiciaire est définitive- ment tranchée et terminée.
Ce dernier passage corrobore la thèse des défen- deurs. Cependant, je note qu'il emploie le mot «définitif» pour qualifier le dernier jugement d'un tribunal donné et non pour qualifier le jugement du tribunal de dernier ressort qui permet de tran- cher pour de bon toutes les questions soulevées dans l'action. Les expressions «définitif», «juge-
ment» et «jugement définitif» sont définies dans les autres textes mais ceux-ci n'ajoutent rien de nou- veau. Cependant, j'ai consulté le Black's Law Dic tionary (6th ed.), 1990 sous les rubriques [TRADUCTION] «interlocutoire», «décision interlo- cutoire» la page 815), «définitif», «ordonnance ou jugement définitif susceptible d'appel», «déci- sion ou jugement définitif», «conclusion définitive» et «audition définitive» (aux pages 629 et 630) ainsi que les sous-rubriques [TRADUCTION] «juge- ment définitif et «jugement interlocutoire» la page 843) sous la rubrique «jugement» la page 841). Ces définitions ne tendent pas à confirmer la conclusion selon laquelle le mot «définitif», par opposition à «interlocutoire», doit s'entendre exclu- sivement d'une décision rendue par le tribunal de dernier ressort sur les questions de fond soulevées dans l'action. Un autre passage tiré du Halsbury's Laws of England, précité, ne permet pas non plus d'éclaircir ce point. Sous la rubrique [TRADUC- TION] «Compétence pour adjuger les dépens», volume 37, paragraphe 713, page 548, la portée du mot «immédiatement» est analysée en rapport avec des parties au litige non représentées par avocat. D'après le renvoi no 11 (page 549), aucune directive particulière n'est nécessaire pour pouvoir taxer immédiatement une affaire interlocutoire. Le juge- ment qui y est cité, Allied Collection Agencies Ltd y Wood, [1981] 3 All ER 176 (Q.B.D.), portait sur la différence de sens entre les expressions «avec dépens» et «avec dépens quelle que soit l'issue de la cause». Le tribunal saisi de cette affaire a conclu que la première expression avait effectivement acquis, dans certains cas exceptionnels, la caracté- ristique spéciale de donner droit à la taxation immédiate. Dans une remarque incidente, le tribu nal a estimé qu'il était regrettable d'être obligé d'en arriver à cette conclusion la page 181) et a demandé que les règles soient modifiées de manière à prescrire la forme de l'ordonnance qui pourrait être rendue dans les cas qui justifient la taxation immédiate. A ma connaissance, cette Cour n'a jamais statué que l'expression «avec dépens» laissait entendre que ceux-ci pouvaient être taxés «immédiatement», par opposition à l'ex- pression «avec dépens quelle que soit l'issue de la cause», notamment depuis les modifications appor- tées à nos Règles et à notre tarif, en 1987 [DORS/87-221]. Dans l'ensemble, la doctrine a été pour moi une source d'embarras car, du point
de vue technique de l'instance devant laquelle elle a été rendue, la décision du juge suppléant Walsh semblerait consacrer le droit de taxer des instances interlocutoires, notamment celle dont je suis saisi. À cet égard, il est clair que la doctrine ne nous autorise pas à créer une sorte de troisième type inédit de jugement, qui viendrait s'ajouter aux jugements «définitifs» et «interlocutoires». J'hésite à conclure que les pouvoirs de la Cour d'appel aux termes de l'article 52 de la Loi sur la Cour fédé- rale [L.R.C. (1985), chap. F-7] signifient que la décision du juge suppléant Walsh n'est pas défini- tive du fait qu'aucune disposition législative ne prévoit la suspension automatique de son exécution en attendant l'appel dès que cette décision est rendue. Même si les avocats ne l'ont pas invoquée devant moi, j'ai pris connaissance de la Règle 1214 qui dispose:
Règle 1214. Le procureur ou solicitor inscrit au dossier ainsi que l'adresse aux fins de signification d'une partie à un appel d'une décision de la Section de première instance demeurent les mêmes que dans la procédure qui a abouti au jugement porté en appel et, à ces fins et autres fins analogues, les Parties I, II et III sont applicables à un tel appel comme si celui-ci était un prolongement de cette procédure.
Je remarque notamment la dernière partie de cette disposition selon laquelle la Partie III des Règles est applicable «comme si (l'appel) était un prolon- gement» de «la procédure qui a abouti au jugement porté en appel». La Partie III des Règles traite des dépens devant cette Cour. En toute déférence à l'égard de l'autorité dont jouit un jugement de la Section de première instance, je ne puis conclure que cette autorité doit avoir préséance sur le prin- cipe établi et, à mon avis, pratique, selon lequel la cause d'action doit faire l'objet d'une seule taxation des dépens ou qu'elle puisse modifier ce principe. En d'autres mots, l'officier taxateur appelé à taxer un mémoire de frais doit connaître la manière définitive dont les questions de fond soulevées par l'action ont été résolues. J'entends par la décision en dernier ressort. Vu mon analyse de la Règle 1214, je conclus que les défen- deurs ont présenté ces mémoires de frais de façon prématurée. Cette conclusion découle de plusieurs jugements rendus par des tribunaux d'autres juri- dictions, lesquels n'ont pas été cités précédemment. Je n'ai pas jugé bon de les invoquer dans les présents motifs du fait qu'ils exposent des thèses contradictoires et aussi parce que j'étais déjà con- vaincu qu'aucun principe universel n'avait été
établi à cet égard. Par exemple, dans l'arrêt Justik v. Brosseau (1979), 9 Alta. L.R. (2d) 89, la page 90, la section d'appel de la Cour suprême de l'Alberta a conclu (le 16 janvier 1979) que le mot «dépens» permet à lui seul de taxer et de recevoir ces dépens immédiatement, et ce, sans qu'il ne soit nécessaire d'ajouter le mot «immédiatement» dans l'ordonnance. Dans l'arrêt United Church of Can. Trustees v. Teale (1979), 11 C.P.C. 167, la page 168, la section d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a cité l'ouvrage d'Orkin pour étayer sa conclusion (le 22 juin 1979) selon laquelle les dépens sont payables avant la fin d'une affaire seulement s'il a été expressément ordonné qu'ils soient payés immédiatement. J'ai estimé que le juge en chef adjoint avait énoncé le principe consacré à cet égard le 21 mars 1985, dans l'af- faire Sibo Inc. c. Posi-Slope Enterprises Inc., du greffe T-2449-83, à la page 2 [des motifs supplémentaires de l'ordonnance]:
Il est exceptionnel, à tout le moins selon mon expérience, que les dépens relatifs à une enquête interlocutoire soient adjugés immédiatement après taxation. Pour ma part, je n'étudierais cette possibilité que dans le cas d'une requête frivole ou dénuée de fondement au point qu'elle n'eût pas être présentée. Dans les autres cas, la taxation des dépens adjugés pour des procédu- res interlocutoires aura lieu au moment sera faite toute autre taxation subséquente à la fin de l'action. On exprime habituellement ceci en disant [TRADUCTION] «dépens adjugés au demandeur quelle que soit l'issue du litige». Cette phrase accompagne normalement ce genre d'ordonnance; toutefois, j'ai omis de l'ajouter en l'espèce.
Les dépens seront donc adjugés aux demandeurs quelle que soit l'issue du litige, et leur taxation aura lieu au moment les parties feront taxer tous leurs autres dépens une fois que l'action aura pris fin.
Bien que le juge, dans ce passage, n'ait pas abordé la question de l'appel en instance, j'ai simplement étendu la portée de ce principe de manière à ce que la notion de «fin de l'action» sous-entende que celle-ci ne puisse pas faire l'objet d'un appel. Une telle interprétation est corroborée par une décision rapportée dans l'affaire Rossiter, précitée, à la page 190 [Centaur Cycle Co. v. Hill (1902), 4 O.L.R. 92 (C.A.), à la page 95], le tribunal a statué que le jugement qui avait été rendu par le tribunal d'instance inférieure [TRADUCTION] «n'avait pas encore un caractère définitif du fait que l'appel constituait une étape de l'instance».
Je ne puis décerner de certificat de taxation attestant que j'ai taxé les mémoires de frais et que ceux-ci sont fixés à 0 $ parce que je n'ai pas
compétence pour les taxer à cette étape des procé- dures. En conséquence, j'ai simplement décerné un certificat selon lequel j'ai accueilli l'objection pré- liminaire du demandeur par laquelle il s'oppose à la taxation des trois mémoires de frais en cause.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.