T-451-91
Administration régionale crie et Bill Namagoose
(requérants)
c.
Raymond Robinson (intimé)
RÉPERTORIÉ: ADMINISTRATION RÉGIONALE CRIE C. CANADA
(ADMINISTRATEUR FÉDÉRAL) (P" INsT.)
Section de première instance, juge Rouleau—
Montréal, 11 et 13 mars 1991*.
Environnement — Convention signée avec des peuples
autochtones pour planifier et contrôler le développement de la
région du Nord québécois — Phase II du développement du
Projet hydro-électrique de la rivière Grande-Baleine — Les
Indiens ont pressé les autorités fédérales de prendre l'initiative
des procédures d'examen en matière d'environnement avant le
commencement de la construction — Un administrateur fédé-
ral a été nommé pour surveiller les répercussions sur l'envi-
ronnement de tout développement futur et voir à la protection
des domaines de compétence fédérale qui comprennent le
peuple indien — Le projet touchera l'avenir social et économi-
que des populations autochtones et portera atteinte à la faune
et à son habitat.
Peuples autochtones — Terres — Convention signée avec
des peuples autochtones pour planifier et contrôler le dévelop-
pement de la région du Nord québécois — Les Cris et les Inuit
ont cédé et abandonné certains droits qu'ils détenaient sur le
territoire en contrepartie de certaines garanties et de certains
engagements de la part du gouvernement fédéral et du gouver-
nement provincial — La Convention reconnaît le droit des Cris
à la trappe, à la pêche et à la chasse et examine l'impact social
et économique qu'un développement futur peut entraîner — Le
but final était de fournir des garanties futures aux populations
autochtones occupantes — La Convention a été signée de bonne
foi pour la protection des peuples Cris et Inuit — On ne doit
pas priver indûment les autochtones de leurs droits et de leurs
territoires — Le rejet de la requête en bref de mandamus
introduite pour faire appliquer la Convention au moyen d'une
évaluation des répercussions sur l'environnement réveillerait
chez les indiens le sentiment d'être opprimés par la société
occidentale et ses institutions.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Une loi du Parlement a incorporé la Convention
signée avec des peuples autochtones pour planifier et contrôler
la mise en valeur de la région du Nord québécois — Projet
hydro-électrique mettant en cause des questions de compétence
fédérale — Ce projet est sujet à une évaluation fédérale en
vertu des art. 22 et 23 de la Convention — La Convention
est-elle une loi du Canada — Elle doit être un texte de droit
positif comme si elle faisait partie de la loi — Les affaires
* Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale
dans un arrêt rendu le 14 mai 1991 et portant le numéro de
greffe A-231-91. Les motifs de jugement du juge MacGuigan,
J.C.A. (auxquels ont souscrit les juges Hugessen et Décary,
J.C.A.) seront publiés dans le Recueil des arrêts de la Cour
fédérale.
indiennes et l'environnement relèvent de la compétence fédérale
— Les conditions essentielles à la détermination de la compé-
tence de la Cour ont été remplies — Aucun autre tribunal
compétent n'aurait la compétence voulue pour résoudre la
question — En vertu de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour a
compétence pour accorder la réparation demandée.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Mandamus
— Requête introduite en vue d'obtenir, à l'encontre de l'admi-
nistrateur fédéral, un bref de mandamus et une injonction lui
enjoignant de poursuivre les procédures d'évaluation et d'exa-
men des répercussions en matière d'environnement en vertu des
art. 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois — L'administrateur fédéral est un «office» au sens
de l'art. 2g) de la Loi sur la Cour fédérale La nomination
de l'administrateur découle exclusivement d'un texte de loi
fédéral Requête accueillie.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Décret sur les lignes directrices visant le processus
d'évaluation et d'examen en matière d'environnement,
DORS/84-467.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5], art.
101.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, art. 13.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
2g), 18, 44.
Loi sur le règlement des revendications des autochtones
de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-77,
chap. 32, art. 3.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autres, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986),
28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; R. c.
Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; [1990] 4 W.W.R. 410.
DOCTRINE
Halsbury's Laws of England, vol. 44, 4° éd., London:
Butterworths, 1983, para. 938.
AVOCATS:
J. O'Reilly et Peter W. Hutchins pour les
requérants.
J. M. Aubry et R. Leblanc pour l'intimé.
R. Monette pour l'intervenant le procureur
général du Québec.
G. Emery et Sylvain Lussier pour l'interve-
nante Hydro -Québec.
PROCUREURS:
O'Reilly, Mainville, Montréal, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Bernard, Roy & Associés, Montréal, pour
l'intervenant le procureur général du Québec.
Desjardins, Ducharme, Montréal, pour l'in-
tervenante Hydro -Québec.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'une requête
introduite au nom des requérants en vue d'obtenir,
à l'encontre de l'intimé Raymond Robinson, une
ordonnance de mandamus lui enjoignant, en sa
qualité d'administrateur fédéral, de se conformer
aux articles 22 et 23 de la Convention de la Baie
James et du Nord québécois et à la Loi sur le
règlement des revendications des autochtones de
la Baie James et du Nord québécois [S.C.
1976-77, chap. 32] à l'égard du Projet hydro-élec-
trique de la rivière Grande-Baleine envisagé et,
particulièrement, de poursuivre le processus fédé-
ral d'évaluation et d'examen des répercussions,
processus prévu par les articles 22 et 23 de la
Convention de la Baie James et du Nord québé-
cois et par la Loi sur le règlement des revendica-
tions des autochtones de la Baie James et du
Nord québécois relativement au Projet hydro-élec-
trique de la rivière Grande-Baleine, ou, subsidiai-
rement, une injonction ou toute autre mesure de
redressement enjoignant à l'intimé de se conformer
auxdits articles 22 et 23 et de poursuire ledit
processus.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
La présente requête a été entendue à Montréal
le 11 mars 1991. La question dont est saisie la
Cour découle d'un litige relatif à une convention
signée en 1979 concernant la Convention de la
Baie James et du Nord québécois. Les signataires
sont le gouvernement du Canada, la province de
Québec, la Société de développement de la Baie
James, Hydro -Québec, le Grand Council of the
Crees of Quebec et la Northern Quebec Inuit
Association. En vertu de cette Convention, les Cris
et les Inuit ont cédé et abandonné certains droits
qu'ils détenaient sur le territoire en contrepartie de
certaines garanties et de certains engagements de
la part tant du gouvernement fédéral que du gou-
vernement provincial. Le but en était de planifier
et de contrôler le développement futur du Nord
québécois.
Ces derniers mois, le gouvernement du Québec
ainsi que la Société de développement de la Baie
James et Hydro -Québec ont rendu publique leur
intention de procéder à la phase II du développe-
ment appelé Projet hydro-électrique de la rivière
Grande-Baleine. On a récemment révélé que la
société responsable du développement du projet
avait fait un appel d'offres en vue de l'ouverture et
de la construction d'une route d'accès. Le Grand
Council of the Crees, mis au courant de cette
initiative, a pressé les autorités fédérales d'engager
le processus d'examen en matière d'environnement
dans la région avant le commencement de la cons
truction. Conscient de l'imminence de la mise sur
pied du chantier de construction de la route, le
Grand Council of the Crees a donné à ses avocats
l'instruction de saisir cette Cour d'une action en
mandamus ou en injonction contre l'administra-
teur fédéral désigné, M. Raymond Robinson. Fina-
lement, il est demandé dans l'action qu'il entame le
processus d'évaluation et d'examen des répercus-
sions sur l'environnement et sur le milieu social en
vertu des articles 22 et 23 de la Convention.
Dans une lettre datée du 3 octobre 1989 et
adressée au ministre de l'Environnement de la
province de Québec, le ministre fédéral, Lucien
Bouchard, a fait savoir que, puisque les autorités
fédérales étaient au courant de la mise en oeuvre
du Projet hydro-électrique de la rivière Grande-
Baleine, il était d'avis qu'une évaluation environne-
mentale devrait être entreprise étant donné que le
projet comportait des questions relevant de la com-
pétence fédérale. D'après lui, les articles 22 et 23
de la Convention s'appliquaient, et il a proposé que
les deux paliers de gouvernement coopèrent. La
lettre ajoutait que les fonctionnaires fédéraux
attendaient la réponse d'Hydro-Québec et espé-
raient recevoir de celle-ci une esquisse du projet
envisagé. Toujours selon lui, compte tenu de l'am-
pleur de ce projet, il était extrêmement important
de procéder à une évaluation environnementale
d'une façon aussi objective et indépendante que
possible.
Le 28 novembre 1989, le ministre fédéral de
l'Environnement a encore une fois écrit au ministre
de l'Environnement de la province de Québec,
nouvellement nommé, pour porter à son attention
l'urgence de l'examen environnemental, et il a joint
à la lettre une copie de la lettre qu'il avait aupara-
vant envoyée à son prédécesseur. Par lettre en date
du 23 novembre 1989, M. Raymond Robinson,
l'administrateur fédéral, a écrit au vice-président
de l'environnement d'Hydro-Québec pour réitérer
le fait que ce projet était sujet à un processus
d'examen environnemental en vertu des articles 22
et 23 de la Convention. Il a en outre demandé un
résumé ou une esquisse du projet, et il a confirmé
que, en vertu de son mandat, il avait nommé une
commission pour entreprendre cette étude. Il a
également confirmé que, selon lui, le gouverne-
ment fédéral était tenu d'entreprendre ces études,
compte tenu des décisions rendues récemment par
la Cour fédérale du Canada, et, plus particulière-
ment, à la lumière des Lignes directrices visant le
PÉEE [Décret sur les lignes directrices visant le
processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement, DORS/84-467] qui sont entrées
en vigueur en juin 1984. Il a également proposé
une étude conjointe.
Un long silence a ensuite régné. Le
19 novembre 1990, M. Robinson a écrit à Michel
Chevalier d'Environnement Canada, président du
comité d'évaluation responsable du développement
de la Baie James et du Nord québécois. Il a
souligné la responsabilité fédérale relativement au
Projet Grande-Baleine et ses incidences possibles
sur des domaines de compétence fédérale, à savoir
les pêcheries, les oiseaux migrateurs et l'écologie
de la Baie d'Hudson. Il a ajouté que les personnes
nommées par le gouvernement fédéral étaient dis
posées à collaborer avec leurs homologues provin-
ciaux, et qu'il tenait à ce qu'une convention con-
jointe soit ratifiée. Au cas où le Québec n'agirait
pas, le gouvernement fédéral serait tenu d'agir
unilatéralement, a-t-il précisé. Le 23 novembre
1989, M. Robinson a informé de nouveau le vice-
président de l'environnement d'Hydro-Québec que
ce projet était assujetti à une évaluation fédérale
en vertu des articles 22 et 23 de la Convention, et
il a sollicité sa coopération à cet égard.
À une réunion tenue en novembre 1990, M.
Robinson a modifié sa position et informé les Cris
qu'il n'avait pas de mandat pour appliquer la
procédure fédérale d'examen et d'évaluation des
répercussions sous le régime de la Convention. Par
suite de cette tournure des événements, la présente
requête a été introduite contre M. Robinson, l'ad-
ministrateur fédéral responsable de l'évaluation
environnementale en vertu des articles 22 et 23 de
la Convention. Peu de temps après, prévenus de
l'introduction de la présente requête, Hydro -Qué-
bec, le ministère fédéral de la Justice et le procu-
reur général du Québec ont demandé l'autorisation
de se constituer parties intervenantes. La Cour a
fait droit à la demande sans que la requérante s'y
oppose. Tant l'intimé que les intervenants contes-
tent la compétence de cette Cour pour accorder la
réparation sollicitée.
La requérante prétend que la Convention, qui a
été ratifiée par le Parlement du Canada, est la loi
du Canada, que M. Robinson, nommé en vertu de
la Loi habilitante du Parlement, a l'obligation
légale de nommer des comités d'examen, ce qu'il
n'a pas fait, que, en vertu du paragraphe 3(5) de la
Loi portant ratification, M. Robinson, nommé par
décret, était un «office fédéral,> conformément à
l'alinéa 2g) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C.
(1985), chap. F-7] et que cette Cour a compétence
pour connaître de la requête et accorder la répara-
tion sollicitée.
L'intimé ainsi que les intervenants prétendent
que le Parlement du Canada n'a pas incorporé la
Convention en soi dans la législation portant con
firmation. Ils soutiennent donc que la nomination
de M. Robinson n'a pas été faite en vertu d'une loi
fédérale, que ses pouvoirs découlent d'une autorité
fédérale et provinciale conjointe et finalement,
que, cette Convention n'était pas une loi du Parle-
ment et que cette Cour n'a pas compétence.
Ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, cette Con
vention d'une portée plutôt étendue et complexe
mettait en cause non seulement les autorités fédé-
rales et provinciales, mais aussi, à titre de signatai-
res, Hydro -Québec, la Société de développement
de la Baie James et, plus important encore, le
Grand Council of the Crees et les Inuit du Nord
québécois. Dans le document, les populations
autochtones renonçaient à leurs droits ancestraux
sur quelque 3/5 du territoire de la province de
Québec en contrepartie de certaines assurances et
garanties incluses dans la Convention. Celle-ci
reconnaît expressément le droit des Cris à la
trappe, à la pêche et à des terrains de chasse,
examine l'impact social et économique qu'un déve-
loppement futur peut entraîner, et prévoit, aux
articles 22 et 23, la procédure à suivre relative-
ment aux études des répercussions sur l'environne-
ment qui doivent être faites dans l'éventualité
d'autres projets.
L'article 22 mentionne l'environnement et le
développement futur au sud du 55e parallèle, et
l'article 23, l'environnement et le développement
futur au nord du 55e parallèle. Il ne fait pas de
doute qu'une partie de la mise en oeuvre de l'in-
frastructure initiale peut être faite au sud du 55e
parallèle, mais le développement hydro-électrique
principal aura lieu au nord du 55e parallèle.
En vertu de cette Convention, toutes les parties
doivent avoir certains avantages, et il est certain
que les Cris et les Inuit du territoire ont obtenu
certaines garanties pour avoir renoncé à certains
droits. Le but final était de fournir des garanties
futures aux populations autochtones occupantes.
Les articles 22 et 23 de la Convention prévoient
la nomination d'un administrateur fédéral tenu de
surveiller les répercussions sur l'environnement de
tout développement futur et de voir à la protection
des domaines de compétence fédérale qui com-
prennent, bien entendu, le peuple indien de la
région. Cette Convention prévoit expressément que
l'administrateur doit mettre sur pied des comités
d'évaluation pour déterminer si le développement
doit avoir une incidence importante sur la popula
tion autochtone ou sur les ressources de la faune
du territoire. Il n'est nullement tenu de procéder à
une évaluation au cas où le développement n'en-
traînera aucune incidence importante. Je doute
que quiconque puisse prétendre que la phase II du
Projet de développement hydro-électrique de la
Baie James n'influera pas sur l'avenir social et
économique des populations autochtones; elle por-
tera certainement atteinte à la faune et à son
habitat, modifiant radicalement le mode tradition-
nel de vie.
Une annexe de la Convention indiquait que les
futurs amendements devaient être approuvés par
toutes les parties et ratifiés par l'Assemblée natio-
nale du Québec ainsi que par le Parlement du
Canada lorsque les changements concernaient
leurs compétences respectives. Il en ressort, à mon
avis, que toutes les parties présumaient que les
autorités législatives respectives avaient compé-
tence ou un pouvoir de ratification.
Dans leur argument initial, les intimés, ainsi que
les intervenants, ont allégué que la loi adoptée par
le Parlement du Canada pour ratifier la Conven
tion n'a pas, en soi, incorporé toute la teneur de la
Convention, qu'il ne s'agissait pas d'une loi à
proprement parler, qu'il n'en est donc découlé
aucune compétence fédérale; puisqu'il ne s'agissait
pas d'une loi, la nomination de M. Robinson, par
décret, n'a donc pas été faite par un texte législatif
et cette Cour n'était pas habilitée à accorder la
réparation sollicitée. La plupart des avocats ont
invoqué et cité à mon intention un extrait de
Halsbury's Laws of England, 4' éd. paragraphe
938, volume 44 pour dire que, en interprétant ce
qui y était contenu, la simple ratification d'un
contrat par le Parlement n'avait pas la force et
l'effet d'une loi. Voici cet extrait:
[TRADUCTION] 938. Confirmation de contrats au moyen
d'une loi. Lorsqu'un contrat est confirmé par une loi, on ne
saurait contester sa validité. On ne saurait par exemple le
contester pour incertitude ou absence de lien de cause à effet.
De même, il importe peu qu'il crée un droit qui ne pourrait
normalement procéder des contrats. Il ne s'ensuit pas que,
parce qu'il est confirmé par une loi, un contrat a la force et
l'effet d'une loi, mais les termes dans lesquels il est confirmé
peuvent indiquer que le législateur voulait en faire un texte de
droit positif comme si le contrat était devenu partie de la loi, et
il aura certainement un tel effet si la loi en question, outre le
fait qu'elle le confirme, exige expressément son exécution. Un
contrat ayant des effets aussi substantiels peut en conséquence
toucher les personnes qui n'y sont pas parties.
La plupart des autres auteurs et précédents
invoqués par l'intimé comme par les intervenants
n'avaient aucun rapport avec l'espèce. Ces magis-
tères portent sur les cas où une compétence spécifi-
que a été attribuée à d'autres organismes comme
sur les cas où la compétence revenait inéluctable-
ment aux cours supérieures provinciales.
J'estime que les avocats ont, à l'évidence, mal
interprété ce passage. Une lecture attentive sem-
blerait indiquer le contraire. En fait, il laisse
entendre que lorsque les termes de la loi confir-
ment clairement ce que le législateur voulait, et
que la loi exige expressément l'exécution de la
teneur du contrat, ce contrat fait partie de la loi.
Le Parlement fédéral a confirmé la Convention
par une loi adoptée le 14 juillet 1977, S.C.
1976-77, chap. 32. Voici le paragraphe d'ouverture
du préambule:
«Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valides certai-
nes conventions conclues entre le Grand Council of the Crees
(of Quebec), la Northern Quebec Inuit Association, le gouver-
nement du Québec, la Société d'énergie de la Baie James, la
Société de développement de la Baie James, la Commission
hydro-électrique de Québec et le gouvernement du Canada et
certaines autres conventions connexes auxquelles est partie le
gouvernement du Canada.»
Le préambule explique en outre que le gouver-
nement du Canada a, aux termes de cette Conven
tion, contracté certaines obligations à l'égard des
Cris et des Inuit. Il y est dit que la Convention
prévoit la mise de côté pour les populations
autochtones de certaines terres pour la chasse, la
pêche et la trappe en vertu d'un régime établi; il
appelle à leur pleine participation à l'administra-
tion du Territoire; il tend à protéger et à promou-
voir leur avenir et à assurer leur participation au
développement de leur territoire. Il fait état de
l'établissement d'une législation, d'une réglemen-
tation et de procédures destinées à protéger l'envi-
ronnement et, plus particulièrement, de mesures de
correction et autres relatives au développement
hydro-électrique.
Le préambule ajoute que, en contrepartie de la
remise des revendications autochtones à l'égard de
cette partie du territoire du Québec, le gouverne-
ment du Canada reconnaît et affirme une respon-
sabilité particulière à l'égard de la protection des
droits, privilèges et avantages que la Convention
accorde aux populations autochtones (voir p. ex.
l'article 3). La Convention a été déposée par le
ministre des Affaires indiennes et du Nord cana-
dien, approuvée et déclarée valide par le
Parlement.
L'article 13 de la Loi d'interprétation [L.R.C.
(1985), chap. I-21] prévoit que le préambule d'une
loi fait partie du texte et en constitue l'exposé des
motifs.
Comment peut-on prétendre que le Parlement
n'a pas prévu que la Convention faisait partie de la
loi et du droit du Canada? Je suis certain que le
Parlement a voulu faire de la Convention un texte
de droit positif, comme si la Convention était
devenue partie de la loi. L'intention du Parlement
et la fin qu'il vise semblent sans équivoque.
Je suis donc convaincu que la nomination de
l'administrateur, en vertu du paragraphe 3(5) de
la loi, qui autorise le gouverneur en conseil à
établir les règlements nécessaires à l'application de
la Convention ou de l'une de ses dispositions, ne
découle pas d'une autorité fédérale/provinciale
conjointe, mais exclusivement d'un texte de loi
fédéral.
Le décret précise que M. Robinson doit être
l'administrateur relativement aux questions de
compétence fédérale aux fins des articles 22 et 23
de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois.
Ayant conclu que la Convention de la Baie
James et du Nord québécois fait partie de la loi
fédérale, j'estime que M. Robinson est une per-
sonne qui exerce ses pouvoirs conférés par une loi
du Parlement ou en vertu de celle-ci, et est donc un
«office fédéral» aux termes de l'alinéa 2g) de la Loi
sur la Cour fédérale. Je conclus que l'article 18 de
la Loi sur la Cour fédérale m'habilite à connaître
de la présente requête.
Au cas où l'analyse précédente se révélerait
inexacte, je suis d'avis que cette Cour a compé-
tence soit en vertu de l'article 44 de la Loi sur la
Cour fédérale soit dans l'exercice de ses pouvoirs
pour «la meilleure administration des lois du
Canada» (article 101 de la Loi constitutionnelle de
1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5]).
En l'espèce, nous sommes en présence d'un admi-
nistrateur fédéral sans qu'il y ait une autorité
ayant apparemment le pouvoir de réviser ses actes
ou omissions. Il est bien établi que les personnes
nommées par le gouvernement fédéral doivent ou
bien être expressément régies par une réglementa-
tion applicable ou bien être assujetties à un méca-
nisme de révision.
En l'absence d'un mécanisme de révision de ce
genre, et étant donné que les Affaires indiennes et
l'Environnement relèvent de la compétence fédé-
rale, il est peut-être «juste et opportun» pour cette
Cour d'envisager l'octroi d'un mandamus ou d'une
injonction sous le régime de l'article 44 de la Loi
sur la Cour fédérale.
Dans l'arrêt ITO International Terminal
Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres,
[1986] 1 R.C.S. 752, il a été établi qu'il existe trois
conditions essentielles pour déterminer si cette
Cour a compétence [à la page 766]:
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du
Parlement fédéral.
2. II doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui
soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement
de l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada»
au sens où cette expression est employée à l'art. 101 de la
Loi constitutionnelle de 1867.
Il ne fait pas de doute que l'espèce remplit les
conditions 2 et 3. La question à laquelle il faut
répondre est «Doit-il y avoir attribution de compé-
tence par une loi du Parlement fédéral?,> Étant
convaincu qu'il existe une lacune relativement à
l'octroi d'un rôle de contrôle sur M. Robinson, et
n'étant pas en mesure d'envisager un autre orga-
nisme pouvant exercer cette fonction, je dois con-
clure que cette Cour a compétence pour réviser les
actes de M. Robinson.
En tirant cette conclusion, je dois me laisser
guider par les propos tenus par le juge en chef
Dickson dans l'affaire R. c. Sparrow, [1990] 1
R.C.S. 1075, où les tribunaux ont reçu l'instruc-
tion selon laquelle «l'intention du Souverain
d'éteindre un droit ancestral doit être claire et
expresse».
Je ressens profondément l'obligation de faire
droit à la requête. Toute décision contraire réveil-
lerait chez les peuples autochtones leur sentiment
d'être opprimés par la société occidentale et ses
institutions. Cette Convention a été signée de
bonne foi pour la protection des peuples Cris et
Inuit, non pour les priver indûment de leurs droits
et territoires. Viendrais-je à décliner ma compé-
tence, je ne vois pas quel autre tribunal compétent
serait en mesure de résoudre cette question.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.