T-2871-90
Chun Fai Wong, Wing Chun Li et Yiu Ting Wong
(requérants)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Secré-
taire d'État aux Affaires extérieures (intimés)
RÉPERTORIÉ: WONG C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION) (1 1e INST.)
Section de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Toronto, 17 décembre 1990; Ottawa, 26
février 1991.
Immigration — Ordonnance judiciaire enjoignant aux inti-
més d'examiner une demande de résidence permanente — Le
requérant, qui est atteint du syndrome de Down (trisomie 21),
a été considéré non admissible pour des raisons d'ordre médi-
cal aux termes de l'art. 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration
— Demande de tests psychométriques — Il s'agit de savoir si
l'on peut exiger d'autres tests ou si cette question est chose
jugée compte tenu de l'ordonnance déjà rendue par la Cour —
La question de l'admissibilité n'est pas encore tranchée —
Détermination de l'admissibilité fondée sur des évaluations
médicales — Le droit d'établissement ne peut être accordé si
les conditions préalables ne sont pas satisfaites.
Pratique — Res judicata — Immigration — La Cour fédé-
rale a enjoint à des fonctionnaires d'examiner une demande de
résidence permanente — Les fonctionnaires ont exigé que le
requérant subisse des tests psychométriques — Il s'agit de
savoir si l'on pouvait imposer cette condition compte tenu de
l'ordonnance déjà rendue par la Cour — L'une des trois
conditions préalables à l'application du principe de l'autorité
de la chose jugée n'est pas respectée: la question à trancher est
différente — Ce principe s'applique-t-il dans le cas d'un
différend relevant du droit public?
Il s'agit d'une requête visant à obtenir un bref de certiorari
annulant la décision par laquelle les fonctionnaires de l'immi-
gration ont refusé d'examiner une demande de résidence per-
manente au Canada, et visant à obtenir un bref de mandamus
enjoignant aux intimés d'examiner la demande en question
conformément à la Loi sur l'immigration et au Règlement sur
l'immigration de 1978. Les requérants, qui avaient sollicité la
résidence permanente au Canada, ont été informés par le
consulat général canadien à San Francisco que des visas d'im-
migrants ne pouvaient leur être délivrés en raison du fait que
leur fils était non admissible au Canada pour des raisons
d'ordre médical aux termes du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi
sur l'immigration en raison du fait qu'il était atteint du syn
drome de Down (trisomie 21). On a prétendu que son admis
sion entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux
ou de santé du Canada non à cause de sa déficience intellec-
tuelle mais en raison de la probabilité qu'il ait plus tard la
maladie d'Alzheimer. La Cour fédérale a prononcé le 22
novembre 1989 une ordonnance annulant la décision et forçant
les intimés à examiner la demande de résidence permanente. À
la suite d'un autre examen médical du garçon, des tests psycho-
métriques ont été demandés. Les requérants s'y sont opposés en
invoquant le jugement de la Cour fédérale. Le consulat général
canadien a réitéré la demande en affirmant que le rapport
médical initial n'était pas à jour et en précisant que si les
renseignements n'étaient pas fournis dans un délai raisonnable,
► a demande serait rejetée.
Les requérants prétendent que l'ordonnance prononcée le 22
novembre 1989 vide entièrement le débat sur toutes les ques
tions concernant le rejet de la demande de résidence perma-
nente, de sorte qu'on ne peut exiger d'autres tests médicaux,
étant donné que la question est chose jugée. Les intimés font
valoir que la demande de tests psychométriques permettrait aux
médecins d'apprécier l'admissibilité du garçon conformément
aux conditions spécifiques de l'ordonnance, ajoutant que les
renseignements médicaux le concernant ne sont pas à jour et
qu'il est difficile de déterminer avec exactitude le degré du
retard mental d'un enfant de moins de cinq ans. Ils soulignent
également que le principe de ►'autorité de la chose jugée ne
s'applique que lorsqu'une décision a été rendue sur le fond dans
l'action antérieure et que les questions en litige sont identiques
dans les deux actions. La question qui était soulevée dans
l'ordonnance du 22 novembre 1989 était celle de savoir si le
rejet était licite alors que la question en litige dans la présente
requête est celle de savoir si la demande de tests psychométri-
ques est valable et raisonnable.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
Il s'agit de savoir si l'ordonnance prononcée par la Cour le 22
novembre 1989 empêche d'examiner d'autres preuves médica-
les, particulièrement des tests psychométriques, en ce qui con-
cerne l'admissibilité du garçon au Canada. Quant à la requête
en certiorari, il ressort de la décision des fonctionnaires de
l'immigration et du témoignage du médecin que la conclusion
de non-admissibilité fondée sur le sous-alinéa 19(1)a)(ii) était
justifiée par un prétendu lien entre le syndrome de Down et la
maladie d'Alzheimer. L'ordonnance antérieure de la Cour fai-
sait suite à une requête et non à une action ou à un procès, et
elle ne tient pas compte de questions qui ne sont pas soulevées
dans la requête. En outre, il n'est pas déclaré dans l'ordonnance
que la question de l'examen médical était entièrement résolue
en faveur des requérants ou qu'il n'est pas nécessaire de procé-
der à d'autres examens médicaux, et notamment à la vérifica-
tion des facultés mentales. L'ordonnance a annulé la décision
sur le fondement d'un lien injustifié entre le syndrome de Down
et la maladie d'Alzheimer et elle n'a pas tranché la question
plus large de l'admissibilité sous le régime du sous-alinéa
19(1)a)(ii).
En ce qui concerne la requête en mandamus, selon une
certaine jurisprudence, la Cour pourrait, dans les limites recon-
nues de sa compétence, limiter le pouvoir discrétionnaire d'un
fonctionnaire en précisant les facteurs dont il doit ou ne doit
pas tenir compte; l'ordonnance antérieure n'avait pas limité les
facteurs dont on devait tenir compte en l'espèce. La Cour ne
pourrait prononcer une ordonnance enjoignant aux intimés
d'octroyer le droit d'établissement si les conditions préalables à
l'exercice de ce droit n'étaient pas satisfaites. Aux termes des
articles 19 et 11 de la Loi sur l'immigration, l'admissibilité
d'une personne doit être fondée notamment sur les examens
médicaux, y compris la vérification des facultés mentales,
auxquels procède un médecin en tenant compte des facteurs
énoncés à l'article 22 du Règlement. L'ordonnance enjoignait
simplement aux intimés de poursuivre l'examen de la demande
et de déterminer s'il y avait lieu d'octroyer le droit d'établisse-
ment conformément à la Loi et à ses règlements.
Quant à l'application du principe de l'autorité de la chose
jugée, trois conditions doivent être réunies. Il faut: 1. que la
même question ait été décidée; 2. que la décision judiciaire
précédente soit définitive; 3. que les parties à l'action soient
identiques. En l'espèce, la deuxième et la troisième conditions
exigées pour créer une irrecevabilité sont remplies, mais la
question à examiner dans la présente instance est différente de
celle qui a été débattue devant le juge McNair. La question de
la chose jugée ne peut donc pas être invoquée. Il est fort
douteux que l'irrecevabilité résultant de l'autorité de la chose
jugée (estoppel of record ou per rem judicatam) s'applique
dans ce domaine du droit public de la manière dont il pourrait
s'appliquer dans un différend opposant des particuliers.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art.
8 ( 1 ), 9 ( 3 ), 11 ( 1 ),( 2 ),(3), 19 ( 1 )a)(ii),( 2 )d)•
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172,
art. 22 (mod. par DORS/78-316, art. 2).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
355, 1906.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294;
[1948] O.W.N. 17 (C.A.); Jhammat c. Canada (Ministre
de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R.
(2d) 166 (C.F. lie inst.); Re Knowles, [ 1938] O.R. 369;
[1938] 3 D.L.R. 178 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Poizer et al. v. Ward, [1947] 4 D.L.R. 316; [1947] 2
W.W.R. 193; (1947), 55 Man. R. 214 (C.A.).
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Calder v. Cleland, [1971] 1 O.R. 667; (1971), 16 D.L.R.
(3d) 369 (C.A.); Pure Spring Co. Ltd. v. Minister of
National Revenue, [1946] R.C.É. 471; [1947] 1 D.L.R.
501; [1946] C.T.C. 171; Fahlman v. Law Soc. of Alta.,
[1982] 6 W.W.R. 75; 21 Alta. L.R. (2d) 297 (B.R.);
Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248; (1974), 47 D.L.R.
(3d) 544; 74 DTC 6278; 2 N.R. 397; Rans Construction
(1966) Ltd. c. Canada, [1988] 1 C.F. 526; [1987] 2
C.T.C. 206; (1987), 87 DTC 5415; 16 F.T.R. 73 (1'
inst.); Carl-Zeiss-Stiftung v. Rayner and Keeler, Ltd.
(No. 2), [1966] 2 All E.R. 536 (H.L.); Hoystead v.
Commissioner of Taxation, [1926] A.C. 155 (C.P.).
DOCTRINE
Reid, Robert F. et David, Hillel, Administrative Law and
Practice, 2nd ed., Toronto, Butterworths, 1978.
AVOCATS:
Cecil L. Rotenberg, c.r., pour les requérants.
Marie-Louise Wçislo pour les intimés.
PROCUREURS:
Rotenberg, Martinello, Austin, Toronto, pour
les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré-
sente demande a été entendue à Toronto (Ontario)
le 17 décembre 1990. Par avis de requête daté du
24 octobre 1990, les requérants sollicitent:
1. Une ordonnance de bref de certiorari annulant
la décision par laquelle les fonctionnaires de l'im-
migration du consulat général canadien à San
Francisco (É.-U.A.) qui font partie du personnel
de l'intimé, le Secrétaire d'État aux Affaires exté-
rieures, ont refusé d'examiner la demande de rési-
dence permanente au Canada de Chun Fai Wong,
de Wing Chun Li et de Yiu Ting Wong à moins
que le requérant, Yiu Ting Wong, se soumette à
une évaluation psychologique ou psychiatrique;
2. Une ordonnance de bref de mandamus enjoi-
gnant aux intimés d'examiner la demande de rési-
dence permanente conformément à la Loi sur
l'immigration, 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] et
au Règlement sur l'immigration, 1978 [DORS/78-
172] et de déterminer s'il y a lieu d'accorder le
droit d'établissement à Chun Fai Wong, à Wing
Chun Li et à Yiu Ting Wong sans obliger le
requérant, Yiu Ting Wong, à se soumettre à une
évaluation psychologique ou psychiatrique.
LES FAITS
Les requérants vivent présentement à Hong
Kong. En décembre 1986, ils ont présenté une
demande de résidence permanente au Canada (la
«demande»). Dans une lettre datée du 27 novembre
1987, M. Brian T. Casey, du consulat général
canadien à San Francisco, a informé les requérants
que des visas d'immigrants ne pouvaient leur être
délivrés en raison du fait que leur fils, Yiu Ting
Wong, qui est atteint du syndrome de Down (triso-
mie 21), était non admissible au Canada pour des
raisons d'ordre médical aux termes du sous-alinéa
19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration [mainte-
nant L.R.C. (1985), chap. I-2] (la «Loi»). La lettre
portait:
[TRADUCTION] Pour en arriver à cette conclusion, nos méde-
cins ont tenu compte du sous-alinéa 22e)(i) et de l'alinéa 22g)
du Règlement sur l'immigration de 1978. Ils font remarquer
que les personnes ayant le syndrome de Down (trisomie 21) ont
des aptitudes intellectuelles limitées, ce qui compromet leur
employabilité, et qu'elles sont sujettes à la maladie d'Alzheimer
à un âge plus précoce que le reste de la population. Pour cette
raison et sur le fondement des rapports médicaux qu'ils ont
reçus, nos médecins estiment que l'état de votre fille [sic] ...
entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de
santé et qu'elle risquerait de ne pas répondre aux traitements
Cette décision était fondée sur des renseignements
fournis au consulat général canadien de San Fran-
cisco par le docteur M.J. Ferrari, de Santé et
Bien-être social Canada, dans un télex daté du 3
novembre 1987, dont voici le texte:
[TRADUCTION] LE SOUS-AL. 22e)(i) ET L'AL. 22g) DU
RÈGL. SUR L'IMM. S'APPLIQUENT. LES PERSONNES
AYANT LE SYNDROME DE DOWN (TRISOMIE 21)
ONT DES APTITUDES INTELLECTUELLES LIMITÉES,
CE QUI COMPROMET LEUR EMPLOYABILITÉ
ELLES SONT ÉGALEMENT SUJETTES À LA MALADIE
D'ALZHEIMER À UN ÂGE PLUS PRÉCOCE QUE LE
RESTE DE LA POPULATION.
Les requérants ont présenté une requête fondée
sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale
[L.R.C. (1985), chap. F-7] [voir n° du greffe
T-237-89] pour faire annuler la décision du 27
novembre 1987 et pour faire enjoindre aux intimés
d'examiner la demande conformément à la Loi et à
ses règlements. En réponse à cette requête, les
intimés ont produit un affidavit souscrit le 4 avril
1989 par le docteur Ferrari, dans lequel cette
dernière affirme notamment que l'avis qu'elle avait
émis suivant lequel l'admission de Yiu Ting Wong
entraînerait un fardeau excessif pour les services
sociaux du Canada était fondé sur la probabilité
qu'il ait la maladie d'Alzheimer et non sur sa
déficience intellectuelle. Les requérants ont égale-
ment produit des affidavits souscrits le 10 août et
le 13 septembre 1989 par le docteur H.J. Kar-
linsky dans lesquels ce dernier conteste l'opinion
voulant que les personnes ayant le syndrome de
Down soient universellement sujettes à la maladie
d'Alzheimer.
Les avocats des requérants et des intimés ont
comparu devant le juge McNair le 20 novembre
1989. Sur son ordre, les requérants ont rédigé une
ordonnance dont les intimés ont «approuvé la
teneur». Voici le texte de l'ordonnance qui a été
rendue le 22 novembre 1989:
[TRADUCTION] La cour: (i) Annule la décision par laquelle les
fonctionnaires de l'immigration du consulat canadien à San
Francisco (É.-U.A.) qui font partie du personnel de l'intimé, le
Secrétaire d'État aux Affaires extérieures, ont rejeté la
demande de résidence permanente au Canada de Chun Fai
Wong, de Wing Chun Li et de Yiu Ting Wong;
(ii) Ordonne aux intimés d'examiner la demande de résidence
permanente au Canada de Chun Fai Wong, de Wing Chun Li
et de Yiu Ting Wong conformément à la Loi sur l'immigration,
au Règlement sur l'immigration et à la loi;
(iii) Ordonne aux intimés de déterminer conformément à la loi
si le fait d'octroyer le droit d'établissement à Chun Fai Wong, à
Wing Chun Li et à Yiu Ting Wong contreviendrait ou non à la
Loi sur l'immigration, au Règlement sur l'immigration et à la
loi;
(iv) Adjuge les dépens aux requérants.
À la suite de l'ordonnance, Yiu Ting Wong a
subi un autre examen médical à Toronto le 24 avril
1990. Dans le rapport médical qu'il a fourni, le
docteur Kline a précisé que Yiu Ting Wong était
atteint du syndrome de Down et de déficience
intellectuelle, qu'il présentait des troubles mentaux
ainsi que des troubles d'origine génétique ou héré-
ditaire, et que son développement mental était
[TRADUCTION] «inférieur à la moyenne». Par une
lettre datée du 15 août 1990, le docteur Ferrari a
demandé au docteur Kline de prendre des disposi
tions pour fournir une étude psychométrique com-
plète. L'avocat des requérants s'est opposé à cette
demande le 4 septembre 1990 en faisant valoir que
le syndrome de Down de l'enfant [TRADUCTION]
«est une question non pertinente compte tenu du
jugement de la Cour fédérale». L'avocat a déclaré:
[TRADUCTION] En admettant que les rapports les plus récents
sur les antécédents soient satisfaisants et que les rapports
médicaux les plus récents concernant la famille soient égale-
ment satisfaisants, nous estimons que, à la seule exception du
syndrome de Down, cette famille satisfait à toutes les exigences
en matière d'immigration au Canada et que des visas devraient
être délivrés sans délai.
M. Brian Casey du consulat général canadien a
réitéré la demande de tests psychométriques dans
une lettre datée du 19 septembre 1990. Il a déclaré
que [TRADUCTION] «même si des renseignements
analogues auraient été présentés avec le rapport
médical initial, il est nécessaire de mettre ces
renseignements à jour, étant donné que plus de
trois années se sont écoulées et que des change-
ments importants ont pu se produire depuis». Il a
précisé que [TRADUCTION] «si les renseignements
ne sont pas fournis dans un délai raisonnable, nous
n'aurons d'autre choix que de rejeter la demande
en vertu du paragraphe 9(3) et de l'alinéa 19(2)d)
de la Loi».
Les requérants ont introduit la présente requête
dans le but de faire annuler la demande de tests
psychométriques et de faire enjoindre aux intimés
d'examiner la demande conformément à la Loi et à
ses règlements, sans que Yiu Ting Wong soit tenu
de se soumettre à un examen psychologique ou
psychiatrique.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les requérants prétendent que l'ordonnance pro-
noncée le 22 novembre 1989 par le juge McNair
(l'«ordonnance») vide entièrement le débat sur
toutes les questions qui ont été débattues ou qui
auraient pu l'être relativement à la décision du 27
novembre 1987 par laquelle la demande de rési-
dence permanente a été rejetée. Le rejet annulé
par l'ordonnance était fondé sur le fait que le fils à
charge de ses parents tombait sous le coup du
sous-alinéa 19(1)a)(ii), étant donné que son état
entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau
excessif pour les services sociaux ou de santé. Les
requérants soutiennent que l'ordonnance empêche
les intimés de poursuivre l'examen de la question
du rejet fondé sur des raisons d'ordre médical. La
décision de soumettre Yiu Ting Wong à d'autres
tests médicaux constitue donc une décision sur une
question qui est chose jugée. Les requérants affir-
ment également que l'ordonnance n'a pas été pro-
noncée par consentement et que de toute façon
cela n'aurait aucune incidence sur le fait que la
demande de tests psychométriques est devenue
chose jugée par suite de l'ordonnance.
Les intimés font valoir que la demande de tests
psychométriques permettra aux médecins d'appré-
cier l'admissibilité de Yiu Ting Wong et qu'elle est
conforme aux conditions spécifiques de l'ordon-
nance. La Loi prévoit que, pus les immigrants sont
astreints à une «visite médicale», laquelle com-
prend une «vérification des facultés mentales». Le
Règlement prescrit les facteurs dont le médecin
doit tenir compte afin de pouvoir déterminer si
l'admission d'une personne entraînerait ou risque-
rait d'entraîner un fardeau excessif pour les servi
ces sociaux ou de santé. Parmi ces facteurs, men-
tionnons la nature, la gravité ou la durée probable
de l'invalidité ou de la maladie dont souffre la
personne en question. Les intimés affirment que
les renseignements médicaux concernant Yiu Ting
Wong ne sont pas à jour et qu'il est difficile de
déterminer avec exactitude le degré du retard
mental d'un enfant de moins de cinq ans [Yiu Ting
Wong était respectivement âgé de 2 et de 4 ans
lorsqu'il a été examiné pour la première fois en
1984 et en 1986]. Par conséquent, il est nécessaire
de procéder à des tests psychométriques pour pou-
voir effectuer une évaluation complète du degré et
de la sévérité de l'état mental actuel de Yiu Ting
Wong. Les intimés soutiennent que, d'après les
renseignements dont ils disposent présentement, le
docteur Ferrari ne sera pas en mesure de se pro-
noncer de façon valable et complète sur son admis-
sibilité médicale. L'agent des visas ne pourra donc
pas rendre une décision bien fondée sur la
demande en conformité avec la Loi et ses règle-
ments. En conséquence, parce qu'elle fait nécessai-
rement partie du processus de prise de décision
relative à l'octroi du droit d'établissement aux
requérants, la demande est raisonnable, justifiée et
conforme à l'ordonnance.
Les intimés soutiennent que le principe de l'au-
torité de la chose jugée ne s'applique que lors-
qu'une décision a été rendue sur le fond dans
l'action antérieure et que les questions en litige
sont identiques dans les deux actions. Étant donné
que l'ordonnance a été rendue par consentement et
qu'elle ne fait pas suite à une décision rendue sur
le fond, ils citent les propos formulés par le juge
Lacourcière dans l'arrêt Calder v. Cleland, [1971]
1 O.R. 667 (C.A.), à la page 668:
[TRADUCTION] Je ne puis retenir la prétention de la défende-
resse suivant laquelle le moyen d'irrecevabilité tiré du jugement
convenu d'envoi en possession constitue un moyen de défense
absolu à la présente action. Après le divorce, l'épouse a, par
l'entremise de son procureur, consenti à un jugement accordant
la possession de l'immeuble à son mari. De toute évidence, ce
consentement ne devrait pas trancher la question du titre et
n'est nullement concluant.
Les intimés affirment que le rejet était uniquement
fondé sur le prétendu lien entre le syndrome de
Down (trisomie 21) et la maladie d'Alzheimer.
Ainsi donc, l'ordonnance annule le refus sur ce
seul fondement et n'est exécutoire que dans cette
mesure. Ils soulignent également que la question
dont était saisie le juge McNair était celle de
savoir si le rejet du 27 novembre 1987 était licite
et que la question en litige dans la présente requête
est celle de savoir si la demande de tests psychomé-
triques de Yiu Ting Wong constitue une demande
qui peut valablement et raisonnablement être faite
dans le cadre de l'appréciation de la demande de
résidence permanente pour déterminer s'il y a lieu
d'octroyer le droit d'établissement.
LA LOI
Les dispositions législatives applicables à la pré-
sente requête sont les paragraphes 8(1), 11(1),
11(2) et 11(3) et le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la
Loi et l'article 22 [mod. par DORS/78-316, art. 2]
du Règlement:
8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de
prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne
contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.
11. (1) Sont astreints à la visite, effectuée par un médecin
agréé, tous les immigrants, ainsi que les visiteurs de certaines
catégories visées par règlement.
(2) L'agent d'immigration ou l'arbitre peut imposer la visite
médicale prévue au paragraphe (1) aux visiteurs et titulaires de
permis qu'il soupçonne d'appartenir à la catégorie non admissi
ble visée à l'alinéa 19(1 )a).
(3) Pour l'application du présent article, la visite médicale
comprend la vérification des facultés physiques et mentales
ainsi que l'étude, sur le plan médical, des dossiers concernant
l'intéressé.
19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie
non admissible:
a) celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont
la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un
médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre
médecin agréé, conclut:
(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'en-
traîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de
santé.
22. Afin de pouvoir déterminer ... si l'admission d'une per-
sonne entraînerait ou pourrait entraîner un fardeau excessif
pour les services sociaux ou de santé, un médecin doit tenir
compte des facteurs suivants, en fonction de la nature, de la
gravité ou de la durée probable de la maladie, du trouble, de
l'invalidité ou de toute autre incapacité pour raison de santé
dont souffre la personne en question, à savoir:
a) tout rapport ayant trait à la personne en question rédigé
par un médecin;
e) si la prestation de services sociaux ou de santé dont cette
personne peut avoir besoin au Canada est limitée au point
(i) qu'il y a tout lieu de croire que l'utilisation de ces
services par cette personne pourrait empêcher ou retarder
la prestation des services en question aux citoyens cana-
diens ou aux résidents permanents, ou
(ii) qu'il est possible qu'on ne puisse offrir ces services ou
que ceux-ci ne soient pas accessibles à la personne visée;
f) si des soins médicaux ou l'hospitalisation s'impose;
g) si l'employabilité ou la productivité éventuelle de l'inté-
ressé est compromise; et
h) si un traitement médical prompt et efficace peut être
fourni.
ANALYSE
Les requérants prétendent que, suivant le prin-
cipe de l'autorité de la chose jugée, il est interdit
de faire subir des tests psychométriques à Yiu
Ting Wong. Il n'y a pas en l'espèce d'allégation
d'outrage fondée sur la Règle 355 [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] ou du défaut de
se conformer à une ordonnance de mandamus au
sens de la Règle 1906. La présente requête vise
plutôt à faire annuler la décision ordonnant de
soumettre Yiu Ting Wong à des tests psychométri-
ques et enjoignant aux intimés d'examiner la
requête conformément à la Loi et à ses règlements
sans les tests en question. Quoi qu'il en soit, les
moyens invoqués au soutien de la requête sont que
les tests psychométriques ne respectent pas l'or-
donnance, qu'ils ne sont pas conformes à la Loi et
à ses règlements et qu'en fait, suivant le principe
de l'autorité de la chose jugé, ils sont interdits.
Il s'agit donc de savoir si l'ordonnance du juge
McNair empêche de poursuivre l'étude de la
preuve médicale, particulièrement des tests psy-
chométriques, en ce qui concerne l'admissibilité de
Yiu Ting Wong au Canada.
1. L'ordonnance de certiorari annulant la décision
du 27 novembre 1987.
Il ressort de la décision du 27 novembre 1987 et
du témoignage du docteur Ferrari que Yiu Ting
Wong a été jugé non admissible en vertu du sous-
alinéa 19(1)a)(ii) en raison d'un prétendu lien
entre le syndrome de Down et la maladie d'Alzhei-
mer. La déposition présentée sous forme d'affida-
vit du docteur Karlinsky traitait précisément de la
question de savoir si ce lien était justifié. Il semble
donc que la question précise qui a été abordée dans
le dossier T-237-89 était celle de savoir si ce lien
invalidait la décision. Il est également important
de noter que l'ordonnance faisait suite à une
requête et non à une action ou à un procès. Par
conséquent, contrairement à ce que prétendent les
requérants, l'ordonnance ne tient pas compte de
questions qui ne sont pas soulevées dans la requête,
c'est-à-dire, de celles qui, selon ce qu'affirment les
requérants, auraient dû ou auraient logiquement
pu être abordées à ce moment-là. En outre, il n'est
tout simplement pas déclaré dans l'ordonnance que
la question de l'examen médical a été entièrement
résolue en faveur des requérants ou qu'il n'est pas
nécessaire de procéder à d'autres examens médi-
caux, et notamment à la vérification des facultés
mentales. J'en conclus donc que l'ordonnance a
annulé la décision sur le fondement d'un lien injus-
tifié entre le syndrome de Down et la maladie
d'Alzheimer et qu'elle n'a pas tranché la question
plus large de l'admissibilité de Yiu Ting Wong
sous le régime du sous-alinéa 19(1)a)(ii).
2. L'ordonnance de mandamus enjoignant aux
intimés d'examiner la demande et de détermi-
ner si l'octroi du droit d'établissement contre-
viendrait à la Loi et à ses règlements.
Dans l'arrêt Poizer et al. v. Ward, [1947] 4
D.L.R. 316 (C.A. Man.), le juge Bergman a exa-
miné la nature de l'ordonnance de mandamus.
Citant notamment les propos formulés par le juge
Thorson dans l'arrêt Pure Spring Co. Ltd. v.
Minister of National Revenue, [1946] R.C.É. 471,
il s'est exprimé comme suit [à la page 324]:
[TRADUCTION] En règle générale, bien qu'un bref de manda-
mus puisse être décerné pour forcer quelqu'un à exercer un
pouvoir discrétionnaire, la Cour n'a pas le pouvoir de contrain-
dre cette personne à exercer ce pouvoir discrétionnaire d'une
façon déterminée: 7 C.E.D. (Ont.), p. 130; Holmestead &
Langton, 5th ed., p. 75; 9 Hals., 2nd ed., p. 764; 38 Corp. Jur.,
p. 593; R. v. Army Council, [1917] 2 K.B. 504, à la p. 510. Le
principe est exposé avec concision dans Short & Mellor's
Crown Practice, 2nd ed., p. 212, dans les termes suivants:
[TRADUCTION] «Un bref de mandamus n'est jamais accordé
dans le but d'ordonner qu'un acte soit accompli d'une façon
particulière qui n'est pas expressément exigée par la loi. Le
mandamus sert à engager le processus judiciaire, mais non à
prescrire la façon dont un acte déterminé doit être accompli.»
[C'est moi qui souligne.]
De même, je constate que dans leur ouvrage
Administrative Law and Practice, 2e éd. (Toronto,
Butterworths, 1978), les éminents auteurs Robert
F. Reid et Hillel David déclarent, à la page 403:
[TRADUCTION] Un bref de mandamus peut être décerné
pour forcer quelqu'un à s'acquitter d'une obligation de nature
publique„ mais lorsque cette obligation comporte l'exercice d'un
pouvoir discrétionnaire, on ne peut avoir recours au bref de
mandamus pour obtenir par la force un résultat déterminé.
Selon une certaine jurisprudence, la Cour pour-
rait, dans les limites reconnues de sa compétence,
limiter le pouvoir discrétionnaire d'un fonction-
naire en précisant les facteurs dont il doit ou ne
doit pas tenir compte; Fahlman v. Law Soc. of
Alta., [1982] 6 W.W.R. 75 (B.R.), à la page 82.
En conséquence, si l'on présume que le juge
McNair aurait pu limiter les facteurs dont il fallait
tenir compte en l'espèce, il est évident qu'il ne l'a
pas fait.
Dans l'arrêt Karavos v. Toronto & Gillies,
[1948] 3 D.L.R. 294, à la page 300, le juge
Laidlaw de la Cour d'appel de l'Ontario a accueilli
l'appel interjeté d'une ordonnance de bref de man-
damus enjoignant à un inspecteur municipal des
bâtiments de délivrer un permis à l'appelant. Le
juge a déclaré:
[TRADUCTION] Un bref de mandamus ne peut être décerné à
l'encontre de l'inspecteur des bâtiments pour le forcer à accom-
plir un acte interdit par la loi, et l'on ne peut présumer que les
conditions préalables à l'exercice de son droit et de son obliga
tion de délivrer le permis ont été satisfaites.
De la même façon, en l'espèce, la Cour ne pourrait
prononcer une ordonnance enjoignant aux intimés
d'octroyer le droit d'établissement si les conditions
préalables à l'exercice de ce droit n'ont pas été
satisfaites. L'article 19 déclare en termes nets que
l'admissibilité d'une personne doit être déterminée.
Cette détermination sera fondée notamment sur
les examens médicaux, et notamment sur la vérifi-
cation des facultés mentales, auxquels procède un
médecin agréé en vertu de l'article 11 en tenant
compte des facteurs énoncés à l'article 22 du
Règlement. L'article 8 dispose qu'il incombe au
requérant de démontrer que son admission ne con-
treviendrait ni à la Loi ni à ses règlements et
l'ordonnance prononcée par le juge McNair en
l'espèce n'a pas pour effet d'inverser la charge de
cette preuve ou de l'écarter.
Je suis donc d'avis que l'ordonnance a simple-
ment annulé le rejet sur le fondement d'un lien
injustifié entre le syndrome de Down et la maladie
d'Alzheimer et a enjoint aux intimés de poursuivre
l'examen de la demande et de déterminer s'il y a
lieu d'octroyer le droit d'établissement conformé-
ment à la Loi et à ses règlements. Même si l'ordon-
nance aurait pu avoir un effet plus étendu, je
conclus que ce n'est pas le cas.
Je suis donc d'avis que cela suffit pour clore le
débat. Cependant, les requérants ont formulé des
prétentions détaillées sur la question de savoir si la
décision ordonnant les tests psychométriques était
chose jugée, et cela mérite certains commentaires.
LA CHOSE JUGÉE
Le principe de l'autorité de la chose jugée est
une forme d'irrecevabilité qui découle du principe
interdisant à tout tribunal d'instruire un procès ou
une question lorsque les mêmes questions en litige
ont été entendues et tranchées de façon définitive
dans un procès opposant les mêmes parties devant
un tribunal compétent pour instruire ce procès.
C'est un principe fondamental qui exige que les
litiges aient une fin.
Il y a deux sortes d'irrecevabilité résultant de
l'autorité de la chose jugée (estoppel per rem
judicatam): l'irrecevabilité résultant de l'identité
des causes d'action (cause of action estoppel) et
l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions
en litige (issue estoppel). Trois conditions doivent
être réunies pour qu'il y ait issue estoppel. Il faut:
1. que la même question ait été décidée; 2. que la
décision judiciaire précédente soit définitive; 3. que
les parties à l'action soient identiques: Angle c.
M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248, aux pages 254 et
255; Rans Construction (1966) Ltd. c. Canada,
[1988] 1 C.F. 526 (1fe inst.), à la page 529;
Carl-Zeiss-Stiftung v. Rayner and Keeler, Ltd.
(No. 2), [1966] 2 All E.R. 536 (H.L.), à la
page 550.
En l'espèce, la deuxième et la troisième condi
tions exigées pour créer une irrecevabilité sont de
toute évidence remplies. Les parties à la présente
instance et à celle qui s'est déroulée devant le juge
McNair sont identiques, et l'ordonnance du 22
novembre 1989 est une «décision judiciaire» défini-
tive. Toutefois, le différend porte sur la question de
savoir si la question à examiner dans la présente
instance est identique à celle qui a été débattue
devant le juge McNair. La question qui est censée
donner lieu à l'irrecevabilité doit avoir été «fonda-
mentale à la décision à laquelle on est arrivé» dans
l'affaire antérieure (le juge Dickson [tel était alors
son titre] dans l'arrêt Angle, aux pages 255 et 256,
citant les propos de lord Shaw dans l'arrêt Hoys-
tead v. Commissioner of Taxation, [1926] A.C.
155 (C.P.). Sinon, il n'y a pas irrecevabilité.
Je conclus que les questions en litige ne sont pas
identiques, et sur le fondement du raisonnement
suivi par le juge Masten de la Cour d'appel dans
l'arrêt Re Knowles, [1938] O.R. 369 (C.A.), aux
pages 384 et 385, j'estime que la résolution de
cette question plus large ne devrait pas être consi-
dérée comme ayant été conclue dans l'affaire
précédente:
[TRADUCTION] En l'espèce, la question des droits de l'intimé
de recevoir le reliquat a été si manifestement soulevée dans
l'avis introductif d'instance et a été si manifestement tranchée
par l'ordonnance du juge Sedgewick que notre Cour n'a d'autre
choix que de déclarer l'appelant irrecevable dans son appel.
Mais dans le cas de requêtes vagues introduites par voie d'avis
introductif d'instance, il y a lieu d'appliquer ce principe d'irre-
cevabilité avec une prudence extrême, surtout lorsque la
rcquete est présentée par des exécuteurs et des fiduciaires dans
le but d'obtenir des conseils, de sorte qu'on ne puisse considérer
par la suite comme tranchées des questions qui n'étaient pas
expressément en litige et qui ne sont pas explicitement soule-
vées et que les parties n'envisageaient pas réellement. [Mots
soulignés par mes soins.]
Finalement, dans le jugement Jhammat c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 166 (C.F. 1fe inst.),
le juge Muldoon a soulevé la question de savoir si
le principe de l'autorité de la chose jugée s'appli-
querait dans une instance de ce type. Dans l'affaire
Jhammat, un agent des visas avait rejeté la
demande de résidence permanente du mari de la
requérante parce que la validité de leur mariage
était contestée. Ce rejet faisait suite à une décision
par laquelle la Commission de l'immigration avait
déclaré valide le mariage de la requérante et de
son mari en se fondant sur l'aveu de l'avocat de
l'intimé suivant lequel le mariage était valide. Une
requête a été présentée en vue de forcer le ministre
à examiner la demande d'établissement du mari de
la requérante au motif que «l'intimé est irrecevable
à soulever d'autres questions pour contester la
validité du mariage de la requérante, alors que
l'intimé a reconnu la validité de ce mariage au
cours de l'audition qui a eu lieu devant la Commis
sion d'appel de l'immigration».
Le juge Muldoon a reconnu que l'irrecevabilité
que la requérante invoquait résultait de l'autorité
de la chose jugée (estoppel of record ou per rem
judicatam), et après avoir examiné la loi créant la
Commission d'appel de l'immigration, il a conclu
que la Commission était une véritable «cour d'ar-
chives» et que, comme la décision de la Commis
sion n'avait pas été portée en appel, elle était
définitive. Il s'est cependant demandé si la décision
de la Commission pouvait avoir force de chose
jugée pour ce qui était de la requête, étant donné
qu'elle visait une question de droit public et non
«des particuliers contestant une question de droit
privé»:
Si les plaideurs à l'instance étaient deux particuliers contestant
une question de droit privé, la Cour n'hésiterait pas à statuer
que la décision ... de la Commission rend, en raison de
l'autorité de la chose jugée, totalement irrecevable le refus
opposé ... par le préposé de la Couronne à la demande de droit
d'établissement [du mari].
Il est donc fort douteux que le principe invoqué
par les requérants s'applique dans ce domaine du
droit public de la manière dont il pourrait s'appli-
quer dans un différend opposant des particuliers.
De toute façon, même si ce principe s'appliquait,
j'ai déjà conclu que les seules questions litigieuses
qui ont été tranchées dans l'ordonnance qui a été
préalablement prononcée sont celle de l'annulation
du rejet initial et celle de l'ordre donné aux intimés
d'examiner la demande conformément à la Loi et à
ses règlements.
La présente requête doit par conséquent être
rejetée. J'estime qu'il n'y a pas lieu de proposer de
condamner les requérants aux dépens, vu l'absence
d'autres observations verbales en ce sens.
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