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T-183-88
Antrim Yards Ltd., Bakerview Forest Products Inc., Brink Forest Products Inc., Byrnexco Inc., English Bay Cedar Products Ltd., Faulkener Wood Specialties Ltd., Greenwood Forest Pro ducts (1983) Ltd., Hollcan Millworks Ltd., Marks Lumber Limited, Midland Wood Products Ltd., Naimark Lumber Ltd., Northwest Pre-Cut Inc., Okanagan Lumber Services Ltd, Pacific Pallet Ltd., Portbec Forest Products Ltd., Prince George Precut Limited, Quadra Wood Products Ltd., Ridge Forest Products Inc., Sauder Industries Limited, Shera Wood Products Inc., Spruceland Millworks B.C. Ltd., Spruceland Millworks Ltd., Still Creek Forest Products Ltd., Summerland Forest Products, Tyee Timber Products Ltd., Moga Timber Mill Ltd., Peter F. Beulah, John Brink, Trevor Russell Buddo, George Burns, Harry Earnest Erskine, Vernon D. Friesen, Jean Patricia Fujikawa, Levi Giesbrecht, John Gorman, Morris Grondin, Raymond Harms, Ian C. Hudson, William LaCoste, William Arthur McInnes, Erik Madsen, Fred Marks, Barry Nai- mark, Peter Redeker, William L. Sauder, Ben Sawatzky, Peter Sheremeta, David M. Sweeney, Robert F. West et Balwinder Brar (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: ANTRIM YARDS LTD. C. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge Strayer— Vancouver, 26 mars; Ottawa, 29 avril 1991.
Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l'égalité Le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre exempte du droit à l'exportation de 15 % seulement des compagnies déjà exemptées par les É.-U. Les personnes morales demanderesses ne sont pas protégées par l'art. 15 de la Charte, qui ne s'applique qu'aux personnes physiques Les distinctions créées par le Décret sur l'exemption ne sont pas contraires à l'art. 15 L'art. 15 n'interdit la discrimination que pour les motifs énumérés ou analogues La discrimination prohibée porte sur des distinc tions fondées sur des caractéristiques personnelles qui ne peuvent être aisément modifiées Les demandeurs n'ont pas été désavantagés par leur appartenance à un groupe de compa- gnies non exemptées du paiement du droit car le groupe n'existait pas avant la perpétration de l'action discriminatoire reprochée L'adoption des distinctions relatives aux deman- des tardives et aux motifs d'ordre économique invoquées par les autorités américaines pour refuser l'exemption n'est pas «tellement injuste» ni «dénuée de tout lien rationnel avec un objectif légitime de l'État» qu'elle viole le droit à la même
protection et au même bénéfice de la loi Aucun des signes de discrimination permettant de trouver des motifs analogues (les stéréotypes, les désavantages historiques, la vulnérabilité à des préjugés politiques) n'est présent.
Pratique Parties Qualité pour agir Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire portant que le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeu- vre est inconstitutionnel au motif qu'il est incompatible avec l'art. 15 de la Charte; ils sollicitent aussi le recouvrement des droits à l'exportation déjà payés Les exigences applicables à la qualité pour agir varient selon le recours Les personnes morales demanderesses et les personnes physiques demande- resses ont qualité pour rechercher un jugement déclarant le Décret inconstitutionnel Application des critères exposés dans l'arrêt Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski Les personnes morales demanderesses obtiennent qualité pour agir à l'égard de la demande en dommages-inté- rêts ou en remboursement d'argent, mais les personnes physi ques demanderesses n'ont pas obtenu qualité pour agir à cet égard Seule la partie qui a subi le préjudice peut demander un remboursement ou des dommages-intérêts.
Interprétation des lois Art. 15 de la Charte des droits Il s'agit de savoir si seuls les droits à l'égalité des personnes physiques sont garantis Le sens plus précis du mot «indivi- dual» de la version anglaise est préféré au terme potentielle- ment plus général de la version française, soit «personne», le premier étant considéré plus conforme aux motifs de discrimi nation prohibés visant des caractéristiques personnelles.
Il s'agit d'une demande de jugement déclaratoire portant que le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre est invalide en raison de son incompatibilité avec l'article 15 de la Charte. Les demandeurs ont aussi sollicité une ordonnance libérant les personnes morales deman- deresses de toute obligation de paiement des droits à l'exporta- tion impayés exigibles en vertu de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, et ils ont aussi réclamé des dommages-intérêts spéciaux pour les droits à l'ex- portation déjà payés, et des dommages-intérêts généraux pour perte de ventes.
Des concurrents américains, alléguant que l'industrie cana- dienne du bois d'oeuvre était injustement subventionnée par certains programmes fédéraux, a demandé au Department of Commerce des États-Unis d'imposer un droit compensatoire de 27 % sur certains produits de bois d'oeuvre importés aux États- Unis. Le 30 juin 1986, le Department of Commerce a fait savoir que les exportateurs canadiens avaient jusqu'au 11 juil- let pour présenter leur demande d'exemption du paiement du droit en question. Certaines des personnes morales demanderes- ses n'ont pas été avisées de la possibilité de faire une telle demande. D'autres, que le gouvernement du Canada avait attesté être admissibles aux exemptions, ont vu le Department of Commerce les leur refuser. Lorsqu'il est devenu évident qu'un droit compensatoire d'au moins 15 % serait imposé, il a été entendu que le gouvernement du Canada imposerait un droit à l'exportation de 15 % sur certains produits de bois d'oeuvre exportés aux États-Unis en échange du retrait de la pétition en cause. Il a été convenu que seules les compagnies que le Department of Commerce exemptait déjà du paiement du droit compensatoire seraient exemptées du paiement du droit à l'exportation. Peu après la conclusion de l'entente, la Loi
sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, qui permettait au gouverneur en conseil d'«exempter toute personne de l'obligation de payer ces droits», a été déposée. Le'gouver- neur en conseil a alors pris le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, qui exemptait les vingt-deux compagnies et deux de leurs associées déjà exemp- tées par les E.-U. du paiement du droit compensatoire améri- cain. Les compagnies non exemptées ont été obligées de payer le droit à l'exportation canadien pendant toute l'année 1987.
L'article 15 de la Charte garantit le droit de «tous» à la même protection et au même bénéfice de la loi. La défenderesse a soutenu que les personnes morales défenderesses n'avaient pas qualité pour agir parce qu'elles n'ont pas droit à la protection prévue au paragraphe 15(1) de la Charte, qui ne garantit que les droits des personnes physiques. Invoquant le principe posé dans l'arrêt Foss v. Harbottle suivant lequel seule une personne morale peut poursuivre pour le préjudice dont elle a été victime, la défenderesse a affirmé également que les personnes physi ques demanderesses n'avaient pas non plus qualité pour agir parce que la perte qu'elles prétendent avoir subie est imputable au préjudice causé aux personnes morales et non à elles. Les demandeurs ont soutenu que l'emploi du mot «personne» dans la version française de l'article 15 était suffisamment général pour comprendre les personnes morales.
Les demandeurs ont fait valoir que les compagnies demande- resses ont été victimes d'une «discrimination» en se faisant refuser l'exemption prévue par la loi canadienne parce qu'elles s'étaient vu refuser l'exemption du paiement du droit compen- satoire américain en vertu de la loi américaine, soit en raison du dépôt tardif de la demande d'exemption du paiement du droit compensatoire, soit à cause du rejet de leur demande. Les points litigieux sont les suivants: (1) les demandeurs ont-ils qualité pour introduire la présente action; (2) le paragraphe 15(1) de la Charte s'applique-t-il aux personnes morales; (3) le paragraphe 15(1) de la Charte interdit-il le type de distinctions que fait le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre; et (4) les recours que les demandeurs cherchent à exercer sont-ils appropriés.
Jugement: l'action devrait être rejetée.
(1) Comme les exigences relatives à la qualité pour agir varient d'un recours à l'autre, il a été nécessaire d'examiner séparément chacun d'eux.
Les personnes morales et les personnes physiques demande- resses ont qualité pour demander un jugement déclaratoire d'inconstitutionnalité. D'une part, la défenderesse soutient que les demandeurs ne peuvent revendiquer une qualité pour agir fondée sur «l'intérêt public» parce qu'ils demandent d'être exemptés de taxes, c'est-à-dire parce qu'ils ont un intérêt particulier à faire annuler le décret d'exemption. D'autre part, on a soutenu que la constitutionnalité du décret d'exemption ne peut être contestée par les demandeurs parce que les parties directement touchées, les personnes morales demanderesses, n'ont pas le droit d'invoquer la Charte, et que les personnes physiques demanderesses qui prétendent subir un préjudice indirect n'ont pas le droit de se plaindre du préjudice causé à la personne morale. En ce qui concerne la qualité pour solliciter un jugement déclaratoire, il est nécessaire d'établir une distinc tion entre la reconnaissance de la qualité du demandeur pour introduire l'action et la preuve ultime de la violation d'un droit substantiel du demandeur. Lorsqu'il existe une question suscép-
tible d'être tranchée par les voies de justice, la qualité pour agir peut être fondée sur «le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement» et également par le gouverneur en conseil. Il existe une question susceptible d'être tranchée par les voies de justice. Il n'est pas essentiel que le demandeur démontre qu'il a été personnellement victime d'une violation de ses droits substantiels pour avoir qualité pour agir, pourvu que les critères relatifs à la qualité pour solliciter un jugement déclaratoire d'inconstitutionnalité exposés par la Cour suprême dans l'arrêt Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski soient respectés. Si l'on applique ces critères: (1) La violation possible de la Charte par le décret d'exemption est une question sérieuse. (2) Les personnes morales demanderesses sont directement touchées en étant tenues de payer le droit à l'exportation alors que certains de leurs concurrents n'y ont pas été contraints. On ne devrait pas leur refuser la qualité pour agir au seul motif qu'elles ne réussiront pas à établir le bien- fondé du moyen qu'elles tirent de la constitution. Elles ont un «intérêt véritable» en tant qu'entrepreneurs canadiens dans la constitutionnalité de la mesure législative. La personne morale qui peut démontrer qu'elle a elle-même subi un préjudice financier en raison d'une loi inconstitutionnelle a sûrement un «intérêt» quelconque à demander un jugement déclaratoire d'in- constitutionnalité. En leur qualité d'administrateurs et d'action- naires des compagnies qui auraient perdu de l'argent en raison d'une loi, les personnes physiques demanderesses ont aussi un «intérêt véritable» à contester la constitutionnalité de cette loi. Elles sont «directement touchées» par la perte de salaire et des dividendes. (3) Le seul autre moyen de soumettre la question aux tribunaux serait une action introduite par la défenderesse pour obtenir le paiement forcé des taxes imposées ou une poursuite intentée contre les personnes morales demanderesses ou contre les personnes physiques demanderesses en vertu de la Loi pour omission de payer. Les demandeurs n'ont pas à attendre d'être poursuivis pour contester la loi en vertu de laquelle de telles accusations pourraient être portées.
En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts ou de remboursement d'argent, seules les personnes morales ont la qualité pour agir parce qu'elles demandent d'être remboursées de l'argent qu'elles ont payé et d'être indemnisées des pertes qu'elles ont subies en raison du décret d'exemption. Une action en remboursement d'argent ou en dommages-intérêts ne peut être intentée que par la personne qui a effectivement subi la perte.
(2) Le mot «individual» dans la version anglaise de l'article 15 ne garantit les droits à l'égalité qu'aux personnes physiques, selon son sens courant et plusieurs décisions de la Cour d'appel fédérale. Le sens plus précis du mot «individual» dans la version anglaise de l'article 15 se concilie davantage que le terme plus général de la version française avec les formes de discrimina tion visant les attributs personnels prohibées par le paragraphe 15(1).
(3) Les distinctions créées par le décret d'exemption ne violent pas les garanties prévues par le paragraphe 15(1). Bien qu'un traitement défavorable de nature économique, même de nature fiscale, puisse donner ouverture à une demande fondée sur le paragraphe 15(1), les motifs de cette distinction défavo- rable doivent équivaloir à une «discrimination» au sens de l'article 15. Il doit y avoir une distinction défavorable fondée sur l'un des motifs énumérés à ce paragraphe ou sur un motif
analogue. La «discrimination» vise des distinctions fondées sur des «caractéristiques personnelles» d'un genre que les personnes physiques ne peuvent aisément changer.
Les demandeurs ne sont pas désavantagés en raison de leur appartenance à un groupe, à savoir le groupe de compagnies qui n'ont pas droit à l'exemption du paiement du droit compensa- toire américain. Pour qu'une personne fasse l'objet d'un traite- ment défavorable en raison de son association à un groupe, il faut que ce groupe ait existé avant la perpétration de l'acte discriminatoire reproché.
Les demandeurs ont également avancé qu'il pouvait y avoir discrimination inconstitutionnelle fondée sur d'autres motifs que ceux qui sont énumérés au paragraphe 15(1). L'adoption par les autorités canadiennes des distinctions fondées sur les demandes tardives et les motifs d'ordre économique invoquées par les autorités américaines n'est pas «tellement injuste» ni si «dénuée de tout lien rationnel avec un objectif légitime de l'État» qu'elle enfreint le principe de l'application égale et générale de la loi et qu'elle justifie la Cour d'intervenir en vertu du paragraphe 15(1). Ceux qui ont déposé des demandes tardives sont en partie responsables du fait qu'elles n'ont pas été présentées dans les délais prescrits. L'argument des deman- deurs selon lequel le gouvernement canadien n'aurait pas signer le protocole d'entente ne peut être retenu puisque la vérification des décisions de principe ne relève pas de la «com- pétence institutionnelle des tribunaux». Même si les motifs de discrimination illicites ne se limitent pas nécessairement à ceux qui sont exposés au paragraphe 15(1) ou à des motifs analo gues, cette possibilité a été restreinte de manières qui sont pertinentes à la présente affaire. Le groupe que représentent les demandeurs ne présente aucun des signes de discrimination permettant de trouver des motifs analogues, c'est-à-dire les stéréotypes, les désavantages historiques ou la vulnérabilité à des préjugés politiques.
(4) Les recours tels qu'ils sont formulés soulèvent plusieurs difficultés. Un jugement déclarant inconstitutionnel le décret d'exemption n'empêcherait pas les demandeurs d'être assujettis au paiement du droit à l'exportation prévu par la Loi. Il en résulterait que les compagnies exemptées aux termes du décret seraient assujetties au paiement du droit à l'exportation et que la demande visant à libérer les personnes morales demanderes- ses de toute obligation de paiement des droits à l'exportation impayés serait irrecevable. La demande de «dommages-intérêts spéciaux» équivalant aux droits à l'exportation déjà payés serait aussi irrecevable si le décret d'exemption était simplement déclaré inconstitutionnel. Pour recouvrer les droits payés, il faudrait prouver que les paiements ont été faits sous la con- trainte, entraînant l'enrichissement sans cause de la défende- resse.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44], art. 1, 15.
Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de pro- duits de bois d'oeuvre, DORS/87-480 (mod. par DORS/88-67).
Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, L.C. 1987, chap. 15, art. 15.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; (1974), 43 D.L.R. (3d) 1; 1 N.R. 225; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; (1981), 130 D.L.R. (3d) 588; [1982] 1 W.W.R. 97; 12 Sask. R. 420; 64 C.C.C. (2d) 97; 24 C.P.C. 62; 24 C.R. (3d) 352; 39 N.R. 331; Conseil canadien des églises c. Canada, [1990] 2 C.F. 534; (1990), 106 N.R. 61 (C.A.); Foss v. Harbottle (1843), 67 E.R. 189 (Ch.); Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326; (1989), 103 A.R. 321; 64 D.L.R. (4th) 577; [1990] 1 W.W.R. 577; 71 Alta. L.R. (2d) 273; 45 C.R.R. 1; 102 N.R. 321; Asso ciation des détaillants en alimentation du Québec c. Ferme Carnaval Inc., [1986] R.J.Q. 2513; [1987] D.L.Q. 42 (C.S.); Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255; R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296; (1989), 48 C.C.C. (3d) 8; 69 C.R. (3d) 97; 96 N.R. 115.
DÉCISION EXAMINEE:
Renvoi relatif à la Workers' Compensation Act, 1983 (T.-N.), [1989] 1 R.C.S. 922; (1989), 76 Nfld. & P.E.I.R. 181; 56 D.L.R. (4th) 765; 235 A.P.R. 181; 96 N.R. 227.
DÉCISIONS CITÉES:
Rogers v. Bank of Montreal, [1985] 5 W.W.R. 193; (1985), 64 B.C.L.R. (2d) 63; 30 B.L.R. 41 (C.S.C.-B); confirmée [1987] 2 W.W.R. 364; (1986), 9 B.C.L.R. (2d) 190 (C.A.C.-B.); McCauley v. B.C. (1989), 39 B.C.L.R. (2d) 223 (C.A.); Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procu- reur général), [1989] 1 R.C.S. 927; (1989), 58 D.L.R. (4th) 577; 25 C.P.R. (3d) 417; 94 N.R. 167; Organisa tion nationale anti -pauvreté c. Canada (Procureur géné- ral), [1989] 3 C.F. 684; (1989), 60 D.L.R. (4th) 712; 26 C.P.R. (3d) 440; 28 F.T.R. 160; 99 N.R. 181 (C.A.); New Brunswick Broadcasting Co., Limited c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1984] 2 C.F. 410; (1984), 13 D.L.R. (4th) 77; 2 C.P.R. (3d) 433; 12 C.R.R. 249; 55 N.R. 143 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641; (1990), 71 D.L.R. (4th) 253; 109 N.R. 357 (C.A.); Re Aluminum Co. of Canada, Ltd. and the Queen in right of Ontario; Dofasco Inc., Intervenor (1986), 55 O.R. (2d) 522; 29 D.L.R. (4th) 583; 19 Admin. L.R. 192; 1 C.E.L.R. (N.S.)1; 25 C.R.R. 50; 16 O.A.C. 14 (Div. Ct.); Milk Bd. v. Clearview Dairy Farm Inc., [1987] 4 W.W.R. 279; (1987), 12 B.C.L.R. (2d) 116 (C.A.C.-B.); United States v. Carolene Products Co., 304 U.S. 144 (S.C., 1938); Jacobs (George Porky) Enter prises Ltd. v. City of Regina, [1964] R.C.S. 326; (1964), 44 D.L.R. (2d) 179; 47 W.W.R. 305; Eadie v. Township of Brantford, [1967] R.C.S. 573; (1967), 63 D.L.R. (2d)
561; Hydro Electric Commission of Nepean c. Ontario Hydro, [1982] 1 R.C.S. 347; (1982), 132 D.L.R. (3d) 193; 16 B.L.R. 215; 41 N.R. 1.
DOCTRINE
Ely, John Hart Democracy and Distrust, Cambridge, Mass.: Harvard Univ. Press, 1980.
AVOCATS:
Bryan Williams, c.r. et Meredith A. Quarter- main pour les demandeurs.
Harry J. Wruck et Mary A. Humphries pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Swinton & Company, Vancouver, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: Réparation demandée
Les demandeurs sollicitent un jugement déclara- toire portant que le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre' pris en application de la Loi sur le droit à l'expor- tation de produits de bois d'oeuvre 2 est inconstitu- tionnel au motif qu'il est inconciliable avec le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44]]. Ils sollici- tent également une ordonnance libérant les person- nes morales demanderesses envers la défenderesse de toute obligation de paiement des droits à l'ex- portation impayés exigibles en vertu de la Loi en question. Ils réclament également des dommages- intérêts spéciaux pour les droits à l'exportation que les personnes morales demanderesses ont déjà payés à la défenderesse, et des «dommages-intérêts généraux».
' DORS/87-480 du 30 juillet 1987, modifié par DORS/88-67
du 31 décembre 1987.
2 L.C. 1987, chap. 15.
Avant le procès, les parties avaient déposé un exposé conjoint des faits, et certains témoins et documents ont été produits au procès. A l'ouver- ture du procès, il a été expliqué que les parties avaient convenu que je devais trancher les ques tions en litige d'après les éléments de preuve qui seraient produits au sujet d'Antrim Yards Ltd. («Antrim») et de Prince George Precut Limited («PGP»), deux des personnes morales demanderes- ses, et d'après les éléments de preuve concernant deux des personnes physiques demanderesses, Wil- liam LaCoste et William McInnes, qui sont res- pectivement les principaux actionnaires d'Antrim et de PGP. Les parties ont accepté que la décision que je rendrais au sujet de ces parties s'applique- rait aux autres demandeurs.
Il a également été convenu que je n'aurais pas à déterminer le montant des éventuels dommages- intérêts, et que cette question serait probablement tranchée dans le cadre d'un renvoi dont la tenue serait ordonnée au besoin dans le jugement.
Les faits
Les personnes morales demanderesses en ques tion étaient à l'époque en cause des fabricants du secteur secondaire de produits de bois d'oeuvre au Canada et des exportateurs de ces produits aux États-Unis. Si j'ai bien compris, un «fabricant du secteur secondaire» ne fait pas directement l'abat- tage d'arbres sur pied; il prend du bois de sciage de premier débit et le transforme en des pièces de dimensions précises, il procède à la taille ou à la finition des pièces de bois selon les spécifications de certains utilisateurs ultimes ou améliore la qua- lité des pièces obtenues de producteurs du secteur primaire en procédant à un équarrissage et à un débitage sélectifs.
Suivant l'exposé conjoint des faits, le 19 mai 1986, la Coalition for Fair Lumber Imports, un groupe américain représentant des associations de bois d'oeuvre et des compagnies de produits fores- tiers des États-Unis, a adressé au Department of Commerce des États-Unis une pétition dans laquelle elle alléguait que l'industrie canadienne du bois d'oeuvre était injustement subventionnée par certains programmes fédéraux et provinciaux. Elle a demandé qu'un droit compensatoire de 27 % soit imposé sur certains produits de bois d'oeuvre exportés du Canada aux États-Unis. Le
11 juin 1986 ou vers cette date, le Department of Commerce a ouvert une enquête pour donner suite à cette pétition.
La défenderesse, qui est représentée par le gou- vernement du Canada, a été mise au courant de cette pétition le jour de son dépôt. Le Conseil canadien des industries forestières, qui représente dix-huit associations membres (qui à leur tour représentent la plupart des producteurs du secteur primaire de bois d'oeuvre du Canada et certains producteurs du secteur secondaire de bois d'oeu- vre) en avait lui aussi déjà été informé. Il a avisé ses membres dès le 3 juin de la tenue de l'enquête et les a informés qu'ils pouvaient demander à être soustraits à l'application d'un décret imposant un droit compensatoire. Selon l'exposé conjoint des faits, ce n'est que le 30 juin 1986 que le Depart ment of Commerce a officiellement informé le gouvernement du Canada que les demandes d'exemption seraient examinées et que la date limite pour présenter ces demandes était fixée au 11 juillet 1986. Toute compagnie canadienne dési- rant demander une exemption était tenue d'en informer le Department of Commerce au plus tard à cette date. Par la suite, pour compléter leur demande, les compagnies en question devaient répondre à un questionnaire et le gouvernement du Canada devait ensuite attester, relativement à chaque compagnie, si elle bénéficiait d'un tel pro gramme de «subvention». Même dans le cas des compagnies qui bénéficiaient de tels programmes, si le gouvernement du Canada attestait que les avantages qu'elles recevaient étaient négligeables, les compagnies en question seraient quand même admissibles à l'exemption. Les questionnaires et les attestations devaient être remplis au plus tard le 16 octobre 1986.
Suivant la preuve, le gouvernement du Canada a d'abord décidé, après avoir consulté les gouverne- ments provinciaux, de s'en remettre au Conseil canadien des industries forestières pour qu'il informe ses associations membres qui devaient, à leur tour, informer leurs membres. On pensait que c'était la meilleure façon de mettre l'industrie manufacturière canadienne du bois d'oeuvre au courant de la possibilité et des moyens d'obtenir une exemption de l'obligation de payer un éventuel droit compensatoire. Antrim—qui constitue un exemple typique des diverses compagnies deman-
deresses—n'était membre d'aucune des associa tions affiliées au Conseil canadien des industries forestières et elle n'a donc reçu aucun avis concer- nant les demandes d'exemption. PGP était membre de la British Columbia Council of Forest Industries, une association membre du Conseil canadien des industries forestières, et elle a donc été avisée. Au 11 juillet 1986, cinquante-neuf com- pagnies canadiennes avaient déposé une demande auprès du Department of Commerce de Washing- ton en vue d'obtenir une exemption. PGP était au nombre de ces compagnies. Antrim, qui n'était pas au courant de la nécessité ou de la possibilité de demander une exemption, n'a pas présenté sa demande avant le 11 juillet. Au 16 octobre 1986, le gouvernement du Canada avait attesté que qua- rante-sept des cinquante-neuf compagnies qui avaient déposé leur demande dans les délais pres- crits avaient le droit d'obtenir une exemption. PGP était au nombre de ces compagnies. Le gouverne- ment a attesté que PGP recevait seulement des avantages négligeables en vertu des présumés pro grammes de «subvention».
Le 16 octobre 1986, le Department of Com merce a rendu une décision préliminaire par laquelle il a conclu que les subventions versées aux producteurs canadiens équivalaient à 15 % de la valeur du bois d'oeuvre produit et il a imposé un droit compensatoire provisoire de 15 % sur cer- tains ,produits de bois d'oeuvre exportés du Canada aux Etats-Unis. Sur les quarante-sept compagnies ayant fait l'objet d'une attestation de leur droit à une exemption de la part du gouvernement du Canada, seulement vingt ont obtenu une approba tion d'exemption du Department of Commerce.
Le Department of Commerce devait se pronon- cer de façon définitive au plus tard le 31 décembre 1986 sur l'existence d'une subvention. Le gouver- nement du Canada ne savait pas avec certitude si la décision définitive serait identique à la décision préliminaire, si un droit compensatoire élevé serait imposé et, dans l'affirmative, quel en serait le montant ou si d'autres exemptions seraient accor- dées à part les vingt exemptions qui avaient déjà été accordées. Le gouvernement du Canada, et plus précisément le ministère des Affaires exté- rieures et du Commerce extérieur, a fait de nouvel- les démarches au sujet des compagnies dont les demandes d'exemption présentées dans les délais
prescrits avaient été refusées, et a également reçu et examiné en vue de délivrer une attestation les demandes d'autres compagnies qui n'avaient entendu parler de la possibilité de présenter une demande qu'après l'expiration du délai se termi- nant le 11 juillet. Antrim, l'une de ses dernières compagnies, n'avait entendu parler de la possibilité d'obtenir une exemption qu'après le 16 octobre en apprenant que vingt compagnies, y compris cer- tains de ses concurrents, avaient obtenu une exemption. Sa demande a été examinée par le ministère des Affaires extérieures et du Commerce extérieur. Malgré, le fait que le Department of Commerce des Etats-Unis avait précisé le 4 décembre 1986 qu'il n'examinerait pas d'autres demandes d'exemption que celles qui avaient été reçues avant le 11 juillet, le gouvernement du Canada a déposé, le 23 décembre, soixante-dix nouvelles demandes dûment attestées, ainsi que onze attestations révisées concernant des compa- gnies qui avaient déposé une demande avant le 11 juillet mais dont la demande avait été refusée dans la décision annoncée le 16 octobre.
Pourtant, selon l'exposé conjoint des faits, au fur et à mesure que le différend progressait, il est devenu de plus en plus évident pour le gouverne- ment du Canada que le Department of Commerce rendrait une décision défavorable et qu'il impose- rait un droit compensatoire d'au moins 15 % qui pourrait peut-être aller jusqu'à 27 %. Pendant la période qui a suivi le 16 octobre, des pourparlers étaient également en cours sur le plan politique. Il ressort des réponses que les demandeurs ont obte- nues au cours de l'interrogatoire préalable du sous- ministre adjoint (États-Unis) du ministère des Affaires extérieures et du Commerce extérieur, Donald Campbell, ainsi que des documents qui ont été produits à cet égard et qui ont été mis en preuve par les demandeurs, que le ministre du Commerce extérieur de l'époque, Pat Carney, était en pourparlers avec Malcolm Baldridge, le Secre tary of Commerce des États-Unis. Il y a également eu le 21 novembre 1986 Vancouver une rencon- tre des premiers ministres du Canada au cours de laquelle la question a été discutée. On s'est entendu pour appuyer une proposition aux termes de laquelle, en échange du retrait de la procédure de droit compensatoire en cours devant le Depart ment of Commerce de Washington, le gouverne- ment canadien prendrait des mesures (pour
reprendre le libellé du communiqué de presse qui a été publié à l'issue de la rencontre):
[TRADUCTION] ... qui permettront aux provinces de conserver le droit de gérer leurs ressources naturelles sans restrictions de l'étranger et de garder au Canada les recettes provenant des ressources.
À l'époque, le gouvernement du Canada avait déjà proposé le 16 novembre ou vers cette date au gouvernement des États-Unis de régler le différend par l'imposition par le gouvernement du Canada d'un droit à l'exportation de 15 % sur certains produits de bois d'oeuvre exportés du Canada aux Etats-Unis en échange du retrait de la pétition déposée devant le Department of Commerce au sujet du droit compensatoire. Il est constant qu'au cours de ces négociations, le gouvernement du Canada était conscient du traitement inégalitaire qui existait entre les compagnies canadiennes qui avaient déjà présenté avec succès avant le 11 juillet une demande d'exemption et celles, comme Antrim et PGP, qui de l'avis du gouvernement du Canada avaient également droit à une exemption mais qui semblaient avoir peu de chances d'obtenir une exemption à l'issue de la procédure en cours.
L'entente à laquelle le gouvernement du Canada et celui des États-Unis en sont finalement arrivés a été énoncée dans un protocole d'entente dont la version définitive a été rédigée le 30 décembre 1986. Elle prévoyait le retrait de la pétition rela tive au droit compensatoire et l'imposition par le gouvernement du Canada d'un droit à l'exporta- tion de 15 % sur certains produits de bois d'oeuvre exportés du Canada aux Etats-Unis à partir du 8 janvier 1987. Il a été convenu que les seules com- pagnies qui pouvaient être exemptées du paiement de ce droit seraient les vingt compagnies à qui le Department of Commerce avait déjà accordé une exemption de paiement du droit compensatoire, car les négociateurs américains avaient bien pré cisé (suivant l'exposé conjoint des faits) qu'il n'y aurait pas d'entente si l'on insistait pour obtenir d'autres exemptions que celles qui avaient déjà été accordées. Peu de temps après la conclusion de cette entente, le gouvernement du Canada a déposé devant le Parlement la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre qui a finalement été adoptée et promulguée le 20 juillet 1987. Le paragraphe 15(1) de la Loi prévoit notamment que le gouverneur en conseil peut «exempter toute personne de l'obligation de payer
ces droits». Le 30 juillet 1987, le gouverneur en conseil a pris le Décret sur l'exemption du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre («le décret d'exemption») qui exemptait vingt-deux compagnies de l'obligation de payer le droit à l'exportation imposé par la Loi. Ces vingt-deux compagnies étaient les vingt compagnies déjà exemptées par les É.-U. du paiement du droit compensatoire américain ainsi que deux autres compagnies acceptées comme associées à deux compagnies exemptées et réputées avoir été visées par la décision américaine d'exemption. Ni Antrim ni PGP n'ont été, évidemment, exemptées. Les compagnies non exemptées ont été obligées de payer le droit à l'exportation canadien pendant toute l'année 1987. Au lei janvier 1988, on a mis fin à toutes les exemptions accordées aux compa- gnies car les provinces ont remplacé le droit à l'exportation par d'autres mesures pour obtenir des recettes supplémentaires pour la province tout en évitant d'autres mesures compensatoires. Au cours de 1987, PGP n'a payé qu'une partie du droit à l'exportation qu'elle devait; elle a remis quelque 203 000 $, mais n'a pas acquitté le solde. La réclamation du gouvernement du Canada pour le solde impayé s'élevait, avec les intérêts, à quelque 380 000 $ au moment du procès. Antrim a acquitté la totalité du droit à l'exportation qu'elle devait en 1987, à savoir quelque 205 000 $. Comme je l'ai déjà signalé, ces compagnies demanderesses demandent d'être remboursées des droits qu'elles ont payés en 1987 et, dans le cas de PGP, d'être libérée de toute obligation du paie- ment des droits à l'exportation impayés.
Les compagnies demanderesses sollicitent égale- ment des dommages-intérêts généraux et je crois comprendre, d'après le sens général de leur argu mentation, que ces dommages-intérêts incluraient les pertes dont les compagnies demanderesses se prétendent victimes en raison du manque à gagner qu'elles ont subi par suite de l'exemption du paie- ment du droit à l'exportation qui a été accordée à certains de leurs concurrents aux termes du décret d'exemption. Il a été convenu que la question du montant des dommages-intérêts ne devait pas être tranchée au procès, mais il y a eu un différend entre les avocats sur la question de savoir si les demanderesses devaient établir une perte quelcon- que pour que la Cour puisse tirer une conclusion au sujet de la responsabilité. Ils étaient également
en désaccord sur la question de savoir si les demandeurs avaient effectivement démontré qu'ils avaient subi une perte en raison de l'exemption accordée à certains de leurs concurrents. Toute- fois, dans les réponses qu'il a données au cours de l'interrogatoire préalable et qui ont été déposées au procès, M. Donald Campbell, le représentant de la défenderesse, avait reconnu que les compagnies visées par le décret d'exemption auraient un [TRA- DUCTION] «avantage concurrentiel> sur les compa- gnies non exemptées du paiement du droit à l'ex- portation. Antrim et PGP ont également présenté des éléments de preuve tendant à démontrer qu'el- les avaient subi un manque à gagner par suite de l'imposition du droit à l'exportation. Même si elle était très insuffisamment détaillée, la preuve n'a pas été réfutée efficacement par le contre-interro- gatoire ou par des éléments de preuve présentés par la défenderesse. Je conclus qu'il y a suffisam- ment d'éléments de preuve concernant le préjudice financier subi par les demandeurs pour soutenir à tout le moins une demande visant à obtenir un jugement déclaratoire d'inconstitutionnalité (les autres critères étant respectés) et, probablement, pour justifier une conclusion de responsabilité, à cette réserve près que dans le cadre d'un renvoi visant à fixer le montant, les demandeurs seraient obligés d'établir les dommages subis en établissant un lien de causalité précis à déterminer dans les conditions du renvoi. Pour des raisons qui devien- dront évidentes plus loin, je ne crois pas que l'issue de la cause des demandeurs dépende de cette question.
Les deux personnes physiques demanderesses dont la situation représente l'«exemple type» de celle de toutes les personnes physiques demande- resses nommément désignées ont toutes les deux témoigné. Il s'agit de William Arthur McInnes, président de PGP, et de William LaCoste, vice- président d'Antrim. Chacun a témoigné qu'à cause des pertes de sa compagnie, il avait subi une réduction de revenu. J'estime que cela démontre qu'ils ont subi un préjudice suffisant pour justifier le bien-fondé apparent d'une action en dommages- intérêts, qui pourraient être précisés dans le cadre d'un renvoi au sujet duquel des directives appro- priées seraient fournies, en supposant que tous les autres éléments de la responsabilité seraient par ailleurs établis. De nouveau, pour des raisons qui deviendront évidentes, je ne pense pas que les
réclamations des personnes physiques demanderes- ses puissent être rejetées d'emblée du seul fait qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve spéci- fiques au sujet des pertes qu'elles ont subies. Il y a des questions plus fondamentales dont l'issue de la cause doit dépendre.
Questions en litige
Il me semble que les principaux points litigieux qui découlent des actes de procédure et des plaidoi- ries sont les suivants:
(1) Les personnes morales demanderesses et les personnes physiques demanderesses ont-elles res- pectivement qualité pour introduire la présente action?
(2) Le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés protège-t-il les personnes morales contre la discrimination?
(3) Le paragraphe 15(1) de la Charte interdit-il le type de distinctions que fait le Décret sur l'exemp- tion du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre?
(4) Si les distinctions faites par le décret d'exemp- tion sont interdites par le paragraphe 15(1) de la Charte, sont-elle néanmoins justifiables en vertu de l'article premier de la Charte?
(5) Les recours que les demandeurs cherchent à exercer leur sont-ils ouverts et sont-ils utiles?
Conclusions
J'aborderai à tour de rôle chacun de ces points. Qualité pour agir
La défenderesse soutient essentiellement que les personnes morales demanderesses n'ont pas qualité pour agir parce que les personnes morales n'ont pas droit à la protection prévue au paragraphe 15(1) de la Charte, et que les personnes physiques demanderesses n'ont pas qualité pour agir parce que la perte qu'elles prétendent avoir subie est imputable au préjudice qui a été causé aux person- nes morales et non à elles. En ce qui concerne ce dernier point, elle invoque le principe posé dans
l'arrêt Foss v. Harbottle 3 suivant lequel seule une personne morale peut poursuivre pour le préjudice dont elle a été victime.
En matière de qualité pour agir, il est nécessaire d'examiner séparément chaque recours étant donné que les exigences de la qualité pour agir varient d'un à l'autre. L'un des recours sollicités en l'espèce est un jugement déclaratoire d'inconstitu- tionnalité. Il me semble que la défenderesse va trop loin en affirmant qu'aucun des demandeurs n'a qualité pour solliciter un jugement déclarant inconstitutionnel le décret d'exemption. D'une part, la défenderesse soutient que les demandeurs ne peuvent revendiquer une qualité pour agir fondée sur «l'intérêt public» parce qu'ils deman- dent d'être remboursés ou exemptés de taxes, c'est-à-dire parce qu'ils ont un intérêt particulier à faire annuler le décret d'exemption. D'autre part, la défenderesse soutient que la constitutionnalité du décret d'exemption ne peut être contestée par aucune des parties en cause étant donné que les parties directement touchées, les personnes mora- les demanderesses, n'ont pas le droit d'invoquer la norme constitutionnelle en question, et que les personnes physiques demanderesses qui prétendent subir un préjudice indirect en raison du décret d'exemption n'ont pas le droit de se plaindre du préjudice causé à la personne morale.
En ce qui concerne du moins la qualité pour solliciter un jugement déclaratoire, j'estime néces- saire d'établir une distinction entre la reconnais sance de la qualité du demandeur pour introduire l'action et la preuve ultime de la violation d'un droit substantiel du demandeur. Ainsi que le juge Laskin [tel était alors son titre] l'a dit dans l'arrêt Thorson c. Procureur général du Canada et autres, lorsqu'il existe une question susceptible d'être tranchée par les voies de justice, la qualité pour agir peut être fondée sur
... le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement ...
On peut dire la même chose du respect de la constitution par le gouverneur en conseil agissant en vertu des lois du Parlement. Il est constant qu'il
3 (1843), 67 E.R. 189 (Ch.); suivi dans les décision canadien- nes comme Rogers v. Bank of Montreal, [1985] 5 W.W.R. 193 (C.S.C.-B.); confirmée [1987] 2 W.W.R. 364 (C.A.C.-B.); et McGauley v. B.C. (1989), 39 B.C.L.R. 223 (C.A.).
4 [1975] 1 R.C.S. 138, la p. 163.
existe en l'espèce une question susceptible d'être tranchée par les voies de justice. Les critères à respecter pour se voir reconnaître la qualité pour demander un jugement déclarant une loi inconsti- tutionnelle ont été énoncés par la Cour suprême. Les voici: il doit exister une question sérieuse au sujet de l'inconstitutionnalité et la personne qui sollicite le jugement déclaratoire doit démontrer qu'elle est directement touchée par cette loi ou qu'elle «a, à titre de citoyen, un intérêt véritable» quant à sa constitutionnalité et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumet- tre la question à la Cours. Il ressort à l'évidence de la jurisprudence moderne concernant la qualité pour demander, sur le fondement de «l'intérêt public», un jugement déclaratoire d'inconstitution- nalité, et notamment de l'arrêt même dans lequel ces critères ont été péremptoirement énoncés, l'ar- rêt Borowski, qu'il n'est pas essentiel que le demandeur qui sollicite un tel jugement déclara- toire soit en mesure de démontrer qu'il a été personnellement victime d'une violation de ses droits substantiels pour qu'on lui reconnaisse la qualité pour agir. En invoquant la jurisprudence fondée sur la Charte, il est nécessaire d'établir une distinction entre les affaires dans lesquelles les demandes de jugements déclaratoires ont été reje- tées non pas à cause d'une absence de qualité pour agir mais à cause de l'incapacité à démontrer l'existence d'un droit substantiel ou la violation de celui-ci 6 . Si le demandeur répond aux trois critères susmentionnés, on peut lui reconnaître la qualité pour agir, même s'il ne réussit pas à démontrer qu'il est personnellement fondé à bénéficier du droit substantiel qui est garanti par la constitution et qu'il prétend violé.
Si j'applique ces trois critères au cas qui nous occupe, il n'est pas contesté qu'il existe une ques tion sérieuse à examiner au sujet de la possible violation de la Charte par le décret d'exemption.
5 Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575, la p. 598.
6 Voir, par ex., l'arrêt Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; l'arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, et notam- ment le moyen tiré de l'article 7 de la Charte qui a été rejeté
aux p. 1002 1004 et l'arrêt Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, la p. 1382, le juge La Forest, qui s'exprimait au nom de trois juges, a expressément fait cette distinction et a refusé d'aborder la question de la qualité pour agir.
Le second critère, celui qui exige que le deman- deur soit «directement» touché ou qu'il ait «à titre de citoyen, un intérêt véritable» quant à la consti- tutionnalité de la loi, me semble respecté tant par les personnes morales demanderesses que par les personnes physiques demanderesses. Les compa- gnies demanderesses allèguent qu'elles ont été directement touchées par la loi en question en étant forcées de payer le droit à l'exportation alors que certains de leurs concurrents n'y ont pas été contraints, et elles prétendent que la loi qui les a ainsi touchées est inconstitutionnelle. On ne devrait pas refuser de leur reconnaître la qualité pour agir au seul motif qu'elles ne réussiront pas à établir le bien-fondé du moyen qu'elles tirent de la constitution; cela aurait pu justifier une demande de radiation de l'action sur des moyens de fond mais cela ne constitue pas une raison valable de refuser de leur reconnaître la qualité pour agir à cette étape-ci. De plus, on peut considérer qu'elles ont un «intérêt véritable» (je n'accorde aucune importance particulière aux mots «à titre de citoyen» qu'on trouve dans l'arrêt Borowski) en tant qu'entrepreneurs, quant à la validité de cette loi. Dans l'arrêt Conseil canadien des églises c. Canada', la Cour fédérale du Canada a reconnu qu'une personne morale pouvait avoir un intérêt suffisant à l'égard de l'égalité de traitement des réfugiés qui demandent un jugement déclarant inconstitutionnelles certaines modifications appor- tées à la Loi sur l'immigration de 1976 8 du moins lorsqu'il n'existait «aucune autre manière raisonna- ble et efficace» de soumettre les questions au tribu- nal—le troisième critère énoncé dans l'arrêt Borowski pour se voir reconnaître la qualité pour demander un jugement déclaratoire d'inconstitu- tionnalité. À plus forte raison, une personne morale qui peut démontrer qu'elle .a elle-même subi un préjudice financier en raison d'une loi inconstitutionnelle doit sûrement avoir un «intérêt» quelconque à demander un jugement déclaratoire d'inconstitutionnalité.
Il semblerait également qu'en leur qualité d'ad- ministrateurs et d'actionnaires des compagnies qui auraient perdu de l'argent en raison d'une loi, les personnes physiques demanderesses ont un «intérêt véritable» à contester la constitutionnalité de cette loi. On peut également considérer qu'elles sont
' [1990] 2 C.F. 534 (C.A.), aux p. 546 et 547. 8 S.C. 1976-77, chap. 52.
«directement touchées» par cette loi, certainement beaucoup plus que la personne physique qui sollici- tait un jugement déclaratoire dans l'affaire Borowski. Si les personnes physiques demanderes- ses pouvaient établir leurs dommages, ceux-ci con- sisteraient en une perte de salaire et de dividendes et cette perte découlerait directement de la loi.
En ce qui concerne le troisième critère de l'arrêt Borowski, celui de savoir si la question de la constitutionnalité du décret d'exemption pourrait être soumise aux tribunaux par d'autres moyens, il me semble que le seul autre moyen probable serait une action introduite par la défenderesse pour obtenir le paiement forcé des taxes impayées ou une poursuite intentée contre les personnes mora- les demanderesses ou contre les personnes physi ques demanderesses en vertu de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre pour omission de payer. A mon avis, la jurisprudence relative à la qualité pour solliciter un jugement déclaratoire d'inconstitutionnalité n'oblige pas les demandeurs à attendre d'être poursuivis pour con- tester la loi en vertu de laquelle de telles accusa tions pourraient être portées.
Dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je suis par conséquent d'avis de reconnaître aux personnes morales demanderesses et aux personnes physiques demanderesses la qualité pour solliciter un jugement déclaratoire d'inconstitutionnalité.
En ce qui concerne la demande de dommages- intérêts ou de remboursement d'argent, je pense qu'il suffit de dire que les personnes morales demanderesses ont la qualité pour agir parce que ce qu'elles demandent, c'est d'être remboursées de l'argent qu'elles ont payé et d'être indemnisées des pertes que leur compagnie aurait subies en raison du décret d'exemption. Je suis incapable de trouver un fondement à la qualité des personnes physiques demanderesses pour demander le remboursement de l'argent payé par leur compagnie ou une indem- nité pour les pertes commerciales qu'aurait subies leur compagnie en raison du décret contesté. J'es- time que le principe posé dans l'arrêt Foss v. Harbottle 9 rend irrecevable en droit toute action qu'elles pourraient intenter. A la différence d'une action en jugement déclaratoire, une action en
9 Supra, note 3.
remboursement d'argent ou en dommages-intérêts ne peut être intentée que par la personne qui a effectivement subi la perte. C'étaient les compa- gnies qui étaient les contribuables et qui étaient les concurrents des compagnies exemptées par le décret d'exemption. J'en viens donc à la conclusion que les personnes physiques demanderesses n'ont pas qualité pour demander d'être remboursées des sommes payées ou d'être indemnisées des domma- ges subis en raison du décret d'exemption.
Application du paragraphe 15(1) de la Charte aux personnes morales
Le paragraphe 15(1) de la Charte prévoit ce qui suit dans les deux langues officielles:
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori- gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
La défenderesse adopte le point de vue selon lequel parce que ce paragraphe garantit les droits de toute «personne» (en anglais «individual»), ces droits ne sont pas garantis aux personnes morales. Par conséquent, on ne saurait dire que les person- nes morales demanderesses ont été victimes d'une violation des droits prévus à ce paragraphe. Les personnes morales demanderesses prétendent tou- tefois que le libellé de la version française du paragraphe 15(1) est suffisamment large pour comprendre les personnes morales. Elles soulignent qu'ailleurs dans la Charte, par exemple au para- graphe 6(4), le mot «individuals» est employé en anglais, c'est le mot «individus» qui est employé dans la version française tandis qu'au paragraphe 15(1) dans lequel on trouve dans la version anglaise l'expression
15. (1) Every individual is equal before and under the law ... [C'est moi qui souligne.]
la version française dispose:
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous ... [C'est moi qui souligne.]
Elles affirment qu'il ressort de l'emploi du terme «personne», qui pourrait vraisemblablement s'ap- pliquer tant aux personnes morales qu'aux person- nes physiques, et du fait qu'il est précisé que la loi s'applique également «à tous»—expression dont il n'est pas nécessaire de restreindre la portée aux
êtres humains—que la version française indique que le législateur voulait que les garanties prévues au paragraphe 15(1) s'appliquent tant aux person- nes morales qu'aux personnes physiques.
Certes, dans son sens habituel, le mot anglais «individual» ne s'appliquerait qu'aux êtres humains. Je suis lié par plusieurs décisions dans lesquelles c'est ce qu'a statué la Cour d'appel fédérale au sujet du paragraphe 15(1) 1 °. Divers tribunaux provinciaux ont statué dans le même sens". Cette opinion a également reçu l'assenti- ment de trois juges de la Cour suprême dans l'arrêt Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général) 12 . Les personnes morales demanderesses font toutefois valoir que le libellé par hypothèse plus large de la version française n'a été examiné dans aucune de ces décisions. Même si elles ont raison, je préfère me rallier au raisonnement suivi par le juge Gonthier, qui était alors juge à la Cour supérieure du Québec, dans le jugement Associa tion des détaillants en alimentation du Québec c. Ferme Carnaval Inc. 13 dans lequel il compare les deux versions du paragraphe 15 (1) et conclut que les garanties qui y sont énoncées ne s'appliquent pas aux personnes morales. Voici le raisonnement qu'il a suivi:
L'expression une fait acception de personne» est indéfinie et ne précise pas le type de personne qui peut être visée. Le pronom «tous» est également indéfini.
Par contre, le texte anglais énonce:
[Citation du texte anglais]
Ici, l'expression employée «individual» est précise et ne prête pas à ambiguïté. Elle exclut les corporations.
Le mot «individual» est d'ailleurs conséquent avec les motifs de discrimination qui sont énumérés à l'article, ceux-ci visant des attributs que seul un individu, une personne naturelle, peut posséder, soit la race, l'origine ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. Seule une origine nationale pourrait être attribuée aussi à une corpo-
10 Organisation nationale anti -pauvreté c. Canada (Procu- reur général), [1989] 3 C.F. 684 (C.A.); New Brunswick Broadcasting Co., Limited c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1984] 2 C.F. 410 (C.A.); Conseil canadien des églises c. Canada, supra, note 7; Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (C.A.).
" Voir, par ex., le jugement Re Aluminum Co. of Canada, Ltd. and The Queen in right of Ontario; Dofasco Inc., Interve- nor (1986), 55 O.R. (2d) 522 (C. div.) et l'arrêt Milk Bd. v. Clearview Dairy Farm Inc., [1987] 4 W.W.R. 279 (C.A.C.-B.).
12 Supra, note 6. Les autres juges n'ont pas traité de ce point.
13 [1986] R.J.Q. 2513 (C.S.), à la p. 2533.
ration. Ces mêmes attributs sont repris au deuxième alinéa, le texte français emploie le mot «individus».
Il favorise donc le sens plus précis du mot «indivi- dual» de la version anglaise parce qu'il se concilie davantage avec les formes de discrimination— visant des attributs personnels—qu'interdit le paragraphe 15(1).
Je conclus donc qu'il y a lieu de donner au mot anglais «individual» le sens courant qu'il a dans la version anglaise de manière à garantir les droits à l'égalité prévus au paragraphe 15(1) seulement aux personnes physiques et non aux personnes morales.
Il s'ensuit que le décret d'exemption ne pourrait être déclaré inconstitutionnel que si l'on pouvait démontrer d'une façon quelconque qu'il restreint les droits que possèdent les personnes physiques en vertu du paragraphe 15 (1) de la Charte.
Les distinctions que fait le décret d'exemption sont-elles contraires au paragraphe 15(1) de la
Charte?
L'acte discriminatoire qu'on reproche à la défenderesse est d'avoir fait des distinctions «arbi- traires et injustes» entre, d'une part, les vingt compagnies et les sociétés qui leur sont affiliées qui ont été exemptées en vertu du décret d'exemp- tion de l'obligation de payer le droit à l'exportation et, d'autre, part, les autres compagnies qui expor- tent aux Etats-Unis des produits secondaires de bois d'oeuvre, parmi lesquelles se trouvent les per- sonnes morales demanderesses. Les demanderesses prétendent que, malgré le fait qu'elle savait que les compagnies demanderesses s'étaient vu injuste- ment refuser par les autorités américaines l'exemp- tion du paiement du droit compensatoire, la défen- deresse a, en signant le protocole d'entente et en y donnant suite par le décret d'exemption, perpétué la distinction arbitraire et injuste en l'incorporant dans la loi canadienne. Par ce moyen, les person- nes morales demanderesses et les personnes physi ques demanderesses se seraient vu nier le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi indépendamment de toute discrimination. En sub stance, elles affirment que les compagnies deman- deresses ont été victimes d'une «discrimination» en se faisant refuser l'exemption prévue par la loi canadienne en raison du fait que, à cause soit du
dépôt tardif de la demande d'exemption du paie- ment du droit compensatoire (dans le cas d'An - trim) soit du refus des autorités américaines de faire droit à la demande d'exemption présentée dans les délais prescrits (dans le cas de PGP), elles s'étaient vu refuser l'exemption du paiement du droit compensatoire américain en vertu d'une loi américaine.
Je ne doute pas qu'un traitement défavorable de nature économique, même de nature fiscale, puisse donner ouverture à une demande fondée sur le
paragraphe 15(1), condition que les motifs de cette distinction défavorable équivalent à une «dis- crimination». Mais il existe plusieurs arrêts de la Cour suprême du Canada dans lesquels il a été statué que, pour qu'il y ait «discrimination» au sens du paragraphe 15(1), il faut que la loi établisse une distinction défavorable fondée sur l'un des motifs énumérés à ce paragraphe ou sur un motif analogue 14 . L'avocat des demandeurs prétend tou- tefois que dans le premier de ces arrêts, l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, la Cour suprême a ouvert la porte à l'inclusion d'au- tres motifs. En examinant les jugements des juges McIntyre et Wilson, qui ont rédigé l'opinion des juges majoritaires, il me semble que même s'ils voulaient tous les deux éviter une limitation pré- maturée du sens du mot «discrimination», ils ont tous les deux considéré qu'il visait des distinctions fondées sur des «caractéristiques personnelles» d'un genre que des personnes physiques ne peuvent aisément changer. Ainsi que le juge McIntyre l'a déclaré:
J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avanta- ges offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont rarement 15 .
14 Andrews c. Law Society of British Columbia, [ 1989] 1 R.C.S. 143; Renvoi relatif à la Workers' Compensation Act, 1983 (T-N.), [1989] 1 R.C.S. 922; R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296.
15 Arrêt Andrews, ibid., aux p. 174 et 175.
Tous les juges de la Cour qui ont participé à cette décision ont souscrit à l'analyse du juge McIntyre.
On a fait valoir en l'espèce que les demandeurs étaient désavantagés en raison de leur apparte- nance à un «groupe», à savoir le groupe de compa- gnies qui n'ont pas droit à l'exemption du paie- ment du droit compensatoire américain. J'ai deux sérieuses réserves à formuler au sujet de cette prétention. Premièrement, je pense qu'on doit envi- sager avec scepticisme l'accusation de discrimina tion fondée sur le paragraphe 15(1) que porte une personne qui a été l'unique victime d'un traitement défavorable sur le simple fondement d'un acte ou d'une omission de cette personne. Deuxièmement, j'estime qu'on doit également considérer avec tout autant de scepticisme l'accusation de discrimina tion fondée sur l'appartenance à un groupe que porte une personne, alors que ce groupe n'avait pas été identifié en fait ou en droit avant l'acte discri- minatoire dont la personne se prétend victime. En d'autres termes, si le groupe est défini uniquement en fonction d'une caractéristique commune, à savoir que tous ses membres ont fait l'objet du même acte discriminatoire présumé, il ne serait pas normalement considéré comme le type de groupe évoqué par le juge McIntyre dans son jugement. Pour qu'une personne fasse l'objet d'un traitement défavorable en raison de son association à un groupe, il faut que ce groupe ait existé avant la perpétration de l'acte discriminatoire reproché.
En l'espèce, les demandeurs ont tous fait l'objet d'un traitement défavorable en raison du décret d'exemption du seul fait que, par leur propre faute ou pour une autre raison, ils n'avaient pas réussi à convaincre les autorités américaines qu'ils devaient être exemptés du paiement du droit compensatoire. Cette distinction défavorable, qui a été initiale- ment faite en vertu d'une loi américaine, a été reprise par le gouvernement du Canada lorsqu'il a pris le décret d'exemption. Ceux qui n'ont pas été exemptés en vertu de la loi canadienne ont été choisis en fonction de leur incapacité à convaincre les autorités américaines et c'est la détermination de ces compagnies individuelles qui est à l'origine du «groupe» en question. Je ne vois aucune raison d'étendre aux faits de l'espèce le concept de la discrimination qui a été énoncé dans le jugement du juge McIntyre et auquel tous les juges qui ont participé à l'arrêt Andrews ont souscrit.
Les demandeurs ont également cherché un appui dans le jugement distinct que le juge La Forest a prononcé dans cet arrêt afin d'amener éventuellement la Cour à conclure à l'existence d'actes discriminatoires inconstitutionnels fondés sur d'autres motifs que ceux qui sont énumérés au paragraphe 15 (1) et sur des motifs qui leur sont analogues. Le juge La Forest a déclaré:
... il se peut fort bien qu'une différenciation d'individus ou de groupes par une loi ou un gouvernement s'avère tellement injuste pour un individu ou un groupe et tellement dénuée de tout lien rationnel avec un objectif légitime de l'État qu'elle viole le principe de l'égalité devant la loi et dans la loi et justifie ainsi une intervention conformément à l'art. 15. Pour ces motifs, je pense qu'il est préférable à cette étape de l'évolution de la Charte de laisser la question en suspens ' 6 .
De nouveau, je suis incapable de considérer que les faits de l'espèce répondent à cette définition et qu'on puisse les qualifier de «tellement injuste[s]» ou de «dénué[s] de tout lien rationnel avec un objectif légitime de l'État». Je ne suis pas appelé à décider si le protocole d'entente signé entre le Canada et les Etats-Unis constituait la meilleure entente que le Canada pouvait obtenir dans l'inté- rêt de l'ensemble de l'industrie canadienne du bois d'oeuvre. Mais la preuve semble démontrer à l'évi- dence que le fait de limiter l'exemption aux vingt compagnies et à leurs sociétés affiliées qui avaient déjà obtenu une exemption des autorités américai- nes faisait partie intégrante de l'entente et en constituait une condition sine qua non. Il semble également que la raison pour laquelle les compa- gnies demanderesses n'avaient pas obtenu l'exemp- tion du paiement du droit compensatoire et qu'el- les n'avaient par conséquent pas obtenu l'exemption prévue par la loi canadienne tient au fait qu'elles n'avaient pas présenté dans les délais prescrits une demande en vue d'obtenir l'exemp- tion américaine ou parce qu'elles n'avaient pas réussi à convaincre les autorités américaines qu'el- les ne recevaient pas de subventions excessives. Je suis d'accord avec l'avocat des demandeurs pour dire que si les autorités américaines avaient fait entre les fabricants canadiens de bois d'oeuvre une distinction fondée sur la race, le sexe, ou un autre des motifs énumérés au paragraphe 15(1) ou un motif analogue, le législateur fédéral et le gouver- nement du Canada violeraient ce paragraphe s'ils reprenaient la même distinction dans la loi cana- dienne. Mais comme les autorités américaines ont
' 6 Ibid., à la p. 194.
rejeté certaines demandes parce qu'elles n'avaient pas été présentées dans les délais prescrits et d'au- tres pour des raisons économiques appliquées selon la loi américaine, je suis incapable de dire que l'adoption des mêmes distinctions par les autorités canadiennes est «tellement injuste» ou «dénuée de tout lien rationnel avec un objectif légitime de l'État». On peut à tout le moins prétendre que ceux qui ont produit leur demande tardivement à cause de leur ignorance des exigences américaines doi- vent porter au moins une partie de la responsabi- lité du retard de leur demande. Il se peut que le gouvernement du Canada aurait pu ou aurait prendre davantage de mesures pour les aviser au lieu de s'en remettre à l'avis donné par les gouver- nements provinciaux et de communiquer avec l'in- dustrie par l'intermédiaire du Conseil canadien des industries forestières. Mais on pourrait également prétendre que les entrepreneurs canadiens qui exportent aux États-Unis—lesquels constituent un marché qui, comme ils le disent eux-mêmes, est très important pour eux—devraient prendre certai- nes mesures pour s'assurer qu'ils sont au courant des règlements américains en matière d'importa- tion qui ont une incidence sur leurs produits. Ils imputent une grande partie du blâme au gouverne- ment du Canada à cause de son omission de les informer, mais il s'agissait au départ d'une ques tion d'ordre juridique qui concernait le gouverne- ment américain et les exportateurs canadiens en question, et non les deux gouvernements. Pour refuser de conclure que les faits de l'espèce relè- vent de la catégorie hypothétique des différencia- tions «tellement injustes» qu'a mentionnées le juge La Forest dans l'arrêt Andrews, je tiens compte d'un autre commentaire qu'il a formulé dans ce jugement immédiatement avant le passage qui est maintenant invoqué. Voici en quels termes il s'est exprimé:
... je suis convaincu qu'en adoptant l'art. 15 on n'a jamais voulu qu'il serve à assujettir systématiquement à l'examen judiciaire des choix législatifs disparates qui ne portent aucune- ment atteinte aux valeurs fondamentales d'une société libre et démocratique. À l'instar de mon collègue, je ne suis pas prêt à accepter que toutes les classifications législatives doivent être rationnellement défendables devant les tribunaux. Une bonne partie de la formulation des politiques en matière socio-écono- mique ne relève tout simplement pas de la compétence institu- tionnelle des tribunaux: leur rôle est d'assurer une protection contre les empiétements sur des valeurs fondamentales et non de vérifier des décisions de principe".
" Ibid.
En l'espèce, les demandeurs prétendent que le gouvernement du Canada n'aurait pas signer le protocole d'entente, qu'il aurait permettre aux demandeurs d'exercer les recours que la loi améri- caine pouvait leur ouvrir et qui leur auraient permis de faire annuler ou réduire le droit compen- satoire, ou que si le Canada devait signer le proto- cole d'entente, cette entente aurait exempter toutes les personnes morales demanderesses du paiement du droit à l'exportation qui devait rem- placer le droit compensatoire, ou qu'il aurait prévoir qu'aucune compagnie canadienne ne serait exemptée (rendant ainsi inutile un décret d'exemp- tion). En revanche, il ressort à l'évidence de cer- tains extraits de l'interrogatoire préalable des témoins de la défenderesse que les demandeurs ont déposé en preuve, ainsi que de l'exposé conjoint des faits, que le gouvernement du Canada a jugé pré- férable une entente dont les conséquences seraient certaines à l'incertitude que comportait la procé- dure relative au droit compensatoire qui était en instance à l'époque. Il a jugé préférable dans l'inté- rêt de l'ensemble de l'industrie canadienne de con- server au moins les vingt exemptions accordées par les E -U. et a estimé que l'entente aurait pour conséquence générale de conserver au Canada les recettes générées par la Loi sur le droit à l'expor- tation de produits de bois d'oeuvre (évaluées entre 400 et 600 millions de dollars par année) au lieu de laisser les autorités américaines percevoir des recettes semblables en vertu d'un droit compensa- toire imposé au même taux. Quel que soit le bien-fondé de chacun de ces points de vue, j'estime que leur révision par notre Cour implique, pour reprendre les termes employés par le juge La Forest, une vérification de décisions de principe qui ne relève pas de la «compétence institutionnelle des tribunaux».
Même si, dans leurs jugements, les juges Wilson et La Forest ont effectivement tous les deux laissé la possibilité d'ajouter des motifs de distinction illicites à ceux qui sont énumérés au paragraphe 15 (1) ou à ceux qui leur sont analogues, des décisions subséquentes de la Cour suprême rédi- gées par les mêmes juges ont; à mon avis, restreint cette possibilité de manières qui sont pertinentes à la présente affaire. Dans l'arrêt Andrews, le juge McIntyre a conclu que ceux qui n'ont pas la citoyenneté constituent une «minorité discrète et
isolée 18 » et qu'ils forment en conséquence un groupe qui fait l'objet d'une discrimination fondée sur des motifs analogues à ceux qui sont énumérés au paragraphe 15(1). Dans le même arrêt, le juge Wilson a analysé plus en détail ce concept, en invoquant les écrits de J. H. Ely [Democracy and Distrust, Cambridge, Mass.: Harvard Univ. Press, 1980] suivant lequel ces groupes ont besoin d'être protégés parce que les représentants élus n'ont pas d'intérêt direct à protéger des personnes qui n'ont pas le droit de vote. Elle a poursuivi en disant que la question de savoir si un groupe fait partie d'une catégorie analogue est une conclusion
... qui ne peut pas être tirée seulement dans le contexte de la loi qui est contestée mais plutôt en fonction de la place occupée par le groupe dans les contextes social, politique et juridique de notre société 19 .
Rédigeant l'opinion des juges majoritaires dans l'arrêt ultérieur Turpin, elle a énuméré certains signes de discrimination, dans le but de trouver des motifs analogues, notamment «[les] stéréotypes, [les] désavantages historiques ou [...] la vulnéra- bilité à des préjugés politiques ou sociaux ...» Elle a poursuivi en appliquant ces critères au «groupe» de personnes qui invoquait le paragraphe 15(1) dans cette affaire, à savoir des personnes accusées de meurtre à l'extérieur de l'Alberta, et elle a conclu qu'il ne possédait aucune des caractéristi- ques en question".
De la même manière, dans la présente affaire, je ne distingue aucune des caractéristiques en ques tion dans le «groupe» qui serait représenté par les demandeurs. Ils ne possèdent aucun des attributs des stéréotypes, des désavantages sociaux ou de l'isolement politique. En fait, ils se sont prévalus des mécanismes politiques canadiens, ayant engagé un représentant qui a comparu devant le comité parlementaire chargé d'étudier la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre et a rencontré le ministre du Commerce extérieur. En tant qu'employeurs de bon nombre d'électeurs canadiens, ils ne pouvaient tout simplement pas être ignorés par les représentants élus.
1 8 Ibid., à la p. 183, reprenant l'expression employée par la Cour suprême des États-Unis dans l'arrêt United States v. Carolene Products Co., 304 U.S. 144 (1938), aux p. 152 et 153.
19 Ibid., à la p. 152.
20 Supra, note 14, aux p. 1332 et 1333.
L'arrêt Renvoi relatif à la Workers' Compensa tion Act, 1983 (T.-N.) 21 de la Cour suprême est un autre exemple de l'application de l'arrêt Andrews à titre de restriction à la portée du paragraphe 15(1). Le juge La Forest, qui avait laissé entendre dans l'arrêt Andrews qu'il pouvait exister des dif- férenciations «tellement injustes» qui seraient quand même interdites par le paragraphe 15 (1) même si elles ne relevaient pas des motifs énumé- rés ou des motifs analogues, a néanmoins limité dans cet arrêt les formes de discrimination illicites à ces motifs. Le juge, qui rédigeait le jugement de la Cour, a rejeté la proposition que la limite impo sée aux personnes visées par la loi à l'indemnisa- tion accordée par cette loi à la place d'un droit d'action ne constituait pas un motif de distinction analogue à ceux qui sont énumérés au paragraphe 15(1). Il y a lieu d'observer que le «groupe» en question dans cette affaire était défini par le texte de loi même qui était contesté au motif qu'il était discriminatoire, et qu'il n'a pas été associé à un préjudice historique ou à un stéréotype ou à un isolement politique et social.
J'en viens donc à la conclusion que le type de distinctions que crée le décret d'exemption et dont les demandeurs se plaignent ne viole pas les garan- ties prévues par le paragraphe 15 (1) de la Charte.
Justification du décret d'exemption en vertu de l'article premier de la Charte
Compte tenu de ma conclusion qu'il n'y a pas violation des droits garantis par le paragraphe 15(1), il n'est pas nécessaire que j'examine cette question.
Ouverture et utilité des recours sollicités
Bien que pour la même raison il ne soit pas nécessaire que j'examine ces questions, je tiens à souligner que les recours soulèvent plusieurs diffi- cultés tels qu'ils sont formulés.
Les demandeurs sollicitent un jugement décla- rant inconstitutionnel le décret d'exemption. Même si cette réparation était accordée, cela n'empêcherait pas les demandeurs d'être assujettis au paiement du droit à l'exportation prévu par la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois
21 Supra, note 14.
d'oeuvre. Il en résulterait simplement que les vingt compagnies et les deux sociétés qui leur sont affi- liées qui bénéficient d'une exemption aux termes du décret d'exemption seraient assujetties au paie- ment du droit à l'exportation.
Cela rendrait à son tour irrecevable la demande d'ordonnance présentée par les personnes morales demanderesses en vue d'être «libérées de toute obligation ... de paiement à l'égard des droits à l'exportation impayés».
En ce qui concerne la demande de «dommages- intérêts spéciaux» équivalant aux droits à l'expor- tation déjà payés, elle serait également irrecevable (même si elle était régulièrement formée) si le décret d'exemption était simplement déclaré inconstitutionnel de sorte que tous les exportateurs de bois d'oeuvre aux États-Unis seraient assujettis au droit à l'exportation. Mais même si l'on avait plaidé avec succès que tout le système de percep tion du droit à l'exportation, y compris la Loi, était inconstitutionnel parce que discriminatoire, il serait ensuite nécessaire de demander de la manière appropriée le remboursement des droits payés conformément à ce système. Pour ce faire, il faudrait, selon moi, alléguer que les paiements avaient été faits sous la contrainte, entraînant l'enrichissement sans cause de la défenderesse 22 . Les éléments requis en question n'ont pas été plaidés ou prouvés en l'espèce.
Je refuse expressément de formuler des com- mentaires au sujet de la demande de dommages- intérêts généraux, même si j'ai déjà fait remarquer que les personnes physiques demanderesses n'ont pas droit à des dommages-intérêts relativement aux présumées pertes commerciales subies par les personnes morales demanderesses.
Dispositif
L'action est par conséquent rejetée avec dépens.
22 Voir, par ex. les arrêts Jacobs (George Porky) Enterprises Ltd. v. City of Regina, [1964] R.C.S. 326; Eadie v. Township of Brantford, [1967] R.C.S. 573 et Hydro Electric Commis sion of Nepean c. Ontario Hydro, [1982] 1 R.C.S. 347.
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